Le but moral largement conçu, comme il doit l’être pour la scène française, nous semble être de ce côté.
Il eût été fort possible, par exemple, et l’on conçoit très-bien que Villemain, né en d’autres temps, et venu un peu plus tôt, n’eût jamais parlé, comme il l’a fait, de Shakspeare.
Voici l’article sur Cinq-Mars, tiré du Globe, 8 juillet 1826 : Pendant que Richelieu, vainqueur des grands et des calvinistes au dedans du royaume, et de la maison d’Autriche au dehors, poursuivait tout ensemble, dans cette triple voie de l’organisation intérieure, de la religion et de la politique, les plans tour à tour conçus et ébauchés par Louis XI contre la féodalité, par François Ier contre la réforme, et par Henri IV contre la postérité de Charles-Quint, Louis XIII, indolent et mélancolique, renfermé dans ses maisons de plaisance, cherchait à tromper son ennui par des jeux puérils ; son goût le plus prononcé était d’élever et de dresser des oiseaux.
Sans doute, en le lisant, il est bien vrai qu’on sent naître en soi une idée de nécessité qui subjugue ; dans l’entraînement du récit on a peine à concevoir que les événements aient pu tourner d’une autre façon, et à leur imaginer un cours plus vraisemblable, ou même des catastrophes mieux motivées ; la nature humaine, ce semble, voulait que les choses se passassent dans cet ordre, que les partis se succédassent dans cette génération ; étant donnée chaque crise nouvelle, on dirait qu’on en déduit presque irrésistiblement la suivante, et qu’on procède à chaque instant par voie de conclusion, du présent à l’avenir : non pas, au moins, que dans sa manière purement narrative ; M.
Qu’on éprouve plus ou moins de sympathie pour une tentative, peut-être hasardée, de rénovation poétique, nous le concevons sans peine.
Dans tous les pays, un écrivain capable de concevoir beaucoup d’idées, est certain d’arriver à l’art de les opposer entre elles d’une manière piquante.
Il est heureux, dans la route de la vie, d’avoir inventé des circonstances qui, sans le secours même du sentiment, confondent deux égoïsmes au lieu de les opposer ; il est heureux d’avoir commencé l’association d’assez bonne heure pour que les souvenirs de la jeunesse aidassent à supporter, l’un avec l’autre, la mort qui commence à la moitié de la vie ; mais indépendamment de ce qu’il est si aisé de concevoir sur la difficulté de se convenir, la multiplicité des rapports de tout genre qui dérivent des intérêts communs, offre mille occasions de se blesser, qui ne naissent pas du sentiment, mais finissent par l’altérer.
Il faut qu’on ait appris à concevoir la vie passivement, à supporter que son cours soit uniforme, à suppléer à tout par la pensée, à voir en elle les seuls événements qui ne dépendent ni du sort, ni des hommes.
Quand on lit ses lettres, on est saisi de cette sérénité imperturbable, de cette indifférence aux polémiques et aux passions du temps, de cette régularité laborieuse, de cet esprit d’ordre, qui permirent à Buffon de mener à bonne fin le grand ouvrage qu’il avait conçu.
Renan… Je pourrais ajouter que cet homme « fuyant » a eu la vie la plus harmonieuse, la plus soutenue, la plus une qu’on puisse concevoir ; que cet « épicurien » a autant travaillé que Taine ou Michelet ; que ce grand « je m’enfichiste » (car on a osé l’appeler ainsi) est, au Collège de France, l’administrateur le plus actif, le plus énergique et le plus décidé quand il s’agit des intérêts de la haute science ; que, s’il se défie, par crainte de frustrer l’humanité, des injustices où entraînent les « amitiés particulières » il rend pourtant des services, et que jamais il n’en a promis qu’il n’ait rendus ; que sa loyauté n’a jamais été prise en défaut ; que cet Anacréon de la sagesse contemporaine supporte héroïquement la souffrance physique, sans le dire, sans étaler son courage ; que ce sceptique prétendu est ferme comme un stoïcien, et qu’avec tout cela ce grand homme est, dans toute la force et la beauté du terme, un bon homme… Mais je ne sais s’il lui plairait qu’on fît ces révélations, et je m’arrête.
Fort comme la mort dit un amour « fort comme la mort » en effet, et raconte à la fois le plus noble des drames intérieurs et l’immense tristesse de vieillir Notre Coeur flétrit la femme qui ne sait pas aimer ; et si l’amoureux demande des consolations à l’amour simpliste, tel qu’il était conçu dans les Sœurs Rondoli, il est clair qu’il n’y trouvera plus jamais le repos.
Élargissons nos fronts, comme Renan voulait élargir celui de Pallas-Athéné, pour qu’elle conçût divers genres de beauté.
Un livre ainsi conçu pourrait être un chef-d’œuvre.
Tout est vanité, excepté aimer Dieu et le servir. » Cela est indubitable, si la science est conçue comme une simple série de formules, si le parfait amour est possible sans savoir.
L’Angleterre, je le sais, comme autrefois à quelques égards l’ancienne France, suffit à presque tout par des fondations particulières, et je conçois que, dans un pays où les fondations sont si respectées, on puisse se passer d’un ministre de l’Instruction publique.
