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1383. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

L’importance nationale qu’avaient les anciens héros, a également cédé la place à l’importance toute personnelle du chevalier susceptible, qui fait le bien parfois, mais pour plaire à sa dame, et plus souvent, au nom de cette divinité, lave dans des flots de sang précieux une offense imaginaire à son honneur200 En somme, la tragédie a perdu sa base substantielle et vraie, qui est la guerre des Dieux, c’est-à-dire des sentiments à la fois généraux et généreux de l’âme humaine., dans le for intérieur de la Famille et de la Société. […] La démocratie à Athènes sur les ruines de l’ordre politique et social des temps héroïques, la mythologie parodiant la nature des Dieux, le scepticisme sur la place publique, dans les familles et au théâtre, les idées morales en dissolution et la tragédie en décadence, tel est le monde comique où d’abord nous sommes introduits par Aristophane. […] Et quand ses personnages ne sont pas des princes, quand ils appartiennent à des époques historiques, Shakespeare les place alors dans ces temps de guerre civile où, les liens de l’ordre social étant brisés et les lois sans force, la grandeur individuelle avait un libre jeu233. […] En effet, une indépendance comme celle qu’il veut maintenir, n’est bien à sa place qu’en pleine chevalerie. […] Dans la conscience d’un homme véritable, il y a place pour plusieurs Dieux ; il renferme dans son sein toutes les puissances qui forment le cercle des Divinités.

1384. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

À ce titre la musique a sa place dans un cours de littérature universelle. […] III Combien n’a-t-il pas fallu de temps, de réflexion, d’étude et de génie à l’homme pour saisir tous ces bruits de la nature, pour se rendre compte des impressions que ces bruits produisaient en lui, pour les imiter avec sa voix ou avec des instruments à vent et à fibre, pour faire avec ces sons des notes et demi-notes, pour combiner et coordonner ces notes d’une manière qui leur fit rendre non seulement des sons, mais un sens, et pour donner enfin à ces notes et demi-notes les places, les accents, les durées, les rapports qu’elles doivent avoir dans le chant ? […] Je n’ai vu en Europe que la ville de Chambéry, à l’issue des gorges de Savoie, disputant le bassin aux montagnes et aux lacs, avec ses toits d’ardoise, ses maisons de roche grise, son château et sa tour dominant ses rues et ses places, ses ruisseaux, dans les faubourgs ses jardins allant se fondre dans la verdure illimitée de ses vallées, qui rappelle Salzbourg. […] La piété la plus confiante occupe une grande place dans ces confidences des deux voyageurs. […] Or, non seulement, mon cher Wolfgang, je n’ai pas la moindre méfiance à ton égard, mais je place toute ma confiance tout mon espoir en ta filiale affection.

1385. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

Il me semblait singulier que lui, qui dans un âge si avancé occupait encore un poste important, plaidât avec tant de force la cause de la jeunesse et voulût que les premières places de l’État fussent données, sinon à des adolescents, du moins à des hommes encore jeunes. […] Je ferai un catalogue spécial pour ces chers portraits et pour ces chers livres, et je leur donnerai une place spéciale dans ma collection artistique et dans ma bibliothèque. » On voyait que cet hommage des jeunes poètes de France remplissait Goethe de la joie la plus profonde. […] C’est vrai : je ne vois plus chez nous ni Français, ni Italiens, mais, à leur place, je vois des Cosaques, des Baschkirs, des Croates, des Magyares, des Tartares et des Samoyèdes ; des hussards de toutes les couleurs. […] Aujourd’hui j’ai fait coudre tout le manuscrit de la seconde partie, pour que mes yeux puissent la bien voir. — J’ai rempli de papier blanc la place du quatrième acte qui manque, et il est très probable que la partie terminée m’excitera et m’encouragera à finir ce qui reste à faire. […] Les deux jeunes filles me racontèrent bien vite la conversation de leur mère avec madame de Reck, et la conjuration, suivie de succès, qu’elles avaient faite pour ma conquête. » Goethe m’a raconté déjà une autre anecdote du même genre, qui trouvera bien sa place ici.

1386. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

De l’entozoaire confiné dans un tissu, à la pensée de Shakespeare ou de Newton, qui reproduit la réalité concrète ou abstraite du monde, il y a place pour tous les degrés possibles de correspondance ; mais le parallélisme existe toujours entre l’être et son milieu. […] Chez les tribus humaines les plus grossières, qui sont sans habitations, qui errent de place en place, selon que varie la quantité des racines, des insectes, des animaux sauvages, une année est la plus longue période à laquelle ils puissent ajuster leur conduite. […] La raison a servi d’instrument pour réprimer les formes inférieures du gouvernement mental, — le gouvernement par préjugé, le gouvernement par tradition, etc., et partout où elle les a remplacées, elle tend à jouer le rôle de despote à leur place. […] VII Si l’on veut bien se rappeler maintenant que nous n’avons exposé qu’une très faible partie de l’œuvre de notre philosophe, et si l’on a été frappé, comme on a dû l’être, de la vigueur de sa pensée et de l’originalité de sa méthode, on ne s’étonnera pas d’entendre un contemporain153 se demander « s’il a jamais paru en Angleterre un penseur plus éminent, quoique l’avenir seul puisse déterminer sa place dans l’histoire… » Seul des penseurs anglais, dit M. 

1387. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

Non, c’est l’Humanité entière, glorifiée et divinisée, rassemblant dans un type unique ses efforts innombrables, ses inventions laborieuses, ses conquêtes opiniâtrement étendues, et qui du fond de sa misère native, de son malheur éternel, les oppose fièrement aux Fatalités jalouses qui lui disputent sa place au soleil. […] Le poète y place les trois Grées, ces sorcières marines, nées avec des visages de vieilles décrépites ; hideuses figures de la mer lorsque l’orage l’enlaidit, dont les rides sont celles du flot creusé par la bise, et les cheveux gris sa blafarde écume. […] On comprend les cris de révolte que le poète place dans la bouche de son Prométhée ; Job, sur son fumier, en pousse d’aussi forts. […] Un ciel nouveau s’est déployé sur sa tête, sa montagne a changé de place et de forme ; ses bourreaux le torturent sous d’autres masques et par d’autres fers ; d’autres aigles se relaient sur sa plaie incessamment élargie. […] Mais une sentence fatale annulait ce pacte de paix. « — N’espère point la fin de ton supplice, avant qu’un des dieux veuille prendre ta place et descendre vers le sombre Hadès », avait dit Zeus par la bouche d’Hermès au Titan rebelle.

