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1259. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Revue littéraire. Victor Hugo. — M. Molé. — Les Guêpes »

Je concevrais plutôt encore une indignation réelle, sincère, ardente, souvent injuste, une vraie Némésis ; mais ces guêpes, si acérées qu’elles soient d’esprit, pourtant sans passion aucune, ces guêpes-là ne peuvent aller longtemps sans se manquer à elles-mêmes.

1260. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Ponchon, Raoul (1848-1937) »

Il n’est dans ses vers ni évidemment préoccupé de théories esthétiques, ni agité de passions politiques, ni mû par des principes de morale… ou de contraire, je me hâte de le dire pour rassurer tout le monde.

1261. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 163-165

De tels Ecrivains doivent être regardés comme d’adroits Legislateurs, qui se servent des passions pour les combattre ou les diriger vers le bein public, qui, par le sentiment, menent à la vertu, & nous font aimer nos devoirs.

1262. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 440-443

L’esprit qui naît des passions déréglées, ne peut que s’égarer.

1263. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Amédée Van Loo  » pp. 139-140

Il y a là-dedans de la poésie, de la passion, des chairs, du caractère.

1264. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

C’est un point lumineux dans ce demi-jour des premières années où tout est confondu, plaisirs, espérances, regrets, et où les souvenirs sont brouillés et incertains, parce qu’aucune pensée ne les a gravés dans la mémoire ; amour charmant qui ne sait pas ce qu’il veut, qui se prend aux yeux bleus d’une fille comme le papillon aux roses du jardin par un instinct de nature, par une attraction dont il ne sait point les causes et dont il n’entrevoit pas la portée ; innocent besoin d’aimer, qui plus tard se changera en un désir intéressé de plaire et de se voir aimé ; passion douce et sans violence, rêve en l’air ; première épreuve d’une sensibilité qui se développera plus tard ou qui plutôt s’éteindra dans des passions plus sérieuses ; petite inquiétude de cœur qui tourmente souvent un jeune écolier, un de ces enfants aux joues roses que vous croyez si insouciant, mais qui déjà éprouve des agitations inconnues, qui étouffe, qui languit, qui se sent monter au front des rougeurs auxquelles la conscience n’a point part. » — La grâce facile où se jouera si souvent la plume de Charles Labitte se dessine déjà dans cette page délicate où je n’ai pas changé un mot. […] De tous les genres littéraires qui sont tous capables d’un si énorme ennui, le plus ennuyeux assurément est le genre parénétique, autrement dit le sermon  ; il trouve moyen d’ennuyer, même lorsqu’il est bon ; ici il était relevé par les passions politiques, mais elles n’y ajoutaient le plus souvent qu’un surcroît de dégoût et des vomissements de grossièretés. […] Le bon sens d’Érasme, la probité de L’Hospital, ce fut là le double programme de ces politiques d’abord raillés par tout le monde, de ce tiers-parti « auquel, dit d’Aubigné, les réformés croyoient aussi peu qu’au troisième lieu, qui est le purgatoire. » Mais laissez faire le temps, laissez les passions s’amortir, laissez l’esprit français, avec sa logique droite, se retrouver dans ce pêle-mêle, et ce parti grandira, et on saura les noms des magistrats intègres qui l’appuient : Tronson, Édouard Molé, de Thou, Pasquier, Le Maistre, Gay Coquille, Pithou, Loisel, Montholon, l’Estoile, de La Guesle, Harlay, Séguier, Du Vair, Nicolaï ; on devinera les auteurs de la Ménippée, Pierre Le Roy, Passerat, Gillot, Rapin, Florent Chrestien, Gilles Durant, honnêtes représentans de la bourgeoisie parisienne.

1265. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

Il veut comme eux changer la religion régnante, il se conduit en fondateur de secte, il recrute et ligue des prosélytes, il écrit des lettres d’exhortation, de prédication et de direction, il fait circuler les mots d’ordre, il donne « aux frères » une devise ; sa passion ressemble au zèle d’un apôtre et d’un prophète  Un pareil esprit n’est pas capable de réserve ; il est par nature militant et emporté ; il apostrophe, il injurie, il improvise, il écrit sous la dictée de son impression, il se permet tous les mots, au besoin les plus crus. […] Chez Diderot, ce fil est coupé ; il ne parle point par la bouche de ses personnages, ils ne sont pas pour lui des porte-voix ou des pantins comiques, mais des êtres indépendants et détachés, à qui leur action appartient, dont l’accent est personnel, ayant en propre leur tempérament, leurs passions, leurs idées, leur philosophie, leur style et leur âme parfois, comme le Neveu de Rameau, une âme si originale, si complexe, si complète, si vivante et si difforme, qu’elle devient dans l’histoire naturelle de l’homme un monstre incomparable et un document immortel. […] On n’a point vu depuis La Bruyère une phrase si pleine, si mâle, où la colère, l’admiration, l’indignation, la passion, réfléchies et concentrées, fassent saillie avec une précision plus rigoureuse et un relief plus fort. […] Dans une société tout artificielle, où les gens sont des pantins de salon et où la vie consiste à parader avec grâce d’après un modèle convenu, il prêche le retour à la nature, l’indépendance, le sérieux, la passion, les effusions, la vie mâle, active, ardente, heureuse et libre en plein soleil et au grand air.