On s’imagine facilement la haine que la petite-fille d’Hérode le Grand dut concevoir contre ce conseiller importun.
Je conçois que M.
Le vœu de l’existence phénoménale conçu comme un désir de possession de soi-même dans la connaissance. — II.
Mais si le siècle de Louis XIV a conçu les idées libérales 167, pourquoi donc n’en a-t-il pas fait le même usage que nous ?
Toutefois on aurait dû remarquer qu’il y a deux sortes de clartés : l’une tient à un ordre vulgaire d’idées (un lieu commun s’explique nettement) ; l’autre vient d’une admirable faculté de concevoir et d’exprimer clairement une pensée forte et composée.
Peut-être pensoit-il aussi qu’en assistant à ces combats, on conçut le mépris de la vie qui avoit rendu le soldat des legions plus déterminé que celui des phalanges dans les guerres, où son pere Antiochus Le Grand et Philippe roi de Macedoine avoient été battus par les romains.
Le noir qui a conçu les guinné comme semblables aux hommes, au point de vue du caractère, imagine de même les animaux organisés en société semblable à la sienne mais il n’a pas pour but, en adoptant cette conception, de railler, sous un voile d’allégorie, la constitution du groupement social dont il fait partie.
On ne peut concevoir l’influence que ces panégyriques guerriers avaient sur ces peuples.
) Ce n’est pas, messieurs, que je ne conçoive qu’il y ait, pour les politiques eux-mêmes, des doctrines philosophiques plus acceptables, plus désirables que d’autres ; mais ces doctrines-là, si vous prétendez les imposer et les exiger, vous les ferez fuir et vous ne réussirez qu’à obtenir leurs contraires. […] Or, c’est sous l’empire de cette philosophie de montre, trop docilement acceptée de l’Université, que semble avoir été conçu et motivé l’arrêté ministériel. […] Ainsi pas un mot de blâme, quoiqu’on vécût sous le Gouvernement religieux de la Restauration ; personne alors, personne au monde n’eût conçu l’idée qu’une pareille thèse pût être repoussée, encore moins cassée ministériellement, et elle devint un des titres qui désignèrent à l’avance le jeune et brillant physiologiste pour une des futures chaires de l’École.
Ce ne sont pas les lois ordinaires du roman conçu, médité, écrit par un écrivain consciencieux et humain ; c’est le procédé d’un dieu de la plume, d’un possédé de la verve, qui se dit à soi-même : « À quoi bon composer du vraisemblable ? […] Moi-même, à peu près vers le même temps où Hugo concevait son épopée des Misérables, ce retentissement du gémissement des choses humaines résonnait dans mon cœur, et j’écrivais aussi, non un livre entier, non un livre dogmatique, mais un épisode de toutes ces misères résumées en moi. […] XV Quoi qu’il en soit, les Misérables de Victor Hugo sont sortis, comme un coup de foudre contre la société mal faite, de cette préméditation de vingt ans, faisant maudire et haïr, au lieu d’en sortir comme une commisération secourable, faisant pleurer, plaindre et bénir, ainsi que j’avais de mon côté conçu mon triste sujet.
Vous qui avez perdu une femme adorée, vous pouvez concevoir ce que je sens. […] VI Dans le même temps elle se ressouvint de l’ancienne amitié qu’elle avait conçue, en 1792, pour la femme du premier consul, qui fut plus tard l’impératrice Joséphine Beauharnais. […] J’aurais plutôt conçu le ressentiment en 1814 qu’en 1815 ; mais alors on craignait encore le colosse abattu, et après Waterloo c’en était fait.
Un des amis de la famille, M. de Caumartin, lui donna asile dans le château de Saint-Ange, aux environs de la forêt de Fontainebleau ; il y conçut dans la solitude le plan d’un poëme épique, la Henriade. […] La tragédie de Mahomet, ainsi conçue, n’aurait rien perdu en intérêt, elle aurait gagné en vérité, en héroïsme et en enthousiasme. […] XI Ce fut dans un intervalle d’études, d’inspirations tragiques, de loisirs et d’amours, que Voltaire conçut et ébaucha le poëme facétieux de la Pucelle d’Orléans, son crime d’imagination et de badinage.
La Cloche est presque uniquement du décor ; mais un décor conçu et exécuté originalement. […] Mais l’habitude funeste des mêmes créations nous a fait perdre la conscience joyeuse de notre pouvoir créateur ; nous avons cru réels ces rêves que nous enfantions, et ce moi personnel, limité par les choses, soumis à elles, que nous avions conçu. […] Aux peintres bientôt, comme aux littérateurs, leur art dut paraître insuffisant pour créer toute la vie qu’ils concevaient.
La sensation n’est donc point, primitivement, une sorte de signe intellectuel, de symbole proposé par la nature à la pensée, comme la conçoivent avec Platon les écoles intellectualistes ; elle est un signe en quelque sorte vital, un symptôme de santé ou de malaise, ayant pour objet essentiel non la spéculation, mais l’action, le vouloir, la force et le mouvement. […] Le sentiment de transition entre deux états, auquel se ramène psychologiquement le sentiment de relation, peut être conçu de deux manières : ou bien il est une union rapide et momentanée des deux états originaires, ou bien il est un troisième état ayant sa qualité spécifique et sa quantité. […] J’arrive à concevoir d’autres êtres sentant et voulant comme moi, d’autres séries de sensations et d’appétitions se déroulant, comme les miennes, sous un crâne.
