Georges Rodenbach Chaque fois qu’il a pris parole : soit sur la page blanche où tombaient ses poèmes spontanés ; soit à la tribune ; dans les rues, les jours de révolution ; à l’Académie, où son discours de réception souleva d’un élan toutes les questions du temps et de l’éternité, chaque fois, ce fut vraiment « un concert », une voix pins qu’humaine, une vaste musique rebelle aux subtilités, mais qui enveloppait toutes les âmes dans ses grands plis.
Nulle musique, nul marbre, nulle peinture, pas même le prélude de Tristan ou le Bellum de Puvis, ne m’ont transporté de joies comparables à mes bonheurs littéraires.
La poésie se dissocie bientôt de la danse et de la musique auxquelles elle était d’abord unie.
Après une journée de tumulte, on recouvre la tranquillité, par le simple effet sympathique de mouvements mesurés, comme la musique et la conversation de personnes calmes.
Mais, si la musique est bonne, la chanson est fausse.
Je chante bien, sans beaucoup de méthode ; j’ai même assez de musique pour me tirer d’affaire avec les connaisseurs.
L’organe de la musique est beaucoup plus développé chez l’âne, le loup et le mouton que chez l’alouette, le pinson et le rossignol.
Si notre religion n’était pas une triste et plate métaphysique ; si nos peintres et nos statuaires étaient des hommes à comparer aux peintres et aux statuaires anciens : j’entends les bons, car vraisemblablement ils en ont eu de mauvais et plus que nous, comme l’Italie est le lieu où l’on fait le plus de bonne et de mauvaise musique ; si nos prêtres n’étaient pas de stupides bigots ; si cet abominable christianisme ne s’était pas établi par le meurtre et par le sang ; si les joies de notre paradis ne se réduisaient pas à une impertinente vision béatifique de je ne sais quoi qu’on ne comprend ni n’entend ; si notre enfer offrait autre chose que des gouffres de feux, des démons hideux et gothiques, des hurlements et des grincements de dents ; si nos tableaux pouvaient être autre chose que des scènes d’atrocités, un écorché, un pendu, un rôti, un grillé, une dégoûtante boucherie ; si tous nos saints et nos saintes n’étaient pas voilés jusqu’au bout du nez ; si nos idées de pudeur et de modestie n’avaient proscrit la vue des bras, des cuisses, des tétons, des épaules, toute nudité ; si l’esprit de mortification n’avait flétri ces tétons, amolli ces cuisses, décharné ces bras, déchiré ces épaules ; si nos artistes n’étaient pas enchaînés et nos poètes contenus par les mots effrayants de sacrilège et de profanation ; si la Vierge Marie avait été la mère du plaisir ; ou bien, mère de Dieu, si c’eût été ses beaux yeux, ses beaux tétons, ses belles fesses qui eussent attiré l’Esprit Saint sur elle, et que cela fût écrit dans le livre de son histoire ; si l’ange Gabriel y était vanté par ses belles épaules ; si la Magdelaine avait eu quelque aventure galante avec le Christ ; si aux noces de Cana le Christ entre deux vins, un peu non-conformiste, eût parcouru la gorge d’une des filles de noces et les fesses de saint Jean, incertain s’il resterait fidèle ou non à l’apôtre au menton ombragé d’un duvet léger : vous verriez ce qu’il en serait de nos peintres, de nos poètes et de nos statuaires ; de quel ton nous parlerions de ces charmes qui joueraient un si grand et si merveilleux rôle dans l’histoire de notre religion et de notre Dieu, et de quel œil nous regarderions la beauté à laquelle nous devrions la naissance, l’incarnation du Sauveur, et la grâce de notre rédemption.
. — Et, ce qui est de plus merveilleux, c’est que je les chante, et si je ne sçay pas la musique. » L’identité des deux intentions est frappante.
En Italie où il a vécu, où il s’est énervé en lisant Métastase et en écoutant de la musique, il a pu contracter bien des morbidesses, mais il n’a pu venir à bout de sa vigueur première.
En Italie, où il a vécu, où il s’est énervé en lisant Métastase et écoutant de la musique, il a pu contracter bien des morbidesses, mais il n’a pu venir à bout de sa vigueur première.
