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1962. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les brimades. » pp. 208-214

Serait-ce que, après tout, les « humanités » sont humaines en effet ; que les lettres, au moins dans le temps où on ne les pratique pas pour vivre, adoucissent les cœurs, et que la mathématique les endurcit ?

1963. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — J — Jammes, Francis (1868-1938) »

Le livre est dédié à Hubert Crackanthorpe et à Charles Lacoste ; « À toi, Crackanthorpe, déjà célèbre en ton pays, et qui a senti passer en toi le souffle de l’amour et de la pitié humaine (sic).

1964. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Préface » pp. -

Renan appartient à la famille des grands penseurs, des contempteurs de beaucoup de conventions humaines, que des esprits plus humbles, des gens comme moi, manquant « d’idées générales » vénèrent encore, et nul n’ignore qu’il y a une tendance chez ces grands penseurs, à voir, en cette heure, dans la religion de la Patrie, une chose presque aussi démodée que la religion du Roi sous l’ancienne monarchie, une tendance à mettre l’Humanité au-dessus de la France : des idées qui ne sont pas encore les miennes, mais qui sont incontestablement dans l’ordre philosophique et humanitaire, des idées supérieures à mes idées bourgeoises.

1965. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Sophocle, et Euripide. » pp. 12-19

La lettre rouloit « sur le grand intérêt que les Athéniens avoient pris à cet événement ; sur le danger auquel la république des lettres avoit été exposée ; sur l’attention particulière de la providence à rendre à la patrie, au genre humain, un homme qui en avoit si bien mérité ».

1966. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre V. Suite des précédents. — Héloïse et Abeilard. »

Revenons aux idées religieuses, si nous attachons quelque prix aux œuvres du génie : la religion est la vraie philosophie des beaux-arts, parce qu’elle ne sépare point, comme la sagesse humaine, la poésie de la morale, et la tendresse de la vertu.

1967. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

Dans sa belle et récente biographie de Byron, il a évité de sonder chez le poëte la corruption du cœur et s’est rejeté vite sur la licence d’imagination, quand cette corruption trop certaine, plus approfondie, eût mieux donné à connaître, ce semble, l’abîme mystérieux du génie et les alliances contradictoires de la nature humaine. […] Peut-être encore est-ce devoir de ne pas tout dire sur les grands écrivains, de voiler un côté faible, petit, inutile, humain, contraire à la statue. […] Non, dans les arts, dans la poésie, non plus qu’en diverses matières humaines, le succès n’est pas la bonne mesure, et l’applaudissement soudain, décerné à bon droit à quelques-uns, ne prouve pas contre la lutte ou l’isolement prolongé de quelques autres.

1968. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

On a vu quelquefois, au plus fort des calamités et des fléaux, le cœur humain réagir bizarrement et prendre sa revanche par une sorte d’étourdissement et d’ivresse. […] Le moraliste peu chagrin fait défiler en de vifs couplets toute une suite de petites scènes, de façades ou de facettes, nettes, brillantes, mouvantes, de la vie humaine ; c’est bien l’espèce de chanson dont Picard nous rend la comédie. […] Quand il était au piano, il finissait volontiers, au bout d’un certain temps, par tomber dans la pure romance sentimentale ; mais dans l’habitude, et dès qu’il voyait des visages et des yeux humains, il souriait, il étincelait au premier choc, et la gaieté ne tarissait pas.

1969. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

Le séjour à Berlin, l’intimité avec la reine de Prusse, et les événements de 1806, y mirent le comble ; c’est vers ce temps, en Suède, je crois, au milieu d’une vie encore toute brillante, mais à l’âge où l’irréparable jeunesse s’enfuit, qu’une révolution s’opéra dans l’esprit de Mme de Krüdner ; qu’un rayon de la Grâce, disait-elle, la toucha, et qu’elle se tourna vers la religion, bien que pourtant d’abord avec des nuances légèrement humaines, et sans le caractère absolu et prophétique qui ne se décida que plus tard. […] Le malheur de certaines âmes, le tort de Mme de Krüdner n’est peut-être que d’avoir conçu le beau dans les choses humaines à un certain moment décisif et terrible, où il suffisait, en effet, d’un grand homme pour l’opérer. […] Elle avait une éloquence particulièrement admirable et un redoublement de plénitude quand elle parlait des misères humaines chez les grands : « Oh !

1970. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 257-320

pour maudire une terre à laquelle la nature et le ciel ont prodigué tous leurs dons, dont l’histoire est encore un des trophées du genre humain ? […] si la céleste gloire Leur eût ravi tout souvenir humain, Tu nous aurais enlevé leur mémoire : Nos pleurs sur eux couleraient-ils en vain ? […] J’en sortais souvent seul, le matin, pour aller, dans les hautes montagnes de ce pays enchanté, chercher des points de vue et des paysages ; je ne m’attendais certainement pas à rencontrer de point de vue sur le cœur humain, ni des poèmes en nature ou en action qui me feraient penser toute ma vie, comme à un songe, à la plus divine figure et à la plus mélancolique aventure qu’un poème eût jamais fait lever devant moi.

1971. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

Nous n’ignorons pas que, depuis l’époque à laquelle il écrivit le Vaisseau-Fantôme, Richard Wagner a produit des œuvres plus parfaites, plus conformes dans toutes leurs parties à l’idée qui gouverna sa vie artistique ; mais le Hollandais et Senta sont deux conceptions qui n’ont pas été surpassées, et tout le drame se résume dans ces deux types surnaturels, l’un à force d’ombre, l’autre à force de lumière, et cependant si humains. […] Les personnages, sur la scène, parlent et agissent ; l’orchestre, quelque part, nous exprime leurs émotions : ces émotions, en effet, veulent, aujourd’hui, être exprimées par des complications polyphoniques et contrapuntiques que l’orchestre seul peut fournir ; et l’on peut ajouter des voix à cet orchestre si l’on juge nécessaires les timbres de ces voix humaines. […] Brünnhilde ma forte, dors couchée en les ruissellement du rouge sonore, dors en la très haute paix des divins embrasements, sommeille, calme, sommeille, bonne : Brünnhilde, espère à Lui : Héros viendra, le réveilleur, Noble viendra, vainqueur des Dieux, superbe et roi … sur le roc transfulguré, ô Brünnhilde, en l’indubitable attente, sommeille, dors, bien aimée, parmi la jubilante flamme : je te sens, et je te pense, et, dans les majestueux gais épanouissements du feu, avec toi je rêve aux Crépuscules futurs, ô dormeuse des divinités passées … » Revue de Bayreuth (Bayreuther Blaetter)   Analyse du numéro IX Hans von Wolzogen : Notes sur les œuvres Posthumes de Wagner, avec le fragment complet « le féminin dans l’humain ».

1972. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

C’est le vers libre classique, celui qui sourit, rit et ricane dans Amphytrion ; celui qui dans Psyché donne à la vieillesse de Corneille des accents si délicieusement frais et jeunes ; celui qui dans La Fontaine exprime toute la gamme des sentiments humains, depuis les plus gais jusqu’aux plus profondément tristes. […] « Sur les confins extrêmes des réalités sensorielles », cette incantation puissante « découvre à l’âme humaine son infini nostalgique ». […] Dès les premiers pas, comme une rose épineuse et hautaine j’ai aimé ce mot de satirique méprisant adressé aux inintellectuels : « Un certain bétail à pain » — Voici, bientôt après, une liane jolie, souple et solide et qui devrait lier mes fleurs, si j’essayais un bouquet « Ce livre est un document humain transporté dans le Rêve. » — Et nous sourient, en effet, de rêveuses corolles : « Les voix blanches qui parlent une langue invertébrée, dont aucun vocable ne s’efforce vers la réalité dure. » — « Quand tu parles, c’est tout bas, afin que le silence assourdissant se taise et ne décoordonne pas la moire des souhaits naissants. » — « J’ai permis que mes sentiments luttassent d’analogie avec les nuages dont me plaisent les bornes imprécises et l’indécision des formes. » Voulez-vous des beautés de précision ?

1973. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

Jeudi 31 mai Chez les Sichel, quelqu’un ayant habité longtemps le Japon, disait que le baiser n’existait pas, pour ainsi dire, dans l’amour japonais, et que l’amour était tout animal, sans la tendresse de la caresse humaine. […] J’avais inventé un produit qui faisait évaporer l’hydrogène de l’air, et rendait cet air qui brûlait, irrespirable à des poumons humains. […] Ils soutiennent qu’il y a des animaux, comme les serpents, les tortues, les langoustes, dans les tissus desquels, les microscopes ne perçoivent aucune fatigue, aucune dégénérescence, aucuns signes de vieillesse enfin, — signes si perceptibles dans les tissus des humains et des animaux d’un ordre supérieur.

1974. (1857) Cours familier de littérature. III « XVe entretien. Épisode » pp. 161-239

Toi qui formas ces nids rembourrés de tendresses Où la nichée humaine est chaude de caresses,         Est-ce pour en faire un cercueil ? […] Si ce chant eût été noté dans des vers, il serait resté l’hymne de la félicité humaine, l’holocauste du bonheur terrestre rallumé dans le cœur de l’homme par la vue des lieux où il fut heureux ! […] J’ai relu, pour ainsi dire, ma vie tout entière sur ce livre de pierre composé de trois sépulcres : enfance, jeunesse, aubes de la pensée, années en fleurs, années en fruits, années en chaume ou en cendres, joies innocentes, piétés saintes, attachements naturels, études ardentes, égarements pardonnés d’adolescence, passions naissantes, attachements sérieux, voyages, fautes, repentirs, bonheurs ensevelis, chaînes brisées, chaînes renouées de la vie, peines, efforts, labeurs, agitations, périls, combats, victoires, élévations et écroulements de l’âge mûr sur les grandes vagues de l’océan des révolutions, pour faire avancer d’un degré de plus l’esprit humain dans sa navigation vers l’infini !

1975. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre VI. L’espace-temps à quatre dimensions »

Ou plutôt la construction est déjà faite : elle date de Platon, qui tenait le temps pour une simple privation d’éternité ; et la plupart des métaphysiciens anciens et modernes l’ont adoptée telle quelle, parce qu’elle répond en effet à une exigence fondamentale de l’entendement humain. […] Nous aurons entre les mains un moyen d’investigation puissant, un principe de recherche dont on peut prédire, dès aujourd’hui, que l’esprit humain n’y renoncera pas, lors même que l’expérience imposerait une nouvelle forme à la théorie de la Relativité. […] Dans les pages consacrées au « mécanisme cinématographique de la pensée », nous avons montré jadis que cette manière de raisonner est naturelle à l’esprit humain.

1976. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

Tous les deux sont dans l’ordre de la nature, puisque la perpétuité de la race humaine a été attachée à cet instinct dans les êtres vulgaires, et ce sentiment dans les êtres d’élite. […] « Solitaire et pensif, les lieux les plus déserts je vais mesurant à pas lourds et lents, et je promène attentivement mes regards autour de moi pour éviter la trace de tout être humain sur le sable ; je n’ai pas de plus grande crainte que de rencontrer des personnes qui me connaissent, parce que, sous la fausse sérénité de mon visage et de mes paroles, on peut découvrir trop facilement du dehors la flamme intérieure qui me consume ; en sorte qu’il me semble désormais que les montagnes, les plaines, les rives des fleuves, les fleuves eux-mêmes et les forêts savent ce qui s’agite dans mon âme, fermée aux regards des hommes. […] » XXVIII De ce jour tout ce qu’il y avait d’humain et de frivole encore dans la poésie amoureuse des sonnets de Pétrarque revêtit, pour ainsi dire, le deuil éternel de son âme : ses chants devinrent des cantiques, et la mort de celle qu’il aimait lui donna l’accent de la tombe et de l’éternité. […] « “L’intelligence humaine ne peut pas comprendre ma félicité actuelle ; elle n’attend que toi pour être complète, et j’ai laissé là-bas sous mes pieds ce beau voile de mon corps que tu as tant aimé !

1977. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

C’est humiliant pour ces milliards de créatures humaines qui passent comme les flots sous l’arche des ponts sans qu’on les compte ou qu’on les nomme ; c’est glorieux pour ce petit nombre d’hommes privilégiés qui donnent leur nom, leur individualité, leur pensée, leur mémoire à toute une race. […] L’iniquité est partout ; la mémoire humaine n’est pas démocratique, ou plutôt elle est trop étroite et trop fragile pour contenir et pour garder les peuples tout entiers dans ses annales ; elle s’attache à quelques figures grandioses, pittoresques, pathétiques, culminantes, qui sortent à ses yeux de la foule, et elle en fait l’aristocratie privilégiée de l’espace et du temps. […] Ce résumé encyclopédique est lui-même le résumé de deux cent mille volumes qui se multiplient tous les jours sur toutes les connaissances humaines, et cela dans une langue triple, tellement riche en mots et tellement parfaite en construction logique qu’elle est à elle seule une science dépassant presque la portée d’une vie d’étude. […] L’Amérique alors serait destinée à faire le contrepoids de la Chine ; les deux hémisphères auraient deux principes en contraste, et non en hostilité, dans l’univers : la paternité en Chine, la liberté en Amérique ; ici le fils, là le citoyen ; principes tous deux féconds en moralité, en devoirs et en prospérité pour les différentes races humaines.

1978. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

La Provence a passé tout entière dans l’âme de son poète ; Mireille, c’est la transfiguration de la nature et du cœur humain en poésie dans toute cette partie de la basse Provence comprise entre les Alpines, Avignon, Arles, Salon et la mer de Marseille. […] L’insolence de l’aristocratie descend du palais à la chaumière, comme une passion inhérente au cœur humain, dont la forme change, mais dont le fond est immuable. […] Parmi ces grands esprits, morts ou vivants, il y en a dont le génie est aussi élevé que la voûte du ciel, aussi profond que l’abîme du cœur humain, aussi étendu que la pensée humaine ; mais, nous l’avouons hautement, à l’exception d’Homère, nous n’en avons lu aucun qui ait eu pour nous un charme plus inattendu, plus naïf, plus émané de la pure nature, que le poète villageois de Maillane.

1979. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

Pauvre corps humain, faut-il que notre âme soit là-dedans ! […] « Ces jolis chants et ce lavage de fontaine me donnaient à penser diversement : les oiseaux me faisaient plaisir, et, en voyant s’en aller toute bourbeuse cette eau si pure auparavant, je regrettais qu’on l’eût troublée, et me figurais notre âme quand quelque chose la remue ; la plus belle même se décharme quand on en touche le fond, car au fond de toute âme humaine il y a un peu de limon. […] « Je pense à la tombe qui s’ouvre ce matin à Gaillac pour engloutir ces restes humains jusqu’à ce que Dieu les ravive. […] Voilà de quoi me plaire ici et murer ma porte à tout ce qui se voit ailleurs. » XLVIII Arrêtons-nous un moment ici, où ses dernières joies finissent, et demandons à nos lecteurs s’ils ont trouvé ailleurs ces ouvertures sur l’âme humaine qui laissent mieux voir au fond d’un cœur.

1980. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

alors ce fut tout autre chose ; il sentit un bonheur, un charme indicible ; rien ne l’arrêtait dans ces poésies de la vie, où une riche individualité venait se peindre sous mille formes sensibles ; il en comprenait tout ; là, rien de savant, pas d’allusions à des faits lointains et oubliés, pas de noms de divinités et de contrées que l’on ne connaît plus : il y retrouvait le cœur humain et le sien propre, avec ses désirs, ses joies, ses chagrins ; il y voyait une nature allemande claire comme le jour, la réalité pure, en pleine lumière et doucement idéalisée. […] Quant à Faust, qui, avec tous ses abîmes de corruption humaine et de perdition, m’effraya d’abord et me fit reculer, mais dont l’énigme profonde me rattirait sans cesse, je le lisais assidûment les jours de fête. […] Faust, son œuvre principale en vers, était avant lui une légende moitié humaine, moitié satanique, d’outre-Rhin. […] Les temps sont dans un progrès éternel ; les choses humaines changent d’aspect tous les cinquante ans, et une disposition qui en 1800 sera parfaite est déjà peut-être vicieuse en 1850. — Mais il n’y a de bon pour chaque peuple que ce qui est produit par sa propre essence, que ce qui répond à ses propres besoins, sans singerie des autres nations.

1981. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIe entretien. Ossian fils de Fingal, (suite) »

Elles sont vagues comme les formes des nuages et décolorées comme les ombres de la nuit ; mais elles sont touchantes et communicatives comme les symphonies du cœur humain. Les hommes qui croient que l’esprit de déception et de supercherie est capable de ces prodiges sont dans l’erreur, ils méconnaissent la portée du génie humain ; les vraies beautés d’Ossian sont dans les mœurs plus que dans l’intelligence. […] La vraie critique se refuse à admettre l’impossible ; la conscience de l’esprit humain a son évidence, comme la conscience du cœur. […] De même qu’Alexandre fit construire une cassette d’or pour Homère, et emportait avec lui dans ses campagnes d’Ionie et de Perse, pour se faire un oreiller de ce chef-d’œuvre de l’esprit humain, l’Iliade et l’Odyssée ; de même Bonaparte, général et premier consul, emporte constamment dans sa voiture, parmi les cinq ou six volumes de prédilection qu’il feuilletait toujours, les poëmes d’Ossian ; et quand on lui demandait pourquoi il se nourrissait si assidûment de ces chants : « C’est plus grand que nature, répondait-il à ses aides de camp, c’est sombre et mystérieux comme l’antiquité, c’est éclatant comme la gloire et grand comme la mort ; de telles poésies sont la nourriture des héros ! 

1982. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

Comme artiste d’une originalité puissante, il a ouvert de vastes horizons, inconnus avant lui, aux possibilités humaines, et de temps en temps il a ressenti la nécessité de s’arrêter, pour s’orienter lui-même dans ce monde nouveau, et pour se rendre compte de la direction qu’il lui incombait de suivre. […] Car c’est précisément de ce monde « illogique » des émotions, que la musique est l’organe. « La musique, dit Wagner, exprime précisément ce que la parole ne peut exprimer, ce que la raison humaine dénomme l’Inexprimable » (IV, 218). […] La Gœtterdaemmerung est, à l’exception de quelques scènes une vaste symphonie ; elle s’étaie sur des paroles disparates qui ne sont, au fond, qu’un matériel pour la voix humaine. […] Wagner (1879) écrit ceci : « Aux sages se découvrit le secret du monde, qui consiste en un pénible mouvement de déchirement. » La Douleur est donc la base de l’existence humaine d’après ces deux philosophes.

1983. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Comme je reprochais à Rosny l’alchimie de ses ciels, lui disant que l’effet produit par un ciel sur un humain, est une impression vague, diffuse, poétiquement immatérielle, si l’on peut dire, et ne pouvant être traduite qu’avec des vocables, sans détermination, bien arrêtée, bien précise, et qu’avec ses qualifications rigoureuses, ses mots techniques, ses épithètes minéralogiques, il solidifiait, matérialisait ses ciels, les dépoétisait de leur poésie éthérée… Rosny m’a répondu, avec l’assurance vaticinatrice d’un prophète, que dans cinquante ans, il n’y aurait plus d’humanités latines, et que toute l’éducation serait scientifique, et que la langue descriptive qu’il employait, serait la langue en usage. […] Potain, une curieuse physionomie, avec l’humaine tristesse de sa figure, son crâne comme concassé, son œil rond de gnome, sa réalité un peu fantastique. […] Chez les Mexicains, impossible de découvrir aucun signe de faiblesse humaine. […] Mais je passe toute la journée à relire sa maladie et sa mort, écrites, jour par jour, heure par heure, et cette relecture me décide à donner le morceau tout entier, dans le troisième volume de notre Journal, en dépit de la pudeur de convention commandée à la douleur, du cant littéraire infligé au désespoir : c’est vraiment une trop éloquente et une trop réelle monographie de la souffrance humaine.

1984. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — II. (Fin.) » pp. 254-272

Un jour que la galère impériale passait tout près du rocher où la tradition place le sacrifice d’Iphigénie et comme on discutait ce point de mythologie historique, Catherine, se promenant sur le pont avec majesté, grâce et lenteur, étendit la main et dit : « Je vous donne, prince de Ligne, le territoire contesté. » On ajoute que le prince, se voyant assez près de terre, se jeta à l’eau comme il était, en uniforme, et alla prendre à l’instant possession du rocher, y gravant d’un côté, du côté apparent, le nom divin de Catherine, et de l’autre côté (assure-t-il), le nom tout humain de la dame de ses pensées, de la dame d’alors, car il en changeait souvent. […] On ne sait pas assez ce que serait la vie humaine avec une irréligion positive : les athées vivent à l’ombre de la religion.

1985. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Chateaubriand. Anniversaire du Génie du christianisme. » pp. 74-90

Chateaubriand, dans la première préface de son livre, touchait le point de sa conversion, car il n’avait pas toujours été religieux ; loin de là : lié avec les hommes de lettres de la fin du xviiie  siècle, Chamfort, Parny, Le Brun, Ginguené, il s’était montré à eux tel qu’il était, lorsque, disciple de Jean-Jacques, il allait étudier la nature humaine plus vraie, selon lui, et supérieure chez les sauvages d’Amérique, dans les forêts du Canada. […] Il y a, au milieu de toutes les exagérations de l’Essai, un sentiment touchant qui y règne en effet et qui y circule ; Chateaubriand sauvage et fier, mais malheureux, est alors humain, sympathique et fraternel aux infortunés, modeste même ; il est ce que le génie et la gloire, en le couronnant, oublieront trop de le laisser depuis.

1986. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

C’est un reste d’école chez lui : il ne devine pas assez qu’un moment approche où il y aura accession ouverte et libre de tous les esprits sur quantité de questions, et que le philosophe et le vrai sage sera tenu, dans ses solutions, de compter de plus en plus avec le sentiment de ce grand nombre dont on fait partie soi-même, et avec cette philosophie irréfléchie, mais nécessaire, qui résulte de l’humaine et commune nature. […] Dans le spectacle de ce monde et dans le rôle qui y est départi à l’homme, il plaide, par des raisons plausibles, les causes finales, et maintient pour vrai le but apparent des choses, en se tenant au point de vue de l’optique humaine.

1987. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

Mais ce sentiment d’homme et de roi pasteur de peuples n’ôtait rien à sa clairvoyance sur le fond de la nature humaine. […] Entre les divers propos que le président Groulard a recueillis de la bouche de Henri IV, il en est un qui le peint bien dans son bon sens, dans son peu de rancune, et dans sa connaissance pratique et non idéale de l’humaine espèce.

1988. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

Je n’aurais jamais pensé que la nature humaine pût descendre si bas : elle a passé mes conjectures et mes espérances. […] la fibre humaine a vibré. » Je fus averti d’une singulière manière.

1989. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

Il y a réussi en plus d’une ; et pour ne parler que de l’Agonie d’un Saint, qui est à la fin du recueil, c’est une pensée hardie et humaine qui a inspiré ce petit drame, et l’exécution en est parfaite. […] t’offrant ses plus doux lits, A pour toi choisi l’herbe et retiré la pierre ; On dirait qu’une main a modelé la terre Et sur la forme humaine en a moulé les plis De symboliques fleurs autour de toi rappellent Que les hommes parfois aux dieux se sont unis : Sur le sol fécondé par le sang d’Adonis, Près des eaux, l’anémone et la rose se mêlent.

1990. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Journal de la santé du roi Louis XIV »

On sait qu’après l’opération, si bien faite par le chirurgien Félix, et couronnée d’un plein succès, l’infirmité royale était devenue à la mode parmi les courtisans : « Plusieurs de ceux qui la cachaient avec soin avant ce temps, nous dit le chirurgien Dionis, n’ont plus eu honte de la rendre publique ; il y a eu même des courtisans qui ont choisi Versailles pour se soumettre à cette opération, parce que le roi s’informait de toutes les circonstances de cette maladie… J’en ai vu plus de trente qui voulaient qu’on leur fît l’opération, et dont la folie était si grande, qu’ils paraissaient fâchés lorsqu’on les assurait qu’il n’y avait point nécessité de la faire. » La platitude humaine est alerte à prendre toutes les formes et toutes les postures. […] L’effet général, pourtant, qu’à la réflexion je tire de cette lecture, la dernière impression qui pour moi subsiste et surnage à l’égard du prince si travaillé au dedans, si distrait par ses maux corporels, qui a dû prendre si souvent sur lui, et qui a su faire si constamment, si également, si noblement son personnage public, c’est, — toutes misères tant royales qu’humaines mises en compte, — c’est encore le respect.

