XIX Peu de jours après, j’eus un fils qui fut baptisé à Saint-Pierre de Rome, et tenu sur les fonts du baptême par une belle Vénitienne, devenue une grande dame polonaise, la comtesse Oginska. […] Le prince de Carignan, devenu depuis le roi Charles-Albert, repentant de son apparente complicité dans la révolution militaire de Turin, était venu y cacher sa faute chez son beau-frère, le grand-duc de Toscane, dans une retraite du palais Pitti ; son écuyer, Sylvain de Costa, un de mes amis les plus intimes et les plus loyaux, me découvrit dans mon hôtel ; il annonça à son prince mon arrivée, et revint de sa part me demander une entrevue secrète chez moi. […] Les émigrés, ses contemporains, très légers au commencement, étaient devenus moroses et pédantesques en vieillissant ; ils reprochaient à M. de La Maisonfort d’être resté jeune malgré ses années. […] On crut que j’aspirais à changer de patrie et à devenir ministre favori du grand-duc, au lieu de simple chargé d’affaires de France dans une cour d’Italie. […] Je restai l’ami de mon adversaire, qui rentra plus tard dans sa patrie et devint général.
Les situations, presque toujours les mêmes, tournent autour de quelque amour, qui de défendu devient légitime. […] C’est un art nouveau : c’est nous qui de spectateurs sommes devenus les personnages. […] Après l’École des maris, après l’École des femmes, que restait-il à faire à la comédie de caractère et de mœurs pour devenir la haute comédie ? […] L’aïeule est devenue l’ennemie des petits-enfants ; le père se fait le tyran de sa fille. […] La langue qu’ils parlent, dans les changements que subit la langue nationale, devient peu à peu savante.
Aussi regardait-il en camarade son débiteur, lequel — depuis lors — était devenu, aux yeux du Bienfaiteur, simplement un « drôle de corps ! […] À lui est pareil ce musicien devenu sourd. […] La plainte même, qui, si profondément, s’exprimait, sans cesse, en ses œuvres antérieures, se calme, ici, et devient un sourire. […] Et la joie du Maître, voyant ce pouvoir, devient de l’Humour. […] La fosse est devenue plus claire ; dans une lueur bleue monte Erda : elle apparaît de glace couverte ; ses cheveux et son vêtement brillent.
Le caractère extensif du sentiment de la vie corporelle devient discernable en se différenciant selon les divers organes et les diverses sensations. […] Il faut que l’animal devienne habile à discerner le mouvement et qu’il soit, à l’égard de ce qui se meut, sur un perpétuel qui-vive. […] Nous avons conscience d’une série d’efforts musculaires, et nous voyons en même temps un objet situé en face de nous devenir plus grand, puis être à la portée de notre main, qui, tout à l’heure, ne pouvait le toucher et maintenant le palpe. […] Comme la résistance nous révèle l’objectif, c’est-à-dire un objet différent de notre propre activité, l’étendue devient pour nous l’ordre des choses objectives, l’ordre des objets ; cette idée est conséquemment le grand mode de représentation dont nous nous servons pour nous figurer l’objectivité, pour poser devant nous et distinguer nettement de nous les objets qui résistent à notre action. […] L’onde, qui était diffuse, est devenue une onde restreinte et distincte.
Le philosophe, devenu poète pour s’attirer l’imagination du peuple, chante la Loi de la délivrance de l’âme, ou de son émancipation des liens de la matière. […] Elle devient la reine des morts. […] Si tu devenais l’épouse de ce héros, ô charmante fille de roi, l’enfant qui naîtrait de cette union éclaterait de perfections surhumaines. […] La vérité, que Damayanti invoque avec des expressions si pathétiques, paraît enfin à ses regards, l’arrache à son incertitude, et devient sa récompense. […] Son mauvais génie l’a transfiguré, son corps méconnaissable est devenu difforme ; mais il a conservé son héroïsme et recouvré sa vertu.
Il n’y a plus de bourgeois, depuis que le bourgeois — ce qui prouve sa bonne volonté à devenir artistique, à l’égard des feuilletonistes — se sert lui-même de cette injure. […] C’est avec le même mépris de toute opposition et de toutes criailleries systématiques, opposition et criailleries devenues banales et communes2, c’est avec le même esprit d’ordre, le même amour du bon sens, que nous repoussons loin de cette petite brochure toute discussion, et sur les jurys en général, et sur le jury de peinture en particulier, et sur la réforme du jury devenue, dit-on, nécessaire, et sur le mode et la fréquence des expositions, etc… D’abord il faut un jury, ceci est clair — et quant au retour annuel des expositions, que nous devons à l’esprit éclairé et libéralement paternel d’un roi à qui le public et les artistes doivent la jouissance de six musées (la galerie des Dessins, le supplément de la galerie Française, le musée Espagnol, le musée Standish, le musée de Versailles, le musée de Marine), un esprit juste verra toujours qu’un grand artiste n’y peut que gagner, vu sa fécondité naturelle, et qu’un médiocre n’y peut trouver que le châtiment mérité. […] Il y a deux manières de devenir célèbre : par agrégation de succès annuels, et par coup de tonnerre. […] Chasseriau, il y a tout lieu d’espérer qu’il deviendra un peintre, et un peintre éminent. […] Les réclamations sont peut-être justes, mais elles sont criailleries, parce qu’elles sont devenues systématiques.
Il n’appartient pas au christianisme dès le berceau ; il n’est pas né du mariage d’un sectaire chrétien, devenu plus tard orthodoxe et pontife, et élevant son jeune fils sous l’aile d’une mère honorée comme sainte, à l’ombre d’une église qu’il gouverna quarante ans. […] On ne peut douter, du reste, qu’à partir de son épiscopat Synésius n’ait bien vite avancé dans la connaissance et l’adoration de cette foi qui devenait un devoir sacré pour lui. […] Sur le dogme, il devient adversaire zélé de la secte arienne : il adore le Fils coéternel au Père, et divin Rédempteur des fautes et des souffrances humaines. […] Il mourut, comme saint Augustin, dans sa ville épiscopale assiégée par les barbares ; et, sans être jamais devenu complètement orthodoxe, il fut martyr. […] L’inspiration souffre de ce travail érudit ; mais l’amour des lettres était devenu pour ces demeurants du polythéisme une passion à la fois subtile et sacrée, dont le langage a sa poésie comme sa sincérité.
On devine ce que peut devenir la pensée humaine au milieu de ce chaos. […] Ce qu’il deviendra un jour se dessine ainsi peu à peu. […] Plus tard, quand il se fut modéré, ce qui avait été la plus dangereuse entrave de ses débuts devint une des causes de sa puissance et de son originalité. […] Je n’ai jamais vu un enfant sans penser qu’il deviendrait un vieillard, ni un berceau sans songer à une tombe. […] Je suis devenu impuissant par ces effluves magnifiques que j’ai trop sentis bouillonner pour les voir jamais se déverser.
