Je m’étonne qu’on n’ait jamais encore comparé Griffin à Corot ; avec Racine, La Fontaine et nos impressionnistes Monet et Sisley ils ont peint, au moyen de procédés différents, mais en somme musicaux, les harmonies subtiles de nos sites français : De l’ombre, ici, on regarde, Entre les feuilles extrêmes et la haie, La longue plaine que garde L’arroi pâle des peupliers, Là-bas, où le fleuve s’attarde Aux méandres familiers. […] Ne s’est-il pas peint encore dans ce cri ; Mon âme ! […] Avec quelle violence il nous peint les plaisirs des matelots un jour de fête dans le port ! […] Ils peignent le nu, évoquent la chair avec ardeur, et non pas le nu masculin à la manière des Grecs qui préféraient leurs éphèbes, mais le corps de la femme, les florissantes carnations. […] « Ceux-ci ne se sont pas aperçus qu’ils simplifiaient moins le cœur de la châtelaine qu’ils n’“endimanchaient” l’esprit de la fermière. » Ni Gabriel Vicaire ni Theuriet, ni tant d’autres qui peignent plus qu’ils ne chantent si qui perçoivent la nature du dehors au lieu de la vivre et de la sentir ondoyer en soi, n’ont le sens du folklore.
Le Classicisme lui-même ne pouvait que peindre des sentiments d’homme. […] Les mots ne peignent pas les images, n’en donnent pas une sensation exacte.
C’est donc une très grande faute littéraire que d’outrer l’expression ; on risquerait moins peut-être à la tenir au-dessous de la vérité ; aussi lorsque, dans les Confessions d’an Enfant du Siècle, nous voyons toutes les ressources du terrible employées à peindre les pensées et les actes d’un enfant de 19 ans, abandonné par une femme qu’il aime, nous ne pouvons en vérité reconnaître une valeur sérieuse à la composition d’un livre basé sur une donnée aussi peu littéraire. […] On voit que Fortunio est un personnage largement inventé et que son créateur, résolu à peindre toute la félicité imaginable, s’est avancé intrépidement jusque dans le domaine de l’impossible.
Un jour qu’il se lamentait de n’avoir pu se loger l’été à Saint-Germain, à portée de Meulan, il écrivait à Fauriel, après une page toute de doléances, ce correctif aimable qui nous le peint naïvement : « N’allez pourtant pas croire, mon bien aimable ami, que ces maux soient sans remède, et ne vous attristez point trop, en oubliant de rabattre tout ce que mon imagination fiévreuse ajoute au mal réel. […] Parini, dans ses sciolti, a prouvé qu’il les possédait toutes ; il arrive à la combinaison du poétique et du vrai, à la perfection de l’œuvre, et, pour le peindre avec ses propres couleurs, on dirait que, ses vers découlant d’une noble veine, une muse savante les ait fait passer à l’ardent foyer de l’art : ……….Da nobil vena Scendano ; e all’ acre foco Dell’ arte imponga la sottil Camena. […] Je suis assuré que quiconque lira son histoire de la Gaule, puis son Cours, avec l’attention qui convient, sentira que l’effet général est de lui agrandir la vue historique, de lui montrer l’humanité sous d’autres aspects plus larges et à la fois très-positifs, tellement qu’il devient difficile, après cela, de se contenter de la manière extérieure de peindre propre à quelques historiens, ou des petits traits de plume et des pointes perpétuelles de certains autres ; mais, pour goûter ce genre d’exposé et ne pas se rebuter des lenteurs, il faut se sentir attiré vraiment vers le fond des choses et par ce qui en fait l’essence.
Mais c’est de préférence au théâtre, et dans le roman, qu’il s’est plu à peindre tel ou tel personnage, telle ou telle héroïne, qui poussaient l’exaltation sentimentale jusqu’à nier toutes autres valeurs. […] Sa robe qu’aucun lien ne resserre et qui la pare sans la gêner, brille de couleurs plus diverses et plus vives que celles dont Phoebus peint la nue, quand il s’y joue avec tous ses rayons. […] Ce n’est pas assez pour moi de peindre la nature de ses vraies couleurs ; je donne de la réalité à la fiction même, et je crée tout ce que j’imagine.
