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1980. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Errer librement, à toute heure et partout, comme l’oiseau qui ne demande conseil qu’à la force de ses ailes, quitter tout sans regret, saluer avec joie tous les lieux nouveaux, se passer d’avoir en voyant, posséder toute chose par la vue, rassasier ses yeux de toutes les merveilles qu’on ne peut saisir, quel bonheur, quelle ivresse, quel rêve enchanteur, quel rêve digne d’envie ! […] Les commentaires qu’il annonce, qui doivent nous expliquer les Méditations, les Harmonies et Jocelyn, qui nous diront le jour et le lieu où chaque pièce a été composée, seront-ils conçus d’après le même système, seront-ils écrits dans le même style que les Confidences et Raphaël ? […] Je fais bon marché de l’unité de temps, de l’unité de lieu ; quant à l’unité d’action, elle ne relève de la poétique d’aucun pays ; elle relève du bon sens, de la raison, de l’évidence, de la nécessité. […] Resté seul, le dictateur commence un monologue assez étrange qui ne convient ni au temps, ni au lieu, ni au personnage. […] Ce qui assure à ces deux ouvrages une longue jeunesse, c’est d’abord la vérité humaine, la vérité des sentiments pris en eux-mêmes, abstraction faite du temps et du lieu, et puis la mesure dans l’expression.

1981. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

— Cette immense nature, en tout lieu rajeunie, Semble n’avoir pour moi qu’un regard d’ironie : Le luxe universel qu’étale ce printemps Présente à ma douleur des tableaux insultants. […] Mais du moment qu’il s’agit d’une pièce, puisée dans les archives de notre histoire, beaucoup plus inconnue pour nous que celle de la Grèce et de Rome, du moment qu’au lieu du péplum et de la tunique de laine nous voyons paraître la soie, le velours, l’acier, la visière, les gantelets, nous n’admettons plus qu’on puisse nous intéresser au moyen de trois ou quatre personnages, se mouvant dans une action simple et sobre, sans coup de théâtre et sans péripétie : nous demandons que l’intérêt aille en croissant, que l’imprévu ait sa part, que l’auteur nous tienne sans cesse suspendus au fil d’événements que chaque acte noue et dénoue, embrouille et débrouille : il nous faut du mouvement, du bruit, du tumulte, des flots de gentilshommes ou de populaire se déroulant sur la scène, un reflet de cette vie compliquée du moyen âge, dont le drame moderne, à défaut d’autre mérite, avait si bien saisi le côté matériel et pittoresque. […] Quelle différence, si l’auteur, profitant des libertés shakspeariennes et s’affranchissant de l’inflexible unité de lieu, avait substitué à cette distribution monotone une certaine quantité de scènes où se seraient déroulés tour à tour, dans toute leur vérité historique et locale, le gracieux tableau des amours de Philippe et d’Agnès, l’arrivée du légat, les redoutables conséquences de l’interdit, l’agitation des grands vassaux, les souffrances du peuple, la lutte des deux pouvoirs, la fuite et le retour d’Agnès, et enfin son agonie et sa mort ! […] À propos des deux dernières pièces que je viens de citer, la Source et la Ferme à midi, il y aurait lieu à une étude, à une comparaison piquante entre le procédé poétique de M. 

1982. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

Comme nous ne prétendons nullement donner ici une biographie complète, nous pourrions nous taire sur ces divers contre-projets de Daunou, ou nous borner à en louer la sagesse, du moins la sagesse relative ; mais il y a lieu d’en tirer quelques vues directes pour l’étude de l’homme et de l’écrivain. […] Fidèle à sa méthode, l’auteur y adopte trois grandes divisions : 1° l’examen et le choix des faits, premier travail préalablement nécessaire à l’historien, et qui comprend la question de la certitude et des sources, celle des usages et du but de l’histoire ; 2° la classification des faits, quant aux lieux, quant au temps, c’est-à-dire géographie et chronologie ; 3° l’exposition des faits, ce qui aboutit à l’histoire proprement dite, telle qu’elle se dessine aux lecteurs ; les deux autres branches sont plutôt un travail de cabinet pour l’historien.

1983. (1927) André Gide pp. 8-126

C’est un érudit qui, ayant été malade, découvre la vie lorsqu’il entre en convalescence et se met alors à mépriser la culture ; puis qui, au lieu d’être reconnaissant à sa jeune femme qui l’a bien soigné, la trompe, la laisse seule et va courir les mauvais lieux, tandis qu’elle agonise à son tour. […] Le lieu de l’action est un village suisse.

1984. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

La renommée d’esprit ou de grand savoir tient lieu d’un ruban bleu ou d’un carrosse à six bêtes. » Mais ce pouvoir et ce rang, il se les croyait dus ; il ne demandait pas, il attendait. « Je ne solliciterai jamais pour moi-même, quoique je le fasse souvent pour les autres. » Il voulait l’empire, et agissait comme s’il l’avait eu. […] Il faut encore qu’il se développe régulièrement par des analyses et avec des divisions exactes, que sa distribution donne une image de la pure raison, que l’ordre des idées y soit inviolable, que tout esprit puisse y puiser aisément une conviction entière, que la méthode, comme les principes, soit raisonnable en tous les lieux et dans tous les temps.

1985. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

Cette présence imaginaire tient lieu d’une présence réelle ; vous affirmez par l’une ce que vous affirmeriez par l’autre, et du même droit. […] Il y a lieu pour eux, comme pour les faits, de chercher les éléments générateurs en qui ils peuvent se résoudre et de qui ils peuvent se déduire, et l’opération doit continuer jusqu’à ce qu’on soit arrivé à des éléments tout à fait simples, c’est-à-dire tels que leur décomposition soit contradictoire.

1986. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

Il y a bien le rationalisme, le scepticisme, mais le matérialisme pur, cela n’existait plus, il y a quelques années… Et dernièrement, lors du prix de 20 000 francs et de la discussion au sujet de Mme Sand, n’a-t-il pas dit que le mariage était une institution condamnée, que ça n’aurait bientôt plus lieu… « Oh ! […] C’est à Billion, l’ancien directeur du Cirque, et les quatre tourelles sont des lieux à l’anglaise.