Voilà les deux grands faits politiques qui étaient en train et de s’achever et de se faire reconnaître au cours du xviiie siècle, Comme il arrive toujours, ces deux faits, à être conçus par les hommes, devenaient des sentiments. […] Avec eux nous étudierons, dans un autre volume, un nouvel aspect de ce siècle. — Quant aux conclusions générales sur la marche intellectuelle et morale du siècle entier, on conçoit, si jamais nous avons l’impertinence d’essayer de les dégager, que nous attendions la fin de ces études pour nous y risquer. […] Il y a une infinité de choses vraies et justes qui ne doivent pas être dites et encore moins écrites Pratiquées par le souverain, ces choses sont des bienfaits de la royauté ; mises dans la loi, elles ne sont que des armes des partis ; si la nation (russe) venait à comprendre nos perfides nouveautés et à y prendre goût, concevait l’idée de résister à toute révocation ou altération de ce qu’elle appellerait ses privilèges constitutionnels… je n’ai point d’expression pour vous dire ce qu’on pourrait craindre. […] Personne n’a plus fortement conçu ni plus vivement senti l’idée de patrie. […] C’est le cas de Constant ; d’un désir ardent d’être maître de soi qui n’était qu’avivé par le sentiment de ses dépendances involontaires, est né le système d’individualisme extrême le plus hardi qui pût être conçu par un homme intelligent.
Un roman qui n’est pas conçu selon un ordre de composition organique, comme une pièce de théâtre, est-il nécessairement inférieur ? […] Il est conçu en allégorie, traité en symbole. […] Jocelyn, qui est chez nous le chef-d’œuvre de l’épopée familière, a été conçu comme une œuvre symboliste. […] La grande guerre ne se conçoit que comme un fait historique, et un fait n’est historique vraiment que s’il a un avant et un après, s’il possède ses trois dimensions. […] Et on conçoit fort bien, et même on doit concevoir une suite indéfinie de récits dont chacun apporterait un éclairage nouveau et impliquerait peut-être une autre réponse.
Cette âme profonde ne conçoit point de milieu. […] Seulement, elle se figure que cette sincérité est de la même espèce que la sienne, de la seule espèce qu’elle puisse concevoir. […] Réellement, elle ne conçoit pas que l’aveu ne suffise point. […] Ce n’est pas l’Ouvrier qui a conçu, mais c’est lui qui a fait, pétri, façonné, taillé, ciselé, agencé l’Exposition et ses merveilles. […] eux surtout) ou ne conçoivent Dieu en aucune façon, ou le conçoivent ainsi.
De quelque façon que l’on conçoive la vie, et la connût-on pour le rêve d’un rêve, on vit. […] On conçoit que de tels diplômes seraient avantageux pour le bon ordre et la régularité de la gloire. […] J’avoue qu’il m’est impossible de concevoir une meilleure organisation de la vie future. […] La jeune fille en concevait un douloureux étonnement. […] Jules Barbier de n’avoir pas conçu son ouvrage sur ce plan.
De même il me plaît de voir Sévère plus finement philosophe, plus détaché et plus curieux que Corneille ne l’a conçu. […] Baudry paraît d’une bonté plus qu’humaine, prend les proportions d’une figure symbolique conçue a priori. […] On dirait qu’ils ont tous été conçus a priori. […] Mais un homme qui ne soit que Parisien, mais le Parisien absolu, je ne l’ai jamais rencontré et je ne puis même le concevoir. […] C’est moi qui ai conçu la chose, c’est moi qui l’ai exécutée.
Mahomet dira : « Je vis une chose si grande que la langue ne peut l’expliquer ni l’imagination la concevoir. […] Jamais aucun des précurseurs chrétiens de Dante n’eût pu concevoir que l’épisode culminant d’un voyage d’outre-tombe fut la rencontre du voyageur avec sa fiancée morte avant lui. […] Je pourrais à la rigueur concevoir un Racine, un Corneille, un Shakespeare, un Lope de Vega, un Calderon uniquement romanciers ou poètes épiques ou poètes lyriques ; mais il nous est impossible de concevoir Molière, à n’importe quelle époque de l’histoire où nous le placions, écrivant autre chose que des comédies. […] Un vrai catholique eût autrement conçu Notre-Dame de Paris et n’aurait pas écrit le fameux chapitre : Ceci tuera cela. […] La passion qu’il a conçue est de celles qui peuvent mener à tous les genres de folie et de désespoir.
Faut-il donner notre avis sur cette façon de concevoir la critique ? […] Je pardonne pourtant plus volontiers à l’artiste d’être exclusif : un artiste vaut encore par sa façon originale de concevoir les choses, fût-elle exagérée et partant à demi fausse. […] Reconnaissez-vous à tous ces traits l’ami de la beauté sobre, telle que la Grèce ancienne l’a conçue et réalisée ? […] Adaptez-le au goût de notre temps et de notre pays ; vous faites de son œuvre je ne sais quoi d’hybride et d’équivoque qui reste tiraillé entre deux façons opposées de concevoir la vie. […] Il y a bien des façons de concevoir la critique.