1991. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. »

Les haines religieuses, en bien des lieux, s’associaient et s’accouplaient aux haines politiques pour les mieux empoisonner encore, et ce vieux levain de cupidité, d’avarice et d’envie qui fait le fond de la nature humaine autant et plus que la bonté (quoi qu’en ait dit Bossuet dans une phrase oratoire célèbre, empruntée au déclamateur Tertullien), ce mauvais fond sauvage qu’il n’est besoin que d’éveiller pour le remettre en goût et en appétit, faisait le reste. […] Nous faudra-t-il admettre qu’il y a dans l’esprit humain des traces innées, des moules tout prêts pour des fanatismes quelconques, des retours et comme des accès périodiques pour des erreurs qu’on croyait épuisées ?

1992. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

» C’est ici que Chrémès fait cette heureuse réponse qui a eu son écho à travers les siècles : « Je suis homme, et je considère que rien d’humain ne m’est étranger. » Et il s’attache de son mieux à désarmer la misanthropie du farouche voisin, à lui, rendre en un sens quelconque la réponse facile : « Prenez que c’est ou un avertissement, ou bien une simple question à mon usage ; si vous avez raison, pour que je vous imite ; sinon, pour que je vous ramène » Ménédème, malgré tout, regimbe encore : « C’est mon habitude à moi ; à vous de faire comme vous l’entendez !  […] Il serait juste aussi de le montrer un digne fils et un héritier direct de la civilisation et de la culture grecque à laquelle il appartient, de cette civilisation qu’on voit si humaine au temps de Gélon, et qui trahissait déjà son véritable esprit dans la lutte fabuleuse de Pollux, l’un des Argonautes, contre un roi brigand des bords de la Propontide.

1993. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

pourtant il ne faudrait pas trop dire de mal des maniérés : ce sont des gens de beaucoup de talent et d’invention, qui ont eu le tort de venir lorsque tous les magnifiques lieux communs, fonds du bon sens humain, avaient été exploités par les maîtres d’une façon supérieure : ne voulant pas être copistes, ils ont tâché de renouveler la face de l’art par la grâce, la délicatesse, le trait les mille coquetteries du style ; le riche filon était épuisé, ils ont poursuivi la fibre dans ses ramifications les plus imperceptibles. […] Lui qui avait quelquefois aimé et rêvé des monstres, il put se dire, à la vue de l’Attique, de ce pays qui a été comme créé exprès sur l’échelle humaine : « J’ai connu trop tard la beauté véritable ! 

1994. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre (suite et fin.) »

Si je lis l’abbé de Pradt, Marmont, Rœderer, je suis étonné du peu de profondeur que ces gens d’esprit ont mis à l’apprécier ; ou plutôt je ne devrais pas en être étonné, car c’est la condition de tout ce qui se juge au jour le jour et avant que le drame humain soit accompli. […] Quand la nature crée un homme supérieur et d’une supériorité de premier ordre, quand elle l’a fondu et coulé tout d’un jet dans un de ses plus beaux moules humains, si cet homme, après avoir fourni sa grande carrière, tombe ou sort de la scène dans la plénitude de la vie et de ses facultés, sans que la maladie ou l’âge soit venu l’altérer ou l’affaiblir, il est bien clair qu’il est et qu’il a dû rester le même pendant toute cette durée de son rôle actif, que les événements n’ont fait que le produire, un peu plus tôt ; un peu plus tard, sous ses aspects différents, le montrer et le développer plus ou moins dans quelques-unes de ses dispositions naturelles et donner occasion à ses qualités ou à ses défauts primitifs de se manifester dans tout leur relief ou même dans leur exagération ; mais il y avait en lui, dès le principe, le germe et remboîtement de tout ce qui est sorti.

1995. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Observations sur l’orthographe française, par M. Ambroise »

Ne nous le dissimulons pas : il s’est fait depuis quelques années, et pour bien des causes, une sorte d’intimidation générale de l’esprit humain sur toute la ligne. […] Sans doute il a raison et mille fois raison ; mais depuis quand a-t-il suffi dans les choses humaines, et même dans les choses littéraires, d’avoir cent mille fois raison ?

1996. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre II. Du goût, de l’urbanité des mœurs, et de leur influence littéraire et politique » pp. 414-442

Je parlerai dans un autre chapitre de la gaieté des comédies, de celle qui tient à la connaissance du cœur humain ; mais il me paraît vraisemblable que les Français ne seront plus cités pour cet esprit aimable, élégant et gai qui faisait le charme de la cour. […] On se plaindra de la faiblesse de l’esprit humain qui s’attache à telle expression déplacée, au lieu de s’occuper uniquement de ce qui est vraiment essentiel ; mais dans les plus violentes situations de la vie, au moment même de périr, on a vu plusieurs fois qu’un incident ridicule pouvait distraire les hommes de leur propre malheur.

1997. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre VI. Science, histoire, mémoires »

Mais toutes les suggestions de la personnalité, les pressions du milieu prennent vite chez Fustel de Coulanges la forme scientifique : elles deviennent des idées d’enquêtes historiques, qu’il poursuit méthodiquement, sans parti pris, cédant aux textes critiqués, contrôlés avec la dernière rigueur ; et s’il reste une cause d’erreur, elle est dans l’infirmité humaine, dans la complaisance dont le plus sévère esprit ne peut se défendre pour les pensées qui sont sa conquête ou sa création, dans la facilité avec laquelle il laisse écouler toujours un peu de lui-même dans les choses, et sollicite l’imprécise élasticité des textes. […] Puis, d’une façon plus générale, il nous a encouragés à ne pas nous arrêter dans le dilettantisme artistique ou dans l’impassibilité scientifique, à considérer la littérature comme une collection d’actes humains, libres et moraux ; c’est-à-dire qu’il nous amène à poser toujours la question de la valeur morale, des propriétés morales de chaque œuvre.

1998. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jean Richepin »

Je les aime, non à cause de cela, mais parce que j’ai arrêté mes regards sur leur misère, fourré mes doigts dans leurs plaies, essuyé leurs pleurs sur leurs barbes sales, mangé de leur pain amer, bu de leur vin qui soûle, et que j’ai, sinon excusé, du moins expliqué leur manière étrange de résoudre le problème du combat de la vie, leur existence de raccroc sur les marges de la société et aussi leur besoin d’oubli, d’ivresse, de joie, et ces oublis de tout, ces ivresses épouvantables, cette joie que nous trouvons grossière, crapuleuse, et qui est la joie pourtant, la belle joie au rire épanoui, aux yeux trempés, au cœur ouvert, la joie jeune et humaine, comme le soleil est toujours le soleil, même sur les flaques de boue, même sur les caillots de sang. […] Un grand nombre des phénomènes de la nature semblent appeler la comparaison avec l’acte par lequel se perpétue la race humaine ; je ne sais guère de plus beaux vers que ceux où Virgile symbolise le Printemps par l’accouplement de Jupiter et de la Terre, et certes les traits du tableau ne sont point timides.

1999. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

Nos habits ne vont pas à couvrir la nudité humaine. […] Faisant allusion aux parades solennelles qui se jouent en ces jours de cérémonie et à toutes ces plates représentations de la comédie humaine, il écrivait à sa belle-sœur : Si Don Quichotte est à Rouen, Trivelin prince est ici ; ce sont là des farces que les gens de bon sens doivent bien mépriser ; mais il faut se laisser emporter au torrent, et, puisque le monde n’est que comédie, il faut prendre la queue de lapin et l’épée de bois comme les autres.

2000. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le surintendant Fouquet. (Article Fouquet, dans l’Histoire de Colbert, par M. P. Clément.) 1846. » pp. 294-312

………………………………………… Le plus sage s’endort sur la foi des zéphyrs, et qui se termine par ce mot si conforme à la misère humaine : Et c’est être innocent que d’être malheureux. […] [NdA] Pellisson, dans son Histoire de Louis XIV, où il n’est plus l’avocat de Fouquet, nous mène à l’explication de son caractère quand il le définit ainsi : « L’un était d’un génie élevé, fertile en expédients et en ressources, plein de vigueur et tempéré de beaucoup d’humanité. » Fouquet avait en lui la fibre humaine, il savait la toucher dans les autres, et elle lui répondit.

2001. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

Plus d’une fois il s’élève ; le sentiment de la réalité et la vivacité de son affection humaine lui suggèrent une sorte de poésie : Je dois bientôt quitter celle scène, écrivait-il à Washington (5 mars 1780) ; mais vous pouvez vivre assez pour voir notre pays fleurir, comme il ne manquera pas de le faire d’une manière étonnante et rapide lorsqu’une fois la guerre sera finie : semblable à un champ de jeune blé de Turquie qu’un beau temps trop prolongé et trop de soleil avaient desséché et décoloré, et qui dans ce faible état, assailli d’un ouragan tout chargé de pluie, de grêle et de tonnerre, semblait menacé d’une entière destruction ; cependant, l’orage venant à passer, il recouvre sa fraîche verdure, se relève avec une vigueur nouvelle, et réjouit les yeux, non seulement de son possesseur, mais de tout voyageur qui le regarde en passant. […] Entre divers passages, en voici un que je choisis comme exprimant bien ce mélange de sérénité et de douce ironie, d’expérience humaine et d’espoir, qui fait son caractère habituel.

2002. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

Trois ans de liberté, trois ans de vie ainsi ôtés d’une existence humaine en un tour de Code ; le délit pesé en une seconde avec un coup de pouce dans la balance, et l’habitude de ce métier cruel et mécanique de tailler à la grosse, pendant des heures, des parts de cachots. — Il faut voir cela pour savoir ce que c’est. […] Puis, Mme Leroy couchée, il quitte l’Hymalaya de l’esthétique, descend à des sujets plus humains, et nous donne les détails d’une enquête faite par un médecin de ses amis qui, depuis vingt ans, interroge maison par maison les quartiers de la basse prostitution, — enquête qui paraîtra prochainement en un gros et curieux volume.

2003. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre V. Le génie et la folie »

C’est avant tout l’inspiration, c’est-à-dire « certaines combinaisons mentales, que le sens intime, le moi ne saurait avouer comme nôtres, c’est-à-dire qui se sont faites à notre insu, sans que notre volonté y fût pour rien » ; c’est l’enthousiasme, le délire, suivant la doctrine de Platon ; c’est « plus de rapidité dans les conceptions, plus d’élan, de spontanéité dans l’imagination, plus d’originalité dans le tour de la pensée, dans les combinaisons de l’esprit, plus d’imprévu et de variété dans les associations d’idées, plus de vivacité dans les souvenirs, d’audace dans les élucubrations de l’imagination, et aussi plus d’énergie, d’entraînement dans les instincts, les affections, etc. » Empruntant à un poêle illustre sa définition du génie, on nous apprend que c’est « la vigueur de la fibre humaine aussi forte que le cœur de l’homme peut la supporter sans se rompre », Ajoutez à cela que, parmi les hommes de génie, dont l’auteur invoque l’exemple, ceux qu’il cite de préférence sont les illuminés, les enthousiastes, les révélateurs de toute espèce. […] En un mot, le génie est pour nous l’esprit humain dans son état le plus sain et le plus vigoureux.

2004. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre premier. Le problème des genres littéraires et la loi de leur évolution » pp. 1-33

Un cataclysme venant à détruire l’œuvre entière de nos civilisations, Faustus et Stella recommençant la vie humaine, on rebâtirait les empires, les religions, la science, mais nul ne nous rendrait Dante Alighieri… Mettons-les à la place d’honneur, ces poètes dont le génie entra dans l’absolu ; mais n’oublions pas les légions d’ouvriers modestes qui les ont préparés, sans lesquels ils ne seraient pas. […] Qu’on y prenne garde : chaque fois qu’une œuvre satirique mérite une place dans l’histoire littéraire, c’est que l’esprit critique s’y est enrichi d’éléments positifs ; il s’élève ainsi, par des transitions innombrables, du ricanement, qui se complaît aux vilenies humaines, et du dénigrement qui bafoue les grandes choses, jusqu’à l’indignation sacrée, qui lutte avec le mal.

2005. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

Jouffroy autour du « problème de la destinée humaine. » Elle a perverti sa réponse par une équivoque91 involontaire, et l’a arrêté sur le seuil, dans un préjugé théologique d’où il n’est point sorti. […] On avait contrôlé toutes les opinions humaines, sacrées ou profanes, utiles ou dangereuses, et rejeté tout ce qui n’était point prouvé.

2006. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

Il trouve ennuyeux d’écrire, et ne publiera jamais rien ; il n’a pas envie de sauver le genre humain ; d’ailleurs pour cela il ne compte pas sur les livres. […] Les uns se la figurent comme un fluide invisible et impalpable répandu dans tout le corps ; les autres, comme un être immatériel et inétendu, appliqué sur les parties matérielles et étendues ; les autres, comme une chose inexplicable et hors de la portée de l’esprit humain.

2007. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

Votre destination ne fut jamais de nuire aux humains. […] Parmentier, ce noble ami du genre humain, si l’on étoit réduit à cette extrêmité. […] Il s’élevera des clameurs de toutes parts, contre la maniere leste avec laquelle ils auront tué les pauvres humains, en assujetissant leurs maladies à la mode. […] Il y a tant de ridicules dans l’Univers, si l’on veut critiquer, qu’il n’est pas nécessaire de fixer les hauts seigneurs de l’espece humaine, pour en trouver. […] Les assemblées provinciales feront sûrement tout le bien qu’elles pourront, mais sans être impeccables ; elles auront les défauts attachés à la nature humaine…..

2008. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

C’est un de ces êtres hybrides, moitié surnaturel et moitié humain, qui nous intéresse à peine, tant il répugne à notre imagination. […] Cette poésie n’est parfaite et pure que dans le christianisme ; mais on la trouve, plus ou moins altérée, dans toute croyance qui affirme et reconnaît la personnalité humaine et la personnalité divine, même dans ces religions où le divin absorbe l’humain, où cette absorption n’est point totale, mais seulement une évolution de l’essence infinie en réalité féconde et inépuisable. […] Entre la croix du Golgotha et le piédestal de la place d’Eylau il y a la distance du divin à l’humain. […] Le conteur qui compte déjà plus de volumes que d’années à son actif, voulait, je le pensais du moins, combler une des lacunes les plus sensibles — et les plus regrettables — de la Comédie humaine, dont le Curé de campagne n’est qu’un trop court épisode. […] Dans l’âme humaine ainsi fleurissent les douleurs.

2009. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Sur le Louis XVI de M. Amédée Renée » pp. 339-344

Les personnages, même les meilleurs, qu’il voulut d’abord se donner pour auxiliaires et collaborateurs dans son sincère amour du peuple, étaient imbus des principes, des lumières sans doute, mais aussi, à un haut degré, des préjugés du siècle, dont le fond était une excessive confiance dans la nature humaine.

2010. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LVIII » pp. 220-226

Si l’histoire du saint personnage n’est écrite de main habile et par une tête qui soit au-dessus de toutes vues humaines, autant que le ciel est au-dessus de la terre, tout ira mal.

2011. (1874) Premiers lundis. Tome I « Fenimore Cooper : Le Corsaire Rouge »

Doué d’une sensibilité contenue et profonde, d’une vaste et paisible imagination, il a vu de bonne heure les plus magnifiques spectacles de la nature ; il a vu ou il a rêvé, au sein de ces spectacles sublimes, quelques êtres humains en harmonie avec les forêts vierges, les prairies illimitées, et le ciel plus haut et plus immense là qu’ailleurs.

2012. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre premier. De l’invention dans les sujets particuliers »

Derrière cette vérité, notre Molière en aperçoit une autre, plus universelle, plus humaine, moins étroitement chrétienne : les dons isolément les plus précieux, naissance, beauté, amour, grâce, courage, esprit, intelligence, corrompus par leur assemblage même, tournés eu monstrueuse scélératesse par le dérèglement et l’impunité, et portant pour fruits l’égoïsme féroce, le scepticisme insolent, le libertinage capricieux.

2013. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Philosophie du costume contemporain » pp. 154-161

Or, ce serait dommage, un corps humain de proportions normales étant nécessairement ce que nous connaissons de plus beau.

2014. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Malaise moral. » pp. 176-183

La vérité, c’est que, sans doute, le gouvernement n’a mis aucun empressement à nous renseigner ; mais c’est aussi que, rendus timides par une humiliation d’un quart de siècle, conscients de notre impuissance à défendre désormais, à travers le monde, les causes « humaines », nous ne tenions pas beaucoup à savoir, parce que nous étions incapables d’agir.

2015. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la distribution des prix du lycée d’orléans. » pp. 223-229

Ne vous attristez donc pas, pourvu que vous ayez bien travaillé (car il n’est pas dans ma pensée d’absoudre les paresseux), ne vous attristez pas de n’être point des forts en thèmes ou des forts en mathématiques, puisque, si vous le voulez, votre vraie valeur humaine, et celle qui compte le plus, est absolument entre vos mains.

2016. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Moréas, Jean (1856-1910) »

Moréas, qui frise la cinquantaine, qui a traversé outre des mers et des nations, les marais du Décadentisme, du Symbolisme et du Romanisme, pour venir jusqu’à nous, qui a fait se méprendre sur son compte tant de monde et lui-même, nous apporte-t-il ces Stances si humaines, si pures, si élevées, qu’elles en sont divines ?

2017. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIV » pp. 394-401

Mais la faiblesse humaine est grande.

2018. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 211-219

Le Centaure, composé ambigu du corps d’un cheval & de membres humains, bande avec effort un arc Thessalien, & lance ses fleches.

2019. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Lucrèce Borgia » (1833) »

Il sait que le drame, sans sortir des limites impartiales de l’art, a une mission nationale, une mission sociale, une mission humaine.

2020. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Joseph Scaliger, et Scioppius. » pp. 139-147

C’étoit un frénétique d’une espèce nouvelle, débitant de sang-froid les médisances & les calomnies les plus atroces, un vrai fléau du genre humain.

2021. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VI. Des dictionnaires Historiques » pp. 220-228

Quoique ces deux ouvrages rentrent l’un dans l’autre, on les a lus avec plaisir, parce que les anecdotes dont ils sont semés servent à faire connoître le cœur humain.

2022. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 34, du motif qui fait lire les poësies : que l’on ne cherche pas l’instruction comme dans d’autres livres » pp. 288-295

Nos voisins les italiens ont deux poemes épiques en leur langue, la Jerusalem délivrée du Tasse, et le Roland furieux de L’Arioste, qui, comme l’iliade et l’éneïde, sont devenus des livres de la bibliotheque du genre humain.

2023. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Première partie. Les idées anciennes devenues inintelligibles » pp. 106-113

Les idées qui cessent d’être populaires, ou parce qu’elles ont été usées par le temps, ou parce qu’elles ont reçu tout le développement dont elles étaient susceptibles, ou enfin parce que le bien qu’elles devaient produire est consommé, ces idées meurent aussi, mais dans une longue et terrible agonie, car tout est souffrance pour le genre humain.

2024. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — II »

Oui, ce grand homme ne se contenta pas d’approcher le plus près que sa nature lui permettait de la perfection entrevue par les grands esprits ; il ne se contenta pas de se dévouer à la recherche de la vérité, d’être désintéressé et respectueux chez tous de la dignité humaine.‌

2025. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VI »

∾ « Commune, Département, Église, École, ce sont-là, dans une nation, à côté de l’État, les principales sociétés qui peuvent grouper des hommes autour d’un intérêt commun et les conduire vers un but marqué : d’après ces quatre exemples, on voit déjà de quelle façon, à la fin du xviiie  siècle et à la fin du xixe , nos politiques et nos législateurs ont compris l’association humaine.

2026. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

Il en est de même, en grand, dans la famille humaine et dans la suite inépuisable des esprits. […] » Cette grave et stricte poésie s’anime heureusement, par places, d’un sentiment humain, qui repose de l’aspect de tant de justes orbites et répand une piété toute virgilienne à travers les sphères : Tandis que je me pends en ces rêves profonds, Peut-être un habitant de Vénus, de Mercure, De ce globe voisin qui blanchit l’ombre obscure, Se livre à des transports aussi doux que les miens. […] Ils confiaient la garde de leur ouvrage au pouvoir de l’imagination plutôt qu’à celui du raisonnement, aux inspirations du cœur humain plutôt qu’aux ordres des lois, et l’admiration des siècles a consacré le nom de ces grands hommes. […] Les guerriers instruits sont humains ; je souhaite que le même goût se communique à tous vos lieutenants qui savent se battre aussi bien que vous. […] Ce n’est pas seulement de l’administration en grand, c’est de la nature humaine éclairée par un Machiavel ou un La Rochefoucauld empereur.

2027. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

Ou parlez, ou renoncez au titre d’instituteur du genre humain. […] Je ne crois pas qu’il y eût d’homme moins disposé par caractère à la philosophie stoïcienne que Sénèque, doux, humain, bienfaisant, tendre, compatissant. […] Néron monta sur le trône à dix-huit ans ; on voit en cet endroit que le philosophe avait découvert la bête féroce sous la figure humaine. […] Si les ingrats sont communs, Sénèque montre qu’il s’en faut prendre aussi fréquemment aux défauts des bienfaiteurs qu’aux vices du cœur humain. […] Cette médiocrité dans tous les genres est la suite d’une curiosité effrénée et d’une fortune si modique qu’il ne m’a jamais été permis de me livrer tout entier à une seule branche de la connaissance humaine.

2028. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — P.-S. » pp. 38-40

C’est un prodige que la fécondité de ses vues pour la morale, sa pénétration dans l’esprit et dans le cœur humain, l’application heureuse et juste des exemples et des autorités de l’Écriture, son onction.

2029. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXVII » pp. 306-312

Napoléon est un homme à la façon de César en effet, et qu’on doit louer comme tel ; mais il n’est pas comme Charlemagne, il ne cherche pas à éveiller le genre humain, à le rendre libre, juste, moral dans la belle acception du mot.

2030. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Andrieux »

Je crois bien qu’on s’occupe d’idées plus larges, de théories plus radicales et plus absolues ; mais il en est peut-être à ce sujet des littératures qui se décomposent, comme des corps organiques en dissolution, lesquels donnent alors accès en eux par tous les pores aux éléments généraux, l’air, la lumière, la chaleur : ces corps humains et vivants étaient mieux portants, à coup sûr, quand ils avaient assez de loisir et de discernement pour songer surtout à la décence de la démarche, aux parfums des cheveux, aux nuances du teint et à la beauté des ongles.

2031. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre V. Du jeu, de l’avarice, de l’ivresse, etc. »

Quel triste cachet de la destinée humaine !

2032. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VII. De la propriété des termes. — Répétition des mots. — Synonymes. — Du langage noble »

La langue française a le mérite de distinguer les synonymes avec une lumineuse précision : elle le doit en grande partie à ces précieux et à ces premiers académiciens, dont se moquait un peu légèrement Saint-Ëvremond, et aussi à ce goût d’analyse morale qui a poussé tant d’écrivains, tant de gens du monde même, à étudier le cœur humain dans ses plus délicats mouvements et ses plus imperceptibles ressorts.

2033. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 3. Causes générales de diversité littéraire. »

Souvent aussi, elle écrit en latin ce qu’elle a dit en français : aussi notre littérature ne porte-t-elle qu’un témoignage indirect de la puissance de l’Église et de la direction qu’elle imprime à la pensée humaine.

2034. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Jean Lahor (Henri Cazalis). »

Et ainsi, toutes les impressions particulières que nous donnent les objets du monde physique, il les approfondit et les agrandit aussitôt par l’idée toujours présente que tout s’enchaîne et se tient dans le rêve ininterrompu de Maïa… Les frontières deviennent indistinctes entre les différentes formes de la vie — vie végétale, animale et humaine.

2035. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Desbordes-Valmore, Marceline (1786-1859) »

Ce long soupir, mouillé d’une larme qui tremble, Ma sœur, c’était ton âme, où l’âme humaine entend Vers l’infini gémir tous les amours ensemble.

2036. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fort, Paul (1872-1960) »

Aucun autre objet au monde, sinon ces merveilles monumentales de l’art français, ne pourrait lier en une si parfaite unité le sublime au familier, l’élan céleste et les pauvres contorsions de la physionomie humaine.

2037. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VII. Le théâtre français contemporain des Gelosi » pp. 119-127

Sans doute les Arlequin, les Pedrolino, les Pantalon, étaient d’excellentes charges (ce mot est la traduction du mot italien caricature, passé depuis lors dans notre langue), c’est-à-dire des copies ressemblantes, quoique outrées, de la nature humaine.

