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1378. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

Je sais bien qu’on a tenté cette traduction, mais j’ai assez confiance dans le bon goût des Français et dans la sûreté de leur instinct artiste, pour être persuadé qu’ils refuseront d’accepter les produits que MM. 

1379. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

On peut se figurer Eschyle si profondément oriental de nature et d’âme, plus aryen d’instinct que les Perses mêmes, ajoutant de nouveaux hymnes au Zend-Avesta, au lieu de faire pleurer Électre et blasphémer Prométhée.

1380. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. Causes physiologiques et psychologiques du plaisir et de la douleur »

La passion de la chasse et celle de la guerre chez les hommes d’aujourd’hui semblent, selon Spencer, un reste des instincts du sauvage.

1381. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

la belle chose de n’avoir rien dérangé dans l’instinct et l’idée préconçue du petit boutiquier, d’en avoir tiré toute sa fable, et d’avoir fait une révolution à côté de l’autre — une révolution plus typique, plus historique, et populaire à la façon d’une imagerie de canard.

1382. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

Il définit l’Iliade « un beau monstre né du seul instinct d’un homme supérieur ».

1383. (1894) Textes critiques

Catulle Mendès, « de l’éternelle imbécillité humaine, de l’éternelle luxure, de l’éternelle goinfrerie, de la bassesse de l’instinct érigée en tyrannie ; des pudeurs, des vertus, du patriotisme et de l’idéal des gens qui ont bien dîné. » Vraiment, il n’y a pas de quoi attendre une pièce drôle, et les masques expliquent que le comique doit en être tout au plus le comique macabre d’un clown anglais ou d’une danse des morts.

1384. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

La bourgeoisie de France, mieux renseignée, voyait dans Victor Hugo une des plus parfaites et des plus brillantes personnifications de ses instincts, de ses passions et de ses pensées.

1385. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

À l’absence complète de toute autre sensibilité que la sensibilité des sens et des instincts, correspond en lui la foi complète et avouée dans l’éternité du sommeil de la mort.

1386. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

Si le poëte n’a pas fait assez, s’il a trop négligé d’élever ou d’achever son monument, cela s’explique encore et doit sembler tout naturel ; c’est qu’un instinct secret lui disait : « La grande place est remplie, l’aïeul la tient. […] La lecture de la Chartreuse, si l’on a l’imagination sensible, et si l’on n’a pas l’esprit barré par un système, cette lecture mélodieuse et plaintive, faite à certaine heure, à demi-voix, produira toujours son effet, émouvra encore et finira par mêler vos pleurs à ceux du poète : Cloître sombre, où l’amour est proscrit par la Ciel, Où l’instinct le plus cher est le plus criminel, Déjà, déjà ton deuil plaît moins à ma pensée !

1387. (1932) Le clavecin de Diderot

Est-il question d’instinct sexuel ? […] Mais l’esprit gaulois et la science chrétienne des tortures avaient eu beau faire front unique contre la haute, la plus haute voix de terre, avaient eu beau vouloir, à coups d’affreuses poupées et marionnettes algébriques, saccager toutes les pousses de l’instinct, le triomphe n’en restait pas moins à ce diable, hideux, certes, mais dont la hideur se riait du couvercle qui prétendait l’écraser.

1388. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

De sorte qu’aujourd’hui encore nous philosopherons à la manière des Grecs, nous retrouverons, sans avoir besoin de les connaître, telles et telles de leurs conclusions générales, dans l’exacte mesure où nous nous fierons à l’instinct cinématographique de notre pensée. […] Par la composition du réflexe avec le réflexe, Spencer croit engendrer tour à tour l’instinct et la volonté raisonnable.

1389. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

On sait à quel point le succès justifia cette indication impérieuse de l’instinct. […] Le génie du poète dominait par instants les routines et les mauvais instincts de la foule qui regimbe contre tout ascendant qu’elle ne subissait pas la veille et trouve qu’elle admire déjà bien assez de gens comme cela. […] Les revues les plus fermées et les plus dédaigneuses s’honoraient de voir son nom au bas de leurs pages, et de sa part regardaient la promesse d’un article comme une faveur ; la Presse l’acceptait avec joie lorsqu’il voulait bien y écrire, et si nous y faisons seul le feuilleton de théâtre, c’est que son humeur vagabonde s’est lassée bien vite de ce travail à heure fixe, insupportable pour lui, et dont cependant il venait tourner la meule à notre place, avec un dévouement amical qui ne s’est jamais démenti, lorsque notre instinct voyageur nous emportait en Espagne, en Afrique, en Italie ou ailleurs.