Qu’est devenue cette manière d’exister si une, si violente et si douce ? […] Nous avons presque autant de ressources pour devenir bons, qu’ils en ont pour devenir méchants. […] Que sont devenus ces entretiens dont je ne sentis jamais la satiété ? […] Qui sait ce que deviendront vos proches lorsque vous ne serez plus ? […] Que sont devenus le stoïcisme et le mépris de la mort ?
Au contact d’histrions, on devient histrion ; en vain on voudrait se préserver de toute souillure, quand on habite un endroit boueux, on n’y réussit pas. […] Ophélie devient folle, Juliette se tue et il n’est personne qui ne voie que ces folies et ces morts sont nécessaires. […] Celle de Macbeth devient complète, quand sa femme l’a décidé à l’assassinat. […] Elles y retrouvent ou elles y rencontrent des amants qui deviennent leurs époux. […] Le besoin de chanter devient si pressant, qu’un instant après les chansons naissent d’elles-mêmes.
Rocher, de la Côte-Saint-André, que j’avais connu dans mes courses en Dauphiné ; il débutait à Paris dans la magistrature et dans les lettres ; il devint plus tard sous-secrétaire d’État du ministère de la justice, sous la République. […] III L’abbé de Lamennais, devenu depuis si célèbre, n’avait rien à mes yeux d’attachant. […] Vous n’ayez qu’à changer l’adresse du livre, et tout le venin dont il est rempli deviendra à l’instant vertu. […] Voilà comment une plaisanterie devenait un indice. […] « Et que sont devenus ses enfants ?
Introduisez parmi nous la tragédie romantique, en lui prescrivant la même prudence : notre théâtre, sans rien acquérir, deviendra grotesque en pure perte. […] Par leurs chefs-d’œuvre, par l’influence de ceux de Molière sur un genre si voisin du sien, et par les immortelles leçons de Boileau, la tragédie française est devenue classique, c’est-à-dire régulière et terrible, correcte et pathétique, vraie et sublime ; d’autant plus admirable, qu’elle unit la grâce à la force, la bienséance à l’audace, la raison enfin, puisqu’il faut le dire, à la poésie. […] La fable qu’ils imitent devient plus vraie entre leurs mains, l’action plus forte, les ressorts se multiplient ou acquièrent plus de puissance. […] Nos auteurs français deviennent romantiques, lorsqu’aux dépens de la vérité des mœurs, ils nous font les siècles passés à l’image et à la ressemblance du nôtre. […] Ces tournures pénibles font mieux remarquer l’objet ignoble ou vulgaire qu’elles prétendent voiler ; et le ridicule sous-entendu devient plus sensible.
La Fronde était vaincue, et le règne de Louis XIV commençait : la forme supérieure de la vie sociale devenait la vie de cour, brillante et vide ; la noblesse, exclue du gouvernement de l’État, n’avait plus d’autre affaire que de se montrer au roi, et de faire la cour aux dames. […] De Racine date l’empire de la femme dans la littérature : et cela correspond au moment où tous les instincts violents, ambitieux, qui jetaient les hommes dans l’action politique et militaire, s’apaisent dans la vie de société, où la femme y devient souveraine sans partage, où d’elle va partir tout honneur, tout mérite et toute joie. […] Ariane, ma sœur, etc… La fille de Minos et de Pasiphaé… Moi-même, il m’enferma dans des cavernes sombres, Lieux profonds, et voisins de l’empire des ombres… Et tant d’autres vers, qui font que la tragédie s’élargit avec l’imagination du public, et devient apte à recevoir toutes les impressions que notre éducation archéologique et esthétique nous fait rechercher dans la représentation de l’antiquité. […] Les incognitos et les reconnaissances deviennent le train ordinaire et journalier des actions théâtrales. […] Bouffon sous Henri IV, alternativement pompeux ou burlesque, souvent obscène, le ballet devint sous Louis XIV à peu près exclusivement mythologique et galant.
Cette disposition devint une attitude ; il la reporte, dans ses Mémoires, à l’instant même de sa naissance : « Je n’avais vécu que quelques heures, et la pesanteur du temps était déjà marquée sur mon front ». […] Car, du moment qu’il s’agit du catholicisme et non du déisme, la démonstration baroque devient une association d’idées singulièrement efficace, lorsque du domaine de l’abstraction on passe aux réalités concrètes, lorsque l’on considère l’homme vivant, le Français de 1800. […] Le courant se rétablissait entre l’idée du Dieu catholique desséchée au fond des cœurs et tous les éléments actifs de la vie morale : l’escamotage logique devenait une suggestion puissante. […] Thierry est devenu historien en lisant le livre VI des Martyrs. […] Voici les principaux faits : 1814, De Buonaparte et des Bourbons, brochure écrite à la fin de la campagne de France, avant l’abdication ; 1815, il suit Louis XVIII à Gand, et il est ministre de l’intérieur par intérim : la seconde Restauration le fait pair de France ; 1816, il publie la Monarchie selon la Charte, dont l’édition fut saisie, après quoi l’auteur fut rayé de la liste des ministres d’Etat et sa pension supprimée (elle lui fut rétablie en 1821) ; 1818, il fonde le Conservateur ; 1821, il devient ambassadeur à Berlin, puis à Londres ; 1802, il représente la France au Congrès de Vérone ; 1823, ministre des affaires étrangères, il fait décider la guerre d’Espagne ; 1825, il est renvoyé du ministère ; 1828, sous le ministère Chabrol et Martignac, il va en ambassade à Rome, et donne sa démission au ministère Polignac.
Desportes était attaché au duc d’Anjou, depuis Henri III, qui, devenu roi, le combla de bénéfices. […] Il fallait, non plus triompher des extravagances de Ronsard, c’était devenu trop facile ; mais découvrir dans l’ordre, dans la mesure, dans le langage plus choisi de ses deux disciples, les vices secrets que protégeait la timidité même de ce commencement de réforme. […] Il avait fait ses preuves comme homme de guerre, et il n’était pas messéant pour celui qui allait devenir le tyran des syllabes comme l’appelèrent les poëtes de l’école de Ronsard, d’avoir porté l’épée honorablement. […] Là, Malherbe, avec une sagacité impitoyable et un sens critique supérieur, arrachant sa défroque antique à la muse de Ronsard et dénonçant les mignardises de Desportes, rendait des jugements qui devenaient au dehors des arrêts de langage et de goût. […] Que prétend Malherbe en défendant les rimes du simple et du composé, temps, printemps jour, séjour, ou des mots qui ont quelque convenance, montagne, campagne, ou des dérivés, mettre, permettre, sinon empêcher la poésie de devenir un exercice de mémoire et un vain jeu de mots ?
On avait reconnu un état de l’esprit meilleur que la curiosité, cet appétit un peu grossier, qui se jette sur toute sorte de nourriture ; meilleur que le doute, qui, après avoir été si doux, devient insupportable, à mesure que la curiosité s’affaiblit. […] Tous les deux ont été d’excellents précepteurs pour le public, qui devient à son tour le meilleur précepteur des hommes de génie. […] Ce caractère devint plus sensible dans certaines lettres composées, comme les harangues antiques, sur quelque vérité générale, avec toutes les parties du discours. […] De là ce défaut de précision, qui devient sitôt insupportable, après avoir flatté d’abord l’esprit d’une fausse idée de son étendue. […] Les lettres allaient devenir un modèle, parce qu’elles n’avaient plus la prétention d’être un genre.
