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1332. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Il nous en est resté deux échantillons, le Barbouillé et le Médecin volant. […] Molière en fût-il resté là, c’était assez pour être un des plus grands noms de notre scène. […] Après l’École des maris, après l’École des femmes, que restait-il à faire à la comédie de caractère et de mœurs pour devenir la haute comédie ? […] Quand le plus habile copiste en a reproduit la forme, le modelé, la couleur, il croit nous avoir donné l’original ; nous n’en avons que le calque ; la vie est restée sur la toile du maître où une main légère a imprimé une pensée impérissable. […] Pour rester dans le relevé, les femmes négligeaient leur ménage.

1333. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Richelieu est un sphinx en robe rouge, nous annonce-t-il pompeusement, et comme ce serait par trop Marion Delorme, si cela restait uniquement ainsi, il ajoute « qu’au rebours du sphinx antique, qui mourait si on le devinait, celui-ci (Richelieu !) […] Richelieu doit donc rester tout entier ce qu’il est dans l’histoire, et se consoler de n’être que cela aux yeux de ceux qui, en toutes matières, ont juré la mort de l’autorité ! […] Michelet rester bien tranquille dans sa primitive innocence. […] Michelet veut dire qu’elle était restée bourgeoise d’esprit et de cœur — ce qui est faux ! […] Michelet sait bien, au fond de sa conscience d’historien (et les embarras de son livre, et le vague tourment de sa pensée dans les conclusions de ce livre, le prouvent avec éloquence), que ce n’est pas aux femmes de la Renaissance qu’une société, qui fut chrétienne, peut rester aujourd’hui, sans périr !

1334. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

Mais restez ce soir avec nous, et j’enverrai Jupiter le chercher au lever du soleil. […] Edgar Poe, dans les huit Contes cités déjà, pas plus que dans les cinq qui restent : le Double assassinat dans la rue Morgue, la Lettre volée, le Scarabée d’or, le Manuscrit trouvé dans une bouteille, une Descente dans le Maelstrom, n’est le poète une seule fois d’un sentiment quelconque. […] Edgar Poe est bien le premier et le meilleur, à sa manière, de cette littérature effrénée et solitaire, sans tradition et sans ancêtres… prolem sine matre creatam , qui s’est timbrée elle-même de ce nom de Bohème qui lui restera comme sa punition ! […] Baudelaire parle surtout dans sa notice de madame Clemm (la belle-mère de Poe), qui déploya un héroïsme de dévouement égal à l’amour de Poe pour sa femme, et qui resta jusqu’à la mort sa compagnonne dans la pauvreté, la maladie et la faim. […] Cette âme résista et elle resta, avec un souvenir immortellement saignant, mais aussi avec les besoins non moins immortels de tendresse, d’expansion, de confiance et d’intimité qui furent toujours en Edgar Poe, le platoniste passionné, d’une pureté si profonde, et pour qui la conception de la femme dans ses œuvres est presque aérienne !

1335. (1868) Curiosités esthétiques « I. Salon de 1845 » pp. 1-76

Delacroix restera toujours un peu contesté, juste autant qu’il faut pour ajouter quelques éclairs à son auréole. […] Que l’auteur songe aux clameurs qui accueillirent le Dante et Virgile, et qu’il persévère dans sa propre voie ; bien des railleries malheureuses tomberont encore sur cette œuvre, mais elle restera dans la mémoire de quiconque a de l’œil et du sentiment ; puisse son succès aller toujours croissant, car il doit y avoir succès. […] Boulanger. — Réfléchir devant ce tableau combien une peinture excessivement savante et brillante de couleur peut rester froide quand elle manque d’un tempérament particulier. […] Depuis lors, il est resté dans la classe secondaire des hommes qui peignent bien et ont des cartons pleins de motifs tout prêts. […] Flers est toujours resté un artiste éminent.

1336. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

Écoutez-la, comme l’hymne d’un siècle qui va finir ; écoutez-la, avant que ces beaux climats, mal défendus par le despotisme inerte de l’empire, mais préservés longtemps des Scythes et des Goths, tombent sous l’invasion musulmane, tombent pour des siècles, restent enfoncés, jusqu’à nos jours de civilisation matérielle et de politique surtout commerciale. […] La piété même, le regret du bien à faire ; de la foi à défendre, venaient au secours des faiblesses de l’orgueil humain et s’y mêlaient pour les couvrir, s’il en restait encore dans cette âme enthousiaste et candide. […] Bien qu’il n’ait été frappé d’aucun blâme, d’aucune censure, comme Tertullien, Origène et tant d’autres, il ne resta point, comme eux, une autorité célèbre et citée souvent. […] « Je resterai à ma place dans l’église ; je mettrai devant moi les vases sacrés ; j’embrasserai les colonnes du sanctuaire qui soutiennent la table sainte. […] Pour achever la peinture de ces temps extraordinaires, il resterait à montrer, près du poëte chrétien, sublime de courage et de charité, une dernière image du poëte païen, hiérophante et rêveur.

1337. (1927) André Gide pp. 8-126

C’est peut-être qu’il est resté jeune. […] Ou bien est-ce décidément une erreur, et doit-on considérer à part l’œuvre, qui peut rester intéressante, alors même qu’on aurait à se plaindre des actes personnels de l’auteur ? […] Les manuscrits et livres que je tiens de lui me restent chers ainsi qu’aux premiers temps de notre amitié et je les conserve précieusement. […] André Gide est resté fidèle. […] Elle n’obtient non plus la fusion que l’analyse : les éléments en restent à l’état brut. » Les Goncourt accusaient au contraire leur grand ami d’avoir « une trop belle syntaxe ».