L’humanité primitive a-t-elle conçu le tabou de la même manière que les « primitifs » d’aujourd’hui ? […] Comme notre science élargit de plus en plus le champ de notre prévision, nous concevons à la limite une science intégrale pour laquelle il n’y aurait plus d’imprévisibilité. […] Si l’intelligence primitive avait commence ici par concevoir des principes, elle se fût bien vite rendue à l’expérience, qui lui en eût démontré la fausseté. […] Il va sans dire que la religion, ainsi conçue, s’oppose alors à la magie. […] Plus tard, quand la religion se sera élevée jusqu’à ces grands personnages que sont les dieux, elle pourra concevoir les esprits à leur image : ceux-ci seront des dieux inférieurs ; ils paraîtront alors l’avoir toujours été.
Je ne puis entrer ici dans les détails nécessaires pour en prouver toute l’importance ; mais si nous parvenons, en un laps de temps assez court, à donner l’élégance du port et la beauté du plumage à nos Coqs Bantam, d’après le type idéal que nous concevons pour cette espèce, je ne vois pas pourquoi les femelles des oiseaux, en choisissant constamment, durant des milliers de générations, les mâles les plus beaux ou ceux dont la voix est la plus mélodieuse, ne pourraient produire un résultat semblable. […] Quelque lent que soit pourtant le procédé de sélection, si l’homme peut faire beaucoup par ses faibles moyens artificiels, je ne puis concevoir aucune limite à la somme des changements qui peuvent s’effectuer dans le cours successif des âges par le pouvoir sélectif de la nature, de même qu’à la beauté ou à la complexité infinie des mutuelles adaptations des êtres organisés, les uns par rapport aux autres, et par rapport à leurs conditions physiques d’existence. […] Il est aisé de concevoir, du reste, que toute forme qui n’est plus représentée que par un petit nombre d’individus, exposés à des fluctuations inévitables dans la rigueur des saisons et dans le nombre de leurs ennemis, doit courir plus de chances qu’une autre d’être entièrement exterminée. […] Une modification faite par l’auteur à ce paragraphe nous a conduit à supprimer ici une note de notre première édition dont le texte, par suite d’une première modification de l’auteur à la troisième édition anglaise, était ainsi conçu : « C’est un fait d’autant plus remarquable qu’en automne elle visite souvent les champs de Trèfle rouge, attirée qu’elle est par une certaine sécrétion qu’elle trouve entre les fleurs, mais sans jamais tenter de sucer les fleurs elles-mêmes. » Dans le texte de la troisième édition anglaise, on lisait au contraire : « La différence de longueur de la corolle qui détermine, ou prévient les visites de l’Abeille domestique doit être bien petite, car on m’a informé que, lorsque le le Trèfle rouge a été fauché, les fleurs de la seconde coupe sont un peu plus petites ; et ces dernières sont fréquemment visitées par nos Abeilles. » Trad. […] On conçoit combien souvent, du reste, en pareille matière, ce terme peut rendre une idée fausse, ainsi une espèce peut paraître indigène dans sa patrie natale par suite de sa rapide extension en d’autres contrées ; par contre, une espèce peut paraître aborigène en une contrée, par suite seulement de son extinction ou de son existence inconnue dans sa vraie patrie d’origine.
» On conçoit parfaitement que M. […] Je ne conçois pas comment M. […] Le néant peut très bien exister en tant que néant : le non-être n’est pas un être, c’est entendu ; mais nous pouvons concevoir la non-existence, puisque certains métaphysiciens conçoivent même celle de Dieu. […] Il répondra peut-être que concevoir n’est pas comprendre. […] Cette moderne paraphrase de l’antique est vigoureusement conçue.
Il fallait un certain degré d’abstraction pour concevoir la forme et la couleur séparées. […] L’art peut tout imiter dans la nature, il peut reproduire tout ce qu’il est donné à l’homme de sentir et de concevoir, excepté la vie. […] La raison humaine devient un instant pareille chez l’artiste à ce qu’elle est dans le Créateur, dans cet esprit qui ne saurait rien concevoir en dehors des lois de l’être et qui donne l’être à tout ce qu’il conçoit. […] Ainsi conçu, néanmoins, c’est un élément essentiel du génie poétique ; il fait partie du sentiment de l’ordre que personne ne songe à retrancher de la notion du beau. […] Le langage est distinct de la parole ; il est à la parole ce que les phénomènes sont à la substance, ce que la parole elle-même est à l’esprit qui le conçoit.
Il est fatal que les œuvres faites déterminent — partiellement — les œuvres à faire : elles sont nécessairement conçues comme modèles à suivre, ou à ne pas suivre. […] Estimé des ministres, présenté au roi, en commerce avec des cardinaux, honoré de brefs du Saint-Père, il n’en conçut pas un mouvement d’amour-propre ni un souffle d’ambition. […] n’est-ce pas plutôt que le genre, ou mieux l’exercice de la tragédie, tel qu’il le concevait d’après ses maîtres, ne comportait aucun emploi de l’observation psychologique ? […] Subtilité apparente, facile pourtant à concevoir. […] Qui nous empêchera de concevoir un cinquième tome, ou bien cinq, dix, douze épisodes nouveaux à intercaler au milieu des quatre premiers ?