Dans un voyage en France, quelques années après (1766), Horace Walpole retrouve le duc de Nivernais et son monde ; il se loue en toute occasion de sa serviabilité, de son obligeance ; mais il le peint au vif dans sa haute coterie.
Quand il peint les mœurs modernes, c’est en moraliste.
Une femme ne se fait plus peindre en déesse sur un nuage, mais dans un laboratoire, assise parmi des équerres et des télescopes512.
Les personnes qui ont vu à Montpellier le portrait de Fabre tel qu’il l’a peint lui-même se demandent comment la veuve de Charles-Édouard, l’adorata donna d’Alfieri, aurait pu effacer comme à plaisir, par cet inexplicable attachement, la poétique auréole qui entourait son nom.
Le poëte Byron, qui descendait de lui par les femmes, a peint avec des couleurs de famille son ancêtre dans son poëme sombre et romanesque du Pirate.
Pascal peindra à l’homme sa grandeur et sa bassesse, ses avantages et ses faiblesses, toutes les contrariétés étonnantes qui se trouvent dans sa nature.
Hugo n’a peint que des insensés, et, malheureusement pour lui, des insensés conséquents avec eux-mêmes d’un bout de la pièce à l’autre.
Mais à qui s’applique moins l’idée du naturel par excellence qu’à Montaigne, à cet homme occupé à se peindre, et par conséquent à se farder ; à s’analyser, et par conséquent à se prêter ou à se retrancher certains traits, par la subtilité même de son esprit, et par cette curiosité qui se crée un spectacle ; penseur à la suite d’autrui, à propos d’une lecture qui le pique ; qu’une idée ingénieuse attache tout un jour, et qu’une citation fait changer de chemin ; qui suspecte la nature universelle et ne se plaît qu’en la nature variable ; qui pense plus pour le plaisir d’écrire, qu’il n’écrit pour éclaircir ses pensées ; auquel ses amis reprochent d’épaissir sa langue, comme on reprocherait à un peintre d’empâter ses couleurs, par trop d’attention donnée au détail ?
Elle est en carton-pâte, elle est en papier peint.
Je peindrai aussi exactement que je pourrai cette maison extraordinaire de Saint-Sulpice qui est plus séparée du temps présent que si trois mille lieues de silence l’entouraient.
C’est là que j’ai appris l’art de peindre la nature par des traits moraux.
Au lieu de peindre avec une précision impossible à obtenir des sons, les motifs intérieurs qu’il supposait agir dans l’âme de ses héros, il a tout simplement rendu leurs mouvements extérieurs et l’amoureux transport qui les saisit.
Si j’étois assez heureux que d’être choisi, parmi nos Gens de Lettres, pour peindre à la Postérité tant de qualités précieuses, j’aurois alors un nouveau sujet de m’applaudir de n’avoir consacré ma plume qu’à louer des Princes vraiment estimables, après l’avoir exercée jusqu’à présent à la seule défense de la Religion & de la saine Littérature.
A voir le vase peint qui représente ce triomphe, on dirait un beau Calife rentrant dans son sérail, au milieu de ses aimées et de ses derviches.
Des vers qui sculptent avec des mots les rocailles de rivages africains, qui peignent les ciels polychromes, donnent l’anhèlementbf des atmosphères tropicales, le goût des alcools et le toucher des peaux nègres.
— Toute surface sur laquelle on peint.
Et Duclos saisit et définit fort bien les vices ou défauts caractéristiques de cette société restreinte : non pas tant encore le dérèglement des mœurs (dont je ne pense pas que Rousseau se crût exempt) que la vanité, la frivolité, l’abus de l’esprit, le « persiflage » (ce que nous appelons aujourd’hui la « blague »), la sécheresse et la dureté du cœur (ce que Gresset avait peint en 1745 dans le Méchant), le tout mêlé a des prétentions « philosophiques ». […] Besenval, parlant du temps où elle était duchesse de Boufflers, nous la peint comme un monstre de débauche, d’ivrognerie et de méchanceté.