1388. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Ce succès, comme on n’en a pas revu depuis pour des livres bien supérieurs, dut être un de ces faits décisifs dont l’influence reste sur l’imagination d’un jeune homme qui débutait, comme tout jeune homme débute, par l’imitation, mais qui, dans son imitation cependant, en donnant la patte comme Eugène Sue, laissa percer à plus d’une place une griffe d’originalité. […] Mais qu’en plein xixe  siècle, quand les passions et leur étude, et leurs beautés, et leurs laideurs, et jusqu’à leurs folies, ont pris dans la préoccupation générale la place qu’elles doivent occuper ; quand la littérature est devenue presque un art plastique, sans cesser d’être pour cela le grand art spirituel ; quand nous avons eu des creuseurs d’âme, des analyseurs de fibre humaine, des chirurgiens de cœur et de société ; enfin, qu’après Chateaubriand, Stendhal, Mérimée et Balzac, — Balzac, le Christophe Colomb du roman, qui a découvert de nouveaux mondes, — la vieille mystification continue et que la réputation de Gil Blas soit encore et toujours à l’état d’indéracinable préjugé classique, voilà ce qui doit étonner ! […] Je sais bien qu’il y a le mot de César sur la première place dans une bicoque, meilleure que la seconde à Rome, mais je ne suis pas convaincu. […] Le rire de Paul Féval, ce bon rire exilé maintenant de la littérature française et que je retrouve à tant de places dans Le Chevalier de Kéramour, y éclate comme un écho purifié des immenses éclaffements de notre père et mère Rabelais (comme le nommait Chateaubriand, ce qui, pour un Triste, n’était pas trop mal !). […] Mais je n’avais pas à examiner littérairement ce premier volume, dans lequel la personnalité de Brucker tient toute la place et où il n’y a pas d’étapes encore.

1389. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Le mutationnisme, d’apparence moins philosophique, fait une plus grande place au hasard. […] Il est impossible de déduire l’homme, et ses frères ou cousins, les primates, des mammifères que la classification place immédiatement avant lui. […] Ensuite seulement, on arriverait aux explications intellectuelles, parmi lesquelles le tabou semble, en effet, tenir une grande place. […] La place d’une caste varie suivant les régions. […] La paille qui a fait fléchir la poudre d’acier a sa place, son rang et sa nécessité dans l’ordre universel qui régit les mondes.

1390. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

la place que l’on occupait ? […] FILIDAN J’aurais en ton amour une place authentique. […] C’est le sentiment involontaire par lequel nous adaptons cet événement, sentiment qui nous met en la place de celui qui souffre, au milieu de sa situation. […] La belle chose de faire entrer aux conversations du Louvre de vieilles équivoques ramassées parmi les boues des Halles et de la place Maubert. […] et la tentation qui lui venait, assez naturellement, de remettre Quinault à sa place, le public dans la vérité, et l’antiquité dans son jour ?

1391. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Des viveurs ont pris leur place. […] alors tu vas rester ici et garder la porte à ma place, pendant que j’entre à ta place. […] Même lorsque les grands sujets sont épuisés, il y a place encore çà et là pour des inventions heureuses. […] Rien ne lui avait manqué ; il avait tout atteint, de prime-saut, sans effort apparent, comme un prince qui n’a qu’à se montrer pour trouver sa place. […] Il avait perdu sa place au Parlement, son théâtre avait brûlé ; les huissiers se succédaient, et les gens de loi avaient depuis longtemps pris possession de sa maison.

1392. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIe entretien. Littérature politique. Machiavel » pp. 241-320

Quand ce moment sera venu, vous pourrez reprendre un peu place aux affaires publiques, veiller un peu plus à ce qui se passe dans l’État ; alors aussi vous me verrez quitter sur-le-champ ma métairie et accourir vers vous en vous disant : Me voilà ! […] Sa vraie place était dans le conseil de ce Périclès des papes. […] Excepté la place, que restait-il de l’Italie romaine ? […] Un immense engouement, résultat d’une immense illusion, élevait cet O’Connell aux nues, sa vraie place ; nous ne cédâmes pas à cet engouement pour un fanatique de l’impossible ; nous ne vîmes dans O’Connell qu’un éloquent Rienzi ou un turbulent Savonarole de l’Irlande, et nous prophétisâmes, seul alors, le néant de ses pompeuses déclamations.

1393. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

Place ceci dans ton cœur. […] Vous connaissez chacun votre rang, prenez vos places. […] Notre hôtesse garde sa place d’honneur ; mais dans un moment favorable nous lui demanderons sa bienvenue. […] De grâce, restez à vos places.

1394. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

Nous faisons personnellement des excuses à Mme Plessy, pour lui avoir fait subir des insultes, qu’un public français n’avait jamais encore fait subir, du moins là, à une actrice de génie qui a marqué, dans cette soirée du 5 décembre, sa place entre Mme Dorval et Mlle Rachel. […] Nous avions payé nos places ; et seuls peut-être dans toute la salle nous avions l’esprit dégagé de toutes les préoccupations de l’amitié et de la camaraderie. […] Au xxe  siècle que nous touchons, quelle place aura donc le livre et quelle place aura le théâtre ?