La Chine, l’Inde, l’Arabie, la Syrie, la Grèce, Rome, les nations modernes ont connu ce moment où le travail intellectuel de spontané devient savant et ne procède plus sans consulter ses archives déposées dans les musées et les bibliothèques. […] Un pas encore, et l’on proclamera que la vraie philosophie est la science de l’humanité, et que la science d’un être qui est dans un perpétuel devenir ne peut être que son histoire. […] On pourrait croire qu’en rappelant l’activité intellectuelle à l’érudition on constate par là même son épuisement et qu’on assimile notre siècle à ces époques où la littérature ne pouvant plus rien produire d’original devient critique et rétrospective. […] Il faut prendre la révolution qu’elle a opérée ; examiner ce que l’esprit humain était avant la culture philologique, ce qu’il est devenu depuis qu’il l’a subie, quels changements la connaissance critique de l’antiquité a introduits dans la manière de voir des modernes. […] Il serait à désirer que Porson, Brunck et bien d’autres critiques allemands n’eussent pas choisi cet étrange moyen de devenir des Aristarque.
Tantôt, entraîné par cette gageure, il brouille le peu de notions qui nous restent, il confond les âges si divers du monde qu’il prétend reconstruire, il invente ce qu’il ignorera toujours, il décrit ce qui n’a jamais pu vivre, il donne la même valeur aux conjectures plausibles et aux imaginations hasardées, il noie quelques débris de vérités dans un océan d’erreurs, et, tâchant de tromper le lecteur, il finit par se tromper lui-même ; tantôt, dans cette lutte contre un sujet qui sans cesse lui échappe, il s’emporte, il s’enivre de sa parole, de ses images, de ses héros, de ses dieux, de ses monstruosités de toute espèce, il se livre au Dévorateur et devient comme un prêtre de Moloch. […] L’épuisement de Carthage, l’agitation des mercenaires réclamant en vain leur solde, les terreurs de la ville, l’insolence croissante des séditieux, cette effroyable mêlée d’Espagnols, de Gaulois, de Liguriens, de Grecs, d’Africains surtout, qui s’excitent sans se comprendre, et, jaloux les uns des autres, rivalisent de fureur contre l’ennemi commun, le rôle des généraux, la mission de Gescon, la violation du droit des gens, l’attentat des barbares contre les envoyés de la république, la guerre devenue inévitable, les premières défaites d’Hannon, administrateur actif, mais le plus inexpérimenté des capitaines, Hamilcar prenant le commandement des troupes, sa tactique, ses victoires, les péripéties de la lutte, les alternatives d’espoir et d’abattement chez les Carthaginois, le siège de la grande cité punique, l’anéantissement des révoltés, et au milieu de tant d’événements divers la hideuse férocité de deux partis, tout cela, dans le large tableau de Polybe, atteste le pinceau énergique et sobre d’un grand maître. […] Quand elle disparaît, il s’élance après elle, et, ne la retrouvant plus, devient fou de colère et de douleur. […] Que va devenir la république, si le manteau de la déesse reste aux mains des barbares ? […] Ô poétiques figures qui avez enchanté notre jeunesse, figures si dissemblables et pourtant de même famille, vous qui aviez une âme, Elvire, Esmeralda, Kitty Bell, Marie, Rachel et Ahasvérus, Valentine et Bénédict, Frédéric et Bernerette, Amaury et Mme de Couaën, qu’êtes-vous devenues ?
La distraction était devenue, chez La Fontaine, une habitude continuelle, presque continuelle ; il l’a reconnu, car l’anecdote du voyage en Limousin n’est pas rapportée par un autre que lui. […] Je me représente La Fontaine de la façon suivante : cette fois, La Fontaine a été amoureux (le texte l’indique), parce qu’il n’était amoureux d’aucune femme ; évidemment, c’est la rêverie sur l’amour lui-même, c’est la rêverie sur la jeunesse amoureuse, c’est la rêverie sur des souvenirs lointains et chéris, comme je le disais tout à l’heure, et qui, précisément, parce qu’elle n’a pas d’objet précis si elle en avait un, elle deviendrait un peu nonchalante comme nous voyons qu’était La Fontaine et qui, parce qu’elle n’a pas d’objet précis, a quelque chose de vague, d’indéfini, de lointain, de mystérieux… je mets beaucoup de synonymes au mot poétique, et celui-ci aurait suffi. […] « J’ai fait parler dans mes vers, a dit La Fontaine, toutes les créatures, même les créatures au-dessous de l’animal ; les arbres et les plantes sont devenus, chez moi, créatures parlantes. » C’est pour cela que dans l’Homme et la couleuvre l’arbre même, victime lui aussi de l’avarice de l’homme, fait son plaidoyer pour lui-même. […] Les animaux pourraient nous apprendre que nous sommes insensés, que nous sommes le seul animal sur la terre qui devienne fou. Eux ne deviennent jamais fous.
Renan, qui n’y voit pas d’inconvénient sans doute, se permet des affirmations tellement inouïes qu’elles en deviennent divertissantes. […] Renan, ici porte-queue d’Auguste Comte et de toute l’école positiviste, les faits ne pouvant être qu’observés et constatés sans qu’on ait droit d’en déduire ou d’en inférer quelque chose, l’inconséquence cesse d’être une honte pour l’esprit humain et devient un procédé scientifique. […] Or, cette ingénieuse providence se change bientôt, sous cette plume qui glisse et patine, en quelque chose d’égoïste qui nous exploite, et l’univers, qui est ce quelque chose, devient « un tyran d’une immoralité et d’une cruauté épouvantables ». […] L’écrivain de la Vie de Jésus n’a ni l’enthousiasme passionné de l’erreur, ni la haine implacable de la vérité, ni l’adoration païenne de l’homme par l’homme, devenu le seul Dieu qui puisse exister. […] Renan, et toujours du même diable, — d’un diable que nous avons vu tracassant de la queue et des cornes dans trop de livres, et toujours trop de la même manière, pour qu’il ne soit pas devenu un diable ennuyeux, d’amusant que tout diable doit être sous peine de n’être plus qu’un simple magot d’institut.