1390. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Il se fit ainsi, à moitié par instinct, à moitié par réflexion, une morale à lui, comme Gœthe devait s’en faire une plus tard, et il s’y conforma jusqu’aux affaiblissements de la dernière heure, — on sait avec quel profit pour les Lettres. […] Généreux comme il l’était, et répandant autour de lui avec profusion les richesses qui passaient à travers ses mains, il semble avoir obéi, dans cette prodigalité, plutôt à son instinct qu’à ses affections. […] Il se fit, d’instinct, le porte-voix des idées de sa génération. […] La théorie, c’est la doctrine inexacte sur l’homme abstrait et sur le contrat social, élaborée à travers les développements de l’esprit classique par notre race française, déjà plus tournée d’instinct vers l’idéologie que vers le sens du réel, plus oratoire que créatrice ; et les conditions imposées aux mœurs par la monarchie de Versailles ont encore exaspéré ce défaut.

1391. (1922) Gustave Flaubert

« La raison et mon intérêt m’y engagent, mais mon instinct, à qui j’ai continué d’obéir, à l’instar des brutes, puisque j’ai une âme immortelle, une liberté morale et présentement un paletot et un bonnet de coton, l’instinct donc me dit que le voyage sans doute me plaît, mais le compagnon guère. » Ce compagnon était le docteur Cloquet, qui avait déjà emmené Achille en Écosse, et sortait confraternellement les enfants d’un médecin plus casanier. […] La manière dont il fit connaître dans ses Souvenirs la maladie nerveuse de son ami, l’incroyable théorie qui considère les scrupules littéraires de Flaubert comme une déchéance et les impute à cette maladie, paraissent bien dictées par un instinct de dénigrement et d’envie. […] Il fallait à Flaubert un tel personnage pour satisfaire à la fois son instinct de poète et sa faculté critique, son goût de la beauté et son goût du grotesque triste. […] Les instincts les plus nobles, les sympathies les plus pures… » Phrases professionnelles qui s’adressent à toutes les femmes comme celles du conseiller à tous les Comices. […] En face de Mme Arnoux, l’action chez Frédéric est annihilée ou recouverte par les représentations (le contraire de cette représentation bouchée par l’action, qu’est l’instinct pour M. 

1392. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Moins qu’une œuvre sur la Colline inspirée, il a voulu sans doute, ou son instinct d’artiste a voulu en son nom, construire une colline inspirée, d’où ce qu’il écrivit et pensa ne parût élargir qu’un cercle, respirer que d’une haleine, et d’une seule colonne de fumée bleue, rendre, disciplinée et tendre, au ciel lorrain cela même que la Colline respire et qu’elle inspire. […] Je me suis approprié son sens de la vie, sa soumission à l’instinct, sa clairvoyance de la nature ; je suis la première étape de son immortalité. » Mais bien plutôt il retrouve en Bérénice ce qu’il a mis en elle de tout cela, il n’y cherche que ce qu’il a dès longtemps trouvé, il l’y cherche pour l’heure neuve de le retrouver. […] Mettez qu’entre l’artiste qui fait de son œuvre le théâtre de cette évolution et le philosophe qui enregistre cette évolution par la pensée il y a la différence même de l’instinct et de l’intelligence, lorsqu’ils s’appliquent au même objet : les deux registres fournissent un point de vue analogue sur le mécanisme spencérien. […] Dans Michel l’instinct vital s’accroît et emporte tout ; dans Alissa il décroît et manque à tout. […] et mercantile où deux ou trois générations d’Anglais vécurent sans exposer leur vie ait obscurément exaspéré l’instinct collectif et profond des femmes, qui, elles, risquent la leur à chaque maternité » jusqu’à la grande guerre.

1393. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Le malheur extrême et immérité la sanctifiait en quelque sorte aux yeux de ce peuple si admirable par la délicatesse et la sûreté de ses instincts. […] Par l’instinct du travail peut-être (qui est si grand dans son espèce), elle sentit que je devais être un paisible travailleur, et que j’étais là aussi occupé, comme elle, à tisser ma toile.