2038. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La réforme prosodique » pp. 120-128

Sachant qu’un excès ne se corrige que par un autre, la nature humaine ayant besoin d’être forcée en sens contraire pour revenir au juste milieu, nous souhaitions des vers sans rimes, reconnaissables seulement à la sonorité et à l’éclat, obéissant aux seules lois de la fantaisie, scandés d’un frémissement intérieur, distincts de la prose, par leur intensité musicale.

2039. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1826 »

La régularité est une combinaison matérielle et purement humaine ; l’ordre est pour ainsi dire divin.

2040. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé Boileau, et Jean-Baptiste Thiers. » pp. 297-306

Ci gît le caustique Aretin, Fléau de tout le genre humain ; De dieu, dit-il, j’aurois pu l’être : Mais il eût fallu le connoître.

2041. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre X. Suite du Prêtre. — La Sibylle. — Joad. — Parallèle de Virgile et de Racine. »

En parcourant les tableaux des vicissitudes humaines tracés par Racine, on croit errer dans les parcs abandonnés de Versailles : ils sont vastes et tristes ; mais, à travers leur solitude, on distingue la main régulière des arts, et les vestiges des grandeurs : Je ne vois que des tours que la cendre a couvertes, Un fleuve teint de sang, des campagnes désertes.

2042. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre IV. Bossuet orateur. »

Il expire en disant ces mots, et il continue avec les anges le sacré cantique. » Nous avions cru pendant quelque temps que l’oraison funèbre du prince de Condé, à l’exception du mouvement qui la termine, était généralement trop louée ; nous pensions qu’il était plus aisé, comme il l’est en effet, d’arriver aux formes d’éloquence du commencement de cet éloge, qu’à celles de l’oraison de madame Henriette : mais quand nous avons lu ce discours avec attention ; quand nous avons vu l’orateur emboucher la trompette épique pendant une moitié de son récit, et donner, comme en se jouant, un chant d’Homère ; quand, se retirant à Chantilly avec Achille en repos, il rentre dans le ton évangélique, et retrouve les grandes pensées, les vues chrétiennes qui remplissent les premières oraisons funèbres ; lorsqu’après avoir mis Condé au cercueil, il appelle les peuples, les princes, les prélats, les guerriers au catafalque du héros ; lorsque, enfin, s’avançant lui-même avec ses cheveux blancs, il fait entendre les accents du cygne, montre Bossuet un pied dans la tombe et le siècle de Louis, dont il a l’air de faire les funérailles, prêt à s’abîmer dans l’éternité, à ce dernier effort de l’éloquence humaine, les larmes de l’admiration ont coulé de nos yeux, et le livre est tombé de nos mains.

2043. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre VI. Harmonies morales. — Dévotions populaires. »

quelle élévation cela ne donnait-il pas à la nature humaine !

2044. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — S’il est plus aisé, de faire une belle action, qu’une belle page. » pp. 539-539

Que le genre humain serait à plaindre, s’il n’était pas mille fois plus facile de bien faire que de bien dire !

2045. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIII. Des panégyriques en vers, composés par Claudien et par Sidoine Apollinaire. Panégyrique de Théodoric, roi des Goths. »

Il serait à souhaiter, pour le bonheur du genre humain, que cette histoire fût vraie, et qu’après les grands crimes, des spectres vengeurs poursuivissent du moins ceux qui, par leur place et leur pouvoir, sont au-dessus des lois.

2046. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Convenons-en franchement et sans nous laisser fasciner par ce respect envers les Dieux qui n’est souvent que du respect humain. […] » Inutile d’ajouter que si le quidam qui est tombé affectait auparavant un air d’assurance et de supériorité sur le genre humain, votre gaieté est plus intense parce qu’il y a revanche. […] On rit d’une difformité humaine. […] — Et le fait est que Chimène, Camille, Pauline et Viriate n’ont plus aucun caractère humain, quand on y songe. […] La perfectibilité est indéfinie ; l’esprit humain est toujours en progrès.

2047. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

La pesante brute humaine s’assouvit de sensations et de bruit.Pour cet appétit, il y a une pâture plus forte, j’entends les coups et les batailles. […] —  Il frissonne, le vieil arbre. —  Le Iote Loki brise ses liens. —  Les ombres frémissent sur les routes de l’Enfer,  — jusqu’à ce que le feu de Surtr — ait dévoré l’arbre. —  Le nocher Hrymr s’avance de l’Orient, un bouclier le couvre. —  Izrmungandr se roule — avec une rage de géant. —  Le serpent soulève les flots,  — l’aigle bat des ailes,  — l’oiseau au bec pâle déchire les cadavres. —  Le navire Naglfar est lancé. —  Surtr arrive du Midi avec les épées désastreuses. —  Le soleil resplendit sur les glaives des dieux héros. —  Les montagnes de rochers s’ébranlent,  — les géantes tremblent. —  Les ombres foulent le chemin de l’enfer,  — le ciel s’entr’ouvre. —  Le soleil commence à noircir,  — la terre s’affaisse dans la mer. —  Elles disparaissent du ciel,  — les étoiles brillantes. —  La fumée tourbillonne — autour du feu destructeur du monde. —  La flamme gigantesque joue — contre le ciel même. » Les dieux périssent tour à tour dévorés par les monstres, et la légende céleste, lugubre et grandiose ici comme l’histoire humaine, annonce des cours de combattants et de héros.Nulle crainte de la douleur, nul souci de la vie. […] — Puis le gardien du genre humain !  […] C’est la bête humaine alors qui est maîtresse ; l’esprit ne peut trouver sa place parmi les révoltes et les appétits du sang, de l’estomac et des muscles. […] Jouffroy, Problème de la destinée humaine.

2048. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

Au chant xiii de l’Odyssée, Ulysse, trop longtemps retenu à son gré chez les Phéaciens, a obtenu un vaisseau ; il doit partir le soir même, il assiste au dernier festin que lui donnent ses hôtes ; mais, impatient qu’il est de s’embarquer pour son Ithaque, il n’entend qu’avec distraction, cette fois, le chantre divin Demodocus, et il tourne souvent la tête vers le soleil comme pour le presser de se coucher : « Comme lorsque le besoin du repas se fait sentir à l’homme qui, tout le jour, a conduit à travers son champ les bœufs noirs tirant l’épaisse charrue : il voit joyeusement se coucher la lumière du soleil pressé qu’il est d’aller prendre son souper, et les genoux lui font mal en marchant ; c’est avec une pareille joie qu’Ulysse vit se coucher la lumière du soleil. » La passion de l’exilé sur le point de revoir sa patrie, comparée à celle du pauvre journalier pour son souper et son gîte à la dernière heure d’une journée laborieuse, ne se trouve point rabaissée en cela ; elle n’en paraît que plongeant plus à fond, enracinée plus avant dans la nature humaine ; mais rien n’est compris si cette circonstance naïve des genoux qui font mal en marchant est atténuée ou dissimulée ; car c’est justement cette peine qui est expressive, et qui aide à mesurer l’impatience même, la joie de ce simple cœur. […] L’idéal, en cette période de Sophocle, peut sensiblement revêtir et comme modeler les groupes tragiques, mais c’est un idéal encore qui n’altère en rien le naturel simple et vif, et qui respecte la douleur humaine prête à se faire jour par des cris au besoin et par tout ce qu’il y a de plus vrai dans le langage. […] Mais non : ces phases analogues et ces récidives du goût tiennent à des lois générales de l’esprit humain ; on réinvente, à de certains âges et en de certains lieux éloignés, les mêmes défauts, comme quelquefois aussi on rencontre, sans s’être connus et à l’aide de la seule nature, les mêmes beautés.

2049. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

C’est l’aventure qui fait les preux, et met les « pauvres brigands » de pair avec les chevaliers : sentiment bizarre, mais bien français, et bien humain, puisqu’il donne la clef de l’universelle popularité des Mandrin, des Cartouche et des José Maria, puisqu’il explique le prestige littéraire des contrebandiers et flibustiers. […] Ne cherchant que l’aventure, c’est-à-dire le dehors de l’acte humain, il n’a que faire des documents écrits, ni de fouiller les archives. […] Ils émancipent, éclairent la raison humaine.

2050. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

Inspiration lyrique : personnelle et humaine. — 4. […] Il évalue la pression des réalités brutes, des faits, sur les hommes, la réaction des volontés et des intérêts humains, et le poids qu’ils jettent dans la balance à un moment donné. […] Toutes les circonstances évaluées, et addition faite de la prudence humaine à leur total, une force survient on ne sait d’où, qui dérange l’opération, et fait sortir le résultat le moins prévu, le moins possible.

2051. (1856) Cours familier de littérature. I « Digression » pp. 98-160

Il n’y a pas de langue humaine à la mesure de ces sensations produites par ces jeux de la toute-puissance divine : la masse d’un fleuve à qui son lit manque tout à coup ; la profondeur incommensurable de l’abîme qui l’engloutit ; la pulvérisation en écume par la seule résistance de l’air qu’il écrase en tombant ; la nappe transformée à vue en vapeurs qui se dispersent au vent de leur propre volatilisation, et qui fuient aux quatre coins du ciel comme une volée d’oiseaux gigantesques, ou qui se cramponnent aux flancs perpendiculaires de la montagne, comme des Titans précipités cherchant à se retenir aux corniches du firmament ; les transparences vertes ou azurées des langues d’eau que la rapidité, l’impulsion et le poids du fleuve arqué en pont sur l’abîme, au moment où elles rencontrent tout à coup le vide, semblent cristalliser ; la lumière du soleil levant qui les transperce, et qui s’y fond en mille éclaboussures avec tous les éblouissements du prisme ; le choc en bas, le bruit en haut, l’orage éternel, la transe sublime qui serre le cœur, et qui ne trouve pas même un cri pour répondre à ce foudroiement de l’esprit. […] Partout dans la chaudière un corps qui se consume ; Partout l’âcre parfum du naphte et du bitume ; Partout l’orgueil humain, follement excité, Luttant dans sa misère avec l’éternité… Des peuples disparus qu’importent ces vestiges ? […] J’admirai ce hasard qui réunissait ainsi, dans un espace de quatre pas carrés, quatre âmes de nature diverse presque inconnues les unes aux autres, mais dont chacune avait un empire au dehors sur une région de l’intelligence humaine.

2052. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

En ce temps-là aussi on se croyait arrivé au comble de l’expérience humaine et de l’histoire (il en est ainsi de chaque génération), et, si le monde tournait autrement qu’on n’avait compté, on s’écriait : « Eh ! […] Dans sa dernière maladie, Mézeray, qui n’obéissait en rien au respect humain ni à l’esprit de système, fit amende honorable devant témoins sur les points capitaux de la croyance : « Oubliez, dit-il, ce que j’ai pu autrefois vous dire de contraire, et souvenez-vous que Mézeray mourant est plus croyable que n’était Mézeray en vie. » Il mourut le 10 juillet 1683, laissant un testament qu’on a publié et qui prête aux commentaires.

2053. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

Enfin ce fut un homme qui, avec une autorité suprême, compta un peu avec le genre humain. […] Et c’est ici qu’on a droit de s’élever contre cette philosophie et cette théorie que La Fare avait voulu ériger d’après lui-même, et qu’on peut lui dire : Divin ou humain, il me faut un ressort dans la vie, sans quoi tout se relâche !

2054. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

Cowper voit dans cette disposition et dans ce vœu universel un cri de la conscience qui, longtemps méconnue, mais non abolie, rappelle toute créature humaine à son origine et à sa fin, et l’avertit de sortir du tourbillon des villes, de cette atmosphère qui débilite et qui enflamme, pour revenir là où il y a des traces encore visibles, des vestiges parlants d’un précédent bonheur, et « où les montagnes, les rivières, les forêts, les champs et les bois, tout rend présent à la pensée le pouvoir et l’amour de Celui qui les a faits. » Et dans une description minutieuse et vivement distincte, où il entre un peu trop d’anatomie, mais aussi de jolis traits de pinceau, il donne idée de la manière d’interpréter et d’épeler la création, et il montre qu’ainsi étudié, compris et consacré, tout ce qui existe, loin d’être un jeu d’enfant ou un aliment de passion, ne doit plus se considérer que comme une suite d’échelons par où l’âme s’élève et arrive à voir clairement « que la terre est faite pour l’homme, et l’homme lui-même pour Dieu. » Tout cela est grave et solennel sans doute, il faut s’y accoutumer avec le poète : Cowper, c’est à bien des égards le Milton de la vie privée. […] Il a, pour peindre les soins et les vaines agitations des hommes, des images dignes de Lucrèce, mais d’un Lucrèce chrétien : Si nous ouvrons la carte où se déploie le plan étendu du Tout Puissant, nous trouvons une toute petite île, cette vie humaine : l’espace inconnu de l’éternité l’environne et la limite de toutes parts ; la foule empressée explore et fouille chaque crique et chaque rocher du dangereux rivage, y ramasse avec soin tout ce qui lui paraît exceller aux yeux, quelques-uns de brillants cailloux, d’autres des algues et des coquillages ; ainsi chargés, ils rêvent qu’ils sont riches et grands, et le plus heureux est celui qui gémit sous sa charge.

2055. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

tout ce qui est humain disparaît ; villages, enclos, cultures, on dirait des ouvrages de fourmis. […] Je n’ai donné que la partie purement pittoresque : les pages qui suivent et où l’auteur s’emparant des notions géologiques, expose et ressuscite les révolutions de ces contrées durant les âges antérieurs à l’homme, sont d’une extrême élévation et d’une vraie beauté ; la conclusion est d’une humilité mélancolique, mêlée d’un sourire, pour la race humaine éphémère.

2056. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Il comptait bien d’ailleurs, l’épicurien et le raffiné, ne parler que pour une élite ; il a lâché son mot dans une lettre à Thomas Moore ; il n’écrit, dit-il, que pour un petit nombre d’élus, « happy few très-fâché que le reste de la canaille humaine (c’est son mot) lise ses rêveries. » Depuis Siéyès et l’avénement de la démocratie, pensait-il encore, il n’y a plus que l’aristocratie littéraire qui ose aimer les phrases simples et les pensées naturelles : il entendait bien rester de cette aristocratie ; et il narguait le reste du monde qui se prend au bombast, au bouffi et au fardé en tout genre. […] Il découronne par trop l’imagination humaine.

2057. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Vitet), regretter, qu’il n’eût pas en effet réalisé la lutte entre des deux natures, entre la nature humaine supérieure la tête, la pensée, l’esprit, et entre la nature inférieure, animale, matérielle ? […] Ces jolis chants et ce lavage de fontaine me donnaient à penser diversement : les oiseaux me faisaient plaisir, et, envoyant s’en aller toute bourbeuse cette eau si pure auparavant, je regrettais qu’on l’eût troublée, et me figurais notre âme quand quelque chose la remue ; la plus belle même se décharme quand on en touche le fond, car au fond de toute âme humaine il y a un peu de limon. » Elle-même, elle se laisse couler sur ce papier qu’elle quitte et reprend souvent ; elle est triste, il lui manque quelque chose, sa tranquillité n’est qu’à la surface ; cela lui faitdu bien d’écrire et lui décharge l’âme de ce triste qui parfois la trouble ; elle se sent mieux après.

2058. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

Champfleury m’a remis heureusement en mémoire le charmant Essai de Charles Lamb, la Vieille porcelaine de Chine, où la légère manie qui y est retracée s’accompagne et se relève de tant de remarques fines, de tant d’observations délicates sur le cœur humain et sur la vie : le tableau entier respire une ironie indulgente et douce. […] je t’accepterai encore, et, s’il fallait opter, je te préférerais même ainsi, pauvre et médiocre, mais prise sur le fait, mais sincère, à toutes les chimères brillantes, aux fantaisies, aux imaginations les plus folles ou les plus fines, — oui, aux Quatre Facardins eux-mêmes, — parce qu’il y a en-toi la source, le fond humain et naturel duquel tout jaillit à son heure, et, un attrait de vérité, parfois un inattendu touchant, que rien ne vaut et ne rachète.

2059. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

C’est ainsi que Rivarol, blâmant les forfanteries de l’impiété dans la jeunesse, disait : « L’impiété est la plus grande des indiscrétions. » Mais ce n’était pas seulement en ce sens trop fin et malin que la France du XIXe siècle entendait blâmer les licences de ses pères ; elle les réprouvait en elles-mêmes comme fausses et funestes, et contraires au bon régime des sociétés humaines ; elle comptait bien, d’ailleurs, emprunter au XVIIIe siècle tout ce qui était progrès, résultat utile, lui prendre ses méthodes, mais pour les perfectionner ou les rectifier, à la lumière des grands événements historiques qui avaient éclairé son berceau : elle entendait le continuer en le corrigeant, en se garantissant avec soin surtout de ses conclusions tranchantes et précipitées. […] D’autres enfin, qui n’ont rien trahi parce qu’ils n’avaient rien promis, parce que leurs paroles n’excédaient pas leur pensée et que les réserves y étaient toujours présentes, et qui ne prétendirent guère jamais voir dans ces combinaisons réputées divines que les plus belles des espérances humaines, ont passé graduellement à l’observation, à la science, n’espérant plus que de là, tout bien considéré, la réalisation, bien lente et bien incomplète toujours, de ce qui doit affranchir notre espèce de ses lourds et derniers servages.

2060. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M. Édouard de Barthélémy. »

L’auteur s’amusait à faire dire à tout ce beau monde élégant : « Se peut-il qu’on croie le cœur humain si corrompu ? […] Il a vu la tapisserie humaine par l’envers : il la décompose en la montrant.

2061. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. (suite) »

Un jour donc que Marie questionnait Michel, et le questionnait sur toute chose humaine ou divine, — car il entre évidemment beaucoup plus de curiosité que d’amour dans son goût pour lui, — Michel, interrogé, répond : « Marie, je n’ai pas tout vu, quoique je sois fort curieux ; je n’ai pas tout analysé ; je n’ai pas tout nié, Dieu merci ! […] Ainsi, derrière un ironique, il y a eu un croyant, un cœur confiant du moins, aimant, affectueux, et ce Michel, pour l’appeler d’un nom, cet amoureux d’autrefois, cet homme délicat et humain n’est jamais mort chez Gavarni : il a eu jusqu’à la fin des retours marqués dans son talent.

2062. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

La vérité morale et humaine est plus large que nous ne pensons. […] En un mot, il lui aurait fallu cette grande foire humaine et à marché ouvert qu’on appelle le Directoire ; toutes les ambitions, toutes les compétitions, toutes les cupidités à nu ; et les plaisirs à l’avenant : une Régence.

2063. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

Il était trop bon, de cette bonté naïve, expansive, qui se confie en celle des autres, qui va au-devant, qui abonde dans l’idée de l’amour des peuples comme en des amours de nourrice ; qui ne compte pas assez sur les sentiments très mélangés, très équivoques, dont est formée en soi et par lesquels se présente surtout à un prince la nature humaine. […] Se flatter d’exécuter de si grandes choses sans un seul accident et sans coup férir, décèle aussi par trop d’innocence ; c’est méconnaître la part de péril nécessaire que contient toute entreprise humaine et ce qu’il faut y hasarder.

2064. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

Au retour du printemps, dès que la terre ne suffisait plus à ceux qui en vivaient, dès que la famille humaine devenait trop nombreuse, un essaim de jeunesse prenait son essor et s’envolait à la découverte, à l’aventure, vers des pays ou le soleil s’annonçait plus beau. […] Il en est d’autres, au contraire, humains, tolérants, non exclusifs, je dirais presque philanthropes, et prêts à tendre la main à une civilisation autre que la leur ; comme qui dirait des musulmans à la Cheverus ou à la Fénelon.

2065. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

Nous autres critiques qui, à défaut d’ouvrages, nous faisons souvent des questions (car c’est notre devoir comme aussi notre plaisir), nous nous demandons, ou, pour parler plus simplement, Messieurs, je me suis demandé quelquefois : Que serait-il arrivé si un poëte dramatique éminent de cette école que vous m’accorderez la permission de ne pas définir, mais que j’appellerai franchement l’école classique, si, au moment du plus grand assaut contraire et jusqu’au plus fort d’un entraînement qu’on jugera comme on le voudra, mais qui certainement a eu lieu, si, dis-je, ce poëte dramatique, en possession jusque-là de la faveur publique, avait résisté plutôt que cédé, s’il n’en avait tiré occasion et motif que pour remonter davantage à ses sources à lui, et redoubler de netteté dans la couleur, de simplicité dans les moyens, d’unité dans l’action, attentif à creuser de plus en plus, pour nous les rendre grandioses, ennoblies et dans l’austère attitude tragique, les passions vraies de la nature humaine ; si ce poëte n’avait usé du changement d’alentour que pour se modifier, lui, en ce sens-là, en ce sens unique, de plus en plus classique (dans la franche acception du mot), je me le suis demandé souvent, que serait-il arrivé ? […] Hommage solennel et attendrissant, quand il est pur des intérêts de parti ou des prestiges de la puissance, quand il s’adresse au simple particulier, et qui atteste sincèrement alors que l’homme de talent qu’on pleure eut en effet avec la foule, avec la majorité des autres hommes, des qualités communes affectueuses, de bons et généreux sentiments, des sympathies patriotiques et humaines !

2066. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre II. Les privilèges. »

La forme dans laquelle s’enserre alors la société humaine est construite sous les exigences du danger incessant et proche, en vue de la défense locale, par la subordination de tous les intérêts au besoin de vivre, de façon à sauvegarder le sol en attachant au sol, par la propriété et la jouissance, une troupe de braves sous un brave chef. […] Livré à lui-même et ramené subitement à l’état de nature, le troupeau humain ne saura que s’agiter, s’entre-choquer, jusqu’à ce qu’enfin la force pure prenne le dessus comme aux temps barbares, et que, parmi la poussière et les cris, surgisse un conducteur militaire, lequel d’ordinaire est un boucher.

2067. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre premier. Les sensations totales de l’ouïe et leurs éléments » pp. 165-188

Nous n’avons point ici ces éléments communs, images, représentations, idées générales, auxquels se réduisent les diverses inventions humaines et les diverses combinaisons sociales. […] En suivant ce principe et au moyen d’un instrument appelé résonateur, on a constaté que la même circonstance explique les différentes voyelles de la voix humaine, c’est-à-dire les nuances que présente la même note quand tour à tour on la prononce u, a, e, i, o, eu, ou.

2068. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

Elle a été un des procédés les plus féconds qui aient contribué à former le langage humain ; et dans le développement et l’évolution de chaque langue, son rôle a été immense. […] Cette recrue continuelle du genre humain, je veux dire les enfants qui naissent, à mesure qu’ils croissent et qu’ils s’avancent, semblent nous pousser de l’épaule et nous dire : Retirez-vous, c’est maintenant notre tour.

2069. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

C’est dire que l’intérêt du Cid n’est pas dans la couleur historique, mais dans la vérité humaine. […] Le cas n’est pas castillan, il est humain : et ainsi en sera-t-il dès lors de toute tragédie : grecque, ou asiatique, ou romaine, elle n’aura en réalité qu’un objet et qu’un modèle : l’homme.

2070. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre III. Comédie et drame »

Cette réserve faite, les comédies de Marivaux se déroulent dans une société idéale, dans le pays du rêve : ce sont de délicates hypothèses sur l’âme humaine qu’il explique avec une étonnante sûreté. […] Mais ces données serviront à mettre en lumière des sentiments de l’âme humaine, des effets de mécanique et de chimie morales, qu’on aurait beaucoup plus de peine à observer dans les conditions fortuites et communes de la vie.

2071. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Henry Rabusson »

Rabusson ne croit pas beaucoup à la liberté humaine (pas la moindre trace de lutte morale dans ses histoires), ni au bonheur de vivre (tous ses romans pourraient finir, comme l’Amie, par ces mots : « Pourquoi la vie ?  […] … Je m’incline donc une fois encore devant la suprême inconscience, devant la toute-puissante déraison qui semble gouverner les choses humaines… Je me résigne ; mais cette résignation me dégrade et m’abrutit : je la maudis.

2072. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XI. L’antinomie sociologique » pp. 223-252

Toutes ces idéologies sont unitaires : elles ont pour but de faire croire à l’unité intellectuelle, morale, politique, juridique, de l’espèce humaine ; à l’unité d’intérêts, de droits et de valeur morale des individus humains.

2073. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

En voyant se succéder tant de dynasties et tant de siècles qui, de loin, semblent ramassés en un jour, le poète a conçu le sentiment profond de l’instabilité des choses humaines, de la fuite de la vie et des années brillantes, du néant de tout, excepté d’une bonne renommée ; car il croit à la poésie et à la gloire. […] La pensée de Voltaire est toute philosophique et humaine ; il veut inspirer l’horreur des guerres civiles.