1338. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

s’il vous restait seulement assez d’intérêt pour moi pour que cette plainte pût toucher votre pitié964 !  […] Une tumeur lui vint sur l’œil, telle qu’il resta un mois sans dormir, et qu’il fallut cinq personnes pour l’empêcher de s’arracher l’œil avec les ongles. […] D’autre part, les gens établis, prudents et craintifs, se défient ; comme ils se trouvent bien, ils trouvent que tout est bien, et demandent que les choses restent comme elles sont. […] C’est par là que la prose antique et la prose française sont éloquentes, et que des dissertations de politique ou des controverses de religion sont restées des modèles d’art. […] Les chiffres sont laids, mais ils ne blessent que l’esprit ; d’autres choses, les graisses des quinquets, les puanteurs des coulisses, et tout ce qu’on ne peut nommer restent à décrire.

1339. (1902) Le critique mort jeune

Il ne faut pas plus rougir d’être insensible à la grande poésie que de rester sourd à la musique. […] Paul Bourget a trop le sens du relatif pour que cette idée ait pu lui rester étrangère. […] Non pas parce qu’ils restent séparés : s’ils s’épousaient il n’y aurait plus ni roman ni thèse. […] Il n’est pas de femme qui puisse rester insensible à ces élégantes cadences et à ces délicats sentiments. […] La comtesse Favié, qui n’a point connu beaucoup de joie dans son ménage, est cependant restée la patiente compagne d’un oublieux époux.

1340. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Restait donc à nous dérouler une série de tableaux grouillants et colorés, et c’est où M.  […] On ne voit pas que la génération allemande qui avait douze ans le jour d’Iéna en soit restée si déprimée. […] Et maintenant, pardonnons-nous, si vous voulez, et restons ensemble. […] Or, Ellida, dès qu’elle est libre, n’use de sa liberté que pour rester auprès de son mari. […] Mais un ouvrier est resté au fond.

1341. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

Pourtant elle ne resta pas court. […] Ortrude resta donc dans la demeure par la grâce d’Elsa. […] j’aurais voulu rester près de toi. […] Avec elle, il est impossible de rester dans la mesure et dans l’équité. […] Il faut regarder Sirius et se dire : Que restera-t-il de tout cela dans cent ans, dans quarante ans, dans vingt ans, dans… ?

1342. (1913) Poètes et critiques

Il est resté pour moi le modèle de cette fusion de la théorie et de la pratique, donc le type du sage, au sens antique du mot. […] Il reproche encore au païen que fut Taine de rester insensible et, pour ainsi dire fermé, à la beauté idéale de l’art chrétien. […] Est-ce le mot « ataxie » qui est resté en l’air ? […] Les vingt pièces qui restent, se suivent ainsi : I. […] Il y resta claquemuré jusqu’au 16 janvier 1875, jour de sa mise en liberté.

1343. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre XII. Dernière et nécessaire opération, qui consiste à corriger ce que l’on a écrit »

Et pour l’expression, quelque attention qu’on ait donnée à choisir les termes propres, expressifs, simples, il restera toujours quelque chose à rhabiller, a éclaircir, à préciser, à détendre, à fortifier, à raccourcir.

1344. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bertrand, Aloysius (1807-1841) »

Champfleury Le pauvre Bertrand mourut à l’hôpital, enlevé par la phtisie qui a dévoré tant de poètes ; mais son œuvre est restée pure, d’un travail qui fait penser aux admirables coupes de jade de la Chine.

1345. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Millet Francisque » p. 168

Tous ces tableaux de Millet Francisque passeront du cabinet chez le brocanteur, et ils resteront suspendus au coin de la rue jusqu’à ce que les éclaboussures des voitures les aient couverts.

1346. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XI. Le plus brave des trois. »

Est-ce la femme qui a eu le courage de rester seule, en pleine nuit, sous le cadavre du fauve, sans savoir si celui-ci était tout à fait mort ou bien encore si une autre panthère ne surviendrait pas ?

1347. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre II. Trois espèces de langues et de caractères » pp. 296-298

La seconde langue fut celle des signes héroïques ; c’est le langage des armes, pour ainsi parler ; et il est resté celui de la discipline militaire.

1348. (1933) De mon temps…

Celles qui lui restaient lui adoucissaient le vide qui s’était produit autour d’elle, mais les présences les plus précieuses ne remplacent pas les absences irréparables. […] Outre les réceptions du dimanche, Edmond de Goncourt restait chez lui le mercredi. […] Les choses restèrent en cet état jusqu’au jour où des démarches amicales y mirent fin. […] Le plus souvent cependant nous ne quittions pas le jardinet de la villa des Talus et il nous arrivait d’y rester jusqu’à l’heure du dîner auquel Méry Laurent me conviait parfois de prendre part. […] Y a-t-il occupation qui vaille celle de rester chez soi à se jouer du Mozart, à fumer des cigares en se dispersant en de vagues rêveries mi-chrétiennes, mi-nihilistes ?

1349. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre II. Les directions divergentes de l’évolution de la vie. Torpeur, intelligence, instinct. »

Elle obtint d’un nombre croissant d’éléments, prêts à se dédoubler, qu’ils restassent unis. […] Devant l’évolution de la vie, au contraire, les portes de l’avenir restent grandes ouvertes. […] Tandis que le premier ne comprend que des micro-organismes restés à l’état rudimentaire, animaux et végétaux ont pris leur essor vers de très hautes fortunes. […] Sans l’intelligence, elle serait restée, sous forme d’instinct, rivée à l’objet spécial qui l’intéresse pratiquement, et extériorisée par lui en mouvements de locomotion. […] L’intuition, au premier abord, semble bien préférable à l’intelligence, puisque la vie et la conscience y restent intérieures à elles-mêmes.