1394. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

. — La Maison John Bull et Cie Chateaubriand a inventé une majestueuse excuse à l’usage de ceux qui désirent parer leurs instincts casaniers d’un panache de penseurs : « L’homme n’a pas besoin de voyager pour s’agrandir, il porte avec lui l’immensité. » Les Français n’en demandaient pas tant pour trouver prétexte à rester chez eux et à se persuader que les Landes suffisaient pour leur donner une juste idée du désert, Fontainebleau des forêts vierges, la Seine des grands fleuves, la Beauce des pampas, Enghien des grands lacs, et Montmartre des montagnes. […] Les discussions littéraires lui paraissent justement vides et oiseuses : « En art comme en amour, l’instinct suffit, et la science n’y porte qu’une lumière importune. […] Le premier était celui d’une ardente sympathie pour nos soldats engagés dans la lutte, pour ces pauvres soldats, la vraie France, le vrai peuple, obéissant aux plus nobles mobiles, l’honneur, le devoir, en opposition à la populace, dont l’envie et les mauvais instincts étaient déchaînés par une poignée d’ambitieux. […] Jamais l’amour et la science de la trahison n’ont été mieux logés que dans le cœur de cet homme qui agissait, il est vrai, au point de vue de ses instincts, mais qui, en véritable dilettante, trahissait aussi pour rien, pour l’art, pour l’honneur !

1395. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

Pour toi, sauvage oiseau, lorsque le soir viendra Des jours qu’à vivre encor le Ciel t’accordera150, Tu ne te plaindras point, docile à la nature, Passereau solitaire, et ton secret murmure N’ira pas regretter la saison du plaisir ; Car c’est le seul instinct qui fait votre désir.

1396. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

Il y prélude d’instinct à ses coups d’État et à son prochain code de la science des princes par la prédilection qu’il marque pour le plus advisé de nos rois, pour l’Euclide et l’Archiméde de la politique, comme il le qualifie.

1397. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

À ce moment, l’instinct se réveille.

1398. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

Liquider les guerres de la république et remettre le gouvernement consulaire en société diplomatique avec l’Europe entière, c’était donc la nécessité habile du premier consul, comme c’était l’instinct traditionnel de M. de Talleyrand.

1399. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

Il descendit à Naples au monastère de San Severino, où le marquis Manso et tous les seigneurs lettrés de Naples lui firent une cour assidue d’amis ; néanmoins son instinct voyageur lui fit tourner bientôt ses regards vers Ferrare.

1400. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

Nous aimons à nous figurer qu’à des époques aussi reculées et dans des pays aussi barbares, la politique n’était qu’un vague instinct de la société humaine, sans morale, sans règle, sans définition, sans dénomination, sans tendance, agitant confusément l’humanité au gré de la force et de la ruse, tel, par exemple, que Machiavel dans le Prince l’entendait deux mille ans après.

1401. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre quatrième. L’idée du temps, sa genèse et son action »

L’animal même, qui agit par instinct et semble prévoir l’avenir pour s’y adapter, ne prévoit rien et ne s’adapte qu’au présent, qu’à une excitation actuelle, à un ensemble de stimulus, à une cérébration qui demeure inconsciente de l’avenir.

1402. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

» Dimanche 6 juillet Ils donnent vraiment à réfléchir, ces nihilistes russes, ces artisans désintéressés du néant, se vouant à toute une vie de misère, de privations, de persécutions pour leur œuvre de mort, — et cela sans l’espoir d’une récompense, ni ici-bas, ni là-haut, mais seulement comme par un instinct et un amour de bête pour la destruction !

1403. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre V : Lois de la variabilité »

L’une est fondamentale et directe : c’est l’action du milieu ambiant, action toujours actuelle, continuée pendant la série complète des générations successives, et qui comprend comme conséquence l’usage ou le défaut d’exercice des organes, le changement des instincts et des habitudes, la concurrence vitale et ce qui s’ensuit.

1404. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

Le Tourneur n’était, lui, ni un écrivain comme Diderot, ni un linguiste, ni un poète, mais il avait lu Shakespeare ; il le connaissait ; et il y avait en lui je ne sais quel instinct qui ne manquait ni de grandeur ni de force.

1405. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Le roman d’aventures est dans les conceptions de l’esprit humain comme le roman complet, le roman d’observation supérieure ; car il y a dans l’esprit humain des choses petites à côté des choses grandes, et même il y en a beaucoup plus… Si je ne reconnaissais à Paul Féval une valeur native, si je ne retrouvais pas dans ses livres les rayons brisés d’un talent de romancier très au-dessus de son emploi, je croirais qu’il a cédé à son instinct en écrivant le roman d’aventures et qu’il est exactement de niveau avec son inspiration ; mais il est impossible de conclure ainsi quand on a lu Paul Féval.