1266. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

Le choix qu’elle fit d’un autre époux l’attrista sans décourager son admiration pour elle ; il lui demande dans ses odes désintéressées de lui permettre seulement de l’adorer de loin jusqu’à la mort et de lui promettre dans une autre vie le retour platonique de la passion qu’il lui a vouée sur la terre. […] Toutes deux d’une beauté célèbre, quoique différente, et d’un esprit cultivé, elles rassemblaient dans leur personne la grâce de la France et la passion de l’Italie. […] Le poète se tut et chanta sous des noms de nymphe ou de bergère le seul et véritable objet de sa passion. […] Mais la jeunesse, l’amour et la passion de la gloire pour mériter l’amour, osent tout et triomphent de tout.

1267. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXIXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 129-192

Écoutez encore, et remettez-moi ces grimoires de papier, ces sommations et ces actes que Nicolas del Calamayo, le conseil, l’avocat et l’huissier de Lucques, vous a fait signifier l’un après l’autre pour vous déposséder du pré, de la grotte, des champs, des mûriers, de la vieille vigne et du gros châtaignier, au nom de parents que vous ne vous connaissiez pas dans les villages de la plaine du Cerchio ; c’était peut-être une mauvaise pensée qui me tenait l’esprit, ajouta le frère, mais, quand j’ai su la passion bestiale du chef des sbires pour votre belle enfant, sauvage comme une biche de votre forêt ; quand j’ai appris qu’un homme si riche et si puissant dans Lucques vous avait demandé la main d’une fille de rien du tout, nourrie dans une cabane ; quand on m’a dit que la petite l’avait refusé, et qu’à la suite de ce refus obstiné pour l’amour de vous et de son cousin, le sbire s’était présenté tout à coup et coup sur coup, muni de soi-disant actes endormis jusque-là, qui attribuaient, champ par champ, votre petit bien au chef des sbires, acquéreur des titres de vos soi-disant parents d’en bas, je n’ai pu m’empêcher d’entrevoir là-dedans des hasards bien habiles, et qui avaient bien l’air d’avoir été concertés par quelque officier scélérat de plume, comme il y en a tant parmi ces hommes à robe noire qui grignotent les vieux parchemins, comme des rats d’église grignotent la cire de l’autel. […] Le chef des sbires n’est qu’un homme léger, débauché et corrompu, qui ne refuse rien à ses passions quand on lui offre les moyens de les satisfaire, mais qui, de sang-froid, ne ferait pas le mal si on ne lui présentait pas le mal tout fait. […] CCXXXVII Les heures que nous passions ainsi deux fois par jour, seul à seul, à nous reconsoler et à rêver à deux dans notre cachot (car c’était vraiment autant le mien que le sien), étaient les plus délicieuses que j’eusse passées de ma vie ; en vérité, j’aurais voulu que toutes les heures de notre vie fussent les mêmes, et que les portes de ce paradis de prison ne se rouvrissent jamais pour nous deux ; quand on a ce que l’on aime, qu’est-ce donc que le reste ? […] Il nous bénit mille et mille fois de notre condescendance à son amour, et il nous répéta tout ce que le père Hilario lui avait appris de la condescendance de l’évêque ; outre le souci qu’il avait de nous, en nous laissant dans la misère par son supplice, dans ce supplice il ne semblait redouter qu’une chose, c’est que sa mort ne fût avancée par quelque événement avant que le prêtre eût accompli sa promesse, en bénissant cette union secrète et en consacrant sa passion devant l’autel.

1268. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

Rousseau, et à la fin du dix-huitième siècle quelques grands lambeaux lyriques de Lebrun, remarquables par l’éclat et l’élégance, mais glacés de mythologie, de faux sublime et de vieilles périphrases ; d’un autre côté, les Élégies exclusivement érotiques de Bertin et de Parny, où l’on trouve sans doute de la mollesse, de la grâce, de la volupté, de la passion même, mais tout cela dans les proportions du boudoir… telles étaient les richesses lyriques et élégiaques de nos devanciers, et malgré tout l’esprit et le talent qu’on doit reconnaître aux auteurs dont nous venons de parler, on sentait que l’Ode inspirée et la grande Élégie n’avaient pas eu leurs poètes, comme l’Épître, la Satyre, la Fable. […] Sans doute, Shakespeare est le plus grand génie tragique des temps modernes, et les maîtres de notre scène sont loin de l’égaler pour la création des caractères, l’invention des fables, le langage de la passion et la poésie de style ; mais il faut considérer qu’après Shakespeare, l’Angleterre n’a plus rien de vraiment grand, tandis que notre théâtre tragique a été constamment illustré, pendant deux siècles, par une succession non interrompue de poètes du premier ordre ; ce qui rend la Melpomène française bien plus imposante et bien plus complète. […] Shakespeare au contraire est un génie qui répond à toutes les passions modernes, et qui nous parle de nous dans notre propre langage ; et puis, les moyens d’exécution de ses ouvrages sont à peu près les mêmes que pour nos tragédies. […] Ils dépensent tout ce qu’ils ont de poésie dans leur mémoire pour faire raconter un détail vulgaire, par un personnage subalterne, et lorsqu’arrivent les scènes de passion, ils n’ont plus que des lieux communs à nous débiter dans un style éteint, comme cet avocat des Plaideurs, Qui dit fort longuement ce dont on n’a que faire, et qui glisse sans qu’on s’en aperçoive sur le point essentiel.