1350. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

L’embarras et la honte de paraître en robin devant le régiment inspirèrent à Saint-Martin un courage inaccoutumé ; il quitta brusquement un état qu’il abhorrait et où, sans cet incident, il serait peut-être resté par faiblesse. […] Mais, faute de ce secours, il est resté dans le royaume de ses vertus, qui est peut-être plus beau et plus admirable que celui de la science. » Ces guides qu’on ne nomme pas nous manquant comme à Lavater, nous sommes forcés de faire comme lui et, faute de plus de science, de rester, s’il se peut, dans le royaume des vertus.

1351. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — III » pp. 132-153

Un autre aurait oublié ses dépêches un jour de plus, et serait resté à l’action. […] Je n’ai à le reprendre que d’avoir mal vu le dedans du royaume ; il dit que ce dedans est resté à peu près comme il était ; il se trompe, il est fort dépéri. […] C’est dans un endroit où lui-même il semble démentir la belle parole dite précédemment à son frère sur la valeur guerrière, qui était la seule vertu restée aux Français : L’on ne doit point aller à la guerre qu’on ne se sente une très grande résignation à perdre la vie en la postposant à l’ambition et à la gloire.

1352. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

Ici il analyse finement l’ennui, dans un esprit de psychologie délicate et restée chrétienne : L’homme inoccupé, c’est-à-dire l’homme livré à la seule considération de son être personnel, éprouve deux sentiments habituels, également tristes : l’un est le sentiment de son infortune, il a le désir d’un bonheur vague qui le suit ; l’autre est le sentiment de sa bassesse, il voudrait être grand et important, il se trouve petit et méprisable. […] Voilà la contradiction nettement posée, Rivarol se chargera de confirmer et de mettre en relief la pensée de l’abbé de Pons quand il dira dans son Discours sur l’universalité de la langue française : Le français, par un privilège unique, est seul resté fidèle à l’ordre direct, comme s’il était tout raison ; et on a beau, par les mouvements les plus variés et toutes les ressources du style, déguiser cet ordre, il faut toujours qu’il existe ; et c’est en vain que les passions nous bouleversent et nous sollicitent de suivre l’ordre des sensations, la syntaxe française est incorruptible. […] Les mêmes paradoxes, sous la plume de La Motte, provoquèrent M. de La Faye à lui adresser cette ode dont une seule strophe est restée.

1353. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

Poirson n’a point été entamé par les innovations de plus d’un genre qui se sont succédé sous nos yeux ; tant de brillants météores qui ont traversé l’horizon historique ne l’ont pas ébloui ; il est resté fidèle à la méthode essentiellement raisonnable, philosophique, à celle de Robertson. […] Plus d’un homme des champs qui savait ses anciens put se dire alors, en parodiant légèrement Ménandre : « La paix nourrit bien le laboureur, même en Sologne ; et la guerre le nourrit mal, même en Beauce. » L’heureux mot de Sully, et qui est resté, « que le labourage et le pâturage étaient deux mamelles dont était alimentée la France », exprime ce même sentiment. […] On croirait lire une idylle ; il en faut rabattre sans doute ce qui est de l’exagération propre à chacun quand on se met à revoir flotter à l’horizon du passé cet âge d’or des jeunes saisons : il en restera toujours un sentiment bien vrai et d’une couleur non feinte.

1354. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Dans la première époque, on a introduit un poète resté jusqu’alors des plus obscurs, Roger de Collerye, qui vécut à Auxerre, et dont on a prétendu faire un type de poète provincial. […] Elle est restée une des gloires et l’un des orgueils de Lyon : on l’y réimprime de temps en temps avec luxe, en ajoutant ou rajustant chaque fois quelque feuille verte à sa couronne. […] La trompette finale a sonné : tous les morts se réveillent, mais il y en a parmi eux (et ce ne sont pas les coupables) qui s’obstinent à rester sourds au clairon de l’Ange et à ne pas vouloir se lever ; on entend seulement leur voix et leur refus monter en paroles déchirantes jusqu’au trône de Dieu : Quoi !

1355. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français et de la question des Anciens et des Modernes »

Platon est resté fidèle à son grand goût jusque dans la grâce de ses épigrammes ; par exemple : Laïs consacre son miroir à Vénus. […] Léonidas le nie spirituellement et s’inscrit en faux dans ce petit dialogue : « Un jour l’Eurotas dit à Cypris : « Ou prends des armes, ou sors de Sparte : la ville a la fureur des armes. » Et elle, souriant mollement : « Et je serai toujours sans armes, dit-elle, et j’habiterai Lacédémone. » Et Cypris est restée sans armes, et après cela il y a encore d’effrontés témoins qui viendront nous conter que chez eux la déesse est armée. » Comme variété de ton, je noterai une piquante épigramme dans un sens ironique et de parodie : il s’agit d’un philosophe rébarbatif, d’un laid cynique, Posocharès, qui s’est laissé prendre aux filets d’un jeune objet charmant ; et celui-ci, comme on fait d’un trophée après une victoire, se complaît à suspendre dans le temple de Vénus toute la défroque du cynique, son bâton, ses sandales, « et cette burette crasseuse, et ce reste d’une besace aux mille trous, toute pleine de l’antique sagesse. » Ceux qui savent leur Moyen-Age peuvent rapprocher cette épigramme du fabliau connu sous le titre du Lai d’Aristote. […] » Il n’y avait rien de banal dans cet éloge ; une seconde épigramme de Léonidas sur le même Aristocratès nous donne de nouveaux détails et nous apprend que cet homme gracieux et sensible avait eu, en mourant, un regret : c’était d’être resté célibataire, d’avoir eu sous les yeux, à sa dernière heure, un foyer bientôt désert et une maison sans enfants : « Une maison sans colonnes est triste à voir. » Mais, tout compte fait, et bien que sachant le mieux, il s’en était tenu au plus sûr : il avait craint la perfidie du sexe.