1406. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

Malheureusement, je le confesse, je ne puis résister à l’impérieux instinct qui me guide vers cette redoutable personnalité.

1407. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

Frappé de l’heureux instinct qui guida les premiers hommes, on s’est exagéré leurs lumières, et on leur a fait honneur d’une sagesse qui était celle de Dieu.

1408. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

III Sans doute c’est par une porte bâtarde que la réforme entre en Angleterre ; mais il suffit qu’une porte s’ouvre, telle quelle ; car ce ne sont pas les manéges de cour et les habiletés officielles qui amènent les révolutions profondes ; ce sont les situations sociales et les instincts populaires. […] En sorte que lorsqu’il se leva, il prit un bâton pesant de pommier sauvage, et descendit vers eux dans le cachot, et là se mit d’abord à les injurier comme s’ils étaient des chiens, quoiqu’ils ne lui eussent jamais dit un mot déplaisant ; puis il tombe sur eux et il les bat terriblement, de façon qu’ils n’avaient plus la force de s’assister ni de se retourner par terre424. » Ce bâton choisi avec l’expérience d’un forestier, cet instinct d’injurier d’abord et de tempêter pour se mettre en train d’assommer, voilà des traits de mœurs qui attestent la sincérité du conteur et font la persuasion du lecteur.

1409. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

Si le but principal des Arts doit résider dans l’élévation de l’âme, c’est-à-dire, dans tout ce qui peut porter l’homme à un sentiment de grandeur & lui inspirer des idées nobles & intéressantes, il a une base solide dans l’idée de la grandeur de son être, idée quelquefois confuse ; mais il ne s’agit que de déployer en lui cet instinct. […] Elle connoit par un instinct supérieur ce qui est bon, elle a le germe de toutes les vérités usuelles, & plus que les Auteurs gâtés par des livres.

1410. (1895) De l’idée de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines pp. 5-143

Berthelot sur les Origines de l’alchimie, on a tout d’abord expliqué les transformations des corps par l’action spontanée, soit de puissances surnaturelles, soit d’une φυσις qui était encore une sorte d’instinct divin, affranchi des lois mécaniques. […] Tout ne se passe-t-il pas comme s’il y avait dans les êtres un instinct qui choisit plus ou moins confusément les moyens propres à assurer leur existence ?

1411. (1929) Amiel ou la part du rêve

On n’est libre que dans la mesure où l’on n’est pas dupe de soi, de ses prétextes, de ses instincts, de son naturel. […] Il sera surpris de l’attrait dont il est l’objet pour cette partie considérable de monde féminin, et naturellement il réfléchira, il parlera à son journal : « C’est une magnétisation spéciale qu’exerce ma nature sur les femmes fortes et volontaires, que je dompte sans me le proposer, et qui se donnent à moi, comme la lionne à Androclès, par un instinct irrésistible.

1412. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Et comme une volonté ferme est peut-être ce qu’il y a de plus rare parmi nous, — qui, sous le nom de notre volonté, ne suivons guère en général que l’impulsion de nos instincts ou l’opinion de la foule, — il y trouvera justement ce qu’il lui faut pour exciter l’admiration… Je ne veux pas dire par là, Messieurs, que sa Rodogune ne demeure une œuvre singulièrement forte, et toute pleine encore de quelques-unes de ses plus rares qualités. […] Mais, vous-même, vous ne le reconnaîtriez pas sous le costume de don Juan, avec l’épée au côté et le chapeau à plumes sur la tête ; vous donneriez d’autres noms à son hypocrisie ; vous la qualifierez des noms de méchanceté, de dilettantisme ; — à moins encore qu’il ne vous plût d’excuser le cynisme de ses paroles sur la sincérité de ses convictions, et la licence de ses actes sur la force de ses instincts, ou de son tempérament.

1413. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Une jeune fille, douée d’assez mauvais instincts qu’une éducation négligée n’a fait qu’aggraver, devient la maîtresse du mari de son amie. […] Et il n’avait rien fait pour se montrer à elle, rien qu’un pas, d’instinct. […] Les exemples cités dans l’enquête sont effroyables ; celui-ci entre autres : On avait constaté qu’au bas de l’échelle sociale, l’oisiveté, la débauche et l’ivrognerie avaient altéré les meilleurs instincts, transformé les êtres en brutes féroces.