1395. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

Il renaquit à l’espérance : il passa en Amérique, non pour se battre avec Lafayette et Rochambeau, mais pour changer de place ; René est remarquable par son incapacité à servir une cause, un parti et à songer aux autres ; son individualisme est féroce : Moi, toujours moi ! […] Si sa plainte était parvenue à dominer les cris de la place publique et le tumulte des batailles, les Renés qui n’étaient plus affamés de pain et de viande lui auraient répondu : — Que nous importe votre mémoire qui décline et votre santé qui se délabre ; nous aussi nous avons nos maux et nos douleurs ; la bête de nos entrailles est gorgée ; il nous faut soûler les démons de notre cœur et de notre tête. […] La Harpe était poursuivi par l’image « de ces patriotes à moustaches, parmi lesquels étaient nombre d’aristocrates bien prononcés auparavant et métamorphosés depuis, qui levaient le sabre ou le bâton dans les sections au nom de l’Égalité sur un pauvre malheureux qui avait oublié de le tutoyer et menaçait de le mettre au pas7 » Si l’on n’avait pas vu, on avait au moins entendu la narration de faits épouvantables, comme ceux que raconte René dans son Essai : — Un garde national perce de sa baïonnette une petite fille qui pleurait son père guillotiné « et la place sur la pile des morts, aussi tranquillement qu’on aurait fait une botte de paille ». […] L’égalité devant les places et la fortune, voilà la plus glorieuse conquête de la révolution ! 

1396. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre V. Le souvenir du présent et la fausse reconnaissance »

Brusquement, tandis qu’on assiste à un spectacle ou qu’on prend part à un entretien, la conviction surgit qu’on a déjà vu ce qu’on voit, déjà entendu ce qu’on entend, déjà prononcé les phrases qu’on prononce — qu’on était là, à la même place, dans les mêmes dispositions, sentant, percevant, pensant et voulant les mêmes choses — enfin qu’on revit jusque dans le moindre détail quelques instants de sa vie passée. […] Nous disions que les diverses mémoires sont bien localisables dans le cerveau, en ce sens que le cerveau possède pour chaque catégorie de souvenirs un dispositif spécial, destiné à convertir le souvenir pur en perception ou image naissantes : que si l’on va plus loin, si l’on prétend assigner à tout souvenir sa place dans la matière cérébrale, on se borne à traduire des faits psychologiques incontestés dans un langage anatomique contestable, et l’on aboutit à des conséquences démenties par l’observation. […] Selon le point de vue où je me place, selon le centre d’intérêt que je choisis, je découpe diversement ma journée d’hier, j’y aperçois des groupes différents de situations ou d’états. […] Si j’assiste pour la seconde fois à une comédie, je reconnais un à un chacun des mots, chacune des scènes ; je reconnais enfin toute la pièce et je me rappelle l’avoir déjà vue ; mais j’étais alors à une autre place, j’avais d’autres voisins, j’arrivais avec d’autres préoccupations ; en tout cas je ne pouvais pas être alors ce que je suis aujourd’hui, puisque j’ai vécu dans l’intervalle.

1397. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre III. Le comique de caractère »

Nous devons maintenant la serrer de plus près, et montrer comment elle nous permet de marquer la place exacte de la comédie au milieu des autres arts. […] Le personnage comique s’insérera si étroitement dans le cadre rigide de sa fonction qu’il n’aura plus de place pour se mouvoir, et surtout pour s’émouvoir, comme les autres hommes. […] Nous voulons parler de la logique propre au personnage comique et au groupe comique, logique étrange, qui peut, dans certains cas, faire une large place à l’absurdité. […] Je veux dire que nous nous mettons pour un très court instant à sa place, que nous adoptons ses gestes, ses paroles, ses actes, et que si nous nous amusons de ce qu’il y a en lui de risible, nous le convions, en imagination, à s’en amuser avec nous : nous le traitons d’abord en camarade.

1398. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

Où est le rôle, où est la place de la personne humaine dans une philosophie naturelle qui explique tout par un concours de forces physiques, dans une science historique qui explique tout par l’action irrésistible des grandes forces naturelles et sociales, dans une spéculation métaphysique qui explique tout par le procès logique des idées ? […] Bossuet place aussi l’âme dans le cerveau, sans désigner la glande pinéale ; quand il dit que l’âme et le corps forment un tout naturel, voulant par là exprimer la nature intime du lien qui rattache l’âme au corps, il se montre moins fidèle à la psychologie de Platon et de Descartes qu’à celle d’Aristote. […] N’y a-t-il pas entre les lois de l’ordre physique et celles de l’ordre moral une assez grande distance pour que la liberté y trouve sa place ? […] Dans le premier cas, le matérialisme a raison d’affirmer qu’il n’y a pas place dans l’être humain pour l’autonomie volontaire, et que le sentiment de la liberté n’est, ne peut être qu’une illusion de la conscience.

1399. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

D’Assouci tient dix fois plus de place que Dante. […] On se place parmi le beau monde. […] On s’y place, on ne s’y étale point. […] On lui offre une place ; il est chez celui qui en dispose ; il l’a acceptée. […] Jacob, lui, rend la place.

1400. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

En compensation de ces additions, nous avons éliminé quelques études qui trouveront leur place ailleurs. […] Vinet retrancha la lettre, très probablement parce qu’à la réflexion, elle ne lui parut point à sa place dans un ouvrage d’éducation. […] Je m’imagine que c’est un des plus grands attraits de Paris, et le seul même qui vaille la peine d’y vivre : être à une bonne place pour juger la comédie. […] Une tirade absorbe des générations ; entre une question et la réplique, il y a place pour une dynastie. […] Il occupe, avec ses divers synonymes, restauration, réhabilitation, réintégration, une place importante dans plus d’une théorie moderne.

1401. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — II. (Fin.) » pp. 398-412

Ils le font au risque de leur vie, et sont en danger d’être massacrés sur place en sortant. […] Quand Baudouin, élu empereur par les Français, s’est aventuré dans une expédition contre le roi des Bulgares et est fait prisonnier après une défaite, son frère Henri prend sa place ; mais les barons attendent, avant de l’élire et de le sacrer empereur à son tour, d’être positivement assurés du trépas de son frère : « Sur quoi je voudrais, écrit l’historien Nicétas, que les Romains (les Grecs) fissent un peu de réflexion ; eux, dis-je, qui n’ont pas sitôt élu un empereur qu’ils songent à le déposer. » Ainsi l’idée de légitimité, de fidélité au serment, et de religion politique, existe chez les Latins, tandis qu’elle est entièrement abolie chez les Grecs : ce qui, chez ceux-ci, est une infériorité sociale de plus.