1356. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

Rodrigue, resté seul, exprime sa lutte douloureuse dans des Stances traduites ou imitées, qui font toujours plaisir à entendre, malgré les concetti dont elles sont semées : « Percé jusques au fond du cœur D’une atteinte imprévue aussi bien que mortelle… » Les paroles ont beau être déliées et subtiles, elles sont insuffisantes. […] Privilège d’une belle âme pure restée jeune ! […] Restée seule avec Elvire, ou se croyant seule, Chimène ouvre alors toute son âme et exhale toute sa peine : « La moitié de ma vie a mis l’autre au tombeau ! 

1357. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

Mais de telles combinaisons sans la volonté qui les surveille de près, et sans le bras qui les exécute, ne sont que des lueurs et restent à l’état d’idées pures ; Louvois, tout absolu qu’il était, dut bientôt céder aux objections. […] Je crois que M. de Feuquières pourra bien jouer des siennes et faire valoir des sentiments fondés sur des raisons bonnes pour ceux qui ne voient pas les choses… » Je ne me fais pas juge entre Catinat et Feuquières, ce serait une grande impertinence ; je ne me fais point le défenseur de Feuquières, ce n’est point mon rôle, et il y aurait à ceci de l’impertinence encore et, qui plus est, de l’injustice ; mais enfin, pour voir le double côté de la question, pour l’envisager à sa juste hauteur et la dégager autant que possible des personnalités dont elle est restée masquée jusqu’à ce jour, qu’on veuille supposer un instant ceci : il y a dans l’armée de Catinat un militaire, incomplet dans la pratique, mais d’un génie élevé, qui a, dès 1690, l’instinct et le pressentiment des grandes opérations possibles sur cet admirable échiquier de la haute Italie ; ce militaire, à tout moment, conçoit ce qu’on pourrait faire et ce qu’on ne fait pas ; il blâme, il critique, il raille même, il hausse les épaules, il est ce qu’on appelle un coucheur, et ce qu’on appelait alors être incompatible : tel était Feuquières, qui à des vues supérieures joignait, il faut en convenir, une malignité particulière. […]  Toutes les considérations, disait-il encore, que l’on peut me représenter là-dessus me sont connues ; mais, en vérité, elles regardent plutôt les successeurs que les vivants. » Il resta donc ce qu’il était, célibataire et philosophe, « génie libre et sans façon ».

1358. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

On transporte, on charrie les choses, mais pour le style, pour l’élocution, « cette partie, certes la plus difficile et sans laquelle toutes autres choses restent comme inutiles et semblables à un glaive encore couvert de sa gaine », comment en prendre une juste et lumineuse idée chez les traducteurs ? […] et Du Bellay rappelle cette parole de Molon de Rhodes qui, entendant déclamer Cicéron, en fut saisi de tristesse : « Il ne nous restait plus que la gloire de l’éloquence, et ce jeune homme va nous l’enlever !  […] Du Bellay n’a pu qu’entrevoir et conseiller en général quelque chose d’analogue ; son précepte est resté vague.

1359. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

On eut beau vouloir séparer dans le journal ce qui restait consciencieux et libre, de ce qui devenait public et vénal : la limite du filet fut bientôt franchie. […] Je crois, par exemple, que ç’a été une faute au Journal des Débats, resté après tout à la tête de la littérature quotidienne, d’obéir en cette crise à son système de prudence, et de ne pas protester tout haut. […] Car il n’y a plus de librairie en ce moment que celle d’université, de droit, de médecine, de religion, précisément parce qu’en ces branches spéciales elle est restée à peu près soustraite aux diverses atteintes.

1360. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

Lui si Français d’esprit, il a excédé par ce bout peut-être notre mesure française, laquelle est restée très-discrète et très-rebelle, nonobstant le régime oriental et symbolique qu’on a essayé de nous inculquer. […] Mais si le prêtre a foulé tout d’abord ces grands parvis d’un pied tranquille, et, il faut ajouter, d’un pas majestueux, si encore aujourd’hui, à voir sa démarche haute dans Ara cœli, il a l’air du maître héréditaire et du patricien de céans (gentemque togatam), c’est qu’il a été en effet, à l’origine, le légitime descendant, le petit-neveu, en tant qu’il en restait, de ces Catons et de ces Émiles. […] Si le rituel de la théogonie grecque est resté inséparable de toutes les formes de la galanterie ; s’il constituait, il y a peu de temps encore, ce qu’on appelle poésie et littérature ; si Vénus, Cupidon et les Grâces ont été fêtés dans nos chansons, qu’on juge de leur empire sur ceux dont, la veille encore, ils étaient le culte et la foi.

1361. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

On lut avec émotion, on connut pour la première fois dans son entière sincérité cet épisode unique, cette première Vendée restée la plus grande et la seule vraiment naïve ; on salua, on suivit avec enthousiasme et avec larmes ces jeunes et soudaines figures d’une Iliade toute voisine et retrouvée à deux pas dans les buissons et derrière les haies de notre France ; ces défis, ces stratagèmes primitifs, ces victoires antiques par des moyens simples ; puis ces malheurs, ce lamentable passage de la Loire, ce désastre du Mans, cette destruction errante d’une armée et de tout un peuple. […] Il n’en restera pas moins vrai en principe que, puisqu’après tout l’historien fait toujours quelque peu l’histoire, soit qu’il articule à l’occasion ses pensées, soit qu’il se borne à extraire, à disposer les faits de manière à produire indirectement l’effet qu’il désire, il n’y a pas lieu, dans le champ ordinaire de ce noble genre, à tant de scrupule artificiel, à tant d’effacement de soi, à tant de confiance surtout en la réflexion du lecteur. […] Un sentiment moral, sympathique, humain s’exhale partout de ces pages, qui n’affectent point de rester froides en se montrant plus colorées.