1414. (1923) Au service de la déesse

Victor Bérard, qui révèle, dans la science allemande, l’insigne mauvaise foi et le même instinct de pillage que la « race de proie » possède et utilise en toute son activité, je crois qu’il faut ajouter, comme un autre caractère de la dite science allemande, la nigauderie. […] Or, craignons de transformer en système philosophique une croyance et d’imposer une dialectique à ce qui est l’instinct d’un peuple. […] Elle était un joli animal que son instinct conduit ; elle était aussi la contemporaine d’une élégance accomplie et que des siècles de vie française avaient rendue exquise. […] Le quiétisme divinise, en quelque sorte, les impressions et les spontanéités de l’homme intérieur ; le quiétisme, en quelque sorte, a réhabilité l’instinct : bref, le quiétisme suppose l’âme humaine apte à connaître Dieu par le pur amour.

1415. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

Il y avait donc entre eux, indépendamment des petites causes, une mésintelligence essentielle et une inimitié d’instinct.

1416. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

des demi-coquins, qui, sans immoralité scandaleuse, font servir leur intelligence à satisfaire l’instinct animal.

1417. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Dorothée n’est qu’une petite bête d’instinct : mais il y a de la bonté dans cette folle de Norah… Je ne puis vous dire quelle amitié j’ai pour Mikils, avili un moment, mais humanisé en somme, et le cœur et l’esprit élargis par la souffrance qui lui vient de sa femme.

1418. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

Une célébrité médicale que ce Procureur, une de ces lumières de la science de guérir inofficielles et populaires à la façon des rebouteux, un de ces hommes sans études, sans lectures, mais qui semblent nés dans les secrets de la nature, qui soignent par instinct, qui sauvent par illumination, qui ont le miracle en main.

1419. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

Au dîner, il nous entretient de Maupassant déclare que chez lui, la littérature était toute d’instinct, et non réfléchie, affirme que c’est l’homme qu’il a connu, le plus indifférent à tout, et qu’au moment, où il paraissait le plus passionné pour une chose, il en était déjà détaché.

1420. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

De même le premier orateur qui employa la prosopopée 27 fut, en quelque mesure, sincère ; il représenta à sa manière le phénomène qu’Homère avait décrit en poète, et le même instinct esthétique lui suggéra de placer à tort dans la bouche du conseiller imaginaire la démonstration du précepte après son énoncé.

1421. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

» Et sa reconnaissance ira d’instinct vers la modeste amie qui possède ce qui manque aux déesses, même non dépourvues de tête et de bras : une physionomie ; dans les paupières cillées, des prunelles.

1422. (1940) Quatre études pp. -154

Instinct de prosélytisme, et désir de faire partager à autrui nos convictions ? […] Mais il sentait en lui une multitude de forces qui s’agitaient confusément ; il devinait, dans la perception de la beauté, jusque dans l’instinct même, « le résultat d’une infinité de petites expériences81 » : et découvrant chez Leibniz le principe de la connaissance claire ou obscure, il approuvait : « Qu’est-ce qui se passe en nous dans la connaissance des couleurs et des odeurs ?

1423. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

L’examen de Virgile eût commandé des sacrifices moins coûteux à notre pudeur : pour peu qu’un instinct de flatterie nous eût poussés, notre rhétorique se serait aisément promenée dans la grandeur du magnifique monument que bâtit l’Amphion latin au prescripteur Octave : encore n’eussions-nous pas eu la licence de remarquer qu’il n’immortalisa dans cet usurpateur que l’Auguste qui ferma pacifiquement le temple de Janus, dont nous avons trop largement rouvert les portes. […] Si vous lui demandiez d’énumérer la foule de raisons positives qui ont déterminé l’ordonnance de son plan, le choix de sa fable, celui des incidents, les variétés de sa diction, il vous dirait qu’il ignore quelle bonne inspiration l’a guidé, afin de s’épargner la fatigue du développement d’une poétique entière ; mais il ne dirait pas qu’il s’est affranchi de toutes règles ; car les règles sont en littérature ce que sont en peinture les lignes proportionnelles du dessin et les lois de la composition des groupes et de la perspective : ce sont autant de principes qu’il faut savoir ; principes nombreux que l’instinct naturel ne révèle pas, que le temps a découverts, et que l’étude seule nous apprend. […] Aussi se plaît-il à transformer les divers instincts en passions humaines ; et nos sentiments et notre voix, qu’il prête aux animaux, sont les ressorts du merveilleux des charmants récits dont ce fabuliste s’amuse et nous enchante.

