Dans l’hypothèse, infiniment peu probable, où les barbares (et ces barbares, bien entendu, ne doivent être cherchés que parmi nous) la renverseraient brusquement et sans qu’elle eût eu le temps de se les assimiler, il est indubitable qu’après l’avoir renversée ils retourneraient à ses ruines pour y chercher les matériaux de l’édifice futur, que nous deviendrions à leur égard des classiques et des éducateurs, que ce seraient des rhéteurs de la vieille société qui les initieraient à la vie intellectuelle et seraient l’occasion d’une autre Renaissance, qu’il y aurait encore des Martien Capella, des Boèce, des Cassiodore, des Isidore de Séville, bouclant en un viatique portatif et facilement maniable les données civilisatrices de l’ancienne culture, pour en former l’ali-ment intellectuel de la nouvelle société. […] Si le poète n’était, comme l’entendait Malherbe, qu’un arrangeur de syllabes, si la littérature n’était qu’un exercice, une tentative pour faire artificiellement ce que les anciens ont fait naturellement, oh ! […] Quand Platon voulait que, dans sa République, tous vissent par les mêmes yeux et entendissent par les mêmes oreilles, il faisait sciemment abstraction de l’un des éléments les plus essentiels de l’humanité.
Je n’entends pas des théories qui aient régné sans conteste. […] En effet qu’avons-nous entendu répéter à satiété ? […] Alexandre Dumas, dans la préface citée plus haut, rappelle que le divorce ne sépare pas seulement deux époux qui ne peuvent plus s’entendre, mais qu’il ôte aux enfants le nid dont leur faiblesse a encore besoin.
On croirait entendre déjà les sarcasmes des réformateurs ou même les plaisanteries voltairiennes. […] On prête à Voltaire ces paroles : « Je m’ennuie d’entendre dire que douze hommes ont suffi à établir le christianisme ; je veux prouver qu’un seul homme peut suffire à le détruire. » Il est possible que ces mots, comme tant d’autres mots historiques, n’aient jamais été prononcés. […] Il faut soumettre à une enquête analogue chacune des sectes qui ont alors existé, et tracer ce que j’appellerai l’aire religieuse de l’époque ; j’entends l’espace compris entre les points extrêmes atteints par la foi et par l’incrédulité.
Je vous adresse des vérités respectueuses, mais hautes et fortes, et il est digne de vous de les entendre et d’en convenir. […] Il fait sonner bien haut le mot de parricide, et donne à entendre à M. de Maurepas que s’y prêter comme il le fait, c’est s’en rendre complice. […] J’espère que tu le trouveras fort clair et même à la portée des gens les plus illitérés : mais pense que je ne sais me faire entendre qu’aux esprits attentifs.
L’oreille est la baie favorite ; le Saint-Esprit entre toujours par l’oreille ; mais sous la forme de mots et de phrases qui s’inscrivent au cerveau tels qu’ils sont prononcés, tels qu’ils ont été entendus ; et ils en ressortiront un jour, identiques en sonorité et peut-être nuls en signification. Ce qui entre par l’oeil, au contraire, ne peut sortir par les lèvres qu’après un travail original de transposition ; raconter ce qu’on a vu, c’est analyser une image, opération complexe et laborieuse ; dire ce que l’on a entendu, c’est répéter des sons, peut-être comme un mur. […] A peine. « Expression tirée de l’Énéide, affirme un guide-âne populaire, et qui sert à faire entendre que la vue d’une grande infortune excite la pitié : les choses elles-mêmes arrachent des larmes.
. — La part croissante des idées scientifiques dans les sociétés modernes produira, selon Guyau, une transformation de l’art dans le sens d’un réalisme bien entendu et conciliable avec le véritable idéalisme. […] Selon lui, le réalisme bien entendu ne cherche pas à agir sur nous par une « sensation directe », mais par l’éveil de « sentiments sympathiques ». […] Le réalisme bien entendu en est juste le contraire, car « il consiste à emprunter aux représentations de la vie habituelle toute la force qui tient à la netteté de leurs contours, mais en les dépouillant des associations vulgaires, fatigantes et parfois repoussantes. » Le vrai réalisme consiste donc à dissocier le réel du trivial ; c’est pour cela qu’il constitue un côté de l’art si difficile : « il ne s’agit de rien moins que de trouver la poésie des choses qui nous semblent parfois les moins poétiques, simplement parce que l’émotion esthétique est usée par l’habitude.
Ils respirent, ils palpitent, on entend leur pas sur le plancher, ils existent. […] Cependant on pleure autour de lui, la terre se désespère, les nuées femmes, les cinquante océanides, viennent adorer le titan, on entend les forêts crier, les bêtes fauves gémir, les vents hurler, les vagues sangloter, les éléments se lamenter, le monde souffre en Prométhée, la vie universelle a pour ligature son carcan, une immense participation au supplice du demi-dieu semble être désormais la volupté tragique de toute la nature ; l’anxiété de l’avenir s’y mêle, et comment faire maintenant ? […] ces férocités de l’ombre s’entendent.