1362. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Pierre Corneille »

Taschereau a eu pour but de recueillir et de lier tout ce qui nous est resté de traditions sur la vie de ces illustres auteurs, de fixer la chronologie de leurs pièces, et de raconter les débats dont elles furent l’occasion et le sujet. […] Les vies complètes, poétiques, pittoresques, vivantes en un mot, de Corneille et de Molière, restent à faire ; mais à M.  […] Corneille apprit surtout qu’il y avait des règles dont il ne s’était pas douté à Rouen, et qui agitaient vivement les cervelles à Paris : de rester durant les cinq actes au même lieu ou d’en sortir, d’être ou de n’être pas dans les vingt-quatre heures, etc.

1363. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Madame de Krüdner et ce qu’en aurait dit Saint-Évremond. Vie de madame de Krüdner, par M. Charles Eynard »

Celui-ci, en sincère et véritable amant, avait pu se contenir tant qu’il avait vu l’objet de son adoration rester dans une sphère de pureté et d’innocence ; mais lorsqu’en arrivant à Copenhague la jeune femme, a bout de son essai de roman conjugal et comme en désespoir de cause, se fut lancée dans les dissipations du monde et le tourbillon de la vanité, l’humble adorateur n’y tint pas, et, en prenant la résolution de s’éloigner, il fit sa déclaration, non pas à madame, mais à M. […] Dans ce même temps, Mme de Krüdner écrivait à une amie plus simple, à Mme Armand, restée en Suisse, et elle lui parlait sur le ton de l’humilité, de la vertu, en faisant déjà intervenir la Providence : « Quel bonheur, mon amie ! […] Comment ne me resterait-il pas dans l’esprit un léger nuage sur le rôle que remplira près d’elle le pasteur Empeytaz, depuis qu’on me l’a fait voir prenant si résolument le docteur Gay pour compère ?

1364. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

Le peuple rassemblé pour insulter resta muet sur son passage. […] Il ne lui restait qu’une ressource : c’était de s’offrir en exemple à la république, de dénoncer au monde les hommes qui corrompaient la liberté, de mourir en les combattant, et de léguer au peuple, sinon un gouvernement, au moins une doctrine et un martyr. […] Il oublie que si chaque homme se divinisait ainsi lui-même, il ne resterait à la fin qu’un seul homme sur le globe, et que ce dernier des hommes serait l’assassin de tous les autres !

1365. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Il choisit, comme suite des causes psychologiques, des faits extraordinaires qui secouent violemment ou saisissent fortement l’imagination : ainsi ce terrible cinquième acte de Rodogune, amené par quatre actes qui, malgré Cléopâtre et ses éclats furieux, restent en somme assez calmes. […] L’analyse est exacte ; mais il faut rabattre la moitié du produit extérieur pour rester dans la réalité. […] Mais Rotrou est resté lui-même, en recevant les leçons d’un plus grand que lui.

1366. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

Genève était restée la ville de la Réforme ; le maintien de l’austérité morale y était affaire de gouvernement. […] L’écrivain était mort, l’œuvre restait. […] Mais la bourgeoisie dans l’ensemble est restée voltairienne, et le peuple l’est devenu.

1367. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre V. Le roman »

Il travaille à s’éliminer de son œuvre, c’est-à-dire à n’y rester que par la maîtrise de sa facture. […] Dans l’hypothèse de la parenté qui unit tous les héros de ces romans, je ne puis voir qu’un artifice littéraire, assez inutile du reste : les œuvres ne perdraient rien à rester isolées dans leurs titres, comme elles le sont de fait. […] Ce sont les deux maîtresses œuvres qui resteront de ce laborieux ouvrier.

1368. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Le bon Hermas, vigneron de Corinthe, est resté païen, sa femme Kallista et sa fille Daphné sont chrétiennes, et c’est bien, en effet, par les femmes que la foi nouvelle devait le plus souvent pénétrer dans les foyers. […] Bonnard a soixante-dix ans, son cœur est resté jeune, il sait aimer. […] Je suis trop vieux pour rester bien sensible ; mais, en vérité, c’est un mystère douloureux que la mort d’un enfant.

1369. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

Car les autres personnages, s’ils ont plus de consistance que les « mânes » fabuleux, n’ont pourtant pas un relief assez fort pour rester longtemps dans l’esprit ; et leurs physionomies sont si faiblement individuelles que la mémoire les confond les uns avec les autres et ne tarde pas à brouiller leurs noms. […] A coup sûr, si Mme de Campvallon ne se trouvait pas sur son chemin, s’il ne survenait pas dans sa vie un accident tout à fait extraordinaire, la moralité de Louis de Camors resterait fort au-dessus de la moyenne, quoiqu’il ne croie pas en Dieu : et alors que devient la thèse de M.  […] Octave Feuillet, je le bénis d’avoir sauvé le romanesque, d’en avoir renouvelé le charme et de lui être resté fidèle dans les temps d’épreuve.

1370. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

Restons donc à la distance suffisante où les figures sont visibles sans qu’on aperçoive les fragments inégaux qui les composent. […] Si les Poètes de l’École Décadente en étaient restés à ces premières excentricités du début, ils ne tiendraient guère en littérature qu’une place de curiosité. […] Par eux l’art du vers est codifié pour rester immuable.