Mais on ne peut douter qu’après lui, quand un souvenir naïf de mœurs étrangères, quand une passion vraie ne montait pas au cœur de l’écrivain, l’érudition et la recherche, la science du style poussée jusqu’au raffinement, la prétention de l’art, devenue comme une manie superstitieuse, ne jetassent le talent même dans le bizarre et le ténébreux. […] Mais, nous le dirons, dans un tel travail, l’inégalité des œuvres est, pour ainsi dire, en proportion de leur ressemblance affectée : l’éclat éblouissant devient obscurité semée d’éclairs, la hardiesse, bizarrerie, et la grandeur, monstruosité. […] Qu’ils n’aient ni lyres muettes ni pas silencieux, les enfants, s’ils doivent un jour être initiés à l’hymen, raser leur tête devenue blanche et élever des murailles sur d’antiques fondements ! […] Son temple devint la dernière citadelle du paganisme, et, selon l’expression d’un Romain du quatrième siècle147, le Capitole religieux de l’Orient. […] Apollon, si ce chœur chante à son gré, le comblera d’honneurs : il en a le pouvoir, car il est assis à la droite de Jupiter148. » Mais on peut remarquer aussi que cette forme judaïque et devenue chrétienne avait reçu des applications plus anciennes.
C’est en cours de route qu’elle l’est devenue. […] La chair de l’œuvre s’amincit, si j’ose dire, et devient diaphane. […] J’aime mieux ce Tristan devenu lointain. […] Elle en devint le rendez-vous. […] Ce fut pour lui une révélation étonnante* Il devint, d’après le conseil du sage, l’homme d’un seul livre.
L’âme devient l’écho sensitif du musicien. […] Ces instruments devinrent les premiers et les uniques jouets de l’enfant. […] le pauvre jeune artiste ne devait pas tarder à en perdre la moitié la plus présente et la plus adorée dans la personne de cette mère qui était devenue pour lui tout un univers pendant son isolement à Paris. […] Il régnait dans le salon altum silentium , et je ne savais plus que devenir de froid, de migraine et d’ennui. […] Lorsque le danger devint imminent, je ne priai Dieu que de deux choses, savoir : d’accorder une mort bienheureuse à ma mère, et à moi force et courage ; et le bon Dieu m’a exaucé et m’a départi ces deux grâces dans la plus grande mesure.
Depuis, elle devint grosse d’une fille, à laquelle la mère de mon père donna son nom de Rose. […] Il devint éperdument épris de la fille d’une courtisane sicilienne. […] « Le seul malaise que j’éprouvasse venait de mes ongles, qui étaient devenus si longs que je ne pouvais ni me vêtir ni me toucher sans me blesser. […] Il devint alors plus cruel envers moi que le pape même. […] Les persécutions du pape devinrent une vengeance privée.
Ce philosophe perdit peu à peu son crédit, et il paraît que, se voyant disgracié, il devint le défenseur des mœurs anciennes et des usages de ses pères, en s’opposant aux honneurs divins qu’on voulait rendre au conquérant macédonien. […] On lui imputa tous les crimes et tous les revers de son élève, devenu le tyran de la Grèce. […] Si tous ces points sont réglés ici comme ils le sont dans les autres États, que deviendra dès lors la communauté ? […] Cette dernière partie de son raisonnement n’est peut-être pas fausse ; car il est des hommes naturellement incapables de recevoir de l’éducation et de devenir vertueux. […] En supposant même que personne ne s’appauvrisse, l’État n’en passe pas moins de l’oligarchie à la démagogie, si la masse des pauvre s’accroît, et de la démocratie à l’oligarchie, si les riches deviennent plus puissants que le peuple, selon que les uns se relâchent et que les autres s’appliquent au travail.
Avec ces moyens brusques de trancher les émois d’une longue attente, que seraient devenus, je vous le demande, les menus profits du narrateur ? […] C’était quelque chose d’énorme, d’incommensurable, une histoire devenue légendaire, cette histoire de caïmans. […] Si vous voulez serrer la vie de trop près, vous devenez, selon votre tempérament, ou brutal, ou mélancolique, ou ironique, ou amer. […] Pour se régénérer, il faut que la littérature devienne nationale et populaire. […] Le problème n’est ni plus ni moins que ce problème redoutable : la démocratie deviendra-t-elle une réalité par l’existence d’un peuple vraiment libre qui élève ses propres besoins en élevant son intelligence et sa volonté ?
et puis, si le nom de Wagner devenait trop célèbre, si l’œuvre de Wagner était représentée, connue, quelle mine auraient leurs opéras ! […] La politique et la religion deviennent, dès lors, les deux formes parallèles de la morale wagnérienne. […] Il rencontra alors celle qui allait devenir sa femme, Olga Herzen, la fille du célèbre révolutionnaire russe. […] Il rencontre Hans von Bülow qui l’engage comme chef de choeurs à Munich puis il devient chef d’orchestre. […] Il devint ensuite le principal chef des premiers festivals de Bayreuth en créant par exemple la Tétralogie en 1876.
Elle nous engage à devenir chrétiens, opposant toujours aux préceptes mauvais, la doctrine, seule et textuelle, de Jésus. […] Ne renvoie point ton épouse, disait Jésus, parce que tu deviendrais « libertin ». […] Parsifal connaît, compatit, et sauve — et devient heureux — parce qu’il vainc le mauvais désir charnel. […] Nous devons tendre la joue, non pour souffrir, mais parce que le mal est inévitable, et nos efforts vains, si nous ne devenons indifférents à la violence. […] Relisons les écrits, encore : les causes de cette différence nous deviendront manifestes.
D’artiste en belles œuvres, devenir un artisan de tortures, meurtrir et broyer la chair de la même main qui cisèle les vases des banquets célestes, quelle contrainte et quelle déchéance ! […] Hermès devient donc le dieu des transitions, des amalgames, des échanges. […] Sous cet aspect nouveau, Hermès devient le chef des éphèbes, le prince de la jeunesse, le pur-sang divin de la race attique. […] Les métaphores qui exprimaient les phénomènes du couchant devinrent des vices, lorsqu’elles s’appliquèrent à un dieu figuré par des traits humains. […] Quand ces êtres élémentaires, de plus en plus personnifiés par les fables, devinrent des déesses ou des femmes, le générateur céleste tourna au roi libertin.
Qu’est devenue la fausse dévote, qui veut tromper Dieu et qui se trompe elle-même ? […] Elle inventait le billet à La Châtre ; ce bon billet devenait proverbe et passait facilement dans la sagesse des nations. […] Il faut vivre avant tout ; en vivant on se complète, en vivant on se démontre soi-même à soi-même ; en vivant, on apprend à vivre d’abord, à écrire ensuite ; en vivant on devient S. M. le roi Louis-Philippe, on devient Horace Vernet ou M. Ingres, on devient S.