Il a voulu que son premier livre notable ait été conçu tragiquement et avec fracas. […] Cela paraît bien prouver que Rousseau n’avait d’abord conçu que les deux premières parties de Julie, qu’il ne les avait conçues que comme un roman d’amour, et que les intentions moralisatrices ne lui vinrent qu’après coup. […] Nous ne pouvons plus bien concevoir l’effet que produisit la Julie. […] Le Contrat est donc le seul ouvrage de Rousseau (avec les Rêveries) qui n’ait pas été conçu et écrit sous le coup de la passion. […] Et cela ne se conçoit même pas.
Celui qui n’en serait pas saisi concevrait-il la portée des sujets épiques, et par quels graves caractères ils intéressent tous les peuples à la fois ? […] On conçoit comment il explique l’épopée purement morale ou pathétique, et pourquoi il en fait des espèces distinctes. […] Virgile a conçu et exécuté son Énéide, ainsi que Valérius Flaccus son Argonautique, d’après l’observation des mêmes lois. […] Qui ne conçoit nettement sous ces images la résistance qu’un grand fleuve oppose au passage des troupes, et la protection qu’en reçoivent celles qui le défendent. […] Théose, premier Dieu de cette nation imaginaire, est l’Être-Suprême, que je me gardai bien de figurer, persuadé que l’homme ne conçoit plus l’immensité de l’Éternel, dès qu’il se le peint à son image.
Une vue métaphysique, c’est-à-dire non démontrée scientifiquement, nous fait seule concevoir la totale unité du cosmos. […] Or, le legs, conçu comme un droit essentiel du propriétaire, la faculté de transmettre ce que l’on lègue ainsi, sous conditions. […] Conçu dans l’anxiété civique, il continue de représenter ce sentiment à travers les différences de siècles et de patries. […] Si tout est démesuré dans un roman tel que le conçoit Victor Hugo, rien n’y est médiocre. […] Lorenzaccio fut conçu à Florence et exécuté à Venise, au cours même du funeste voyage.
La nature du phénomène reste moins évidente chez le peintre qui conçoit l’idée d’un tableau ou chez le romancier en qui s’ébauche l’embryon d’un roman. […] Davaine conçut l’hypothèse qui attribue à la bactérie la maladie et la contagion2. […] L’affabulation à mettre là-dedans me faisait si peu, que quelques jours avant de me mettre à écrire le livre, j’avais conçu Madame Bovary tout autrement. […] Zola est arrivé à concevoir suffisamment son roman pour terminer son ébauche. […] Ils conçoivent parfois vivement, leur imagination brille et s’éteint vite.
L’interprétation complète du mouvement évolutif dans le passé, tel que nous le concevons, ne serait possible que si l’histoire du monde organisé était faite. […] Et l’on en dirait autant de la relation générale que le verbe exprime, relation si immédiatement conçue par l’esprit que le langage peut la sous-entendre, comme il arrive dans les langues rudimentaires qui n’ont pas de verbe. […] Quant à la matière, on choisit celle qui convient le mieux ; mais, pour la choisir, c’est-à-dire pour aller la chercher parmi beaucoup d’autres, il faut s’être essayé, au moins en imagination, à doter toute espèce de matière de la forme de l’objet conçu. […] Un milieu de ce genre n’est jamais perçu ; il n’est que conçu. […] Mais on peut concevoir une recherche orientée dans le même sens que l’art et qui prendrait pour objet la vie en général, de même que la science physique, en suivant jusqu’au bout la direction marquée par la perception extérieure, prolonge en lois générales les faits individuels.
Je reviendrai, en finissant, sur la manière dont je conçois une édition de Gui Patin ; commençons d’abord par nous former de lui une idée bien précise. […] Après quelques années de pratique en province, à Loudun18, il conçut de bonne heure le projet d’établir à Paris un centre d’information et de publicité.
Feugère, je tiens à faire équitablement entre eux la part, telle que je la conçois. […] La Fontaine, au contraire, semble avoir conçu l’amitié aussi vive que l’amour, et il les a quelquefois mêlés par une sorte de confusion charmante.
En définissant le genre de talent de La Motte, il va nous définir une partie de son talent à lui-même, ou du moins de son idéal le plus sévère, tel qu’il le conçoit : L’expression de M. de La Motte, dit-il, ne laisse pas d’être vive ; mais cette vivacité n’est pas dans elle-même, elle est toute dans l’idée qu’elle exprime ; de là vient qu’elle frappe bien plus ceux qui pensent d’après l’esprit pur, que ceux qui, pour ainsi dire, sentent d’après l’imagination. […] Il préfère à tout ce qui est plan et projet conçu dans le cabinet les idées fortuites nées à l’occasion, notées, prises sur le fait dans la vie du monde ; mais ces idées que lui suggère l’observation de chaque jour, il faut voir comme il les traduit dans son langage, même quand il les prête aux autres ou qu’il les met dans la bouche de ses personnages.
