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785. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers libre  »

Pour nous qui considérons, non la finale rimée, mais les divers éléments assonances et allitérés qui constituent le vers, nous n’avons aucune raison de ne pas le considérer comme final de chaque élément et de le scander alors comme à la fin d’un vers régulier.

786. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « SUR ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 497-504

En un mot, si André Chénier eût vécu, je me figure qu’il aurait pu être le grand poëte régnant depuis 95 jusqu’en 1803 ; réaliser admirablement ce que son frère, et Le Brun, et David dans son genre, tentèrent avec des natures d’artiste moins complètes et avec une sorte de sécheresse et de roideur ; exprimer poétiquement, et sous des formes vives de beauté, ce sentiment républicain à la fois antique et jeune, qui respire dans quelques écrits de Mme de Staël à cette époque, et surtout dans sa Littérature considérée par rapport à la Société.

787. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Laurent (de l’Ardèche) : Réputation de l’histoire de France de l’abbé de Montgaillard  »

Il serait bien plutôt tenté de les considérer comme un poste de transition et de reconnaissance placé à la limite de deux âges, ou encore comme ces fanaux semés sur les hauts lieux, qui servent à lier, à travers les siècles, les divers temps de cette grande expérience incessamment accomplie par l’humanité.

788. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Le Comte Walewski. L’École du Monde »

Il considère son sujet en plein, sans tant de façon, rondement ; il voit ce qu’il en peut faire avec esprit, avec verve, avec bon sens à travers ; son parti pris, il va ; il s’agit, avant tout, que son feuilleton ait vie, qu’il se meuve, qu’il amuse ; son feuilleton, c’est sa pièce à lui, il faut qu’elle réussisse ; il ne l’écrit pas ce feuilleton, il le joue.

789. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIX. De la littérature pendant le siècle de Louis XIV » pp. 379-388

La pureté du style ne peut aller plus loin que dans les chefs-d’œuvre du siècle de Louis XIV ; et, sous ce rapport, ils doivent être toujours considérés comme les modèles de la littérature française.

790. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VI. De l’envie et de la vengeance. »

Il est une réflexion qui devrait servir de guide à ceux qui se mêlent des grands débats des hommes entre eux, c’est qu’ils doivent considérer leurs ennemis comme étant de leur nature ; il y a malheureusement de l’homme jusques dans le scélérat, et l’on ne se sert jamais cependant de la connaissance de soi, pour s’aider à deviner un autre.

791. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre V. Résumé. »

I Ils sont les successeurs et les exécuteurs de l’ancien régime, et, quand on regarde la façon dont celui-ci les a engendrés, couvés, nourris, intronisés, provoqués, on ne peut s’empêcher de considérer son histoire comme un long suicide : de même un homme qui, monté au sommet d’une immense échelle, couperait sous ses pieds l’échelle qui le soutient  En pareil cas, les bonnes intentions ne suffisent pas ; il ne sert à rien d’être libéral et même généreux, d’ébaucher des demi-réformes.

792. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Avertissement »

Mais je n’ai dû considérer ici la raison et le jugement que dans une de leurs applications particulières, lorsqu’on les emploie à la composition littéraire.

793. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Choses d’autrefois »

Le développement de la démocratie est peut-être incompatible avec la beauté du monde considéré comme un spectacle pour l’artiste et pour le curieux.

794. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Une âme en péril »

Il considérera que c’est peut-être le Ciel qui l’avertit par une bouche profane.

795. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Le termite »

Ils considèrent le monde extérieur en malades, en hallucinés, d’un œil qui le déforme et le trouble.

796. (1863) Molière et la comédie italienne « Préface » pp. -

On ne s’étonnera donc pas de ce que le tableau pourrait offrir d’incomplet, si on le considérait comme ayant pour objet direct le théâtre italien dans son ensemble ou dans tel développement qui lui est propre.

797. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre II. « Faire de la littérature » » pp. 19-26

Artistes ou savants, ils ne se savent jamais sûrs de parfaire l’harmonie ou de réussir l’expérience après laquelle seulement l’œuvre sera ; ils ne considèrent pas comme un gagne-pain l’aléatoire profit de leur vie intérieure ; ils en cherchent un autre.

798. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Lettre, à Madame la comtesse de Forbach, sur l’Éducation des enfants. » pp. 544-544

Tout bien considéré, la vie étant l’objet le plus précieux, le sacrifice le plus difficile, je l’ai prise pour la mesure la plus forte de l’intérêt de l’homme ; et je me suis dit : Si le fantôme exagéré de l’ignominie, si la valeur outrée de la considération publique ne donnent pas le courage de l’organisation, ils le remplacent par le courage du devoir, de l’honneur, de la raison.

799. (1912) L’art de lire « Chapitre VII. Les mauvais auteurs »

A ce jeu, on s’habitue à un immense orgueil et à se considérer comme infiniment supérieur, ce qui d’abord est assez déplaisant, et ce qui ensuite rend très peu capable de grandes choses ; car c’est en regardant en haut qu’on fait effort et qu’on tire de soi tout ce qui est possible qu’on en tire.

800. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Armand Baschet »

Tout bien considéré, je ne le lui reprocherai point ; car, s’il n’a pas vu tout le comique de l’histoire, il a ajouté à son histoire un autre genre de comique, qui, pour le coup, est bien à lui, car c’est le sien !

801. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — IV »

Seulement, voici qui est particulier et par où le philosophe se distingue du pur artiste : si Taine considère que tous ces gens qu’il croise dans ses tournées sont asservis à une telle conception de la vie qu’il ne peut collaborer avec eux, il ne peut pourtant pas en prendre son parti et, comme un Gautier, un Flaubert, un Leconte de Lisle, déclarer : « Je ne connais pas ces bourgeois ; je me désintéresse de tout ce qui les préoccupe » ; en tant que sociologue, il faut bien qu’il envisage les destinées de son pays, et dans cet esprit doué si merveilleusement d’imagination philosophique et historique, cette horreur du « bourgeois », du « philistin », aboutira à cette déclaration que le type du fonctionnaire français, que l’esprit fonctionnaire (qui ne se trouve pas seulement dans les administrations, mais qui a peu à peu pénétré même les professions libres) doit déterminer la mort de l’énergie française et, par conséquent, la décadence de notre patrie.‌

802. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

Il lui importait donc, d’autant plus, d’être moralement considéré, afin que sa réputation se conservât, pour ainsi dire, intacte dans la glace du respect. […] Cet artiste considère comme absolument méprisable et nul le jugement de la foule. […] Oui, si l’on considère sa faiblesse numérique, relativement au reste de la population ; non, si l’on considère son esprit. […] Il faut décidément s’habituer à ne plus considérer les écrivains comme échelonnés dans l’estime des hommes d’après leur taille et leur valeur réelle. […] Voilà deux hommes que j’aime beaucoup et que je considère comme de vrais artistes, Tourgueneff et Zola.

803. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Voilà, deux hommes que j’aime beaucoup et que je considère comme deux vrais artistes, Tourgueneff et Zola. […] Le répertoire de Sainte-Beuve peut être considéré comme un véritable monument historique. […] Jean Aicard, considéré comme poète, romancier et auteur dramatique. […] On peut considérer la littérature du côté des artistes ; mais ou peut encore la considérer du côté du public. […] La jeune génération lettrée doit s’habituer dès à présent à considérer l’art d’écrire comme une chose excessivement sérieuse.

804. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Mallarmé fut ainsi amené à considérer quelles choses la poésie devait signifier, et par quels moyens. […] Il a voulu ensuite analyser cette vision : et, pour le considérer plus joyeusement, il a créé un monde plus subtil. […] Il a considéré notre temps, nos occupations, comme un prince les pouvait considérer. […] Il faut, pour l’apprendre, considérer l’ensemble de ses écrits politiques. […] Il les considérait comme les deux causes de toute tristesse.

805. (1903) Propos de théâtre. Première série

Dans le drame il est saisi comme cause ; dans les autres poèmes il est plutôt saisi et considéré comme effet des causes diverses qui ont contribué ou à le former ou à le diriger dans tel ou tel sens. […] Si Molière avait considéré Elmire comme une coquette, ce commencement de scène serait bien manqué, oh ! […] J’aurais montré peu de bon goût en ces temps éloignés ; car il m’est impossible de ne pas considérer Tartuffe comme un drame assez rude. […] Je propose comme sujet de thèse ce propos singulier, ou au moins inaccoutumé : « Racine considéré comme poète. » Je me trompe, cette thèse, M.  […] De tels hommes sont si possédés de l’idée qu’ils ont de leur force, qu’ils finissent par la considérer comme extérieure et supérieure à eux-mêmes et les poussant du dehors.

806. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Considérons un instant un poème comme le Vase, Aréthuse, la Gardienne. […] Chaque objet est considéré comme le réceptacle d’une force et d’une activité propre. […] Au reste, nous avons accoutumé de considérer Banville comme un subtil jongleur. […] On nous a trop habitués à considérer le symbolisme comme une déclaration de guerre au romantisme. […] Cet ouvrage doit être considéré comme la Somme abrégée de la poésie moderne.

807. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

Considéré sous ce point de vue, il nous semble que les romans-feuilletons deviennent tout autre chose pour la critique. […] Ainsi, à les bien considérer, les Splendeurs et Misères des Courtisanes peuvent nous servir, tout comme un autre livre médiocre, à inaugurer un système d’indulgence envers le roman-feuilleton. […] Si nous considérons la Société actuelle, nous y voyons une activité, une soif du travail, une prédominance de l’ambition qui n’a rien de commun avec les rêveuses souffrances des inutiles qu’on s’est obstiné si longtemps à faire poser devant nous. […] De suite on le ressent, de suite on se plaît dans cet air plus vif et plus franc, et bien qu’on se trouve porté à considérer cette jolie nouvelle comme une inspiration un peu directe de Manon Lescaut, on doit reconnaître que l’auteur y a apporté beaucoup du sien. […] Il n’est besoin, pour en tomber d’accord, que de considérer ses travaux, en les comparant au mouvement de la nouvelle littérature.

808. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

C’est encore, à ne considérer que l’action, le sujet des trois quarts des comédies de Molière, des neuf dixièmes des comédies du siècle dernier, et de la moitié des comédies de notre temps. […] Son drame, à en considérer loyalement le texte, n’est en aucune façon antirévolutionnaire. […] Il considérerait qu’il a des dédommagements : une maison tenue avec économie par deux femmes qui dépensent peu pour elles-mêmes, et dont l’une, d’ailleurs, va prochainement se suffire : il n’est donc pas si « exploité » que cela. […] Ne considérer l’univers et toutes les créatures que comme une matière d’art, c’est, presque forcément, être clément pour toutes les créatures. […] Il faut que chacun des deux considère l’autre comme son tout, et qu’en même temps chacun des deux soit exactement tout pour l’autre.