Sous cette phrase serpente une musique analogue à celle des plus beaux morceaux de Mozart. […] Il semble que la grande émotion chez Stendhal fasse glisser l’imagination vers la peinture ou vers la musique. […] Il a touché une corde à laquelle des milliers de cœurs ont répondu, et la grossière musique que pour leur plaire il a fait rendre à son instrument, l’a en retour discipliné, et aujourd’hui il approche de sa perfection. […] Sa défense des Épicuriens, que cite en son livre Martineau, est fort suggestive à cet égard : « Quoi donc, est-ce bassesse que de se plaire à la musique : « cette douce musique, dit Shakespeare, qu’on ne peut entendre et rester gai », — bassesse de goûter la saveur d’un fruit rouge ; ou le beau mouvement balancé d’une femme ; et l’ombre fraîche coupée d’un courant, le pli d’une plaine toute blanche de soleil ? […] Voici Bach : « C’est la musique de la contrition.
Il aime les fleurs, les champs, la campagne, les petits oiseaux ; ses yeux se mouillent aux refrains de romance, et la musique des régiments lui rend l’âme patriotique. […] Il entasse raisonnements psychologiques sur rêvasseries incohérentes, parle de l’Au-delà à l’infortunée, et se met à lui raconter le poème et la musique de Tristan et Yseult ! […] Xanrof fait lui-même la musique de ses vers. […] » Ces gitanas semblent se mouvoir selon une cadence dont l’atavisme les a dotées et que développa l’accoutumance de certaines musiques. […] Avant même que la musique l’ait mise en branle, elle a révélé sa rythmique souplesse par son allure, par le geste dont elle a assujetti la rose dans sa chevelure.
Un musicien pianiste, qui n’a jamais touché un violon, peut se jouer intérieurement un morceau de violon étendu, soit de mémoire, soit en lisant la musique ; il peut également composer en lui-même un morceau pour violon ou pour tout autre instrument que le piano. […] Des considérations qui précèdent il résulterait que la musique intérieure seule, à l’exclusion de la parole intérieure proprement dite, est souvent et volontiers impersonnelle, que seule elle s’enrichit volontairement d’un grand nombre de timbres différents, étrangers à nos facultés productrices. […] […]Comprendrait-on le pouvoir expressif ou plutôt suggestif de la musique, si l’on n’admettait pas que nous répétons intérieurement les sons entendus, de manière à nous replacer dans l’état psychologique d’où ils sont sortis, état original, qu’on ne saurait exprimer, mais que les mouvements adoptés par l’ensemble de notre corps nous suggèrent ?
J’espère que le succès d’Enguerrande, dont le titre seul est une protestation contre les noms des héroïnes de roman, aura une influence heureuse sur la production littéraire, que les jeunes écrivains perdront la manie de raconter, dans un style grossier, des aventures quelconques arrivées à des personnages sans intérêt, et qu’au lieu de nier tout, amour, tendresse, beauté, musique et parfums, ils tenteront de faire chanter leur rêve, au vide du néant qu’est la vie. […] Par quels chants, par quelles musiques évoquer cette figure souverainement terrible et souverainement bonne, qui se voile aujourd’hui de clartés et s’endort aujourd’hui dans la lumière ? […] Ce vers chante comme la musique, évoque comme la peinture, modèle comme la sculpture. […] *** Et j’ai voulu, mon cher Daudet, à l’occasion de votre nouvelle œuvre, vous envoyer ce petit souvenir d’une conversation que nous eûmes, M. de B… et moi, en face de cette mer que vous aimez tant et dans cette nature fleurie, où il me semblait entendre s’égrener les musiques de votre voix. […] Il semble qu’il met de la coquetterie à ne point effrayer le lecteur par sa vaste et rare érudition, préférant le charmer par l’imprévu de ses sensations et la grâce de ses qualités imaginatives, mais il ne faut pas s’y tromper, son apparente frivolité cache un fonds de pensées graves, son spleen masque de rimes délicates et de musiques inventives le tourment d’une âme atteinte de l’inguérissable poison des métaphysiques et des philosophies.
Cette facilité en Peinture, en Musique, en Éloquence, en Poésie, consiste dans un naturel heureux, qui n’admet aucun tour de recherche, & qui peut se passer de force & de profondeur. […] Il a eu la fantaisie de la musique, & il s’en est dégoûté par caprice. […] ) on dit qu’un morceau de poésie, d’éloquence, de musique, un tableau même est froid, quand on attend dans ces ouvrages une expression animée qu’on n’y trouve pas. […] ) Comme le genre d’exécution que doit employer tout artiste dépend de l’objet qu’il traite ; comme le genre du Poussin n’est point celui de Teniers, ni l’architecture d’un temple celle d’une maison commune, ni la musique d’un opéra tragédie celle d’un opéra bouffon : aussi chaque genre d’écrire a son style propre en prose & en vers. […] Ces vers de cinq piés à deux hémistiches égaux pourroient se souffrir dans des chansons : ce fut pour la Musique que Sapho inventa chez les Grecs une mesure à-peu-près semblable, qu’Horace les imita quelquefois lorsque le chant étoit joint à la Poésie, selon sa premiere institution.