1402. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

Mais quand tout s’écroule et se renouvelle, quand les institutions antiques tombent en ruines et que l’état futur n’est pas né, que toutes les règles de conduite et d’obéissance sont confondues, que la justice et le droit hésitent entre les cupidités, les intérêts révoltés qui courent aux armes, c’est alors que le don de sagesse est bien précieux en quelques-uns, et que les hommes qui le possèdent sont bientôt appréciés des chefs dignes de ce nom, qu’ils sont appelés, écoutés longtemps en vain et en secret, qu’ils ne se lassent jamais (ce trait est constant dans leur caractère), qu’ils attendent que l’heure du torrent et de la colère soit passée pour les événements et pour les hommes, et qu’habiles à saisir les instants, à profiter du moindre retour, ils tendent sans cesse à réparer le vaisseau de l’État, à le remettre à flot avec honneur, à le ramener au port, non sans en faire eux-mêmes une notable partie et sans y tenir une place méritée. […] Mais dans tous les partis, il y a place à la longue pour les bons avis, pour les folies moindres, pour les solutions qui réconcilient et qui guérissent.

1403. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — II. (Suite.) » pp. 463-478

On ferait avec ces deux ouvrages de Ramond, et en laissant de côté les considérations purement scientifiques, une suite de Morceaux choisis dans le genre de ceux de Buffon, et qui mériteraient d’avoir place dans toutes les jeunes bibliothèques. […] Mais en même temps et en attendant que cette épopée encore à naître fut venue, Ramond, vers 1807, savait fort bien déterminer le caractère littéraire d’un siècle qui était le sien et qui a aussi sa force et son originalité : On le dépréciera tant qu’on voudra ce siècle, disait-il, mais il faut le suivre ; et, après tout, il a bien aussi ses titres de gloire : il présentera moins souvent peut-être l’application des bonnes études à des ouvrages de pure imagination, mais on verra plus souvent des travaux importants, enrichis du mérite littéraire… Nos plus savants hommes marchent au rang de nos meilleurs écrivains, et si le caractère de ce siècle tant calomnié est d’avoir consacré plus particulièrement aux sciences d’observation la force et l’agrément que l’expression de la pensée reçoit d’un bon style, on conviendra sans peine qu’une alliance aussi heureuse de l’agréable et de l’utile nous assure une place assez distinguée dans les fastes de la bonne littérature.

1404. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Montluc, dès l’enfance, dut chercher fortune et à se frayer sa voie : « Encore que je sois gentilhomme, si suis-je néanmoins parvenu degré par degré, comme le plus pauvre soldat qui ait été de longtemps en ce royaume. » Nourri en la maison du duc Antoine de Lorraine, au sortir de page il fut pourvu d’une place d’archer dans la compagnie de ce prince sous le chevalier Bayard, qui en était le lieutenant. […] Il sied mal de dérober l’honneur d’autrui ; il n’y a rien qui décourage tant un bon cœur. » Dans les diverses guerres auxquelles il prend part et qu’il nous décrira, il est de certains faits qu’il aura ainsi trop de curiosité et de plaisir à raconter, à déduire au long et par le menu, pour qu’on n’y voie point se déceler et se déclarer le genre de talent militaire particulier et propre à Montluc : c’est ordinairement dans ce qu’il appelle une faction ou fait d’armes à part, dans un coup de main, un stratagème bien ourdi, une escarmouche bien menée, une attaque de place réputée imprenable, ou une défense déplacé réputée intenable, quelque entreprise soudaine et difficile, une expédition en un mot qui fasse un tout, à laquelle il commande, sans qu’il soit besoin d’avoir sous sa main autre chose qu’une élite, c’est là qu’il se complaît et où il excelle.

1405. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

Pendant qu’il le soutient, et indépendamment des assauts du dehors, Montluc a au-dedans à se tirer de deux circonstances difficiles : dans la première, il lui faut renvoyer les troupes allemandes qui s’accommodent peu du jeûne et qui vont affamer trop tôt la place : il les fait sortir de nuit avec adresse, et sans rien communiquer au Sénat ; et il raccommode ensuite cette dissimulation par de belles paroles, si bien que le courage des habitants n’est point ébranlé, mais bien plutôt accru par cette diminution de défenseurs. […] Et, pour énumérer quelques-unes de ses qualités spéciales et naturelles qui venaient en aide à sa bravoure et la distinguaient d’une aveugle témérité, il avait « le coup d’œil topographique », et là où d’autres ne voyaient rien qu’escarpement et difficulté absolue, il discernait l’assiette possible d’une batterie, le côté faible et vulnérable d’une place : aussi excellait-il aux reconnaissances. — Il avait cet autre coup d’œil qui sait nombrer de loin une troupe dans une plaine, et, à un demi-mille de distance, il savait son chiffre, si considérable qu’il fut à cinquante hommes près. — Il s’entendait à merveille, dans une escarmouche, à « tâter » l’ennemi, c’est-à-dire à connaître à sa marche et à son attitude s’il avait peur ou s’il était en force et solide

1406. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — III » pp. 174-189

Dans un conseil de guerre auquel furent appelés Moreau, Saint-Cyr, Pérignon, ainsi que Dessolles, chef d’état-major de Moreau, et Suchet, chef d’état-major de Joubert, toutes les raisons furent données, toutes les considérations furent mises sous les yeux de celui qu’il importait de convaincre : Rien ne vous oblige à livrer une bataille ; l’ennemi finit le siège de la citadelle de Tortone ; mais cette place ne peut tomber en son pouvoir par un siège : il est à désirer qu’il le continue ; il y brûlerait toutes ses munitions avant de pouvoir s’en emparer. Cette place ne peut se rendre que faute de vivres, et l’on est sûr qu’elle en a encore pour deux mois.

