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649. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Ivan Tourguénef »

Il s’est affublé d’une défroque ridicule ; il va chercher le peuple dans ses tavernes, mais il ne sait ni lui parler, ni l’aimer. […] Il connaît tout le ridicule des plans forgés d’avance et sans cesse déroulés, toute la futilité des passions crues éternelles, la vanité des spéculations philosophiques, les vacillations des plus belles volontés.

650. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

C’est si bon pour la médiocrité de trouver des ridicules au génie. […] Le ridicule de Saint-Simon, pour nous autres révolutionnaires, ce sont ces questions d’étiquette dont l’esprit moderne ne comprend pas plus le sens que la portée… Et, en effet, l’étiquette comme le blason, ces deux langues mortes, qu’on ne parle plus, n’en furent pas moins deux langues superbes… L’étiquette et le blason, méprisés maintenant par les polissons de notre âge, symbolisaient des choses sur lesquelles a vécu des siècles la plus ancienne des monarchies connues, et Saint-Simon est le dernier historien de cette monarchie, dont son grand esprit pressentait la ruine prochaine, et qu’il défend avec le courage et l’acharnement de l’épouvante, car il savait qu’il ne la sauverait pas !

651. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « APPENDICE. — M. DE VIGNY, page 67. » pp. -542

Il n’est pas jusqu’à l’abbé de Gondi qui ne quitte trop souvent sa soutane pour se battre en duel, aller à la brèche, au bal, ou se déguiser en menuisier ; et l’on souffre en voyant le sensé De Thou si enfoncé dans l’étude qu’au moment de la conspiration il ignore tout ce qui s’est passé en politique depuis trois mois, et qui pourtant se pique d’être au fait par amour-propre : ce ridicule est digne du Dominus de Guy-Mannering.

652. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre V »

« Croyez bien, dit encore Trousseau, que ces nomenclatures, dont le ridicule n’est pas le moindre défaut, ne valent guère la peine qu’on en salisse sa mémoire, et que jamais des médecins sérieux ne daigneront s’en servir, autant par respect pour la philologie que dans l’intérêt véritable du progrès de notre art. » 94 Flaubert a judicieusement évité ce défaut.

653. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VI. De l’emploi des figures et de la condition qui les rend légitimes : la nécessité »

Pourquoi est-il ridicule d’appeler un fauteuil la commodité de la conversation, et un miroir le conseiller des grâces ?

654. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre X. Zola embêté par les jeunes » pp. 136-144

Zola contre qui seul, au vrai, va votre diatribe, mon cher ami, et dont en réponse il n’est peut-être pas si ridicule que je tente l’éloge, puisqu’aussi bien sa louange ne fut dite que par des camarades ou des disciples, insuffisamment convaincus de désintéressement à son endroit.

655. (1890) L’avenir de la science « VII »

C’est rabaisser la science que de la tirer du grand milieu de l’humanité pour en faire une vanité de cour ou de salon ; car le jour n’est pas loin où tout ce qui n’est pas sérieux et vrai sera ridicule.

656. (1890) L’avenir de la science « XX »

Les riches ont généralement des goûts grossiers et attachent l’idée de bon ton à des choses ridicules ou de pure convention.

657. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 39-51

Les Philosophes, dont il a été l’Eleve, l’Explorateur & le Héraut, se sont efforcés d’en faire un Grand Homme, & leurs efforts n’ont abouti qu’à le rendre ridicule : ses Adversaires, indisposés sans doute par le ton de suffisance, qui se manifeste dans ses moindres Ecrits, en ont fait un Nain, un Pygmée, un Lilliputien, & il faut convenir qu’ils l’ont un peu trop raccourci.

658. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 372-383

Si vous les trouvez frivoles, médisans, & ridicules, supportez-les, mais sans vous y attacher ; & ne vous attirez pas leur haine en les humiliant, en leur faisant sentir trop de supériorité.

659. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean de Meun, et les femmes de la cour de Philippe-le-Bel. » pp. 95-104

Pour quelques accidens fâcheux, réellement arrivés à des gens de lettres, & qui ne tirent pas à conséquence pour le général, l’imbécille malignité a imaginé mille aventures à peu près du même genre, plus ridicules les unes que les autres.

660. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — Les inscriptions des monumens publics de France doivent-elles être écrites en Latin ou en François. » pp. 98-109

M. de Voltaire lui a fait voir combien cette invective est fausse, ridicule & déplacée.

661. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre VI. Conclusions » pp. 232-240

Tout le monde sent qu’il y aurait un parfait ridicule à venir dire aux gens : Voilà un livre que je vous offre : vous pouvez le lire et non le juger.

662. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre II. Des Orateurs. — Les Pères de l’Église. »

Quand on nomme un saint aujourd’hui, on se figure quelque moine grossier et fanatique, livré, par imbécillité ou par caractère, à une superstition ridicule.