1269. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. »

Je ne parlerai donc pas de vous cette fois, Armand Renaud, auteur des Poëmes de l’amour 25, des Caprices de boudoir 26, et en dernier lieu des Pensées tristes 27, vous qui avez déjà eu trois manières ; qui, après avoir commencé par vous inspirer aux hautes sources étrangères et par moissonner la passion en toute littérature et en tout pays ; — qui, après vous être terriblement risqué ensuite aux ardentes peintures d’une imagination aiguë et raffinée, en êtes venu à vous interroger vous-même plus à fond, à vous sentir, à fouiller en vous, à chanter vos propres chants, à pleurer vos propres larmes. […] Il développe dans plusieurs histoires des cas singuliers de passion.

1270. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Chants du crépuscule (1835) »

rayée à son tour par d’injurieux passants, par les passions insultantes et railleuses :  Mais qu’importe à la cloche, et qu’importe à mon âme ? […] Dans la peinture des passions qui s’essayent tour à tour à ternir notre âme, le poëte les montre Qui viennent bien souvent trouver l’homme au saint lieu, Et qui le font tinter pour d’autres que pour Dieu.

1271. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Lettres de Rancé abbé et réformateur de la Trappe recueillies et publiées par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont-Ferrand. »

Le jeune abbé se contentait, en ces années fougueuses, d’obéir à ses passions, sans en faire parade par lettres : ce sont d’ailleurs de ces choses qu’on n’a guère coutume d’aller raconter à son ancien précepteur. […] Quelle plus haute pensée, par exemple, que celle-ci, qui pourrait servir comme d’épigraphe et de devise à la vie du grand réformateur : « Il faut faire de ces œuvres et de ces actions qui subsistent indépendamment des passions différentes des hommes ! 

1272. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mémoires de Casanova de Seingalt. Écrits par lui-même. »

Ce qui me frappe surtout dans les amours de Casanova, dans les premières comme dans celles qui viendront plus tard, dans ses passions les plus vraies et les plus profondes au moment où il les a, dans ce qui n’est ni pur caprice ni désœuvrement, ni débauche, dans sa liaison avec dona Lucrezia, avec Bellino-Thérèse, avec madame F., avec la jeune comtesse A. […] Ses héroïnes, jeunes filles ou femmes, se prêtent à merveille à ce genre de passion qui est le sien et le partagent.

1273. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre I. L’esprit gaulois »

Les subites et éclatantes visions, les violentes accumulations de sentiments concentrés ou épanchés, toute passion, toute splendeur y manque. […] Boccace prend le plaisir au sérieux ; la passion chez lui, quoique physique, est véhémente, constante même, fréquemment entourée d’événements tragiques et médiocrement propre à divertir.

1274. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre III. L’écrivain »

La Fontaine n’est que gracieux, galant ; il fléchit sous le poids des personnages divins ; ses passions sont trop douces. […] Les personnages y sont généraux ; dans les circonstances particulières et personnelles, on aperçoit les diverses conditions et les passions maîtresses de la vie humaine, le roi, le noble, le pauvre, l’ambitieux, l’amoureux, l’avare, promenés à travers les grands événements, la mort, la captivité, la ruine ; nulle part on ne tombe dans la platitude du roman réaliste et bourgeois.

1275. (1861) Cours familier de littérature. XI « Atlas Dufour, publié par Armand Le Chevalier. » pp. 489-512

L’humanité tout entière, qui tend à l’unité pour que chacune de ses découvertes profite à l’ensemble, manque de ce grand instrument de perfectionnement et de communication qui unifie et grandit l’homme, — on peut même dire qui grandit la terre elle-même, car, sans la passion géographique qui illumina Colomb de ses pressentiments, où serait l’Amérique ? […] La politique est de plus en plus la passion de ce siècle ; elle doit être aujourd’hui, par nécessité, la science de tout le monde.

1276. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Conclusion »

Les émotions ou passions sont de deux sortes : simples, composées. […] La volonté a sa source dans l’activité soit de l’organisme, soit des instincts, appétits et passions.

1277. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre II » pp. 12-29

En 1609, Henri mit le comble aux ressentiments de la reine, et au scandale de la cour et de la ville, par sa passion effrénée pour Charlotte de Montmorency, qu’il avait mariée au prince de Condé, son neveu, et, selon plusieurs, son fils3. […] Il peignit dans une pièce de théâtre et sa passion et l’indifférence de celle qui en était l’objet ; mais il supprima ensuite les deux premiers actes, pour ne pas donner, dit-il, à la marquise le plaisir de voir ses malheureux amours décrits par lui-même.

1278. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Avertissement sur la seconde édition. » pp. 23-54

Nous nous serions attachés, comme eux, à flatter les passions, à favoriser la licence, à nous asservir à tous les goûts, à pallier les vices accrédités, à déprécier les vertus incommodes, à préconiser enfin tout ce qui eût pu nous appuyer & nous servir. […] Elle apprendra de plus en plus à se défier des lumieres qui égarent l’esprit & alterent le sentiment ; à réprouver une morale où tout s’évapore en maximes, & livre l’ame à ses passions ; à distinguer ceux qui l’aiment & la servent, de ceux qui la dégradent & la jouent.

1279. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre dixième. »

J’aurais mieux aimé que La Fontaine eût exprimé le sens de l’idée suivante : Heureux celui qu’un seul avertissement engage à triompher de sa passion favorite ! […] Ce que dit ici La Fontaine est si vrai, que certains philosophes l’ont posé en principe dans des traités de morale, et font remonter à ces deux sources toutes nos passions et tous nos sentimens.