2074. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. » pp. 371-391

À ces philosophes charlatans ou crédules, qui retraçaient à tout propos le tableau des progrès de l’esprit humain « depuis le déluge jusqu’au Directoire », il oppose exprès ce roman, qui n’en est pas un, qui n’est que l’histoire de la vie humaine, vrai miroir qui nous montre les hommes « tels qu’ils sont, tels qu’ils ont été, tels qu’ils seront toujours ».

2075. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

Certainement on ne peut la trouver dans le cœur humain ; car qui était plus sûr que moi du cœur du roi d’Espagne ? […] Elle s’était rendu compte à l’avance de tout ce néant humain ; elle se dit, en sachant ses ennemis triomphants et ses amis consternés, qu’il n’y avait pas lieu à tant s’étonner ; que ce monde n’était qu’une comédie où il y avait souvent de bien mauvais acteurs ; qu’elle y avait joué son rôle mieux que beaucoup d’autres peut-être, et que ses ennemis ne devaient pas s’attendre à ce qu’elle fût humiliée de ne le plus représenter : « C’est devant Dieu que je dois être humiliée, disait-elle, et je le suis. » Après avoir quitté la France, où Louis XIV mourait et où le duc d’Orléans, qu’elle avait pour ennemi déclaré, devenait le maître, elle alla habiter Rome, son ancienne patrie, la ville des grandeurs déchues et des disgrâces décentes.

2076. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le président de Brosses. Sa vie, par M. Th. Foisset, 1842 ; ses Lettres sur l’Italie, publiées par M. Colomb, 1836. » pp. 85-104

L’intérêt qui se porte à tel ou tel ordre de la connaissance humaine, voyage et se déplace, en quelque sorte, avec la société même et avec les besoins nouveaux ; mais on n’est point, pour cela, barbare. […] De telles conceptions pourtant sur les origines et la fabrique intérieure des choses et sur les méthodes humaines naturelles, témoignent d’un esprit qui, de bonne heure, selon l’expression de Buffon, s’était trouvé porté au plus haut point de la métaphysique des sciences, et en avait occupé les sommets : de là sa vue s’étendait sur l’ensemble, et les détails se rangeaient à ses yeux sous de certaines lois.

2077. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Marguerite, reine de Navarre. Ses Nouvelles publiées par M. Le Roux de Lincy, 1853. » pp. 434-454

Il y eut de son temps un immense mouvement dans l’esprit humain, une cause proprement littéraire et libérale, qui passionna les esprits et les cœurs, comme fit plus tard la politique. […] Charitable et humaine, elle ne cessa d’agir auprès de son frère dans le sens de la clémence.

2078. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1880 » pp. 100-128

L’examen fini, la juive s’est laissée tomber sur une chaise longue, et la tête penchée de côté, et montrant au sommet un enroulement de cheveux, qui ressemblait à un nœud de couleuvres, elle s’est indolemment plainte, avec toutes sortes d’interrogations amusantes de la mine et du bout du nez, de cette exigence des moralistes et des romanciers, demandant aux femmes qu’elles ne fussent pas des créatures humaines, et qu’elles n’eussent pas dans l’amour les mêmes lassitudes et les mêmes dégoûts que les hommes. […] » Jeudi 2 décembre La Comédie humaine : ça pourrait être aussi bien le titre de la Comédie au crayon de Gavarni, que la Comédie à la plume de Balzac.

2079. (1897) Préface sur le vers libre (Premiers poèmes) pp. 3-38

Nous sommes si d’accord avec Banville que nous admettons sa définition : « Le Vers est la parole humaine rythmée de façon à pouvoir être chantée, et, à proprement parler, il n’y a pas de poésie et de vers en dehors du chant. » Mais, si l’oreille des romantiques différait de celle des classiques, la nôtre a d’autres besoins que les leurs. […] Que Banville a raison dans son texte contre Malherbe et Boileau : les règles draconiennes édictées par le seul Boileau ne se fondent sur rien de sérieux, c’est du pur arbitraire, c’est la volonté d’un critique gâté, s’imposant sans raison ; et Banville dit encore mille fois plus juste quand il déclare, que seule la lâcheté humaine fit qu’on déféra à cette loi, que c’est de par cette lâcheté et cet amour de la servitude qu’après Lamartine, Hugo, Gautier, Leconte de l’Isle, on en discutait encore.

2080. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

Jamais, ou bien rarement, il s’est aventuré sur la terre commune, celle où l’être humain, dépouillé des oripeaux de la convention sociale, nu et désarmé, lutte, souffre et meurt. […] C’étaient, au fond, deux hommes d’un suprême bon sens : seulement Gautier, méprisant les foules, gardait son bon sens pour lui, ou ne le divulguait qu’enveloppé de malicieuses réticences ; tandis qu’Angier allait droit à ces foules : il se révoltait au spectacle des bassesses humaines et des décadences, et les cinglait alors avec des œuvres maîtresses, comme le Mariage d’Olympe, les Effrontés, la Contagion.

2081. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

Peignez surtout le cœur humain, mais sans recherche et sans exagération : c’est un abîme, dit-on ; portez-y la lumière, au lieu d’en épaissir les ténèbres ; soyez-en les observateurs, les historiens, les romanciers : mais n’en soyez pas les Lycophrons et les Sphinx. Ayez horreur de cette littérature de Cannibales, qui se repaît de lambeaux de chair humaine, et s’abreuve du sang des femmes et des enfants ; elle ferait calomnier votre cœur, sains donner une meilleure idée de votre esprit.

2082. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

Ce sont des pensées, des réflexions et des maximes sur la condition humaine, l’homme, la femme, la vie morale, le cœur, l’esprit, l’éducation, le temps présent, les arts et les lettres, l’aristocratie, la bourgeoisie, le peuple et la religion des contemporains. […] « Je ne pense pas mal de l’espèce humaine, nous dit-elle, car je la crois plus abusée que perverse : je la plains plus que je ne la condamne, car je la vois toujours rectifiant de plus en plus ses erreurs et redressant ses voies à mesure que s’étendent ses lumières et que s’exerce dans de plus vastes limites sa liberté. » On l’entend : c’est la ritournelle du progrès chantée aux bornes sur toutes les orgues de Barbarie philosophiques.

2083. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « J. de Maistre » pp. 81-108

Principe qui fait d’eux bien moins des créatures humaines que des créations divines, — des outils de Dieu ! […] IX En effet, dans ces quelques pages qui n’omettent rien en leur brièveté pleine, Joseph de Maistre commence, il est vrai, par s’opposer à l’émancipation en principe, mais il ne répugne pas à la préparer, historien que le métaphysicien n’infirme jamais : « Quand on lit l’Histoire, il faut savoir la lire », dit-il quelque part ; et l’Histoire, dont il parcourt les annales avec les trois pas homériques de Bossuet, « montre » (ajoute-t-il), « avec la dernière évidence, que le genre humain n’est susceptible de liberté qu’à, mesure qu’il est pénétré et conduit par le Christianisme.

2084. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

La grande difficulté est de rester humain, d’échapper aux formules pour entrer dans ces cœurs. […] Vendredi saint, journée rédemptrice du genre humain, comme nous savons bien passer cette journée !

2085. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre IV. L’unification des sociétés »

L’unification des sociétés Dans les grands ensembles complexes que présente l’histoire humaine, nous avons discerné, pour mesurer l’influence égalitaire de leur nombre et de leurs rapports, les individus, puis les groupes partiels. […] Flach, l’individualité n’existe pas ; l’individu humain est absorbé par le groupe221. » Dans l’absence de pouvoir central, l’homme est obligé de s’inféoder à une collectivité dans l’unité de laquelle se fondent en quelque sorte ses droits propres : c’est seulement dans les États constitués que l’homme isolé peut lever la tête.

2086. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [M. de Latena, Étude de l’homme.] » pp. 523-526

Pourtant, comme la diversité des esprits jusque dans les mêmes genres est infinie, comme la bonne foi et la sincérité en chacun est le grand secret pour tirer de sa nature tout ce qu’elle renferme, il y a moyen toujours, en ne disant que ce qu’on a senti, en n’écrivant que ce qu’on a observé, d’ajouter quelque chose peut-être à ce que les maîtres lumineux et perçants de la vie humaine ont déjà embrassé, ou du moins de faire en sorte que le lecteur soit ramené sur les mêmes chemins et vers les mêmes vues sans fatigue et sans ennui.

2087. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Sur Adolphe de Benjamin Constant » pp. 432-438

Mais l’analyse de tous les sentiments du cœur humain est si admirable, il y a tant de vérité dans la faiblesse du héros, tant d’esprit dans les observations, de pureté et de vigueur dans le style, que le livre se fait lire avec un plaisir infini.

2088. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « I » pp. 1-8

Mais un bon Génie, un Amschaspand, aurait de quoi répondre : « A travers ce manque de goût et ces torrents d’invectives, il y a des restes de candeur, une sincérité incontestable bien que si muable en sa rapidité ; l’amour de l’humanité, de ce que l’auteur croit tel, y compense à ses yeux la haine pour quelques individus ; la fibre humaine vibre en certains endroits sous une touche dont très-peu sont capables.

2089. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « Mme DESBORDES-VALMORE. (Pauvres Fleurs, poésies.) » pp. 115-123

Sa petite pièce, intitulée Milan, nous la montre plus sensible encore aux maux de la grande famille humaine qu’aux beautés de l’éblouissante nature.

2090. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. L’Angleterre en 1688 et la France en 1830 »

N’allons donc pas le grever de gaieté de cœur par des systèmes ; ne retombons pas, en politique, dans notre péché, si familier en toutes choses, d’imitation étrangère : profitons des exemples sans croire aux identités ; ne concluons pas d’une Révolution spéciale et tout insulaire à une Révolution véritablement européenne et humaine : n’introduisons pas dans les pouvoirs de l’État des proportions de forces peu en harmonie avec nos futures destinées, ne recomposons pas de toutes pièces des difficultés évanouies.

2091. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Le Comte Walewski. L’École du Monde »

J’admire et je vénère le talent d’un illustre poète, je crois aux grandes qualités de son cœur ; mais le cœur humain est là aussi, et je me risquerai à dire qu’une pièce de théâtre qui lui fera motiver au crayon un si chaleureux bravo, sera celle qui n’inquiétera jamais sa gloire.

2092. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre V. Résumé. »

À leur tête, le roi, qui a fait la France en se dévouant à elle comme à sa chose propre, finit par user d’elle comme de sa chose propre ; l’argent public est son argent de poche, et des passions, des vanités, des faiblesses personnelles, des habitudes de luxe, des préoccupations de famille, des intrigues de maîtresse, des caprices d’épouse gouvernent un État de vingt-six millions d’hommes avec un arbitraire, une incurie, une prodigalité, une maladresse, un manque de suite qu’on excuserait à peine dans la conduite d’un domaine privé  Roi et privilégiés, ils n’excellent qu’en un point, le savoir-vivre, le bon goût, le bon ton, le talent de représenter et de recevoir, le don de causer avec grâce, finesse et gaieté, l’art de transformer la vie en une fête ingénieuse et brillante, comme si le monde était un salon d’oisifs délicats où il suffit d’être spirituel et aimable, tandis qu’il est un cirque où il faut être fort pour combattre, et un laboratoire où il faut travailler pour être utile  Par cette habitude, cette perfection et cet ascendant de la conversation polie, ils ont imprimé à l’esprit français la forme classique, qui, combinée avec le nouvel acquis scientifique, produit la philosophie du dix-huitième siècle, le discrédit de la tradition, la prétention de refondre toutes les institutions humaines d’après la raison seule, l’application des méthodes mathématiques à la politique et à la morale, le catéchisme des droits de l’homme, et tous les dogmes anarchiques et despotiques du Contrat social  Une fois que la chimère est née, ils la recueillent chez eux comme un passe-temps de salon ; ils jouent avec le monstre tout petit, encore innocent, enrubanné comme un mouton d’églogue ; ils n’imaginent pas qu’il puisse jamais devenir une bête enragée et formidable ; ils le nourrissent, ils le flattent, puis, de leur hôtel, ils le laissent descendre dans la rue  Là, chez une bourgeoisie que le gouvernement indispose en compromettant sa fortune, que les privilèges heurtent en comprimant ses ambitions, que l’inégalité blesse en froissant son amour-propre, la théorie révolutionnaire prend des accroissements rapides, une âpreté soudaine, et, au bout de quelques années, se trouve la maîtresse incontestée de l’opinion  À ce moment et sur son appel, surgit un autre colosse, un monstre aux millions de têtes, une brute effarouchée et aveugle, tout un peuple pressuré, exaspéré et subitement déchaîné contre le gouvernement dont les exactions le dépouillent, contre les privilégiés dont les droits l’affament, sans que, dans ces campagnes désertées par leurs patrons naturels, il se rencontre une autorité survivante, sans que, dans ces provinces pliées à la centralisation mécanique, il reste un groupe indépendant, sans que, dans cette société désagrégée par le despotisme, il puisse se former des centres d’initiative et de résistance, sans que, dans cette haute classe désarmée par son humanité même, il se trouve un politique exempt d’illusion et capable d’action, sans que tant de bonnes volontés et de belles intelligences puissent se défendre contre les deux ennemis de toute liberté et de tout ordre, contre la contagion du rêve démocratique qui trouble les meilleures têtes et contre les irruptions de la brutalité populacière qui pervertit les meilleures lois.

2093. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre XI. De l’ignorance de la langue. — Nécessité d’étendre le vocabulaire dont on dispose. — Constructions insolites et néologismes »

De là ces expressions, que j’ai rencontrées dans des écrits récents : « Ôcourtetéde la sagesse humaine !

2094. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Choses d’autrefois »

L’aristocratie du sang (avec tout l’ordre social qu’elle impliquait) était assurément plus décorative, produisait des individus plus remarquables, de plus beaux spécimens de l’animal humain, et permettait à un petit nombre une vie plus noble et plus brillante.

2095. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les snobs » pp. 95-102

Or, cette docilité vaniteuse, cette fausse hardiesse d’esprits médiocres et vides, cette ardeur pour les nouveautés uniquement parce qu’elles sont des nouveautés ou que l’on croit qu’elles en sont, tout cela est très humain ; et c’est pourquoi, si le mot de snobisme est récent dans le sens où nous l’employons, la chose elle-même est de tous les temps.

2096. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Bilan des dernières divulgations littéraires. » pp. 191-199

Quoi qu’on nous apprenne d’eux, il n’y a pas de quoi nous étonner, puisqu’ils furent des hommes et des femmes, et qu’on ne nous en apprendra jamais rien qui ne soit humain, hélas !

2097. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dierx, Léon (1838-1912) »

Une mélancolique intelligence de la nature et de ses correspondances humaines, un art très harmonieux et d’un homme qui sent et pense.

2098. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Merrill, Stuart (1863-1915) »

La nécessité de s’exprimer noblement ne tend-elle point d’ailleurs à la réalisation d’un grand rêve social, puisqu’elle impose la plus grande part de perfection humaine.

2099. (1887) Discours et conférences « Discours à l’Association des étudiants »

Mais il y a une vérité qui sera éternelle, c’est que des relations des deux sexes résultent des obligations sacrées, et que le premier des devoirs humains est de s’interdire, dans l’acte le plus gros de conséquence pour l’avenir du monde, une coupable étourderie.

2100. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 124-134

Assujettir les fictions, les images, la hardiesse, les écarts de la Poésie au ton lourd & pénible de la vérité, c’est ôter à l’esprit humain ces charmes séducteurs qui l’attachent, le captivent & lui font goûter le vrai qu’ils ont embelli.

2101. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Avertissement » pp. -

Est-ce une loi de l’esprit humain qu’il n’aperçoive pas d’abord toute la portée de ses découvertes ou de ses inventions ?

2102. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 27, que les sujets ne sont pas épuisez pour les poëtes, qu’on peut encore trouver de nouveaux caracteres dans la comedie » pp. 227-236

Il s’en faut bien que tous les ridicules du genre humain ne soient encore réduits en comedie.

2103. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 41, de la simple récitation et de la déclamation » pp. 406-416

Quintilien qui avoit cru que sa profession d’enseigner l’art d’être éloquent, le mît dans l’obligation d’étudier les mouvemens du coeur humain, du moins autant que les regles de la grammaire, dit que l’orateur qui touche le plus, c’est celui qui se touche lui-même davantage.

2104. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 2, du génie qui fait les peintres et les poëtes » pp. 14-24

Supposant même que le hazard l’ait fait naître à une telle distance de ces emplois, qu’il lui soit possible de la franchir dans le cours d’une vie humaine ; il manque souvent des talens qui peuvent les lui faire obtenir.

2105. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XVI »

Albalat aurait dû s’appuyer sur une base absolument psychologique pour ensuite tenter de nous montrer comment les sensations arrivent à s’incarner, visuelles quand même, à travers les sons du Verbe humain, groupés en tous sens au hasard des mots et des comparaisons.‌

2106. (1818) Essai sur les institutions sociales « Préface » pp. 5-12

J’aurai occasion de revenir sur cet état d’abrutissement de l’espèce humaine, posé par le philosophe napolitain, bien avant les rêveries du philosophe de Genève.

2107. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Léon Feugère ; Ambroise-Firmin Didot »

Quoique nous ne ressemblions guères aux hommes qui vivaient vers 1550 et que nous n’ayons pas dans nos chétives poitrines les gerbes de flamme qui brûlaient alors tous les esprits et tous les cœurs, nous sommes les enfants du xvie  siècle bien plus qu’on ne le croit, de ce siècle de la discussion, de l’émancipation de l’esprit humain, de sa réaction indignée contre la tradition de l’autorité, toutes choses, hélas !

2108. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « ??? » pp. 175-182

La draperie de ce mot cache les plus grandes badauderies de la tête humaine.

2109. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — IV »

La raison humaine est enchaînée de telle sorte que nous repassons tous dans les pas les uns des autres.

2110. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « Introduction »

A chacune de ces prises de conscience, l’âme médiévale s’obscurcissait, tandis que la plante humaine s’épanouissait sur sa tige.

2111. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

Il y a un trésor enfoui là-dessous ; mais, pour l’avoir, il faut avoir versé du sang humain. » Yégor fit un nouveau signe de croix. […] Courbé sur moi-même et aspirant l’air humide du soir, je sentis toutes mes rêveries de la journée se fondre en un seul sentiment, celui de la lassitude et du sommeil, en un seul désir, celui de retourner bien vite sous un toit humain, de boire une tasse de thé à la crème, de m’enfoncer dans du foin odorant, et de m’endormir avec délices. […] II Cependant l’immense talent et l’immense succès des essais littéraires de Tourgueneff lui inspiraient la pensée de développer ce talent en romans plus humains, plus vastes et plus complets d’une seule pièce. […] Il s’y trouvait de beaux ombrages, de vieux tilleuls, remarquables par leur développement gigantesque et par l’étrange disposition de leurs branches : on les avait plantés trop près les uns des autres ; ils avaient été taillés naguère, — il y avait cent ans, peut-être. — Le jardin finissait à un petit étang clair, bordé de joncs rougeâtres. — Les traces de la vie humaine s’effacent vite : la propriété de Glafyra Pétrowna n’avait pas eu le temps de devenir déserte, et déjà elle paraissait plongée dans ce sommeil qui enveloppe tout ce qui est à l’abri de l’agitation humaine. […] Dès le premier accord, une mélodie douce et passionnée envahissait l’âme ; elle jaillissait pleine de chaleur, de beauté, d’ivresse ; elle s’épanouissait, éveillant tout ce qu’il y a de tendre, de mystérieux, de saint, dans l’humaine nature ; elle respirait une tristesse immortelle et allait s’éteindre dans les cieux.

2112. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

… Mais Aujourd’hui fait rose-mine, Avec un peu de nicotine, Pierrot se crée un ciel humain. […] L’influence du barde n’a pas été d’ailleurs uniquement littéraire ; elle a été aussi nettement sociale, dans un sens national et humain que la politique donne rarement à ce mot. […] Il n’y a guère qu’un point de repère : c’est le sentiment de la vie, ou, en d’autres termes, l’amour d’un Idéal Humain, harmonique avec notre époque et point trop sacrifié à elle, pourtant. […] D’ailleurs j’ai la singulière manie de croire que toutes les valeurs humaines, à quelque ordre de la société qu’elles appartiennent, sont — ou plutôt devraient être — équivalentes. […] Alfred Bruneau, le savant et probe critique musical, l’auteur justement applaudi des Lieds de France et de l’Attaque du Moulin, qui — l’un des premiers — tenta la prose musicale, le drame lyrique humain et moderne.

2113. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Opérette humaine, ajoutait-il. […] Et la grande loi humaine de l’amitié, nul doute que son second livre ne persiste à l’enseigner. […] Exacte peinture d’un cœur bien né qui se protège, se défend, avec l’invisible souci d’être humain et de rétablir des valeurs trop souvent faussées. […] inachevé, rend un son très humain qui ne peut étonner chez un homme dont l’obsession a été, toute sa vie, de trouver un accord que, vainqueurs, nous pouvions être mieux placés pour obtenir. […] Et lorsqu’il pose la première pierre de la nouvelle bibliothèque de Louvain, il relève, sans haine mais avec quel éclat profondément humain, le tort le plus injurieux fait à l’intelligence.

2114. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

XI Il conclut qu’à défaut de vertu divine, il reste à la société une belle vertu humaine, l’honneur, cette vertu inconséquente qui cherche sa récompense en soi-même, et qui vit d’illusion. […] « Une vitalité indéfinissable anime cette vertu bizarre, orgueilleuse, qui se tient debout au milieu de tous nos vices, s’accordant même avec eux au point de s’accroître de leur énergie. — Tandis que toutes les vertus semblent descendre du ciel pour nous donner la main et nous élever, celle-ci paraît venir de nous-mêmes et tendre à monter jusqu’au ciel. — C’est une vertu tout humaine que l’on peut croire née de la terre, sans palme céleste après la mort ; c’est la vertu de la vie. […] « Voilà que la parole humaine cesse d’être l’expression des idées seulement, elle devient la parole par excellence, la parole sacrée entre toutes les paroles, comme si elle était née avec le premier mot qu’ait dit la langue de l’homme ; et comme si, après elle, il n’y avait plus un mot digne d’être prononcé, elle devient la promesse de l’homme à l’homme, bénie par tous les peuples ; elle devient le serment même, parce que vous y ajoutez le mot : Honneur. […] C’est là une œuvre divine à faire. — Pour moi, frappé de ce signe heureux, je n’ai voulu et ne pouvais faire qu’une œuvre bien humble et tout humaine, et constater simplement ce que j’ai cru voir de vivant encore en nous. — Gardons-nous de dire de ce dieu antique de l’Honneur que c’est un faux dieu, car la pierre de son autel est peut-être celle du Dieu inconnu.

2115. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

En même temps qu’on y sent chez Duverney la grandeur d’âme accompagnée de bonté et même de bonhomie, le caractère modéré, noble, humain et assez élevé de Bernis s’y dessine naturellement ; son esprit y laisse échapper des nuances et des aperçus qui ont de la finesse. […] Frédéric, à la fin d’une épître au comte Gotter, où il décrit les détails infinis du travail et de l’industrie humaine, avait dit : Je n’ai pas tout dépeint, la matière est immense, Et je laisse à Bernis sa stérile abondance.

2116. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire de la maison royale de Saint-Cyr, par M. Théophile Lavallée. » pp. 473-494

Avertie par les premiers relâchements et par les fantaisies légères qu’elle avait vues poindre, elle s’occupa à faire à ses filles un rempart de leurs constitutions et de leur règle ; elle comprit, comme toutes les grandes fondatrices, qu’on n’arrive à tirer de la nature humaine un parti singulier et extraordinaire sur un point qu’en la supprimant ou la resserrant par tous les autres côtés. […] » Une haute idée, c’est que les Dames de Saint-Louis étant destinées à élever des demoiselles qui deviendront mères de famille et auront part à la bonne éducation des enfants, elles ont entre leurs mains une portion de l’avenir de la religion et de la France : « Il y a donc dans l’œuvre de Saint-Louis, si elle est bien faite et avec l’esprit d’une vraie foi et d’un véritable amour de Dieu, de quoi renouveler dans tout le royaume la perfection du christianisme. » La fondatrice leur rappelle expressément qu’étant à la porte de Versailles comme elles sont, il n’y a pas de milieu pour elles à être un établissement très régulier ou très scandaleux : « Rendez vos parloirs inaccessibles à toutes visites superflues… Ne craignez point d’être un peu sauvages, mais ne soyez pas fières. » Elle leur conseille une humilité plus absolue qu’elle ne l’obtiendra : « Rejetez le nom de Dames, prenez plaisir à vous appeler les Filles de Saint-Louis. » Elle insiste particulièrement sur cette vertu d’humilité qui sera toujours le côté faible de l’institut : « Vous ne vous conserverez que par l’humilité ; il faut expier tout ce qu’il y a eu de grandeur humaine dans votre fondation. » Quoi qu’il en soit des légères imperfections dont l’institut ne sut point se garantir, il persista jusqu’à la fin dans les lignes essentielles, et on reconnaîtra que c’était quelque chose de respectable en l’auteur de Saint-Cyr que de bâtir avec constance sur ces fondements, en vue du xviiie  siècle déjà pressé de naître, et dans un temps où Bayle écrivait de Rotterdam à propos de je ne sais quel livre : On fait, tant dans ce livre que dans plusieurs autres qui nous viennent de France, une étrange peinture des femmes de Paris.