1987. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Il y a des analogies entre ces deux esprits inflammatoires, entre ces deux philosophes de bas lieu et quelquefois de mauvais lieu.

1988. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

Cette présence imaginaire tient lieu d’une présence réelle ; vous affirmez par l’une ce que vous affirmeriez par l’autre, et du même droit. […] Il y a lieu pour eux, comme pour les faits, de chercher les éléments générateurs en qui ils peuvent se résoudre et de qui ils peuvent se déduire, et l’opération doit continuer jusqu’à ce qu’on soit arrivé à des éléments tout à fait simples, c’est-à-dire tels que leur décomposition soit contradictoire.

1989. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

Partout où il y a intelligence, il doit y avoir un degré quelconque de liberté ; il ne peut donc venir pour l’homme un moment où il n’y aurait plus lieu à mériter ou à démériter, aussi toute substance intelligente finira par être bonne d’une bonté acquise par elle-même. […] Les hommes, les lieux et les choses de la Grèce ont gardé pour moi l’ardent attrait des souvenirs de famille ; il m’a toujours semblé que leur histoire était le commencement de nos traditions nationales. […] Quant aux lieux habités, toute ville moderne me semble si dépourvue de beauté et je suis si fermement convaincu de la laideur progressive des cités de l’avenir, que je me tiens pour suffisamment renseigné sur la physionomie de toutes les rues d’Europe et d’Amérique. […] Tout ce que l’art a prétendu conquérir depuis, tout ce qu’il a ajouté de pathétique et d’émotion à son domaine, est étranger à cette région calme, pure, immuable, du beau rationnel, de cette beauté qui est de tous les lieux et de tous les temps. […] Cet emploi, dans certaines limites, des rythmes indéterminés au lieu des rythmes définis, de la phrase libre au lieu du vers, est relativement nouveau et il a suivi jusqu’à présent un mouvement progressif ; il semble se lier à une révolution qui s’opère aujourd’hui dans l’esprit humain.

1990. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

On est riche de souvenirs et d’anecdotes qui peuvent à l’occasion tenir lieu d’idées et qui plaisent toujours à notre époque friande de commérages. […] la femme en ce temps-là, au temps des cours d’amour et de la chevalerie, « a courbé la tête aussi bas qu’en aucun temps et qu’en aucun lieu du monde » ? […] Sentez-vous cet effort impuissant dans la phrase suivante : « Il y a dans l’esprit français un fonds naturel, je ne veux pas dire de grossièreté (je le pourrais, je ne le dis pas, je le dirai plus loin)… » J’ai nommé Alceste tout à l’heure : Célimène lui reproche de faire éclater en tous lieux L’esprit contrariant qu’il a reçu des cieux. […] Mais d’une part il regarde un livre comme le produit naturel et nécessaire de certains états d’âme, comme un ensemble de qualités et de défauts invinciblement liés, et il estime que, l’auteur n’ayant pu faire autrement, il n’y a guère lieu de l’approuver ou de le blâmer ; d’autre part, il voit aussi dans le livre, non pas seulement une source de jouissances artistiques, mais un foyer qui rayonne des idées et des sentiments et qui produit à son tour chez les lecteurs certains états d’âme, préludes de certaines actions ; il ne peut donc traiter légèrement ce ferment de vie intellectuelle et morale, cet initiateur de la jeunesse, cet éducateur des cœurs et des esprits à venir.

1991. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Je ne pouvais pleurer lorsque chantait sa voix ; Il est si consolant de sentir que l’orage N’éclate pas du moins en tous lieux à la fois. […] Et toujours morts pour morts, sac pour sac, feu pour feu, Massacre à tout jamais, en tout siècle, en tout lieu ! […] Au lieu du coup de massue herculéen, il décoche une chiquenaude. […] J’y ai rencontré une seule fois la signature de Bentzon, et Georges de Peyrebrune s’est bientôt sauvée de ce mauvais lieu littéraire.

1992. (1887) George Sand

Il n’y a donc pas lieu de chercher bien rigoureusement la doctrine de Mme Sand, mais seulement d’analyser ses idées à travers ses sentiments. […] ne changeons rien aux lieux que tu aimes, Jacques ! […] « Acceptez ma main sans délai ; marions-nous à l’anglaise, sans cérémonie, et partons ensemble pour la Suisse. — Je ne l’entends pas ainsi, me répondit la jeune merlette ; je veux que mes noces soient magnifiques et que tout ce qu’il y a en France de merles un peu bien nés y soient solennellement rassemblés. » Le mariage se fait, malgré tout, à l’anglaise, mais avec un grand concours d’artistes emplumés, et l’on part pour la Suisse, Venise ou autres lieux. […] « Je suis restée très gaie, sans initiative pour amuser les autres, mais sachant les aider à s’amuser. » Quand elle voulut bien me promener à travers toute sa maison, après une station au jardin, non loin de la rivière où elle avait manqué, aux jours d’autrefois, dans un accès de jeune désespoir, de chercher une fin à une existence dont la perspective la troublait déjà, c’est dans la petite salle de théâtre qu’elle me conduisit, comme dans un lieu consacré par les rites joyeux de la famille.

1993. (1905) Promenades philosophiques. Première série

Il vaudrait incontestablement mieux soutenir nettement ce système que de se laisser conduire, par l’envie d’établir un principe éternel, à l’inconvénient beaucoup plus grave d’en faire un principe imaginaire ; car la première supposition, qui fait changer toutes les choses en cercle8, offre du moins un sens déterminé ; au lieu que la seconde n’en présente aucun et ne dit rien dans le vrai, en nous donnant pour des réalités de purs êtres de raison et de simples appuis de l’esprit (153). […] Comment, de sexuelle, l’idée de beauté est-elle devenue une idée désintéressée, ce n’est pas le lieu de le chercher. […] Je lui accorderai, de plus, que l’accent aigu n’a aucune raison d’être sur des mots tels que irréligieux, dorénavant, énamourer ; que le second e de événement est ouvert et qu’il y a lieu d’écrire évènement, comme on écrit d’ailleurs avènement ; qu’il est fâcheux que les accents, souvent mal placés, ne soient pas allés se poser sur bloc ou sur broc, sur œuf ou sur œufs, qui auraient pu ainsi manifester clairement la différence de leurs sonorités. « Faute d’un signe diacritique, dit excellemment M.  […] Aura-t-on pié ou lieu de pied ? […] Elle l’était quand poids se dirait peis ; ceux qui ont cru que son origine était pondus, au lieu qu’elle est pensum, et qui ont ajouté un d à sa forme normale, ignoraient évidemment la philologie romane, mais ils ont ainsi différencié deux mots qu’il était d’autant plus utile de ne pas confondre que les pois servaient souvent de poids.