. — Je les ai peints assez souvent au point de vue littéraire et de l’illusion, tels qu’ils voulaient paraître, aujourd’hui je fais l’autopsie. […] Je ne sais si Villemain osera raconter ce trait dans son éloge académique : il le faudrait pourtant, sous peine de ne pas peindre l’homme.
Que se passe-t-il donc par-delà ces toiles peintes ? […] Et quand un sourire de toi entre en moi. ce n’est pas le dessin seulement de la couleur de tes lèvres qui se peint sur l’eau fragile de mon âme.
Des mots s’imposent à lui quand il veut peindre ses impressions et la couleur de ses songes ; des mots s’imposent aussi à qui veut le définir et d’abord celui-ci, déjà écrit mais qui renaît, invincible : richesse. […] Musique de plain-chant grégorien, tel qu’on l’écoute en une somptueuse église flamande, avec de soudaines fugues de prière exaltée qui planent sur les lignes hautes, se jettent vers les voûtes peintes, avivent les vieux vitraux, illuminent d’amour les chemins de la Croix assombris.
Écrire, c’est très différent de peindre ou de modeler ; écrire ou parler, c’est user d’une faculté nécessairement commune à tous les hommes, d’une faculté primordiale et inconsciente. […] Quesnay de Beaurepaire avec des soins aurait pu devenir Rabelais ; si l’homme qui imite les marbres précieux en secouant d’un coup vif son pinceau vers les panneaux de sapin aurait pu, bien conduit, peindre le Pauvre Pêcheur, ou si le ravaleur qui taille dans le genre corinthien les tristes façades des maisons parisiennes ne pourrait pas, après vingt leçons, sculpter par hasard la Porte de l’Enfer ou le tombeau de Philippe Pot ? […] Cela est très visible dans les formules telles que : le sein de l’Académie, l’activité dévorante, ouvrir son cœur, la tristesse était peinte sur son visage, rompre la monotonie, embrasser des principes. […] Souriant de cette opulence de papier doré et de fleurs peintes, idéal d’un archevêque resté séminariste, nous oublions qu’on n’avait pas décrit la nature depuis l’Astrée ; ces oranges douces, ces sirops trempés d’eau de source furent des rafraîchissements de paradis.
Ajoutez l’inconvénient d’offrir un parallèle non plus avec un prosateur comme Platon, mais avec un poète et un des plus grands poètes de l’époque, Byron, qui s’est peint sous le nom d’Harold. […] Nous sommes volontiers de l’avis de La Bruyère : « Tout l’esprit d’un auteur consiste à bien définir et à bien peindre. […] Là « sa plume dessine, peint, grave, cisèle. […] Le chœur des sphynx, les villes qui se répondent en échangeant le secret de leur grandeur et de leur décadence, le contraste du vieux monde avec un monde nouveau dans les chants alternés des Rois Mages et des bergers, nous offrent d’admirables inventions traduites dans une prose musicale et peinte qui rejoint les sons et les couleurs des plus grands poètes.
Huysmans, du désir de peindre des âmes, mais bien d’une connaissance imparfaite des ressources de leur métier. […] Paul Souchon dessine plus qu’il ne peint. […] Il se fourre les doigts dans le nez, puis fait de l’aquarelle, assis sur un tas de fumier, à l’entrée d’un village en bois peint, pareil à ceux qu’on trouve dans les boîtes de joujoux qui viennent de Nuremberg.
Le jeune prince lui-même, tout pénétré qu’il fût du sentiment des malheurs publics, n’en était point distrait de sa passion pour Juliette ; une correspondance suivie, fréquente, venait rappeler à la belle Française ses serments, et lui peignait dans un langage touchant par sa parfaite sincérité un amour ardent que les obstacles ne faisaient qu’irriter.
Tu rentres, et le matin suivant te trouve, avant la pleine aurore, au coin de ton feu flamboyant de sapin, devant ta table chargée de livres et de crayons, les yeux levés et rêveurs promenés sur l’horizon des montagnes, et cherchant lentement dans ta mémoire les images dont tu avais besoin pour peindre, dans ton poème, la félicité de l’homme.
Heureux qui sait peindre !