2117. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — I. » pp. 41-61

Madame, princesse et de maison souveraine avant tout, et qui, au milieu de toutes ses qualités humaines et de ses débonnairetés, n’oubliait jamais les devoirs de la naissance et de la grandeur ; elle de qui l’on a dit : « Jamais grand ne connut mieux ses droits, ni ne les fit mieux sentir aux autres » ; Madame n’avait rien tant en horreur et en mépris que les mésalliances ; la galerie de Versailles a retenti longtemps du soufflet sonore qu’elle appliqua à son fils le jour où celui-ci, ayant consenti à épouser la fille naturelle de Louis XIV, s’approchait de sa mère, selon son usage, pour lui baiser la main. […] Elle supposait que c’était Mme de Maintenon qui, d’accord avec le père La Chaise, avait ourdi et mis en jeu toute la persécution contre les réformés : elle se retrouvait sur ce point non seulement humaine, mais un peu calviniste ou luthérienne, avec un reste de vieux levain ; elle pensait de près comme les réfugiés de Hollande écrivaient de loin.

2118. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

L’influence de M. de Chateaubriand (juge d’ailleurs assez équitable de Voltaire), celle de Mme de Staël, c’est-à-dire de Rousseau toujours, le réveil d’une philosophie spiritualiste et respectueuse pour la nature humaine, l’action aussi de la renaissance religieuse qui atteignait au moins les imaginations quand ce n’était pas les cœurs, l’influence littéraire enfin qui soufflait tantôt de la patrie de Goethe et de Schiller, tantôt de celle de Shakespeare, de Walter Scott et de Byron, ces diverses causes générales avaient fort agi sur plusieurs d’entre nous, jusque dans nos premières lectures de Voltaire. […] Comptez que, tout détrompé que je suis de la vanité des amitiés humaines, la vôtre me sera à jamais précieuse.

2119. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie de Maupertuis, par La Beaumelle. Ouvrage posthume » pp. 86-106

Je travaille à inoculer les arts sur une tige étrangère et sauvage ; votre secours m’est nécessaire ; c’est à vous de savoir si l’emploi d’étendre et d’enraciner les sciences dans ces climats ne vous sera pas tout aussi glorieux que celui d’apprendre au genre humain de quelle forme était le continent qu’il cultive ? […] C’est à vous de voir si l’emploi d’établir et d’étendre les sciences dans ce climat, ne vous sera pas aussi glorieux que d’avoir appris au genre humain de quelle figure est le continent qu’il cultive.

2120. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

Mais la meilleure manière de les réhabiliter, la seule qui ne trompe point, c’est d’être soi-même d’autant plus honnête homme, d’autant plus humain, irrépréhensible et pur dans sa vie ; c’est d’être, aux yeux de ceux qui nous entourent, une réparation vivante à l’endroit surtout où le crime paternel a éclaté, et de forcer en sa personne l’estime qu’on entreprendrait vainement de faire remonter plus haut. […] Il évitait ce dernier autant que possible et se montrait extrêmement juste et humain. » Ce dom Colignon qui, on le voit, dépassait de beaucoup le Vicaire savoyard, était tout à fait un curé comme Rabelais pouvait l’être au xvie  siècle, comme bien d’autres l’étaient au xviiie , un curé à la Marmontel, un curé de Mélanie, mais plus franc et d’une touche originale.

2121. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite.) »

Mais, malgré sa misanthropie apparente, je ne crois pas qu’il y ait nulle part un homme plus doux, plus humain, plus compatissant aux peines des autres, et plus patient dans les siennes ; en un mot, sa vertu paraît si pure, si constante, si uniforme, que jusqu’à présent ceux qui le haïssent n’ont pu trouver que dans leur propre cœur des raisons pour le soupçonner. […] Il en est souvent ainsi dans ces conjectures malignes du monde ; la nature humaine n’est pas si retorse et cauteleuse qu’on la fait.

2122. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. (suite et fin). »

M. de Harlay était trop courtisan et trop voué à son ambition pour avoir le sentiment de la justice ; mais il était doux, d’un naturel humain, et il dut souffrir de ces sévérités exigées en son nom et pour sa défense. […]  » Voilà la vraie morale humaine, ramenant les choses au juste point, sans exagération, sans haine, sans frayeur et sans terreur.

2123. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

Fromentin est évidemment un talent aussi souple que complexe ; il peut s’appliquer à tout, nous rendre les aspects de nature les plus opposés, et pénétrer aussi dans les replis du cœur humain avec la dernière finesse, ainsi que l’a prouvé son roman de Dominique. […] Le roman n’est pas entièrement d’accord avec la vérité humaine, avec l’entière vérité telle que les grands peintres de la passion l’ont de tout temps conçue.

2124. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

Ce que les anciens moralistes nommaient tout crûment la sottise humaine, est sans doute à peu près la même en tout temps, en tout pays ; mais en ce temps-ci et en France, comme nous sommes plus rapides, cette sottise en personne se produit avec des airs d’esprit, de légèreté, avec des vernis d’élégance qui déconcertent. […] On a dit d’un philosophe moderne qui ne pouvait s’accommoder de la petite morale à laquelle il manquait, et qui cherchait à en inventer une toute nouvelle, tout emphatique, à l’usage du genre humain, « que chez lui le creux du système était précisément adéquat au creux du gousset. » Mais ce genre de considérations va trop au vif et passerait le ressort de la juridiction critique.

2125. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « GRESSET (Essai biographique sur sa Vie et ses Ouvrages, par M. de Cayrol.) » pp. 79-103

Chez Gresset, sans qu’il s’en rendît compte, la conscience littéraire, par une de ces ruses d’amour-propre qui sont naturelles au cœur humain, se déguisait ici en conscience morale ; elle lui disait tout haut qu’il ne devait plus rien faire, pressentant tout bas qu’il ne le pourrait plus37. […] C’est assez insister sur ces problèmes, un peu humiliants au fond pour l’esprit humain et pour le talent.

2126. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVII. Rapports d’une littérature avec les littératures étrangères et avec son propre passé » pp. 444-461

Cette adoption par une famille humaine Des enfants qu’en son sein elle n’a point portés est toujours fertile en enseignements. […] Le roman russe de nos jours a induit beaucoup de nos écrivains à se demander, après Tolstoï, quel est le sens de la vie et à prêcher « la religion de la souffrance humaine ».

2127. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

Mais, au 18 Brumaire, il avait derrière lui toute une nation pour complice : ici, il allait avoir devant lui tout un peuple pour adversaire, et, pour juge, la conscience du genre humain indignée. […] C’est que ces sortes de gens qu’on nomme Molière ou Shakespeare ont de temps en temps de ces mots qui percent à fond tout l’homme et qui démasquent à l’improviste la comédie humaine.

2128. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

On y trouvait, sous une forme froide, mais ingénieuse et distinguée, des pensées libres et dégagées sur les sottises humaines, une sagacité indifférente à les démêler à travers les temps, les croyances et les costumes divers. […] Ce portrait de Fontenelle par La Bruyère est pour nous une grande leçon : il nous montre comment un peintre habile, un critique pénétrant, peut se tromper en disant vrai, mais en ne disant pas tout, et en ne devinant pas assez que, dans cette bizarre et complexe organisation humaine, un défaut, un travers et un ridicule des plus caractérisés n’est jamais incompatible avec une qualité supérieure.

2129. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire des travaux et des idées de Buffon, par M. Flourens. (Hachette. — 1850.) » pp. 347-368

Il ne se laissa jamais détourner ni distraire un seul jour de cette contemplation et de cette description de la nature, pour laquelle la plus longue existence humaine était si courte encore. […] Cette précaution une fois prise, il raconte avec une suite, une précision et un sentiment de réalité qui étonne et fait illusion à la fois, ces scènes immenses et terribles de débrouillement, ces spectacles effroyables, et qui n’eurent point de spectateur humain.

2130. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Monsieur de Bonald, (Article Bonald, dans Les Prophètes du passé, par M. Barbey d’Aurevilly, 1851.) » pp. 427-449

De cette ressemblance et de cette similitude de l’homme avec Dieu, il résulte qu’il y a société, au pied de la lettre, entre Dieu et l’homme, et que celui-ci a reçu de Dieu la loi, la pensée et la parole, sans laquelle la pensée humaine n’est pas. […] Bonald est le chef des partisans de la Création contre ceux qui soutiennent une origine humaine purement naturelle.

2131. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

Ayant reconnu « que cette liberté, cette douceur, et pour ainsi dire cette facilité de la monarchie, avait passé les justes bornes durant sa minorité et dans les troubles de l’État, et qu’elle était devenue licence, confusion, désordre », il crut devoir retrancher de cet excès en s’attachant toutefois à conserver à la monarchie son caractère humain et affectueux, à maintenir auprès de lui les personnes de qualité dans une familiarité honnête, et à rester en communication avec les peuples par des plaisirs et des spectacles conformes à leur génie. […] Mais il est plus utile d’insister sur les ressorts élevés qu’il trouvait dans cette foi et dans cette conscience royale, ce qui lui faisait dire au milieu des hasards de la politique : « Mais au moins, quel qu’en soit l’événement, j’aurai toujours en moi toute la satisfaction que doit avoir une âme généreuse quand elle a contenté sa propre vertu. » Parlant de ces six volumes de Mémoires au moment où ils parurent, M. de Chateaubriand les a très bien jugés en disant : Les Mémoires de Louis XIV augmenteront sa renommée : ils ne dévoilent aucune bassesse, ils ne révèlent aucun de ces honteux secrets que le cœur humain cache trop souvent dans ses abîmes.

2132. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Il avait fait une grande étude du cœur humain : cette science est d’ailleurs pour ainsi dire l’apanage des peuples demi-barbares, où les familles sont dans un état constant de guerre entre elles, et, à ces titres, tous les Corses la possèdent. […] Et moi, je crois qu’il faut dire, en embrassant toute la condition humaine : « Il est mieux qu’il ait vécu pour montrer ce que peut le malheur, la force des circonstances, une certaine fatalité s’attachant, s’acharnant à plus d’une reprise à une belle vie, un cœur généreux ressentant l’outrage sans en être abattu, sans en être aigri, et finalement une belle intelligence trouvant en elle des ressources pour s’en nourrir et des résultats avec lesquels elle se présente aujourd’hui, en définitive, devant la postérité. » 1.

2133. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — II. (Suite et fin.) » pp. 341-361

Si Dieu m’a créé bourru, bourru je dois vivre et mourir… Les gens d’esprit sont souvent très singuliers ; ils croient connaître le cœur humain mieux que d’autres, et, parce qu’ils ont fait du grec avec le père et qu’ils ne sont pas tout à fait aussi vieux que lui, ils croient que c’est une raison pour être aimés de la fille, d’une toute jeune fille, et cela sans faire de frais, sans rien retrancher à leur humeur, à leur procédé rude, à leur extérieur inculte, et en se conduisant, dès le lendemain de leurs noces, comme de vieux maris. […] Après vingt ans d’absence ou de négligence, en rentrant dans l’héritage paternel, il a à défendre ses intérêts, à regagner ce qu’il a perdu par la mauvaise foi du paysan ; ses voisins ont empiété tant qu’ils ont pu sur lui et lui ont rogné ses terres ; ses fermiers le paient mal, ses marchands de bois ne le paient pas du tout ; il chicane, il menace, il montre qu’il n’est pas homme « à se laisser manger la laine sur le dos » ; enfin, aux champs comme ailleurs, et plus qu’ailleurs, il retrouve la même espèce humaine qui obéit à ses intérêts, à ses cupidités, tant qu’elle peut et aussi longtemps qu’on la laisse faire.

2134. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — I. » pp. 329-349

Necker semblait également leur avoir communiqué et qui se liait au précédent, c’était de respecter très fort et de proclamer très haut les droits de l’humanité, d’estimer peut-être le genre humain en masse au-dessus de sa juste valeur, et à la fois de ne point accorder toujours aux individus avec qui il était en rapport le juste degré d’estime qui pouvait leur appartenir. […] Pour donner idée de Colbert, il croyait nécessaire de tracer auparavant l’idéal d’un administrateur des finances, et il amenait cette sorte de description générale et abstraite, à l’aide d’une raison des plus subtiles : Pour faire admirer un grand ministre, quelque supérieur qu’il soit, il faut encore user d’adresse avec la faiblesse et la malice humaines ; il faut peut-être présenter ses qualités séparées de son nom et de sa personne ; car les plus grandes perfections cessent de nous étonner quand nous les contemplons dans un homme : le rapport physique que nous nous sentons avec lui détruit notre respect, et nous ne croyons point à la grandeur de ce qui nous ressemble.

2135. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse esthétique »

Cela est si vrai que, depuis l’origine même de l’art, les écrivains, les musiciens et les peintres n’ont jamais hésité à présenter dans leurs œuvres les spectacles les plus pathétiques, à user des modulations les plus plaintives ; les genres les plus élevés dans l’estime publique sont les genres tragiques ; les plus grandes œuvres que l’art humain a produites, sont des œuvres montrant des images tristes et développant des idées lugubres qui restent grandioses, saisissantes, charmantes et ne font jamais à quelque point qu’on les pousse, de peine nocive, de vrai mal, de mal dont on veuille se défendre6. […] Et la douleur entière, la vraie, le désir de l’éviter, étant les derniers mobiles de toute l’activité animale, humaine et sociale, nous comprenons maintenant pourquoi les suprêmes émotions esthétiques sont improductives d’actes, comme nous l’avons dit au commencement de ce chapitre ; ces émotions comprennent toutes les souffrances harcelantes de l’existence, mais sans les aiguillons des périls, des angoisses, des menaces, des maux prévus ou ressentis.

2136. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre III : Concurrence vitale »

Même l’espèce humaine, dont la reproduction est si lente, peut doubler en nombre dans l’espace de vingt-cinq ans ; et, d’après cette progression, il suffirait de quelques mille ans pour qu’il ne restât plus la moindre place pour sa multiplication ultérieure. […] J’ai calculé, principalement d’après le nombre très réduit des nids du printemps, que l’hiver de 1854-55 détruisit les cinq sixièmes des oiseaux sur mes propres terres ; et l’on voit que c’est une somme de destruction effrayante, lorsqu’on songe qu’une mortalité de dix pour cent est extraordinaire dans les épidémies humaines.

2137. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

Pauvre grand homme manqué, qui s’était cassé à force de se courber sous tous ces plafonds, il rejetait loin de lui toute cette poussière humaine qu’il avait cru faire tressaillir, comme le baladin rejette de son tambour de basque les grains de sable que le bruit de l’instrument qui vibre faisait tressauter sur la peau sonore ! […] Rivarol, avec tout son esprit, part, comme tous les imbéciles de son époque, du principe qui faussa tout au dix-huitième siècle : à savoir que l’homme est excellent ; et il ne se doute pas de la Chute, ce qui, théologie à part, est honteux pour un observateur qui doit se connaître en nature humaine et qui est aussi peu badaud qu’on peut l’être.

2138. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

Enfin, tout ce que je vois autour de moi, pays, ciel, forêt et scènes humaines, tout est si beau, si beau que la joie de la contemplation est constamment la plus forte. […] Nul commentaire n’ajouterait rien à l’émotion de sympathie que nous inspire un tel acte, plein de tendresse humaine.

2139. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XIX » pp. 76-83

Ce qui fait à nos yeux l’intérêt de ces lettres, c’est leur entière vérité, c’est-à-dire la faiblesse, la misère de la nature humaine et de toutes choses, prises en quelque sorte sur le fait dans une de ces âmes qu’on appelle grandes, comme parle Bossuet. » — A merveille ; mais pourquoi avoir tant triomphé de ces mêmes misères dans Pascal, au nom d’un cartésianisme impuissant et tout satisfait de lui-même ?

2140. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXVI » pp. 100-108

On n’est pas plus grand, plus éloquent littérateur que Villemain ; ses deux volumes les plus récents sur la première partie du xviiie  siècle, qui faisaient la consolation et les dernières délices humaines de M.

2141. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXIX » pp. 117-125

Louis Veuillot était un peu à l’origine de cette race des condottieri ; sans prétendre qu’il ne porte pas dans ses excès un fond de conviction sincère, il y garde du moins et y nourrit toutes les passions et les grossièretés humaines et inhumaines.

2142. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat. (suite et fin) »

là il appelle les enfants la recrue continuelle du genre humain ; il dit que Dieu nous donne (par la mort) un appartement dans son palais, en attendant la réparation de notre ancien édifice ; tantôt cette mort est un souffle languissant ; tantôt une rature qui doit tout effacer, etc., etc.

2143. (1874) Premiers lundis. Tome I « Madame de Maintenon et la Princesse des Ursins — II »

Dans un siècle où la dévotion était de mise, au moins dans les manières, elle n’en a que l’indispensable ; son esprit purement ambitieux et humain croit à la vertu de M. de Vendôme bien plus qu’à celle d’une oraison, et juge les débats théologiques avec une supériorité tout à fait mondaine.

2144. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. De la France en 1789 et de la France en 1830 »

Ces conditions favorables du milieu ambiant et des propriétés de la masse sur laquelle on opère, qu’avaient un peu trop négligées les Constituants, et auxquelles, dans toute leur prévoyance, ils n’auraient pu suppléer, nous les réunissons aujourd’hui : nous devons en profiter ; jamais en aucun siècle ni en aucun pays la disposition de la société n’a été aussi heureuse, et n’a permis une application aussi féconde des principes éternels de la raison humaine.

2145. (1874) Premiers lundis. Tome II « E. Lerminier. Lettres philosophiques adressées à un Berlinois »

Le généreux effort de M. de La Mennais l’occupe ensuite ; il en apprécie et en honore la grandeur ; mais c’est du seul côté de l’indépendance et de la raison humaine, qu’il place (bien que le point prochain soit encore indéterminé) le centre de mouvement des forces de l’avenir.

2146. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre III. Ce que c’est que le Romanticisme » pp. 44-54

Ou je me trompé fort, ou ces changements de passions dans le cœur humain sont ce que la poésie peut offrir de plus magnifique aux yeux des hommes quelle touche et instruit à la fois.

2147. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Préface »

Peut-être faut-il admettre qu’il n’y a pas d’autre moyen de construire à demeure, et que l’invention subite d’une constitution nouvelle, appropriée, durable, est une entreprise qui surpasse les forces de l’esprit humain.

2148. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre III. Buffon »

Le châtelain de Montbard n’aimait pas la terre improductive, qui ne donne pas de revenu, ni la vie désordonnée, dont l’épanouissement n’est pas réglé par la géométrie de l’esprit humain : il avait, je l’ai dit, la passion de l’ordre.

2149. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Guy de Maupassant »

Un écrivain célèbre qui souffre de la grande misère humaine en souffre surtout par procuration, songez-y.

2150. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Kahn, Gustave (1859-1936) »

Georges Pioch Domaine de fée demeurant pour moi l’œuvre la plus émouvante, parce que la plus passionnée et la plus humaine, de M. 

2151. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre X. Zola embêté par les jeunes » pp. 136-144

Émile Hennequin, dans une étude que pour sa vertu suasive j’espère vous voir lire, a démontré que l’originalité de Zola parmi les écrivains réalistes était ses surprenantes qualités poétiques, grâce auxquelles malgré l’apparente apathie d’un tempérament également et indifféremment apte à tout décrire, à tout évoquer, il ne s’appliquait qu’à la transcription des êtres et des choses de force : il est artiste, parce qu’il choisit non ses milieux ou ses personnages, mais chez ceux-ci un groupe préféré de leurs propriétés : seules l’intéressent les puissances actives, saines ou délétères, robustesse humaine ou perversion féminine.

2152. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Laurent Tailhade à l’hôpital » pp. 168-177

Tous les instruments inventés pour la torture humaine sont là.

2153. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Quimper »

Le groupe humain auquel nous ressemblons le plus, et qui nous comprend le mieux, ce sont les Slaves ; car ils sont dans une position analogue à la nôtre, neufs dans la vie et antiques à la fois.

2154. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence du barreau. » pp. 193-204

En défendant aux avocats de faire le fond de leurs études de tant de livres inutiles à leur profession, ils les bornèrent à l’étude des loix naturelle, divine & humaine ; loix anciennes & nouvelles ; loix païennes & chrétiennes ; loix étrangères & loix du royaume.

2155. (1867) Le cerveau et la pensée « Avant-propos »

Et d’abord nous voyons clairement que, quel que soit le génie d’un musicien, s’il n’a aucun instrument à sa disposition, pas même la voix humaine, il ne pourra nous donner aucun témoignage de son génie ; ce génie même n’aurait jamais pu naître ou se développer.

2156. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre VI. Conclusions » pp. 232-240

Et ainsi, attentifs à ne rien mutiler de ce qui vit autour de nous et qui peut servir à notre vie propre, nous pourrons atteindre à une compréhension plus large et plus personnelle des choses, comme à un art plus plastique, plus directement modelé sur la nature vivante ; et après tant de courses vagabondes hors des frontières, tant d’excursions dans tous les domaines défendus, y compris ceux de la chimère et de la folie, nous pourrons enfin nous rasseoir chez nous et inaugurer un mouvement qui sera vraiment un retour à la tradition française comme à la réalité humaine. » C’est sur ces mots que nous voudrions finir.

2157. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VIII. La religion chrétienne considérée elle-même comme passion. »

Nous savons que le siècle appelle cela le fanatisme ; nous pourrions lui répondre par ces paroles de Rousseau : « Le fanatisme, quoique sanguinaire et cruel 49, est pourtant une passion grande et forte, qui élève le cœur de l’homme et qui lui fait mépriser la mort ; qui lui donne un ressort prodigieux, et qu’il ne faut que mieux diriger pour en tirer les plus sublimes vertus ; au lieu que l’irréligion, et en général l’esprit raisonneur et philosophique, attache à la vie, effémine, avilit les âmes, concentre toutes les passions dans la bassesse de l’intérêt particulier, dans l’abjection du moi humain, et sape ainsi à petit bruit les vrais fondements de toute société : car ce que les intérêts particuliers ont de commun est si peu de chose, qu’il ne balancera jamais ce qu’ils ont d’opposé50. » Mais ce n’est pas encore là la question : il ne s’agit à présent que d’effets dramatiques.

2158. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre III. Parallèle de la Bible et d’Homère. — Termes de comparaison. »

La simplicité de l’Écriture est celle d’un antique prêtre qui, plein des sciences divines et humaines, dicte du fond du sanctuaire les oracles précis de la sagesse.

2159. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « A Monsieur Naigeon » pp. 9-14

Plus jaloux de préparer des regrets après ma mort, que d’obtenir des éloges de mon vivant, je m’étais dit : « Quand le peu que j’ai fait et le peu qui me reste à faire périraient avec moi, qu’est-ce que le genre humain y perdrait ?

2160. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 1, du génie en general » pp. 1-13

C’est un homme doüé d’un jugement sain, d’une imagination prompte, et qui conserve le libre usage de ces deux facultez dans ce boüillonnement de sang qui vient à la suite du froid que la premiere vûë des grands dangers jette dans le coeur humain, comme la chaleur vient à la suite du froid dans les accès de fiévre.

2161. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Wallon »

C’est ainsi que tous les arts et même la musique font arabesque autour du livre majestueux qu’ils ornent et qu’ils parachèvent… Il n’y a certainement rien de supérieur à l’encyclopédisme de cette publication, mais ce n’est pas là, pour nous, le plus grand mérite de l’ouvrage, qui est mieux que complet par les renseignements puisqu’il est vrai par l’aperçu… La vérité, qui est toujours le but de l’Histoire, est, dans l’histoire de Jeanne d’Arc, plus difficile à atteindre que dans une histoire moins sublime et moins merveilleuse… L’histoire de Jeanne d’Arc est plus qu’humaine.

2162. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — III »

C’est un enfant intelligent qui s’enivre d’amour pour la grande culture humaine.