1371. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

D’abord, il est des consolations en ce désastre, puisque l’on a pu sauver du feu la partition d’Egmont, un buste, et les trente-cinq sols qui restaient encore dans la caisse. […] Ce roman, tout platonique, eut une fin touchante : la jeune fille, pour prévenir le roi de la rupture d’un pont sur lequel il devait passer, était restée plusieurs heures sous la neige à l’attendre ; elle mourut, quelques jours après, d’une pleurésie. Les lettres du roi de Bavière sont admirables de grandeur et de finesse ; elles expliquent merveilleusement son caractère resté pour nous mystérieux.

1372. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

Tandis que le père, resté seul, retouche un grand tableau de son Fils, une petite porte s’ouvre furtivement : il se fait une rumeur pareille à celle du feuillage froissé lorsque l’oiseau rentre au nid. […] Le patito, resté le dernier, lui vocalisait son amour. […] Elle allait sortir à son bras ; il prétexte une migraine pour rester dans son atelier.

1373. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

Pourtant il paraît qu’aussitôt après son mariage il essaya de vivre d’un emploi régulier, et qu’il fut quelque temps dans la finance en province, commis chez quelque fermier général : il n’y resta que peu et en rapporta l’horreur et le mépris des traitants, qu’il a depuis stigmatisés en toute rencontre. […] L’auteur de Gil Blas le savait bien : son personnage, pour rester un type naturel et moyen, avait donc besoin de n’être à aucun degré monté au ton d’un stoïcien ni d’un héros. […] Il doit à cette conformité de nature avec tous, et à sa franchise heureuse, à son ingénuité de saillies et d’aveux, de rester, malgré ses vices, intéressant encore et aimable aux yeux du lecteur : quant au respect, a-t-on dit très spirituellement, c’est la dernière chose qu’il demande de nous.

1374. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

Elle fut exilée une première fois et peut-être une seconde, si bien qu’elle ne resta pas moins de treize ou quatorze ans à l’écart et comme en pénitence. […] Mme de Caylus resta à Versailles jusqu’à la mort de Louis XIV (1715) ; mise de côté alors comme une personne de la vieille Cour, elle revint demeurer à Paris, dans une petite maison qui faisait partie des jardins du Luxembourg. […] Il restait cependant une difficulté : Mme de Montespan, ajoutait-on, paraîtra-t-elle devant le roi sans préparation ?

1375. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

son esprit, à bien des égards, en resta toujours à cet âge et ne mûrit pas. […] Mademoiselle, durant la Fronde, fut éprise d’une fausse grandeur, elle poursuivit une fausse gloire : elle resta désintéressée du moins, généreuse, et n’imprima aucune tache à son nom. […] Restée froide et pure, et n’ayant jamais aimé jusqu’alors, elle ressentit pour la première fois l’amour avec une extrême jeunesse et, on peut dire, enfance de cœur ; elle nous le décrit avec la naïveté d’une bergère.

1376. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

L’Université, où les enfants du siècle de Louis XIV allaient étudier, ne pouvait rester ce qu’elle était au Moyen Âge, ni ce qu’elle était au xvie  siècle, ni ce qu’elle cherchait à être et à redevenir depuis que Henri IV, après les désordres de la Ligue, l’avait rétablie. […] Nommé de nouveau recteur de l’Université en 1720, il ne resta que trois mois dans cette charge, toujours à cause de sa profession trop déclarée dans l’affaire de la bulle Unigenitus ; il y croyait sa conscience intéressée, et il y sacrifiait ses goûts et ses autres devoirs les plus chers. […] Depuis lui, on a eu des maîtres d’une autre nature, ambitieux eux-mêmes et disant à leurs élèves hautement : « Ayons de l’ambition, messieurs, il en faut… » ; des maîtres éloquents, hardis, quelquefois présomptueux, bons à leurs disciples, mais au besoin jaloux aussi et rivaux si ces derniers grandissent trop et s’émancipent ; des maîtres enfin désirant rester tels toujours et sous toutes les formes, aimant la domination, et sachant sans trop de difficulté passer de l’exercice de renseignement à la prise de possession du pouvoir politique.

1377. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

Il dit qu’il a vu les hommes sous les diverses religions rester les mêmes et obéir à leurs intérêts, à leurs passions : il ne se demande pas si les hommes ne s’y abandonneraient pas bien davantage en étant absolument destitués de cet ordre de lois. […] À l’époque où Volney publia cette première partie, restée la seule, il était malade, découragé, et il aurait eu peu de liberté pour discuter les questions politiques qui devaient fournir la seconde partie du tableau. […] Volney, sous le choc, épouvanté de l’effet qu’il avait produit, perdit connaissance : on dut le transporter chez son ami le minéralogiste La Métherie, chez qui il resta quelques jours.

1378. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

* * * — Une expression caractéristique d’un brocanteur, sur les bras duquel était resté un objet, assez difficile à placer : « Oh ! […] Jeudi 15 septembre Je tombe chez Burty, sur le vieux graveur Pollet, un japonisant frénétique, et qui est en train de dire : « Sur les 1 000 francs que j’ai pour vivre par mois, je paye 800 francs aux marchands de japonaiseries… c’est 200 qui me restent… mais j’ai des modèles qui me coûtent dans les 100 francs… donc 100 francs pour vivre… Ma foi, j’ai pris le parti de ne rien payer de mon vivant, je ne paye pas mon tailleur, je ne paye pas mon restaurateur… Il n’y a que mon cordonnier que je paye, parce que c’est un pauvre diable. » * * * — Visite de noces d’une jeune femme rieuse, chez une vieille tante de son mari, affligée d’une tympanite (maladie où l’on p… perpétuellement) et qui est menée par son beau-père, affreusement sourd : « Mais je ne comprends pas ce que la petite a à rire, comme cela, tout le temps… nous nous entretenons cependant de choses assez sérieuses », répète, à tout moment, le sourd intrigué. […] Il racontait, aujourd’hui, qu’avec la première pièce de vingt sous de son enfance, il avait acheté une bourse de dix-neuf sous, dans laquelle il avait mis le sou qui lui restait.