1280. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 15, le pouvoir de l’air sur le corps humain prouvé par le caractere des nations » pp. 252-276

Ont-ils les mêmes passions ? Sentent-ils de même les passions qui leur sont communes ?

1281. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Sainte Térèse » pp. 53-71

si les gens du monde, endoctrinés par les faux docteurs du cœur humain, ont vu la passion suprême dans les pages frelatées d’une religieuse de fantaisie, inventée plus ou moins pour les besoins d’un parti ou les intérêts de la vanité d’un homme, ils pourront du moins apprendre aussi dans ces œuvres de sainte Térèse, traduites pour eux, ce que c’est qu’une vraie religieuse, et ils en pourront étudier le merveilleux idéal. […] Dans ses ardeurs vers Dieu, le feu qui la consume, ce feu mystique, est blanc comme la neige, à force d’être concentré, et voilà pourquoi les âmes accoutumées à la grossièreté de la terre et à l’expression violente et morbide de ses passions peuvent trouver sans couleur et sans fulgurance cette flamme divinisée en Dieu, et qui a perdu l’écarlate de la flamme humaine !

1282. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VIII. M. de Chalambert. Histoire de la Ligue sous le règne de Henri III et de Henri IV, ou Quinze ans de l’histoire de France » pp. 195-211

Dans l’état de la pensée et des connaissances contemporaines, il faudrait élever contre les anciennes préventions un de ces livres péremptoires, éclairés également par la réflexion et par la science, et qui gardent, en littérature, la solidité d’un édifice, après avoir fait le bruit d’un renversement En d’autres termes, un chef-d’œuvre ne serait pas de trop pour purifier d’une seule fois tous les courants où l’Opinion, cette brebis qui n’est pas sans tache, se désaltère avec moins d’innocence que l’agneau de la Fable, et pour rasseoir dans une limpidité profonde ce cristal de l’Histoire que tous les genres de passion ont remué par la plume de tant d’écrivains et en particulier par celle de Voltaire. […] Avant lui, on le sait, les passions royalistes et protestantes avaient vomi contre la Ligue toutes les horreurs que peuvent entasser dans le cœur des hommes la haine et la vengeance des guerres civiles, mais ces rages de partis vivent ce que vivent les roses des roses sanglantes !

1283. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Gaston Boissier » pp. 33-50

Boissier l’a reportée amoureusement sur cette société monstrueuse de débordements et d’infection, et, quand il s’agit d’elle, il croit à Pline et ne croit pas à Juvénal, et sans raison pourtant pour admettre l’un et repousser l’autre, puisqu’il pense (nous dit-il) que l’homme ne voit les choses qu’à travers ses passions et son humeur. […] Mais la vérité de l’Histoire n’est pas que dans Pline et dans Juvénal, et les passions des hommes qui la faussent, pour cela, ne la détruisent pas.

1284. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gasparin » pp. 100-116

Je ne suis pas assez bêtement philosophe pour m’indigner du fanatisme de sa passion protestante. […] Voyez ce que sont, à présent, dans la science historique, philosophique et littéraire, les Cours des Villemain, des Cousin et des Guizot, qui firent palpiter les passions politiques de la jeunesse de leur temps !

1285. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre X. Des Romains ; de leurs éloges, du temps de la république ; de Cicéron. »

C’est le concours des philosophes et des poètes qui perfectionne les langues ; c’est aux philosophes qu’elles doivent cette universalité de signes qui rend une langue le tableau de l’univers ; cette justesse qui marque avec précision tous les rapports et toutes les différences des objets ; cette finesse qui distingue tous les progrès d’actions, de passions et de mouvements ; cette analogie qui dans la création des signes les fait naître les uns des autres, et les enchaîne comme les idées analogues se tiennent dans la pensée, ou les êtres voisins dans la nature ; cet arrangement qui, de la combinaison des mots, fait sortir avec clarté l’ordre et la combinaison des idées ; enfin cette régularité qui, comme dans un plan de législation, embrasse tout et suit partout le même principe et la même loi. […] Cependant la langue d’un peuple guerrier tendait à la fierté et à la précision ; d’un peuple qui commandait aux rois, à une certaine magnificence ; d’un peuple qui discutait les intérêts du monde, à une certaine gravité ; d’un peuple libre et dont toutes les passions étaient énergiques et fortes, à l’énergie et à la vigueur : et lorsque cette langue fut enrichie de toutes les dépouilles des Grecs, lorsque les conquérants eurent trouvé dans les pays conquis des leçons, des maîtres et des modèles, et que les richesses du monde en introduisant à Rome la politesse et le luxe, y eurent fait germer le goût, alors l’éloquence s’éleva à la plus grande hauteur, et Rome put opposer Cicéron à Démosthène, comme César à Périclès, et Hortensius à Eschine.

1286. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

À ce titre, on doit placer vers les temps qui précédèrent la guerre persique et les agitations des villes grecques d’Asie un poëte d’Éphèse, Callinos, un de ces élégiaques comme Alcman, dont le vers brisé respire tour à tour l’ardeur de la guerre ou la passion de l’amour. […] Stésichore cependant, outre la guerre et la liberté, les grandes épreuves et les grandes passions de l’homme, avait aussi chanté les aspects de la nature et quelques-uns des phénomènes célestes.

1287. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

Les Jésuites flattent les passions des hommes pour les gouverner par ces passions mêmes. […] Il ne faut que des passions pour l’établir. […] Elle ne délibère pas, elle obéit à des passions, à de grands courants d’opinion, à des coups de vent. […] Ce qui le montre, c’est qu’il a déployé la même passion dans l’affaire de Morangiès, où il n’y avait ni mort d’homme ni passion religieuse, que dans les affaires Calas, Sirven et La Barre. « A qui diable en a-t-il ?  […] Je suis fidèle à toutes mes passions.