Sa profession de foi sur la Révolution française est simple, elle est celle d’un croyant : il pense que la Providence s’en mêle soit directement, soit indirectement, et par conséquent il ne doute pas que cette Révolution n’atteigne à son terme, « puisqu’il ne convient pas que la Providence soit déçue et qu’elle recule » : En considérant la Révolution française dès son origine et au moment où a commencé son explosion, je ne trouve rien à quoi je puisse mieux la comparer qu’à une image abrégée du Jugement dernier, où les trompettes expriment les sons imposants qu’une voix supérieure leur fait prononcer, où toutes les puissances de la terre et des cieux sont ébranlées… Quand on la contemple, cette Révolution, dans son ensemble et dans la rapidité de son mouvement, et surtout quand on la rapproche de notre caractère national, qui est si éloigné de concevoir et peut-être de pouvoir suivre de pareils plans, on est tenté de la comparer à une sorte de féerie et à une opération magique ; ce qui a fait dire à quelqu’un qu’il n’y aurait que la même main cachée qui a dirigé la Révolution, qui pût en écrire l’histoire. […] Je conçois que ces points-là ont pu nuire à mes ouvrages, parce que le monde ne s’élève pas jusqu’au degré où, s’il était juste, il trouverait abondamment de quoi se calmer et me faire grâce, au lieu qu’il n’est pas même assez mesuré pour me faire justice.
Il rêvait mieux, même dans son état de faiblesse ; il avait conçu cette fois l’idée du siège de Landau, qu’il savait, à un moment, dégarni d’artillerie et qu’il comptait prendre en dix jours, lorsque la nouvelle du désastre de Ramillies vint tout arrêter. […] En Italie, il lui faudrait tout d’abord entrer dans un système de guerre qu’il n’a pas conçu et qui n’est pas le sien : Présentement M. le duc de Vendôme a fait toutes ses dispositions, lesquelles je crois être très sages ; mais, quelque respect que j’aie pour ses projets, chacun a sa manière de faire la guerre, et j’avoue que la mienne n’a jamais été de vouloir tenir par des lignes vingt lieues de pays… Encore une fois, monsieur, si quelque chose allait mal en Italie, j’y volerais… Il n’y a qu’à conserver ; et si Sa Majesté, qui m’a dit autrefois elle-même et avec bonté les défauts qu’elle me connaissait, a bien voulu les oublier dans cette occasion, il est de ma fidélité de les représenter.
Royer-Collard, on le conçoit, était comme une position respectable qu’il importait d’occuper pour couvrir tout le développement de la philosophie éclectique ; M. […] Pasquier s’y était refusé par des raisons de convenance politique, et où il s’autorisait même de son avenir d’homme public pouvant être utile au roi ; ce refus avait un peu étonné et piqué Louis XVIII, qui avait dit : « Concevez-vous M.
C’est dans son voyage de Syrie qu’Horace Vernet paraît avoir conçu pour la première fois ses idées sur l’immobilité de l’Orient et sur les applications qu’on en pouvait tirer à la peinture ; il lui arriva alors une chose rare, unique dans sa vie : il eut un système, il fit une théorie. […] Il n’y aurait qu’un moyen, ce serait de produire, à l’appui, des tableaux conçus dans ce nouveau système de vérité et de réalité, mais des tableaux chefs-d’œuvre qui fissent reculer et pâlir les anciens et qui les remplaçassent en définitive dans l’imagination des hommes.
Si quelqu’un des sujets de son père va lui faire de ces protestations dont on use ordinairement avec les princes, il les reçoit, et, le prenant à part, il le force à jurer, en un livre, qu’il le suivra dans toutes les guerres où il ira ; il le contraint ensuite à accepter à l’instant même quelque présent. » L’excellent précepteur, avec son De Officiis fut de tout temps impuissant, on le conçoit, à modérer la fougue de ce jeune poulain vicieux de nature. […] En arrivant à Tolède, la nouvelle reine fut reçue par don Carlos, et, à la vue de ce jeune prince déjà malade de la fièvre et tout exténué, cette jeune femme fut saisie d’un mouvement de compassion et de tendre pitié qui se peignit sur son visage et dans son regard : don Carlos le sentit, fut touché de son accueil, et « dès ce moment il conçut pour elle des sentiments de respect et de déférence qui ne se démentirent jamais depuis. » C’est à cette limite qu’il convient de s’arrêter, et rien de ce que les romanciers et poètes ont imaginé d’un sentiment mutuel entre la reine et son beau-fils n’a le moindre fondement ni même le moindre prétexte historique.
Rien ne relève ce jeune homme comme ces deux femmes qui se disputent son cœur. » La remarque est vraie, mais il n’est pas étonnant toutefois que l’infante, chez Corneille, à la représentation, paraisse inutile, puisque dans la pièce, telle même qu’il l’a conçue, tout tend à la rapidité et au plus grand effet par le resserrement. […] Ce rôle de l’infante qui, vers la fin, a perdu sa mère, qui n’est pas aimée de son frère, qui voudrait un tout petit royaume à elle, a, dans la pièce espagnole, une réalité qui disparaît dans la réduction analytique de Corneille, et l’on conçoit dès lors que, dans ce système de coupures et d’éviter à tout prix les longueurs, qui est ou était le nôtre, on n’ait pas résisté, bien qu’à tort peut-être, à la tentation de le supprimer.