Dès ce temps-là, et à travers les compliments, toutes les critiques lui furent faites : « On me demande, dit-il dans un petit écrit en prose de 1741, comment il est possible qu’un homme fait pour vivre dans le grand monde puisse s’amuser à écrire, à devenir auteur enfin. » Et à ces critiques grands seigneurs et de qualité, il répondait « que, s’il n’est pas honteux de savoir penser, il ne l’est pas non plus de savoir écrire, et qu’en un mot ce sont moins les ouvrages qui déshonorent, que la triste habitude d’en faire de mauvais… ». […] Mais Boyer, chargé de la feuille des bénéfices, résistait aux instances des protecteurs, même les plus puissants, de Bernis ; il mettait une condition (qui d’ailleurs nous semble aujourd’hui assez raisonnable) aux grâces ecclésiastiques qu’on sollicitait pour lui : il exigeait que Bernis s’engageât sérieusement à son état, qu’il cessât d’être abbé seulement de nom, et qu’il devînt un prêtre. […] Il ne manque rien à mon repos, j’oserai dire à ma considération ; mais il faudrait un peu plus de pâture à mon esprit. » Bernis regrette surtout les samedis, c’était le jour de la semaine qu’il passait avec Pâris-Duverney : « Si mes samedis m’avaient été conservés, je n’aurais qu’à m’applaudir d’avoir pris un parti qui deviendra tous les jours plus avantageux pour moi, mais qui ne sera jamais bon à rien pour le roi, tant que je resterai où il n’y a rien du tout à faire. » Cette inaction, qui se fait sentir à lui dès les premiers jours, va lui devenir de plus en plus pesante, et c’est ainsi que l’ennui finira peu à peu par lui inoculer l’ambition.
C’est là, c’est dans ce cadre domestique, paisible, animé, sévère à la fois et riant, que fut élevée la jeune Anne Le Fèvre ; elle avait environ dix-huit ans quand elle perdit ce père dont elle serait devenue l’orgueil et l’honneur. […] Je l’appelle par habitude Mme Dacier, elle ne le devint qu’en 1683. […] Dacier, dans laquelle on lit ces détails et quelques autres plus appuyés111 ; elle est datée de Castres, du 25 septembre 1685, et elle a pour commentaire ce passage du Journal de Dangeau : « 2 octobre. — Le roi eut nouvelle à son lever que toute la ville de Castres s’était convertie. » Cette action signalée des deux époux devenait un mérite auprès de Louis XIV, un titre à ses futurs bienfaits, et, dans la lettre dont je parle, l’honnête homme, qui n’était que de la race des savants, ne se montrait pas insensible à cette idée. […] Il ne m’est donc pas possible de me remettre si promptement à un ouvrage qui m’est devenu si triste : il faut attendre qu’il ait plu à Dieu de me donner la force de surmonter ma douleur et de m’accoutumer à une privation si cruelle.
Celui-ci, dès qu’il en fut, par son assiduité, sa politesse, son aimable esprit de société, devint aussitôt un académicien des plus essentiels et des plus chers au cœur de la compagnie. […] Voilà les termes de Chapelain se moquant de Voiture avec raison, et cette fois, il en devient presque léger. […] On a noté, d’après les Mémoires de Perrault, le moment où les séances de l’Académie devinrent publiques pour le beau monde, pour la fleur des courtisans, dans la salle du Louvre ; ce fut Fléchier qui inaugura le compliment ou discours de réception débité solennellement devant un cercle choisi (1673). […] Cela devenait ridicule.
On ne comprenait point, dans cette classe, les ambassadrices ni la duchesse de Mazarin, qui y étaient venues par nécessité. » Ainsi Mme de Boufflers fut la première grande dame de la société qui alla inaugurer en personne ce goût de l’Angleterre et de sa Constitution, et de ses usages, de ses modes, qui devint bientôt une manie chez plusieurs, mais qui chez elle n’était encore qu’une curiosité éclairée. […] Il s’était fait d’elle toute une théorie, qui est aussi celle de Mme du Deffand, et qu’il exprime de cette façon piquante ; c’est dans une lettre à son ami, le poëte Gray : « Mme de Boufflers, qui a été en Angleterre, est une savante, maîtresse du prince de Conti, et qui a grand désir de devenir sa femme. […] Qu’était-elle devenue dans le grand naufrage ? […] encore pour son esprit jusque sous les premières neiges de la vieillesse, tout d’un coup, on ne sait plus et qu’elle devient, elle disparaît dans le gouffre commun, elle ne surnage pas un instant, ou, si elle surnage, personne ne fait, plus attention à sa présence ou à son absence ; elle va échouer où elle peut et sans qu’on le remarque ; elle n’est une perte et un regret pour personne ; elle n’obtient pas la moindre mention funéraire de la part d’une société bouleversée ou renouvelée, qui toute à ses soucis, à ses craintes, à ses espérances ou à ses ambitions renaissantes, n’a que faire des anciennes idoles, et qui, après avoir renversé coup sur coup avec tous ses temples ses anciens dieux, et les plus grands, n’a plus même un regard de reste pour les demi-déesses d’hier !
De son côté, don Diègue, après être allé se jeter aux pieds du roi pour conjurer la vengeance de Chimène et implorer la grâce de son fils, cherche partout ce fils devenu tout d’un coup invisible. […] Elle engage Chimène à se désister de sa poursuite, et lui dit des paroles fort sensées ; ce qui était juste hier ne l’est plus aujourd’hui ; Rodrigue est devenu nécessaire à l’État. […] Il est devenu sourd sur l’article de l’honneur : si on veut l’ébranler, il faut qu’on touche une autre corde, une seule, celle même de l’amour. […] On l’a remarqué avec raison pour le Don Juan : il fallait qu’il passât par l’imitation de Molière pour que Mozart ensuite le mît en musique et qu’il devînt le type universel qu’on sait.
Mais l’originalité individuelle de La Mennais s’y marque de bonne heure tout entière, et quand on a vu s’accomplir toute la destinée de l’homme, ce tableau du commencement, publié le dernier, devient comme une justification frappante et un abrégé vivant qui contenait toute la suite. […] Sa première fougue de tempérament passée, les livres devinrent bientôt sa passion principale et dominante. […] Abandonné alors à une accablante apathie, totalement dépourvu d’idées, de sentiments et de ressorts, tout me devint à charge, la prière, l’oraison, tous les exercices de piété, et la lecture, et l’étude, et la retraite, et la société ; je ne tenais plus à la vie que par le désir de la quitter, et mon cœur éteint ne trouvait une sorte de repos léthargique que dans la pensée du tombeau. » Je sais tout ce qu’il faut rabattre de ces descriptions désolées où se complaît involontairement la plume qui s’y exerce, et qui s’essaye déjà à l’éloquence ou à la déclamation publique sans s’en douter ; mais elles sont trop habituelles et trop opiniâtres chez La Mennais pour n’être pas significatives. […] Quand il fit volte-face et qu’il changea subitement de sentiments et de parti, il erra au hasard d’abord, de manière à faire peine et pitié même à quelques-uns de ceux dont il se trouvait devenu l’allié et qui admiraient le plus sa vigueur et sa portée d’intelligence.
D’abord dogmatique, elle est devenue historique et scientifique ; mais il ne semble pas que son évolution soit terminée. Vaine comme doctrine, forcément incomplète comme science, elle tend peut-être à devenir simplement l’art de jouir des livres et d’enrichir et d’affiner par eux ses impressions. […] La critique devient, pour M. […] La situation de cet Hamlet moderne, d’un caractère si décidé, et qui n’hésite d’ailleurs pas un instant sur son droit, cette situation est telle que d’abord, étant donné le caractère de ce personnage, elle n’implique chez lui qu’un assez petit nombre de sentiments et fort simples, dont la description sans cesse recommencée devient un peu monotone, et qu’en outre nous ne nous intéressons pas très fortement à ce qu’il éprouve.