En fait de musique, ils importent l’opéra italien ; c’est un oranger entretenu à grands frais parmi des betteraves. […] On peut la traiter comme une affaire, ramasser et vérifier des observations, combiner des expériences, aligner des chiffres, peser des vraisemblances, découvrir des faits, des lois partielles, posséder des laboratoires, des bibliothèques, des sociétés chargées d’emmagasiner et d’accroître les connaissances positives ; en tout cela ils excellent ; ils ont même des Lyell, des Darwin, des Owen capables d’embrasser, de renouveler une science ; dans la construction du vaste édifice, les maçons industrieux, les maîtres de second ordre ne manquent pas ; ce sont les grands architectes, les penseurs, les vrais spéculatifs qui leur manquent ; la philosophie, surtout la métaphysique, est aussi peu indigène ici que la musique et la peinture ; ils l’importent ; encore en laissent-ils la meilleure partie en chemin ; Carlyle est obligé de la transformer en poésie mystique, en fantaisies d’humoriste et de prophète ; Hamilton l’effleure, mais pour la déclarer chimérique ; Stuart Mill, Buckle, n’en prennent que l’espèce la plus palpable, un résidu pesant, le positivisme.
Vicovaro ; le torrent de la Digentia qui écume encore sous les chênes disséminés au fond de la vallée d’Ustica ; le site parsemé de débris de briques de la maison rurale du poète ; Rocca-Giovanni qui s’élève avec ses ruines de forteresse féodale comme une sentinelle à l’ouverture de la vallée ; la plaine de Mandéla fumante çà et là au soleil ; des feux d’herbes sèches allumés et oubliés par les bergers ; la grotte des nymphes au bord de laquelle rêve le poète endormi dont on voit danser les songes sous la figure des femmes qu’il aima ; la fontaine de Blandusie en Calabre, qui a changé tant de fois de nom depuis Horace, et à laquelle un vers du lyrique rend éternellement son premier nom ; la barque pleine de musique et pavoisée de voiles qui portait Mécène, Horace et leurs amis pendant le voyage de Brindes ; la treille de Tibur entre deux colonnes à l’ombre desquelles le nonchalant ami de Mécène écrit une strophe entre deux sommeils ; l’entretien du maître d’Ustica avec son métayer, au milieu de ses troupeaux de chèvres ; Horace, ses tablettes sur ses genoux dans sa bibliothèque de Tibur, écrivant au milieu de ses rouleaux de livres grecs les préceptes de son épître aux Pisons, chacun de ces tableaux est une évocation vivante d’un passé de deux mille ans, mais auquel ces deux mille ans n’ont enlevé ni un rocher, ni une source, ni un arbre aux paysages, ni un vers au génie aimable du poète. […] Vous ne pourriez pas déplacer un mot ni mettre une mesure longue ou brève dans la strophe sans produire un faux ton dans cette musique de l’oreille et de l’âme.
Il peut être époux, père, amateur de musique ou de jardinage, chasseur ou pêcheur, membre d’une église, bien d’autres choses encore. […] Un penchant violent à la luxure, une gourmandise raffinée, une malheureuse passion pour la littérature ou la musique, un amour sans réciprocité peuvent susciter des désirs très vifs.
Année 1882 Dimanche 1er janvier Passé la journée d’hier, moitié à l’église, moitié au cimetière, parmi les noires tentures et les tristesses des musiques de la mort. […] Puis voilà ce Legros, dévoilant un fin comédien, dans la charge d’une soirée d’esthètes, avec toutes les pantomimes dans le bleu, et les pâmoisons célestes, que produit chez eux, l’audition d’un morceau de musique préraphaélique.
On n’en doute plus quand on voit que les différents modes de musique ou de danse, qui jouent un si grand rôle dans les cérémonies sacrées et dans l’instruction publique, étaient censées avoir été apportées du ciel aux hommes par les dieux. […] « Faites taire les instruments de musique et les voix », dit-il aux acteurs, « et que tous les spectateurs contemplent les merveilles qui vont éclater par la puissance du dieu !
de cette musique enfuie renvoie-moi un seul son, si la vie du cœur est inextinguible !
Votre domaine à vous est aussi l’intimité des sentiments ; mais, croyez-moi, vous avez à vos ordres le génie de la musique, des fleurs, des longues rêveries et de l’élégance.
Il fait même le procès à la musique comme à un art trop sensuel aussi.