1994. (1896) Écrivains étrangers. Première série

Feu Browning n’avait pas dans les pays de langue anglaise autant d’enthousiastes, ni d’aussi fervents, qu’en a trouvé l’auteur d’Humain, Trop Humain, dans tous les lieux du monde où l’on comprend l’allemand. […] Quant à mon village natal, aucun voyageur ne l’a traversé jamais sans jeter un regard complaisant sur cet aimable lieu, avec sa ceinture d’étangs et de verts buissons, et la vieille tour de son église toute tapissée de mousse. […] Mais il était incapable d’habiter longtemps au même lieu ; et il passa ses dernières années à changer sans cesse de domicile, menant d’ailleurs une vie de plus en plus solitaire et mystérieuse, parmi des embarras d’argent continuels. […] Et au lieu du mariage projeté c’est la mort qui est venue. […] Il projette de passer l’été en Écosse pour la suivre aux lieux où elle a vécu, pour s’asseoir sur les pierres où elle s’est assise.

1995. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

J’avais produit ma manière de voir à son égard ; j’eusse été heureux d’être rectifié, s’il y avait lieu, et de m’éclairer.

1996. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

Comme une source sortie d’un lieu élevé épanche ses nappes selon les hauteurs et d’étage en étage jusqu’à ce qu’enfin elle soit arrivée à la plus basse assise du sol, ainsi la disposition d’esprit ou d’âme introduite dans un peuple par la race, le moment ou le milieu se répand avec des proportions différentes et par des descentes régulières sur les divers ordres de faits qui composent sa civilisation3.

1997. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

Est-ce là le lieu du repentir ou du courage ?

1998. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

Je me disais qu’il faisait bon là, comme l’apôtre ; j’aimais cette avenue de solitude et de misère par laquelle j’y étais monté, cet escarpement qui le séparait de la foule, cet horizon qui portait la pensée au-delà des siècles, ce silence, ces portes fermées, ce mystère, cet arbre isolé, ce seuil d’église, ce monastère vide, ces dalles polies sous le portique par les pas, par les genoux et peut-être par les larmes des voyageurs tels que moi, cherchant sur les hauts lieux l’entretien avec leurs pensées et les inspirations de la solitude.

1999. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 321-384

On dit qu’elle éblouissait tous les pèlerins, qui s’arrêtaient exprès pour lui demander une gorgée d’eau dans sa cruche. « Si les anges habitaient encore les hauts lieux, disaient-ils entre eux, en s’éloignant et en se retournant pour la regarder encore, nous dirions que ce n’est pas une fille de l’homme, mais une créature de lumière. » J’étais tout réjoui quand la mère de Hyeronimo, qui l’aimait comme sa fille, me rapportait ce qu’elle avait entendu ainsi de la bouche des passants.

2000. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 385-448

Car la solitude, les bruits ou les silences des lieux solitaires, les rugissements même des bêtes dans les bois ne m’ont jamais fait peur, voyez-vous !

2001. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXIXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 129-192

— Quand il sera libre, continua la voix, tu revêtiras le froc et le capuchon des pénitents noirs qu’il aura laissés tomber de la fenêtre en s’enfuyant, et tu reviendras dans son cachot, avant le jour, prendre sa place, pour que les sbires te mènent au supplice, en croyant que c’est lui qu’ils vont fusiller pour venger le capitaine ; tu marcheras en silence devant eux, suivie des pénitents noirs ou blancs de toute la ville qui prieront pour toi ; et quand tu seras arrivée au lieu du supplice, tu mourras en prononçant son nom, heureuse de mourir pour qu’il vive !

2002. (1912) Enquête sur le théâtre et le livre (Les Marges)

Binet-Valmer La disparition d’une classe privilégiée a détruit l’importance et le plaisir des salons ; les couloirs des théâtres sont aujourd’hui le lieu où cheminent les petites ambitions et se développent les futiles intrigues, mais jamais les petits ambitieux ni les intrigants futiles n’eurent le goût des livres, et je ne crois pas que celui des théâtres nous ait enlevé un seul lecteur.

2003. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre V. Le Séminaire Saint-Sulpice (1882) »

Et qui reste juge en dernier lieu des titres de la foi, si ce n’est la raison ?

2004. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE IX »

Vous souvenez-vous de l’entrée de la courtisane dans son premier drame, et quel haut parfum de mauvais lieu elle exhalait en apparaissant ?

2005. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

Au Théâtre-Français, parce que n’ayant plus de grands acteurs tragiques, il ne peut espérer de vogue que par l’attrait d’un genre et d’un système de pièces entièrement neufs sur notre scène ; au public, parce que lassé de tant de pâles contre-épreuves de nos chefs-d’œuvre, lassé de la mesquine représentation de nos chefs-d’œuvre eux-mêmes ; il aime mieux les relire vingt fois avec délices et attendre pour revenir au théâtre que quelque chose y réponde à ce vague besoin de nouveauté qui le tourmente ; à l’art enfin, parce que faute de point de comparaison il serait à craindre que ce besoin se satisfît aveuglément avec des ouvrages prétendus romantiques, faits sans inspiration et sans étude, qui n’auraient que les formes extérieures des drames de Shakespeare, et dont toute la nouveauté consisterait à briser les unités de temps et de lieu, auxquelles personne ne songe, et à mêler des lazzis du boulevard au langage cérémonieux de notre vieille tragédie.

2006. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

Il y a, assurément, lieu d’en tenir compte dans les explications que l’on tente.

2007. (1913) La Fontaine « I. sa vie. »

On vint lui annoncer l’élection de La Fontaine, il répondit qu’il y avait lieu de surseoir.