1288. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Haraucourt, Edmond (1857-1941) »

. — La Passion, poème dramatique (1890). — Les Vikings, poème (1890). — Seul, poèmes (1891)

1289. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugues, Clovis (1851-1907) »

En dehors des actualités sociales, les sujets qu’il préfère par contraste sont les plus doux : l’amour de la femme, la tendresse pour les enfants, et aussi la passion de la nature méridionale ensoleillée sous l’azur.

1290. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lemaître, Jules (1853-1914) »

Sully Prudhomme est uniquement épris de la vérité, il la cherche avec cette passion généreuse qui lui a dicté la Justice.

1291. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Villeroy, Auguste »

Le défaut d’une œuvre dramatique ainsi conçue peut-être de manquer de mouvement : quand, dans un drame, on néglige le mouvement extérieur, il faut, nous semble-t-il, montrer, presque à chaque réplique, que croissent ou diminuent les passions des personnages ; ainsi le drame reste vivant, d’un mouvement passionnel.

1292. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 69-73

petits moutons, que vous êtes heureux ; Vous paissez dans nos champs sans souci, sans alarmes ; Si-tôt qu’êtes aimés, vous êtes amoureux ; Vous ne savez que c’est de répandre des larmes, Vous ne formez jamais d’inutiles désirs ; Vous suivez doucement les loix de la Nature ; Vous avez, sans douleur, tous ses plus grands plaisirs, Exempts de passions qui causent la torture.

1293. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 264-267

Le plan en est bien concerté, les passions en sont sages, les détails agréables, le dénouement très-heureux.

1294. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 507-511

Huet les présente tous sans déguisement ; il y joint les autorités propres à les appuyer ; il en rend la conséquence facile & victorieuse à tout esprit juste & dégagé du préjugé des passions.

1295. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 364-367

L’amour de Pyrrhus & de Téglis est le seul objet d’intérêt qui y regne ; mais cette passion est conduite avec tant d’art, que seule elle suffit pour attacher le Spectateur, & même le Lecteur.

1296. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 368-371

Un tel usage du pouvoir est si contraire à l’idée du Gouvernement, que ce fut pour enchaîner ce pouvoir aveugle & féroce, que le Gouvernement fut institué : c’étoit pour que les hommes fussent libres, qu’il étoit nécessaire qu’ils fussent gouvernés : car le caractere de la multitude est de se laisser entraîner par la fougue des passions ; & ce fut pour nous soustraire à la tyrannie de la foule, que les Rois nous furent donnés.

1297. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 45-49

Alors il n’avoit que quatorze ans, & vivoit déjà dans le tourbillon du monde & des passions.

1298. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre V. Suite du Père. — Lusignan. »

Le polythéisme, ne s’opposant point aux passions, ne pouvait amener ces combats intérieurs de l’âme, si communs sous la loi évangélique, et d’où naissent les situations les plus touchantes.

1299. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 10, objection tirée des tableaux pour montrer que l’art de l’imitation interesse plus que le sujet même de l’imitation » pp. 67-70

Mais l’action de ce tableau est interressante, et le Titien l’a traitée avec plus de vraisemblance et avec une expression des passions plus étudiée que celles de ses autres ouvrages.

1300. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

Nous passions de longues soirées, tête à tête, dans des entretiens purement littéraires ou philosophiques qu’il avait la complaisance de rechercher. […] On n’entrevoyait sa puissance d’attraction future qu’à l’extrême finesse de sa physionomie et à la profondeur précoce de son regard ; la passion encore absente pouvait un jour se répandre de là sur les traits pour tout animer. […] Ce sentiment, confus et non analysé dans l’âme de Robert, se révèle cependant, dans ses grands ouvrages à cette époque de sa vie intérieure, par deux symptômes de l’art qui sont en même temps deux symptômes de la passion. […] L’isolement et les malheurs de cette jeune et intéressante princesse, poursuivie par la politique et par le sort, et jetée par ses adversités mêmes dans une intimité plus fraternelle avec ce seul ami de ses meilleurs jours, avaient changé la douce amitié de Rome en une irrémédiable passion. […] Elle m’a donné une énergie, une inspiration, un ressort que je n’aurais pas eus sans elle… Quant à la religion, si elle condamne les passions qui conduisent au vice, défend-elle les penchants qui en éloignent ? 

1301. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

La rose est évidemment la femme qu’on aspire à posséder ; et ces personnages allégoriques qui en favorisent ou en contrarient la conquête, représentent assez exactement les divers incidents de l’amour, ainsi que les passions que met en jeu la passion principale. […] Si beaucoup d’érudits l’ont entendu autrement, et si Marot notamment, qui en a donné une édition ou plutôt une version, a vu dans la rose, soit « l’état de sapience » soit « l’état de grâce », soit « le souverain bien infini », soit enfin la glorieuse vie de Marie elle-même, c’est que le plan, fort peu clair dans la première partie, est encore plus obscur dans la continuation de Jean de Meung, et que parmi ces personnages allégoriques, il en est plusieurs dont le rôle ne correspond pas toujours à une circonstance bien déterminée, soit de l’amour, soit des passions dont il est le mobile. […] ou bien est-ce à certains personnages à la fois généraux et individuels, qui représentent quelque grande passion, et qui s’impriment à jamais dans l’imagination des hommes ? […] La poésie ne veut plus être une profession ambulante et foraine, comme celle du joueur de luth ; elle prétend exprimer les besoins, les passions et les intérêts du genre humain.