La musique ne le touchait pas ; il semblait même qu’ellel’ait irrité (témoin ses colères contre Lulli et contre Quinault), et tout ce qui se chantait lui paraissait aisément fade, lubrique ou extravagant.
Mais elle n’a pas à s’en inquiéter ; tous les jours, ce ne sont chez elle que musiques et aubades.
La nature étudiée, attaquée par tous les points, poursuivie dans ses détails, embrassée dans ses ensembles, décrite, dépeinte, admirée, connue ; — ce qui reste de barbarie cerné de toutes parts ; — les antiques civilisations rendues de jour en jour plus intelligibles, plus accessibles ; — le contact des religions considérables amenant l’estime, l’explication et jusqu’à un certain point la justification du passé, et tendant à amortir, à neutraliser dorénavant les fanatismes ; — une tolérance vraie, non plus la tolérance qui supporte en méprisant et qui se contente de ne plus condamner au feu, mais celle qui se rend compte véritablement, qui ménage et qui respecte ; — au dedans, au sein de notre civilisation européenne et française, un adoucissement sensible dans les rapports des classes entre elles, un désarmement des méfiances et des colères ; un souci, une entente croissante des questions économiques et des intérêts, ou, ce qui revient au même, des droits de chacun ; le prolétaire en voie de s’affranchir par degrés et sans trop de secousse, la femme trouvant d’éloquents avocats pour sa faiblesse comme pour sa capacité et ses mérites divers ; les sentiments affectueux, généreux, se réfléchissant et se traduisant dans des essais d’art populaire ou dans des chants d’une musique universelle : — tous ces grands et bons résultats en partie obtenus, en partie entrevus, les transportent ; ils croient pouvoir tirer de cet ordre actuel ou prochain, de cette conquête pacifique future, un idéal qui, pour ne pas ressembler à l’ancien, n’en sera ni moins inspirant, ni moins fécond.
Connu déjà par son grand essai de musique sévère et haute, l’auteur, ce me semble, a dû naturellement chercher à ses intimes pensées une expression plus précise et plus voisine encore de l’âme.
Des querelles frivoles, telles que des disputes sur la musique, sur la littérature, peuvent donner quelques idées légères de la nature de l’esprit de parti ; mais il n’existe tout entier, mais il n’est l’action dévorante qui consume les générations et les empires, que dans ces grands débats où l’imagination peut puiser sans mesure tous les motifs d’enthousiasme ou de haine.
J’aime le jeu, l’amour, les livres, la musique, La ville et la campagne, enfin tout : il n’est rien Qui ne me soit souverain bien, Jusqu’aux sombres plaisirs d’un cœur mélancolique.
Nous sommes revenus à l’absolue liberté, comme avant la Renaissance Le réalisme, si en faveur à présent, est chose du moyen âge Le roman est aujourd’hui une bonne moitié de la littérature, comme au moyen âge Les épopées du moyen âge défrayent notre poésie et notre musique La poésie personnelle et lyrique, ressuscitée de nos jours, est chose du moyen âge plus que de la Renaissance et a été presque inconnue des deux derniers siècles ; Musset est plus proche de Villon que Boileau Le mysticisme, la préoccupation du surnaturel, l’espèce de sensualité triste dont sont pénétrés si curieusement, en plein âge scientifique, les livres de beaucoup de jeunes gens, ce sont encore choses du moyen âge ; Baudelaire est moins loin que Boileau de l’auteur du Mystère de Théophile.
Là même il m’arrive de me plaire encore pour la parfaite musique des mots, le délice des vers harmonieux et simples… Mais le cas de M.
D’autres, des rêveurs, comme Verlaine, jaloux de donner à leur poésie le vague de la musique, composeront en vers imprécis, flottants et en quelque sorte fluides, ce qu’ils nommeront des Romances sans paroles.
Les flots de l’Océan ont leur flux et leur reflux qui se calculent ; le sang dans nos artères et dans nos veines a un va-et-vient qui se mesure par les battements du pouls ; la fièvre comme le besoin de manger ou de dormir, revient à intervalles périodiques ; la danse, la versification, la musique nous plaisent par le retour régulier de certains sons et de certaines cadences ; les éclats de la douleur, comme ceux de la tempête, ont leurs intermittences de paroxysme et de répit ; le fleuve, qui coule intarissable, forme des courbes, qui, à moins d’obstacles entravant son cours, sont infléchies symétriquement tantôt dans un sens et tantôt dans l’autre ; la lumière et le son se propagent par ondulations qui se creusent et se renflent comme les vagues de la mer.
La nature a bien sa musique, mais elle est rare heureusement.