1424. (1903) La pensée et le mouvant

Concevoir ou plutôt percevoir ainsi la généralité est d’ailleurs aussi le fait de l’homme en tant qu’il est animal, qu’il a des instincts et des besoins. […] Ces généralités automatiquement extraites sont même beaucoup plus nombreuses chez l’homme, qui ajoute à l’instinct des habitudes plus ou moins capables d’imiter l’acte instinctif. […] Elle nous a été donnée, comme l’instinct à l’abeille, pour diriger notre conduite. […] Nous ne dirons rien de celui qui voudrait que notre « intuition » fût instinct ou sentiment.

1425. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Je veux bien ; mais en tout cas il ne développe pas les instincts généreux. […] Loti essayait un jour de placer dans ses tableaux des hommes comme nous, j’entends par là des hommes moins primitifs, plus civilisés, plus compliqués, livrant des luttes à leurs passions ou à leurs instincts, d’une conscience plus inquiète surtout, des hommes moins nature en un mot, nous aurions à la fois une peinture et un drame éveillant en nous des sentiments en même temps que des sensations, et nous lui en serions reconnaissants. […] Un instinct divinatoire les avertit.

1426. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

Une nombreuse école, autour de lui, pense ou sent comme lui, qui n’est pas proprement une école, en ce sens qu’elle ne procède ni de lui, ni de personne qu’on en puisse appeler le chef, mais qui représente avec lui cet esprit ou plutôt cet instinct de résistance : épicuriens vulgaires, comme les Motin, les Sigogne et les Berthelot ; irréguliers et libertins, comme ce Théophile, contre qui le père Garasse écrira sa Doctrine curieuse des beaux esprits ; libres-penseurs hardis et cyniques, tels qu’on en trouve de portraiturés par douzaines dans les Historiettes de Tallemant des Réaux. […] Mais il y a des actes nobles, comme de se dévouer, ou, sans aller jusque-là, comme tous les actes qui sont une victoire de l’esprit sur la chair, de la volonté sur l’instinct, de la civilisation sur la nature ; et de ces actes la noblesse s’en communique aux mots et pour ainsi parler jusqu’aux syllabes qui les expriment. […] Elle est précisément le miroir où l’auteur comique nous invite à nous reconnaître ; et, nous, sous l’exagération convenue de la caricature, qu’aussi bien nous rapportons d’instinct aux nécessités de l’optique dramatique, ce que nous y cherchons, c’est notre ressemblance.

1427. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

Pourtant cette poésie, toute « déguenillée, en loques, bâillonnée, sale et rongée aux vers, a de la moelle235. » Elle est pleine de colère politique, de verve sensuelle, d’instincts anglais et populaires ; elle vit.

1428. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

Indépendamment de quelques poèmes très courts, mais très parfaits d’exécution, tels que le Cor, où l’on retrouve l’instinct musical de son âme, et qu’il écrivit pendant un voyage dans les Pyrénées avec sa mère, et que voici : Le Cor.

1429. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

L’oppression de la pose de ces petits êtres, leur ramassement, les gestes d’instinct de l’enfance dans son premier lit, les ratatinements frileux, les croisements étroits de bras et de jambes, les attitudes inconscientes de sommeil et de prière, cette ébauche naïve de la vie rudimentaire, cette expression de souffrance d’un corps angéliquement douloureux !

1430. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Encore ne sont-elles point tout à fait pareilles de ce côté-là ; leur pitié elle-même diffère : celle de Dickens est plus active, d’abord, plus confiante dans la générosité de nos bons instincts, et, si elle nous montre le mal, elle ne nous dit point qu’il soit inguérissable. […] Mais déjà son instinct de moraliste, élargissant ses ambitions, lui montrait des consciences à diriger, toute une mission plus féconde que la vie brillante de l’éblouissant conteur que fut son père déjà son sentimentalisme et cette âme élégiaque qui soupire en sa large poitrine le vouaient à l’étude de l’amour, à l’analyse des hommes et femmes d’amour.

1431. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

Mais quelle que soit la source de cette sobriété, qu’elle naisse d’un heureux instinct ou d’une volonté préconçue, nous ne saurions trop la recommander, car elle devient plus rare de jour en jour. […] Hugo, en écrivant Notre-Dame de Paris, a consulté les instincts de son temps, et c’est pour les avoir consultés qu’il a réussi.