1302. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

On s’en aperçoit sa passion, je dirais presque et son adoration pour la noble antiquité grecque. […] « Notez maintenant l’âpreté et la complication des passions et de la vie. […] Ce qu’il voulait rendre, c’était l’être intime et la vivante passion des choses. […] Des choses qui l’intéressent : cela veut dire des situations et des passions assez durables pour qu’après cent ans elles soient encore de circonstance. […] Comment faire pour marcher droit à travers tant d’amours-propres ombrageux, de passions irritables et d’intérêts froissés ?

1303. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

qu’à nous rendre les esclaves affairés de nos sens et de nos passions ? […] Là peut-être, au seul point de vue de l’art, est le secret du pouvoir des passions de l’amour. […] Est-ce un drame de passion, une étude psychologique ? […] « Représenter les passions ?  […] elle fait une de mes passions.

1304. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

Un soir, tranquillement blotti sous un figuier, je regardais une étoile avec cette passion curieuse qui saisit les enfants, et à laquelle ma précoce mélancolie ajoutait une sorte d’intelligence sentimentale. […] Les défenses tyranniques aiguisent encore plus une passion chez les enfants que chez les hommes ; les enfants ont sur eux l’avantage de ne penser qu’à la chose défendue, qui leur offre des attraits irrésistibles. […] Cependant j’étais en proie à une terreur que comprendront ceux qui, dans leur vie, ont éprouvé les joies illimitées d’une passion vraie. […] Évidemment cela me ressemble, quand, voulant associer l’hypocrisie du monde au délire de la passion, j’écrivis ce livre, à moitié vrai, à moitié faux, intitulé Raphaël. […] Je l’avais mérité ; la passion est belle, mais c’est à condition d’être sincère.

1305. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

On ne rendra jamais compte ainsi de toute l’importance du laid, de l’horrible même dans l’art ; on n’expliquera pas davantage la nécessaire évolution de l’art vers le réalisme bien compris, qui porte l’artiste à faire de plus en plus grande dans son œuvre la part de la nature telle qu’elle est, de même qu’en harmonie le musicien fait un usage toujours croissant des dissonances, des rythmes complexes, de tout ce qui se rapproche du tumulte des choses et des passions. […] Nos passions passées ne sont plus qu’un spectacle : notre vie nous fait à nous-mêmes l’effet d’un tableau, d’une œuvre demi-inanimée, demi-vivante. […] Il peut y avoir quelque chose de contradictoire à vouloir que le lecteur ressente sympathiquement la passion d’un personnage et à ne pas le mettre vis-à-vis du monde extérieur dans la même situation que le personnage lui-même, à distraire son regard par une foule d’objets que l’autre ne voit pas ou ne remarque pas. […] Il y a en toute émotion profonde quelque chose de crépusculaire, un voile jeté sur une partie de la réalité : la vue nette et objective du monde est ainsi incompatible avec la vue passionnée, toujours partielle, infidèle et, pour certains tempéraments, tout à fait idéaliste : la passion produit psychologiquement le même phénomène que l’abstraction ; elle enlève d’un côté l’intensité d’émotion et de couleur qu’elle reporte de l’autre. Or, toutes les fois que le romancier veut exciter en nous la passion, il doit nous faire, voir les choses du point de vue même de la passion, et non d’un autre.

1306. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

Mais il déborde d’enthousiasme, de lyrisme et de passion. […] Il y avait les indifférents, les tièdes, les raisonneurs sans passion. […] Les passions, heureuses ou cruelles, se déchaînent avec fureur. […] Long récit de la Passion et des souffrances de la sainte Vierge. […] Christophe est plus épris ; il ne l’est pas d’une passion éperdue.

1307. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gourmont, Remy de (1858-1915) »

Marcel Schwob De petites pages comme frottées de ciguë, entre lesquelles ont séché des brins d’ancolie, semées de mots suraigus et blêmes ; des phrases aux contours rapides, semblables à de simples coups de pinceau qui suggèrent tous les gestes de la vie par une ligne grasse ; des perversités promptes et acérées, et qui entrent en agonie dès qu’elles ont été conçues ; un monde minuscule de drames brefs, haletants, qui tournoient follement ainsi que des petites toupies dans leurs derniers circuits ; des sentiments éphémères comme les renouveaux lassés des fins de passion.

1308. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 343-347

Son ardeur pour l’étude, qui étoit son unique passion, le soutint dans sa captivité.

1309. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre III. Des Ruines en général. — Qu’il y en a de deux espèces. »

La nuit approchait : comme nous passions entre deux murs, dans une rue déserte, tout à coup le son d’un orgue vint frapper notre oreille, et les paroles du cantique Laudate Dominum, omnes gentes, sortirent du fond d’une église voisine ; c’était alors l’octave du Saint-Sacrement.