C’est là, suivant M. de Musset, le don Juan véritable, tout poétique, Que personne n’a fait, que Mozart a rêvé, Qu’Hoffmann a vu passer, au son de la musique, Sous un éclair divin de sa nuit fantastique, Admirable portrait qu’il n’a point achevé, Et que de notre temps Shakspeare aurait trouvé.
C’est une différenciation et une intégration spontanées qui empêchent chaque sensation de jamais demeurer isolée, de même que la constitution d’un instrument de musique ajoute toujours à chaque son des harmoniques qui lui donnent son timbre.
J’oubliais de dire que dans ces écoles on cultive aussi la musique, et qu’elle est particulièrement enseignée à un certain nombre de pauvres écoliers qui, par une fondation particulière, sont nourris, logés et quelquefois vêtus sous l’inspection spéciale d’un préfet, et suivent d’ailleurs toutes les études avec les autres écoliers.
De toutes les langues modernes cultivées par les gens de lettres, l’italienne est la plus variée, la plus flexible, la plus susceptible des formes qu’on veut lui donner ; aussi n’est-elle pas moins riche en bonnes traductions qu’en excellente musique vocale, qui n’est elle-même qu’une espèce de traduction.
D’abord elle joue un rôle moins important qu’en France dans la vie intellectuelle, qui s’exprime tout aussi aisément dans les arts plastiques et dans la musique ; elle est concurrencée aussi par une autre littérature, en langue latine, et fortement soumise aux formes, aux traditions des littératures classiques ; la forme l’emporte souvent sur le fond, d’autant plus que la liberté de l’expression est souvent limitée.
Car dans cette’ vie, alors, la joie de la philosophie, de la géographie, de la musique, ne laissent guère aux femmes de place sentimentale, ni, bien entendu, aucune place matérielle. […] dont Amiel écrivit les paroles et la musique le 13 janvier 1857, pendant le conflit entre la Suisse et le roi de Prusse au sujet de Neuchâtel, et quand la Confédération eut mobilisé. […] La musique est simple et militaire. […] Le jour s’exhale en musique parfaite, « couronné de verveine et de roses. […] Cinq mille hommes sont montés du Molard à Saint-Pierre, avec leurs musiques, portant les bannières de 1813, pour un service d’actions de grâces.
De même que, dans un portrait, la nature de l’artiste se combine avec celle du modèle, de sorte qu’on y trouve à la fois quelque chose de l’un et de l’autre, et que, plus est vigoureux le génie ou le tempérament du peintre, plus intense est cette combinaison, cette complexité, ce mariage des deux natures, cette harmonie, — exemple, le Portrait de Charles Ier , par Van Dyck, — de même chaque génération survenante, involontairement et sans le savoir, mêle ses propres impressions aux œuvres de génie des siècles passés, soit en littérature, soit en peinture, soit en musique, et cela donne lieu à des effets nouveaux, que n’ont pas prévus les auteurs eux-mêmes. […] Les coups de fusil, les coups de canon, les tambours, les trompettes, l’infanterie, la cavalerie, les drapeaux qu’on agite, les chants patriotiques, la musique et les fanfares, tout cela dans un beau décor, et avec une belle mise en scène bien réglée, saisit à la fois par les yeux, par les oreilles, par tous les sens, la masse des spectateurs, et agit nécessairement sur le système nerveux d’abord, sur l’imagination ensuite ; je ne fais pas difficulté d’en convenir. […] Dans la musique par exemple, n’est-ce pas pour le public français, pour le public parisien, que Gluck, Mozart, Rossini, Meyerbeer, composeront leurs œuvres dramatiques les plus belles et les plus mûries, les plus riches et les mieux équilibrées, les plus variées et les plus parfaites ? […] Il désigne par ce nom un de ses amis qui lui avait, à ce qu’il dit, demandé des vers à mettre en musique ; du moins est-ce là le prétexte dont il se sert. […] Andromède était un sujet d’opéra si heureux que, trente-deux ans après Corneille, Quinault le reprit, sous le titre de Persée, et ce fut Lulli qui en fit la musique. — N’oublions pas un autre opéra, ou comédie-ballet lyrique, Psyché, où Corneille eut pour collaborateurs Quinault et Molière.
Hector Crémieux et Ludovic Halévy, musique de Jacques Offenbach. […] Or j’ai souvent cru que j’étais fermé, ou par nature, ou faute d’exercice, à l’intelligence de la musique ; et ce qu’on appelle la grande musique de mon temps ne m’a jamais donné, — je l’avoue, et non pour me vanter, — que des joies excessivement rares et laborieuses. […] Je suis sûr qu’il y a des gens que j’ai pris pour des imbéciles précisément parce qu’ils avaient en littérature les préférences que j’ai en musique. […] Ou si vous voulez, le plus naturellement du monde, je retrouve, sous une musique qui retarde, l’expression de ma propre sensibilité affinée par une littérature qui a avancé. […] Ils se promènent, lisent des vers, et font de la musique ensemble.