1407. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

À la place des belles figures de la mythologie grecque, on voit des diables, des sorcières, des vampires, et les nobles héros du temps passé doivent céder la place à des escrocs et à des galériens.

1408. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

Figurons-nous bien, car c’est le devoir de la critique de se déplacer ainsi à tout moment et de mettre chaque fois sa lorgnette au point, — figurons-nous donc, non pas seulement dans la salle de l’hôpital de la Trinité à Paris (cette salle me semble trop étroite), mais dans une des places publiques d’une de ces villes considérables, Angers ou Valenciennes, devant la cathédrale ou quelque autre église, un échafaud dressé, recouvert et orné de tapisseries et de tentures magnifiques, et tout alentour une foule avide et béante ; des centaines d’acteurs de la connaissance des spectateurs, jouant la plupart au vrai dans des rôles de leur métier ou de leur profession : des prêtres faisant ou Dieu le Père ou les Saints ; des charpentiers faisant saint Joseph ou saint Thomas ; des fils de famille dans les rôles plus distingués, et quelques-uns de ces acteurs sans nul doute décelant des qualités naturelles pour le théâtre ; figurons-nous dans ce sujet émouvant et populaire, cru et vénéré de tous, une suite de scènes comme celles que je ne puis qu’indiquer : — le dîner de saint Matthieu le financier, qui fait les honneurs de son hôtel à Jésus et à ses apôtres, dîner copieux et fin, où l’on ne s’assoit qu’après avoir dit tout haut le bénédicité, où les gais propos n’en circulent pas moins à la ronde, où l’un des apôtres loue la chère, et l’autre le vin ; — pendant ce temps-là, les murmures des Juifs et des Pharisiens dans la rue et à la porte ; — puis les noces de Cana chez Architriclin, espèce de traiteur en vogue, faisant noces et festins, une vraie noce du xve  siècle ; — oh ! […] Ce sont des estampes, des peintures de genre, qui comptent à leur place dans la collection totale et qui, à ce titre, ont leur prix.

1409. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. » pp. 31-51

Flaubert ; mais, celle-ci manquant et se faisant attendre, la critique et le public excités se jetèrent, à son défaut, sur ce qui se présentait en sa place et se substituait à elle en quelque sorte. […] On nomma à sa place Hamilcar Barca, le père d’Hannibal, aussi habile capitaine qu’homme d’État ferme et vigoureux.

1410. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte. »

En 1590, découragé apparemment ou bien tenté par la fortune, il eut l’idée de s’expatrier et adressa au roi une requête pour obtenir quelque place en Amérique, dans cette contrée qu’il appelle quelque part « le pis aller et le refuge des désespérés d’Espagne. » Il énumérait à l’appui de sa requête ses longs services, ses aventures, ses souffrances en Alger ; et cet ensemble de pièces et d’attestations, longtemps enseveli dans des archives, est devenu un document inappréciable pour ses biographes. Il désigna dans ses sollicitations jusqu’à quatre places à sa convenance parmi celles qui vaquaient dans le Nouveau Monde, ce qui eût fait de lui, s’il eût réussi, un payeur de la marine, ou un receveur général, ou un gouverneur de district, ou même un corrégidor.

1411. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

. — Moi, ça m’est égal d’où qu’il vienne, mais je voudrais bien que l’Empereur fournît un grand ministre comme celui-là partout où je passe, etc. » « Je quittai la place, distrait moi-même par la bonne humeur et les bons propos de corps de garde. […] Beugnot, qui a sa place dans les mots célèbres, suffirait à maintenir son nom dans l’histoire.

1412. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite.) »

La première partie de cette campagne de 1747 se passa à prendre les places et forts de la Flandre hollandaise, et, pour ainsi dire, à déblayer le terrain, avant que le maréchal mandât au roi qu’il était temps de venir. […] Le prince, tout timide qu’il était et aussi incapable de parler en public qu’un Nicole ou qu’un La Rochefoucauld, fit cependant de sa place un petit compliment à l’assistance38, se félicitant d’être entré dans une Compagnie si savante, où il trouverait des conseils et des exemples.

1413. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

Brizeux s’est fait sa place à part dans le groupe des maîtres-chanteurs du temps. […] Deux ou trois joyaux ont été changés successivement de place, ont été essayés, puis supprimés.

1414. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens III) Henri Rochefort »

Voilà vingt ans que la place publique entend son sifflet ou son ricanement. […] Songez donc : si on allait lui prendre sa place ?

1415. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre II. L’analyse interne d’une œuvre littéraire » pp. 32-46

Le souci du moi tient la première place dans Chateaubriand ; l’amour de l’humanité, mieux encore, de tout ce qui vit, envahit et anime les livres de Michelet et de G. […] Au reste, ici comme toujours, entre les deux extrêmes il y a place pour une foule de degrés intermédiaires.

1416. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

Il ne m’appartient pas ce copier un programme à cette place, mais d’appeler l’attention des lecteurs de la Revue sur cette solennité artistique, afin que toute personne qui sera à même de le faire aille porter au maître le tribut de ses applaudissements. […] Nous donnerons aussi une place importante au mouvement artistique contemporain, aux efforts des jeunes artistes qui cherchent leur formule dans la voie ouverte par le Maître.

1417. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXII » pp. 355-377

iº Elle a confondu cette rupture avec la courte interruption de liaison qui eut lieu en 1671. 2º Elle la place après le jubilé, qui n’eut lieu qu’en 1676, au lieu de l’indiquer après la semaine sainte de 1675. […] Et si le contraire était (si le roi était triste), on pleurerait et on tremblerait encore : ainsi le repos est chassé de cette place.

1418. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XI. Quelques philosophes »

Tous nos efforts ne supprimeront pas un mystère ; ils pourront seulement le faire « changer de place ». […] Et nul professeur ne devrait trouver place en ce chapitre.

1419. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Madame Récamier. » pp. 121-137

M. de Chateaubriand y régnait, et, quand il était présent, tout se rapportait à lui ; mais il n’y était pas toujours, et même alors il y avait des places, des degrés, des apartés pour chacun. […] Elle ne tint jamais plus de place dans le monde que quand elle fut dans cet humble asile, à une extrémité de Paris.