Bien peu ont résisté à cet entraînement, au risque de s’entendre reprocher leur épaisseur d’esprit… » La négation des vérités platoniciennes ne laissa subsister que le culte de la forme. […] Un Mythe est sur la grève du temps, comme une de ces coquilles où l’on entend le bruit de la mer humaine. […] Car il y a deux sens au mot classique, ainsi que l’a marqué Sainte-Beuve : « Le mot classicus se trouve employé dans Aulu-Gelle et appliqué aux écrivains ; un écrivain de valeur et de marque, classicus assiduusque scriptor, un écrivain qui compte, qui a du bien au soleil… Un vrai classique, comme j’aimerais à l’entendre définir, c’est un auteur qui a enrichi l’esprit humain, qui en a réellement augmenté le trésor, qui lui a fait faire un pas de plus, qui a découvert quelque vérité morale non équivoque ou ressaisi quelque passion éternelle… qui a rendu sa pensée, ou son observation, sous une forme n’importe laquelle, mais large et grande, fine et sensée, saine et belle en soi, qui a parlé à tous dans un style à lui, et qui se trouve celui de tout le monde, dans un style nouveau sans néologisme, nouveau et antique, aisément contemporain de tous les âges.
Il faudrait s’entendre une bonne fois. […] Voir des odeurs (Buffon, Le chien). — Entendre le silence (id. […] et quand on lui signale une faute, il répond : “Vous n’y entendez rien, puisque vous n’êtes pas du métier” Et après tout, il a peut-être raison. » Émile Faguet, Menus propos sur la critique, 1903.
Tout ce qui en avait existé autrefois était recelé dans des ouvrages anciens qu’on n’entendait pas. […] Il ne parlera point à contre-temps sans s’entendre lui-même et sans être entendu, si les connaissances élémentaires sont bien ordonnées dans sa tête.
Des spectacles inondés de sang, des catastrophes, des succès momentanés et terribles, des retentissements inattendus, sortis tout à coup de la trompette de la Renommée, — cette sourde sonneuse de fanfares qui ne s’entend pas elle-même quand elle sonne, car souvent elle s’interromprait, — tous les fracas d’un monde solide pour quelques siècles encore, et qui ne se fût point écroulé si on ne l’avait frappé à coups redoublés au faîte, aux flancs et à la base, n’était-ce pas là plus qu’il n’en fallait pour enivrer et faire chanceler la pensée ? […] Et, je l’ai montré tout à l’heure, Cassagnac l’entend si bien ainsi qu’il a nié vaillamment, dès les premières pages de son livre, l’existence de cet Esprit principe, substitué par tant d’historiens à l’emploi et à l’abus de la liberté de l’homme, dans l’explication des grands problèmes de l’Histoire. […] Telle est, en résumé, cette mise à nu de la Révolution française, tel est le livre vigoureux, savant et pensé, que Cassagnac a posé, comme une négation qui sera entendue de l’avenir, à l’encontre des publications historiques sur le même sujet.
Ils l’avaient dénaturée, même en l’adoptant ; et substituant à toutes les terminaisons des mots, qui pour la plupart étaient variés et sonores, des terminai, sons tout à la fois dures et monotones, on avait entendu de tous côtés des espèces de hurlements sourds succéder à des sons éclatants et harmonieux. […] Ainsi, lorsque nous n’avions pas encore un véritable orateur, déjà le Poussin était au rang des premiers peintres de l’Europe ; déjà Lesueur avait irrité l’envie par ses chefs-d’œuvre ; Sarrazin avait perfectionné la sculpture et donné des monuments à l’Italie : enfin, nous avions eu des poètes qu’on pouvait lire longtemps avant que nous eussions des orateurs qu’on pût entendre. […] Si dans l’assemblée tout à coup paraissait un orateur, et qu’au milieu de l’ivresse générale il voulût se faire entendre, ne fallait-il pas que tout cet appareil de grandeur, dont il était entouré, l’élevât lui-même ?
Par qui, en effet, entendons-nous clamer de nos jours l’appel à la « régénération nationale », à l’« énergie nationale », à la « liberté » ? […] Je n’entends pas non plus pousser l’argument à l’extrême et prétendre qu’une nation sans un seul intellectuel, posséderait par ce fait même l’absolue primauté. […] Je n’entends pas désigner ici un simple avatar du pur édifice administratif, banal, froid, morose, que nous nommons hôtel-de-ville. […] » J’entends cet argument — s’il ne me paraît pas péremptoire. […] J’entends les chants du Burgonde aviné, et ma veine poétique se glace.
Nous eussions désiré peut-être que l’auteur s’y montrât parfois moins sobre de détails personnels et des particularités épisodiques dont sa mémoire abonde, et que ceux qui l’ont entendu trouvent avec un charme infini dans sa conversation ; mais son but dans ce récit a été plus grave, plus circonscrit aux points essentiels et aux questions qui peuvent concerner l’histoire.
Mais ce n’est pas tel ou tel journal qui a seulement ce genre de vérités restreintes, c’est la société elle-même qui ne peut jamais entendre qu’une portion de vérités, et, dès qu’on en est avec elle aux personnes, cette limite est bien vite atteinte.