1379. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

On suppose que dans la formation des langues l’ordre d’apparition des mots a été inverse de l’ordre de disparition constaté dans certaines maladies, les mots précis ayant été trouvés ou fixés les derniers, quand les esprits ont été capables d’idées nettes bien délimitées, tandis que les mots abstraits, appris d’abord, tels grands mots de la religion, de la philosophie, de la politique, restent dans les lobes, et témoignent jusqu’à la dernière heure de la puérilité d’une intelligence. […] C’est parce que les images de Télémaque sont devenues des clichés que nous ne pouvons plus les aimer ; mais si elles étaient restées en leur état original, nous ne les comprendrions peut-être plus et nous n’aurions même pas l’idée d’entr’ouvrir le livre pour nous réjouir à des visions énigmatiques. […] Une phrase d’Albert Wolf disait : « Plongez le scalpel dans ce talent tout en surface, que restera-t-il, en dernière analyse ?

1380. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

Pour sa part, il continuait de rester fermement attaché aux principes de la critique rationaliste et d’avoir la même foi inébranlable dans l’avenir de la science ; aux autres, il recommandait une philosophie de doute universel, d’indifférence sceptique, d’insouciance. […] Le symbolisme a augmenté la sensibilité esthétique de notre époque et, sans lui, le mouvement de renaissance latine ne se serait pas produit ou serait resté une simple continuation du lyrisme parnassien. […] Il y a plus : il n’est pas bon de paraître trop vite et d’emblée classique à ses contemporains ; on a grande chance alors de ne pas rester tel pour la postérité.

1381. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre I. La critique » pp. 45-80

Le bon sens des esprits droits, le bon goût des délicats ne restent pas les dupes des manœuvres commerciales d’un faux-artiste. […] Son Itinéraire fantaisiste et surtout Les Volupteux et les Hommes d’Action ne doivent pas rester ignorés. Il abandonne la critique littéraire pour la critique d’art où il parvient à rester un honnête homme, ce qui, de nos jours, est malaisé.

1382. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

Pauvre d’idées, il restera pauvres d’idées. […] Si l’harmonie est entière, elle restera. […] Est-ce que son oratoire restera à la porte ?

1383. (1920) Action, n° 4, juillet 1920, Extraits

Il restera un fantôme ; car sa naissance ne représente pas une origine et la mort ne terminera rien. […] Nombreux sont encore ceux qui restent au futuriste traditionnel. […] ACTION accepte la collaboration de quiconque veut exprimer librement sa pensée, à condition que notre titre soit justifié, notre dessein étant de rester hors les écoles, les tendances et les opinions, afin de réaliser une œuvre dépassant l’actualité.

1384. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

Si l’on se rappelle encore ce que j’ai dit sur le partage des langues entre les facultés humaines, on peut présumer que le génie de la langue celtique nous est resté malgré nous, et que si le génie de cette langue est celui qui s’applique à l’intelligence plus qu’à l’imagination, il en résulte que la langue française convient éminemment à l’âge actuel de l’esprit humain. […] Nous avons déjà remarqué que nos mœurs étaient restées aristocratiques, malgré le principe de l’égalité, introduit avec les idées de la révolution. […] Moïse, le seul des législateurs anciens qui ait écrit ses lois, avait prévu tous les détails pour que la lettre ne restât pas en silence ; et Dieu avait imprimé à cette législation écrite un sceau de durée que ne peuvent avoir les ouvrages des hommes.

1385. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

Il resta en lui, allumée et difficile à éteindre, de la flamme épaisse de ce Joseph Delorme, sous le nom duquel il s’était peint ; et vivace, le rêveur ardent et sombre des premiers jours résista et survécut longtemps, à travers tous les travaux d’érudition littéraire auxquels se livra le poète, guéri (voulait-il) de cette hypocondrie puissante qui avait été son génie. […] VI Les Consolations furent les poésies qui suivirent le Joseph Delorme, et le premier démenti que l’auteur donna à une manière et à une inspiration qui, malgré le démenti, restera sa gloire. […] Il est resté le Stator du coteau modéré, le Stylite, sans danger, de cette innocente colonnette.

1386. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pommier. L’Enfer, — Colifichets. Jeux de rimes. »

Amédée Pommier a été un grand poète dans tout ce qu’il a compris de l’idée chrétienne, mais, quand cette idée qui l’a élevé au-dessus de lui-même, qui l’a emporté et qui l’a soutenu, l’a laissé à terre, il y est resté. […] Malgré les malheurs arrivés aux vers, il a été assez héroïque pour leur rester fidèle, et après vingt ans vous le retrouvez l’homme aussi de la dernière heure, car personne, parmi ceux qui les aiment, les vers, — comme les femmes veulent être aimées, — pour eux-mêmes, — ni M.  […] Elle restera ce qu’il l’a faite.