2008. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Taine » pp. 305-350

Taine, logique et fataliste comme tout matérialiste de bon lieu qui ne peut croire qu’à la toute-puissance des faits, cette société a mérité sa guillotine… Et nous aussi, mais pour d’autres raisons, probablement, que celles qui sont dans la conscience de M. 

2009. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Alphonse Daudet »

Paris, dans ce temps, c’est le sujet inépuisable et délicieux des livres qui ne tombent jamais, et c’est aussi le délicieux lieu d’exil des rois qui tombent, eux !

2010. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Dutacq s’adressa pourtant en lieu bien intime pour avoir, s’il y en avait, quelque correspondance intime.

2011. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

A Olympie, aux Thermopyles, à Delphes, dans vingt autres lieux qu’il serait trop long d’énumérer, vous célébrez devant le même autel, comme des frères, des cérémonies communes, et cependant vous vous entr’égorgez et vous saccagez les villes grecques, quand le barbare est là qui vous menace. » Mais, avec tout cela, c’est bien une priapée. […] Que si on le considère maintenant en son lieu, il apparaît comme un moyen dramatique singulièrement puissant : Néron, en l’écoutant, doit se sentir lié par la complicité du crime, par une reconnaissance affreuse, et par la terreur de ce que pourrait faire contre lui une femme qui a fait pour lui tout cela. […] Albert Guinon semble conçue selon la poétique du lieu. […] Ce que l’auteur a sciemment gardé de la poétique du lieu contribue sans doute à nous donner cette impression d’adresse un peu inquiétante… Mais il serait injuste d’insister là-dessus. […] Très certainement, c’est lui qui est le plus « distingué » et surtout le plus original des deux : il est quelqu’un, au lieu qu’elle me paraît banale comme un mauvais roman.

2012. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

En conséquence, le Français renvoie la métaphysique au même lieu d’exil où il avait relégué la religion, et dit de celle-là comme de celle-ci : « Tout cela n’est pas clair et donne beaucoup de peine à comprendre » ; ce qui est très vrai. […] C’est la religion qui est devenue une morale ou qui en tient lieu, et c’est la même chose. […] En troisième lieu, vous faites une loi inutile ; car l’enseignement congréganiste subsistera sans les congrégations. […] Par exemple (art. 35), si un discours prononcé ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux où s’exerce le culte « tend à soulever ou armer une partie des citoyens contre les autres », le ministre du culte qui s’en sera rendu coupable sera puni d’un emprisonnement de trois mois à deux ans. […] Nous aurions voulu — et cela est peut-être la vérité et ce n’est pas ici le lieu de démontrer pourquoi, mais c’est peut-être la vérité et je pourrai le démontrer une autre fois — nous aurions voulu, de ferme propos, de dessein prémédité et de forte persévérance, nous aliéner l’Alsace et la pousser doucement du côté de l’Allemagne que nous n’aurions pas parlé, agi et légiféré autrement.

2013. (1902) Propos littéraires. Première série

Dans tout cela il n’y aurait nul lieu de crier : enfin ! […] Y a-t-il lieu de purifier l’église ? […] Léon Daudet a le sens de la physionomie des lieux et il sait la rendre. […] Ce serait difficile même à une femme ; et ce ne serait pas très facile même à un capitaine retraité. » — Lorsque M. le curé du lieu, pour une œuvre de charité, se présente à la villa : « Monsieur le curé, lui dit-elle, vous avez cette bonne fortune qu’il n’y a en ce moment que moi à la maison. […] En troisième lieu, il y a Tout.

2014. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

De ce qu’il a épousé une « demoiselle » par ambition et de ce que ce mariage, au lieu des honneurs qu’il en attendait, ne lui a apporté qu’humiliation et gourmades ; c’est, si l’on peut dire, un comique intérieur plutôt qu’extérieur. […] « Je me représente à toute heure, dit Élise à Valère, ce péril étonnant qui commença de nous offrir aux regards l’un de l’autre ; cette générosité surprenante qui vous fit risquer votre vie pour dérober la mienne à la fureur des ondes ; ces soins pleins de tendresse que vous fîtes éclater après m’avoir tirée de l’eau, et les hommages assidus de cet ardent amour, que ni le temps, ni les obstacles n’ont rebuté, et qui, vous faisant négliger, et parents et patrie, arrête vos pas en ces lieux, y tient en ma faveur votre fortune déguisée, et vous a réduit pour me voir à vous revêtir de l’emploi de domestique de mon père. » Ah ! […] On l’amène en grande pompe au lieu du supplice, et elle fait à son père, qui l’embrasse et qui pleure, ses derniers adieux.

2015. (1908) Après le naturalisme

Puis, n’ont-elles pas lieu l’une après l’autre ? […] La vie justifiée en elle-même et la mort considérée à sa juste signification suivant la philosophie scientifique, pour ne rien oublier des liens dont nous tenons au monde, comme un cœur à tout l’organisme, il reste à nous fournir les raisons esthétiques qui feront se déclarer notre amour pour le lieu de délices où nous plongeons.

2016. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

Ce soir, dîner offert chez Marguery, par les amis du Grenier et autres lieux, à l’auteur de Germinie Lacerteux et de La Patrie en danger. […] Et le savetier intéressé par lui, à la retrouvaille de tout ce qui avait été jeté dans la rue, lui faisait mettre la main sur deux ou trois cents lettres, sur des ébauches d’études, sur des commencements de romans tout prêts à devenir des cornets, des sacs, des enveloppes de deux sous de beurre, chez les boutiquiers des environs, et en dernier lieu chez une cuisinière, qui mettait plusieurs années à se décider à lui vendre un gros paquet de lettres.

2017. (1927) Des romantiques à nous

Ce sont de grosses idoles romantiques des deux sexes, qui ont, pendant les trente ou quarante années d’une carrière littéraire justement glorieuse, employé une partie de leur magnifique éloquence et de leur puissant lyrisme, à clamer à tous les carrefours la beauté de leur âme et la spéciale sublimité que revêtaient, en advenant dans leur vie, au lieu que ce fût dans celle de tout autre quelconque bourgeois ou bourgeoise, de petites histoires piquantes et ordinaires, justiciables en elles-mêmes des légères et gaies sentences de l’esprit gaulois. […] Qu’on ne l’entende pas au sens matériel, comme il y a lieu de le faire pour son compatriote Amiel, dont on nous a récemment appris qu’il n’avait perdu son innocence physique qu’à quarante ans, révélation d’où il résulte que Renan et Paul Bourget, qui ont commenté avec profondeur la philosophie de ce solitaire mélancolique, n’ont pas eu pour cela toutes les clartés utiles. […] Mais, revenu sur les lieux, il s’apaisa et tendit à Jean-Jacques une main amie.