Bien plutôt il fut l’abeille qu’autrefois entendit bourdonner l’Hymette et qui, immortelle à travers l’âge, nous apporta, dans son miel, un peu du soleil d’Ionie.
Un fort, parce que, pouvant acquérir de bonne heure, en publiant plusieurs milliers de très beaux vers qu’il cache, la réputation d’un bon poète, il a eu le courage de les rejeter de son œuvre et d’attendre qu’il se fût dégagé des influences directes… Âme extraordinairement vibrante, exquise voyageuse qui s’envole, frêle et rapide, vers les solitudes de l’éther, et, parvenue aux confins dont elle a l’éternelle nostalgie, défaillante à mourir devant l’atmosphère si rare, se grise et se pâme à ouïr des chants et des musiques que nul n’entendit.
On entend la romance de la Grande Duchesse, l’air des « Soldats de plomb » : Le grenadier était bel homme Il provenait de Nuremberg ; La princesse arrivait de Rome Et sortait du chemin de fer.
On croit entendre la Maître de Philosophie du Bourgeois Gentilhomme, qui apprend à M.
Il faut qu’il connaisse les sons que rendent les arbres et les eaux ; il faut qu’il ait entendu le bruit du vent dans les cloîtres, et ces murmures qui règnent dans les temples gothiques, dans l’herbe des cimetières, et dans les souterrains des morts.
C’est un disciple uu peu moins vif, mais doux, et qui fait bien comprendre, et par principes en quelque sorte, cette manière honnête et non sauvage de vivre avec le sexe ; l’abbé Goussault, dans cet écrit où il recommande « les réduits de gens d’esprit et de qualité », ne fait qu’imiter Fléchier, dans l’oraison funèbre de la duchesse de Montausier, se souvenant si complaisamment « de ces cabinets que l’on regarde encore avec tant de vénération, où l’esprit se purifiait, où la vertu était révérée sous le nom de l’incomparable Arthénice… » Ce que Saint-Simon a vivement exprimé et résumé à sa manière lorsqu’au sujet de M. de Montausier, dans ses notes sur Dangeau, il a dit : « L’hôtel de Rambouillet était dans Paris, une espèce d’académie des beaux esprits, — de galanterie, de vertu et de science —, car toutes ces choses-là s’accommodaient alors merveilleusement ensemble. » Je crois maintenant que nous sommes préparés à bien entendre le Fléchier des Grands Jours, celui qui même dans la bagatelle et le divertissement ne déroge jamais à l’homme comme il faut, et annonce par endroits l’homme vertueux : mais il était jeune, mais il voulait plaire, mais il avait sa fortune et sa réputation d’esprit à faire ; mais on lui avait dit en partant de Paris : « M. […] mais vous, monsieur Fléchier, vous êtes le nôtre. » Il me semble que j’entends le rire et les paroles. […] [NdA] Il semble même qu’il ait jusqu’à un certain point tenu compte de son observation au sujet de la Renommée dont il a fait l’interprète de l’avenir ; car dans la pièce, telle qu’elle est imprimée, il a pris soin de ne nous représenter la déesse que comme se faisant l’écho des premiers bruits répandus et des premières rumeurs du destin ; les oracles transpirent déjà, elle répète ce qu’elle a entendu : Toto tum pectore prona Volvit centum oculos, et centum subrigit aures, Impatiens strepere, et magnos inquirit inortus, Exploratque aditus fati, primaevaque captat Auspicia, et velox collecti nuncia veri, Quae didicit, pandit patriis oracula regnis. […] On y pourrait mettre pour épigraphe ce joli mot de lui à elle : « Quand l’amitié est solide, sincère et tendre, on s’entend, et quand il le faut, on se devine. » 86.
Je m’étonne souvent que lorsqu’il paraît de ces sortes de livres, il ne se fasse pas entendre un grand cri de toute la France, comme d’un seul homme qui dirait : Ah ! […] Il nous conviait à venir entendre un drame de Shakspeare, traduit en vers français par lui et par Émile Deschamps : « 28 mars 1829. […] Si vous aviez pu nous entendre ce matin ! […] Chatterton est un ouvrage émouvant, mais pointilleux, vaniteux, douloureux ; de la souffrance au lieu de passion ; cela sent des pieds jusqu’à la tête le rhumatisme littéraire… » J’ai aussi entendu nommer très-spirituellement cette maladie d’espèce nouvelle dont sont atteints de jeunes talents, la chlorose littéraire.
« Madame la maréchale, dit un des personnages de Diderot458, il faudra que je reprenne les choses d’un peu haut De si haut que vous voudrez, pourvu que je puisse vous entendre Si vous ne m’entendiez pas, ce serait bien ma faute Cela est poli, mais il faut que vous sachiez que je n’ai jamais lu que mes Heures. […] Il faut en avoir pour le lire : car, de parti pris, il écourte les développements, il omet les transitions ; à nous de les suppléer, d’entendre ses sous-entendus. […] Un pareil cercle est étroit et ne comprend qu’une élite ; pour être entendu de la foule, il faut parler d’un autre ton.
s’écriait-il, m’entends-tu ? […] Le loup de La Fontaine est aussi un tyran sanguinaire, et lorsqu’il parle de l’agneau on entend la voix rauque et le grondement furieux de la bête enragée. […] Quand le chien, mourant de faim, lui demande en grâce de se baisser et de lui laisser prendre son dîner dans le panier : « Point de réponse, mot. »138 Il ne veut pas perdre un coup de dent ; il n’entend pas, il est sourd, vous remueriez aussi aisément une borne. […] Progné me vient enlever les morceaux, Caracolant, frisant l’air et les eaux … La soeur de Philomèle, attentive à sa proie, Malgré le bestion happait mouches dans l’air, Pour ses petits, pour elle, impitoyable joie, Que ses enfants gloutons, d’un bec toujours ouvert, D’un ton demi-formé, bégayante couvée, Demandaient par des cris encore mal entendus.