663. (1767) Salon de 1767 « De la manière » pp. 336-339

Elle a je ne sais quoi d’original qui séduit les enfants, qui frappe la multitude, et qui corrompt quelquefois toute une nation ; mais elle est plus insupportable à l’homme de goût que la laideur ; car la laideur est naturelle, et n’annonce par elle-même aucune prétention, aucun ridicule, aucun travers d’esprit.

664. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 33, de la poësie du stile dans laquelle les mots sont regardez en tant que les signes de nos idées, que c’est la poësie du stile qui fait la destinée des poëmes » pp. 275-287

Un homme sans genie tombe bientôt dans la froideur qui naît des figures qui manquent de justesse, et qui ne peignent point nettement leur objet, ou dans le ridicule qui naît des figures lesquelles ne sont point convenables au sujet.

665. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre IV. Personnages des fables. »

Généralement ces bonnes farces se terminent tragiquement pour la bête couarde féroce et stupide qui en est l’objet, mais la bassesse de son caractère nous l’a rendue, par avance, si antipathique et ridicule qu’on applaudit de tout cœur à la victoire du kékouma (le rusé compère).

666. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « III »

On nous raille pourtant : « Mais, dit-on, comme il faut déjà du goût pour discerner le talent, me voilà enfermé dans une piste de cirque. » Objection très ridicule.

667. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la liberté de l’enseignement »

Un évêque a là-dessus un avis formel : c’est son affaire ; mais, Sénat, gardez-vous de l’imiter et, sous peine de ridicule, n’allons pas décréter la doctrine vitaliste en médecine au préjudice de la méthode expérimentale. […] Prenons bien garde, messieurs, de retomber nous-mêmes dans ce que nous trouvons de blâmable ou de ridicule quand nous lisons l’histoire du passé. […] Qu’est-ce qui nous paraît plus suranné, plus ridicule que les disputes du jansénisme et du molinisme ?

668. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre II. Le public en France. »

Un homme ayant dit de mon temps : Je crois cela comme article de foi, tout le monde se mit à rire… Il y a un comité pour considérer l’état de la religion, mais cela est regardé comme ridicule. » Cinquante ans plus tard, l’esprit public s’est retourné ; « tous ceux qui ont sur leur tête un bon toit et sur leur dos un bon habit492 » ont vu la portée des nouvelles doctrines. […] » — Autre mot non moins significatif, celui d’énergie qui, jadis ridicule, devient à la mode et se place à tout propos528 — Avec le langage, les sentiments sont changés, et les plus grandes dames passent à l’opposition. […] Riants frondeurs des modes anciennes, de l’orgueil féodal de nos pères et de leurs graves étiquettes, tout ce qui était antique nous paraissait gênant et ridicule.

669. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

Il ne versa jamais sur le seuil de leur exil l’amertume ou le dénigrement, qui ouvre le sanctuaire de l’infortune, comme cette fidélité d’ostentation qui montre du doigt aux ennemis du dehors les faiblesses ou les ridicules de l’intérieur des rois. […] Je remarquai, avant tout, ses vêtements d’homme asiatiques, dont l’adoption, l’avouerai-je, ne me parut pas ridicule ; bientôt même mes yeux et mon esprit s’y habituèrent au point d’oublier le sexe de mon hôte, et ce n’était pas l’habit seul qui prêtait à l’illusion. […] « Ils s’en vengent par des publications de leurs voyages, où chacun d’eux me fait figurer à sa guise, et toujours pour m’accabler de ridicule.

670. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIe entretien. Biographie de Voltaire »

Cette résolution de Voltaire, d’éviter à tout prix la persécution et le martyre par des professions de foi prononcées avec le rire de la dérision sur les lèvres, donne à sa physionomie historique une expression de sarcasme, moitié défi, moitié feinte, qui ajoute le ridicule à l’incrédulité, mais qui diminue la dignité et la grandeur du philosophe. […] La cour, le parlement, la noblesse, le paysan, la bourgeoisie, le clergé inférieur lui-même étaient les complices secrets de Voltaire dans cette réforme des idées et des institutions religieuses qu’il avait le premier provoqué par le ridicule ; ensuite son scepticisme flattait les impies, tandis que son théisme édifiait les sages et que son esprit déridait tout son siècle. […] Rousseau, de Mirabeau dans leurs lettres ou dans leurs controverses, mais un polémiste incomparable par le don du rire comique ou du rire amer jeté comme le sel de la raison sur les ridicules des hommes ou sur les erreurs de l’humanité, le plus grand dériseur de l’esprit humain qui ait jamais vécu !

671. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Lettres de m. l’Abbé Sabatier de Castres ; relatives aux trois siecles de la littérature françoise.ABCD » pp. -641

Donnez-vous la peine de lire vous-même l'article où vous vous croyez blessé : vous verrez, Monsieur, que le ridicule répandu sur le Chevalier de S. […] Personne n'a mieux manié l'arme du ridicule, & vous savez que c'est la plus efficace contre les erreurs. […] J’avouerai cependant que j’étois loin de prévoir la maniere basse & ridicule dont ils m’ont marqué leur ressentiment.

672. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

Renée Mauperin n’est pas un type observé par un moraliste qui peint austèrement un vice ou un ridicule social. […] — qui fait son train ridicule dans ce ridicule moment littéraire, et voilà pourquoi j’ai pesé sur ce que je n’aurais fait qu’effleurer dans un autre temps.

673. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

Tous les mots du personnage sont choisis et pesés pour être odieux ou ridicules. […] Il lui prête des gestes ridicules, des phrases pompeuses, une hypocrisie transparente, grossière et bruyante. […] Quant à l’amour des hommes pour les femmes, si on le juge d’après les peintures de l’auteur, on ne peut éprouver pour lui que de la compassion, et voir en lui que du ridicule. […] Que l’amour et la bonté soient aveugles, instinctifs, déraisonnables, ridicules, peu lui importe ; tels qu’ils sont, il les adore, et il n’y a pas de plus singulier contraste que celui de ses héros et de son admiration. […] Il ne combine leurs actions que pour leur donner du ridicule, de l’odieux ou des désappointements.

674. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

La malignité secrète des hommes, et leur envie excitée par les avantages d’autrui, leur font goûter une certaine joie à saisir et à dénoncer les ridicules. […] Les choses qui paraissent grandes sous quelque face ont toujours un côté ridicule, qu’il est bon d’apercevoir pour ne pas s’en laisser éblouir. […] Les chœurs parlés seraient impraticables ou ridicules : ils ont cédé leur rôle superflu aux confidents que nous y avons sagement substitués. […] Tout cela me semble ridicule et affecté. […] Un monument curieux nous en reste : c’est la critique imprimée de ses œuvres, par ce Pradon, de ridicule mémoire, non moins érudit que l’abbé Cotin.

675. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Vous avez raison ; car il y a un grand attrait dans les actions ridicules. […] Eh bien, je vais vous montrer des hommes qui feront des actes ridicules. […] Pour cela je m’engage à ne donner des ridicules qu’à ceux de mes personnages qui n’auront aucune beauté morale, et à ne donner aucun ridicule à ceux qui auront une beauté morale plus ou moins grande. […] Et il pourra m’arriver, parce que je suis très entêté de vérité, de peindre un honnête homme un peu ridicule (Alceste). […] Elle doit lui rendre cet hommage de ne peindre comme ridicules que des hommes bas.

676. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

et sent très bien qu’il lui serait parfaitement ridicule d’être amoureux ouvertement et qu’il doit plutôt « rentrer ça », comme dit le bon peuple. […] Ils vont d’autant plus, j’entends dans leurs imprécations, que, sourdement, ils se sentent plus ridicules. […] Mayer a réussi à n’être pas personnellement ridicule dans le rôle du mari. […] Il résiste, et il est un peu ridicule, comme tout homme qui résiste faiblement à une femme ; car celui qui résiste avec énergie et hauteur n’est pas ridicule. […] Nous sommes ridicules.

677. (1914) Une année de critique

C’était ce petit homme propret et un peu ridicule qui m’allait introduire à la métaphysique ! […] Aussi ne se doute-t-il pas un instant que toute la seconde moitié de son roman ne se tient pas et qu’elle n’échappe à l’abjection que par le ridicule. […] Nous avons assisté à un heureux renversement des termes, et le ridicule s’attache aujourd’hui aux opinions dépravées : c’est l’anormal que nous estimons banal. […] Et doutez-vous que, s’ils consentent à fréquenter les précieux ridicules, ce soit pour nous les décrire avec leurs tares et nous éloigner d’eux ? […] Marcel Boulenger nous présente deux snobs d’aujourd’hui et leur indique le moyen d’être plus complètement ridicules encore et un peu odieux.

678. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

Tilly parle d’ailleurs de lui avec aversion, sans rendre justice à son esprit et en ne voyant que les ridicules. L’ouvrage que M. de Meilhan publia à Hambourg en 1795, intitulé Du gouvernement, des mœurs et des conditions en France avant la Révolution, avec le caractère des principaux personnages du règne de Louis XVI, est d’un homme en qui les ridicules cessent dès qu’il tient la plume et qui mérite toute attention par la modération et les lumières.

679. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

(Franc-Maçonnerie) d’une manière cocasse et ridicule que je me suis reprochée depuis. […] [NdA] Ainsi encore, il a lu dans un Discours sur les ordres sacrés, de Godeau, évêque de Vence, que la première division des temples, celle qui contenait l’autel, s’appelait βῆμα : « Ce nom Béma, dit-il aussitôt, sonne trop bien à mon oreille par ses rapports avec mon chérissime Boehm, pour que je ne m’expose pas au ridicule d’en faire la remarque. » Si ce n’est qu’une rencontre fortuite et une assonance qu’il prend plaisir à noter à la façon des poètes et rimeurs, il n’y a rien à dire, mais je crains qu’il n’y ait vu des sens profonds.

680. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Il nous apprend qu’on lui faisait l’honneur de dire de lui « que comme don Quichotte avait eu la tête tournée par la lecture des romans, il lui était arrivé la même chose par celle de Plutarque. » Il n’est que bizarre, et il montre plus de bonhomie que de tact et de goût (de ce goût qu’avait si fort son ami Voltaire, et qui est avant tout sensible au ridicule), lorsqu’il écrit de lui-même à la date de juin 1743, environ un an avant de devenir ministre : Je me sens doux et sévère, je tiens beaucoup de Paméla et de Marcus Porcius Caton. […] On n’ose plus parler en bonne compagnie, car les faiseurs de bons contes vous traduisent en ridicule.

681. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La femme au XVIIIe siècle, par MM. Edmond et Jules de Goncourt. » pp. 2-30

Elle a beaucoup d’esprit et de gaieté ; elle est constante dans ses engagements, fidèle à ses amis, vraie, discrète, serviable, généreuse ; enfin, si elle était moins clairvoyante, ou si les hommes étaient moins ridicules, ils la trouveraient parfaite. » Ce qu’elle avait dit alors un peu par politesse et flatterie de société, elle fut obligée à la fin de le reconnaître exact et vrai dans la maréchale vieillie. […] et de longs soupirs ridicules, mais celle que les délicats, les voluptueux, les prince de Ligne, les Saint-Évremont de tous les temps, ceux qui y ont vécu ou qui étaient dignes d’y vivre ont goûtée, ont décrite, ont vainement essayé de retrouver après l’avoir perdue, j’aurais voulu, moi aussi, te traverser et te connaître, mais non pas me renfermer en toi et y mourir !

682. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. »

le crayon de Gavarni est innocent, il est pur et innocent de toute attaque et injure personnelle ; cet homme, si habile à saisir le ridicule, ne fit jamais de caricature Contre personne. […] Sans doute Gavarni ne fait pas fi de la morale, et lui-même ne serait pas fâché qu’on mît à son œuvre, entre autres épigraphes, celle-ci : « Jamais l’honnêteté ne lui a paru méprisable ni grotesque. » Il s’est moqué des maris fats ou benêts et ridicules : il ne les a pas systématiquement sacrifiés.

683. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

Un grand critique à ses heures perdues, Napoléon, assistant, sous le Consulat, à une représentation du Cid et s’apercevant qu’on avait supprimé le rôle de l’infante, en demanda le motif ; et comme on lui répondit que le rôle avait été jugé inutile et ridicule ; « Tout au contraire, s’écria-t-il, ce rôle est fort bien imaginé. […] Corneille n’a pas et n’aura jamais ce sentiment du ridicule qui s’attache à certains de ses personnages nobles.

684. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. J. J. AMPÈRE. » pp. 358-386

Ampère a très-bien rapproché les louanges sans mesure prodiguées par Ausone aux vers de saint Paulin, et les ridicules compliments que Balzac adresse au Père Josset : « Oserai-je, écrivait Balzac, hasarder une pensée qui vient de me tomber dans l’esprit ? […] Ampère a rappelé la Chine à propos d’Ausone et de ses périphrases : « Il existe entre les lettrés, a-t-il dit, surtout quand ils écrivent en vers, une langue convenue comme celle des précieuses, et dans laquelle rien ne s’appelle par son nom. » Le Père Garasse sent si bien qu’il est sujet à cette espèce de chinoiserie de style, qu’en tête de sa Somme thèologique, voulant être grave, il avertit qu’il tâchera d’écrire nettement et sans déguisement de métaphores ; ce qui n’est pas chose aisée, ajoute-t-il, « car il en est des métaphores comme des femmes, c’est un mal nécessaire. » Le Père Lemoyne de la Dévotion aisée n’est pas moins ridicule (et dans le même sens) que le plus mauvais des rimeurs allégoriques du ive  siècle.

685. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

On n’y oublierait pas surtout Dagobert, le bon Dagobert, qui a laissé une réputation débonnaire et assez ridicule, et qui fut peut-être un grand roi, énergique, le quasi-Charlemagne de sa race, mort à la fleur de l’âge et dans la vigueur de ses hauts projets4. […] Cependant, si les vices qui ont déshonoré la Grèce s’y retrouvent dans toute leur laideur, ils ne s’y montrent plus dans leur audace ; ils ne sont plus attribués qu’à des êtres difformes ou ridicules, placés par l’esprit, le cœur et le sang, au dernier degré de l’échelle sociale.

686. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Madame de Krüdner et ce qu’en aurait dit Saint-Évremond. Vie de madame de Krüdner, par M. Charles Eynard »

Eynard traite bien durement le spirituel comte Alexandre de Tilly, « un homme que ses ridicules Mémoires, dit-il, ont livré au mépris des uns et à la pitié des autres. » On a assez le droit d’être sévère pour le comte de Tilly, sans qu’il soit besoin d’en venir à ces extrémités de dédain qui passent la justice ; d’autres diraient, qui blessent la charité. […] Les jolis Mémoires qu’a laissés Tilly peuvent bien ne pas être très-édifiants, ils ne sont certainement pas ridicules.

687. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Ici l’on verra le prêtre seul, dans une posture ridicule, où l’a mis sa gourmandise quand il a voulu manger les mitres ; là le prêtre, avec le vilain ou avec le chevalier, toujours dupé ou volé, perdant sa vache ou son mouton. […] Il n’y a point de femme, une entre mille peut-être, qui résiste à l’argent, à l’adresse ou à l’occasion : qui se lie à la femme est un niais ; qui en est dupé est ridicule ; qui la dupe est fort.

688. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Ce qu’il aime, ce sont les demi-teintes, les demi-sentiments, les affections simples et domestiques, les inclinations paisibles ou contenues, où entre autant de connaissance que de passion ; ou bien les caractères renfermés et compliqués, parfois les âmes égoïstes et médiocres : des amours de vieillards319, profonds, discrets, point du tout ridicules ; des amitiés de frères320, confiantes et fortes, contre qui l’ambition même et l’amour ne prévalent pas ; des affections de cour, composées d’intérêt ou d’amour-propre, mais aussi de goût sérieux et sincère321 chez d’honnêtes gens qui ont de la raison et de l’expérience ; des intrigues de ministres ambitieux, de courtisans retors, de fonctionnaires égoïstes, toute la mécanique des cours et des cabinets de princes322. […] Tristan325, dans une Mort de Sénèque (1644) et dans un Osman (impr. 1656), a tiré des effets tout à fait saisissants et pour ainsi dire romantiques, de la juxtaposition, même de la fusion d’une familiarité pittoresque avec l’atrocité tragique : il a l’imagination exubérante et déréglée, outrant la force et tombant parfois dans le ridicule et le puéril.

689. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

Il fit pleuvoir sur la tête de l’honnête Pompignan une grêle de facéties, il l’inonda de ridicule : le crime du pauvre homme était de ne pas aimer la philosophie que Voltaire aimait. […] Une autre fois553, le pauvre chevalier de Chastellux se voyait élevé au-dessus de Montesquieu ; il fallait que Condorcet agacé avertit charitablement Voltaire du ridicule de cette comparaison, et qu’il y avait des réputations auxquelles on ne pouvait toucher.

690. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre II »

Que lui faut-il pour éviter le ridicule d’un mariage posthume ? […] Et l’artiste dévore ces injures qui feraient bondir un laquais, et il baisse la tête sous la savonnette à vilain que le baron lui tend d’une main dédaigneuse, et il renie le nom de son père, et il brocante, à prix d’or, le nom et la paternité ridicule de cet aigrefin blasonné.

691. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Huet naquit à Caen, en 1630, d’un père déjà vieillard, qui lui communiqua peut-être de ce tempérament rassis et de cette égalité d’âme qui le distingua dans toute sa longue vie ; d’une mère jeune, spirituelle, « d’une humeur charmante, d’un entretien enjoué, d’un esprit délicat et pénétrant, qui savait remarquer finement le ridicule des choses et des personnes ». Dans un portrait de Huet, écrit par Mme l’abbesse de Caen, je rencontre le même trait qui est attribué à notre savant et qu’il dut tenir de sa mère : « Vous trouvez fort bien, lui dit-on, le ridicule des choses, et en cela seulement vous avez assez l’esprit de votre pays. » Le père de Huet avait été calviniste, mais s’était converti avec sincérité et même avec zèle.

692. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Son père se défiait d’elle et de sa raison : « Cette chevalerie serait bien ridicule, disait-il le jour où elle partit, si le bon sens de Mmes de Fiesque et de Frontenac ne la soutenait. » C’étaient les deux dames qui accompagnaient Mademoiselle, et qu’on appela, moitié courtoisie et moitié raillerie, ses maréchales de camp. […] Il était dit qu’un peu de ridicule se mêlerait à tout ce qui serait de Mademoiselle, même à l’article des funérailles.

693. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Correspondance entre Mirabeau et le comte de La Marck (1789-1791), recueillie, mise en ordre et publiée par M. Ad. de Bacourt, ancien ambassadeur. » pp. 97-120

Je ne ferai que peu de remarques sur ce premier effet que Mirabeau produisit sur les convives, et qui nous est si visiblement rendu ; je ne me permettrai que d’expliquer et de commenter deux ou trois traits, ainsi que l’expression de ridicule qui échappe quelques lignes plus bas, et qui est appliquée à l’extérieur de Mirabeau. Après le dîner, continue le narrateur, M. de Meilhan ayant amené la conversation sur la politique et l’administration, tout ce qui avait pu frapper d’abord comme ridicule dans l’extérieur de Mirabeau disparut à l’instant : on ne remarqua plus que l’abondance et la justesse des idées.

694. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

Écoutons encore Rhymer : « Othello est une farce sanglante et sans sel. » Jonhson ajoute : « Jules César, tragédie froide et peu faite pour émouvoir. » « J’estime, dit Warburton dans sa lettre au doyen de Saint-Asaph, que Swift a bien plus d’esprit que Shakespeare et que le comique de Shakespeare, tout à fait bas, est bien inférieur au comique de Shadwell. » Quant aux sorcières de Macbeth, « rien n’égale, dit ce critique du dix-septième siècle, Forbes, répété par un critique du dix-neuvième, le ridicule d’un pareil spectacle. » Samuel Foote, l’auteur du Jeune Hypocrite, fait cette déclaration : « Le comique de Shakespeare est trop gros et ne fait pas rire. […] le chêne serait-il un précieux ridicule ?

695. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

Au contraire l’habillement des orientaux, des asiatiques, des grecs, des romains dévelope le talent du peintre habile et augmente celui du peintre médiocre. à la place de cette figure de tartare qui est à la droite dans le tableau de la bonne aventure, et qui est si richement, si noblement vêtue, imaginez un de nos cent-suisses, et vous sentirez tout le plat, tout le ridicule de ce dernier personnage. […] Le ridicule ne vient donc pas du vice de costume, il est le même de part et d’autre.

696. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Philarète Chasles » pp. 147-177

Il pouvait, sans en prendre le ridicule pour lui, laisser filer la vieille bourde légendaire, dont la circulation peut aller encore. […] Il a des aperçus qui rappellent l’ancien Chasles, le gaillard éblouissant qui pensait plus à plaire et à sourire qu’à pleurer ; qui se jouait des ridicules des hommes plus qu’il ne les moralisait.

697. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

Toutes les pauvretés de l’esprit, tous les ridicules, toutes les manies de l’intelligence, tous les vices du cœur se lisent et se font voir clairement sur ces visages animalisés ; et en même temps, tout est dessiné et accentué largement. […] Le cadavre vivant et affamé , le cadavre gras et repu, les misères ridicules du ménage, toutes les sottises, tous les orgueils, tous les enthousiasmes, tous les désespoirs du bourgeois, rien n’y manque.

698. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — I »

Il en est résulté des impressions fâcheuses contre l’auteur ; le ridicule s’est tourné de ce côté pour se venger d’un poète trop dédaigneux de la faveur populaire ; et, laissant les nobles parties dans l’ombre, on a fait de son talent, aux yeux de bien des gens, une sorte de monstre hideux et grotesque, assez semblable à l’un des nains de ses romans.

699. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre I. La poésie »

La Motte ne peut assez s’étonner « du ridicule des hommes qui ont inventé un art exprès pour se mettre hors d’état d’exprimer exactement ce qu’ils voudraient dire ».

700. (1897) La crise littéraire et le naturisme (article de La Plume) pp. 206-208

Il serait donc ridicule de vouloir tenter a priori une révolution dans la forme littéraire.

701. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre IV Le Bovarysme des collectivités : sa forme imitative »

I La Révolution française, à n’en considérer que le décor, n’a pas laissé que de montrer parfois le ridicule qui s’attache à un essai d’imitation impuissant à se réaliser et voué à la parodie.

702. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bayle, et Jurieu. » pp. 349-361

Jurieu, en qualité de théologien, dénonça Bayle comme un impie. » Cette anecdote rapportée par M. l’abbé d’Olivet d’après M. de Beringhen, élève de Bayle, est traitée de conte ridicule par une personne dont le père, servant en Hollande en 1 700, avoit eu souvent occasion de voir Bayle.

703. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XV. Des ouvrages sur les différentes parties de la Philosophie. » pp. 333-345

., sont rédigées avec beaucoup d’intelligence & écrites avec goût, sans cette affectation d’ornemens qui est ridicule dans un livre instructif.

704. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Satire contre le luxe, à la manière de Perse » pp. 122-126

… peut-être. ô Cérès, les peintres, les poëtes, les statuaires, les tapisseries, les porcelaines, et ces magots même, goût ridicule, peuvent s’élever d’entre tes épis.

705. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 14, de la danse ou de la saltation théatrale. Comment l’acteur qui faisoit les gestes pouvoit s’accorder avec l’acteur qui récitoit, de la danse des choeurs » pp. 234-247

Nous nous figurons d’abord les choeurs immobiles de l’opera, composez de sujets dont la plûpart ne sçavent point même marcher, rendre ridicules par une action gauche les scénes les plus touchantes.

706. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Pour se faire pardonner d’emprunter aux sots tous ces ridicules, qui rendent un homme insupportable, il ne faut pas moins que tout le talent et tout l’esprit de cet écrivain. […] Eugène Sue a, comme beaucoup de gens d’esprit, des travers et peut-être même des ridicules ; ainsi, son valet ne lui présente ses lettres que sur un plat d’argent. […] Il fait des vers ridicules et menace d’en publier un volume sous le titre de : Les Goélands. […] Ils arrivent à Paris et parlent Belges et Belgique ; écrivent, grattent du papier, et datent de notre pays leurs inspirations ridicules. […] si je voulais trouver des côtés plaisants, même ridicules à Paris et aux Parisiens, je pourrais aussi peut-être écrire un tour de France, tout Van Engelgom que je suis, ce qui en Belgique ne veut même pas dire Gautier.

707. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Cette fois, le vice l’emportait sur le ridicule, le vice était poussé jusqu’à l’horrible. […] dans des œuvres si compliquées, pour déplacer ainsi l’action et le drame, et pour faire reposer l’intérêt, non pas sur le héros principal, mais sur quelque subalterne tout boursouflé de ridicule et de bon sens ! […] — La lumière purpurine qu’Hébé de son urne verse sur la froide terre, m’est revenue dès que je t’ai aimée. » Et comme ce malheureux Bragelone se trouve fort ridicule de parler ainsi, il ajoute : « C’est l’amour qui m’a d’abord enseigné les mots dorés sous l’effigie desquels les cœurs honnêtes frappent, eux aussi, leur métal massif. » Je ne sais pas si c’est là du métal massif, c’est de la lourde poésie à coup sûr. […] « On a couvert, ajoute Bossuet, autant qu’on a pu cette résolution d’un grand ridicule. » (16 janvier 1671). Rions donc, et que madame de Montespan soit contente, avant peu cette repentie et cette repentante ira, en effet, en dépit de ce grand ridicule, au couvent des Carmélites, et toute la cour sera édifiée et étonnée de sa tranquillité et de sa joie !

708. (1900) La culture des idées

Il y eut des tentatives d’explication au moyen du préraphaélisme ; elles ne furent pas décisives ; elles furent même un peu ridicules, tant l’ignorance était de tous côtés profonde et invulnérable. […] Il y a au Louvre, dans une collection ridicule, par hasard une merveille, une Andromède, ivoire de Cellini. […]  » Les ponts d’aujourd’hui s’ornent de telles figures, mais ridicules, même si elles étaient très belles, parce qu’elles n’ont plus de signification. […] Si on n’en revient pas là après quelques figures, on n’a fait qu’une excursion ridicule dans la mauvaise littérature70. […] Mais l’impertinence diplomatique n’est pas un joujou que puissent manier sans danger ou sans ridicule les humbles hommes d’État, les contremaîtres d’usine, qui ont usurpé en France le rôle de pasteurs de peuples.

709. (1893) Alfred de Musset

Leur dire ces choses, c’est trahir le secret de nos rêves et de nos passions, c’est avouer combien nous étions romanesques et sentimentaux, et nous couvrir de ridicule aux yeux de nos fils, qui le sont si peu. […] D’autre part, c’est un poème « où se presse du ridicule à en fournir à une école littéraire tout entière ». […] Il semble qu’en remettant le pied dans cette ville gouailleuse, il ait eu un vague soupçon que le « lien idéal » dont tous trois étaient si fiers pourrait bien être une erreur, et une erreur ridicule. […] L’intérêt de sa maison exige qu’elle épouse un sot ridicule. […] L’essor pris soudain par Musset lui paraît ridicule autant que fâcheux, et il en parle avec aigreur.

710. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

Les orientalistes se rendent souvent ridicules en attribuant une valeur absolue aux littératures qu’ils cultivent. […] D’un autre côté, les esprits superficiels se pâment en voyant des hommes sérieux s’amuser à traduire et commenter des livres informes qui, à nos yeux, ne seraient qu’absurdes et ridicules. […] Voltaire avait raison, à son point de vue, de se moquer d’Ézéchiel 104 comme Perrault et quelques critiques d’Alexandrie avaient raison de déclarer Homère ridicule, et quand Mme Dacier et Boileau veulent défendre Homère, sans sortir de cette étrange manière d’envisager l’antiquité, ils ont tort.

711. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre V. Des orateurs anciens et Modernes. » pp. 223-293

Il la purgea de cette érudition profane, de ces ridicules plaisanteries qu’on y croyoit auparavant nécessaires pour attirer l’attention des auditeurs. […] La Philosophie en rendant l’esprit plus juste, & en bannissant le ridicule d’une parure recherchée, a rendu plus d’une province l’émule de la Capitale. […] La nécessité de parler, l’embarras de n’avoir rien à dire & l’envie d’avoir de l’esprit, sont trois choses capables de rendre ridicule même le plus grand nombre.

712. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Est-ce que ce n’est pas un peu ridicule ? […] Le point de départ d’Aristote, c’est le désir de tourner Platon en ridicule. […] Elle sera toujours ridicule. […] Wladimir Karénine est simplement ridicule. […] Je crois bien que ce n’est pas absolument vrai ; j’inclinerais à penser qu’on se moque bien et des ridicules qu’on a un peu, oui, et, à l’autre extrémité, des ridicules que l’on n’a point du tout, qui sont, comme on disait autrefois, l’antipathie même de votre nature ; mais il reste qu’on se moque plus intimement en quelque sorte, avec une sûreté plus minutieuse, des ridicules dont on est un peu touché soi-même.

713. (1885) L’Art romantique

Il possède l’art si difficile (les esprits raffinés me comprendront) d’être sincère sans ridicule. […] Fétis ne sont guère qu’une diatribe affligeante ; mais l’exaspération du vieux dilettantiste servait seulement à prouver l’importance des œuvres qu’il vouait à l’anathème et au ridicule. […] Tout cela est d’autant plus ridicule, que généralement les maîtresses des poëtes sont d’assez vilaines gaupes, dont les moins mauvaises sont celles qui font la soupe et ne payent pas un autre amant. […] Viollet-le-Duc soit un architecte ridicule. […] Il n’en résulte la plupart du temps qu’un fastidieux ridicule.

714. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

Blessé par les travers et par les vices, Dickens se venge par le ridicule. […] Chacun de vos personnages sera un vice, une vertu, un ridicule incarné, et la passion que vous lui prêterez sera si fréquente, si invariable, si absorbante, qu’il ne ressemblera plus à un homme vivant, mais à une abstraction habillée en homme. […] Il y préfère l’instinct au raisonnement, l’intuition du cœur à la science positive ; il attaque l’éducation fondée sur la statistique, sur les chiffres et sur les faits ; il comble de malheurs et de ridicules l’esprit positif et mercantile ; il combat l’orgueil, la dureté, l’égoïsme du négociant et du noble ; il maudit les villes de manufactures, de fumée et de boue, qui emprisonnent le corps dans une atmosphère artificielle et l’esprit dans une vie factice. […] Il abonde dans un pays d’aristocratie, et personne n’a raillé plus durement une aristocratie que Dickens ; tous ses portraits sont des sarcasmes : c’est celui de James Harthouse, dandy dégoûté de tout, principalement de lui-même, et ayant parfaitement raison ; c’est celui de sir Frederick, pauvre sot dupé, abruti par le vin, dont l’esprit consiste à regarder fixement les gens en mangeant le bout de sa canne ; c’est celui de lord Feenix, sorte de mécanique à phrases parlementaires, détraquée, et à peine capable d’achever les périodes ridicules où il a soin de toujours tomber ; c’est celui de mistress Skewton, hideuse vieille ruinée, coquette jusqu’à la mort, demandant pour son lit d’agonie des rideaux roses, et promenant sa fille dans tous les salons de l’Angleterre, pour la vendre à quelque mari vaniteux ; c’est celui de sir John Chester, scélérat de bonne compagnie, qui, de peur de se compromettre, refuse de sauver son fils naturel et refuse avec toutes sortes de grâces en achevant de manger son chocolat.

715. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Un cas de pédanterie. (Se rapporte à l’article Vaugelas, page 394). »

Et vous, confrère et médecin, qui trouvez d’ailleurs, dites-vous, mes éloges du docteur Paulin justes et mérités, vous venez, après neuf ans, relever, par une diatribe bruyante, qui vise au grotesque et qui prend en s’affichant des airs de mascarade, quelques négligences et des rapidités inévitables de diction : vous venez en faire une sorte d’éclat et comme de découverte dans un journal quotidien, de telle sorte qu’il ne tenait qu’aux lecteurs de l’Événement, ce jour-là, de croire que je m’étais rendu coupable d’un méfait littéraire assez récent, d’une harangue tout à fait ridicule.

716. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — II »

Le juste et vertueux Booz trouvant Ruth endormie à ses pieds ; Anacréon montrant sa barbe argentée à la jeune Ionienne aussi blanche et aussi souple qu’un lis ; don Ruy Gomez de Sylva proposant à dona Sol son amour vrai, profond, paternel, amical : voilà les types uniques des vieillards qui peuvent aimer sans ridicule.

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