1387. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

Celui même qui a dressé dans son cerveau, avec des assises dans l’être entier, un autel au dieu des voluptés secrètes, contemplant sa propre image que des rides précoces lui interdisent seules de comparer à l’éclatante beauté d’un Narcisse, s’adresse à lui-même ces paroles dans la mystérieuse solitude de son être : « Restons de plus en plus en nous-mêmes, d’essence toujours plus rare et sans cesse plus précieuse ; ne troublons pas ce qui doit rester pur, pour dominer les vains fantômes illusoires des réalités et l’immense troupeau des apparences. […] Ainsi les grands spéculatifs, qui ont été des in-sensuels par principe, restent, malgré leur grandeur et leur génie, des incomplets… Les Kant, les Schopenhauer, les Descartes, les Nietzsche, et même les Spinoza, manqueront toujours, malgré leur immense et juste gloire intellectuelle, d’une saveur d’humanité, de ce parfum qui émane de la terre et du cœur de l’homme.

1388. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre II. Réalité des idées égalitaires »

Et puis, d’autres moyens nous restent, plus indirects, mais peut-être plus sûrs, de discerner les tendances dominantes d’une société. […] D’un autre côté, les ethnologistes eux-mêmes dénoncent enfin ce procédé qui consiste à mettre à profit l’obscurité dont les institutions des sociétés primitives restent fatalement entourées pour leur faire prouver ce que l’on veut. […] La cité antique, tant qu’elle restait fidèle à ses principes traditionnels, ne pouvait le franchir.

1389. (1902) Le problème du style. Questions d’art, de littérature et de grammaire

D’avoir feuilleté ses œuvres, il est resté comme une odeur de Chateaubriand aux doigts du poète. […] Il est resté beaucoup de l’invertébré chez l’homme, type longtemps mobile, à cause de la variété de ses aptitudes, et peut-être de sa croissance relativement rapide. […] Homère décrit un fait ; puis il le compare à un autre fait analogue ; les deux images restent toujours distinctes, quoique grossièrement superposables. […] N’y a-t-il pas un grammairien qui déclare qu’on doit dire de groseilles, quand les groseilles restent entières (où a-t-il vu cela, le grammairien ?) […] C’est une des rares traces de l’ancien français restées dans le français moderne.

1390. (1902) Propos littéraires. Première série

Bien que son ventre fût un dôme, palais du liquide et du solide, sa tête était restée osseuse. […] Il en a tracé un très beau portrait en pied, qui restera parmi ses meilleurs ouvrages. […] Elles restent toujours, et elles s’exercent d’elles-mêmes. […] Ceux-là restent très bien, avec leur ligne et avec leur physionomie, dans l’esprit du lecteur. […] Ceux qui restent inconscients vivent dans le vrai, dans le vrai pur.

1391. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Et le catholicisme avec toute religion rentre dans un genre commun que ceux-là qui en sont restés à Taine oublient trop. […] Or, le jour de la première du Bourgeois Gentilhomme devant la cour, le roi resta de glace, ne se dérida pas une fois ; M.  […] Mistral est resté aussi étranger à Hugo, à Vigny, à Baudelaire, qu’il put l’être à Nietzsche et à Edgar Poe. […] Et, depuis, la critique professionnelle est restée à peu près réservée aux professeurs. […] Naudeau n’a pas dépassé dans la suite ses admirables reportages de 1904, et il est resté plutôt en deçà.

1392. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Sous Louis XIV, tous les arts ont fleuri ; d’où vient la musique seroit-elle restée informe ? […] On ne voit nulle part que l’arrêt ait été, par la suite, en vigueur, & que les professeurs royaux soient restés sous le joug. […] Le 28 août 1610, il posa la première pierre : mais l’édifice est resté imparfait. […] Plusieurs d’entr’eux s’opposèrent à cette translation, & les choses sont restées dans leur premier état. […] Les dominicains & les jésuites cherchèrent toutes les voies de se nuire : il resta entre ces deux corps une animosité sourde.

1393. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

Même dans les quelques vers qui nous restent, la passion semble consumer, brûler. […] Ils sont très recherchés, car ils peuvent rester immobiles pendant des heures, et généralement ils possèdent de charmants costumes. […] Ce petit poème restera dans les mémoires, aussi longtemps qu’y restera Thyrsis et Thyrsis ne sera jamais oublié. […] S’il était resté dans la terre natale, il aurait fait de bien plus belles choses. […] Ô terre, nous avons peiné, nous avons travaillé : Combien de temps resterons-nous à la peine, au labeur ?

1394. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

Le dix-septième siècle fit une réputation restée proverbiale à Perrot d’Ablancourt. […] On peut saper le fondement métaphysique de la morale et rester le plus honnête homme du monde. […] Bourget seconde manière est resté à peu près équitable pour Renan. […] On la déposera sur mon sein… Rien ne te restera de moi que le souvenir, mon bien-aimé. […] Mais sur le dogme et sur la discipline, il restait un peu flottant.

1395. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre premier. De la stérilité d’esprit et de ses causes »

À qui n’est-il pas arrivé de trouver sa plume lourde, sa tête vide, et de rester désolé en face de ce papier qui ne se noircit pas, dans l’ennui et dans l’impatience ?

1396. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Faramond, Maurice de (1862-1923) »

Depuis, il s’était tu, et de nouveau chantant le Livre des Odes, il est resté assez fidèle à l’esthétique que préconisèrent ces deux écrivains et qui était la sienne dès lors… En vingt poèmes, M. 

1397. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 179-182

L’Abbé d’Aubignac n’en resta pas là ; il fit sur la Sophonisbe, le Sertorius, l’Œdipe, des remarques critiques qui effrayerent son Adversaire.

1398. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 440-443

Amasis, Ino & Mélicerte sont restées au Théatre, sans qu’on s’empresse de les faire reparoître.

1399. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 66-69

Parmi tant de vicissitudes & de distractions, il est étonnant qu'il soit sorti de sa plume un si grand nombre de Pieces dignes de rester au Théatre, & revues avec plaisir.

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