Seule la cigale, cachée dans les arbres, fait entendre par intervalles son aigre fausset. […] Le matin et le soir, les singes hurleurs font entendre un concert effrayant. […] Souvent, à midi même, en plein calme, on entend un craquement soudain qui se prolonge au loin ; c’est une grosse branche ou un arbre entier qui tombe. […] Je l’emmenais toujours avec moi dans la forêt, mais pour rien au monde il n’y serait allé seul, et toutes les fois qu’il entendait un de ces bruits étranges dont j’ai parlé, il tremblait de peur.
Et de là, quand manque l’ennemi national, la fièvre des lointaines aventures, ou les ligues contre le roi, pour le bien public : entendez, comme on l’a dit, que le bien public est le prétexte et la proie. […] Il avait pris par bonheur ses précautions, avant toujours su compter et ménager ; ni le roi ni les princes ne pouvaient faire qu’il ne fût un bourgeois cossu, nanti de bonnes terres et de bonnes rentes, ainsi qu’il le donnait à entendre en chantonnant demi-dépité, demi-marquois : C’est le plus sain que d’être bien renté. […] Les 84 sermons de saint Bernard111 ont été prêchés devant des clercs, et mis en français sans doute à l’usage des frères lais, qui n’entendaient pas le latin. […] Dans ces cadres convenus, que le siècle mettait à sa disposition, Gerson a su faire entendre des accents personnels.
Je suçais tout ce que j’entendais dire à mon maître. […] De très bons esprits, m’ont quelquefois fait entendre que je ne me serais pas détaché du catholicisme sans l’idée trop étroite que je m’en fis, ou, si l’on veut, que mes maîtres m’en donnèrent. […] Il ne faut nullement répondre, ni faire semblant d’entendre ce que l’ennemi dit. […] Cela est tout simple : on ne sent bien que ce qu’on a éprouvé, et ce sujet est si délicat que je ne crois pas qu’il y ait deux hommes au monde plus incapables de s’entendre qu’un croyant et un doutant, quand ils se trouvent en face l’un de l’autre, quelles que soient leur bonne foi et même leur intelligence.
Il paraît par ce fait que le mot de précieuse, usité jusqu’en 1656 comme substantif exclusivement, et d’abord entendu diversement par les gens du monde, selon l’estime qu’ils avaient pour les mœurs et le bel esprit, pouvait également servir à l’écrivain satirique pour déprécier, et au bel esprit bienveillant pour louer. […] Il n’importe ; votre vertu n’est point farouche, et jamais personne n’a mieux accordé Dieu et le monde que vous ne faites. » Le 26 juillet 1671, madame de Sévigné écrit à sa fille : « Hier, comme j’étais toute seule dans ma chambre avec un livre précieusement à la main… » Le 21 octobre suivant, elle écrit à sa fille : « L’honnêteté et la préciosité de mon long veuvage… » La langue, le bon sens et madame de Sévigné s’accordent très bien à consentir que précieuse soit entendu par la bonne compagnie comme signifiant qui a du prix, du mérite, de la valeur, et par opposition aux femmes communes, sans valeur et sans mérite, de toutes les conditions. […] On y conversait d’une manière si alambiquée, que sur quelque sujet que ce fût, on finissait toujours par ne pas s’entendre. […] J’aurais voulu voir eu action, entre leurs mains, l’aiguille, la navette, le fuseau, la fusée, le dévidoir ; j’aurais désiré de voir ces femmes broder, faire de la tapisserie, des nœuds, des pelotons, en même temps qu’elles écoutaient une lecture, ou entendaient discourir sur quelque sujet moral ou littéraire.
De nos fenêtres nous entendions la chute de cette cascade d’un fleuve, comme un tonnerre continu au fond de la vallée ; l’aubergiste ajouta que la plus jeune et la plus belle des deux voyageuses était, d’après le récit de leur courrier, la plus célèbre improvisatrice de la France. […] Il entend les doux bruits de voix qui se répondent, De murmures confus qui montent des hameaux, De cloches de troupeaux, de chants qui se confondent Avec les chants d’oiseaux. […] Je t’entends murmurer ces simples cris de l’âme Que l’amour maternel apprend à ressentir, Et ces chants du berceau que la plus humble femme Sait le mieux retentir. […] Ce prince avait eu occasion de voir et d’entendre la jeune fille dans les salons des Tuileries, chez une des femmes de la cour logée au palais ; il avait exprimé pour elle une admiration qu’on pouvait prendre pour de l’amour.