2163. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XV. De Tacite. D’un éloge qu’il prononça étant consul ; de son éloge historique d’Agricola. »

qui est descendu plus avant dans les profondeurs de la politique ; a mieux tiré de grands résultats des plus petits événements ; a mieux fait à chaque ligne, dans l’histoire d’un homme, l’histoire de l’esprit humain et de tous les siècles ; a mieux surpris la bassesse qui se cache et s’enveloppe ; a mieux démêlé tous les genres de crainte, tous les genres de courage, tous les secrets des passions, tous les motifs des discours, tous les contrastes entre les sentiments et les actions, tous les mouvements que l’âme se dissimule ; a mieux tracé le mélange bizarre des vertus et des vices, l’assemblage des qualités différentes et quelquefois contraires ; la férocité froide et sombre dans Tibère, la férocité ardente dans Caligula, la férocité imbécile dans Claude, la férocité sans frein comme sans honte dans Néron, la férocité hypocrite et timide dans Domitien, les crimes de la domination et ceux de l’esclavage, la fierté qui sert d’un côté pour commander de l’autre, la corruption tranquille et lente, et la corruption impétueuse et hardie, le caractère et l’esprit des révolutions, les vues opposées des chefs, l’instinct féroce et avide du soldat, l’instinct tumultueux et faible de la multitude, et dans Rome la stupidité d’un grand peuple à qui le vaincu, le vainqueur, sont également indifférents, et qui sans choix, sans regret, sans désir, assis aux spectacles, attend froidement qu’on lui annonce son maître ; prêt à battre des mains au hasard à celui qui viendra, et qu’il aurait foulé aux pieds si un autre eût vaincu ?

2164. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre II. Comment les nations parcourent de nouveau la carrière qu’elles ont fournie, conformément à la nature éternelle des fiefs. Que l’ancien droit politique des romains se renouvela dans le droit féodal. (Retour de l’âge héroïque.) » pp. 362-370

Le droit romain au contraire est né de la féodalité ; je parle de cette féodalité primitive que nous avons observée particulièrement dans la barbarie antique du Latium, et qui a été la base commune de toutes les sociétés humaines.

2165. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIe entretien. Vie du Tasse (2e partie) » pp. 65-128

Jeune, beau, illustre déjà par les promesses de son génie, honoré de la faveur intime de son prince, admiré de cette sœur d’Alphonse que toute l’Italie regardait comme supérieure à la Béatrix de Dante, à la Laure de Pétrarque, cher même comme un ami à cette autre sœur Lucrézia, maintenant duchesse d’Urbin, qui partageait pour lui le penchant de Léonora, enivré des plus légitimes perspectives de gloire poétique et peut-être des plus douces illusions de grandeur par l’amour mystérieux de Léonora, achevant lentement dans le loisir des délicieux jardins de Bello Sguardo, ce Versailles des ducs de Ferrare, le poème qui devait élever son nom au-dessus du nom de ses protecteurs, rien ne manquait à sa félicité que ce qui manque à toutes les choses humaines : la durée. […] Un philosophe anglais a remarqué avec une admirable justesse que « si la nature douait un être d’une faculté de sentir et de penser trop supérieure à la faculté de sentir et de penser du commun des hommes, cet être en apparence privilégié ne pourrait pas vivre dans le milieu humain, ou vivrait le plus infortuné de tous les êtres. […] Telle est la loi des êtres qui sont jetés dans le monde avec une prodigalité de nature trop disproportionnée au moule humain ; ils sont malheureux, mais sont-ils malheureux parce qu’ils sont trop complets ?

2166. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre III. Les immoralités de la morale » pp. 81-134

Les connaître, en apprécier la réaction, déterminer les conséquences de la rencontre et des modifications qui vont indéfiniment se multiplier dépasse de beaucoup la portée de l’esprit humain. […] Mais je retiens que l’équilibre mental est une chose qui répugne assez à l’esprit de l’homme, et dont il ne se fait guère d’ailleurs que des images grotesques et plates qui. si elles ne témoignent pas contre la perfection, ne témoignent pas non plus en faveur de l’intelligence humaine. […] § 18 Mais si l’activité humaine ne déviait pas constamment, elle n’aurait que faire de préceptes et de théories.

2167. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

J’appris plus tard des choses qui me firent renoncer aux croyances chrétiennes ; mais il faut profondément ignorer l’histoire et l’esprit humain pour ne pas savoir quelle chaîne ces simples, fortes et honnêtes disciplines créaient pour les meilleurs esprits. […] II Vers le mois d’avril 1838, M. de Talleyrand, en son hôtel de la rue Saint-Florentin, sentant sa fin approcher, crut devoir aux conventions humaines un dernier mensonge et résolut de se réconcilier, pour les apparences, avec une Église dont la vérité, une fois reconnue par lui, le convainquait de sacrilège et d’opprobre. […] Ces études leur paraissaient quelque chose de tout à fait bas, comparées aux exercices littéraires qu’on leur présentait comme le but suprême de l’esprit humain.

2168. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IV »

Elle montre, une fois de plus, quels résultats nos artistes pourront donner du jour où ils s’appliqueront à des ouvrages vraiment humains. […] Mais son infaillible instinct d’artiste et de poète lui a fait comprendre que la question de la destinée humaine, le désir d’une existence renouvelée, réparatrice de tous nos maux, la soif de la vérité, de la justice et de l’amour, étaient les grandes, les principales sources de poésie. […] Influence de l’œuvre de Wagner sur les artistes français ; retour à la vérité humaine, dans le drame musical comme dans tous les arts.

2169. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — IV. La Poësie dramatique. » pp. 354-420

On ne s’attachera plus à peindre les sottises humaines, à jouer les ridicules qu’on remarque dans la société. […] Il se représenta la parodie sous un autre aspect, & la décida directement opposée aux bonnes mœurs, au bon goût, au progrès de l’esprit humain, à la gloire des gens de lettres. […] M. de Voltaire dit qu’un jour nos neveux, en voyant l’impertinent ouvrage de cet oratorien contre l’art des Sophocles & les œuvres de nos grands hommes imprimés en même-temps, s’écrieront : « Est-il possible que les François aient pu ainsi se contredire, & que la plus absurde barbarie ait levé si orgueilleusement la tête contre les plus belles productions de l’esprit humain ? 

2170. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

Dans toute œuvre d’art il y a donc deux parties, l’une toujours vivante, impérissable, parce qu’elle reproduit ce qu’il y a d’éternellement vrai dans la nature et dans le cœur humain ; l’autre sujette à l’instabilité des goûts et de la mode, parce qu’elle s’appuie sur des mœurs et des opinions qui se renouvellent sans cesse. […] « L’art trop humain, trop réel reste en deçà de son but. […] Pour Hegel, le beau n’est pas seulement l’âme humaine ; c’est la vie dans toute son étendue et sa riche variété.

2171. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

D’autres qui sonnent la diane Dans le sommeil du genre humain ; L’un fatal, l’autre qui pardonne ; Eschyle en qui frémit Dodone, Milton ! […] Cet argument inouï dormait au fond de l’absurdité humaine, mais ces derniers temps l’en ont fait sortir. […] … Est-ce seulement, comme dans la santé humaine, la crise mystérieuse qui sauve tout et dont personne ne sait le secret ?

2172. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

Les choses basses et excessives avaient disparu de la vie humaine. […] Moins d’un mois suffit à la pénétration de ces humains commissaires chargés de rendre leur compte de ce doux projet au Cyclope qui les en avait chargés. […] Nulle part on n’a vu une telle force, une telle abondance de raisons si hardies, si frappantes, si bien accompagnées de détails précis et de preuves ; tous les intérêts, toutes les passions appelées au secours, l’ambition, l’honneur, le respect de l’opinion publique, le soin de ses amis, l’intérêt de l’État, la crainte ; toutes les objections renversées, tous les expédients trouvés, appliqués, ajustés ; une inondation d’évidence et d’éloquence qui terrasse la résistance, qui noie les doutes, qui verse à flots dans le cœur la lumière et la croyance ; par-dessus tout une impétuosité généreuse, un emportement d’amitié qui fait tout « mollir et ployer sous le faix de la véhémence » ; une licence d’expressions qui, en face d’un prince du sang, se déchaîne jusqu’aux insultes, « personne ne pouvant plus souffrir dans un petit-fils de France de trente-cinq ans ce que le magistrat et la police eussent châtié il y a longtemps dans tout autre » ; étant certain « que le dénûment et la saleté de sa vie le feraient tomber plus bas que ces seigneurs péris sous les ruines de leur obscurité débordée ; que c’était à lui, dont les deux mains touchaient à ces deux si différents états, d’en choisir un pour toute sa vie, puisque après avoir perdu tant d’années et nouvellement depuis l’affaire d’Espagne, meule nouvelle qui l’avait nouvellement suraccablé, un dernier affaissement aurait scellé la pierre du sépulcre où il se serait enfermé tout vivant, duquel après nul secours humain, ni sien ni de personne, ne le pourrait tirer. » Le duc d’Orléans fut emporté par ce torrent et céda.

2173. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Dans notre participation à la vie de l’univers, l’orgueil humain s’accroît du lyrisme de tout sentir. […] La sensibilité de Fort est de toute première qualité qui lui permet de vibrer avec tous les êtres, d’entrer en contact avec chaque lieu évoqué, d’aiguiser sa psychologie jusqu’à pénétrer les plus subtils sentiments humains. […] Aussitôt le futur être humain se pare du diadème de sept âmes d’élite : Socrate, Hamlet, Triboulet ? […] C’est donc le bon sens, plus humain, plus complet que la raison pure, qui nous régit. […] Notre connaissance ôtant humaine, partant bornée, n’appréhende que du relatif.

2174. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Il ne faut pas considérer si la Révolution fait le bonheur ou le malheur des hommes ; c’est un des grands moyens dont se sert le destin pour produire des changements dans le genre humain. […] Autrement dit, un mari est tenu d’aimer sa femme, de l’amour général qu’il a pour la moitié la plus belle du genre humain. […] Vous m’auriez replongé, par l’intérêt énorme d’un tel livre, dans l’histoire naturelle et je suis tout au cœur de l’histoire humaine. […] comment va le genre humain ? […] Jules Lemaître, depuis six ou sept ans, a été un peu regarder comment allait le genre humain.

2175. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Le mépris des sentiments humains ? […] Chanson la meilleure Qu’une lèvre humaine ait chantée encor, Éternise-toi ! […] Le vrai absolu, je te le répète, n’existe pas dans l’œuvre humain. […] Et bien des nids sont vides, Âme humaine, où chantaient dans ta jeune saison Les désirs gazouillants de tes aurores brèves. […] En effet une force invincible m’attire vers la légende, humaine ou religieuse, inventée ou rénovée, vers la lointaine légende.

2176. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

Et penses-tu que n’aye tel pouvoir Sur les humains, de leur faire savoir Qu’il n’y a rien qui de ma main échappe ? […] toute l’humaine race Qui n’a rien de certain que l’infidélité ! […] Ce monstre à voix humaine, aigle, femme et lion, Se campait fièrement sur le mont Cithéron, D’où chaque jour ici devait fondre sa rage, À moins qu’on éclaircît un si sombre nuage. […] Ces pavots qu’ici-bas pour leur suc on renomme, Tout fraîchement cueillis dans les jardins du Somme, Sont moitié dans les airs, et moitié dans sa main : Moisson plus que toute autre utile au genre humain. […]                 Argo, la nef à voix humaine, Qui mérita l’Olympe et luit au front des cieux, Quel que fût le succès de sa course lointaine,                 Prit un vol moins audacieux.

2177. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Il a porté son observation sur toutes les branches de l’activité humaine, et il s’élève par le niveau naturel de son esprit aux idées générales, aux principes premiers applicables à chaque science : Les hommes, disait-il, sont modifiés par l’étât qu’ils embrassent, au point, en quelque sorte, d’être entre eux comme des êtres distincts. […] Il poursuit ses raisonnements au sujet de la perte de sa bibliothèque, et démontre par des applications sa pensée : « À mesure que l’esprit humain avance, une multitude d’ouvrages disparaît. » Le président estime que nous n’avions pas en France, à sa date, de bons historiens : Un historien ne peut avoir de gloire durable que lorsqu’il approfondit la moralité de l’homme, et développe avec sagacité et impartialité les modifications que lui ont fait subir les institutions civiles et religieuses : alors il devient intéressant pour toutes les nations et pour tous les siècles… Ce n’est pas dans nos histoires qu’on apprend à connaître les Français, mais dans un petit nombre de mémoires particuliers, et je maintiens que l’homme qui a lu attentivement Mme de Sévigné est plus instruit des mœurs du siècle de Louis XIV et de la Cour de ce monarque, que celui qui a lu cent volumes d’histoire de ce temps, et même le célèbre ouvrage de Voltaire.

2178. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Au milieu de la rigueur nécessaire, il s’y montre assez humain, bon politique, observateur éclairé et curieux des cerveaux en délire, nullement présomptueux : « Quand on a, dit-il, à ramener un peuple qui a la tête renversée, on ne peut répondre de rien que tout ne soit consommé. » Témoin des phénomènes physiologiques les plus bizarres, des tremblements convulsifs des prophètes et prophétesses, il est un de ceux dont la science invoquera un jour le témoignage : J’ai vu dans ce genre des choses que je n’aurais jamais crues si elles ne s’étaient passées sous mes yeux : une ville entière, dont toutes les femmes et les filles, sans exception, paraissaient possédées du diable. […] Laissons aux actions humaines, pourvu qu’elles soient bonnes, leurs motifs divers : socialement parlant, n’ôtons point au navire ses plus hautes voiles.

2179. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe, et d’Eckermann »

alors ce fut tout autre chose ; il sentit un bonheur, un charme indicible ; rien ne l’arrêtait dans ces poésies de la vie, où une riche individualité venait se peindre sous mille formes sensibles ; il en comprenait tout ; là, rien de savant, pas d’allusions à des faits lointains et oubliés, pas de noms de divinités et de contrées que l’on ne connaît plus : il y retrouvait le cœur humain et le sien propre avec ses désirs, ses joies, ses chagrins ; il y voyait une nature allemande claire comme le jour, la réalité pure, en pleine lumière et doucement idéalisée. […] Quant à Faust, qui, avec tous ses abîmes de corruption humaine et de perdition, m’effraya d’abord et me fit reculer, mais dont l’énigme profonde me rattirait sans cesse, je le lisais assidûment les jours de fête.

2180. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Au Caire, il a le cœur tout gros de fâcheuses réflexions en visitant le marché à esclaves, cet odieux marché, dit-il, « où de petits négrillons mâles et femelles sont par paquets rassemblés sur un mauvais carré de toile comme des pommes à cinq pour un sou, sans compter les hommes et les femmes de toutes couleurs qu’on tient dans des trous tout autour de cet infâme lieu, où, comme des rois, d’infâmes voleurs trafiquent de la chair humaine. » Mais, au sortir de là, c’est bien pis quand il entre dans la mosquée des fous, dont il décrit le spectacle horrible : « Figure-toi une cour de quarante pieds carrés, environnée de murailles prodigieuses de hauteur, qui laissent à peine entrer le jour ; dans l’angle, une petite porte de trois pieds de haut, barricadée de chaînes à travers lesquelles on passe avec peine. […] Tâchons de parler d’autre chose… » Cette note humaine vibrante, qui lui est naturelle, nous la retrouvons encore. — Il part pour Constantinople, mais les Turcs ne sont pas son fait : Horace Vernet tient bon pour les Arabes, pour cette race fine et légère, il en devient même injuste pour Constantinople.

2181. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

Comme ils expriment du moins, même dans les données mythologiques, des sentiments humains et naturels de tous les temps ! […] Le genre humain s’est pris de tout temps, avec une facilité extrême, à ces espérances prématurées.

2182. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

nous le savons de reste, les choses humaines, dès qu’elles ont atteint une certaine hauteur, retombent assez vite, s’embrouillent et se gâtent assez tôt : et sans sortir du domaine de l’architecture, cette Notre-Dame de Paris dont la façade s’était élevée en moins de quinze ans avec une célérité prodigieuse, œuvre d’un maître dont on a oublié de nous transmettre le nom, ne fut pas même terminée d’après le plan primitif : il manqua toujours les deux flèches au front des deux tours, d’où elles se seraient élancées, également aériennes et légères, mais variées sans doute dans leur dentelure et dissemblables entre elles sur leur double base. […] Ce serait pourtant mal connaître le cœur humain que de le croire si disposé à rendre justice à ce qui est bien, même quand ce qui est bien ne barre le chemin de personne et augmente le savoir de tous.

2183. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

Rousseau est le plus grand original et qui ne se modèle sur personne, qui ne s’inspire que de lui : aussi deviendra-t-il vite un modèle, et il mordra d’autant plus au vif sur la fibre humaine moderne qu’il est un pur moderne lui-même. […] alternative et recul presque inévitable de l’intelligence humaine !

2184. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

J’ai pris un grand plaisir à l’entendre lire, il y a quelques mois, dans un temps où je n’étais guère capable d’une application continue ; cette notice m’a touché à la fois par la singularité de la destinée individuelle qu’elle retrace, et par les réflexions morales et humaines qu’elle suggère : je me suis promis d’en faire part à mes lecteurs, à mon premier loisir, et de les associer, s’il se peut, aux sentiments que j’avais éprouvés moi-même au récit de cette simple et véridique histoire. […] Je ne crois rien m’exagérer, mais ce récit naturel, qui d’une part nous montre des populations exaspérées, fanatisées, sauvages, des chefs et des gouverneurs timides et obligés de hurler avec la populace, de peur de la voir se déchaîner ; qui, d’autre part, nous fait entrevoir des âmes humaines comme il s’en rencontre partout, des cœurs pétris d’un meilleur limon et qui s’attendrissent au spectacle des peines et des souffrances de leurs semblables ; ce récit, sans y viser, a quelque chose de pathétique et de tout à fait virgilien : « Au coucher de la lune, l’obscurité devint profonde ; les guérillas perdirent toute trace de chemin et nous surveillèrent de plus près.

2185. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [II] »

Le cœur humain répondra. […] La force des choses commençait à tenir le dé, à prendre le dessus décidément sur le génie humain, et, quoique à la guerre les plus belles combinaisons soient toujours à la merci d’un accident, ici l’accident était tout, le calcul n’était presque pour rien.

2186. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Cela me fait frémir, mais cela me fait un peu souffrir ; cela est grand comme le cœur humain, mais cela est de la beauté cherchée ; cela sent la grande décadence, les magnifiques débris d’une vieille langue. […] « Je m’imagine que les malheureux qui lisent ce chapitre le parcourent avec cette avidité inquiète que j’ai souvent portée moi-même dans la lecture des moralistes, à l’article des misères humaines, croyant y trouver quelque soulagement.

2187. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

Cette pédante homicide a été imaginée pour nous faire peur ; mais qui veut trop prouver… Il serait ingénu de penser que l’incroyance, même radicale, conduit nécessairement au crime une créature humaine, même affamée de jouissances. […] Il y a, tout au moins, des affections naturelles, des mouvements de tendresse, une pitié humaine indépendante des religions.

2188. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

« Nous postposerons, à la suite, des variantes contradictoires propres, comme il nous semble, pour atténuer les lacunes et masquer les effondrements, heureux si nous érigeâmes ce “Grande signum et insigne” qu’atteste, dans une prose épiphanique, le Missel de Cluny, si nous pûmes restituer aux Lettres humaines ces Reliquaires jusqu’alors épars : les Rythmes effeuillés du Divin Jeune Homme, pareils aux clous d’or que sème, en la frappant du pied, l’Hippogriphe conculcateur de l’Omnipotente Béotie. […] Déchaînés aussi, mais liturgiques, sur les dômes et par les vals, que le tympanon et la saquebute ; que les cymbales clair-sonnantes et les harpes funéraires ; que le psaltérion décacorde ; que la viole d’amour et les orgues de douleur ; que les flûtes onaniaques des ithyphalliques adônies ; que les trompettes écarlates, les buccins de pourpre et de sinople, les tubas ; que les clairons vermeils ; que les hautbois agrigentins ; que le tambour des Mimallonnes où s’effare l’Evohé ; que le cri des Thyades et le rugissement des panthères ; que la fureur des Béhémoth et le souffle du Léviathan ; que l’onagre et l’étalon gorgé de chair humaine ; que la licorne et l’unicorne ; que l’hircocerf et le caprimulge ; que le guivre et l’alérion ; que l’âne priapique aux dons joyeux, vocifèrent la louange de ce poète bien venu… » Ce faire-part de naissance continuait longtemps sur ce ton et le Timbalier ne manquait pas d’ajouter : « Par un jeu coutumier à la professionnelle modestie, l’Auteur, exposa naguère, sous des noms aimés, ses poèmes, aveuglants joyaux, curieux de savoir, peut-être, ce que la vitre du pseudonyme interposée entre son œuvre et lui absorbait de rayons.

2189. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

Comme tous les fondateurs charitables, M. l’abbé Carton dépasse souvent la mesure de ce que semblerait commander la prudence humaine. […] Vertu laïque, vertu congréganiste, vertu philosophique, vertu chrétienne ; vertu d’ancien régime, vertu de régime nouveau ; vertu civique, vertu cléricale ; prenons tout, croyez-moi ; il y en aura assez, il n’y en aura pas trop pour les rudes moments que la conscience humaine peut avoir à traverser.

2190. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

Qu’on se récrie tant qu’on voudra contre ce phénomène humiliant ; puisqu’il existe dans la nature humaine, le droit du poète est de le montrer. […] C’est là un sentiment tiré du fond même de la « caverne », comme un philosophe a appelé l’âme humaine.

2191. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

Mais ces derniers, qui n’ont jamais été des poètes de parti, restent par là même plus élevés et d’un ordre plus universellement humain. Lisez Horace dans ses Épîtres, La Fontaine dans ses Fables : ils n’ont cajolé aucune passion, ni dorloté aucune sottise humaine.

2192. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Pour que son vers clément pardonne au genre humain, Que faut-il au poète ? […] Enfant, j’ai bien souvent, à l’ombre des buissons, Dans le langage humain traduit ces vagues sons ; Pauvre écolier rêveur et qu’on disait sauvage, Quand j’émiettais mon pain à l’oiseau du rivage, L’onde semblait me dire : « Espère !

2193. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

Ainsi que la plupart des écrivains de son temps, Marmontel se faisait beaucoup d’illusions sur la bonté de l’espèce humaine. […] Son observation comme moraliste et son talent comme artiste pèchent également par cette mollesse et cette rondeur qui n’a jamais pénétré au fond des cœurs ni au fond des choses humaines.

2194. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

Aujourd’hui, s’il faut en toucher un mot, d’autres générations sont venues et ont pris rang, animées elles-mêmes d’une inspiration toute différente, mais qui n’ont pas fait pour cela un seul pas de retour vers le passé ; car le passé, pour la masse des générations humaines, ne revient jamais. […] Pour rendre à ces nouveaux venus le respect des lettres et des nobles études, on ne saurait les présenter trop sérieuses, trop essentielles à la nature humaine et à son développement, trop liées avec tout ce qui est utile dans l’histoire, dans la politique, trop conformes à la vraie connaissance morale et à l’expérience.

2195. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Et quand sur ce fond d’un paysage si neuf et si grand se détachent les deux plus gracieuses créations de figures adolescentes, et que la passion humaine y est peinte aussi dans toute sa fleur et dans toute sa flamme, il y a de quoi mériter à jamais de vivre, et de quoi couvrir bien des erreurs, des ignorances et des infirmités qui se trahissent ailleurs chez l’homme et dans son talent. […] Le peintre ému se reconnaît pourtant dès les premières lignes ; les descriptions ne sont pas sèches ; le paysage n’est là que pour se mettre en rapport avec les personnages vivants : « Un paysage, dit-il, est le fond du tableau de la vie humaine. » Avant de s’embarquer à Lorient, et sans avoir encore quitté le port, en s’y promenant et en nous y montrant le marché aux poissons avec tout ce qui s’y remue de fraîche marée, l’auteur nous rend une petite toile hollandaise ; en nous peignant avec vérité le retour des pêcheurs par un gros temps, il y mêle le côté sensible dont il abusera : « C’est donc parmi les gens de peine que l’on trouve encore quelques vertus. » On reconnaît le petit couplet philosophique qui commence, mais il ne le prolonge pas trop, et cela ne va pas encore jusqu’au sermon56.

2196. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Peut-être que des réflexions sur ces phénomènes seront utiles à ceux qui observent curieusement le mécanisme de la pensée humaine. […] Il est difficile de voir ; c’est une faculté animale et c’est un don humain.