Marie-Antoinette, Vigny et son ami, Timoléon d’Arc… avec sa maîtresse, Pierrette, Sedaine, un vieux soldat, madame de Lamballe, la séance de musique de chambre, l’explosion de la poudrière, tout cela fait ensemble un mélange où l’auteur s’est lui-même embrouillé. […] Ni l’architecture n’imite, à proprement parler, les lignes de la nature, ni la musique, non plus, n’en imite les bruits. […] Pourquoi la poésie ne se proposerait-elle pas, comme fait la musique, de dissoudre l’unité du moi dans une diversité d’états d’âme successifs, et en le rendant, comme encore la musique, à son indétermination première, de le rendre à la volupté vagabonde du rêve ? […] Quelles que soient, en effet, les analogies cachées de la musique et de la poésie, nous ne saurions oublier que le vers est fait pour être dit, et qu’aussi longtemps qu’il sera composé de mots, c’est une loi de nature à laquelle on ne le soustraira pas. […] Ce que les couleurs et les lignes sont en effet dans les arts plastiques, ou les sons encore en musique, les mots le sont dans une langue, et, à plus forte raison, les « figures », les tours, la disposition des parties de la phrase.
Il le regardoit non-seulement comme son maître, mais il avouoit qu’il lui devoit tout ; & loin de déprimer la musique de ce Père du Théâtre Lyrique, il n’en parloit que pour en faire admirer les beautés. […] Plus d’Eloquence, plus de Poësie, plus de Musique. […] La Musique de Lulli, de Destouches, de Rameau étoit faite pour elle ; & elle gémit aujourd’hui de se voir défigurée, déchirée impitoyablement & mise à la torture sous des sons peu analogues à son génie & à sa prosodie.
Elle ne se repose entièrement que si nous écoutons une parole ininterrompue et parfaitement correcte, ou bien un morceau de musique exécuté sans fausse note. Encore faut-il que la suite de sons, musique ou discours, qui retient notre attention, soit entendue sans distraction aucune et dans une abdication complète de notre personnalité intellectuelle. […] Un psychologue consciencieux, contemporain de Bonald et de Maine de Biran, Prévost (de Genève)8 accentue ingénument la même ignorance : il croit que la remémoration des sons n’est pas donnée à tout le monde, et qu’elle demande un exercice tout spécial ; il ne connaît que deux successions d’images sonores : la récitation muette et la lecture de la musique écrite.
Distraction facile, émotion violente et passagère, grossissement des vices et des vertus, extériorisation de la conscience, curiosité des conflits, des péripéties, des perversités, et toujours par le contact avec la foule, par la lumière, la forme plastique, la musique, voilà de quoi est fait le goût du spectacle qui, à son degré aigu, se retrouve à toutes les époques de crise morale. […] Évidemment Daudet cherche encore sa voie et s’est d’abord trompé ; seule L’Arlésienne demeure au répertoire, grâce à la musique de Bizet. — Le lyrisme et le romanesque fantaisiste seront longtemps encore chez Daudet des défauts, défauts charmants dès qu’ils ne compromettent plus l’harmonie de l’ensemble ; dans une période nouvelle nous assistons à l’évolution décisive et triomphale du talent épique ; ce sont les Lettres à un absent (1870-1871), Tartarin de Tarascon (1872), les Contes du lundi (1873), Fromont jeune et Risler aîné (1874), Jack (1876), Le Nabab (1877), Les Rois en exil (1879), Numa Roumestan (1881), L’Évangéliste (1883), Sapho (1884), Tartarin sur les Alpes (1885), L’Immortel (1888), Port-Tarascon (1890). […] D’autres nations ont égalé et dépassé la France dans la sculpture, la peinture, la musique ; mais aucune ne saurait rivaliser avec elle pour la richesse de la littérature ; c’est que l’art de la parole écrite se prête mieux que tout autre à l’analyse psychologique, à la discussion des idées ; et que le caractère essentiel de l’esprit français n’est ni plastique, ni sentimental, mais intellectuel.