Les allemands, tout allemands qu’ils sont, n’entendirent rien d’abord à Goetz de Berlichingen, et, mystification de la renommée ! […] Et, quand je parle ainsi, que l’on m’entende bien ! […] Ici, l’artiste ne manque jamais cet accent ineffable qui fit mourir le pauvre Jean-Paul de chagrin, car il l’entendait en lui, comme Beethoven, le sourd, entendait sa musique, mais il ne put jamais le faire sortir de sa pensée.
Mme de Staël et son école, tous ces esprits distingués qui concoururent à introduire en France de justes notions des théâtres étrangers ; qui, les premiers, nous expliquèrent ou nous traduisirent Shakespeare, Goethe, Schiller, ce sont relativement des romantiques ; en ce sens M. de Barante, M. de Sainte-Aulaire même, M. de Rémusat en seraient, et je ne crois pas que ces fins esprits eussent jamais désavoué le titre entendu de la sorte. […] Ils sont juste le contre-pied de la vérité ; mais on est disposé à tout entendre ce jour-là.
Et ici sa merveilleuse rapidité de goût trompa plus d’une fois Voltaire lui-même ; les Latins et Horace, il les sentait vivement, les entendait à demi-voix, leur répondait en égal ; d’Auguste à Louis XV on se donnait la main. […] La structure des vers lyriques, la cadence des vers dramatiques, échappent volontiers, et je n’oserais répondre qu’à force d’application l’oreille des érudits l’ait en effet reconquise ; le vers d’Homère, large et régulier, est d’une mesure aussitôt intelligible et sensible à tous ; l’harmonie, cette portion si essentielle du poëte, ne reste pas un seul moment absente avec lui : en le lisant, nous l’entendons chanter.
Tout le monde l’entend ; ce sont nos mots de tous les jours, même nos mots de ménage et de gargote, comme aussi nos mots de salon et de cour. Nos enfants l’apprennent par coeur, comme jadis ceux d’Athènes récitaient Homère ; ils n’entendent pas tout, ni jusqu’au fond, non plus que ceux d’Athènes, mais ils saisissent l’ensemble et surtout l’intérêt ; ce sont de petits contes d’enfants, comme l’Iliade et l’Odyssée, qui sont de grands contes de nourrice.
Dans ces causeries d’un érudit, impossible de ne pas entendre l’accent de son tempérament, et de détacher la vérité impersonnelle d’une forme originale de l’esprit qui la présente. […] Le hasard d’une chute de cheval qui l’immobilise, en fait un écrivain : il raconte ce qu’il a vu, entendu, sans critique, sans probité d’historien, avec une sécurité d’indifférence morale qui garantit sa véracité.
L’extension de la propriété littéraire, telle que l’entend la jurisprudence des tribunaux français, telle surtout que la désire imprudemment, et contre le véritable intérêt de la littérature, un certain nombre de gens de lettres, voilà ce qui menace de resserrer à l’excès notre droit de citation et interdire à nos études pour de très longues années l’usage des sources manuscrites. […] Sans renoncer à aucun idéal personnel, on se comprend, on s’entend, on coopère : cela mène à l’estime et à la sympathie réciproques.
Hippolyte Babou Les Odes funambulesques, c’est vous trait pour trait, c’est vous tout entier, avec votre fougue savante et votre lyrisme excessif, avec vos gammes tournoyantes d’allégresse, avec cette double force native qui ne s’est révélée qu’à demi, je le crois, dans les Cariatides et dans les Odelettes… J’ai entendu dire un jour à quelqu’un, qui songeait sans doute au vers de Boileau : La rime est une esclave, et ne doit qu’obéir, que vous étiez le commandeur de la rime. […] De naissance, il eut le don de cette admirable langue que le monde entend et ne parle pas ; et de la poésie il possède la note la plus rare, la plus ailée, le lyrisme.
L’œil du poète plonge en des cercles infernaux encore inexplorés, et ce qu’il y voit et ce qu’il y entend ne rappelle en aucune façon les romances à la mode. […] Théophile Gautier Ce poète, que l’on cherche à faire passer pour une nature satanique, éprise du mal et de la dépravation (littérairement, bien entendu), avait l’amour et l’admiration au plus haut degré.
On ne saurait rendre l’ampleur et le procédé habituel de cette poésie, si on ne l’a entendue dans son récitatif lent et majestueux ; c’est un flot large et continu, une poésie amante de l’idéal et dont l’expression est toute faite aussi pour des lèvres harmonieuses et amies du nombre. […] Mais va pour Érinyes : le nom ne fait rien à la chose ; il ne s’agit que de s’entendre.
Le principe ainsi entendu pourra tout expliquer, puisque, quels que soient les mouvements visibles, on aura toujours la faculté d’imaginer des mouvements hypothétiques qui les compensent. […] Les électrons négatifs n’ont pas de masse, c’est entendu ; mais les électrons positifs, d’après le peu qu’on en sait, semblent beaucoup plus gros.
C’est là ce qu’on entend ou ce qu’on devrait entendre quand on parle de sciences qui ne sont pas des sciences exactes.