Ceux qui dorment, ceux qui sont morts, ressemblent à des figures peintes : il n’y a que l’œil de l’enfance qui s’effraye à la vue d’un diable en peinture.
M. de Montesquieu qui, à la page suivante, peint l’Angleterre comme le type du gouvernement parfait, ignore-t-il que le bâton appliqué à la discipline de l’armée y joue un rôle mille fois plus habituel que la baguette du mandarin dans le Céleste Empire, et cependant déshonore-t-il les institutions de la Grande-Bretagne parce qu’elles préfèrent, dans leur logique, cette peine disciplinaire à la prison ?
Et de là vient la puissance pathétique de ces effusions de tendresse douloureuse, lorsqu’il peint la grâce si charmante et si tôt flétrie de Madame, de ces effusions de sympathie admirative, lorsqu’il conte les victoires, l’héroïsme, la simplicité du prince de Condé : si ce n’est pas de l’histoire, c’est à coup sûr de la poésie.
» Toutefois, Nicole ne le suivit pas dans son exil volontaire en 1679 ; il fit même, dit-on, avec les jésuites un accommodement où se peint son caractère.
Mais les fleurs de la morale, sans vraies couleurs et sans parfum, ont trop souvent rappelé les couronnes d’immortelles en plâtre peint dont on pare les tombeaux.
D’autres fois, je regardais, par la porte à demi enfoncée de la chapelle, les vitraux ou les statuettes en bois peint qui ornaient l’autel.
En même temps, d’ailleurs, qu’on voulait peindre le maître, on voulait le démontrer.
Au lieu de narrer vivement, tu rabâches ; au lieu de peindre la passion, tu t’accroches oiseusement aux mots !
L’imagination populaire d’ailleurs confond volontiers le philosophe avec l’alchimiste ; elle le plaçait au milieu des livres, des fourneaux et des cornues dans un de ces réduits obscurs qu’a peints Rembrandt.
Dans la Cène de Léonard de Vinci, l’étonnement est peint d’une manière admirable sur le visage des disciples, avec les nuances les plus diverses selon les caractères, au moment où ils entendent cette parole de Jésus : « L’un de vous me trahira » ; et toutes ces nuances sont en même temps celles de l’aversion et de la crainte.
» « Enfoncés », dit l’un de nous à l’autre avec cet affaissement moral et physique qu’a si bien peint Gavarni dans l’écroulement de ce jeune homme, tombé sur la chaise d’une cellule de Clichy.
c’est que Molière était vivant au milieu de sa génération ; c’est qu’il peignait les ridicules, les mœurs, les petitesses et les mesquineries des jours qu’il traversait.
Tel est l’ensemble des mœurs russes peintes à fresque par Tourgueneff. […] — C’est un poète, un poète dont l’imagination nous emporte dans les régions idéales, et maintenant on ne s’applique qu’à peindre les réalités de la vie vulgaire.
Dans les trop fameuses philippiques publiées par le Pays, lors de l’apparition des Misérables, il reprochait entre autres choses, à Hugo, d’être « un classique peint en romantique », « un lyrique artistement peigné en échevelé. » Artistement, mais c’est ce qu’il faut, bon critique ! […] Qui n’a lu avec vertige et enchantement ce superbe chapitre des Misérables, l’année 1817, sorte de danse macabre d’événements déjà si loin et pourtant si près encore de nous, et qu’un Holbein plus génial que le vieil Holbein peignait d’une brosse si vigoureuse et de couleurs si ardentes, sur l’indestructible mur d’enceinte de son immense épopée ?
Et le 8 août, il définissait en ces termes sa situation telle qu’elle se peignait dans son imagination douloureuse : Jamais général en chef n’a été placé dans une position semblable.
Brutus, qu’on se peint comme un féroce et fanatique meurtrier, n’était que le plus aristocrate, le plus élégant et le plus lettré des stoïciens aristocrates.