Mme Champagneux, qui avait conçu pour lui une grande estime d’après la lecture de certaines pages traitant de sujets religieux et tout à fait étrangères à l’histoire de la Révolution, avait fait acte d’amitié en lui confiant le manuscrit maternel qui, depuis la première édition des Mémoires par Rose, était rentré entre ses mains et était demeuré caché à tous les yeux dans les archives intimes de la famille : « Grâce à cette intéressante communication, nous dit M. […] Faugère, de vouloir écrire ses dernières pensées, conçues pendant le trajet même ; qu’elle ait demandé du papier, une plume et de l’encre au pied de l’échafaud, qu’elle se soit exposée à ce refus, c’est impossible, c’est contradictoire, c’est petit, c’est puéril.
Je conçois les colères des vaincus, je les excuse et je les respecte et je sais tel collègue de M. […] Et pourtant je sens la force ou plutôt l’agrément des raisons qu’on m’oppose ; je le sens si bien, que je suis tenté parfois de m’y associer et de pousser aussi mon léger soupir ; tout en marchant vers l’avenir, je suis tout prêt cependant, pour peu que j’y songe, à faire, moi aussi, ma dernière complainte au passé en m’écriant : Où est-il le temps où, quand on lisait un livre, eût-on été soi-même un auteur et un homme du métier, on n’y mettait pas tant de raisonnements et de façons ; où l’impression de la lecture venait doucement vous prendre et vous saisir, comme au spectacle la pièce qu’on joue prend et intéresse l’amateur commodément assis dans sa stalle ; où on lisait Anciens et Modernes couché sur son lit de repos comme Horace pendant la canicule, ou étendu sur son sofa comme Gray, en se disant qu’on avait mieux que les joies du Paradis ou de l’Olympe ; le temps où l’on se promenait à l’ombre en lisant, comme ce respectable Hollandais qui ne concevait pas, disait-il, de plus grand bonheur ici-bas à l’âge de cinquante ans que de marcher lentement dans une belle campagne, un livre à la main, et en le fermant quelquefois, sans passion, sans désir, tout à la réflexion de la pensée ; le temps où, comme le Liseur de Meissonier, dans sa chambre solitaire, une après-midi de dimanche, près de la fenêtre ouverte qu’encadre le chèvrefeuille, on lisait un livre unique et chéri ?
Joubert ; il l’embrassait dans toute sa profondeur, et, je dirai, dans sa plus séduisante beauté : sans avoir besoin de le poursuivre sur les nuages de l’Allemagne, son imagination antique le concevait naturellement revêtu de tout ce premier brillant que lui donna la Grèce : « Je n’aime la philosophie et surtout la métaphysique, ni quadrupède, ni bipède : je la veux ailée et chantante. » En littérature, les enthousiasmes, les passions, les jugements de M. […] Voici comment je le conçois : il est sûrement composé de la substance la plus pure et a de hauts enfoncements ; mais ils ne sont pas tous égaux.
Il ne paraît pas soupçonner combien ce jeune Anacharsis, qu’il appelle un Scythe glacé , dut paraître agréable à son début ; et quand il fait de celui qui conçut cet ingénieux ouvrage un vieil abbé, membre de l’Académie des Inscriptions, il méconnaît l’hôte spirituel de Chanteloup, le savant supérieur qui, entre autres choses, savait vivre, savait écrire et causer. […] Je conçois le sentiment de discrétion et de délicatesse qui fait qu’on hésite à toucher à de vieilles blessures et à remuer les cicatrices d’un cœur ; mais ce mot humilier en pareil cas n’est pas français : tant que la dernière source, la dernière goutte du vieux sang de nos pères n’aura pas tari dans nos veines, tant que notre triste pays n’aura pas été totalement régénéré comme l’entendent les constituants et les sectaires, il ne sera jamais humiliant pour un homme, même vieux, d’avoir aimé, d’avoir été aimé, fût-ce dans un moment d’erreur.
Il trouve aux portes de la ville la noblesse, le clergé, les officiers de justice, quatre mille bourgeois sous les armes, et conçoit nettement, une fois pour toutes, qu’il n’est point de la même pâte que les autres hommes. […] Jadis, quand j’étais beaucoup plus jeune, je concevais mal ce génie-là ; je n’en saisissais point la beauté propre.
Ils s’attachent au général plus qu’au particulier ; ils cherchent dans l’individuel ce qui est universel ; ils conçoivent une sorte d’homme abstrait et éternel, qui est, pour ainsi dire, hors du temps et de l’espace et qui ne se modifie jamais qu’en apparence. […] Une dernière preuve de ce dédain pour ce qui est purement individuel, c’est la façon dont on conçoit alors l’histoire.