L’hypothèse d’un pouvoir efficace formant entre eux un lien mystérieux, est une complication imaginaire, en tant qu’on s’en tient aux causes phénomènes, comme l’École entend le faire. […] On ne s’entend ni sur le nom, ni sur le nombre des émotions simples.
Nous n’ignorions pas combien les illusions accréditées sont promptes à se révolter contre la voix qui les combat ; nous connoissions trop de quoi l’esprit de parti est capable, lorsqu’il se voit contredit & humilié ; nous savions parfaitement ce qu’il sait dire, ce qu’il sait faire, ce qu’il sait inventer ; nous entendions d’avance ses clameurs, ses murmures, ses mensonges ; nous voyions ses mouvemens, ses intrigues, son acharnement. […] Nous avions à parler à des sourds, il falloit nous faire entendre, & nous avons crié fort : nous avions à fixer des Esprits frivoles & inappliqués ; il falloit les servir selon leur goût, & nous avons plaisanté : nous avions des charlatans à dénoncer ; il falloit de la dextérité, de la vigueur, & nous avons tâché d’en montrer.
Quand tu entends les hommes dire : « Voici jusqu’où va Dieu. […] Il s’est dépensé tout entier dans cet homme-ci ; il ne reste plus assez de Dieu pour faire un homme pareil. » Quand tu les entends dire ces choses, si tu étais homme comme eux, tu sourirais dans ta profondeur terrible ; mais tu n’es pas dans une profondeur terrible, et étant la bonté, tu n’as pas de sourire.
Et qu’on nous entende, ce n’est pas le fond de ces pièces que nous condamnons, c’est le procédé, le style, la composition, leur caractère de faits divers qui les situe en dehors même des productions françaises. […] Les drames de Shakespeare et de Wagner au point de vue métier — comme on entend ce mot aujourd’hui — présentaient des difficultés autrement ardues.
Pour bien entendre les fonctions de maître de quartier, il faut se faire une idée nette de la journée de l’étudiant. […] J’entends par un sujet inepte celui qui n’a ni bonne volonté ni talent.
Les poètes Les poètes proprement dits, et par là j’entends les poètes épiques, les poètes élégiaques et les poètes lyriques, doivent être lus d’une façon un peu différente, comme du reste ces poètes en prose qui sont, les grands orateurs, et ces autres poètes en prose qui, par le nombre de leur phrase, sont des musiciens. […] Et je ne vais pas sans doute en lisant jusqu’à scander comme j’ai entendu un acteur de la Comédie Française le faire : Passer des jours entiers | et des nuits à cheval, mais j’ai bien quelque tendance à en user ainsi.
L’Église comme il l’entend (étrange église !) […] Seulement, une réserve à ceci : Quand j’oppose la vacuité de la parole à la plénitude des grands sujets, je n’entends point parler des sermonnaires.
À l’entendre, les amis des jésuites qui cherchèrent, hélas ! […] Si, comme on l’a ici donné à entendre, il se cachait plus de haine que d’amour au fond de son livre ; si la polémique qu’il a soulevée passait à travers Clément XIV pour atteindre l’Ordre de Jésus lui-même, et pour le toucher de cette main modérée dont parle Junius dans ses lettres et qui tue d’autant mieux qu’elle tue avec modération ?
Il ne l’est pas, bien entendu, à la manière de Talleyrand, dont l’imperturbable visage, disait l’empereur Napoléon, ne trahissait rien de ce qui se passait intimement derrière lui, mais utopiquement, sinon réellement, à la manière de Zénon et d’Ëpictète. […] … Une Pléiade — si je l’entends bien !
Le volume que nous avons sous les yeux laisse certainement à désirer pour l’art, pour la composition et l’expression ; souvent, quand il parle du Jour des Morts, quand il nous peint sa paisible et assise existence sous le toit qui est à lui, quand, dans le silence de son vallon, il entend et nous raconte la voix de son cœur, en ces endroits, tout en étant lui-même, le poète nous rappelle un peu trop le maître harmonieux dont l’inspiration l’a éveillé.
Théophile Gautier C’est une note qu’on n’est plus habitué à entendre et qui nous cause une surprise pleine de charme.
Francisque Sarcey Nous n’avons pas de chance décidément cette année avec le théâtre à côté… Hérakléa est une des œuvres les plus authentiquement médiocres et les plus mortellement ennuyeuses que j’aie entendues depuis longtemps.
Quand on a lu un Discours de Bourdaloue, & qu’on va les entendre ensuite, il semble que l’éloquence de la Chaire ait changé d’objet.
Le Cardinal du Perron n’y entendoit sans doute pas finesse, quand il appeloit ce Livre, le Bréviaire des honnêtes-gens.
Parmi les louanges qu’on donnoit à sa Piece, le Poëte entendit qu’on se plaignoit que le caractere de Madame Orgon étoit un peu outré.
Ne vaudroit-il pas mieux qu’il y vécût lui-même dans un sage silence, que de faire entendre une voix qui a si souvent outragé les vivans & les morts ?
Il y avait longtemps que je demandais qu’une occasion se présentât à moi d’être critique, tout à fait critique comme je l’entends, avec ce que l’âge et l’expérience m’avaient donné de plus mûr et aussi peut-être de plus hardi.