1432. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Peu de personnages, dans ce livre très simple : un prêtre, deux hommes, une femme : n’est-ce pas là un microcosme dans lequel peuvent évoluer tous les sentiments et tous les instincts de notre pauvre humanité : voilà les acteurs que M. d’Argis a choisis pour jouer ce drame poignant qui commence par des scrupules et finit par un remords, seul châtiment, mais combien affreux, d’une faute qui fut si peu commise ! […] Par les bons instincts conjurés, Par la parole et par le livre !

1433. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

C’est elle dont l’instinct enseigne à prendre d’abord un air, un ton modeste avec ceux dont on a besoin. […] Le faux goût est différent du faux bel-esprit ; parce que celui-ci est toûjours une affectation, un effort de faire mal : au lieu que l’autre est souvent une habitude de faire mal sans effort, & de suivre par instinct un mauvais exemple établi.

1434. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

Elle est l’instinct sublime de la pensée qui s’élance jusqu’à Dieu à travers le monde ; c’est un éclair merveilleux qui, dans la vie de l’homme naturel, illumine son âme, comme l’idée du beau, l’idée du juste, l’idée de l’utile ; mais, il faut le reconnaître, cet éclair est fugitif, et dans ce monde tout tend à obscurcir, à distraire, à égarer le sentiment religieux. […] L’instinct de la raison révèle à l’humanité toutes les vérités essentielles à la fois et dans une unité confuse ; c’est la réflexion qui, en brisant cette unité, dissipe les nuages qui couvrent ses divers éléments, et les éclaircit en les distinguant. […] C’est par le sens commun que le genre humain atteint à la vérité et s’y repose sans s’en rendre compte ; c’est par l’instinct d’un bon sens généreux que les âmes d’une certaine trempe échappent à la philosophie de la sensation ; c’est là le point de départ de la science, mais ce n’est pas la science ; et tout comme la philosophie de la sensation n’avait pu, entre les mains de Locke, parvenir à son entier développement, de même le spiritualisme un peu pâle de l’école écossaise ne pouvait attirer l’attention de l’Europe et lutter avec succès sur un grand théâtre contre les séductions et le génie de l’école opposée. […] Un homme qui n’est plus, et qu’il est juste d’appeler le plus grand métaphysicien qui ait honoré la France depuis Malebranche, presque sans connaître les travaux contemporains de l’Allemagne, et conduit par l’instinct d’une sagacité supérieure, est arrivé peu à peu, de métamorphoses en métamorphoses, à un point de vue auquel il ne manque que plus de conséquence, d’ampleur et de hardiesse pour ressembler à celui de Fichte.

1435. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Au surplus, grâce à cet instinct de sociabilité caractéristique du xviie  siècle, grâce à l’importance que la vie de cour et de salon, de très bonne heure, a prise en France, grâce au rôle enfin dont les femmes ont pu s’emparer, — de telle sorte que, depuis le salon de Mme de Rambouillet jusqu’à celui de Mme Récamier, l’histoire de la littérature pourrait à la rigueur se faire par l’histoire des salons, — l’esprit précieux a de bonne heure triomphé de l’esprit gaulois. […] Sous un excès de couleur, ce que l’on dissimule souvent, c’est que l’on n’a plus, si tant est qu’on l’ait jamais eu, l’instinct de la ligne. […] Les gouvernements dignes de ce nom sont doués d’un merveilleux instinct pour subodorer, en quelque sorte, les occasions d’étendre obliquement leur pouvoir, et de faire tourner au profit de leur domination les faveurs mêmes qu’ils accordent.

1436. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

. — Il y a là, je crois, un procédé artistique, peut-être inconscient, et un instinct de composition tragique. […] Instruite par l’audace sexuelle des Agnès mêmes, si près de tout honnir pour embrasser le bel Horace, que peut une adolescente contre son instinct chaleureux ? […] Il faut y joindre un second schème, dont on se rendra fort bien compte en comparant le poème de Hugo avec celui du moyen âge que Jubinal résume : le schème militaire, l’instinct et la volonté de réaliser la nature claire, précise et loyale, sans arrière-boutique intérieure, sans recoins d’ombre, sans complication ni analyse, dont le fils du général Hugo ( J’aurais été soldat si je n’étais poète ) a comme beaucoup de littérateurs le goût et presque la nostalgie. […] Au contraire, l’instinct de concentrer le plaisir, de lui conférer la durée au lieu de le consumer en explosion, la conservation de la peau de chagrin, sont à l’origine de la passion du collectionneur.

1437. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Souvent sublimes et superbes, ils obéissent à je ne sais quel cri de l’instinct et à une noble chaleur du sang, comme les animaux généreux, lions ou taureaux ; ils ne savent pas bien ce qu’ils font.