Par suite, une juste proportion entre l’histoire et la réalité qu’elle veut retracer exige qu’on mette en pleine lumière la tragicomédie dont l’apparition est devenue une date du théâtre français en laissant dans la pénombre ses deux sœurs mal nées. […] Malheureusement on s’aperçut un jour que ces règles étaient en grande partie arbitraires, qu’elles étaient du moins la cristallisation d’un goût éphémère, l’expression d’une seule époque, un effort stérile et dangereux pour mettre l’éternel dans le passager ; qu’elles ne pouvaient s’appliquer sans injustice au passé, en même temps qu’elles devenaient des entraves pour l’avenir. […] Non pas qu’il soit facile de fixer avec une rigueur mathématique le point où l’originalité devient nuisible à la clarté ou réciproquement. […] Oui, il faut qu’il devienne en quelque sorte un être multiple, capable de se faire contemporain de Louis XIV pour goûter Racine, familier de l’Hôtel de Rambouillet pour se plaire avec Voiture, homme de la Renaissance, enivré de grec et de latin, pour entrer en communion avec Ronsard.
Quiconque, voyageur ou mendiant, captif évadé, esclave fugitif, proscrit errant ou meurtrier même, suppliait une ville ou un hôte, devenait aussitôt un être inviolable : aucune poursuite ne pouvait plus l’atteindre, aucun châtiment le frapper. — « On ne saurait repousser un suppliant qui implore, car celui-là est un voleur de la prière qui s’en empare et qui la détient sans la restituer par le bienfait demandé. » — Cette belle maxime de la Perse, écrite dans le Zend Avesta, était aussi celle de l’Hellade. […] Cela fait, le Suppliant devenait sacré, le foyer lui communiquait les privilèges domestiques, le sanctuaire l’investissait de sa sainteté. […] Le Dieu était-il devenu fou, ou péchait-il contre lui-même en rendant une pareille sentence ? […] Quelques années après, devenu fou furieux et mis aux entraves, il se hacha lui-même tout vivant, avec le glaive de l’Ilote qui le surveillait. — Un exemple plus tragique encore est celui du prisonnier de la révolte d’Égine qui, s’échappant du massacre de ses compagnons, s’élança sous le portique du sanctuaire de Déméter et parvint à saisir les poignées des portes.
Mais cette question d’argent, autrefois si gaie, si légère, est devenue aujourd’hui, même au théâtre, quelque chose de très sérieux et de poids très lourd. […] Chez nous, elle en devient l’esclave : elle abandonne Les soins de son esprit et ceux de sa personne ; La grâce disparaît d’elle et de sa maison, Et l’amour suit la grâce, et l’amour a raison. […] La lionne pauvre a changé de peau, elle devient biche. […] Pommeau, qui n’est qu’un bonhomme aux premiers actes, devient un homme au dernier, lorsqu’il découvre la plaie vive faite à son honneur, et qu’il s’indigne et qu’il se lamente avec une poignante éloquence.
Il en eut deux enfants : une fille, morte à douze ans, et un fils dont l’éducation devint son occupation principale. […] Revenu d’Égypte en France avec Bonaparte, Marmont, après le 18 Brumaire, devint conseiller d’État pour la section de la guerre et présida à une nouvelle organisation de l’artillerie. […] L’incertitude et le décousu qui résulta de cette succession ou plutôt de cette absence de direction principale, n’échappa point au duc de Wellington, qui devint moins circonspect, et qui saisit le moment de combattre. […] et peut-il en trois ou quatre jours le devenir ?
La Fayette s’attache à lui, et devient le disciple du grand homme. […] En d’autres endroits, c’est le ton républicain et philosophique qui devient piquant en se mêlant à certaines habitudes légères et en les voulant exprimer. […] J’essaie de saisir et d’indiquer dans ses fondements l’idée qui est devenue la vie même de La Fayette et qui est le mot de son rôle : la plus grande faveur populaire entourant et couronnant aussi constamment que possible la plus grande vertu civique. […] La Fayette avait attaché de bonne heure son honneur et son renom au triomphe de certaines idées, de certaines vérités politiques ; cela était devenu sa mission, son rôle spécial, dans les divers actes de notre grand drame révolutionnaire, de reparaître droit et fixe avec ces articles écrits sur le même drapeau. […] Son armée devint l’appui des jacobins, en opposition aux troupes d’Allemagne, qu’on appelait les Messieurs ; les campagnes à jamais célèbres de cette armée couvrirent de lauriers chaque échelon de la puissance du chef.
Cet amour de la justice devient une passion quand il s’agit de la liberté politique ; c’est là le point sensible, et quand on la touche, on touche l’écrivain au cœur. […] Tous ces biens sont perpétuellement présents à ses yeux ; et quiconque attaque la liberté qui les fonde devient à l’instant son ennemi. […] Les subtils raisonnements des Grecs deviennent unis et aisés ; les difficiles problèmes de la providence, de l’immortalité, du souverain bien, entrent dans le domaine public. […] Les mathématiques deviennent, entre les mains des Anglais, un excellent moyen de raillerie, et l’on se rappelle comment le spirituel doyen, comparant par des chiffres la générosité romaine et la générosité anglaise, accablait Marlborough sous une addition. […] Une dissertation politique précède ou suit la narration d’une bataille ; d’autres fois l’auteur se fait touriste ou psychologue avant de devenir politique ou tacticien.
Anicet-Bourgeois et Michel Masson, qui a été représenté avec succès au théâtre de la Gaîté : il lui a semblé que le ton général de ce drame, l’émotion qui en résulte, le triomphe des bons principes et de quelques sentiments naturels et généreux, compensaient les invraisemblances d’ailleurs admises ou exigées dans le genre, et que ces qualités ici n’étaient point compromises, comme il arrive trop souvent, par des scènes accessoires où le vice en gaieté se montre et devient, quoi qu’on fasse, le principal attrait. […] La littérature dramatique a été prise au dépourvu ; on lui demande presque le contraire de ce qu’on était accoutumé à désirer d’elle depuis longtemps ; on lui demande des émotions vives, profondes et passionnées, mais pures s’il est possible, et, dans tous les cas, salutaires et fortifiantes ; on lui demande, au milieu de toutes les libertés d’inspiration auxquelles le talent a droit et qui lui sont reconnues, de songer à sa propre influence sur les mœurs publiques et sur les âmes, de se souvenir un peu, en un mot, et sans devenir pour cela trop sévère, de tout ce qui est à guérir parmi nous et à réparer.
Les érudits d’autre part, ceux qui l’étaient devenus uniquement par le labeur et par les livres, ont rendu aux Grecs modernes et à leurs prétentions exclusives la monnaie de leur dédain, et le désaccord s’est maintenu. […] Une telle école d’art et de langue instituée à Athènes serait avant tout un germe ; utile dans le présent, elle le deviendrait surtout dans l’avenir.