Tu ne saurois marcher dans cet auguste lieu, Tu n’y peux faire un pas sans y trouver ton Dieu, Et tu n’y peux rester sans renier ton père… Une religion qui fournit de pareilles beautés à son ennemi mériterait pourtant d’être entendue avant d’être condamnée.
On demandera à jamais qui est-ce qui disposait des marbres du souverain. à la place du Marigny, j’entendrais sans cesse cette question et je rougirais.
Il est donc arrivé que les passages de la poetique d’Aristote, que ceux de Ciceron, de Quintilien et des meilleurs écrivains de l’antiquité où il est fait mention de leur musique, ont été mal entendus par les commentateurs, qui s’imaginant que dans ces endroits là il étoit question de notre danse et de notre chant, c’est-à-dire, de la danse et du chant proprement dits, n’ont jamais pu comprendre le veritable sens de leurs passages.
Jamais plus on n’a entendu rien de lui.
Bien entendu, je ne parle que de celles qui seraient libres et à qui ils pourraient se marier sans enfreindre les prescriptions d’Allah. » Les Peuhl ont, à l’unanimité, déclaré qu’il en serait selon son désir.
On parlait latin même dans les campagnes qui formaient le district rural des grandes villes, et les grandes populations de celles-ci entendaient également le latin. […] On entendait, tant bien que mal, le beau latin, celui de la ville, et on en parlait un mauvais, un rustique. […] Le discours fut prononcé, très-bien entendu de la population, et produisit son effet. […] Ces populations gauloises, qui entendaient à la rigueur le latin raffiné de Sidoine, comment parlaient-elles le latin elles-mêmes ? […] Quand je parle de l’accent latin déterminant le point essentiel des mots dans le travail de transformation, il n’est pas question, bien entendu, des mots qui ne s’introduisirent que tard depuis la Renaissance, et qui sont copiés et pris du latin lu et non parié.
Il ne se fait plus autour de lui de « ces silences à entendre marcher une fourmi » […] Il faut entendre à ce sujet les héros de l’époque, leur ton leste, dégagé, est inimitable, et les peint aussi bien que leurs actions. « J’étais, dit le duc de Lauzun, d’une manière fort honnête et même recherchée avec Mme de Lauzun ; j’avais très publiquement Mme de Cambis, dont je me souciais fort peu ; j’entretenais la petite Eugénie, que j’aimais beaucoup ; je jouais gros jeu, je faisais ma cour au roi, et je chassais très exactement avec lui251. » Du reste, il avait pour autrui l’indulgence dont il avait besoin lui-même. « On lui demandait ce qu’il répondrait à sa femme (qu’il n’avait pas vue depuis dix ans), si elle lui écrivait : Je viens de découvrir que je suis grosse. […] Le récit qu’on en ferait serait un résidu insipide ; est-ce que le libretto d’un opéra donne l’idée de cet opéra Si vous voulez retrouver ce monde évanoui, cherchez-le dans les œuvres qui en ont conservé les dehors ou l’accent, d’abord dans les tableaux et dans les estampes, chez Watteau, Fragonard et les Saint-Aubin, puis dans les romans et dans les comédies, chez Voltaire et Marivaux, même chez Collé et chez Crébillon fils270 ; alors seulement on revoit les figures, on entend les voix. […] On ne peut lire une biographie, un document de province, un inventaire du temps, sans entendre tinter les grelots de l’universel carnaval. […] Un d’eux qui revenait de Versailles dans son château parlait à sa femme de tout ce qui l’avait occupé ; chez nous, il lui dit un mot sur ses dessins à l’aquarelle, ou reste silencieux, pensif, à rêver à ce qu’il vient d’entendre au parlement.