Toutefois entendons-nous : si, d’une part, la seule Science ne peut produire que d’habiles amateurs, — grands détrousseurs de « procédés », de mouvements et d’expressions, — consommés, plus ou moins, dans la facture de leurs mosaïques, — et, aussi, d’éhontés démarqueurs, s’assimilant, pour donner le change, ces milliers de disparates étincelles qui, au ressortir du néant éclairé de ces esprits, n’apparaissent plus qu’éteintes, — d’autre part, la foi, seule, ne peut produire et proférer que des cris sublimes qui, faute de se concevoir eux-mêmes, ne sembleront au vulgaire, hélas, que d’incohérentes clameurs : — il faut donc à l’Artiste-véritable. à celui qui crée, unit et transfigure, ces deux indissolubles dons : la Science et la Foi. — Pour moi, puisque vous m’interrogez, sachez qu’avant tout je suis chrétien, et que les accents qui vous impressionnent en mon œuvre ne sont inspirés et créés, en principe, que de cela seul. […] Perron a donné à Wolfram une signification extraordinaire : ce rôle, le plus noble et le plus élégant (un souvenir du Don Ottavio de Don Juan) de tous ceux qu’a conçus le génie de Wagner, a trouvé en lui un digne interprète, surtout dans l’air du concours.
Comment un esprit si net et si lucide autrefois, a-t-il pu concevoir cet être impossible, moitié monstre et moitié fantoche, et qu’on dirait issu du commerce incestueux de M. […] Cette pièce mal conçue est une pièce mal faite.
On conçoit qu’il était digne d’être à la fois le Molière, le Descartes et le Pythagore du royaume de Lilliput. […] Si vous voulez étudier dans un parfait modèle, et comme à la loupe, l’égoïsme mignon, le despotisme fantasque et coquet d’une princesse du sang d’autrefois, l’impossibilité naïve où elle est de concevoir au monde autre chose qu’elle-même, allez à Sceaux : vous y verrez tous ces gros défauts en abrégé et en miniature, comme on voit de gros poissons rouges s’agitant au soleil dans un bocal transparent.
Tout ce chapitre « De la conversation » est très bien observé ; et, après avoir parcouru les différents défauts d’une conversation, Cilénie ou Valérie, ou plutôt l’auteur, dans un résumé qui n’a d’inconvénient que d’être trop exact et trop méthodique, conclut que, pour ne pas être ennuyeuse, pour être à la fois belle et raisonnable, la conversation doit ne point se borner à un seul objet, mais se former un peu du tout : Je conçois, dit-elle, qu’à en parler en général, elle doit être plus souvent de choses ordinaires et galantes que de grandes choses : mais je conçois pourtant qu’il n’est rien qui n’y puisse entrer ; qu’elle doit être libre et diversifiée selon les temps, les lieux et les personnes avec qui l’on est ; et que le secret est de parler toujours noblement des choses basses, assez simplement des choses élevées, et fort galamment des choses galantes, sans empressement et sans affectation.
On conçoit le travail et l’effort de renouvellement qui dut se faire dans l’esprit de Mme Necker en présence de ce monde tout nouveau, surtout quand le cercle de ses relations se fut de plus en plus agrandi, à mesure que M. […] Forte de son exemple, des vertus et de la religion de toute sa vie, elle vient plaider pour l’indissolubilité du mariage ; elle ne conçoit pas qu’on livre ainsi une institution fondamentale à la merci des caprices humains et des attraits : Car le premier attrait de la jeunesse n’est, dit-elle, qu’un premier lien qui soutient deux plantes nouvellement rapprochées jusqu’à ce qu’ayant pris racine l’une à côté de l’autre, elles ne vivent plus que de la même substance. — Dans l’âge mûr, pense-t-elle délicatement, la femme qui doit plaire le plus est celle qui nous a consacré sa jeunesse.
« Il est bon, avait-il dit, de ne pas donner trop de vêtements à sa pensée ; il faut, pour ainsi dire, voyager dans les langues, et, après avoir savouré le goût des plus célèbres, se renfermer dans la sienne. » Rivarol ne s’y renferma que pour l’approfondir, et, dès ce temps, il conçut le projet d’un Dictionnaire de la langue française, qu’il caressa toujours en secret à travers toutes les distractions du monde et de la politique, auquel il revint avec plus de suite dans l’exil, et dont le Discours préliminaire est resté son titre le plus recommandable aux yeux des lecteurs attentifs. […] Or, l’esprit est le côté partiel de l’homme ; le cœur est tout… Aussi la religion, même la plus mal conçue, est-elle infiniment plus favorable à l’ordre politique, et plus conforme à la nature humaine en général, que la philosophie, parce qu’elle ne dit pas à l’homme d’aimer Dieu de tout son esprit, mais de tout son cœur : elle nous prend par ce côté sensible et vaste qui est à peu près le même dans tous les individus, et non par le côté raisonneur, inégal et borné, qu’on appelle esprit.
On conçoit donc que Mme de Sévigné, le revoyant au sortir de cet exil, s’entretînt avec lui du malheur dont il était plein. […] Cet agréable épisode des Mémoires de Choisy était connu dès le milieu du xviiie siècle, et je conçois que, sur cet aperçu, on ait eu envie de lire les vrais Mémoires de Cosnac.