1310. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Riposte à Taxile Delord » pp. 401-403

Jeune homme, qui vous destinez aux lettres et qui en attendez douceur et honneur, écoutez de la bouche de quelqu’un qui les connaît bien et qui les a pratiquées et aimées depuis près de cinquante ans, — écoutez et retenez en votre cœur ces conseils et cette moralité : Soyez appliqué dès votre tendre enfance aux livres et aux études ; passez votre tendre jeunesse dans l’etude encore et dans la mélancolie de rêves à demi-étouffés ; adonnez-vous dans la solitude à exprimer naïvement et hardiment ce que vous ressentez, et ambitionnez, au prix de votre douleur, de doter, s’il se peut, la poésie de votre pays de quelque veine intime, encore inexplorée ; — recherchez les plus nobles amitiés, et portez-y la bienveillance et la sincérité d’une âme ouverte et désireuse avant tout d’admirer ; versez dans la critique, émule et sœur de votre poésie, vos effusions, votre sympathie et le plus pur de votre substance ; louez, servez de votre parole, déjà écoutée, les talents nouveaux, d’abord si combattus, et ne commencez à vous retirer d’eux que du jour où eux-mêmes se retirent de la droite voie et manquent à leurs promesses ; restez alors modéré et réservé envers eux ; mettez une distance convenable, respectueuse, des années entières de réflexion et d’intervalle entre vos jeunes espérances et vos derniers regrets ; — variez sans cesse vos études, cultivez en tous sens votre intelligence, ne la cantonnez ni dans un parti, ni dans une école, ni dans une seule idée ; ouvrez-lui des jours sur tous les horizons ; portez-vous avec une sorte d’inquiétude amicale et généreuse vers tout ce qui est moins connu, vers tout ce qui mérite de l’être, et consacrez-y une curiosité exacte et en même temps émue ; — ayez de la conscience et du sérieux en tout ; évitez la vanterie et jusqu’à l’ombre du charlatanisme ; — devant les grands amours-propres tyranniques et dévorants qui croient que tout leur est dû, gardez constamment la seconde ligne : maintenez votre indépendance et votre humble dignité ; prêtez-vous pour un temps, s’il le faut, mais ne vous aliénez pas ; — n’approchez des personnages le plus en renom et le plus en crédit de votre temps, de ceux qui ont en main le pouvoir, qu’avec une modestie décente et digne ; acceptez peu, ne demandez rien ; tenez-vous à votre place, content d’observer ; mais payez quelquefois par les bonnes grâces de l’esprit ce que la fortune injuste vous a refusé de rendre sous une autre forme plus commode et moins délicate ; — voyez la société et ce qu’on appelle le monde pour en faire profiter les lettres ; cultivez les lettres en vue du monde, et en tâchant de leur donner le tour et l’agrément sans lequel elles ne vivent pas ; cédez parfois, si le cœur vous en dit, si une douce violence vous y oblige, à une complaisance aimable et de bon goût, jamais à l’intérêt ni au grossier trafic des amours-propres ; restez judicieux et clairvoyant jusque dans vos faiblesses, et si vous ne dites pas tout le vrai, n’écrivez jamais le faux ; — que la fatigue n’aille à aucun moment vous saisir ; ne vous croyez jamais arrivé ; à l’âge où d’autres se reposent, redoublez de courage et d’ardeur ; recommencez comme un débutant, courez une seconde et une troisième carrière, renouvelez-vous ; donnez au public, jour par jour, le résultat clair et manifeste de vos lectures, de vos comparaisons amassées, de vos jugements plus mûris et plus vrais ; faites que la vérité elle-même profite de la perte de vos illusions ; ne craignez pas de vous prodiguer ainsi et de livrer la mesure de votre force aux confrères du même métier qui savent le poids continu d’une œuvre fréquente, en apparence si légère… Et tout cela pour qu’approchant du terme, du but final où l’estime publique est la seule couronne, les jours où l’on parlera de vous avec le moins de passion et de haine, et où l’on se croira très clément et indulgent, dans une feuille tirée à des milliers d’exemplaires et qui s’adresse à tout un peuple de lecteurs qui ne vous ont pas lu, qui ne vous liront jamais, qui ne vous connaissent que de nom, vous serviez à défrayer les gaietés et, pour dire le mot, les gamineries d’un loustic libéral appelé Taxile Delord.

1311. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « [« Pages extraites d’un cahier de notes et anecdotes »] » pp. 439-440

Elle aimait à parler des années anciennes et à initier ceux qu’elle appelait ses jeunes amis aux confidences d’autrefois : « C’est une manière, disait-elle, de mettre du passé dans l’amitié. » C’est donc elle qui parle autant et plus que moi dans ce que je vais dire : « La première passion de Mme de Staël, à son entrée dans le monde, a été pour M. de Narbonne qui s’est très mal conduit avec elle, comme font trop souvent les hommes après le succès.

1312. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Soulary, Joséphin (1815-1891) »

Eh bien, ce tour de force, le magicien Soulary l’accomplit, et il vous met en quatorze vers symétriquement contournés et strangulés des mondes de pensées, de passions, et des boutades ; le tout dans une stricte et parfaite mesure.

1313. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La doctrine symboliste » pp. 115-119

La Vérité, le Bien, la Passion peuvent s’y rencontrer, mais seulement à titre d’accessoires.

1314. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 127-131

Les passions & leur premiere origine, ce qui peut les faire naître & les modifier, ce qui les allume & les réprime, rien ne résiste à la sagacité de cet Investigateur habile.

1315. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Préface » pp. -

Donc, notre effort a été de chercher à faire revivre auprès de la postérité nos contemporains dans leur ressemblance animée, à les faire revivre par la sténographie ardente d’une conversation, par la surprise physiologique d’un geste, par ces riens de la passion où se révèle une personnalité, par ce je ne sais quoi qui donne l’intensité de la vie, — par la notation enfin d’un peu de cette fièvre qui est le propre de l’existence capiteuse de Paris.