Des amis (jamais assez remerciés), qui présumaient trop bien de moi et du public, avaient cru pouvoir tenter, avec mon plein consentement, cet appel à l’intérêt de la nation, appel glorieux quand il est entendu, pénible quand il trouve les contemporains sourds. […] En réunissant ainsi les rites des trois dynasties qui, depuis la fondation de l’empire, l’avaient successivement gouverné jusqu’alors, on voulait donner à entendre que, si la mémoire de ces anciens rites, et de tous les autres qui avaient eu lieu dans les temps les plus reculés, s’était conservée parmi les hommes, c’était à Confucius en particulier que l’honneur en était dû et à qui l’on était redevable de cet insigne bienfait. […] Soit que l’empereur parle en souverain ou en chef de la littérature, il tâche de s’appuyer sur l’autorité de ce livre ; il se fait gloire d’en entendre le sens le plus caché ; il ne dédaigne pas de prendre le pinceau lui-même pour le copier et le commenter ; il y prend ordinairement le texte des discours qu’il adresse aux grands, aux princes, aux peuples de son empire. […] L’orateur, le poète, le moraliste, le philosophe s’appuient sur ce livre, et tout ce que nous pouvons dire de plus fort à sa gloire, ajoutent-ils, c’est que, après l’invasion des superstitions indiennes, tartares ou thibétaines en Chine, si l’idolâtrie, qui est la religion des empereurs et du peuple, n’est pas devenue la religion du gouvernement, c’est ce livre de Confucius qui l’a empêché, et si notre religion chrétienne, disent-ils enfin, n’a jamais été attaquée par les savants lettrés du conseil impérial, c’est qu’on a craint de condamner, dans la morale du christianisme, ce qu’on loue et ce qu’on vénère dans le livre de Confucius. » Il commence par des maximes de sagesse que nous traduisons ici du latin, dans lequel les jésuites ont traduit, il y a un siècle, ces passages : « C’est le Tien, Dieu, le Ciel, trois noms signifiant le même grand Être, qui a donné aux hommes l’intelligence du vrai et l’amour du bien, ou la rectitude instinctive de l’esprit et de la conscience, pour qu’ils ne puissent pas dévier impunément de la raison…… En créant les hommes, Dieu leur a donné une règle intérieure droite et inflexible, qu’on appelle conscience : c’est la nature morale ; en Dieu elle est divine, dans l’homme elle est naturelle… « Le Tien (Dieu) pénètre et comprend toutes choses ; il n’a point d’oreilles, et il entend tout ; il n’a point d’yeux, et il voit tout, aussi bien dans le gouvernement de l’empire que dans la vie privée du peuple. […] L’histoire est le miroir de ma conscience : dans les autres je vois ma propre image, et j’entends, dans le jugement que je porte de mes prédécesseurs, le jugement qu’on portera de moi-même. » « Ces sortes de journaux sont dans les mœurs de la nation chinoise.
Elle réconcilia le roi et le cardinal d’York, brouillés pour des intérêts mal entendus d’argent. […] Tremblant, j’évitais de les entendre, et je ne cessais de les demander. […] « Voilà donc plus d’une année que je regarde en silence et que j’observe le progrès des lamentables effets de la docte ignorance de ce peuple, qui a le don de savoir babiller sur toutes choses, mais qui ne peut en mener aucune à bonne fin, parce qu’il n’entend rien à la pratique des affaires et au maniement des hommes, ainsi que déjà l’avait finement remarqué et dit notre prophète politique, Machiavel. » — Les intérêts de mon amie, ajoute-t-il, me retiennent seuls à Paris. — Quels pouvaient être ces intérêts, si ce n’est de faire ratifier par M. […] Aujourd’hui même où j’écris, depuis plus de quatorze ans que dure cette farce tragique, je puis me vanter que je suis encore, à cet égard, vierge de langue, d’oreilles, et même d’yeux, n’ayant jamais vu, ou entendu, ou entretenu aucun de ces Français esclaves qui font la loi, ni aucun de ces esclaves qui la reçoivent. […] Je n’eus pas le temps, comme la première fois, de me retirer à la campagne, et il me fallut les voir et les entendre, jamais ailleurs toutefois que dans la rue, voilà qui va sans dire.
Après quoi, on le met dehors, avec une vingtaine de francs en poche ; notre catéchumène flâne dans Turin, entend la messe du roi, où ses sens s’éveillent à la musique ; et comme il faut vivre, il se fait laquais. […] Jean-Jacques ne s’entend pas avec le camarade ; et c’est au moment où le refroidissement commence entre Mme de Warens et lui, qu’il fait aux Charmettes ce délicieux séjour de trois étés (1738-1740), où il est presque toujours seul, quoi qu’il ait dit, où il refait son éducation, lisant toutes sortes de livres, philosophes, historiens, théologiens, poètes : il en sortira armé et prêt à la lutte. […] L’Emile, en particulier ; ce livre tant lu, si peu entendu et si mal apprécié, n’est qu’un traité de la bonté originelle de l’homme destiné à montrer comment le vice et l’erreur, étrangers à sa constitution, s’y introduisent du dehors, et l’altèrent insensiblement. […] L’homme que la nature l’avait fait s’est trouvé impropre à la vie sociale telle que ce siècle l’entendait, par conséquent froissé, révolté : il s’est replié sur lui-même, et il a trouvé la raison des choses. […] Il a la phrase oratoire, ample, résonante qu’il faut lire ou entendre lire à haute voix ; et voilà la première fois que nous avons à faire cette remarque sur un écrivain du xviiie siècle.
Cependant, le mot de roman appliqué à ce livre ne lui ferait pas tort, si l’on entendait caractériser par là plus vivement le tour dramatique que Voltaire lui a donné, et le genre de plaisir qu’on y prend. […] Telle est l’impression qui reste de la Théorie de la Terre, le premier ouvrage français où l’éloquence, comme on l’entendait au dix-septième siècle, c’est-à-dire l’art de persuader la vérité, a passé des lettres dans la science, et mis au service des vérités de l’ordre physique la grande langue employée jusqu’alors à l’expression des vérités de l’ordre moral. […] Il n’entend pas donner un nouveau plan d’études, ni proposer de nouvelles règles ; il veut seulement marquer ce qui s’observait de son temps dans l’Université de Paris. […] C’est à toutes les questions, entendez vous ? […] Mais il faut voir dans quelle proportion il entend qu’on innove ; c’est la proportion recommandée par Vaugelas pour l’introduction des mots nouveaux dans la langue : peu, et dans l’esprit de ce qui est établi.