2018. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LONGUEVILLE » pp. 322-357

Je pourrais, si c’était ici le lieu, multiplier les extraits encore, et trahir sans ménagement, dans toute leur subtilité naïve et leur négligence déjà vieillie, ces délicatesses de conscience d’un esprit naguère si élégant et si superbe, à présent si abaissé et comme abîmé.

2019. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (3e partie) » pp. 81-152

Je ne puis m’arracher de ces lieux où j’ai vécu avec lui, et où il reste encore. » Quoi de plus touchant ?

2020. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIe entretien. Biographie de Voltaire »

Les accents sont prophétiques, seulement c’est le prophète des ambitieux au lieu du prophète des vrais croyants.

2021. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

Simplement, c’est ici le lieu de saluer de nouveau l’universel Poète, le Maître et le Père.

2022. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

Mais si l’on entend par caractère un naturel toujours le même, qui marque toutes les actions d’un homme, une habitude de l’âme ancienne et profonde, indépendante des circonstances extérieures de condition, de temps et de lieu, j’attends encore qu’on m’en montre un exemple dans le théâtre espagnol.

2023. (1914) Note sur M. Bergson et la philosophie bergsonienne pp. 13-101

L’espoir d’arriver tard dans un sauvage lieu.

2024. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VII. La littérature et les conditions économiques » pp. 157-190

Leurs pareils abondent, lorsque l’économie règne en haut lieu, comme au temps de Sully et de Henri IV, ou bien quand la misère générale tarit la source des libéralités, comme au lendemain de la Fronde.

2025. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

Vous souvient-il de cette dame galante de Brantôme qui, au récit des licences et des saturnales de Venise, s’écrie, avec une mélancolie hystérique : « Hélas, si nous eussions fait porter tout nostre vaillant en ce lieu-là par lettre de banque, et que nous y fussions pour faire cette vie courtisanesque, plaisante et heureuse à laquelle toute autre ne saurait approcher, combien nous serions emperières de tout le monde ! 

2026. (1908) Dix années de roman français. Revue des deux mondes pp. 159-190

Parmi les tout premiers il y aurait lieu de nommer ici M. 

2027. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Les collèges et les lycées où nous avons organisé nos doctrines de la revanche intellectuelle me paraissent des lieux d’histoire aussi poignants que ces abords de Thionville et cette garnison de Bayonne, même si parmi nous il n’y eut ni un Chateaubriand ni un Alfred de Vigny. […] « Il fauldroit avoir esté de son temps Paris, et avoir congneu les lieux, les choses et les hommes dont il parle », dit Clément Marot de Cahors, dans la préface de l’édition qu’il a donnée de Villon. […] Pierre Champion — précédemment l’auteur d’un Charles d’Orléans très remarquable — vient de consacrer à François Villon, nous aurons connu les lieux, les choses et les hommes dont parle ce poète ; nous aurons été de son temps à Paris, mieux et plus facilement que Marot. […] Ils allèrent plus loin, dans la montagne, que jadis, et jusqu’à un lieu glacé, jusqu’à un lac mystérieux enclos entre les bords d’un cratère. […] Premièrement, il s’est trompé dans la psychologie : et il a cru que les âmes étaient, en somme, des lieux où il se fait de la logique.

2028. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

Il y a lieu de s’en inquiéter. […] Par malheur, ce n’est pas le nôtre, et j’ai tout lieu de croire qu’il est inférieur au nôtre. […] La pauvre bête étant morte, le bonhomme, sans penser à mal, la mit en terre sainte, dans le cimetière où les chrétiens du lieu attendaient en paix le jugement dernier et la résurrection de la chair. […] Encore l’avare espagnol de la nouvelle a-t-il un air picaresque assez plaisant : « Jamais bout de chandelle ne s’allumait dans sa chambre s’il ne l’avait volé ; et, pour le bien ménager, il commençait à se déshabiller dans la rue, dès le lieu où il avait pris la lumière, et, en entrant dans sa chambre, il l’éteignait et se mettait au lit. […] Et je retiens en moi, d’une souche première, Une sève inconnue aux lieux où j’ai grandi, La sève qui fermente au soleil du Midi, Je suis resté ton fils, ô province romaine, Et le vieux sang latin bleuit encor ma veine.

2029. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

En cet état, vous sentirez votre intelligence se développer, grandir, et sa vue atteindre des distances prodigieuses ; il n’est, en effet, ni temps ni lieu pour l’esprit… Quoique ces choses s’opèrent dans le calme et le silence, sans agitation, sans mouvement extérieur, néanmoins tout est action dans la prière, mais action vive, dépouillée de toute substantialité et réduite à être, comme le mouvement des mondes, une force invisible et pure ». […] Au nom des Grecs, on ajoute à l’unité d’action l’unité de lieu et de temps ; on resserre la première entrave utile par deux autres entraves inutiles. […] La cour de Louis XIV est, je crois, le lieu du monde où les hommes ont connu le mieux l’art de vivre ensemble ; on l’y a réduit en maximes, et on l’y a érigé en préceptes ; on en a fait l’objet des réflexions, la matière des entretiens, le but de l’éducation, le signe du mérite, l’emploi de la vie ; les gens lui ont donné tout leur temps, tout leur esprit, toute leur estime et toute leur étude. […] La contrée était un lieu de chasse où jeûnaient quelques sauvages ; au bout de sept ans, on y voyait des scieries mécaniques, des moulins pour le blé, pour le sucre, des tanneries, des machines à carder, des fonderies pour le fer, le bronze, le plomb, les poteries, des fabriques de papier, de drap, de tapis, d’armes, des distilleries, bref toutes les manufactures de première nécessité. […] Le fidèle est souillé non seulement par l’attouchement d’un cadavre, d’un tchandala, mais encore par l’approche d’un lieu où l’on a mis les restes d’un homme ou d’une bête, des os, des cheveux, des ongles, des ordures, par l’emploi d’un vase non purifié, par l’haleine d’un homme qui a bu de l’eau-de-vie ou qui a mangé de l’ail.