809. (1864) Études sur Shakespeare

En 1561, Thomas Sackville, lord Buckhurst, fit représenter devant Élisabeth sa tragédie de Corboduc ou Ferrex et Porrex, que les lettrés ont considérée comme la gloire dramatique du temps qui précéda Shakespeare. […] La destinée comme la nature de l’homme, ses passions et ses affaires, les caractères et les événements, tout en nous et autour de nous a son côté sérieux et son côté plaisant, peut être considéré et représenté sous l’un ou l’autre de ces points de vue. […] Ce sentiment est le lien mystérieux qui nous unit au monde extérieur et nous le fait vraiment connaître ; quand notre pensée a considéré les réalités, notre âme s’émeut d’une impression analogue et spontanée ; sans la colère qu’inspire la vue du crime, d’où nous viendrait la révélation de ce qui le rend odieux ? […] Alors seulement nous connaîtrons vraiment le système ; nous saurons à quel point il peut encore se développer, selon la nature générale de l’art dramatique considéré dans son application à nos sociétés modernes. […] C’est là une entreprise dont personne peut-être n’a encore mûrement considéré les difficultés.

810. (1930) Le roman français pp. 1-197

Enfin, pour qu’une œuvre fût considérée comme littéraire, il fallait qu’elle eût un modèle, qu’elle trouvât un précédent aux époques classiques des deux littératures anciennes. […] Je n’ai pas consulté les statistiques, mais il semble bien, à considérer les devantures des libraires, que la production romanesque, déjà fort abondante, a encore presque décuplé chez nous depuis la guerre. […] Considérons donc cette société avec lui, et d’après ce que, par ailleurs, nous en savons. […] La vérité est que les Goncourt le considérèrent dans leur combat pour « l’écriture artiste » comme un allié — et comme un exemple. […] Il est vrai qu’il y a Le Baiser au lépreux et Quelques cœurs inquiets, qui peuvent être considérés, avec une certaine indulgence, comme orthodoxes.

811. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

C’est pourquoi, si l’on veut les comprendre, il faut d’abord considérer leur centre et leur source, je veux dire la cour. […] Considérez ces trois avenues qui se réunissent sur la grande place, larges de quarante toises, longues de quatre cents, et qui n’étaient point trop vastes pour la multitude, le déploiement, la vitesse vertigineuse des escortes lancées à fond de train et des carrosses courant « à tombeau ouvert144 » ; voyez, en face du château, les deux écuries, avec leurs grilles de trente-deux toises, ayant coûté, en 1682, trois millions, c’est-à-dire quinze millions d’aujourd’hui, si amples et si belles que, sous Louis XIV lui-même, on en faisait tantôt un champ de cavalcades pour les princes, tantôt une salle de théâtre, et tantôt un salle de bal ; suivez alors du regard le développement de la gigantesque place demi-circulaire, qui, de grille en grille et de cour en cour, va montant et se resserrant, d’abord entre les hôtels des ministres, puis entre les deux ailes colossales, pour s’achever par le fastueux encadrement de la Cour de Marbre, où les pilastres, les statues, les frontons, les ornements multipliés et amoncelés d’étage en étage portent jusque dans le ciel la raideur majestueuse de leurs lignes et l’étalage surchargé de leur décor. […] Dorénavant pour les premiers personnages du royaume, hommes et femmes, ecclésiastiques et laïques, la grande affaire, le principal emploi de la vie, le vrai travail, sera d’être à toute heure, en tout lieu, sous les yeux du roi, à portée de sa parole ou de son regard. « Qui considérera, dit La Bruyère, que le visage du prince fait toute la félicité du courtisan, qu’il s’occupe et se remplit toute sa vie de le voir et d’en être vu, comprendra un peu comment voir Dieu fait toute la gloire et toute la félicité des saints. » Il y eut alors des prodiges d’assiduité et d’assujettissement volontaire. […] Considérez un simple associé des fermes, M. d’Epinay, dont la femme modeste et fine se refuse à tant d’étalage198.

812. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

» Quand on considère que ces aveux de sa propre inconstance, de sa propre folie et de sa propre injustice, sont écrits par le Tasse à son protecteur le plus intime et le plus bienveillant à Rome ; qu’ils sont écrits de Turin, où le Tasse était à l’abri de toute influence et de toute crainte du duc de Ferrare ; qu’il y demande avec une telle passion la faveur de s’éloigner à jamais du séjour de ce prince, peut-on considérer sa démence comme une calomnie d’Alphonse, et sa passion persévérante pour Léonora comme le mobile et la cause de ses infortunes ? […] … Rome, le 29 novembre 1578. » Qu’opposer à des témoignages pareils, quand on considère que le cardinal Albano était un ami des Médicis peu favorable à la maison d’Este ? […] À la marge se trouvait cette note de la main de mon père : Alors Lodovico Ariosto doit être considéré comme un mauvais poète, car il dit au commencement : « Celle dont l’amour m’a rendu presque insensé !

813. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

S’adressant ensuite à Anaxarque, il l’engage à considérer qu’une pareille proposition pouvait convenir à Cambyse ou à Xerxès, et non au fils de Philippe, qui descendait d’Hercule et d’Éacus. […] La monarchie à mille formes, l’aristocratie, l’oligarchie, la démocratie, la démagogie, l’anarchie, la république dérivée de la représentation ou des décrets directs du peuple, l’État, la souveraineté de l’État, les changements violents ou les révolutions lentes, les passions du peuple ou les factions des grands, les combinaisons variées de ces divers principes de gouvernement, les décadences ou les renaissances qui les précipitent ou qui les relèvent, tout cela est écrit dans la Politique d’Aristote aussi nettement que dans les cent mille brochures des doctrinaires de nos jours ; à l’exception du principe de l’esclavage, passé en loi et en morale par l’habitude, et considéré par le publiciste d’Athènes comme l’œuvre de la nature et non comme une erreur des lois, il n’y a rien dans Aristote qui ne soit dans les mêmes termes aujourd’hui dans nos philosophes politiques. […] Ce n’est point ainsi, du reste, qu’on l’a jusqu’à présent employé : on n’a point considéré le moins du monde dans l’ostracisme l’intérêt véritable de la république, et l’on en a fait une simple affaire de faction. […] Nous avons expliqué la nature de ces systèmes, les différences des aristocraties entre elles, et les différences des républiques aux aristocraties ; enfin l’on doit voir que toutes ces formes sont moins éloignées qu’on ne pourrait le croire les unes des autres. » XXV « Tout considéré, la fortune moyenne est la meilleure base du gouvernement.

814. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

Swift ne put supporter plus d’une année la médiocrité de cette vie, et surtout cet isolement complet de son intelligence, qui lui fit toujours considérer l’Irlande comme une terre d’exil. […] Swift, qui ne vit jamais dans la religion qu’une partie importante de la politique, était porté à oublier qu’elle était considérée par un grand nombre de personnes comme une institution divine, en dehors et au-dessus de la politique. […] « Quiconque, disait-il, voyage dans ce pays et y considère l’aspect de la nature, l’aspect, l’extérieur et les habitations des hommes, ne se croira pas dans une contrée où la loi, la religion, où la plus vulgaire humanité soient respectées. » L’imprimeur de cet écrit fut accusé. […] Le monde et la vie humaine peuvent être envisagés de deux façons bien différentes, et il n’est guère d’homme qui ne les ait considérés tour à tour sous deux aspects.

815. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juin 1886. »

Le lieu ne devait être ni une capitale ayant un théâtre permanent, ni une ville d’eau qui, justement en été, m’eût donné un public tout à fait différent du public que je souhaite ; ce doit être une ville du centre de l’Allemagne ; et une ville de Bavière, puisque je veux y transférer mon domicile et que je ne puis choisir nul autre pays … … Quant au choix et à l’acquisition du terrain destiné au théâtre, il y a à considérer si la ville de Bayreuth, vu les avantages que mon entreprise pourrait lui procurer, serait disposée à me céder la place nécessaire à la construction de mon théâtre. […] La propriété matérielle résultent de cette entreprise commune devra être considérée comme étant à ma disposition et sera plus tard soumise aux conditions que je jugerai les plus utiles selon le sens idéal de l’entreprise. […] Les vers de ce récit sont remarquablement beaux ; mais l’auteur a trouvé le rare secret de les réunir, de les marier, de les identifier su chant d’une manière si adéquate, que d’une part il leur est impossible de passer inobservés, tant leur déclamation haute et intelligible est imposée par les intonations musicales, et que d’autre, on ne saurait se méprendre et considérer la musique comme un accessoire destiné à les faire ressortir. […] Il est intéressant de voir quels sont les choix wagnériens de ces littérateurs considérés comme totalement innovateurs et ce que l’histoire de la littérature aura finalement retenu d’eux.

816. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

Il avait de tout temps écrit ou fait rédiger les journaux et mémoires des actions principales et des événements importants de sa vie ; il chargea en définitive quatre secrétaires d’en faire un extrait considérable et un recueil à l’usage du public : Monseigneur, est-il dit dans la dédicace, Votre Grandeur ayant commandé à nous quatre, que vous connaissez assez, de revoir et considérer bien exactement certains mémoires que deux de vos anciens serviteurs et moi avons autrefois ramassés et depuis fort amplifiés, etc., etc., de toutes lesquelles choses nous nous sommes acquittés le mieux qu’il nous a été possible, etc. […] Cela dit, allons au fond, et de cet amas de narrations trop souvent déduites en style de greffier ou de notaire, tirons ce qu’il y a de solide et d’excellent. — Sully, qui, dans toute la première partie de sa carrière, s’appelle Rosny, né en 1559 au château de ce nom, était le second de quatre fils, mais de fait il fut considéré comme l’aîné par son père, qui de bonne heure plaça sur lui l’espoir de relever sa maison.

817. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Considérée par cet aspect, son Histoire ressemble à une belle et longue retraite devant des nuées d’ennemis : il n’a pas l’impétuosité ni le feu, mais il a la tactique et l’ordre ; il campe, s’arrête et se déploie partout où il peut. […] Loin de brusquer sa fin, Gibbon se plaît à la prolonger : il achève cette longue carrière presque comme une promenade, et, au moment de poser la plume, il s’arrête à considérer les derniers alentours de son sujet ; il s’y repose. — Il n’a rien du cri haletant de Montesquieu abordant le rivage ; il n’en avait pas eu non plus les élans, les découvertes d’idées en tous sens et le génie.

818. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — III » pp. 178-197

Aussi, lorsque j’ai exprimé le regret que la France n’eût point, dès ce temps-là, une poésie pareille et comparable à celle des Anglais, je pensais moins encore à la peinture directe de la nature considérée en elle-même, peinture dont notre prose élevée présente de si belles et si magnifiques images, qu’à l’union de la poésie de la famille et du foyer avec celle de la nature. […] Une fois il a découvert dans ses courses autour d’Olney, sur une colline assez escarpée, une toute petite cabane cachée dans un bouquet d’arbres, et il l’a appelée le nid du paysan ; il rêve de s’y établir, d’y vivre en ermite, y jouissant de son imagination de poète et d’une paix sans mélange ; mais il ne tarde point à s’apercevoir que le site est incommode, qu’on y manque de tout, qu’il est dur d’être seul : tout bien considéré, il préférera son cabinet d’été et sa serre avec son simple et gracieux confort, et il dira à la hutte sauvage et pittoresque : « Continue d’être un agréable point de vue à mes yeux ; sois mon but de promenade toujours, mais mon habitation, jamais ! 

819. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

Je dirai donc, sans croire nous trop accorder, que dans cette troisième génération plus d’un esprit en est revenu, sans fléchir sur les points essentiels, à voir en Voltaire ce qu’il convient d’y voir avant tout lorsqu’on le considère en lui-même et dans les conséquences immédiates qui sont sorties de ses œuvres. […] Mais, tout bien considéré, ces mots, j’ai été à l’extrémité, se rapportent peut-être mieux à une maladie qu’il eut en effet en 1724, après avoir pris les eaux de Forges, et conviennent moins à l’état où l’aurait mis l’indigne guet-apens du chevalier de Rohan.

820. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

En général, et à ne les considérer que d’après les points qui leur sont communs, ces doctrines de Mirabeau et des autres réformateurs aristocratiques ou monarchiques d’alors tendaient à opérer la réforme par en haut, pour éviter une révolution par en bas, à refaire, à relever après Louis XIV ce qu’il avait en grande partie détruit et nivelé sans parvenir à le simplifier définitivement : elles tendaient à remettre quelque peu les choses sur le pied et comme à partir de Louis XIII et de Henri IV, et à introduire dans l’État une constitution moyenne en accord à la fois avec les besoins nouveaux et avec les mœurs et les restes d’institutions de l’ancienne France. […] Tous les écrits de Mirabeau père, à les considérer par cet aspect, n’allaient à rien moins qu’à rendre son fils inutile.

821. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie de Maupertuis, par La Beaumelle. Ouvrage posthume » pp. 86-106

Il fallait, à l’exemple de Montesquieu, considérer les révolutions qui sont arrivées dans les mœurs, dans la politique, dans la religion et dans les arts, en établir la réalité, en chercher les causes, en marquer les moments, en un mot, peindre les hommes comme vous l’aviez promis, et non peindre quelques hommes, comme vous l’avez fait. […] Nous avons la clef du procédé : La Beaumelle ne considère les lettres du roi que comme un canevas sur lequel il brode ses variations.

822. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

Elle connut beaucoup M. de Maistre, qui habitait alors Pétersbourg, et put être considérée jusqu’à un certain point comme une de ses filles spirituelles. […] Mais il est bon de considérer que les conversions qui sont le plus en agréable odeur à Rome ne sont pas celles des païens, ni celles des juifs, ni celles même des protestants et des hérétiques, ce sont celles des schismatiques.

823. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. (suite et fin). »

Quoi qu’il en soit du mobile, il fut le principal auteur et acteur dans cette élévation d’un cran et cet anoblissement définitif de la Compagnie ; il obtint que l’Académie eût désormais ses séances dans une salle du Louvre et fût considérée comme un des ornements ou accessoires du trône ; il usa de tout son crédit pour la faire valoir en toute occasion et la maintenir dans l’intégrité de son privilège ; et un jour qu’allant complimenter le roi elle n’avait pas été reçue avec tous les honneurs rendus aux Cours supérieures, il s’en plaignit directement à Sa Majesté, en rappelant « que François Ier, lorsqu’on lui présentait pour la première fois un homme de Lettres, faisait trois pas au-devant de lui. » La querelle engagée entre l’Académie et Furetière intéressait au plus haut degré l’honneur de la Compagnie : « car c’est grand pitié, comme remarque très sensément Legendre, quand des personnes d’un même corps s’acharnent les uns contre les autres, et qu’au lieu de se respecter et de bien vivre ensemble comme doivent faire d’honnêtes gens, elles en viennent à se reprocher ce que l’honneur de la Compagnie et le leur en particulier aurait dû leur faire oublier. » Il s’agissait, au fond, de l’affaire importante de l’Académie, le Dictionnaire, et de savoir si un académicien avait le droit d’en faire un, tandis que l’Académie n’avait pas encore publié le sien. […] Considérez-moi et soyez saisis d’étonnement : Attendite me et obstupescite ! 

824. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance »

Elle lui dit : « Qu’elle avait écrit, il est vrai, qu’il fallait se roidir contre l’opinion publique, mais non pas contre celle de ses parents ; que, d’après ce qu’on lui avait raconté, la demoiselle qu’il recherchait n’ajouterait par sa famille aucun lustre à la sienne, mais au contraire qu’elle ne lui apporterait aucune fortune et le mettrait dans la dépendance ; qu’elle regardait bien toutes ces distinctions de famille à Genève comme très-ridicules et de fort peu de poids ; mais que cependant elles en acquéraient davantage lorsque l’alliance que l’on contractait pouvait ouvrir ou fermer la porte de la meilleure compagnie et faire tourner la balance ; qu’il devait considérer la nature de son attachement et la personne qu’il aimait ; que si elle était telle qu’il crût réellement impossible de la remplacer, pour l’esprit et le caractère, par une autre qui lui fût égale, alors cette considération pouvait devenir la plus puissante de toutes ; mais, que s’il n’avait pas ce sentiment, il fallait peser toutes les autres convenances. » « J’ai répondu, poursuit Sismondi, que je jugeais en amant et que je ne pouvais éviter de voir cet accord parfait. — Elle a répliqué qu’un homme d’esprit, de quelque passion qu’il fût animé, conservait encore un sens interne qui jugeait sa conduite ; que toutes les fois qu’elle avait aimé, elle avait senti en elle deux êtres dont l’un se moquait de l’autre. — J’ai ri, mais j’ai senti que cela était vrai… » C’est là de la bonne foi, et c’est cette entière bonne foi, cette disposition naïve, italienne ou allemande comme on voudra l’appeler, mais à coup sûr peu française, qui, jointe à un grand sens et aux meilleurs sentiments, est faite pour charmer dans le Journal et dans la correspondance de Sismondi. — Et comment finit le roman d’amour ? […] Mais ce qu’avait voulu le docte et impertinent Schlegel dans sa brochure, c’était surtout de se divertir avec ironie et de nous irriter, et comme il l’a dit ensuite lui-même : « C’était une expérience que je m’amusais à faire sur l’opinion littéraire, sachant d’avance qu’un orage épouvantable éclaterait contre moi. » Un autre Allemand, moins distingué et plus bizarre, un hôte de passage, le poète tragique et mystique, Zacharias Werner, qui séjourna à Coppet et qui passa ensuite par Florence, est annoncé par Sismondi à la comtesse en des termes assez piquants, et plus gais qu’on ne l’attendrait d’une plume aussi peu badine ; mais Werner y prêtait : « Werner, disait Sismondi, est un homme de beaucoup d’esprit ; — de beaucoup de grâce, de finesse et de gaieté dans l’esprit, ce à quoi il joint la sensibilité et la profondeur ; et cependant il se considère comme chargé d’aller prêcher l’amour par le monde.

825. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Collé. »

Plus tard, lorsqu’on publia son Journal posthume, où il avait consigné pour lui, au courant de la plume, les anecdotes du jour et ses propres jugements, comme on n’y retrouvait plus le Collé des vaudevilles et des chansons, il y eut alors des critiques qui, tout bien considéré, déclarèrent que Collé n’était pas gai. […] Lors même qu’il y eut renoncé, il garda toujours du financier sous le chansonnier, et il ne se considéra point comme déshonoré plus tard d’être récompensé de ses pièces de société pour le duc d’Orléans par un intérêt dans les fermes de ce prince.

826. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

Cette Revue a publié, de la plupart des poëtes et romanciers du temps, des portraits qui, eu égard au peintre comme aux modèles, ne peuvent être considérés en général que comme des portraits de jeunesse : Juvenis juvenem pinxit. […] Il faudrait souvent s’oublier soi-même et sa part d’illusions d’autrefois ; ne pas en vouloir aux autres d’avoir, en mainte occasion, déçu nos rêves, desquels, après tout, ils ne répondaient pas ; tâcher de les considérer, non plus avec un rayon de soleil dans le regard, non pas tout à fait avec le sourcil trop gris d’un Johnson ; ne jamais substituer l’humeur au coloris ; voir enfin, s’il est possible, les œuvres et les hommes sous le jour où nous les offre ce moment présent, déjà prolongé.

827. (1890) L’avenir de la science « XIII »

S’occupant exclusivement de leurs études, ils tiennent tout le reste pour inutile et considèrent comme profanes tous ceux qui ne s’occupent pas des mêmes recherches qu’eux. […] il ne le fait qu’à contrecœur, comme accessoire et accidentellement, parce qu’il considère avec raison l’étude positive, la publication des textes, la discussion philologique comme l’œuvre essentielle et la plus urgente.

828. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mlle de Lespinasse. » pp. 121-142

On déplora fort cette publication indiscrète ; on réprouva la conduite des éditeurs qui déshonoraient ainsi, disait-on, la mémoire d’une personne jusque-là considérée, et qui livraient son secret à tous sans en avoir le droit. […] « Il ne prétend à rien moins, disait La Harpe, qu’à remplacer Turenne, Corneille et Bossuet. » Il serait trop aisé après coup et peu juste de venir faire une caricature de M. de Guibert, de cet homme que tout le monde, à commencer par Voltaire, considéra d’emblée comme voué à la grandeur et à la gloire, et qui a tenu si médiocrement la gageure.

829. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Il me paraît bien certain que, pour peu que la fortune eût continué de la favoriser, et que ses alentours se fussent prêtés à ce rôle qu’elle embrassait naïvement, elle se fût poussée loin avec le conseil de ses voix, et qu’elle ne se considérait point comme uniquement destinée à la levée du siège d’Orléans et à l’accomplissement du sacre de Reims. […] À cette vue, un Troyen savant dans les augures, Polydamas, s’approche d’Hector, et, lui expliquant le sens du présage, lui conseille de s’éloigner de ce camp, qu’il considérait déjà comme sa proie.

830. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

Il en résulta les Lettres sur l’Angleterre (1802), dans lesquelles l’auteur, qui combat l’anglomanie et toutes ses conséquences, avait mêlé des réflexions très vives et très acérées sur la philosophie du xviiie  siècle : il la considérait et la dénonçait comme antipathique à tout établissement social et comme hostile à tout principe stable de gouvernement. […] Par penchant et par habitude, il était encore plus homme de presse qu’il ne l’avait été de consultation et de cabinet : « Comme écrivain, disait-il, entre m’adresser au public ou à un souverain, fût-il dix fois plus élevé que la colonne de la place Vendôme, je n’hésiterai jamais à préférer le public ; c’est lui qui est notre véritable maître. » En laissant dans l’ombre les côtés faibles et ce qui n’est pas du domaine du souvenir, et à le considérer dans son ensemble et sa forme d’esprit, je le trouve ainsi défini par moi-même dans une note écrite il n’y a pas moins de quinze ans : Fiévée, publiciste, moraliste, observateur, écrivain froid, aiguisé et mordant, très distingué ; une Pauline de Meulan en homme (moins la valeur morale) ; sans fraîcheur d’imagination, mais avec une sorte de grâce quelquefois à force d’esprit fin ; — de ces hommes secondaires qui ont de l’influence, conseillers nés mêlés à bien des choses, à trop de choses, meilleurs que leur réputation, échappant au mal trop grand et à la corruption extrême par l’amour de l’indépendance, une certaine modération relative de désirs, et de la paresse ; — travaillant aux journaux plutôt par goût que par besoin, aimant à avoir action sur l’opinion, même sans qu’on le sache ; — Machiavels modérés, dignes de ce nom pourtant par leur vue froide, ferme et fine ; assez libéraux dans leurs résultats plutôt que généreux dans leurs principes ; — sentant à merveille la société moderne, l’éducation moderne par la société, non par les livres ; n’ayant rien des anciens, ni les études classiques, ni le goût de la forme, de la beauté dans le style, ni la morale grandiose, ni le souci de la gloire, rien de cela, mais l’entente des choses, la vue nette, précise, positive, l’observation sensée, utile et piquante, le tour d’idées spirituel et applicable ; non l’amour du vrai, mais une certaine justesse et un plaisir à voir les choses comme elles sont et à en faire part ; un coup d’œil prompt et sûr à saisir en toute conjoncture la mesure du possible ; une facilité désintéressée à entrer dans l’esprit d’une situation et à en indiquer les inconvénients et les ressources ; gens précieux, avec qui tout gouvernement devrait aimer causer ou correspondre pour entendre leur avis après ou avant chaque crise.

831. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

Enfant, dans les voyages presque annuels qu’il faisait à Boulogne-sur-Mer, j’ai eu plus d’une fois le plaisir d’entendre au dessert son odyssée : et, ce qui me frappait déjà chez un homme qu’on était accoutumé à considérer comme un des chefs du parti royaliste et religieux, c’est qu’il ajoutait que dans sa prison, et se croyant à la veille de périr, il avait fait demander et avait lu, comme livre de consolation, les Essais de Montaigne. […] Michaud n’avait jamais considéré sa place de lecteur du roi comme un lien ; il comprenait très bien les conditions de la presse, en ce sens que, pour avoir action sur le public, il ne faut rien accepter du pouvoir.

832. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — I. » pp. 127-148

Quand il s’agira de fonder l’ordre de Cincinnatus, il y sera opposé avec grande raison, mais il ne fera aucune réserve en faveur de la chevalerie, considérée historiquement et dans le passé. […] À cette probité réelle et fondamentale, Franklin tenait aussi à joindre le profit social légitime qui en revient ; mais, en remarquant les petites adresses et les petites industries qu’il mettait à se rendre de plus en plus vertueux au-dedans et à être de plus en plus considéré au-dehors, on ne saurait jamais séparer chez lui l’apparence d’avec la réalité.

833. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

Autre est le son hors de nous, par exemple, et le son en nous, puisque, considéré indépendamment de nous, il se réduit à une vibration de l’air plus ou moins rapide. […] Kant lui-même considérait les figures géométriques comme des synthèses a priori que l’expérience ne peut fournir, mais qui pourtant ne répondent pas, comme le croyait Platon, à des objets réels. — Il est bien vrai, peut-on répondre à Platon et à Kant, que nous construisons par la pensée des figures d’une exactitude parfaite dont l’expérience ne nous montre jamais une complète réalisation, comme une ligne exactement droite ou exactement circulaire ; mais nous n’avons besoin pour cela que de l’abstraction.

834. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse esthétique »

En étendant ce point de vue à toutes les œuvres du genre didactique, il conviendra de considérer le plus attentivement les parties ou l’auteur, quittant la constatation pure et simple des faits, s’adonne à la spéculation, à l’hypothèse, à la métaphysique, c’est-à-dire au raisonnement passionné. […] Que l’on considère encore que toutes les sciences sont soumises à l’influence perturbatrice de l’évaluation personnelle.

835. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Ivan Tourguénef »

Que l’on considère que ces études de pathologie mentale sont écrites par un auteur qui s’entend merveilleusement à décomposer les mouvements d’âme, à manier les sentiments, à percevoir la forme particulière qu’ils revêtent dans l’individu qu’il analyse, à faire entrevoir par le clair-obscur d’un style réticent, par l’indécis des incidents contradictoires, tout le complexe de l’être qu’ils affectent, qui connaît les infinies sinuosités, les étranges mélanges de clarté et d’ombre que présente tout esprit humain, on mesurera ce que les romans de Tourguénef ont de concluant et de propre. […] Il paraît certain, à qui considère les individus seulement, que toute cette agitation de condamnés marchant à l’échafaud, est profondément vaine et que son dénouement est d’une insupportable tristesse.

836. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Émile Zola » pp. 70-104

Le plein développement corporel même, si l’activité cérébrale est atrophiée par les fonctions végétatives et animales, est considéré par M.  […] Faut-il citer toute la psychologie scientifique et toute l’ethnologie pour montrer que c’est rétrograder vers le passé, que de considérer en l’homme l’être instinctif et inconscient de préférence à l’être conscient, pensant, voulant, résolu et moral ?

837. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même »

Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même Après avoir considéré l’histoire de la philosophie dans ses rapports avec l’histoire, il faut maintenant l’observer dans ses rapports avec la philosophie elle-même : c’est le second point de cette étude. […] C’est là un des gains les plus solides et les moins contestables dus à l’étude de l’histoire de la philosophie ; mais si la méthode éclectique est hors de toute contestation sérieuse, en est-il de même de l’éclectisme considéré comme système de philosophie ?

838. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Rapport sur les primes à donner aux ouvrages dramatiques.] » pp. 518-522

Ici, monsieur le ministre, la Commission a pu regretter que le second Théâtre-Français, dont l’objet est de concourir le plus possible avec la première scène française dans les mêmes genres à la fois dramatiques et littéraires, n’eût point obtenu, dans l’arrêté, un article à part qui permît de considérer en elles-mêmes les pièces qui y sont représentées, sans qu’on fût obligé de les comparer avec des ouvrages d’un genre et souvent d’un ordre tout différent.

839. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre V »

Il est donc loisible de le considérer un instant à l’état isolé, en une sorte de monographie des termes médicaux utilisés par les écrivains précédents.

840. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre II. De la philosophie. »

Par une sorte d’abstraction, dont la jouissance est cependant réelle, on s’élève à quelque distance de soi-même pour se regarder penser et vivre ; et comme on ne veut dominer aucun événement, on les considère tous comme des modifications de notre être qui exercent ses facultés et hâtent de diverses manières l’action de sa perfectibilité.

841. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre III. Buffon »

Son esprit de savant accoutumé à considérer l’immensité des périodes géologiques et la lenteur des transformations de l’univers n’avait pas la fièvre, l’impatience, les révoltes, les illusions puériles, les faciles espérances qui échauffaient les esprits de ses contemporains : il ne croyait pas aux brusques renversements qui renouvellent le monde, il ne croyait pas surtout toucher de la main l’ère de la raison universelle et du bonheur parfait.

842. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « George Sand. »

Il y avait, dans notre entêtement à considérer et à peindre le mal, un refus du mieux, un méchant sentiment qui semblait venir du diable.

843. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Contre une légende »

Puis, au lieu de le considérer dans les plus sérieux de ses travaux (qu’ils n’avaient point lus), et notamment dans toute la partie de son œuvre antérieure aux Dialogues philosophiques, les badauds l’ont jugé presque uniquement sur certaines fantaisies, délicieuses d’ailleurs, où il avouait lui-même que son imagination s’était donné carrière.

844. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « La Tolérance »

Perdons l’habitude de considérer comme stupide et comme ennemi quiconque n’entend pas et ne ressent pas le beau tout à fait comme nous, ce beau que, depuis vingt-quatre siècles, les philosophes ne sont pas parvenus à définir proprement.

845. (1890) L’avenir de la science « VII »

Mieux vaut l’humble paysan qui sert Dieu que le superbe philosophe qui considère le cours des astres et se néglige lui-même.

846. (1890) L’avenir de la science « XIV »

Quiconque a pu arrêter un instant sa pensée sur l’espoir de devenir riche, quiconque a considéré les besoins extérieurs autrement que comme une chaîne lourde et fatale, à laquelle il faut malheureusement se résigner, ne mérite pas le nom de philosophe.

847. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XII. Ambassade de Jean prisonnier vers Jésus  Mort de Jean  Rapports de son école avec celle de Jésus. »

Il y donna un grand festin, durant lequel Salomé exécuta une de ces danses de caractère qu’on ne considère pas en Syrie comme messéantes à une personne distinguée.

848. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre II. Bovarysme essentiel de l’être et de l’Humanité »

Délivré de la croyance en une vérité objective, on va maintenant considérer ces mêmes manifestations de l’activité humaine sous le jour de leur efficacité à procurer les fins où l’on voit que l’activité humaine aboutit.

849. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre VIII »

Les uns, en petit nombre, entrés par l’oreille, ont été naturellement francisés puisque leur écriture figurative était ignorée ; celui qui les transcrivit le premier méconnut sans doute leur origine et les considéra comme des termes de métier.

850. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — III »

Nul des sentiments que nous connaissons à Ernest Renan ne nous permet de le considérer comme ayant accepté le catholicisme à un instant quelconque de sa vie intellectuelle.

851. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre II. Comment les nations parcourent de nouveau la carrière qu’elles ont fournie, conformément à la nature éternelle des fiefs. Que l’ancien droit politique des romains se renouvela dans le droit féodal. (Retour de l’âge héroïque.) » pp. 362-370

Les rois vaincus auxquels le peuple romain regna dono dabat (ce qui équivaut à beneficio dabat), pouvaient être considérés comme ses hommes liges ; s’ils devenaient ses alliés, c’était de cette sorte d’alliance que les Latins appelaient fœdus inæquale.

852. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la liberté de l’enseignement »

Depuis Hippocrate jusqu’à nos jours, dans l’école vitaliste, on considérait volontiers la fièvre comme un bienfait des dieux, comme une réaction providentielle contre le principe morbifique. […] Car enfin comment voulez-vous, rien qu’à considérer la composition de cette assemblée, que nous puissions statuer et conclure pertinemment et librement sur de tels sujets ? […] Vous continueriez, en vertu de certains articles positifs de la loi, de réprimer, de prévenir l’expression ouverte, la profession déclarée et la prédication de doctrines philosophiques que vous considérez comme dangereuses et antisociales.

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