Quant aux hommes, il est vrai, l’historien ne s’occupe guère de les gourmander ou de les louanger à propos de chaque action, il les prend pour ce qu’ils sont, les laisse devenir ce qu’ils peuvent, les quitte, les retrouve, suivant qu’ils s’offrent ou non sur sa route, et se garde surtout de faire d’aucun son héros ou sa victime. […] A cela, pourtant, le blâme, ne saurait trouver à reprendre : au milieu de tant de périls qui tonnent sur la Révolution, la couleur du livre, sans cesser d’être nationale, est devenue militaire, et comme telle est restée pure, aussi pure que les couleurs de notre drapeau.
En s’approchant du trône, elle ne changea pas ; sa circonspection se raffina de plus en plus ; la dévotion qu’elle avait affichée jusque-là, par contenance plutôt que par componction, s’accrut par l’âge, l’oisiveté, l’habitude, et ne devint que plus étroite en devenant plus sincère. […] Il est curieux de la voir, dans cette correspondance, protester à tout propos contre l’idée qu’on pouvait avoir de son crédit : « Je ne suis qu’une particulière assez peu importante ; je ne sais pas les affaires, on ne veut point que je m’en mêle, et je ne veux point m’en mêler. » Tantôt elle se compare avec pruderie à une ingénue de quinze ans : « Je suis un peu comme Agnès, je crois ce qu’on me dit, et ne creuse pas davantage. » Tantôt elle se vieillit avec une complaisance qui fait sourire : « Si vous me voyiez, madame, vous conviendriez, que je fais bien de me cacher : je ne vois presque plus ; j’entends encore plus mal ; on ne m’entend plus, parce que ma prononciation s’en est allée avec mes dents, la mémoire commence à s’égarer ; je ne me souviens plus des noms propres, je confonds tous les temps, et nos malheurs joints à mon âge me font pleurer comme toutes les vieilles que vous avez vues. » Sans croire tout à fait à ce renoncement absolu au monde, on est pourtant forcé de reconnaître qu’il y a dans ce langage de madame de Maintenon plus de manie que d’hypocrisie, et qu’à force de se faire, en paroles, insignifiante et inactive, elle l’était sur la fin réellement devenue.
Leur proscription à peu près totale devient chez Ibsen, dramaturge, nécessité de métier. […] On ne peut — toute question de censure mise à part — dire et faire dire tout ce que l’on écrit : le même mot qui, aperçu avec sa forme propre et son aspect typographique se pardonne ou s’admire, devient vite, entendu et défiguré par l’acoustique artificielle de la rampe, insupportable d’invraisemblance ou de pédantisme. — Et cela même lorsqu’il sort d’une bouche autorisée — Les rôles de médecins sont particulièrement délicats à traiter, car ils oscillent forcément entre la terminologie vague des mentalités moyennes, ou le répertoire magistral de l’enseignement technique.
Dégagée de tout parti pris, la curiosité devient scientifique et se porte tout entière vers les forces intimes qui conduisent l’étonnante opération. […] Avec de telles ressources, on devient presque le contemporain des hommes dont on fait l’histoire, et plus d’une fois, aux Archives, en suivant sur le papier jauni leurs vieilles écritures, j’étais tenté de leur parler tout haut.
Les grandes âmes confiantes et largement épandues qui avaient abreuvé nos grands-pères de poésie et de chimères paraissaient bien naïves à leurs petits-fils et leur étaient devenues presque indifférentes. […] Puis, à mesure que le temps passe, ces personnages deviennent moins déplaisants.
Il n’a pas attendu, pour signaler les vers du noble poète Henri de Régnier, qu’il fût devenu académicien. […] » Voilà, pensais-je, un monsieur qui a bien mal déjeuné ou dont les digestions deviennent difficiles.
Il y a, je le sais, dans la curiosité des degrés divers ; il y a loin de cet instinct mesquin de collection, qui diffère à peine de l’attachement de l’enfant pour ses jouets, à cette forme plus élevée, où elle devient amour de savoir, c’est-à-dire instinct légitime de la nature humaine et peut constituer une très noble existence. […] Les premières études que l’on consacre à apprendre le bagage matériel d’une langue seraient sans cela insupportables, et, grâce à ce goût, elles deviennent des plus attrayantes qui se puissent imaginer.
Quiconque a pu arrêter un instant sa pensée sur l’espoir de devenir riche, quiconque a considéré les besoins extérieurs autrement que comme une chaîne lourde et fatale, à laquelle il faut malheureusement se résigner, ne mérite pas le nom de philosophe. […] De profane qu’elle est, la richesse devient ainsi quelque chose de sacré.
Le roi la fit jouer dans un divertissement qu’il donna à la reine et à sa mère devenue dévote depuis que Mazarin s’était refroidi pour elle. […] Molière devenu nécessaire au roi pour mes fêtes de Versailles et du Louvre, poète de tous les divertissements de la cour, était absous d’avance de toutes les libertés qu’il prenait avec le public.
Quand la peinture du passé descend jusqu’aux détails de la science, quand la peinture de la vie descend jusqu’aux finesses de l’analyse, le drame devient roman. […] L’idylle à Gallus est pathétique comme un cinquième acte ; le quatrième livre de l’Énéide est une tragédie ; il y a une ode d’Horace qui est devenue une comédie de Molière.
Mais est-ce que Lépicié voudrait devenir quelque chose, faire le second tome de La Grenée ? […] Il rêve, il se promène, il se rappelle ou les modèles qu’il a vus, ou les phénomènes de la nature, ou les passions du cœur humain, en un mot les expériences qu’il a faites, c’est-à-dire qu’il devient savant.
Bientôt les mœurs se dépravent ; l’empire de la raison s’étend ; le discours devient épigrammatique, ingénieux, laconique, sentencieux ; les arts se corrompent par le raffinement. […] On écrit des poétiques ; on imagine de nouveaux genres ; on devient singulier, bizarre, maniéré ; d’où il paraît que la manière est un vice d’une société policée, où le bon goût tend à la décadence.
Dire simplement qu’il n’y a pas un grand merite à se faire aimer d’un homme qui devient amoureux facilement ; mais qu’il est beau de se faire aimer par un homme qui ne témoigna jamais de disposition à l’amour, ce seroit dire une verité commune et qui ne s’attireroit pas beaucoup d’attention. […] Nous sommes séduits par les images dont le poëte se sert pour l’exprimer ; et la pensée de triviale qu’elle seroit énoncée en stile prosaïque devient dans ses vers un discours éloquent qui nous frappe et que nous retenons.
Voilà de grandes maximes, mais l’homme né sans génie, n’entend rien au précepte qu’elles renferment, et le génie le plus heureux ne devient pas même capable en un jour de les bien appliquer. […] Un homme né avec le génie du commandement à la guerre, et capable de devenir un grand capitaine à l’aide de l’expérience, c’est un homme dont la conformation organique est telle que sa valeur n’ôte rien à sa présence d’esprit, et que sa présence d’esprit n’ôte rien à sa valeur.