2030. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Mais en somme, chez Shakspeare comme chez les autres, c’est l’imagination du public qui est le machiniste ; il faut qu’elle se prête à tout, remplace tout, accepte pour une reine un jeune garçon qui vient de se faire la barbe, supporte en un acte dix changements de lieu, saute tout d’un coup vingt ans3 ou cinq cents milles, prenne six figurants pour quarante mille hommes, et se laisse figurer par un roulement de tambour toutes les batailles de César, de Henri V, de Coriolan et de Richard III. […] Au retour il devint, à Londres, un pilier de tavernes, hanteur de mauvais lieux

2031. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Ils peignent avec un détail infini les costumes et les lieux sans y rien changer. […] Ce qu’il expose, ce sont les grands intérêts de l’âme, « c’est la vérité, la grandeur, la beauté, l’espérance, l’amour, —  la crainte mélancolique subjuguée par la foi, —  ce sont les consolations bénies aux jours d’angoisse, —  c’est la force de la volonté et la puissance de l’intelligence, —  ce sont les joies répandues sur la large communauté des êtres, —  c’est l’esprit individuel qui maintient sa retraite inviolée, —  sans y recevoir d’autres maîtres que la conscience, —  et la loi suprême de cette intelligence qui gouverne tout1222. » Cette personne inviolée, seule portion de l’homme qui soit sainte, est sainte à tous les étages ; c’est pour cela que Wordsworth choisit pour personnages un colporteur, un curé, des villageois ; à ses yeux, la condition, l’éducation, les habits, toute l’enveloppe mondaine de l’homme est sans intérêt ; ce qui fait notre prix, c’est l’intégrité de notre conscience ; la science même n’est profonde que lorsqu’elle pénètre jusqu’à la vie morale ; car nulle part cette vie ne manque. « À toutes les formes d’être est assigné un principe actif ; —  quoique reculé hors de la portée des sens et de l’observation, —  il subsiste en toutes choses, dans les étoiles du ciel azuré, dans les petits cailloux qui pavent les ruisseaux, —  dans les eaux mouvantes, dans l’air invisible. —  Toute chose a des propriétés qui se répandent au-delà d’elle-même — et communiquent le bien, bien pur ou mêlé de mal. —  L’esprit ne connaît point de lieu isolé, —  de gouffre béant, de solitude. —  De chaînon en chaînon il circule, et il est l’âme de tous les mondes1223. » Rejetez donc avec dédain cette science sèche « qui divise et divise toujours les objets par des séparations incessantes, ne les saisit que morts et sans âme et détruit toute grandeur1224. » « Mieux vaut un paysan superstitieux qu’un savant froid. » Au-delà des vanités de la science et de l’orgueil du monde, il y a l’âme par qui tous sont égaux, et la large vie chrétienne et intime ouvre d’abord ses portes à tous ceux qui veulent l’aborder. « Le soleil est fixé, et magnificence infinie du ciel — est fixée à la portée de tout œil humain. —  L’Océan sans sommeil murmure pour toute oreille. —  La campagne, au printemps, verse une fraîche volupté dans tous les cœurs. —  Les devoirs premiers brillent là-haut comme les astres. —  Les tendresses qui calment, caressent et bénissent — sont éparses sous les pieds des hommes comme des fleurs1225. » Pareillement à la fin de toute agitation et de toute recherche apparaît la grande vérité qui est l’abrégé des autres. « La vie, la véritable vie, est l’énergie de l’amour — divin ou humain — exercée dans la peine, —  dans la tribulation, —  et destinée, si elle a subi son épreuve et reçu sa consécration, —  à passer, à travers les ombres et le silence du repos, à la joie éternelle1226. » Les vers soutiennent ces graves pensées de leur harmonie grave ; on dirait d’un motet qui accompagne une méditation ou une prière.

2032. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

IV Il faut lire son histoire de Cromwell pour comprendre jusqu’à quel degré ce sentiment du réel le pénètre, de quelles lumières ce sentiment du réel le munit ; comme il rectifie les dates et les textes, comme il vérifie les traditions et les généalogies ; comme il visite les lieux, examine les arbres, regarde les ruisseaux, sait les cultures, les prix, toute l’économie domestique et rurale, toutes les circonstances politiques et littéraires ; avec quelle minutie, quelle précision et quelle véhémence il reconstruit devant ses yeux et devant nos yeux le tableau extérieur des objets et des affaires, le tableau intérieur des idées et des émotions ! […] À son avis, les grands hommes, rois, écrivains, prophètes et poëtes, ne sont grands que par là. « Le caractère de tout héros, en tout temps, en tout lieu, en toute situation, est de revenir aux réalités, de prendre son point d’appui sur les choses, non sur les apparences des choses1414. » Le grand homme découvre quelque fait inconnu ou méconnu, le proclame ; on l’écoute, on le suit, et voilà toute l’histoire.