Chacun sait comment le pauvre Gargantua commença par être mis aux mains d’un « sophiste ès lettres latines », lequel lui faisait apprendre par cœur, puis redire à l’envers une grammaire et une logique, si bien que le jour où on voulut l’examiner, « il se print à plorer comme une vache, et se cachoit le visage de son bonnet, et ne fut possible de tirer de lui une parole. » Son père, Grandgousier, qui voit alerte, dispos, maître de sa langue et de ses idées, un garçonnet de douze ans élevé de façon moins surannée, entre dans une colère terrible contre les pédants dont « le sçavoir n’est que besterie abastardissant les bons et nobles esprits. » On décide alors de refaire l’éducation du géant, fils de prince, et son nouveau précepteur lui apprend tant et de si belles choses que l’élève devient habile, non seulement à sauter, lutter, nager, botteler du foin, mais encore à sculpter, peindre, jouer du luth, faire des vers, et qu’il peut deviser avec les docteurs comme avec les artisans.
elle ne devait point tarder à s’accroître, — se peignit dans le coup-d’œil méfiant dont il enveloppa, dès lors, son croque-notes favori !
Ainsi, aux chers jours de Bayreuth dont l’anniversaire maintenant se solennise, ainsi, pendant que l’orchestre bayreuthien en cette salle privilégiée chantait le flux de ces véhémentes harmonies ; par fois, tournant le dos à la risible scène, oubliant les balourds occupés à représenter celui-ci un sieur Tristan, celle-là une dame Isolde, celui-là un Kurwenal graisseux et ventru ; négligeant les cocasseries du navire en carton peint et des matelots en zinc et tant de sottes polychromies ; oui, les yeux clos à ces sottises, et solitaire en mon attention tout dévouée aux uniques sonorités qui d’un centre invisible dans l’absolue nuit de mes sens s’éparsemaient : ainsi, parfois, ai-je écouté, ai-je quéri, ai-je entendu la symphonie qui se nomme Tristan et Isolde… Alors le préludial appel résumateur des suggestions où voguera ce conte d’âmes, et son apaisement.
Pelletan aime les images, et il a raison : dire n’est rien, peindre est tout en fait de style ; les images sont les gravures de l’idée ; ce qui n’est pas représenté n’est pas dit.
Un poète tragique ou épique, comme Corneille ou comme Racine, peut imiter l’antiquité, parce qu’il peint la fable ou l’histoire, choses antiques qui se prêtent aux costumes et aux passions hors du temps ; mais un poète comique n’est comique qu’à la condition d’être vrai, d’être actuel et de prendre ses modèles, ses couleurs et ses aventures, non dans des mœurs mortes, mais dans des mœurs vivantes.
Mais ce n’est pas ici la question ; et nous nous bornerons à dire que, si « tout l’art d’écrire, selon le mot de La Bruyère, consiste à bien définir et à bien peindre », la scolastique nous en a certainement appris une moitié.
Mauriac cite le ridicule ouvrage de feu Masson-Forestier, descendant d’une nièce de Racine, et de son métier agréé au tribunal de commerce de Rouen, lequel peignit ce poète comme un fort méchant homme et une espèce de forban. […] J’ajouterai qu’à creuser encore plus ce sens profond, Hélène, telle que nous la peint spirituellement Mme Gérard d’Houville, ne fut jamais vraiment un être humain. […] Évidemment l’homme supérieur existe aussi, et en principe le romancier réaliste peut le peindre, comme l’ont fait Stendhal et Balzac ; mais ces derniers n’appliquent pas le réalisme intégral, dont les fermes partisans reculent habituellement devant ces exceptions.
Et alors, au groupe de Vénus, de l’Amour et des Immortels penchés, le chevalier oppose le groupe de Bethléem, la Vierge, Jésus, Joseph, le bœuf et les rois nègres dans l’étable ; et il nous peint cela en traits « badins », car, de très bonne foi, l’innocent trouve ce tableau ridicule. […] Il a son peuple au long des poteries, Et règne en paix sur ces magots poupins Qui vont cueillant les pivoines fleuries Aux buissons bleus des paysages peints. […] Ils se sont mis trois, Vanloo, Leterrier, Mortier, pour nous la peindre, en somme, assez faiblement. […] C’est celui qui nous peint le printemps surhumain du Paradou et les amours du prêtre et de la faunesse dans cet éden farouche, le mirifique dîner chez les Coupeau, l’égorgement de Maingrat par les femmes des mineurs ou la promenade des grévistes dans la campagne rase, sous le ciel ensanglanté… La description hallucinée et triste des choses concrètes, embrassées en de vastes ensembles ; celle des poussées de l’instinct, lentes ou soudaines, sourdes ou violentes, soit chez les individus, soit dans les multitudes (on sait avec quelle puissance M. […] Sans doute, au premier acte, les parois du four tremblaient quand on enfournait le pain, et nous étions bien obligés de nous apercevoir que ce four était formé de châssis de toile peinte ; mais, en revanche, les miches étaient de vraies miches, en vraie pâte qui s’étalait sur la pelle à enfourner… A moins que ces miches ne fussent en plâtre ?