Au bout du mois cette ombre d’égalité disparut, et l’hôtel de Guenegaud, où l’on représentoit la piece de Pradon, devint desert. […] Chacun apprit sur les premieres informations qu’il fit qu’on bâilloit comme lui en la lisant, et la pucelle devint vieille au berceau.
Elle ne devient relative que si elle prétend, telle qu’elle est, nous représenter la vie, c’est-à-dire le clicheur qui a pris l’empreinte. […] Pour cela, un coup d’œil sur l’histoire des systèmes devenait nécessaire, en même temps qu’une analyse des deux grandes illusions auxquelles s’expose, dès qu’il spécule sur la réalité en général, l’entendement humain.
Sa plainte devint une affaire d’État. […] Sa ruelle, est-il dit, devint le théâtre des beaux discours, du fameux duel des deux sonnets, et aussi de préludes plus graves. […] Comme sa passion l’obligea à ne mettre la politique qu’en second dans sa conduite, d’héroïne d’un grand parti elle en devint l’aventurière. […] Elle se réconcilia en ces années avec le prince de Conti, et se lia étroitement avec la princesse de Conti sa belle-sœur, qui, nièce du Mazarin, rachetait ce sang suspect par de hautes vertus : ces trois personnes devinrent bientôt à l’envi des émules dans les voies de la conversion. […] Elle appréhende désormais de retrouver l’orgueil en tout, et cette docilité même, qui paraît le seul endroit sain de son âme, lui devient suspecte ; elle craint de n’être docile qu’en apparence, et parce qu’en obéissant on plaît, qu’on regagne par là l’estime qu’on a perdue.
Qu’est devenue l’angoisse des fers et de l’échafaud ? […] Une secte qui naissait alors dans le salon de madame de Staël, et qui a possédé le pouvoir sous deux règnes depuis, la secte jeune, lettrée et publiciste des doctrinaires, ces habiles exploitateurs des demi-révolutions, fit de ce livre son évangile ; la France devint anglaise avec eux. […] Madame de Staël en le caressant devint l’oracle du jour. […] Ce publiciste de la liberté et de la restauration venait d’appeler aux armes tous les cœurs et tous les bras contre le tyran qui s’approchait de la capitale ; son manifeste, devenu le dernier cri de la liberté, frémissait encore dans toutes les voix de l’Europe libre, quand on apprit que ce Caton, appelé d’un signe aux Tuileries et vêtu en courtisan de César, était devenu en vingt-quatre heures le conseiller intime et salarié du tyran, sur la tête duquel il venait de conjurer le poignard du monde. […] Le cynisme fut avéré, le motif inconnu ; mais ce qu’il y a de plus inexplicable pour les hommes qui n’ont pas sondé jusqu’au scandale les impudeurs de l’esprit de parti, c’est que ce même Benjamin Constant devint, trois mois après, un des bienvenus de la seconde restauration des Bourbons ; puis quelques années plus tard, la voix, l’oracle et le modèle des puritains de la liberté ; puis le complice rémunéré de la révolution de 1830 ; puis une renommée de secte ; puis une mémoire apprenant à tout mépriser dans les temps de partis, même l’estime des hommes.
À son retour en France, l’ambassadeur avait amené Rizzio avec lui, à la cour de François II ; attaché à un des seigneurs français qui avait escorté Marie Stuart en Écosse, la jeune reine l’avait demandé à ce seigneur pour conserver auprès d’elle, dans ce royaume où elle se sentait moins reine qu’exilée, un souvenir vivant des arts, des loisirs et des délices de la France et de l’Italie, pays de son âme ; musicienne elle-même autant que poëte, charmant souvent ses tristesses par la composition des paroles et des airs dans lesquels elle exhalait ses soupirs, la société du musicien piémontais lui était devenue habituelle et chère. […] Il y a dans la musique une langue sans paroles, qui permet à ceux qui l’exercent ensemble de tout dire sans rien exprimer ; le sentiment vague et passionné de la voix ou de l’instrument, qui s’adresse à tous, ne peut offenser personne en particulier, mais il peut, au gré de celle qui l’entend, s’interpréter comme un hommage timide ou comme un soupir brûlant, auquel il ne manque que son nom pour devenir un aveu ; deux regards qui se rencontrent dans ce moment d’extase musicale achèvent la muette intelligence ; de là à une passion mutuelle, devinée ou avouée, il n’y a qu’un moment d’audace ou un moment de faiblesse. […] Tout indique que Rizzio, après avoir été une diversion à ses ennuis, devint un confident et un consolateur. […] Le musicien élevé rapidement par elle de sa condition domestique au sommet du crédit et des honneurs, devint, sous le nom de secrétaire d’État, le favori plus que le ministre de sa politique. […] Après sa guérison, Bothwell devint le maître du royaume.
Tant de gens ont écrit tant de choses à ce sujet, tant de littérateurs se sont mis à nous expliquer la musique, tant d’élégants mondains à nous dévoiler les profondeurs de la psychologie, qu’il reste peu à dire et que, pour devenir intéressant, il faudrait peut-être avouer, sans pudeur, ce qui se passe là-bas, là-bas, au fond du « moi ». […] Saint-Saens : « Il y a des gens qui entrent en fureur à l’idée que Wagner, qui n’est rien, puisse devenir quelqu’un par la représentation de son Lohengrin à Paris. […] Lamoureux, devint son implacable adversaire. […] D’abord principalement politique, la cabale contre Lohengrin devint ensuite une lutte opposant directement Peyramont à Lamoureux. Les manifestations de rue ayant abouti à la suspension des représentations dès la première, Lamoureux avait assigné Peyramont en justice et les colonnes de La Revanche se sont fait l’écho de cette lutte devenue personnelle.
. — Qui commence à devenir acide, l. acescens, acescere, devenir acide. […] pr. — Devenir cave. […] … devenu l’exclusive propriété, il semble, de quelques dyscoles bateleurs. […] — Devenir incurve.
Et puis, cette poésie nouvelle, à son tour vieillira ; elle deviendra un poncif et il faudra alors qu’on la tue. […] Ces qualités de charme et de modération deviendront rares chez Rimbaud, bientôt emporté par une fougue désordonnée. […] Il entra ensuite en relations avec Ménélick, devint l’ami du ras Makonnen et travailla à l’introduction d’armes européennes en Abyssinie. […] Il se mit à toutes les besognes, devint ingénieur, maçon, architecte, géologue aussi bien que commerçant. […] Il s’est montré descriptif puissant ; il va devenir un prodigieux évocateur.
Armand de Bourbon, prince de Conti, qui devint par la suite son protecteur, était alors son condisciple. […] La régence d’Anne d’Autriche ne tarda pas à devenir orageuse. […] Il les avait suivis et soutenus dans le commencement à cause de moi ; mais alors, étant devenu amoureux de la Du Parc, il songea à se servir lui-même. […] Mais, plus que tout cela, que deviendront ces pauvres gens que j’ai amenés de si loin ? […] Mais devenu veuf il en épousa une jeune et jolie, qui vengea la défunte par la domination qu’elle exerça sur lui.