1438. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

. — Dans l’instinct, cette adjonction est spontanée. — Chez l’homme, elle est une acquisition de l’expérience.

1439. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Et il les ignorera, s’il n’est conduit que par un instinct aveugle.

1440. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

L’harmonie continue, la variété, le charme aérien, l’expression vive ; l’instinct, le sentiment intime, la manière la plus animée ; la justesse, la solidité, la netteté ; le bon sens dans le feu et dans la véhémence ; le brillant, le piquant sans l’artifice : — la Muse de Ponchon possède tout cela. […] Nietzsche outrait à peine lorsqu’il écrivait : « Voltaire fut le dernier des grands poètes dramatiques qui entrava par la mesure grecque son âme aux mille formes, née même pour les plus grands orages tragiques, — il pouvait ce qu’aucun Allemand ne pouvait encore, parce que la nature du Français est beaucoup plus parente de la grecque que la nature de l’Allemand ; — de même qu’il fut aussi le dernier grand écrivain qui, dans le maniement de la langue de la prose, eut l’oreille d’un Grec, la conscience d’artiste d’un Grec, la simplicité et l’agrément d’un Grec… » *** Shakespeare n’était pas sans doute aussi docte que Dante ou Pétrarque, mais il avait beaucoup lu, et son instinct le conduisit tout droit vers les sources où il lui fallait puiser.

1441. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Avec elles aussi il a contracté des timidités, la peur des hasards et des orages de la vie, et l’instinct de fermer son cœur dès que celui-ci cherche à s’ouvrir. […] Il devrait donc être, par instinct, antipathique à l’oreille. […] Sentant par instinct qu’une femme doit jouir ou souffrir, elle trouvait à macérer sa chair une sorte de volupté.

1442. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Il faut partir de ce principe, incontestable pour tous ceux qui ont étudié les origines et la filiation des auteurs, que le talent (et même quelquefois le génie) ne se crée pas tout seul. « Le talent, dit Flaubert, se transfuse toujours par infusion. » En traduisant une étude d’Edgar Poe, Baudelaire, poète maladif mais sincèrement épris de forme parfaite, déclarait ceci : « Edgar Poe répétait volontiers, lui, un original achevé, que l’originalité était chose d’apprentissage11. » Dans sa Philosophie de la Composition, Edgar Poe ajoute textuellement ces paroles : « … Le fait est que l’originalité… n’est nullement, comme quelques-uns le supposent, une affaire d’instinct ou d’intuition. […] Ce n’est point par le sentiment de son néant que l’homme a élevé un tel sépulcre, c’est par l’instinct de son immortalité : ce sépulcre n’est point la borne qui annonce la fin d’une carrière d’un jour, c’est la borne qui marque l’entrée d’une vie sans terme ; c’est une espèce de porte éternelle bâtie sur les confins de l’éternité.

1443. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

Les raisons politiques, tirées de l’état présent des esprits, ne manquaient pas à l’argumentation de Camille Jordan : il les développait pleinement et les mettait en lumière ; mais elles étaient vraies alors et avouées, ces raisons de prudence sociale et de sagesse, partout autre part qu’au sein des corps officiels, pour qui l’intérêt personnel et l’instinct de conservation offusquaient le droit, et qui, sans cesse sur la défensive et se sentant menacés, n’avaient de prochain salut et de ressource que dans une crise violente.

1444. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

Ampère, dans sa manière rapide et son heureux instinct, se contente de toucher sans appuyer ; il indique l’harmonie entre le moral et le physique, sans aller jusqu’à une complète identification ; il laisse place à un certain jeu des facultés.

1445. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

S’agit-il de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, peu s’en faut que Daunou n’attribue bon nombre des maux qui ont éclaté depuis 89 au manque de méthode et de précision qui s’est glissé dans la Déclaration première : « Tous ceux qui avaient en France l’instinct de l’aristocratie, dit-il, sentirent le danger d’un travail de ce caractère, et, saisissant avec trop de sagacité le plus infaillible moyen d’en dégrader l’exécution et d’en énerver l’influence, ils donnèrent aux méditations du patriotisme les noms décriés de métaphysique et de spéculations abstraites, bien sûrs qu’il n’en faudrait pas davantage pour armer contre toute recherche un peu profonde, contre toute analyse un peu austère, l’impatient orgueil des esprits légers et le despotisme de l’inattention.

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