2033. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

Le seul qui rie encore à mon cœur oppressé, C’est de m’ensevelir au fond d’une chartreuse, Dans une solitude inabordable, affreuse ; Loin, bien loin, tout là-bas, dans quelque Sierra Bien sauvage, où jamais voix d’homme ne vibra, Dans la forêt de pins, parmi les âpres roches Où n’arrive pas même un bruit lointain de cloches ; Dans quelque Thébaïde, aux lieux les moins hantés, Comme en cherchaient les Saints pour leurs austérités50. […] Au moment où la danseuse a ramené chez elle le jeune homme qui la courtise, après qu’elle a laissé glisser ses derniers voiles, et quand elle va s’abandonner, tout à coup, celui-ci, nullement impressionné par l’érotisme du lieu et de la situation, est pris d’un caprice subit, « comme un enfant gâté », et il repousse la courtisane en criant : « Je veux Colombine, avec son maillot, ses jupes de gaze, son corsage de saltimbanque, ses paillettes de clinquant et son rouge. » Et le narrateur ajoute immédiatement : « À ce trait caractéristique j’ai reconnu Samuel. […] Le monde où j’ai vécu n’a point quelques coudées ;        On ne le trouve en aucun lieu. […] Or, selon un historien moderne, des causes à peu près identiques présidèrent au développement et à la formation du génie hindou, si bien que, entre l’écrivain du xixe  siècle et les mystiques d’il y a trois mille ans, un rapprochement semble presque fatal par une sorte de communauté d’origine : « L’immense mer, dit Edgar Quinet à propos des anciens patriarches védiques, l’immense mer s’étend, pour la première fois, sous le regard de l’homme ; il boit avidement des yeux l’espace sans bornes ; et à la révélation par la lumière sur les hauts lieux s’ajoute, près des golfes, la révélation de l’infini par l’Océan. […] Le lieu où telle catastrophe s’est passée en devient un témoin terrible ; et l’absence de cette sorte de personnage muet décompléterait dans le drame les plus grandes scènes de l’histoire. » Victor Hugo, pour son compte, s’est toujours efforcé de suivre, avec un soin ponctuel, la loi par lui-même écrite, et l’on sait la masse de documents qu’il remuait, toutes les observations, toutes les études préliminaires auxquelles il se croyait obligé avant de commencer un ouvrage298.

2034. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Du reste, en courant, ce sera une perte de cinq ou dix minutes à peine, — et je dis à mon batelier : « Va, aborde un peu plus loin, au quai de marbre là-bas, à l’entrée du saint cimetière. » Laissant le vieux Grec dans le caïque avec le rameur, je redescends à terre, seul, saisi tout à coup par le silence glacé de ce lieu, par sa sonorité funèbre, que j’avais oubliée, et qui change le bruit de mon pas. […] Rien de changé, naturellement, dans tout cela qui est sacré et immuable ; ce lieu unique, si étrangement mêlé à mes souvenirs d’amour, était le même bien des années avant notre existence et sera ainsi longtemps encore après que nous aurons tous deux passé. […] Son fondateur, le génial Florentin, en avait fait le lieu de rendez-vous de trente jeunes gens d’avenir, poètes, peintres, musiciens, que tout Paris allait voir fidèlement une fois par semaine. […] sous forme d’utile regret, ce calme sobre, cette stricte sécurité de ces lieux de douleur, certes, mais aussi de soins sûrs et de pain sur la planche. […] Renan quand il assista au 18e centenaire de Pompéi : Nous visitâmes surtout cette rue des Tombeaux, un des lieux les plus poétiques du monde ; nous nous assîmes sur ces sièges hospitaliers que la mort offre au vivant comme pour lui conseiller le repos.

2035. (1924) Critiques et romanciers

Il écrit : « La littérature proprement dite, en France, n’est pas de bon lieu. […] Et l’on goûtait, à Port-Royal, un accord charmant des paroles et du lieu ; Racine revivait dans son paysage. […] Il y a donc lieu d’étudier ces œuvres en tant qu’éducatrices des idées et des cœurs. » J’emprunte ces lignes à la préface des Nouveaux essais, datée de 1885. […] Au lieu qu’un sourire, qui me séduit, ne m’inspire pas un mot… et mes yeux, que des yeux ennemis font étinceler, se baissent devant un regard dont ils aiment la lucidité ou la douceur. […] Ce n’est que l’histoire, une histoire à peine, d’un gamin sans feu ni lieu, qui s’approche d’un troupeau, d’une maison, pour être moins seul, et qui s’approche de vous, sur la route, chemine avec vous, non comme un petit mendiant, mais comme un petit compagnon.

2036. (1925) Les écrivains. Première série (1884-1894)

Insulter Dieu quand on le chasse des hôpitaux, des écoles, des armées, quand on le traque en tous lieux comme un ennemi, et qu’on n’ose plus lui donner nulle part un asile, comme à un maudit : mais c’est vous rabaisser, vous, un indépendant, au niveau des courtisans, de ces briseurs d’autels et de ces détrousseurs de temples ; c’est tomber, vous, un poète, dans la tourbe agenouillée des Belmontet qui, sous l’Empire, chantaient le 2 décembre et attendaient la croix au 15 août, pour prix de leur cantate. […] Car c’est un grand courage que de revendiquer les droits de Dieu, aujourd’hui qu’on l’outrage en tous lieux, qu’on le chasse de partout, et qu’on ne lui permet pas de faire planer son image au-dessus des cortèges de la mort. […] Nous n’avons même plus de jeunes gens ; ce sont les leurs qui se sont installés à leur place, partout, jusque dans les lieux de plaisir, où l’on ne rit plus d’ailleurs, car cette jeunesse est triste, mal élevée. […] On raconte aussi que M. de Bonnières, en courtisan mal informé, aurait blessé à tout jamais la personne puissante de qui il voulait servir la haine et n’aurait recueilli (suprême malchance), de son incroyable article, d’autres bénéfices immédiats que des jugements sévères, au lieu des remerciements attendus, et la perte de relations précieuses qu’il comptait resserrer plus étroitement.

2037. (1900) La culture des idées

Pourquoi ne punirait-on pas, au lieu du voleur, qui a des excuses, l’imbécile qui s’est laissé voler ? […] « Comme presque toujours les voyageurs pieux, dit Apulée, au début de ses Florides, s’ils rencontrent sur leur route quelque bois sacré ou quelque lieu saint, se mettent en prières, déposent un ex-voto, s’arrêtent un instant… », et parmi les motifs de ces sanctuaires il cite le truncus dolamine effigiatus et l’autel champêtre enguirlandé que rappellent singulièrement les grossières bonnes vierges noires parmi les fleurs fraîches. […] En séparant les sexes et en les tassant dans des lieux clos à l’époque de la première effervescence génitale, on obtient à coup sûr la sodomie et le saphisme. […] Cependant le poète (rime, allitération) subit de pareilles associations, mais il doit avoir le talent de les rendre logiques, ce qui n’a guère lieu dans le rêve pur et simple.