Il se dit, sans doute, que le sommeil de Booz est un tableau pittoresque, d’une belle couleur biblique, qui doit être plus développé qu’il ne l’est dans les deux premiers vers de cette strophe, qui doit être peint, qui doit être mis sous les yeux du lecteur. […] Paysage lorrain, âme lorraine, mœurs lorraines, particularités religieuses lorraines ; et puis, presque également (et il ne fallait pas que ce fût également), ce qu’était Chinon, ce qu’était Poitiers, ce qu’était la Touraine, ce qu’étaient Orléans et l’Orléanais, ce qu’était Blois et ce qu’était Reims : tout cela est connu et peint et est vivant devant nous d’une vie qui trouve le moyen d’être, à la fois, large et minutieuse. […] Le chiffre est rigoureux (que le mot peint bien le sentiment que le chiffre inspire !) […] Il les avait peints avec l’exactitude et aussi avec la fureur concentrée d’un Juvénal froid. […] Les jeunes élèves s’emparèrent du trophée qui était sur le bureau… et tous les citoyens qui emplissaient la salle défilèrent dans cet heureux désordre qui peint la liberté d’une fête composée d’artistes.
La lecture de vers très poétiques éveille-t-elle en nous quelque sentiment spécial, distinct de ceux que nous donnerait une chose très belle, mais dépourvue de toute poésie, par exemple un tableau admirablement dessiné et peint, mais dont le sujet ne parlerait en rien à l’imagination ? […] Ils les peindront en nuances pâlies et atténuées à l’extrême (Puvis de Chavannes) ou plus chatoyantes que nature, étrangement somptueuses, et même exaspérées (Watteau, Gustave Moreau, Besnard) comme pour nous avertir que les scènes représentées ne se passent pas dans le monde réel, mais dans le monde des symboles, de la fantaisie et du rêve. […] C’est comme dans le travail de la fresque, il faut peindre au premier coup.
Jamais pages plus fortes et plus poignantes ne peindront plus fidèlement les tortures de Paris, entre ces deux branches d’une tenaille ardente, le siège et la Commune. […] Rousse excelle à peindre les héros de ces anecdotes. […] A ce moment-là, il était dans la plénitude de cette joie dont je parlais tout à l’heure, et je me rappelle comment se peignaient sur son visage le sentiment de la possession de la vérité et le tranquille dédain de ses contradicteurs.
Il en résulte que la littérature biographique est d’autant plus significative qu’elle réduit à leur minimum ces anecdotes et ces témoignages et qu’elle s’applique surtout à peindre des états de l’âme. […] Ceux-ci devaient pendant plusieurs années apprendre la technique matérielle de la fresque, puis étudier les procédés à employer pour peindre les draperies, les chevelures, les feuillages, les maisons. […] Que ce Français complexe qu’il nous peignait fût un exemplaire d’humanité à la fois très raffiné et très dangereux pour l’avenir du pays, les catastrophes où s’est abîmé le second Empire ne l’attestent que trop.
Quoique l’on dise communément que ces signes, ou accens, sont une invention qui n’est pas trop ancienne, & quoiqu’on montre des manuscrits de mille ans, dans lesquels on ne voit aucun de ces signes, & où les mots sont écrits de suite sans être séparés les uns des autres, j’ai bien de la peine à croire que lorsqu’une langue a eu acquis un certain degré de perfection, lorsqu’elle a eu des Orateurs & des Poëtes, & que les Muses ont joüi de la tranquillité qui leur est nécessaire pour faire usage de leurs talens ; j’ai, dis-je, bien de la peine à me persuader qu’alors les copistes habiles n’aient pas fait tout ce qu’il falloit pour peindre la parole avec toute l’exactitude dont ils étoient capables ; qu’ils n’aient pas séparé les mots par de petits intervalles, comme nous les séparons aujourd’hui, & qu’ils ne se soient pas servis de quelques signes pour indiquer la bonne prononciation.