1420. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

Il est bien vrai qu’au moment où il se demande si la nature entière n’est pas un fantôme, une illusion des sens, et où, pour être logique, il se place dans cette supposition d’un doute absolu, il est bien vrai qu’il se dit : « Cet état de suspension m’étonne et m’effraie ; il me jette au-dedans de moi dans une solitude profonde et pleine d’horreur ; il me gêne, il me tient comme en l’air : il ne saurait durer, j’en conviens ; mais il est le seul état raisonnable. » Au moment où il dit cela, on sent très bien, à la manière même dont il parle et à la légèreté de l’expression, qu’il n’est pas sérieusement effrayé. […] … Il faut lire en entier et à sa place ce morceau.

1421. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Walckenaer. » pp. 165-181

Il se retira peu après et ne rentra en place qu’avec la Restauration : on le voit maire d’un arrondissement de Paris d’abord en 1814, puis secrétaire général de la Seine, et finalement préfet à Nevers et à Laon jusqu’en 1830. […] Toutes les femmes qu’a aimées La Fontaine et qui le lui ont si bien rendu, qui l’ont recueilli, nourri et soigné dans les distractions et les oublis de sa vieillesse, ont leur place dans cette biographie de curiosité et d’affection.

1422. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre III. Le cerveau chez l’homme »

Un second fait non moins curieux, c’est que dans les races inférieures les sutures antérieures du crâne se ferment avant les postérieures, d’où il suit que le développement des lobes antérieurs du cerveau s’arrête plus tôt, fait très favorable à l’hypothèse qui place l’intelligence dans la partie frontale du cerveau ; mais ceci touche à la question des localisations, que nous ne voulons pas entamer dans cette étude. […] Le détail de ses recherches ne peut trouver place ici.

1423. (1876) Du patriotisme littéraire pp. 1-25

Vingt ans après la mort de Joinville, naît pour prendre sa place messire Jehan Froissart, le peintre des magnificences féodales, des passes d’armes et des grandes chevauchées. […] Muratori nous a rapporté qu’au treizième siècle on chantait communément sur les places les gestes de Roland et d’Olivier.

1424. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIX. Mme Louise Colet »

C’était ce qui repointait encore de ces herbes exécrées qui cependant doivent disparaître, si l’Évangile de la République démocratique et sociale est une vérité… En disant les derniers, on affirmait d’avance qu’il n’y en aurait plus et on les tuait dans le ventre de l’avenir, car c’est une manière de tuer les gens que dire hautement qu’ils sont morts… C’était donc le coup définitif de la guillotine… Malheureusement ce gratte-papier mollasse d’une plume de femme, n’avait pas l’affilé du couperet qui avait mordu dans l’herbe humaine, haute et drue, et cette plume ne pouvait que gratter la place où repoussait ce chiendent maudit ! On le savait bien, on croyait le savoir, Mais ce qu’on ne savait point, c’est que cette plume ne gratterait pas cette place ; c’est que madame Colet n’avait pas d’ongles pour la gratter ; c’est qu’elle resterait impuissante devant ces quelques brins d’herbe obstinés à reparaître ; et que ces titres à faire trembler pour ce qu’ils contiennent — les Derniers Abbés et les Derniers Marquis ne devaient être que deux impostures et deux bêtises, faites par le dernier des bas-bleus.

1425. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Les deux cathédrales »

La nature, jadis proscrite comme un réceptacle d’impuretés, reprend su place et sa dignité. […] La vérité naît peu à peu du libre et impartial examen de l’homme, qui reprend sa place dans l’immense série des êtres et des mondes.

1426. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIV. »

Rome était bien loin de ce progrès et de cet accord heureux des arts, lorsqu’elle commença d’imiter la poésie grecque, et d’introduire, après les jeux sanglants du cirque, ou parfois à leur place, quelques chants mêlés à des scènes dramatiques. […] Enfin un curieux témoignage à la gloire de ce vieux poëte de la république, c’est le brillant abréviateur de l’histoire romaine, le flatteur de l’empire, Velléius Paterculus, écrivant, à une des dates mémorables de son récit : « Dans le cours de cette même époque169, parurent les rares génies d’Afranius dans la comédie romaine, de Pacuvius et d’Accius dans la tragédie, d’Accius élevé jusqu’à l’honneur de la comte paraison avec les Grecs, et digne de se faire une si grande place parmi eux qu’il soit presque impossible de ne pas reconnaître, chez eux plus de perfection, et chez lui plus de verve. » Alors même que cet éloge expressif était arraché au bon goût de Velléius, l’éclat du siècle d’Auguste, l’urbanité nouvelle et aussi les précautions politiques de son règne avaient, selon toute apparence, bien éloigné de la mémoire et de la vue des spectateurs romains les drames de la vieille école.

1427. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

Ceux qui le composent prennent la place des grands malheureux, et quand ils ne peuvent suppléer par eux-mêmes, ils relèvent toutes les grandes maisons par le moyen de leurs filles, qui sont comme une espèce de fumier qui engraisse les terres montagneuses et arides » [Cf.  […] Mais si la sensibilité n’y occupe pas toute la place, elle en fait l’âme ; et s’il est une qualité que l’on ne puisse disputer aux Araminte et aux Silvia de ce galant homme, c’est d’être en vérité ce qu’on appelle « touchantes ». […] Nous disons bien : grâce au patriarche ; car en vérité, si ce n’était l’intervention de Voltaire dans toutes ces affaires, elles n’appartiendraient qu’à peine à l’histoire de la littérature, et surtout, si cette intervention ne lui avait assuré la place qu’il occupe dans l’histoire de son siècle. […] , III, 185]. — Jésuites, jansénistes et gens en place en prennent occasion pour s’élever contre l’Encyclopédie. — L’abbé de Prades, exilé de Paris, part pour Berlin ; — Voltaire s’emploie pour lui auprès de Frédéric ; — et à cette occasion entre pour la première fois en rapports un peu étroits avec d’Alembert et Diderot. — L’Encyclopédie est « supprimée » par arrêt du Conseil, 1752 [Cf.  […] 2º La Doctrine. — Qu’on ne fait point habituellement de place aux « Économistes » dans l’histoire de la littérature française ; — et qu’il y a lieu de réparer cet oubli ; — s’ils n’écrivent pas après tout plus mal que la plupart des encyclopédistes ; — si le meilleur jugement qu’on ait porté sur le livre d’Helvétius est celui de Turgot [Cf. la Correspondance inédite de Turgot et de Condorcet, publiée par M. 

