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836. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

Cette fiction charmante, qui touche au caractère moral de la musique et à la constitution physique de l’échelle sonore, contient des vérités fondamentales qui ont été confirmées depuis par des expériences plus rigoureuses et entrevues dans l’antiquité par Pythagore. […] La charmante Thaïs s’asseyait à ses côtés, belle comme une fiancée d’Orient, dans toute l’orgueilleuse fleur de la jeunesse et de la beauté. […] Il était né à Salzbourg, charmante petite ville allemande qui tient plus du Tyrol que de la Germanie par le site, par la physionomie, par les mœurs et par la langue. […] Ces charmantes lettres sont le commentaire des notes les plus gaies ou les plus pathétiques du jeune artiste.

837. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

On sent que c’était murmurer à demi-voix, en plein jour, en beau soleil de trois heures après midi ; chaste et pur comme un rayon d’été ou comme le regard ravissant et respecté de cette charmante femme de votre meilleur ami, épars sur ce groupe de ses beaux enfants à peine éclos. […] Mais comme au lac profond et sur son limon noir Le ciel se réfléchit, vaste et charmant à voir, Et, déroulant d’en haut la splendeur de ses voiles, Pour décorer l’abîme y sème les étoiles, Tel dans ce fond obscur de notre humble destin Se révèle l’espoir de l’éternel matin ; Et quand sous l’œil de Dieu l’on s’est mis de bonne heure, Quand on s’est fait une âme où la vertu demeure ; Quand, morts entre nos bras, les parents révérés Tout bas nous ont bénis avec des mots sacrés ; Quand nos enfants, nourris d’une douceur austère, Continueront le bien après nous sur la terre ; Quand un chaste devoir a réglé tous nos pas, Alors on peut encore être heureux ici-bas ; Aux instants de tristesse on peut, d’un œil plus ferme, Envisager la vie et ses biens et leur terme, Et ce grave penser, qui ramène au Seigneur, Soutient l’âme et console au milieu du bonheur. […] Dans son admirable et charmant Jocelyn, M. de Lamartine, avec sa sublimité facile, a d’un pas envahi tout ce petit domaine de poésie dite intime, privée, domestique, familière, où nous avions essayé d’apporter quelque originalité et quelque nouveauté. […] Les anciens grammairiens, chez qui on serait tenté de chercher une biographie positive du poète, y ont mêlé trop d’inepties et de fables ; mais, de quelques traits pourtant qu’ils nous ont transmis et qui s’accordent bien avec le ton de l’âme et la couleur du talent, résulte assez naturellement pour nous un Virgile timide, modeste, rougissant, comparé à une vierge, parce qu’il se troublait aisément, s’embarrassait tout d’abord, et ne se développait qu’avec lenteur ; charmant et du plus doux commerce quand il s’était rassuré ; lecteur exquis (comme Racine), surtout pour les vers, avec des insinuations et des nuances dans la voix ; un vrai dupeur d’oreilles quand il récitait d’autres vers que les siens.

838. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

Racan était doué d’une naïveté charmante et d’une élévation naturelle : mais distrait, paresseux, modeste à l’excès, privé trop tôt des conseils de Malherbe et abandonné à son instinct, il vécut au hasard, s’oublia volontiers aux champs, et n’eut que des accidents de génie dont j’ai noté les meilleurs. […] On aura plus tard d’éclatants retours, et plus d’un jet moderne surpassera en puissance et en largeur la source première : on ne retrouvera plus cette veine charmante et trop peu suivie, qui n’a d’ancien qu’une plus douce couleur, cette veine non plus italienne, ni grecque, ni espagnole, mais purement française de ton et de goût jusque dans ses réminiscences d’Horace.

839. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

» Le comte de Maistre, dans une des charmantes lettres à sa fille, Mlle Constance de Maistre, a badiné agréablement sur cette question, et il y a mêlé des vues pleines de force et de vérité : « L’erreur de certaines femmes est d’imaginer que pour être distinguées, elles doivent l’être à la manière des hommes… On ne connaît presque pas de femmes savantes qui n’aient été malheureuses ou ridicules par la science. » Au siècle dernier, un jésuite des plus éclairés et des plus spirituels, le père Buffier, qui était de la société de Mme de Lambert, dans une dissertation légèrement paradoxale, s’est plu à soutenir et à prouver que « les femmes sont capables des sciences » ; et après s’être joué dans les diverses branches de la question, après avoir montré qu’il y a eu des femmes politiques comme Zénobie ou la reine Élisabeth, des femmes philosophes comme l’Aspasie de Périclès et tant d’autres, des femmes géomètres et astronomes comme Hypatie ou telle marquise moderne, des femmes docteurs comme la fameuse Cornara de l’école de Padoue, et après s’être un peu moqué de celles qui chez nous, à son exemple, « auraient toutes les envies imaginables d’être docteurs de Sorbonne », — le père Buffier, s’étant ainsi donné carrière et en ayant fini du piquant, arrive à une conclusion mixte et qui n’est plus que raisonnable : À l’égard des autres, dit-il, qui ont des devoirs à remplir, si elles ont du temps de reste, il leur sera toujours beaucoup plus utile de l’employer à se mettre dans l’esprit quelques connaissances honnêtes, pourvu qu’elles n’en tirent point de sotte vanité, que de l’occuper au jeu et à d’autres amusements aussi frivoles et aussi dangereux, tels que ceux qui partagent la vie de la plupart des femmes du monde. […] Je ne veux pas dire un blasphème : certes, Fénelon a bien autrement d’esprit et de talent dans la moindre de ses phrases que Mme Dacier dans tout son style ; son Télémaque est souvent du plus charmant Homère, et toutefois, dans l’élégance de Fénelon, dans ce que sa phrase a de plus léger, de plus mince, il y a un certain désaccord fondamental avec l’abondance impétueuse et le plein courant d’Homère.

840. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Le président Hénault. Ses Mémoires écrits par lui-même, recueillis et mis en ordre par son arrière-neveu M. le baron de Vigan. » pp. 215-235

, a dit Voltaire par un mot qui résume tout, et qui insinue le correctif dans la louange ; il a dit autre part du président en des termes tout flatteurs : « Il a été dans l’histoire ce que Fontenelle a été dans la philosophie ; il l’a rendue familière. » Il faut bien, au reste, se garder de prendre à la lettre tous les éloges que Voltaire donne au président en ces années où il croyait avoir besoin de lui en Cour, le président étant devenu surintendant de la maison de la reine ; il ne l’appelle pas seulement un homme charmant, à qui il dit : « Vous êtes aimé comme Louis XV » ; il le déclare son maître, « le seul homme qui ait appris aux Français leur histoire », et qui y a trouvé encore le secret de plaire. […] douce, simple, m’aimant uniquement, crédule sur ma conduite qui était un peu irrégulière, mais dont la crédulité était aidée par le soin extrême que je prenais à l’entretenir, et par l’amitié tendre et véritable que je lui portais. » Mme Du Deffand est très bien traitée dans ces Mémoires, et s’y montre presque sans ombre, sous ses premières et charmantes couleurs ; mais la personne évidemment que le président a le plus aimée est Mme de Castelmoron, « qui a été pendant quarante ans, dit-il, l’objet principal de sa vie. » La page qui lui est consacrée est dictée par le cœur ; il y règne un ton d’affection profonde, et même d’affection pure : « Tout est fini pour moi, écrit le vieillard après nous avoir fait assister à la mort de cette amie ; il ne me reste plus qu’à mourir. » On raconte que dans les derniers instants de la vie du président et lorsqu’il n’avait plus bien sa tête, Mme Du Deffand, qui était dans sa chambre avec quelques amis, lui demanda, pour le tirer de son assoupissement, s’il se souvenait de Mme de Castelmoron : Ce nom réveilla le président, qui répondit qu’il se la rappelait fort bien.

841. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Une petite guerre sur la tombe de Voitture, (pour faire suite à l’article précédent) » pp. 210-230

N’était-ce pas là bien nettement reconnaître Voiture pour ce qu’il était avant tout, pour le plus charmant instrument de société ? […] Boileau, qui de bonne heure en fut investi, devait rendre au procès son vrai caractère et y apporter la vraie conclusion : il mit les parties dos à dos, et prononça l’arrêt sans appel par un tour, et un procédé bien simple, en contrefaisant la manière de l’un et de l’autre écrivain dans deux lettres charmantes.

842. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

Dès sa première lettre à Vauvenargues, il en insère une qu’il vient de recevoir d’une ancienne maîtresse avec laquelle il a rompu et qui, en apprenant la mort de son père, le marquis Jean-Antoine, lui a écrit cette charmante et spirituelle épître de condoléance : Je n’ose vous appeler, monsieur, de ces noms tendres qui nous servaient autrefois ; ils ne sont plus faits pour moi ; j’ai fait pour les perdre tout ce que je voudrais faire à présent pour les ravoir. […] Il faut rendre justice à Mirabeau ; sa réponse au petit sermon amical de Vauvenargues est charmante.

843. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie de Maupertuis, par La Beaumelle. Ouvrage posthume » pp. 86-106

Il fallait faire passer tous les peuples du monde sous les yeux de votre lecteur… Il fallait, si vous le pouviez, imiter Tacite qui n’annonce pas fastueusement le tableau des nations, mais qui, sous le titre modeste d’Annales, peint l’univers… Cela veut dire qu’il ne fallait pas être Voltaire ; mais Voltaire, qui était lui et pas un autre, a peint à sa manière ce grand siècle dont un souffle avait passé sur son berceau, et il en a donné à tout lecteur impartial un sentiment vif, juste et charmant. […] Je pars demain pour aller faire ma cour à ma charmante maîtresse, la Silésie.

844. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

. — J’ai beaucoup vu, dans un voyage qu’elle fit à Paris, cette charmante Roxandre, cette amie de jeunesse de Mme Swetchine et qui était devenue la comtesse Edling : elle s’est plainte à moi bien souvent (j’en demande bien pardon à ceux qui ont écrit le contraire) d’un certain fonds de froideur ou de réserve qu’elle rencontrait désormais dans son ancienne amie et qu’elle attribuait à la différence de communion. […] Aucuns des grands sujets n’y sont interdits, mais la liberté sur tous est entière, car si une fois la conclusion était commandée, s’il y avait d’avance une orthodoxie politique ou religieuse, un Credo ou un veto, un nec plus ultra, c’en serait fait de la libre et charmante variété de la parole, qui va comme elle peut et qui trouve dans le feu de la contradiction ses plus vives saillies, son ivresse involontaire.

845. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite et fin.) »

… » Dutens, enfin, qui seul ne serait peut-être pas une autorité suffisante en matière de grâce et de goût, mais qui en est une en fait de sérieux, nous dit : « De toutes les femmes de la Cour les plus distinguées par l’esprit et les agréments, Mme la comtesse de Boufflers était certainement la plus remarquable : aucune n’avait plus d’amis et n’avait eu moins d’ennemis, parce qu’elle unissait à tous les dons de la nature et à la culture de l’esprit une simplicité aimable, des grâces charmantes, une bonté et une sensibilité qui la portaient à s’oublier sans cesse, pour ne s’occuper que des biens ou des maux de tous ceux qui l’entouraient. […] s’écria la comtesse Amélie d’un air de vivacité charmante et en se jetant à son cou, excusez-moi !

846. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Collé. »

Enfin Collé fit là quelque chose de ce que nous avons vu faire au spirituel et charmant auteur du Palais-Royal, Labiche : il mit habit noir et cravate blanche pour se rendre digne du Théâtre-Français et se retrancha de sa gaîté, du meilleur de sa veine. […] Parlant du bon Panard, son maître, à la date de sa mort (juin 1765), Collé a dans son Journal quelques pages excellentes et de la meilleure qualité, dans lesquelles, en rendant hommage à ce devancier charmant, à ce La Fontaine de la chanson, il marque bien en quoi il ne l’a pas imité.

847. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette »

C’est ce qui fait dire ensuite à chacun : « Cette Dauphine est charmante, elle pense à tout !  […] Elle offre des aspérités, des disparates bizarres de caractère, et elle passerait volontiers d’un excès à l’autre, tantôt fière et hautaine, tantôt sensible et charmante.

848. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par. M. le Chevalier Alfred d’Arneth »

Elle sait certainement, autant et mieux que personne, les heureuses et charmantes qualités de sa fille, de « cette gentille Antoinette », comme elle l’appelle ; est-ce à une mère tendre qu’il faut apprendre ces choses ? […] Pour Madame, elle a plus d’esprit, mais je ne voudrais pas changer de réputation avec elle. » Il reste évident et plus qu’évident, par ces citations surabondantes, que Marie-Thérèse a parfaitement saisi le faible de sa fille et ce qui a annulé chez elle tant de nobles et charmantes qualités.

849. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

A conjecturer pourtant, comme il est permis, d’après l’ensemble et le terrain courant des générations survenantes, l’imagination pourrait sembler dorénavant avoir moins de chances pour les grandes œuvres, que l’érudition et la critique pour les travaux historiques dans tous les sens, et que l’esprit pour les charmants gaspillages de tous genres. […] J’ai vu à Ferney un portrait de Voltaire, qui avait alors à peu près quarante ans, mais dont l’œil velouté et encore tendre montrait tout ce qu’il avait dû avoir de charmant, tout ce qui allait disparaître et s’aiguiser, faute dé mieux, dans le petit regard malicieux du vieillard.

850. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

Ceux au contraire qui croient qu’une âme est tout un monde, qu’un caractère éminent n’est jamais trop approfondi, ceux qui mêlent à leur jugement sur Mme Roland un culte d’affection et de cœur, trouveront ici mille raisons de plus à leur sympathie et démêleront une foule de détails aussi respectables que charmants. […] Mais la gaieté naturelle, une joie de force et d’innocence corrigeait bientôt la langueur ; le calme et l’équilibre étaient maintenus ; tout en redisant quelque ode rustique à la Thompson, ou en moralisant sur les passions à réprimer, elle ajoutait avec une gravité charmante : « Je trouve dans ma religion le vrai chemin de la félicité ; soumise à ses préceptes, je vis heureuse : je chante mon Dieu, mon bonheur, mon amie : je les célèbre sur ma guitare : enfin, je jouis de moi-même. » Elle en était encore à la première saison, à la première huitaine de mai du cœur.

851. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre I. La littérature sous Henri IV »

Les tragédies de Montchrétien sont lotîtes pleines d’effusions charmantes ou passionnées : j’en parlerai quand j’exposerai les commencements du théâtre classique. […] Ses Lettres (authentiques) sont nerveuses et sèches avec quelques fusées d’imagination ; il faut se défier des apocryphes qui sont parfois les plus charmantes ; ses harangues sont vives, fermes ; la bonté et l’autorité y sont très attentivement combinées.

852. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Paul Bourget  »

J’y trouve que « la Dame » est un être supérieur et charmant, « fait de sécurité inébranlable », comme si la sécurité était dans la dame et non pas dans l’adorateur. […] Sauf erreur, l’Hamlet moderne n’essayerait même pas de tuer son beau-père — surtout quand ce beau-père est le plus charmant des assassins, au point qu’on voudrait trouver, pour le lui appliquer, un mot plus doux.

853. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

Le tableau qu’il trace de l’enfance et de la jeunesse de son maître est tout cordial et charmant. […] Car (pour ramener la complexité des choses à des expressions toutes simples) on aurait presque tout dit en disant que si la Grèce s’éleva par sa générosité charmante, elle périt par quelque chose d’assez approchant de ce que nous nommons le dilettantisme ; et de même, si c’est en somme par la vertu que grandit la république romaine, dire que, avant de mourir par les barbares, l’Empire mourut du mensonge initial d’Auguste et de n’avoir pas eu les institutions qui en eussent fait une patrie au lieu d’un assemblage de provinces, et à la fois de la corruption païenne et de l’indifférence chrétienne à l’égard de la cité terrestre, et encore de l’abus de la fiscalité qui amena la disparition de la classe moyenne, c’est dire, au fond, qu’il périt faute de franchise ou de bon jugement chez ses fondateurs, faute de liberté et d’égalité, faute de communion morale entre ses parties et, finalement, faute de bonté. — Et toutefois le sévère historien sait gré à Rome d’avoir eu quelque chose de ce qu’il lui reproche de n’avoir pas eu assez.

854. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre IV »

C’est qu’elle a le loisir d’être encore une épouse ; Elle reste charmante, et de plaire jalouse ; L’office maternel qu’elle s’est réservé, C’est de gâter l’enfant… par d’autres mains lavé. […] Il y a de l’énergie dans la façon dont elle est charmante.

855. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de lord Chesterfield à son fils. Édition revue par M. Amédée Renée. (1842.) » pp. 226-246

Mais ces introductrices ne paraissent essentielles que pour les premiers temps : il faut que le jeune homme aille ensuite de lui-même et qu’il se choisisse quelque guide charmant plus familier. […] En indiquant son charmant cours d’éducation mondaine, nous n’avons pas cru qu’il fût hors de propos de prendre des leçons de savoir-vivre et de politesse, même dans une démocratie, et de les recevoir d’un homme dont le nom se rattache de si près aux noms de Montesquieu et de Voltaire ; qui, plus qu’aucun de ses compatriotes en son temps, a témoigné pour notre nation des prédilections singulières ; qui a goûté, plus que de raison peut-être, nos qualités aimables ; qui a senti nos qualités sérieuses, et duquel on pourrait dire, pour tout éloge, que c’est un esprit français, s’il n’avait porté, jusque dans sa verve et sa vivacité de saillie, ce je ne sais quoi d’imaginatif et de coloré qui lui laisse le sceau de sa race.

856. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame de Motteville. » pp. 168-188

C’est dans son esprit qu’il faut chercher les traits fins et charmants qui la distinguent. […] Cette religion éclairée et soumise lui a dicté dans ses Mémoires quelques pages qu’on peut dire charmantes autant qu’elles sont solides et sensées, sur les querelles du temps, sur les disputes du jansénisme et du molinisme, auxquelles les femmes n’étaient pas les moins pressées de se mêler : Il nous coûte si cher, dit-elle en se souvenant d’Ève, d’avoir voulu apprendre la science du bien et du mal, que nous devons demeurer d’accord qu’il vaut mieux les ignorer que de les apprendre, particulièrement à nous autres qu’on accuse d’être cause de tout le mal… Toutes les fois que les hommes parlent de Dieu sur les mystères cachés, je suis toujours étonnée de leur hardiesse, et je suis ravie de n’être pas obligée de savoir plus que mon Pater, mon Credo et les Commandements de Dieu.

857. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

Je pourrais, en citant, donner de jolis mots qui s’y rencontrent ; mais c’est le sens même et la suite qui fait le prix de ce délicieux morceau ; voici quelques traits pourtant : Son esprit, dit-il de Montaigne, a cette assurance et cette franchise aimable que l’on ne trouve que dans ces enfants bien nés, dont la contrainte du monde et de l’éducation ne gêna point encore les mouvements faciles et naturels… Les vérités (dans son livre) sont enveloppées de tant de rêveries, si j’ose le dire, de tant d’enfantillages, qu’on n’est jamais tenté de lui supposer une intention sérieuse… Sa philosophie est un labyrinthe charmant où tout le monde aime à s’égarer, mais dont un penseur seul tient le fil… En conservant la candeur et l’ingénuité du premier âge, Montaigne en a conservé les droits et la liberté. […] Lorsque Charron, l’ami et le disciple de Montaigne, et qui fut en quelque sorte son ordonnateur, voulut ranger et mettre sérieusement en système les pensées et les réflexions de son maître, on lui fit des difficultés malgré sa prudence, et on refusa à la gravité de l’un ce qu’on avait accordé à l’autre pour sa vivacité charmante.

858. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — I. » pp. 455-475

Il nous définit, à d’autres jours, son ami en des termes moins métaphysiques et charmants de grâce ; tremblant pour sa santé, au moment où il le voit s’éloigner pour aller en Russie : « Votre corps délicat, lui dit-il, est le dépositaire d’une âme fine, spirituelle et déliée. » Par allusion sans doute à cette frêle enveloppe que l’âme dévore, il l’appelle familièrement son cher Diaphane. […] Je crois que cette amitié de M. de Suhm et de Frédéric, ainsi interceptée et brisée par la mort au moment même où celui-ci arrive au trône, a quelque chose de plus idéal et de plus pathétique : M. de Suhm est comme le Vauvenargues de Frédéric, qui n’eut plus ensuite d’ami aussi parfait ni aussi charmant.

859. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Arnault, de l’Institut. » pp. 496-517

Le général en chef fut charmant et même coquet avec lui. […] Cet ingénieux et charmant panégyriste loua M. 

860. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

II Or, en quelques mots, voici cette histoire dont Edouard Drumont a tiré un parti charmant, mais trop doux… Le duc de Saint-Simon mourait en 1755, insolvable et probablement ruiné par son ambassade d’Espagne, qu’il avait menée avec cette grandeur désintéressée et ce luxe que notre siècle, peu accoutumé à ces généreux spectacles, a pu admirer quand le duc de Northumberland vint, comme ambassadeur d’Angleterre, au sacre du roi Charles X. […] Contraste charmant !

861. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

D’écrivain éternel qu’il aurait pu être, il devint cette charmante mais éphémère chose, un causeur, dans une société de la corruption la plus raffinée. […] Il avait le même mal que cette autre ennuyée, la marquise du Deffand, de cette femme, charmante aussi, que le monde fais ait mourir d’ennui pour sa peine de l’avoir aimé, de l’avoir diverti, et d’avoir mis à son service un esprit fait pour monter plus haut !

862. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

Renan est l’aristocrate de la science, C’est lui qui a osé écrire : « Il ne faut pas sacrifier à Dieu nos instincts scientifiques. » Après cela, vous comprenez très bien le charmant détour que l’auteur des Études a pris ou l’immense illusion dont il est la dupe. […] Shakespeare, avec son ironie charmante, appelle quelque part les laquais : « Messieurs les chevaliers de l’arc-en-ciel. » Avait-il deviné les laquais de la philosophie du mythe, de la contradiction et du devenir, ces nuées coloriées et que le premier vent de bon sens, s’il vient à souffler, emportera ?

863. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXIX » pp. 117-125

On est singulièrement frappé, en le lisant, de la longueur interminable des phrases ; Patin, qui professe avec distinction la poésie latine à la Faculté des Lettres, est un charmant et fluide improvisateur, mais il en porte trop les habitudes dans ce qu’il écrit.

864. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « La Tolérance »

Ce charmant Voltaire, à qui il faut beaucoup pardonner, définissait à merveille et chérissait la tolérance : mais il voulait faire mettre à la Bastille les gens qui n’étaient pas de son avis.

865. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Quimper »

Discours prononcé à Quimper 17 août 1885 Que je suis touché, Messieurs, de vos bonnes paroles, et que je sais gré à nos jeunes amis qui, me rendant breton une fois par année, m’ont fait faire connaissance avec cette ville antique et charmante, que je désirais voir depuis si longtemps.

866. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XI »

Esprit charmant, tout en dentelles et en fanfreluches, M. 

867. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

Saint-Marc Girardin, lui aussi, à qui d’ordinaire ce mot de passion semble faire peur, ou qui du moins aime à se jouer en en parlant, a compris que c’était là ou jamais le cas de se déclarer, que c’était une passion par raison, tout pour le bon motif et pour l’ordre, pour l’étroite morale et la juste discipline : dans une suite de charmants articles il a pris rang à son tour parmi ceux qui occupent en propre un de ces beaux noms de femmes d’autrefois, qui s’en emparent et portent désormais couleurs et bannière de chevaliers. — Et vous donc qui parlez, me dira quelqu’un, où avez-vous planté votre drapeau ? […] Horace Walpole les reçut à sa résidence de Strawberry Hill, et y donna à Mme de Boufflers des fêtes charmantes, d’un pittoresque savant et merveilleux. […] Huit jours avant sa mort, il écrivait un billet charmant à M. 

868. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (3e partie) » pp. 81-152

Le premier cité est le comte Baldelli, époux d’une charmante jeune femme et père d’une plus charmante fille. […] Ce tombeau ne garde à la postérité que deux ombres : l’ombre d’une femme faible et charmante, à laquelle on pardonne pour ses malheurs et pour son sexe ; Et l’ombre d’un mauvais poète tragique, enflé d’orgueil et vide de vraie grandeur d’âme comme de vrai talent, et qui n’eut du génie tragique que la manie, Et du poète que la déclamation !

869. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

Une demi-italienne, la fille d’une Savelli de Rome, Catherine de Vivonne, inaugure la vie mondaine en France vers 1608 : et en 1610, peut-être avant, Honoré d’Urfé commence à publier son Astrée, qui offre un idéal de vie distinguée et charmante. […] La pastorale italienne est un rêve poétique ; l’idéalisme chimérique des sentiments se déroule dans l’irréalité charmante d’un paysage de fantaisie : avec Montemayor. […] L’esprit de la société polie, esprit précieux d’abord, puis simplement esprit de cour ou de salon, n’est en somme que la forme charmante, étroite, inférieure, du goût classique : c’est au-dessus de lui, bien que souvent pour lui, que se firent les chefs-d’œuvre.

870. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

reprit sa mère ; il ne faut jamais dire citoyen à un prêtre. » Il est impossible d’imaginer une plus charmante affabilité, une aménité plus exquise. […] Un vertige s’emparait de lui, il se prenait de rage en se voyant si charmant ; il était comme une cellule de nacre où un petit génie pervers serait toujours occupé à broyer sa perle intérieure. […] Je connaissais aussi très bien François de Sales, par la continuelle lecture qu’on faisait au séminaire de ses œuvres et surtout du charmant livre que Pierre Camus a écrit sur son compte.

871. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

C’est sur la colline wagnérienne un tapage charmant de mille riens, de toilettes, de langues et de gestes. […] Quant au deuxième acte, qui s’ouvre par une scène charmante entre Iseult et la douce Brangœne, où les voix se détachent si bien sur les fanfares de la chasse et les infinis bruissements de la forêt pendant la nuit ; ce deuxième acte, qui finit d’une façon si grandiose sur les paternels reproches du roi Marke à Tristan, renferme aussi ce long duo d’amour — mieux qu’un duo, tout un poème et tout un drame — qui est certainement la conception musicale et dramatique la plus extraordinaire. […] On a plaisir à relire le commentaire, d’une sincérité si touchante et en même temps d’une si charmante naïveté, écrit par le maître liégeois lui-même80, et qui commence ainsi : « on n’a peut-être pas remarqué combien de fois l’air de la romance est entendu dans le courant de la pièce, soit en entier ou en partie … » et finit par cette phrase : « il était aisé de fatiguer les spectateurs, en répétant si souvent le même air sans doute il fallait présenter cet air sous autant de formes différentes, pour oser le répéter si souvent ; cependant, je n’ai pas entendu dire qu’il fût trop répété, parce que le public a senti que cet air était le pivot sur lequel tournait toute la pièce. » En remarquant les différentes modifications de la Mélodie-mère, présentée tantôt en entier, tantôt en partie, tantôt derrière la scène, même sans accompagnement, et surtout les derniers mots de cette citation, vous seriez tenté de dire qu’il n’aurait fallu qu’un pas de plus (mais le pas décisif, définitif réservé à l’auteur de Lohengrin), pour que le véritable Leitmotiv, destiné à n’apparaître sur la scène qu’en 1865 (Tristan) fît déjà son entrée dans la musique dramatique en 1784.

872. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Lettres de m. l’Abbé Sabatier de Castres ; relatives aux trois siecles de la littérature françoise.ABCD » pp. -641

Son style est à la vérité charmant ; mais je suis forcé de dire qu'il n'a pas le ton convenable. […] Cet Auteur est charmant, charmant !

873. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

C’est la plus charmante définition de l’originalité dans la tradition. […] Il se préparait à de plus viriles destinées, et, sans dédaigner la popularité charmante qu’il avait obtenue dans un monde d’élite, il rêvait, il pensait et cherchait plus haut ; il avait l’ambition philosophique ; les grands espaces découverts par la science le tentaient irrésistiblement. […] Il convient admirablement à l’inspiration courte des jeunes parnassiens, qui en ont tiré de charmants effets.

874. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

Le temps est loin où l’on pouvait dire avec justice : « La critique souvent n’est pas une science, c’est un métier, où il faut plus de santé que d’esprit, plus de travail que de capacité, plus d’habitude que de génie2. » De nos jours elle est devenue non pas une science sans doute3, mais un art tour à tour savant et ingénieux, qui tantôt déroule avec une grandeur imposante les annales de la pensée d’un peuple, tantôt dessine avec finesse le portrait et le caractère d’un homme ; ici, dans une causerie facile, nous fait confidence de toutes ses émotions, et se raconte lui-même avec un charmant égoïsme ; là, dans une brillante improvisation, retrouve en quelque sorte l’image de l’éloquence antique, et tient suspendu à ses lèvres un jeune auditoire charmé de voir la pensée éclore à chaque instant sous ses yeux. […] Il ne permet pas qu’on l’oublie, cet illustre maître de l’histoire littéraire, cet écrivain si spirituel qu’il pourrait se passer d’être savant, si érudit que son esprit charmant semble chez lui presque un luxe inutile. […] L’un d’eux a dit quelque part un mot charmant : « C’est une chose fort malheureuse que l’originalité dans la sottise. » Les critiques dont je parle se prémunissent également contre les deux parties de ce malheur.

875. (1888) Petit glossaire pour servir à l’intelligence des auteurs décadents et symbolistes « Petit glossaire »

Mais d’autres, toutes on peut dire, nuées si précieusement, si précieusement charmantes en leur brume de rares musiques atténuées. […] Vénuste Adj. — Qui est charmant comme Vénus. […] venustus, charmant, gracieux.

876. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Proudhon » pp. 29-79

Aimable et charmant caractère ! […] Pour ne pas se résoudre en livres proprement dits, ce talent-là n’en fait pas moins des choses charmantes ou puissantes. […] L’ours donne la patte comme il peut la donner… Le grand Sagittaire qui savait tendre l’arc d’Hercule contre le capital, la propriété, la religion et tous les systèmes qui ne sont pas le sien, le détend et joue avec sa corde détendue, non pas gracieusement, — car la grâce n’a pas été plus accordée à Proudhon qu’à Rousseau, ces lourds, — mais avec une bonne humeur charmante, une gaieté gauloise que ne connaissait pas l’aigre Genevois sorti de Calvin.

877. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Des défauts charmants, dont nous faisons nos délices, vont vous être un peu interdits. […] C’était une émulation charmante. […] Il en est de charmants ; il en est d’émouvants, il en est de tragiques. […] Il en est de charmants. […] Dans un livre charmant souvent, curieux toujours, MM. 

878. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

Vous vous rappelez cette pièce charmante. […] Puis, à la fin, Louise fait un retour charmant sur elle-même et sur le petit livre qu’elle envoie par le monde. […] Mais notre charmante dormeuse ne rechignait pas à la peine. […] Émule des Sannazar et des Vida comme poète latin, il a rimé en français plusieurs morceaux charmants, d’un goût délicat, d’une couleur vive, spirituels et enjoués. […]   … Elle est charmante cette comédie sentimentale qu’on appelait alors tragi-comédie.

879. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Les fameux comiques nous manquent, et l’on n’a que le nom de Ménandre, qui fut peut-être le plus parfait dans la famille des génies dont nous parlons ; car chez Aristophane la fantaisie merveilleuse, si athénienne, si charmante, nuit pourtant à l’universalité. […] Le poëte fit œuvre de son répertoire le plus varié, de ses canevas à l’italienne, de l’Étourdi, sa dernière pièce, et il y ajouta la charmante comédie du Dépit amoureux. […] Voltaire a dit que quand Molière n’aurait fait que l’École des Maris, il serait encore un excellent comique ; Boileau ne put entendre l’École des Femmes sans adresser à Molière, attaqué de beaucoup de côtés et qu’il ne connaissait pas encore, des stances faciles, où il célèbre la charmante naïveté de cette comédie qu’il égale à celles de Térence, supposées écrites par Scipion. […] Or, maintenant, entre ces deux points extrêmes du Malade imaginaire ou de Pourceaugnac et du Barbouillé, du Cocu imaginaire, par exemple, qu’on place successivement la charmante naïveté (expression de Boileau) de l’École des Femmes, de l’École des Maris, l’excellent et profond caractère de l’Avare, tant de personnages vrais, réels, ressemblant à beaucoup, et non copiés pourtant, mais trouvés, le sens docte, grave et mordant du Misanthrope, le Tartufe qui réunit tous les mérites par la gravité du ton encore, par l’importance du vice attaqué et le pressant des situations, les Femmes savantes enfin, le plus parfait style de comédie en vers, le troisième et dernier coup porté par Molière aux critiques de l’École des Femmes, à cette race des prudes et précieuses ; qu’on marque ces divers points, et l’on aura toute l’échelle comique imaginable. […] Sans sortir des œuvres de Molière, on aurait des preuves de cette sensibilité, dans le penchant qu’il eut toujours au genre noble et romanesque, dans beaucoup de vers de Don Garcie et de la Princesse d’Élide, dans ces trois charmantes scènes de dépit amoureux, tant de la pièce de ce nom que du Tartufe et du Bourgeois Gentilhomme, enfin dans la scène touchante d’Elvire voilée, au quatrième acte de Don Juan.

880. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

Et, bien que depuis le Parnasse Contemporain, toutes les écoles littéraires aient eu le prédominant désir de s’en affranchir, il corrompt et brûle le sang de notre race, charmant et perfide, comme le subtil et sûr poison que versait Lucrèce Borgia. […] Jeux charmants et supérieurs, grâce à qui des tempéraments fort sévères et positifs purent parvenir au pathétique, et ce qui est moins aisé, à la passion ! […] Le charmant artifice ! […] Ainsi l’homme anima d’abord de sa psychologie toutes les formes d’alentour, et il lui sembla charmant d’exprimer toute la nature par la grâce de sa structure. […] Elle est comme ces reflets dans les fontaines, ces images diaphanes et jolies, d’une séduction immédiate, dont on subit tout l’enchantement, mais qu’il nous est impossible d’étreindre, et pour qui tant de charmants héros se sont noyés, dit-on, dans les vieilles ballades et les lieder allemands.

881. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

La surface est le vaste repos ; En dessous tout s’efforce, en dessus tout sommeille ; On dirait que l’obscure immensité vermeille Qui balance la mer pour bercer l’alcyon, Et que nous appelons Vie et Création, Charmante, fait semblant de dormir, et caresse L’universel travail avec de la paresse. […] » Et la nuit augmentait sur mon âme ravie, Et l’ange devint noir, et dit : « Je suis l’amour. » Mais son front sombre était plus charmant que le jour, Et je voyais, dans l’ombre où brillaient ses prunelles, Les astres à travers les plumes de ses ailes164. […] Il y a sur la terre peu de fonctions aussi importantes que celle-ci : être charmant… Avoir un sourire qui, on ne sait comment, diminue le poids de la chaîne énorme traînée en commun par tous les vivants, que voulez-vous que je vous dise, c’est divin. » Il a aussi des peintures admirables du dévouement féminin, du dévouement de chaque jour : « Etre aveugle et être aimé, c’est en effet, sur cette terre, où rien n’est complet, une des formes les plus étrangement exquises du bonheur. Avoir continuellement à ses côtés une femme, une fille, une sœur, un être charmant, qui est là parce qu’elle ne peut se passer de vous, se savoir indispensable à qui nous est nécessaire, pouvoir incessamment mesurer son affection à la quantité de présence qu’elle nous donne et se dire : — puisqu’elle me consacre tout son temps, c’est que j’ai tout son cœur — voir la pensée à défaut de la figure, constater la fidélité d’un être dans l’éclipsé monde, percevoir le frôlement d’une robe comme un bruit d’ailes, l’entendre aller et venir, sortir, rentrer, parler, chanter ; et songer qu’on est le centre de ces pas, de cette parole, de ce chant ; manifester à chaque minute sa propre attraction, se sentir d’autant plus puissant qu’on est plus infirme… peu de félicités égalent celle-là. […] S’il a fait abus du « démesuré », il a connu aussi la délicatesse des pensées : « La mélancolie, c’est le bonheur d’être triste. » (Les Travailleurs de la mer.) « La joie que nous inspirons a cela de charmant que, loin de s’affaiblir comme tout elle nous revient reflet, plus rayonnante. » (Les Misérables.) « Un piètre opulent est un contresens… Peut-on toucher nuit et jour à toutes les détresses, à toutes les indigences sans avoir soi-même sur soi un peu de cette sainte misère, comme la poussière du travail ? 

882. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe, et d’Eckermann »

n’est-ce pas là un charmant et varié tableau ? […] Combien de charmants livres de poésie, et dans des genres non conventionnels, on aurait ainsi !

883. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Après avoir fait un bon souper du reste de notre mouton d’El-Arich, après nous être bien couchés sur nos tartelettes de lit, après nous être laissé aller au plus délicieux sommeil, tout à coup nous nous réveillons flottants et soulevés par l’eau ; un orage affreux venait d’éclater, et, dans quelques minutes, le lieu charmant que nous avions choisi, maigre quelques charognes qui en faisaient l’ornement, se transforma en une espèce de naumachie, de laquelle nous sommes sortis de nos personnes, mais laissant tous nos effets prenant une leçon de natation. […] « Trêve de descriptions sur mes jouissances d’amour-propre ; ce qui vaut mieux que ces fadaises, c’est que l’amiral Lalande, homme charmant par ses manières d’une part et ravissant par son amour pour les arts, sachant que j’avais un tableau à faire de la prise de Lisbonne, m’a fait faire à notre bord un branle-bas de combat à feu dans les conditions voulues pour ce que j’avais à représenter.

884. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

Gautier critique, Gautier auteur des charmants feuilletons qu’on lit chaque jour, a fait tort à Gautier poète. […] Ce sont tous ces charmants vers que je reproche au public, qui lit avec plaisir les feuilletons de Théophile Gautier, de ne pas avoir présents et de ne pas assez couronner.

885. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Un bon juge me signale comme une suite de pages charmantes le début du Bien et du Mal qu’on a dits des Enfants. […] Mais il y a autre chose que ces charmants petits livres et que ces élixirs de perfection.

886. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

Il est dommage que d’autres fonctions suprêmes l’aient enlevé avant qu’il ait pu exprimer ce qui dans sa bouche aurait eu une autorité charmante. […] Plaise au Roy ne refuser point Ou donner, lequel qu’il voudra, A Marot cent escus apoinct, Et il promet qu’en son pourpoint Pour les garder ne les coudra… Je conseille de relire les dizains charmants au Roy de Navarre : Mon second Roy, j’ay une haquenée, etc. 

887. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

Sans doute (et c’est lui plaire que de le dire), la renommée de son illustre frère est pour beaucoup dans cette espèce de popularité charmante qui s’en détache avec tant de contraste. […] nous faisions, ma rose et moi, une fort triste figure… Au moment où la parure commence, l’amant n’est plus qu’un mari, et le bal seul devient l’amant. » Dans ce charmant chapitre, je relèverai une des taches si rares du gracieux opuscule : redoublant sa dernière pensée, l’auteur ajoute que, si l’on vous voit au bal ce soir-là avec plaisir, c’est parce que vous faites partie du bal même, et que vous êtes par conséquent une fraction de la nouvelle conquête : vous êtes une décimale d’amant.

888. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

Je n’ai donc pas à me plaindre, et vous pouvez porter très-haute et très-fière votre tête toujours charmante. […] elles sont charmantes.

889. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

Au reste, ce que les recueils qui se publient sans relâche (quatre ou cinq peut-être chaque mois) contiennent d’agréables vers, de jets brillants, de broderies heureuses, est incalculable : autant vaudrait rechercher ce qui se joue chaque soir de gracieux et de charmant sur tous les pianos de Paris. […] A la voix de la Fortune, Il n’ira point de Neptune Tenter les gouffres mouvants, Ni, sur la foi des étoiles, Livrer d’intrépides voiles A l’inconstance des vents… C’est de lui toute cette ode, qui a pour titre : les Goûts du Poëte, et qui est inspirée du Quem tu Metpomene semel, reste charmant de ton, de sobriété, de sens ferme et doux ; c’est de la bonne poésie du temps de Chaulieu, d’il y a vingt-cinq ans ou d’il y a un siècle.

890. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

Contentons-nous d’en atteindre le bienfait, en quelque sorte, dans les Mémoires de Mme de La Rochejaquelein, produit littéraire heureux de cet esprit de conciliation et de sympathie, fruit charmant né, pour ainsi dire, de cette greffe des deux France. […] Nous noterons pourtant une charmante petite nouvelle de la famille d’Ourika et du Lépreux, intitulée Sœur Marguerite ; échappée à la plume de notre ambassadeur à Turin, en 1834, elle a témoigné de cette délicate variété de goût qu’on lui connaissait, et de cette jeunesse conservée de cœur.

891. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Madame de Krüdner et ce qu’en aurait dit Saint-Évremond. Vie de madame de Krüdner, par M. Charles Eynard »

Ce que décidément j’aimais dans Mme de Krüdner, c’est l’auteur et le personnage de Valérie, la femme du monde qui souffre, qui cherche quelque chose de meilleur, qui aura un jour sa conversion, sa pénitence, sa folie mystique ; qui ne l’a pas encore, ou qui n’en a que des lueurs ; qui n’a renoncé ni au désir de plaire ; ni aux élégances, ni à la grâce, dernière magie de la beauté ; qui se contredit peut-être, qui essaie de concilier l’inconciliable, mais qui trouve dans cette impossibilité même une nuance rapide et charmante dont son talent se décore. […] « Je vous remercie de vos vers, ils sont charmants.

892. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

Il n’a pas les talents de son devancier : mais c’est un charmant esprit, franc, ouvert, primesautier, un esprit de la famille de La Fontaine et de Montaigne. […] Mais rien n’est charmant comme le geste affectueux du roi, venant appuyer les deux mains sur les épaules du sénéchal, auquel il n’a pas parlé de tout le dîner, et qui, tristement retiré près d’une fenêtre grillée, se croit en disgrâce pour avoir parlé selon l’honneur et selon la vérité.

893. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

Il est tout à la vie, aux formes charmantes et superficielles de la vie. […] Une fusion se fait de l’honneur chevaleresque et du désir de la gloire, mobile des individualités héroïques de l’antiquité et de l’Italie : et nous en trouvons le témoignage dans la charmante biographie de Bayard écrite par le Loyal Serviteur 173 : c’est comme un mélange de Chrétien de Troyes et de Plutarque.

894. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

L’homme noir parti, l’enfant de chœur jette par-dessus les moulins sa calotte d’emprunt et redevient un vif et charmant jeune homme, rempli d’honneur et d’ardeur, échappé de son château de province comme d’un collège, et qui ne demande qu’à passer gaiement ses vacances. […] La scène est charmante, elle brille d’esprit et de belle humeur.

895. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

Mais ces idées sont vraies et salubres, revêtues d’art et de vraisemblance, exprimées par des caractères d’une grâce charmante ou d’un relief vigoureux, attendries par une émotion pénétrante. […] Quoi qu’il en soit, M. de Montaiglin la trouve adorable, et une scène charmante vient effacer, comme sous un baiser, l’impression dont nous parlions tout à l’heure.

896. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

À partir de ce temps, il mène la vie de ménage et de labeur, une existence assujettie ; et c’est de la rue du Cœur-Volant, faubourg Saint-Germain, et ensuite de la rue Montmartre où il demeure, ou de quelque autre logis obscur, que vont sortir ces écrits charmants qui semblent le miroir du monde21. […] Faisons-nous une idée juste de Lesage, et, pour mieux apprécier son charmant génie, n’exagérons rien.

897. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

Quand on l’entendait causer politique, on dit qu’il était aussi charmant que lumineux. […] Enfin il nous sent, il nous aime, il est un des nôtres, et nous devons bien à ce charmant abbé une sépulture littéraire honorable, choisie, toute mignonne, urna brevis, une petite urne élégante et qui ne soit pas plus grande que lui.

898. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

J’avais eu l’idée, après avoir montré le parfait langage du siècle de Louis XIV dans sa fleur et son élégance dernière chez la plus charmante élève de Mme de Maintenon, après avoir considéré le style du xviiie  siècle dans sa plénitude de vigueur et d’éclat chez Jean-Jacques Rousseau, d’aborder aussitôt la langue révolutionnaire chez l’homme qui passe pour l’avoir maniée avec le plus de verve et de talent, chez Camille Desmoulins. […] Mais, ô nuit charmante, o vere beata nox, pour mille jeunes recluses, bernardines, bénédictines, visitandines, quand elles vont être visitées… Voilà Camille qui commence à se révéler avec ses goûts de saturnales, sa république de Cocagne comme il la rêve, cette république qu’il a presque inaugurée, le 12 juillet, en plein Palais-Royal, et qui dans son imagination s’en ressentira toujours.

899. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

Et abordant courageusement ce chapitre de la beauté, c’est encore à elle-même qu’elle pense, lorsqu’elle dit : Encore que vous m’entendiez parler de Sapho comme de la plus merveilleuse et de la plus charmante personne de toute la Grèce, il ne faut pourtant pas vous imaginer que sa beauté soit une de ces grandes beautés en qui l’envie même ne saurait trouver aucun défaut… Elle est pourtant capable d’inspirer de plus grandes passions que les plus grandes beautés de la terre. […] Il est de petits essais d’elle qui s’annoncent d’une manière charmante, tels que celui De l’ennui sans sujet.

900. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

Elle fut élevée et nourrie dans cette vie de campagne et de presbytère où quelques poètes ont placé la scène de leurs plus charmantes idylles, et elle y puisa, avec les vertus du foyer, le principe des études sérieuses. […] Mais ces défauts se rachètent ici plus aisément qu’ailleurs : le sujet l’inspire ; c’est élevé, c’est ingénieux ; et quand elle en vient à la considération du mariage dans la vieillesse, à ce dernier but de consolation et quelquefois encore de bonheur dans cet âge déshérité, elle a de belles et fortes paroles : « Le bonheur ou le malheur de la vieillesse n’est souvent que l’extrait de notre vie passée. » Et montrant, d’après son expérience de cœur et son idéal, le dernier bonheur de deux époux Qui s’aiment jusqu’au bout malgré l’effort des ans, elle nous trace l’image et nous livre le secret de sa propre destinée ; il faut lire toute cette page vraiment charmante : Deux époux attachés l’un à l’autre marquent les époques de leur longue vie par des gages de vertus et d’affections mutuelles ; ils se fortifient du temps passé, et s’en font un rempart contre les attaques du temps présent.

901. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Mémoires de Daniel de Cosnac, archevêque d’Aix. (2 vol. in 8º. — 1852.) » pp. 283-304

Il se lia avec Madame, cette charmante princesse, dont il apprécia les qualités, et dont il a tracé un vif portrait qu’a cité le président Hénault. […] Il est d’une conversation charmante, d’une inquiétude qui fait plaisir à ceux qui ne font que l’observer et qui n’ont point affaire à lui. » Maintenant, voici les Mémoires mêmes qui sortent de l’oubli où ils étaient tombés.

902. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Je ne pouvais me lasser de voir ces pigeons voler autour de la table, ces chèvres qui jouaient avec les enfants, et tant d’animaux réunis autour de cette famille charmante. […] Il y a bien de charmantes choses mêlées à ces lettres et qui sont faites pour attendrir.

903. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Histoire » pp. 179-240

Voilà que les plumes les plus illustres s’y associent ; voilà que les intelligences les plus sérieuses, séduites et gagnées par la fragilité même d’aimables figures, pratiquent, dans une amoureuse familiarité, et dans leurs grâces les plus secrètes, les âmes charmantes d’un grand siècle. […] Fossé d’Arcosse, etc., de nous avoir donné, d’avoir offert au public les restes et les reliques de ce rare et charmant esprit.

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