Ses vers, sobres d’images, mais neufs d’expressions, sortent en petit nombre, non de sa plume, mais de son cœur, comme des palpitations cadencées de ce cœur qui se répercutent sur sa page ; la musique de ces sonnets ressemble aux majestueux et graves murmures de la grotte de Vaucluse, qui viennent de l’abîme, qui sonnent creux, qui remplissent l’âme, qui la troublent et qui l’apaisent comme des échos souterrains des mystères de Dieu. […] C’est une musique qui aime et qui prie dans toutes ses notes ; c’est le psautier de l’amour et de la mort ici-bas ; c’est le psautier de la réunion et de l’immortalité là-haut ; c’est Pétrarque !
On leur donnait une éducation beaucoup plus soignée qu’aux femmes libres ; les arts dans lesquels on les perfectionnait, tels que la musique, la déclamation, la danse, la poésie, étaient des moyens de séduction ; elles étaient les seules lettrées de leur sexe ; elles recevaient seules librement les hommes de tout âge dans leurs cercles ; elles y charmaient même les sages comme Périclès, Socrate, Caton, par l’agrément de leur conversation ; elles rappelaient complétement, aux mœurs près, ce qu’on a appelé de nos jours, à Londres et à Paris, les femmes de lettres, les maîtresses de maison, centre de réunions élégantes dans les capitales de l’Europe. […] Les repas qu’il donnait à ses amis étaient de la plus extrême simplicité ; il les égayait seulement pour ses convives d’un peu de musique. » Horace, informé par Mécène de ce désir d’Auguste, qui eût été pour tout autre un ordre, s’excusa sur sa mauvaise santé, préférant son indépendance à une fortune tardive et inutile à son bonheur.
Les clochettes fêlées de métal mêlé d’argent qui chantent au cou des reines du troupeau dans les pâturages sonores, sous la voûte des sapins, dans le haut Jura, ne vibrent pas plus mélodieusement aux oreilles que cette voix plus musicale que la musique. […] Madame Récamier ne négligea aucune de ses séductions cordiales et caressantes pour plaire à ma mère ; quant à ma mère, elle était la séduction personnifiée ; elle entrait naturellement comme une lumière dans les yeux, comme une musique dans l’oreille, comme une persuasion dans le cœur.
Au milieu un petit pianiste mécanique de quinze ans, de la force d’une nuit de musique, automatique et flave, sans regard, joue éternellement sur un piano. De temps en temps, la voix de soprano d’une femme se lève avec la musique et bruit avec elle.
P… est ce pauvre Pagans, dont ces guitares et ce tambourin ont apporté, toutes ces années, de si tapageuses ou rêveuses musiques, aux soirées où je me trouvais. […] * * * — À propos des curieux dessins de costumes, enlevés à la plume et lavés d’une rapide aquarelle par Boquet, pour la confection des costumes de l’ancienne Académie royale de Musique, Nuitter me racontait, que le plus grand nombre de ces dessins avaient autrefois été donnés aux enfants des employés des Menus-Plaisirs, qui s’amusaient à les découper.
Des cheveux annelés, un peu à la façon des cheveux-serpents d’une tête de Gorgone, l’œil à l’enchâssement mystérieusement profond, des yeux ombreux d’une sibylle dans une peinture de Michel-Ange, une beauté de lignes grecques dans un visage à la chair nerveuse, tourmentée, comme mâchonnée, et sous cette chair une cervelle qu’on sent hantée, par des pensées biscornues, perverses, macabres, ingénues, enfin un mélange de paysan, de comédien, d’enfant : c’est l’homme ; un être compliqué, mais d’où se dégage incontestablement un charme — quand ce ne serait que celui, de cette musique littéraire de son invention. […] Il n’y a que le livre — la musique peut-être aussi — qui par l’indéfini et le flottant des descriptions, par l’irréalisation matérielle de l’imprimé, peut mettre du rêve dans une cervelle.
et quand la contemplation extatique de l’Être des êtres lui fait oublier le monde des temps pour le monde de l’éternité ; enfin quand, dans ses heures de loisir ici-bas, il se détache, sur l’aile de son imagination, du monde réel pour s’égarer dans le monde idéal, comme un vaisseau qui laisse jouer le vent dans sa voilure et qui dérive insensiblement du rivage sur la grande mer ; quand il se donne l’ineffable et dangereuse volupté des songes aux yeux ouverts, ces berceurs de l’homme éveillé, alors les impressions de l’instrument humain sont si fortes, si profondes, si pieuses, si infinies dans leurs vibrations, si rêveuses, si supérieures à ses impressions ordinaires, que l’homme cherche naturellement pour les exprimer un langage plus pénétrant, plus harmonieux, plus sensible, plus imagé, plus crié, plus chanté que sa langue habituelle, et qu’il invente le vers, ce chant de l’âme, comme la musique invente la mélodie, ce chant de l’oreille ; comme la peinture invente la couleur, ce chant des yeux ; comme la sculpture invente les contours, ce chant des formes ; car chaque art chante pour un de nos sens, quand l’enthousiasme, qui n’est que l’émotion à sa suprême puissance, saisit l’artiste. […] « Son corps était droit et ferme », dit ici le poète, « son sein de marbre, son visage plus resplendissant, d’une lueur plus douce que la lune ; ses sourcils formaient un arc majestueux au-dessus des yeux, ses paroles résonnaient comme une musique enivrante.