1428. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

Ni la mère, ni la sœur, ni l’épouse n’ont de place, à vrai dire, dans cette épopée populacière. […] De telle sorte que, le plus grand service que les chansons de geste rendirent à la littérature nationale, ce fut de disparaître, et de céder à la prose la place qu’en son absence elles avaient occupée. […] Pouvez-vous en faire usage et les mettre chacune à sa vraie place ? […] Vingt autres, en sa place, eussent même gardé l’implacable rancune des leçons qu’il avait déjà reçues. […] Bien plus ; et peut-être en est-ce une de leur faire la part la plus belle et la place la plus large.

1429. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Elle tient donc silencieusement de la place dans nos esprits. […] On l’a enseveli sous un ciel solitaire, et à cette place se dresse désespérément un iris blême. […] Les chiffres et de pauvres chansons avaient pris la place de la riante nature. […] Cet édifice national n’est nullement une prison, mais une demeure bien aérée ou chaque élan lyrique trouve son emploi et sa place. […] Le printemps prit tout de suite la place de l’hiver ; l’été se réveillait un mois plus tôt et prolongeait sa veillée à travers un délicat d’automne.

1430. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « VII » pp. 25-29

Les étudiants, furieux de n’avoir pas été admis en assez grand nombre à la première11, ou de ce qu’on avait vendu sur la place des billets au-dessus du prix, ont voulu faire rendre compte au directeur Lireux.

1431. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLVIII » pp. 188-192

La plupart des écrivains les plus lus, les plus connus du public, ceux que les lecteurs qu’ils ont si souvent charmés ou amusés nommeraient d’emblée et tout naturellement aux honneurs littéraires, manquent par malheur dans leur vie de cette considération et de cette consistance qui font qu’on soit à sa place partout.

1432. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Note »

Je crois me rappeler qu’en effet, après l’article sur les Affaires de Rome, je rencontrai un jour sur la place de l’Odéon, au bras de je ne sais plus qui, M. de La Mennais que depuis quelque temps j’avais cessé de voir ; je ne me souviens pas de la mine que je pus faire, car on ne se voit point soi-même.

1433. (1874) Premiers lundis. Tome I « Le vicomte d’Arlincourt : L’étrangère »

Que cette infortunée, qui n’est ni femme ni vierge, et qui pourtant n’est point coupable, soit la véritable Agnès, qui a trouvé moyen de courir les champs en laissant à sa place dans le donjon quelque amie complaisante, c’est ce que devine tout d’abord le lecteur qui sait tant soit peu son d’Arlincourt : mais c’est ce qu’Arthur ne saurait deviner ; et pourtant son cœur à tout hasard n’en préfère pas moins la proscrite de la vallée à l’héritière du château.

1434. (1874) Premiers lundis. Tome II « Théophile Gautier. Fortunio — La Comédie de la Mort. »

Il est de ce qu’on appelle l’école de l’art pour l’art, et il en a même poussé quelques-uns des principes dans l’application avec une rigueur et une nouveauté qui lui font une place à part.

1435. (1875) Premiers lundis. Tome III « De l’audience accordée à M. Victor Hugo »

Puis, quand l’ancienne littérature est partout ; qu’elle occupe les places, les Commissions, les Académies ; que le gouvernement s’en rapporte à ses décisions en toute matière littéraire où il a besoin de s’éclairer ; quand, il y a quelques mois à peine, une pétition, signée de plusieurs auteurs classiques les plus influents, et tendant à obtenir pour eux le monopole du Théâtre-Français, est venue mourir au pied du trône ; n’y aurait-il pas, de la part du gouvernement du roi, peu de convenance et d’adresse à frapper d’interdiction la première œuvre dramatique composée depuis ce temps par un des hommes de la jeune littérature, une pièce avouée d’elle, réclamée par le public, et sur laquelle on veut bien fonder quelque espoir ?

1436. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVI » pp. 188-192

L’hôtel de Rambouillet est tout à fait hors de ces débats : l’ombre encore vivante de la marquise octogénaire plane fort au-dessus ; et la duchesse de Montausier est habituellement retenue à la cour par sa place de gouvernante.

1437. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre VIII. La Fille. — Iphigénie. »

La religion chrétienne est si heureusement formée, qu’elle est elle-même une sorte de poésie, puisqu’elle place les caractères dans le beau idéal : c’est ce que prouvent nos martyrs chez nos peintres, les chevaliers chez nos poètes, etc.

1438. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre VIII. Bossuet historien. »

Patriarche sous le palmier de Tophel, ministre à la cour de Babylone, prêtre à Memphis, législateur à Sparte, citoyen à Athènes et à Rome, il change de temps et de place à son gré ; il passe avec la rapidité et la majesté des siècles.

1439. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre III. Massillon. »

Convenez de leurs maximes, et l’univers entier retombe dans un affreux chaos ; et tout est confondu sur la terre ; et toutes les idées du vice et de la vertu sont renversées ; et les lois les plus inviolables de la société s’évanouissent ; et la discipline des mœurs périt ; et le gouvernement des États et des Empires n’a plus de règle ; et toute l’harmonie des corps politiques s’écroule ; et le genre humain n’est plus qu’un assemblage d’insensés, de barbares, de fourbes, de dénaturés, qui n’ont plus d’autres lois que la force, plus d’autre frein que leurs passions et la crainte de l’autorité, plus d’autre lien que l’irréligion et l’indépendance, plus d’autres dieux qu’eux-mêmes : voilà le monde des impies ; et si ce plan de république vous plaît, formez, si vous le pouvez, une société de ces hommes monstrueux : tout ce qui nous reste à vous dire, c’est que vous êtes dignes d’y occuper une place. » Que l’on compare Cicéron à Massillon, Bossuet à Démosthène, et l’on trouvera toujours entre leur éloquence les différences que nous avons indiquées ; dans les orateurs chrétiens, un ordre d’idées plus général, une connaissance du cœur humain plus profonde, une chaîne de raisonnements plus claire, enfin une éloquence religieuse et triste, ignorée de l’antiquité.