2197. (1694) Des ouvrages de l’esprit

Un bel ouvrage tombe entre leurs mains, c’est un premier ouvrage, l’auteur ne s’est pas encore fait un grand nom, il n’a rien qui prévienne en sa faveur, il ne s’agit point de faire sa cour ou de flatter les grands en applaudissant à ses écrits ; on ne vous demande pas, Zélotes , de vous récrier, C’est un chef-d’œuvre de l’esprit ; l’humanité ne va pas plus loin : c’est jusqu’où la parole humaine peut s’élever : on ne jugera à l’avenir du goût de quelqu’un qu’à proportion qu’il en aura pour cette pièce ; phrases outrées, dégoûtantes, qui sentent la pension ou l’abbaye, nuisibles à cela même qui est louable et qu’on veut louer : que ne disiez-vous seulement, Voilà un bon livre ; vous le dites, il est vrai, avec toute la France, avec les étrangers comme avec vos compatriotes, quand il est imprimé par toute l’Europe et qu’il est traduit en plusieurs langues ; il n’est plus temps. […] Arsène , du plus haut de son esprit, contemple les hommes, et dans l’éloignement d’où il les voit, il est comme effrayé de leur petitesse : loüé, exalté, et porté jusqu’aux cieux par de certaines gens qui se sont promis de s’admirer réciproquement, il croit avec quelque mérite qu’il a, posséder tout celui qu’on peut avoir, et qu’il n’aura jamais : occupé et rempli de ses sublimes idées, il se donne à peine le loisir de prononcer quelques oracles : élevé par son caractère au-dessus des jugements humains, il abandonne aux âmes communes le mérite d’une vie suivie et uniforme, et il n’est responsable de ses inconstances qu’à ce cercle d’amis qui les idolâtrent ; eux seuls savent juger, savent penser, savent écrire, doivent écrire ; il n’y a point d’autre ouvrage d’esprit si bien reçu dans le monde, et si universellement goûté des honnêtes gens, je ne dis pas qu’il veuille approuver, mais qu’il daigne lire : incapable d’être corrigé par cette peinture qu’il ne lira point.

2198. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

ô vanité des grandeurs humaines ! […] Voilà comment on garde à chacun ses mœurs, son langage, ses vices, et comment la variété peut pénétrer dans les œuvres humaines. […] Les infortunés n’ont jamais eu d’ami plus dévoué ; toutes les misères humaines trouvent en lui un consolateur. […] Même les plus rares productions de l’esprit humain, sont fondées, sur quoi, je vous prie ? […] Pas un mot du cœur, pas un tendre sentiment, pas une parole humaine dans les reproches de Lucinde à son cher Moncade.

2199. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « TABLE » pp. 340-348

. — L'esprit humain peu inventif. — Eve, par Léon Gozlan. — La fille d’Alexandre Soumet. — Un poëme de six mille vers     141 XXXV. — Vente des livres catholiques. — Lamennais. — Raphaël et Rébecca Félix, frère et sœur de mademoiselle Rachel. — Léon Gozlan. — Voyage de Chateaubriand à Londres. — Visite d’Eugène Sue à George Sand. — Béranger. — Quatre grandes puissances du jour. — Dupin     144 XXXVI. — Voyage du duc de Bordeaux en Angleterre. — Craintes de l’Université en face du clergé. — Montalembert. — Cousin sur Vanini. — Catholicisme et Éclectisme     147 XXXVII. — Parade et comédie légitimistes. — Chateaubriand vieux bonhomme.

2200. (1874) Premiers lundis. Tome II « Charles de Bernard. Le nœud Gordien. — Gerfaut. »

Après tout, M. de Bernard, en se livrant vers cette fin au terrible à la mode, a pu se dire qu’il avait, dans les trois autres quarts du roman, payé assez largement sa dette à l’observation fine et franche, à la vérité amusante des mœurs, à cette nature humaine d’aujourd’hui, vivement rendue dans ses sentiments tendres ou factices, ses élégances et ses ridicules, ses affectations naïves ou impertinentes ; car il a fait de tout cela dans Gerfaut, et bon nombre de ces pages, de ces conversations et de ces scènes scintillantes ou gaies, entraînantes ou subtiles, et parfois simplement plaisantes, auraient pu être écrites par un Beaumarchais romancier, ou même par un Regnard.

2201. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre VII. Éducation de la sensibilité »

Les lettres lui offraient dans la prose, dans la poésie, au théâtre, dans la chaire, des réflexions sur l’âme humaine, exactement liées et logiquement déduites.

2202. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre III. Les traducteurs »

Homme d’une époque tardive et raffinée où s’amalgamaient en une civilisation hybride et Rome et la Grèce et l’Orient, moraliste plus attentif au fonds humain qu’à la particularité historique, et, quand il cherche la variation et la singularité, plus curieux de l’individu que des sociétés, Plutarque offrait déjà les temps anciens dans l’image la plus capable de ressembler aux temps modernes.

2203. (1897) La crise littéraire et le naturisme (article de La Plume) pp. 206-208

On n’ignore plus que ce jeune poète a proposé comme le plus sublime des motifs d’émotion et le plus émotif des sujets pathétiques l’héroïsation du Travail humain, l’Épopée des Fonctions et des Métiers.

2204. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Paul Bourget, Études et portraits. »

Mais c’est, dans ces instincts-là que gisent les grandes énergies humaines.

2205. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Le lyrisme français au lendemain de la guerre de 1870 » pp. 1-13

Toutes les bouches humaines déblatéraient sur les péchés et les hontes de Paris : serrée par ses ennemis, abandonnée de ses amis, la grande cité était en proie à l’assaut de toutes les mains et de toutes les langues ennemies ; on la niait et la supprimait en Europe ; c’était l’heure de prendre sa défense. » Émile Blémont profitait de l’occasion pour déclarer que l’indifférence et l’impassibilité n’étaient plus possibles aux poètes.

2206. (1897) Manifeste naturiste (Le Figaro) pp. 4-5

D’ailleurs ces grands artistes ne contentèrent point tout à fait des hommes à qui la compagnie de Napoléon, des héros guerriers, des postes grecs et de Wagner, ont, malgré tout, communiqué un sens plus étendu de la beauté humaine.

2207. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préfaces de « Marion de Lorme » (1831-1873) »

Ce serait l’heure, pour celui à qui Dieu en aurait donné le génie, de créer tout un théâtre, un théâtre vaste et simple, un et varié, national par l’histoire, populaire par la vérité, humain, naturel, universel par la passion.

2208. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre I. Les travaux contemporains »

Quoi qu’il en soit, allons au fait, et cherchons à résumer, je ne dirai pas notre science, mais notre ignorance sur le siège et les conditions organiques de l’intelligence humaine.

2209. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VIII. La mécanique cérébrale »

De toutes les facultés intellectuelles, celle dont on a le plus souvent tenté de donner une explication mécanique, parce qu’elle est en effet la plus automatique qui soit dans l’esprit humain, c’est la mémoire.

2210. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Deuxième cours des études d’une Université » pp. 489-494

Je ne connais guère sur la connaissance de l’homme qu’elle suppose que le petit traité d’Hobbes intitulé : De la Nature humaine, que j’ai déjà recommandé.

2211. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Satire contre le luxe, à la manière de Perse » pp. 122-126

Satire contre le luxe, à la manière de Perse Vous jetez sur les diverses sociétés de l’espèce humaine un regard si chagrin, que je ne connais plus guère qu’un moyen de vous contenter ; c’est de ramener l’âge d’or… vous vous trompez.

2212. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 40, si le pouvoir de la peinture sur les hommes est plus grand que le pouvoir de la poësie » pp. 393-405

On peut s’en rapporter aux lumieres et à l’expérience des hommes dont la subsistance dépend des aumônes de leurs concitoïens, sur les voïes les plus propres, sur les moïens les plus efficaces d’attendrir le coeur humain.

2213. (1897) L’empirisme rationaliste de Taine et les sciences morales

Il donne ainsi satisfaction aux deux sentiments contraires qui peuvent être regardés comme les moteurs par excellence du développement intellectuel : le sentiment de l’obscur et la foi en l’efficacité de l’esprit humain.

2214. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Gabrille d’Estrées et Henri IV »

Mais il est indifférent à cette vérité comme un homme, un diplomate, sur le soir d’un beau jour, qui aurait pris enfin son parti sur la présence du vice dans les choses humaines, et qui même irait jusqu’à croire qu’il y entre comme un ingrédient… Tels sont, en somme, les qualités et les défauts de ce livre à double titre, qui s’appelle également Gabrielle d’Estrées ou la Politique de Henri IV, et dont le second titre pourrait bien être le premier dans la pensée de son auteur.

2215. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Jules Vallès » pp. 259-268

Les réfractaires de Jules Vallès n’appartiennent pas à la grande nature humaine.

2216. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Jules Levallois » pp. 191-201

Ils ne l’aiment pas contre les humains.

2217. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Topffer »

Mais ce qui va bien au paysage et à son peintre : la vapeur, les traits indistincts, les lointains fuyants, mal accusés, noyés, perdus, ne va plus au peintre de l’âme, au moraliste, à l’observateur de la nature humaine qui doit voir clair, tout discerner, tout accuser d’une ligne pure et inflexible.

2218. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hebel »

Walter Scott, au contraire, est bien plus un homme, un grand observateur de nature humaine, qu’un Écossais, quoiqu’il soit Écossais aussi et profondément.

2219. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Proudhon et Couture »

Proudhon, nous l’avons dit, croit ou feint de croire à la ruine de ce que l’histoire du monde appelle la politique, et à laquelle il substitue un ordre économique, impossible, il est vrai, à concevoir avec l’état actuel de la tête humaine.

2220. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Comte de Gramont »

Et tel est, selon nous, le premier mérite et l’honneur de cette poésie métallique, brillante, lapidaire, solide, harmonieuse comme du cristal qui tinterait contre de l’or : elle est humaine !

2221. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VII. D’Isocrate et de ses éloges. »

ou bien un philosophe qui était tout à la fois physicien, géomètre, naturaliste, politique, dialecticien, qui avait porté l’analyse dans toutes les opérations de l’esprit, assigné l’origine et la marche de nos idées, cherché dans les passions humaines toutes les règles de l’éloquence et du goût, et en qui le concours et l’union de toutes ces connaissances devaient former un esprit vaste et une imagination qui agrandissait tous les arts en réfléchissant leur lumière les uns sur les autres, ne devait-il pas en effet avoir moins d’estime pour un orateur qui avait plus d’harmonie que d’idées, et pour un maître d’éloquence qui savait mieux les règles de l’art, que l’origine et le fondement des arts même et des règles ?

2222. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXV. De Paul Jove, et de ses éloges. »

Si vous portez vos regards plus loin, vous trouverez en Hongrie ce fameux Jean Hunniade qui combattit les Turcs, et simple général d’un peuple libre, fut plus absolu que vingt rois ; et ce Mathias Corvin son fils, le seul exemple peut-être d’un grand homme fils d’un grand homme ; en Épire, Scanderberg, grand prince dans un petit État ; et parmi les Orientaux, ce Saladin, aussi poli que fier, ennemi généreux et conquérant humain ; Tamerlan, un de ces Tartares qui ont bouleversé le monde ; Bajazet qui commença comme Alexandre, et finit comme Darius : d’abord le plus terrible des hommes, et ensuite le plus malheureux ; Amurat II, le seul prince turc qui ait été philosophe, qui abdiqua deux fois le trône, et y remonta deux fois pour vaincre ; Mahomet II, qui conquit avec tant de rapidité, et récompensa les arts avec tant de magnificence ; Sélim, qui subjugua l’Égypte et détruisit cette aristocratie guerrière établie depuis trois cents ans aux bords du Nil, par des soldats tartares ; Soliman, vainqueur de l’Euphrate au Danube, qui prit Babylone et assiégea Vienne ; le fameux Barberousse Chérédin, son amiral, qui de pirate devint roi ; et cet Ismaël Sophi, qui au commencement du seizième siècle, prêcha les armes à la main, et en dogmatisant conquit la Perse, comme Mahomet avait conquis l’Arabie.

2223. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Le document, comme on dit, le document, humain ou autre, triomphe sur toute la ligne ; le document, qu’il soit naturaliste ou qu’il soit archéologique, ne tend à rien de moins qu’à remplacer, qu’à détrôner la littérature et l’art. — Mon Dieu ! […] En second lieu, comme tous, ou presque tous, furent de grands peintres de la vie humaine, raison pour laquelle ils survivent et survivront autant que survivra l’humanité, ce sera une occasion pour nous de nous étudier nous-mêmes à leur lumière. […] C’est l’expérience humaine, c’est la science de la vie ; c’est, en un mot, la morale, dans son sens courant le plus étendu. […] Noble ou vilain, si ce seul mot : « Vous en avez menti », déshonore un homme, que sera-ce donc de mentir réellement et de vivre sans honneur selon les lois humaines et sans avoir le droit de vous venger de celui qui vous dit ce mot ? […] Voltaire si libre d’esprit en tout le reste, mais élève des Jésuites et du père Porée pour la tragédie, tient pour les vieux genres bien distincts, tragédie d’un côté, comédie de l’autre ; côté du rire, côté des pleurs ; la vie humaine coupée en deux.

2224. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

La justice, cette chose de Dieu de qui les juges humains sont dès lors l’émanation distributive. […] vers peut-être le plus extraordinaire de notre langue et de toute la langue humaine ! […] Moyennant des conclusions qui ne sont pas miennes, puisque je suis chrétien, il fait son livre humain et glorifié d’intensité, tout en souhaitant le repos, avec le regret, je le répète, tout de même, de la vie, — en païen effectivement, en épicurien, ajouterai-je, dans l’acception noble de l’épithète. […] Et un frisson glacé me prend comme elle chante la pitié pour les êtres humains dont on n’a pas pitié ; une tristesse au-delà de toutes les larmes, des pleurs qui reproduisent les rides de la suprême grimace. […] *** L’Infamie humaine est surtout une œuvre de psychologie très élevée et très intense.

2225. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

On ne risquait plus alors d’être mis à la Bastille pour de telles échappées ; on raconte seulement que ces vers : Et vous, peuple injuste et mutin, Sans pape, sans rois et sans reines, Vous danseriez au bruit des chaînes Qui pèsent sur le genre humain ! […] L’esprit humain enferme de telles contradictions et de telles particularités qu’au moment où, par un sentiment généreux, Parny jetait au feu son poëme galant sur les reines de France, parce qu’alors on les égorgeait, il se mettait à composer à loisir et sans le moindre remords cet autre poëme où il houspillait, selon son mot, les serviteurs de Dieu, tandis qu’ils étaient bien houspillés en effet au dehors, c’est-à-dire égorgés aussi ou pour le moins déportés. […] Je noterai aussi le joli tableau intitulé le Réveil d’une mère ; on s’est étonné que ces jouissances pures d’une épouse vertueuse, ces chastes sourires d’un intérieur de famille aient trouvé, cette fois, dans Parny un témoin qui sût aussi bien les traduire et les exprimer ; mais c’est que les torts de Parny, s’il n’en avait eu que contre la pudeur et s’il ne s’était attaqué directement aux endroits les plus sacrés de la conscience humaine, ne seraient guère que ceux de l’époque qu’il avait traversée dès sa jeunesse. « Il ne faudrait pas trop nous juger sur certaines de nos œuvres, me disait un jour un vieillard survivant, avec un accent que j’entends encore : Monsieur, nous avons été trompés par les mœurs de notre temps.

2226. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre cinquième. De l’influence de certaines institutions sur le perfectionnement de l’esprit français et sur la langue. »

Il avait vu l’amour-propre, ce tyran de la vie humaine, tour à tour si habile contre les autres, et si dupe de soi-même. […] Telles devaient être l’insinuation, la clarté, la douceur des leçons que Nicole donnait à Racine, et par lesquelles il initiait ce grand poète à la connaissance du cœur humain. […] Si, pour goûter, parmi ces vérités, les vérités de pure foi, il faut l’esprit de mortification qui reconnaît, avec l’auteur, tantôt le mal dans ce qui est le bien selon la sagesse humaine, tantôt le bien dans ce qui paraît le mal, toutes les autres sont goûtées par tous les esprits droits, fussent-ils prévenus contre la religion.

2227. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

Ceci convient mieux à la philosophie, ou aux religions peu mystiques, qui, parlant au cœur humain avec moins de force et moins d’autorité, ont besoin de se montrer en quelques points plus accommodantes ou plus souples. […] Une généralisation de pareilles croyances et de semblables pratiques eût évidemment fait disparaître assez rapidement toute imperfection humaine, mais le résultat obtenu n’eût point semblé désirable. […] Mais tout ceci est vrai au point de vue pratique, politique, humain.

2228. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

J’eus devant les yeux un cinquième évangile, lacéré, mais lisible encore, et désormais, à travers les récits de Matthieu et de Marc, au lieu d’un être abstrait, qu’on dirait n’avoir jamais existé, je vis une admirable figure humaine vivre, se mouvoir. […] Pour faire l’histoire d’une religion, il est nécessaire, premièrement, d’y avoir cru (sans cela, on ne saurait comprendre par quoi elle a charmé et satisfait la conscience humaine) ; en second lieu, de n’y plus croire d’une manière absolue ; car la foi absolue est incompatible avec l’histoire sincère. […] Profondément inégales et d’autant plus divines qu’elles sont plus grandes, plus spontanées, les manifestations du Dieu caché au fond de la conscience humaine sont toutes du même ordre.

2229. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

Exemple étrange des vicissitudes humaines ! […] Voici le chapitre où il est question de ces deux personnages : Deux beaux types de la plus parfaite organisation humaine. […] « Ne m’accusez point de vous abuser par quelque heureux mensonge inventé à l’honneur de l’espèce humaine, L’imagination ne fait pas de tels rêves. […] Il faut donc que l’artiste ait étudié tous les ressorts du cœur humain, il faut qu’il ait une grande connaissance de la nature, il faut, en un mot, qu’il soit philosophe. […] Pendant le cours de ces cinq années, l’esprit humain a été plus excité peut-être que dans aucun temps, sans en excepter même celui de la renaissance.

2230. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLIXe Entretien. L’histoire, ou Hérodote »

— Ô Crésus, repartit Solon, pourquoi m’interrogez-vous sur la destinée des hommes, moi qui sais combien la Divinité, toujours jalouse des prospérités humaines, est prompte à les bouleverser ? […] On lui raconte beaucoup de fables absurdes, à Memphis, sur l’origine et la langue la plus antique du genre humain. […] Lorsqu’un enfant vient de naître, tous ses parents, rangés autour de lui, pleurent sur les maux qu’il aura à souffrir depuis le moment où il a vu le jour, et comptent en gémissant toutes les misères humaines qui l’attendent. […] On voit qu’Hérodote est le premier des historiens, fort remarquables et fort éclairés, que la Grèce nous a donnés comme les sources de l’histoire ; mais ce n’est point un historien primitif, tels que les grands ancêtres de l’esprit humain aux Indes, en Chine et en Judée nous ont apparu.

2231. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Zola s’est interdit tout écart de fantaisie ; il semble, aujourd’hui, s’éloigner de plus en plus de l’intrigue, se borner à l’étude pure et simple des cas humains et des phénomènes sociaux. […] Ses capacités lui firent gagner la couronne des pochards ; après avoir descendu et avoir passé par toutes les dégradations humaines, il fut proclamé empereur des pochards et roi des cochons. […] C’est ce qu’on ne peut pas lui pardonner : « Montrer les côtés sales de la bête humaine, peindre le vice tel qu’il est, dégoûter le lecteur des actions laides et des mauvais penchants, fi donc ! […] Zola, qu’il n’y a aucune raison d’employer une périphrase pour désigner une chose, tandis qu’on a le mot propre sous la main ; nous verrons que Shakespeare et ses contemporains : Ben-Johnson, Fletscher, Marlowe, ne reculaient devant aucune crudité de langage, devant aucune observation humaine, quelque cruelle et amère qu’elle fût ; nous les verrons  et Molière avec eux  rechercher et mettre en évidence la cause des mauvais penchants : ce qui est tout le procédé naturaliste   Seulement, Rabelais, Shakespeare, Molière étaient des faits isolés dans leur époque.

2232. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « M. Denne-Baron. » pp. 380-388

c’est le ciel qui console ; Aux lambris étoilés quand une âme s’envole,         Un dieu la pèse de ses mainsp : Et, s’il la trouve pure, il ouvre devant elle Des jardins lumineux, des plaines d’asphodèle,         Que n’ont point foulés les humains !

2233. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Un cas de pédanterie. (Se rapporte à l’article Vaugelas, page 394). »

« Trop impatient pour dissimuler ses sentiments nationaux et frappé dans sa position universitaire, il se tourna vers une profession indépendante, et vers celle en même temps qui permettait le mieux d’appliquer les inspirations humaines qui faisaient le fond de sa nature.

2234. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « La poésie »

L’idée était si juste et si opportune qu’elle a aussitôt porté fruit et porté coup ; elle a eu l’honneur, dès le premier jour, de soulever les colères de ceux qui possédaient autrefois et dominaient l’entier domaine de l’intelligence humaine et qui, jusque dans leur décadence, quand presque tout leur échappe, voudraient tout garder.

2235. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — II »

Nous trouvons cette sorte d’amour énergiquement exprimée dans une pièce de vers inédits adressée à un jeune homme qui se plaignait d’avoir passé l’âge d’aimer : Va, si tu veux aimer, tu n’as point passé l’âge ; Si le calme te pèse, espère encore l’orage ; Ton printemps fut trop doux, attends les mois d’été ; Vienne, vienne l’ardeur de la virilité, Et, sans plus t’exhaler en pleurs imaginaires, Sous des torrents de feu, au milieu des tonnerres, Le cœur par tous les points saignant, tu sentiras, Au seuil de la beauté, sous ses pieds, dans ses bras, Tout ce qu’avait d’heureux ton indolente peine Au prix de cet excès de la souffrance humaine ; Car l’amour vrai, tardif, qui mûrit en son temps, Vois-tu, n’est pas semblable à celui de vingt ans, Que jette la jeunesse en sa première sève, Au blondi duvet, vermeil et doré comme un rêve ; C’est un amour profond, amer, désespéré, C’est le dernier, l’unique ; on dit moins, j’en mourrai ; On en meurt ; — un amour armé de jalousie, Consumant tout, honneur et gloire et poésie ; Sans douceurs et sans miel, capable de poison, Et pour toute la vie égarant la raison.

2236. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VIII. Du crime. »

Si l’on quitte la vie pour échapper aux peines du cœur, on désire laisser quelques regrets après soi ; si l’on est conduit au suicide par un profond dégoût de l’existence qui sert à juger la destinée humaine, il faut que des réflexions profondes, de longs retours sur soi, aient précédé cette résolution ; et la haine qu’éprouve l’homme criminel contre ses ennemis, le besoin qu’il a de leur nuire, lui feraient craindre de les laisser en repos par sa mort ; la fureur dont il est agité, loin de le dégoûter de la vie, fait qu’il s’acharne davantage à tout ce qui lui a coûté si cher.

2237. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De l’étude. »

Quelques anciens, exaltés sur les jouissances de l’étude, se sont persuadés que le paradis consistait seulement dans le plaisir de connaître les merveilles du monde ; celui qui s’instruit chaque jour, qui s’empare du moins de ce que la Providence a abandonné à l’esprit humain, semble anticiper sur ces éternelles délices et déjà spiritualiser son être.

2238. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Grosclaude. »

Est-il défendu d’imaginer qu’une Puissance inconnue, ayant d’abord permis aux hommes d’établir entre les choses et les mots des rapports constants, universels et publics, a voulu enfouir en même temps dans les ténèbres des idiomes humains certains rapports secrets, absurdes et réjouissants des mots avec les objets ou des vocables entre eux, et en a réservé la découverte à quelques privilégiés du rire et de la fantaisie ?

2239. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vigny, Alfred de (1797-1863) »

Ayant cherché Dieu dans la nature et ne l’ayant pas trouvé, il voulait que l’être humain se tint seul et debout, ayant son Dieu présent en lui : l’Honneur.

2240. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XI » pp. 89-99

Que si elles avaient le défaut de faire de l’amour un délire de l’imagination, elles eurent aussi le mérite d’élever les esprits et les âmes au-dessus de l’amour d’instinct, et de préparer cet amour du cœur, ce doux accord des sympathies morales si fécond en délices inconnues à l’incontinence grossière, cet amour qui donne tant d’heureuses années à la vie humaine, appelée seulement à d’heureux moments par l’amour d’instinct.