Il fait de la langue poétique de la France une musique où le sens, l’image et l’harmonie confondus donnent au mot la magie du son, au son le sentiment du mot. […] Elle veut qu’on lui arrache ce qu’elle donne, c’est-à-dire que, comme les instruments de musique les plus parfaits, elle ne souffre pas la médiocrité ; elle veut des chefs-d’œuvre ou rien.
C’est le cas de la musique vocale et de la musique instrumentale : nous entendons ce que dit celle-là, nous fesons dire à celle-ci ce que nous voulons.
Sincèrement épris de l’Italie, de sa musique, de son ciel et de ses grands auteurs, M.
Le poète lyrique du xvie siècle chercha aussi, comme l’ancien Thébain, à enchaîner ses rythmes à la musique, et à leur donner ces ailes qui font courir une parole chantante sur les lèvres des hommes : mais il eut beau s’efforcer, sa tentative interrompue, son échafaudage ne sert qu’à marquer sa ruine et à mieux faire mesurer l’infinie distance qu’il y a entre cette ode publique chantée et presque jouée de Pindare, et cette emphase moderne toute métaphorique, plus apparente ici dans une langue roide, neuve, et tout exprès fabriquée.
Dans cette vie d’amitié, de silence, de gracieuse causerie, elle a des soupirs, des velléités d’au-delà : Marie (l’amie chez qui elle était) fait de la musique dans le salon sous mes pieds, et je sens quelque chose qui lui répond dans ma tête.
Mme de Montglat, beauté brillante et gracieuse, aimait la musique et les vers ; elle en faisait même d’assez jolis et chantait mieux que femme de France de sa qualité ; elle parlait et écrivait avec une facilité surprenante et le plus naturellement du monde.
Ses frères se montraient aussi amateurs d’épées, de chevaux, de chiens et de chasse, que, lui, il était posé, enjoué, amateur de livres et de peintures, de musique, de contes et d’histoires du temps passé.
Rousseau, à propos de la musique que Jean-Jacques avait faite pour un opéra d’après la pastorale.
Le roman frise parfois le poème ; si nous avions affaire à un vrai poème, et que tout cela fût en beaux vers, en belle musique, nous n’aurions trop rien à dire : on est moins sévère pour le sens, quand on peut se rattraper à chaque instant sur l’exécution.
Mise en musique, chantée dans les salons, on ne se lasse point de l’entendre, ce qui prouve à l’auteur que la naïveté a bien aussi son prix.
Le Noble ; on y comparait la musique de Lulli et celle de Campra.
J’avais lu la plupart de ces petits chants, j’avais lu ce Charlemagne, cet Alfred, où il en a inséré ; je trouvais l’ensemble élégant, monotone et pâli, et, n’y sentant que peu, je passais, quand un contemporain de la jeunesse de Millevoye et de la nôtre encore, qui me voyait indifférent, se mit à me chanter d’une voix émue, et l’œil humide, quelques-uns de ces refrains auxquels il rendit une vie d’enchantement ; et j’appris combien, un moment du moins, pour les sensibles et les amants d’alors, tout cela avait vécu, combien pour de jeunes cœurs, aujourd’hui éteints ou refroidis, cette légère poésie avait été une fois la musique de l’âme, et comment on avait usé de ces chants aussi pour charmer et pour aimer.
Le jeu de scène maintenant classique à l’Académie nationale de musique en lequel, au final de la Walkyrie, Wotan fascine de son regard impérieux et sévère Brünhild épuisée avant de l’ensevelir d’un baiser dans une hypnose flamboyante, puis reculant pas à pas, appelle d’un très long regard le sommeil punisseur ; ce jeu de scène, disons-nous, est exact, cohérent, d’une vérité de technique surprenante, mais apocryphe.
La science ne s’adresse qu’à l’esprit pur, elle n’emploie que des expressions ternes ; elle fuit les métaphores, toujours inexactes ; elle enchaîne les phrases monotones avec une régularité grammaticale, et ne consent jamais à amuser l’oreille par la musique des vers.