2038. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Elle faisait une partie essentielle de leurs mœurs et presque de leur langage ; elle exprimait des sentiments habituels ; elle s’occupait d’usages journaliers ; elle représentait les faits, tels qu’on les croyait ; les lieux, tels qu’on les avait sous les yeux ; elle adorait les dieux que célébrait le culte public ; en un mot, elle était pleine de réalité, et n’était point un langage de convention, Pour nous la poésie, et nous dirions même presque toute la littérature, n’est pas sortie de notre propre fonds. […] C’est ici le lieu de nommer un homme qui paraît unir ensemble les deux époques. […] Il imagina de mettre en scène l’éloge de Marc-Aurèle ; il transporte notre imagination au lieu même et au temps où se passait l’action. […] La terre où il avait été jeté était pour tous un lieu consacré.

2039. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Notre âme est le lieu d’une perpétuelle métamorphose : c’est même la plus sûre garantie de son immortalité. […] En ce lieu d’histoire qui refuse d’être abolie, il aperçut, à la porte d’une petite tente, un fellah employé aux fouilles ; et il écrivit : « Alors j’ai pensé qu’il doit y avoir quelqu’un pour qui cette antiquité et cet espace sans bornes sont misères égales, qui juge ce mendiant et les Pharaons, une loque de toile et les pyramides, aujourd’hui et les longs siècles, à la commune mesure de son éternité. » De tant de races, de peuples et de temps, il étudiait la transition lente, il examinait le successif héritage. […] Nulle belle musique ne l’a jamais appelé, en aucun lieu proche ou lointain, sans que tout de suite il arrivât, muni de sa ferveur et prêt aux bons offices. […] Les circonstances de temps et de lieu organisent l’ensemble des nécessités auxquelles les politiques auront à faire face.

2040. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

Au lieu que lui descendait fort bien de voiture et se postait royalement, devant tout le monde, au bord de la route… Et puis, s’il est ennuyeux, à première vue, de ne pouvoir faire un mouvement qui n’ait des témoins, il est peut-être agréable de penser que le moindre de nos mouvements est aux yeux des autres êtres une chose considérable… C’est là, malgré tout, une volupté que j’ai peine à concevoir, moi qui, après le plaisir d’être avec vous, ma cousine, n’en sais pas de plus grand que d’être seul chez moi  ou dans la rue. […] Partout, les infâmes musées anatomiques, les chevaux de bois mus par la vapeur et les manèges de vélocipèdes, d’aérostats et de transatlantiques nous rappellent, jusque dans ce lieu qui devrait être consacré aux divertissements naïfs, que nous sommes dans le siècle de la science et de l’industrie. […] Au lieu des groupements artificiels d’autrefois, nous aurions des groupements naturels ; et chacun, étant plus sincère, travaillerait mieux et de meilleur cœur.

2041. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

Pour notre part, nous regrettons de ne pas les connaître, car lors même qu’elles n’offriraient aucune ordonnance, qu’elles ne contiendraient aucune description précise des lieux parcourus par André Chénier, ce ne serait pas une raison pour les dédaigner. […] Hugo pour le monde extérieur ; il y avait lieu d’espérer qu’en fouillant dans les entrailles de cette idée féconde, il oublierait peu à peu son amour pour le bruit, pour la couleur ; qu’il désapprendrait le culte des mots, et reviendrait à la pensée, à l’émotion, par l’étude patiente, par l’analyse assidue du thème qu’il avait choisi. […] N’est-ce pas assigner aux événements accomplis dans un siècle, dans un lieu déterminé, des causes ignorées jusque-là, mais pourtant revêtues d’un caractère de vraisemblance ?

2042. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

On cherche le curieux là où il est le moins complet, dans des physionomies spéciales, sans variété ; au lieu donc de mener un jeune écrivain chez des espèces de gueux, de bohémiens étranges, comme je l’ai vu faire, il vaut mieux lui apprendre à voir les détails de la simplicité domestique qui est commune à presque tout le monde. […] Peut-être ce combat a-t-il lieu à votre insu ; en tout cas, vos habitudes l’ont emporté cette fois encore. […] Si solitaire que soit le lieu où vous travaillez, il ne se passera point une heure sans qu’il n’y paraisse quelques créatures vivantes qui très probablement s’accorderont mieux que tout ce que vous pourrez inventer, avec la scène et l’heure du jour où vous êtes.

2043. (1902) Le critique mort jeune

Circonscrire puis goûter un site, c’est pour lui un exercice comparable à la composition de lieu de ces grands méthodistes, de ces initiateurs en psychologie expérimentale qui furent les premiers Jésuites. […] C’est une heureuse rencontre, et dont il était digne, que, parvenu à la maturité de son talent, il ait trouvé pour sujet un des plus beaux lieux du monde, Venise, et l’une des âmes les plus rares de ce temps, celle de l’impératrice Élisabeth d’Autriche. […] La continuité est la naturelle condition de ces familles fortes et lentes, au lieu que dans les autres — c’est la marque indélébile de leur anomalie — les efforts personnels se juxtaposent, ils ne s’additionnent pas.

2044. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

Quand un homme de talent est malheureux, ruiné ou exilé par l’infortune, loin des montagnes ou des ravins qui l’ont vu naître ; quand les lieux, le temps, les personnes se représentent à lui comme des angoisses ou des remords, et qu’il ne les apaise qu’en les exprimant, sa douleur devient du génie, et il sort alors de son âme des cris qui sont l’apogée des tristesses humaines.

2045. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

Il avait les trois qualités nécessaires à l’historien de la féodalité la curiosité qui le fit voyager en tous lieux pour savoir, les matériaux historiques n’étant pas alors des actes écrits, mais des hommes dispersés, et des témoignages qu’il fallait aller chercher par les grands chemins ; la mémoire qui retenait tous ces témoignages ; enfin une imagination à la fois exacte et vive, qui les éclaircissait et les animait.

2046. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

Il existe un ensemble de croyances et d’opinions toutes faites sur la vie collective, qui varie nécessairement avec les temps et les lieux, mais dont le but est toujours le même et qu’il est convenu de professer ou de paraître accepter.

2047. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

Ici n’est point le lieu à une explication, moins encore à une discussion ; d’ailleurs ce volume complète les théories connues du Maître, plutôt qu’il n’apporte des théories nouvelles.

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