On peint les choses immondes. […] D’abord, en effet, le xviie siècle est une époque toute rétive à l’individualisme : la littérature personnelle n’y gangrenait pas encore les genres ; le Moi s’y « couvrait », à l’ordre de Pascal ; sermonnaires, dramaturges, moralistes, de même qu’ils ne cherchaient à mettre en lumière que des vérités générales, ne songeaient à peindre que l’homme général : en sorte que l’individu disparaissait de leurs œuvres. […] Ce qui est malheureusement vrai, c’est que la casuistique n’est à l’usage, comme nous l’avons fait observer, que des âmes délicates, et depuis quelques années on paraît mieux aimer à peindre les natures grossières. » Je ne suis pas loin de penser ici comme M. […] Il n’est plus un mandarin, délicieusement occupé à peindre des mots oiseux dans quelque tour de porcelaine, il est « un gardien à qui tout un peuple a confié son âme pour un moment ».
Voici quelques raisonnements que je n’aurais pas manqué de prêter à Saunderson, sans la crainte que j’ai de ceux que vous m’avez si bien peints. […] Je servirais mon siècle et la postérité Si, dans l’ivresse de mon zèle, Je peignais dignement de ma félicité L’histoire touchante et nouvelle ; Si je pouvais apprendre aux rois Que Catherine, leur modèle, Dédaignant ces affreux et trop communs exploits Qui malheureusement conduisent à la gloire, Enchanta l’univers par les mêmes vertus Qui font adorer la mémoire Des Antonins et des Titus. […] Et c’est ainsi que tu sais peindre le fanatisme, maudit phrasier ! […] Je l’ai trouvée telle que vous me l’aviez peinte à Paris : l’âme de Brutus avec les charmes de Cléopâtre.
Je n’ai point attendu ces circonstances pour exprimer les sentiments de déférence et de respect que m’a toujours inspirés l’auteur ; mais je profiterai du moment favorable pour parler de lui avec l’étendue qu’il mérite, pour caractériser quelques-uns de ses travaux, et le présenter au public tel que je l’ai vu constamment et que me le peignent les hommes qui l’ont le plus cultivé et qui l’ont suivi de plus près.
Ses portraits, conservés dans la maison de Sades et ailleurs, la représentent dans ce costume vert comme elle est peinte dans le troisième sonnet de son poète.
Ce que je vous peins là, je l’ai vu.
Elle encourage les arts qui succèdent aux industries ; Florence se couvre de monuments, véritable diadème de l’Italie moderne ; elle semble gouvernée pour l’honneur de l’esprit humain par une dynastie de Périclès ; sa langue devient la langue classique de l’Italie régénérée ; ses mœurs s’adoucissent comme ses lois ; son peuple, déshabitué des guerres civiles, reste actif sans être turbulent ; il cultive, il fabrique, il navigue, il commerce, il bâtit, il sculpte, il peint, il discute, il chante, il jouit d’un régime tempéré et serein comme son climat ; les collines de l’Arno, couvertes de palais, de villages, de fabriques, d’oliviers, de vignobles, de mûriers, qui lui versent l’huile, le vin, la soie, deviennent pendant trois siècles l’Arcadie industrielle du monde !
Mais les mots ne sauraient peindre la joie de Florence, le matin où les Français la quittèrent, et les jours suivants où l’on ouvrit ses portes à deux cents hussards autrichiens…… « Uniquement occupé du soin d’assembler et de revoir mes quatre traductions du grec, je traînais le temps, sans autre souci que de poursuivre avec ardeur des études commencées trop tard.
Je n’ose les supprimer, parce qu’ils peignent merveilleusement le caractère primordial de mon frère, et que le développement successif d’une telle intelligence me semble intéressant à suivre.