1316. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Autobiographie » pp. 169-176

Donc, notre effort a été de chercher à faire revivre auprès de la postérité nos contemporains dans leur ressemblance animée, à les faire revivre par la sténographie ardente d’une conversation, par la surprise physiologique d’un geste, par ces riens de la passion où se révèle une personnalité, par ce je ne sais quoi qui donne l’intensité de la vie, — par la notation enfin d’un peu de cette fièvre qui est le propre de l’existence capiteuse de Paris.

1317. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre premier. Du Christianisme dans la manière d’écrire l’histoire. »

Les desseins des rois, les abominations des cités, les voies iniques et détournées de la politique, le remuement des cœurs par le fil secret des passions, ces inquiétudes qui saisissent parfois les peuples, ces transmutations de puissance du roi au sujet, du noble au plébéien, du riche au pauvre : tous ces ressorts resteront inexplicables pour vous, si vous n’avez, pour ainsi dire, assisté au conseil du Très-Haut, avec ces divers esprits de force, de prudence, de faiblesse et d’erreur, qu’il envoie aux nations qu’il veut ou sauver ou perdre.

1318. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre II. Causes générales qui ont empêché les écrivains modernes de réussir dans l’histoire. — Première cause : beautés des sujets antiques. »

On voit croître l’homme et sa pensée : d’abord enfant, ensuite attaqué par les passions dans la jeunesse, fort et sage dans son âge mûr, faible et corrompu dans sa vieillesse.

1319. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Édouard Fleury »

., et cette classification, presque dramatique, donne beaucoup d’intérêt, de vie et de clarté à un livre qu’on lirait encore avec la passion que les récits qu’il contient inspirent, fussent-ils empilés, sans art, comme des matériaux dans un chantier.

1320. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre IV. Pourquoi le génie d’Homère dans la poésie héroïque ne peut jamais être égalé. Observations sur la comédie et la tragédie » pp. 264-267

La tragédie, bien différente dans son objet, met sur la scène les haines, les fureurs, les ressentiments, les vengeances héroïques, toutes passions des natures sublimes.

1321. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Il chercherait à dégager « la loi qui gouverne les passions humaines ». […] Du moins, pour Le Comte Kostia, est-il bien certain que l’attrait du livre vient de ces sautes continuelles de la passion et de l’esprit. […] Adolphe Belot, la passion, ou, comme M.  […] Léon Tyssandier (La Première Passion, La Femme du préfet). […] Celui qui procède à ces analyses s’y livre avec passion, et, par cela même, les pousse trop loin, au-delà des limites raisonnables.

1322. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Et puis cette passion qu’il y a dans ce volume ! […] la passion, ce que Raynaud la ressent et l’exprime et que son titre est bien justifié. […] Ses églogues ont consacré le souvenir de ses passions et de ses jalousies. […] La passion y est à son comble : rien, oh ! […] Macbeth et sa digne épouse profèrent-ils un flot de métaphores, crient-ils leurs passions en d’aussi interminables harangues qu’il le faudrait ?

1323. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Abîmé dans ses travaux, Pascal, toujours comme Faust, avait laissé passer la vie et, à soixante ans, on ne lui avait connu qu’une passion pour une dame qui était morte et dont il n’avait jamais baisé le bout des doigts. […] Tout le roman, tout le drame est dans le développement de cette passion et la description des souffrances de cette femme qui voit son amant se détacher d’elle heure par heure. […] Puis viennent les fameux banquets, l’agitation entretenue par des passions aveugles ou ennemies. […] Alors, avec méthode, sans passion, et avec cette suite dans la volonté qui est le propre des forts, Alexandre III résolut de dégermaniser son empire que les Allemands avaient progressivement et très habilement commencé à envahir. […] Vos idées, vos passions, vos rêves ne sont plus les nôtres, mais c’est vous qui nous avez montré la route où nous avons marché, et nous sommes partis de vos traces !

1324. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Ils le retrouvent devant cet abîme intérieur de la passion à son paroxysme. […] Plus il réfléchit, de cette réflexion systématique et doctrinale, incompatible, semble-t-il, avec la chaleur de la passion, plus sa passion s’exalte et s’échauffe dans son cœur. […] George Sand va tout entière du côté de la passion, Stendhal tout entier du côté de l’analyse. […] Il fallait un peu de temps pour sentir que cette prose si sage brûlait de passion, mais en dedans. […] Comme la flamme de la passion est ardente en lui !

1325. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Le vagabondage est chez lui une passion. […] Il s’enflamme, il croit aimer pour la première fois, et que c’est la grande passion. […] Les « passions de l’amour », ils les appelaient « concupiscence ». […] Jean-Jacques est lui-même étonné qu’après de tels orages de passion cette entrevue le laisse si paisible. […] Et cela explique qu’il se soit si vite consolé de l’échec de cette grande passion.

1326. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

Les souvenirs sont comme les échos des passions ; et les sons qu’ils répètent prennent par l’éloignement quelque chose de vague et de mélancolique, qui les rend plus séduisants que l’accent des passions mêmes. […] Il faut des passions brûlantes ou un grand génie pour enfanter de grandes idées. […] Son cœur est flétri, et il n’a point eu de passions. […] Les passions s’usent, il faut bien qu’elles se reposent ; l’erreur est éternelle et ne se fatigue jamais. Les passions entraînent ceux qu’elles tourmentent, les aveuglent, et souvent les abîment.

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