1440. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Carle Vanloo  » pp. 117-119

Quiconque veut décocher une flèche, prend son arc de la main gauche, étend ce bras, place sa flèche, saisit la corde et la flèche, de la main droite, les tire à lui de toute sa force, avance une jambe en avant, et recule en arrière, s’efface le corps un peu sur un côté, se penche vers l’endroit qu’il menace, et se déploie dans toute sa longueur.

1441. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Gérard de Nerval »

La vie seule de Raimond Lulle est un sujet magnifique, où tout ce qui concerne cette question, obscure et brillante tout à la fois, de l’illuminisme, que la science n’a pas encore osé poser, mais qui attire et qui tourmente l’imagination moderne, trouverait aisément sa place.

1442. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Eugène Chapus »

Elle a été remplacée par une autre, dans laquelle l’homme tient moins de place et sa pensée davantage, et dans celle-là.

1443. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de l’Évangile » pp. 89-93

Troublé comme tous les philosophes, qui ont altéré ou ruiné la grande notion de la famille chrétienne, il ne sait plus que faire de la femme qu’il a tirée de la fonction sublime entre le père et l’enfant pour la voir sur la place publique et, que sais-je ?

1444. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « L’abbé Cadoret »

Sinon sans trahison, mais qui introduiraient l’ennemi au cœur de la place autant que s’ils étaient des traîtres, ces métis de la Philosophie et du Christianisme ne sont pas d’hier dans l’histoire.

1445. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Furetière »

À en croire le jeune commentateur, il y aurait tout un côté caricaturesque au Roman bourgeois, et il l’explique par une étude très substantielle, où les mots tiennent moins de place que les choses, sur la société du temps où Furetière écrivait.

1446. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

Je le demande ; quelle est aujourd’hui la renommée de ceux qui ont voulu distribuer orgueilleusement les rangs & les places, qui ont voulu juger autrui sans avoir appris à se juger eux-mêmes ? […] L’esprit se trouve obscurci dans cette multitude de sots Livres, qui tiennent tant de place, & qui ne servent qu’à troubler l’esprit du Bibliothécaire qui ne peut venir à bout de les arranger. […] Milton, Poète sublime, généreux défenseur de la liberté, après le rétablissement de Charles II, étoit le maître de rentrer dans sa place de Sécretaire d’Etat. […] Toutes les charges, les dignités, les emplois, les places civiles, militaires & sacerdotales se donnent à ceux qui ont déjà de l’argent. […] Cette Dissertation trouvera sa place ailleurs.

1447. (1895) De l’idée de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines pp. 5-143

Fichte, sous le moi conscient, place le moi absolu, de qui l’activité précède l’intelligence, et c’est cette activité qui, subissant un choc inexplicable, explique le moi comme le non-moi. […] Tant qu’avec Descartes et même avec Leibnitz on s’est borné à poser des lois de constance de la quantité en général, une place est nécessairement restée à l’indétermination. […] Il place dans l’inter-fécondité le signe de l’espèce. […] Locke place à la base de la science de l’âme un élément proprement psychique, l’idée. […] Quand le domaine de la science proprement dite était peu étendu, on pouvait admettre qu’en dehors de ce domaine, il y avait place pour la liberté.

1448. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

Elles ressemblent à ces stagiaires : qui sont obligés de soupirer, du matin au soir, après une place. […] — Eh bien, il faut revenir me voir, et me redemander d’autres places. […] À sa place, j’aurais fait comme lui. […] Sa place est marquée partout où il y a des hommes d’esprit, curieux de penser et de sentir. […] Sur ce nouveau sol, où des pierres sculptées affleuraient par places, des paysans bâtirent un hameau.

1449. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Je me serai certainement plus d’une fois trompé, car nul d’entre nous n’est à l’abri de l’erreur, surtout en des matières où le goût personnel tient une telle place et représente un élément déformateur propre à celui qui écrit. […] » Pour avoir longuement médité l’œuvre de ses devanciers, Mme de Noailles sait la place qu’y tient cette conception particulière de l’amour fondée sur le culte de la sensation exclusive, absorbante et asservissante. […] Et ce n’est pas seulement, ce Matin normand, un frais tableau d’aube sur la mer, où ressuscitent à leur place les images qu’ordonna la Nature, c’est encore hommage ému d’une Française au sol natal d’où elle tira sa sève et sa vigueur. […] Jadis, l’esprit classique, modelé par la discipline purement logique des dix-septième et dix-huitième siècles français, attribuait à l’intelligence la place prépondérante : la littérature de ces deux siècles nous en est une preuve suffisante. […] Point de génie, avons-nous dit, mais un groupe de délicieux talents… Quoi d’étonnant si, de valeur presque égale, quelques-unes sont venues réclamer leur place dans la lumière que projette la Renommée ?

1450. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

Elles ont pourtant occupé les plus grands des Romains, parce qu’elles sont le fondement de l’art oratoire, qui conduisoit aux grandes places de la République. […] Les rapports ou vûes de l’esprit que les Latins font connoître par la différence de la terminaison d’un même nom, nous les marquons, ou par la place du mot, ou par le secours des prépositions. […] Elles n’en ont pas moins leur place dans l’alphabet Grec. […] tout cela se fait ou par la place du mot, ou par le secours des prépositions. […] Notre accusatif, dit-on, est toûjours semblable au nominatif : hé, y a-r-il autre chose qui les distingue, sinon la place ?

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