2241. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 23-38

Boileau ne pouvoit ignorer combien Moliere faisoit cas de notre Fabuliste ; & M. de Voltaire, si instruit dans les anecdotes littéraires, auroit dû se rappeler que ce Juge si éclairé de l’esprit & du cœur humain, avoit dit à ce même Boileau & à Racine : Messieurs, ne raillez point le bon homme, il ira plus loin que nous.

2242. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre quatrième. L’aperception et son influence sur la liaison des idées »

On prétend que Léonard de Vinci recommandait à ses élèves, lorsqu’ils cherchaient un sujet de tableau, d’étudier avec soin l’aspect des surfaces de bois ; on finit par voir se dessiner, au milieu des lignes confuses, certaines formes d’animaux, des têtes humaines, des groupes pittoresques.

2243. (1894) Notules. Joies grises pp. 173-184

Et pour, ceci : L’Être universel se compose de deux principes : le moi humain et ce qui lui est extérieur.

2244. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Racine, et Pradon. » pp. 334-348

Madame de Sévigné, à qui la langue est redevable d’avoir un caractère de plus, cette femme unique pour le stile épistolaire & pour conter agréablement, dit toujours que Racine n’ ira pas loin  : c’est qu’elle le desiroit, ainsi que tous ceux de son parti, lequel, à la honte des talens & de la raison humaine, fut très-nombreux.

2245. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes pensées bizarres sur le dessin » pp. 11-18

Une figure humaine est un système trop composé pour que les suites d’une inconséquence insensible dans son principe ne jettent pas la production de l’art la plus parfaite à mille lieues de l’œuvre de la nature.

2246. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Seconde faculté d’une Université. Faculté de médecine. » pp. 497-505

Il traitera des parties du corps humain, de leur structure, de leur connexion, de leurs fonctions, de leurs mouvements et du mécanisme par lequel ils s’exécutent.

2247. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 29, qu’il est des païs où les ouvrages sont plûtôt apprétiez à leur valeur que dans d’autres » pp. 395-408

Il n’y auroit rien de certain en vertu des lumieres humaines, si quatre cens personnes qui s’entrecommuniquent leur sentiment, pouvoient croire qu’elles sont touchées quand elles ne le sont pas, ou si elles pouvoient être touchées sans qu’on leur eut présenté un objet réellement interessant.

2248. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 37, des défauts que nous croïons voir dans les poëmes des anciens » pp. 537-553

Si l’opinion qui donne aux bêtes une raison presque humaine est fausse ou non, ce n’est point l’affaire du poete.

2249. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 15, observations concernant la maniere dont les pieces dramatiques étoient représentées sur le théatre des anciens. De la passion que les grecs et les romains avoient pour le théatre, et de l’étude que les acteurs faisoient de leur art et des récompenses qui leur étoient données » pp. 248-264

On peut voir dans le troisiéme chapitre de l’onziéme livre de Quintilien, que par rapport à tout genre d’éloquence, les anciens avoient fait de profondes refléxions sur la nature de la voix humaine, et sur toutes les pratiques propres à la fortifier en l’exerçant.

2250. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 18, reflexions sur les avantages et sur les inconveniens qui resultoient de la déclamation composée des anciens » pp. 309-323

L’esprit humain hait naturellement la gêne où le mettent toutes les methodes qui prétendent l’assujetir à n’operer que suivant certaines regles.

2251. (1762) Réflexions sur l’ode

Le temps des hérésies théologiques, si orageux et si humiliant tout à la fois pour l’espèce humaine, est heureusement passé ; celui des hérésies littéraires, moins dangereux et plus paisible, est peut-être venu : peut-être même, dans ces matières frivoles abandonnées à nos disputes, ce qui serait aujourd’hui hérésie scandaleuse sera-t-il un jour vérité respectable.

2252. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XI. Mme Marie-Alexandre Dumas. Les Dauphines littéraires »

Et notez que je ne blâme nullement cette ambition, que je crois fatale à l’esprit humain, d’inventer des aristocraties… impossibles ; je me contente de l’affirmer.

2253. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVI. Mme de Saman »

Mais de Rousseau-femme, il n’y en avait pas, et même la notion en manquait à l’esprit humain, constitué tel qu’il était alors.

2254. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des ducs de Normandie avant la conquête de l’Angleterre »

Nous pensons même que le livre médiocre va plus loin dans les masses que le livre distingué ou supérieur, et qu’il s’enlève d’autant plus aisément sur la bêtise ou l’ignorance humaine, comme une plume sur l’aile favorable des vents.

2255. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Alexandre Dumas fils » pp. 281-291

Est-il possible d’être moins homme que cet homme, qui a été chaste dans sa jeunesse, la force des forces pour qui connaît le cœur humain, et qui, après avoir été trompé, berné, humilié, trahi et raillé par sa femme, dont il se sépare, en redevient l’amant une dernière fois, et, pour s’achever, se cocufie lui-même ; car de telles bassesses, de telles abjections, rappellent les vieux mots bannis qui ne faisaient pas peur à nos ancêtres !

2256. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Taine »

Si vous réduisiez ce livre, impudent de citations, aux idées strictes de Taine, tout se réduirait à quelques pages dont l’idée même ne lui appartiendrait pas : « Sensation et image, — dit-il en commençant, — voilà toute l’intelligence humaine ! 

2257. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Dupont-White »

Les individualistes, aveuglés par un système qui est la ruine et la négation de toute solidarité politique et humaine, ne sont pas cependant les seuls adversaires de Dupont-White et de son système.

2258. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Meurice » pp. 231-241

Son livre, qui n’est, du reste, que le commencement d’une série de romans à publier sous ce titre : Les Chevaliers de l’Esprit, n’est point, comme on pourrait le croire, une œuvre d’art et de nature humaine désintéressée : c’est un livre d’apostolat et de propagande.

2259. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIV. Panégyrique de Trajan, par Pline le jeune. »

« Telle est la faiblesse humaine, disait-il ; partout les remèdes sont plus lents que les maux, et il est bien plus facile d’étouffer le génie que de le ranimer. » Malgré ces remarques générales, il y a dans le panégyrique de Pline plusieurs endroits d’une véritable éloquence, et où l’on remarque de l’élévation et de la force.

2260. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVIII. Siècle de Constantin. Panégyrique de ce prince. »

Il eut l’âme d’un guerrier, et il aima la pompe et la mollesse ; il fut humain dans sa législation, et barbare dans sa politique ; il pardonna des injures, et fit égorger ses parents et ses amis ; il donnait par humanité, et laissait piller les provinces par faiblesse.

2261. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

Il paraît que la boule humaine est menacée d’un bouleversement total. […] Ce n’était plus une foule, c’était une bouillie humaine— qui encombrait le foyer, la salle et les corridors. — Un monsieur, placé dans la loge 23, et appelé, pour affaires importantes, dans la loge 26, a mis deux heures et demie à faire le trajet d’une loge à l’autre. — Mais, pendant sa traversée, l’éventail qui lui avait fait signe, ne le voyant pas arriver, s’en est allé avec un turban de l’école égyptienne. […] Ce n’est pas cependant qu’il ne possède, comme tous les humains bien organisés, la petite dose d’amour-propre qui est nécessaire à l’homme pour vivre, — comme l’air et le soleil. […] Mais si mademoiselle Rachel est morte bien jeune, sa carrière n’en reste pas moins aussi pleinement remplie que puisse le souhaiter l’ambition humaine : son nom reste un des plus sonores qu’ait répétés le siècle. […] De même que l’acteur qui a le plus de succès est celui-là qui sait le mieux faire subir au masque humain toutes les difformités de la grimace, les œuvres qui exercent sur la foule l’attraction la plus puissante sont celles où la vérité humaine est le plus violemment contorsionnée.

2262. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

Sans doute aussi, et notamment depuis trente années, ils veulent être humains ; ils dissertent entre eux sur les droits de l’homme ; ils souffriraient de voir la face pâle d’un paysan qui a faim. […] par allusion aux ravages que ces animaux faisaient dans leurs terres. » Ainsi, aux yeux de leurs sujets, ils sont des bêtes fauves. — Voilà où conduit le privilège détaché du service ; c’est ainsi qu’un devoir de protection dégénère en un droit de dévastation, et que des gens humains et raisonnables agissent, sans y penser, en gens déraisonnables et inhumains. […] Boutin de la Coulommière, fils d’un receveur général des finances, se récria à la vue de ce mécanisme ingénieux dont il se plaisait à faire jouer les ressorts, et se tournant vers l’abbé de Canillac : « Cela, dit-il, est admirable sans doute ; mais ce qui me semble plus admirable encore, c’est que Son Éminence, étant au-dessus des faiblesses humaines, veuille bien s’y accommoder. » Mot précieux et seul capable de montrer le rang, la position d’un prélat grand seigneur en province.

2263. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre troisième. La connaissance de l’esprit — Chapitre premier. La connaissance de l’esprit » pp. 199-245

. — Opposition de la pensée animale à la pensée humaine. — Passage de la première à la seconde. — Après les idées des choses individuelles naissent les idées des choses générales. […] Meubles, intérieurs d’appartement, figures humaines ou animales, arbres, maisons, rues, paysages, ce sont des représentations de ce genre dont la série compose le courant ordinaire de notre pensée. […] Nous l’admettons et sans grand scrupule, sinon sur une démonstration directe, du moins d’après un cortège de confirmations innombrables et comme une hypothèse que justifie tout l’ensemble de l’expérience, des vérifications et des prévisions humaines. — Cela posé, il nous suffit de l’expliquer, et nous n’avons qu’à regarder le mécanisme décrit pour comprendre la justesse presque infaillible de son jeu.

2264. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

Un personnage n’est violent, jaloux, humain, que par ses actions violentes, jalouses, humaines. […] On a oublié la nature de l’imagination humaine.

2265. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIe entretien. Balzac et ses œuvres (2e partie) » pp. 353-431

« La grande Nanon était peut-être la seule créature humaine capable d’accepter le despotisme de son maître. […] Sans ce beau phénomène humain, point de vie au cœur ; l’air lui manque alors, il souffre et dépérit. […] Mais ils écrivent en vers immortels, et Balzac n’écrit qu’en prose modelée sur le cœur humain !

2266. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CIXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (1re partie) » pp. 5-79

Crétineau-Joly (1re partie) I Quelle que soit l’opinion qu’on se fasse du principe divin ou humain de l’autorité spirituelle ou temporelle de la papauté en Europe, il est impossible de nier que les papes soient des souverains, soit en vertu d’un mandat de Dieu, soit en vertu d’une antique tradition humaine ; qu’en vertu du titre surhumain, leur autorité, sous le rapport spirituel, soit sacrée ; et qu’en vertu du titre de possession humaine et traditionnelle, leur gouvernement soit respectable.

2267. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre premier. Le Moyen Âge (842-1498) » pp. 1-39

Tous les hommes pour lui se ressemblent, un peu comme à nos yeux tous les nègres ou tous les Chinois ; et, au fait, ce qui diversifie les visages humains, et, en les diversifiant, ce qui les individualise, n’est-ce pas le reflet en eux d’une complexité intérieure, d’une richesse, ou d’une intensité de vie inconnue aux hommes de ce temps ? […] D’un autre côté, à mesure que l’on conçoit mieux la grandeur purement humaine des événements historiques, l’épopée se change en chronique, comme dans la Chanson de Bertrand du Guesclin. […] et — puisqu’on ne peut enfin le nommer sans la rappeler — qu’y a-t-il de plus humain dans sa mélancolie que la Ballade des dames du temps jadis ?

2268. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

Ce messire Jacques d’Audelée est une figure de héros modeste, pieux et humain. […] La réflexion qui termine et que l’auteur ne fait pas en son nom, mais qu’il place dans la bouche des chevaliers présents, ce pronostic tout flatteur et favorable sur l’avenir du prince-roi, s’il lui est donné de vivre pour y atteindre, rappelle dans une perspective éloignée l’instabilité des choses humaines et les compensations du sort, qui ne permet pas aux plus heureux d’accomplir tout leur bonheur :-ce prince si brillant, et à qui tous souhaitent vie, ne régnera pas en effet, et mourra plein de gloire, mais avant le temps.

2269. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

La seconde partie du Voyage, toute moderne, est d’un homme qui a administré avec zèle et qui se préoccupe de toutes les branches de la fortune publique, principalement de l’agriculture : ici, sous le plus beau climat, avec un sol admirable et les souvenirs d’une antique prospérité, il ne voit que misère, dépopulation, fièvre et famine, et il se demande pourquoi ; il se le demande en observateur éclairé, humain et sans colère91. […] Bonstetten n’était cependant pas insensible et fermé à l’aspect pittoresque et aux beaux effets de tristesse morale : « Rome, disait-il alors, ne présente partout que l’image de la destruction et des vicissitudes humaines.

2270. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure »

Quel abîme que l’esprit humain ! […] Ce talent admirable d’orateur moraliste et tendre, cette âme charmante, virgilienne et racinienne, ce panégyriste de la Madeleine repentie, après une première saison d’austérité et de ferveur, s’était apaisé comme il est naturel, s’était même attiédi du côté de la foi et était arrivé, sur la fin, à plus de sagesse humaine peut-être que divine.

2271. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

Les faits particuliers qui nous sont attestés et qui nous donnent la mesure de son zèle au bien ne sauraient se reproduire ici : enfants nouveau-nés, trouvés sous des portes cochères, et qu’on va déposer d’abord chez Mme Navier ; — jeunes filles de dix ans, abandonnées par d’indignes parents, quelle recueille, qu’elle instruit, quelle ne laisse qu’après les avoir mises en lieu sûr ; — quelquefois des familles entières qu’elle entreprend de sauver de la détresse, et dont elle place les différents membres ; — des orphelins même qu’on lui envoie de province, comme si ce gouffre de Paris ne lui suffisait pas : — on admire, rien qu’à y jeter les yeux et à l’entrevoir un moment, cette série d’œuvres continuelles et cachées, ce courant salutaire et pur à côté d’autres qui le sont moins ou qui sont tout à fait contraires : c’est ainsi, selon une juste remarque, qu’au sein des sociétés humaines subsiste et se renouvelle incessamment cette dose de bien nécessaire à l’équilibre moral du monde. […] Si l’avenir, comme il est inévitable, garde à la vertu bien des épreuves et des combats, tâchons, par le bon  usage et le salutaire emploi des intervalles, que ces combats soient encore les plus humains, les plus civilisés possible.

2272. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

Les Espagnols, en vrais brutaux, lâchent leurs chiens sur les Indiens comme sur des bêtes féroces ; ils tuent, brûlent, massacrent, pillent le Nouveau Monde comme une ville prise d’assaut, sans pitié comme sans discernement… Les Américains des États-Unis, plus humains, plus modérés, plus respectueux du droit et de la légalité, jamais sanguinaires, sont plus profondément destructeurs, et il est impossible de douter qu’avant cent ans il ne restera pas dans l’Amérique du Nord, non pas une seule nation, mais un seul homme appartenant à la plus remarquable des races indiennes… » L’exposition ainsi faite, le moral et l’esprit de la scène ainsi expliqués complètement, il la raconte si bien que cela finit par être une peinture navrante : « Six à sept mille Indiens ont déjà passé le grand fleuve, ceux qui arrivaient à Memphis y venaient dans le dessein de suivre leurs compatriotes. […] Il est, dans la sphère humaine, dans le domaine de la pensée comme dans l’ordre social, des couches profondes, des cercles extrêmes qu’il faut avoir visités et traversés, qu’il faut sans cesse oser pénétrer du regard, sans quoi l’on n’est jamais un philosophe achevé ni même un parfait et consommé politique.

2273. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Il s’agit tout bonnement d’un jeune musicien, fils d’une pauvre concierge, atteint de transport au cerveau, et qu’elle recommande au plus humain, au plus ami des médecins, à celui qui aurait sauvé, si elle avait pu l’être, sa chère Inès : AU DOCTEUR VEYNE. […] Et à cet inappréciable attrait de réalité se joint ici une fleur de poésie et de sentiment, une délicatesse toute féminine de charité, une beauté morale ravissante, mais toute naturelle, toute humaine, sans rien d’ascétique et de forcé.

2274. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [IV] »

Il est rare, quand un homme possède un talent supérieur évident, qu’on n’en profite pas pour lui en dénier un autre ; cela est de la nature humaine et de tous les temps. […] Mais parmi ceux qui étaient censés présider à la direction suprême, et au cœur de ce quartier général des Alliés en 1813, Jomini avait vu se dévoiler dans toute son étendue le spectacle des vanités, des intrigues et des chétives rivalités humaines.

2275. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

L’impression (et je ne parle d’abord que de l’impression humaine, philosophique et littéraire) qu’on en retire est celle de quelque chose d’aimable, de modéré, de sensé et d’accessible ; tout y est simple, sans un ornement ni une digression de luxe, et allant droit au but. […] Par exemple, une lecture où règne une vérité si concrète ;… un fait ressortissant à ce qu’il y a d’universel et de fondamental dans l’esprit humain ;… les grèves arides de l’égoïsme, etc.

2276. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

Il faut donc qu’ils aient une bonté médiocre, c’est-à-dire une vertu capable de faiblesse, et qu’ils tombent dans le malheur par quelque faute qui les fasse plaindre sans les faire détester. » J’insiste sur ce point, parce que la grande innovation de Racine et sa plus incontestable originalité dramatique consistent précisément dans cette réduction des personnages héroïques à des proportions plus humaines, plus naturelles, et dans cette analyse délicate des plus secrètes nuances du sentiment et de la passion. […] Nourri des livres sacrés, partageant les croyances du peuple de Dieu, il se tient strictement au récit de l’Écriture, ne se croit pas obligé de mêler l’autorité d’Aristote à l’action, ni surtout de placer au cœur de son drame une intrigue amoureuse (et l’amour est de toutes les choses humaines celle qui, s’appuyant sur une base éternelle, varie le plus dans ses formes selon les temps, et par conséquent induit le plus en erreur le poëte).

2277. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre premier. De l’illusion » pp. 3-31

. — Éléments de la connaissance humaine. — Principaux composés que forment leurs combinaisons. — La naissance et la rectification d’une illusion sont les deux procédés par lesquels se forment en nous nos diverses sortes de connaissances. […] Considérons en effet nos représentations ordinaires et la population habituelle de notre cerveau, nous nous figurons telle maison, telle rue, tel cabinet de travail, tel salon, telles figures humaines, tels sons, odeurs, saveurs, attouchements, efforts musculaires, et surtout tels et tels mots ; ces derniers lus, entendus, ou prononcés mentalement, sont les habitants les plus nombreux d’une tête pensante.

2278. (1895) La musique et les lettres pp. 1-84

Les monuments, la mer, la face humaine, dans leur plénitude, natifs, conservant une vertu autrement attrayante que ne les voilera une description, évocation dites, allusion je sais, suggestion : cette terminologie quelque peu de hasard atteste la tendance, une très décisive, peut-être, qu’ait subie l’art littéraire, elle le borne et l’exempte. […] Quelle agonie, aussi, qu’agite la Chimère versant par ses blessures d’or l’évidence de tout l’être pareil, nulle torsion vaincue ne fausse ni ne transgresse l’omniprésente Ligne espacée de tout point à tout autre pour instituer l’Idée ; sinon sous le visage humain, mystérieuse, en tant qu’une Harmonie est pure.

2279. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

Pas une âme humaine à qui je puisse ouvrir mon cœur, bien plus, avec qui je puisse avoir de ces conversations qui, pour être indifférentes, ne laissent pas de délasser l’esprit et de satisfaire au besoin de société. […] Il m’est sans doute bien pénible de songer que la moitié peut-être du genre humain éclairé me dirait que je suis dans l’inimitié de Dieu, et pour parler la vieille langue chrétienne, qui est la vraie, que, si la mort venait à me surprendre, je serais damné à l’instant même.

2280. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XV »

Les enchères de ce bazar de chair humaine l’ont séparée de sa mère, qui lui a fait jurer haine aux blancs, et jamais serment ne fut mieux tenu. […] Encore une fois, la scène est belle, malgré les sifflets qui l’ont couverte ; elle est vraie et elle est humaine.

2281. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

Il n’aurait pu le trouver que dans une belle femme, et ces rencontres-là, d’un génie de Richelieu en un corps de Pompadour, ne sont peut-être pas dans l’ordre des choses humaines possibles. […] Si l’abbé Galiani, dans une page curieuse, préférant hautement au siècle de Louis XIV le siècle de Louis XV, a pu dire de cet âge de l’esprit humain si fécond en résultats : « On ne rencontrera de longtemps nulle part un règne pareil », Mme de Pompadour y contribua certainement pour quelque chose.

2282. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

Défenseur de Louis XVI, qu’il suivit bientôt à son tour avec tous les siens sur l’échafaud, M. de Malesherbes a donné l’un des plus grands exemples de bonté et de grandeur morale : de telles victimes sont encore plus faites pour relever la nature humaine que leurs bourreaux pour la dégrader. […] Mais que M. de Malesherbes quitte la direction de la Librairie, alors Voltaire, ramené au sang-froid et à des sentiments plus justes, écrira à d’Argental (14 octobre 1763) : « M. de Malesherbes n’avait pas laissé de rendre service à l’esprit humain en donnant à la presse plus de liberté qu’elle n’en a jamais eue.

2283. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

Il tâche d’élever les âmes, de les animer au bien par la grandeur des circonstances : « La France n’est point dans ce moment chargée de ses seuls intérêts ; la cause de l’Europe entière est déposée dans ses mains… On peut dire que la race humaine est maintenant occupée à faire sur nos têtes une grande expérience. » À côté de l’honneur insigne de la réussite, il déroule les suites incalculables d’un revers. […] Il réclame la punition énergique, exemplaire, des coupables ; il fait entendre de grandes vérités : « Souvenez-vous que rien n’est plus humain, plus indulgent, plus doux, que la sévère inflexibilité des lois justes ; que rien n’est plus cruel, plus impitoyable, que la clémence pour le crime ; qu’il n’est point d’autre liberté que l’asservissement aux lois. » Un caractère essentiel à noter dans ces articles de prose d’André Chénier, c’est que si le poète s’y marque par l’élévation et la chaleur du sentiment, par le désintéressement de la pensée et presque le détachement du succès, par une certaine ardeur enfin d’héroïsme et de sacrifice, il ne donne pourtant au style aucune couleur particulière.

2284. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

Sous cet abri puissant, les lettres sont libres dans leur sphère : les idées générales, immortel héritage du genre humain, se revêtent de la majesté d’un beau et simple langage : toute vérité peut se faire jour, si elle demeure en dehors d’une application immédiate. […] Pas un événement qui ne lui donne sa secousse : il semble qu’un fil électrique, vaste ceinture du globe, joint non seulement les lieux, mais les âmes ; et que, comme un corps organisé, le genre humain se sent tout entier dans chacune de ses parties.

2285. (1913) La Fontaine « IV. Les contes »

Elle peut être racontée, cette histoire, comme un conte psychologique, comme un conte philosophique qui serait un conte psychologique ; ce serait alors une analyse, non pas didactique, bien entendu, mais une analyse présentée sous forme de récit, de la curiosité humaine qui ne se satisfait jamais de ce qu’elle a, de ce qu’elle possède et qui veut toujours chercher, au-delà des apparences, le dessous, au-delà du masque le visage, au-delà de tout ce qui est mystérieux l’essence du mystère, ne se contentant point de ce monde des apparences que l’esprit supérieur a voulu qui fût le nôtre. […] Et alors vous auriez précisément ce que je viens de vous indiquer, un conte symbolique où Psyché serait présentée comme l’être humain qui cherche sans cesse à anatomiser ses passions et ses sentiments, et qui, à ce jeu terrible, finit par les mortifier, comme on disait si bien au dix-huitième siècle, et par les ruiner.

2286. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

Remarquons aussi qu’emporté par cette préoccupation presque maladive du style, le peintre supprime souvent le modelé ou l’amoindrit jusqu’à l’invisible, espérant ainsi donner plus de valeur au contour, si bien que ses figures ont l’air de patrons d’une forme très-correcte, gonflés d’une matière molle et non vivante, étrangère à l’organisme humain. […] Le caractère principal d’une apothéose doit être le sentiment surnaturel, la puissance d’ascension vers les régions supérieures, un entraînement, un vol irrésistible vers le ciel, but de toutes les aspirations humaines et habitacle classique de tous les grands hommes.

2287. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES » pp. 456-468

Esprits immortels de Rome et surtout de la Grèce, Génies heureux qui avez prélevé comme en une première moisson toute heur humaine, toute grâce simple et toute naturelle grandeur, vous en qui la pensée fatiguée par la civilisation moderne et par notre vie compliquée retrouve jeunesse et force, santé et fraîcheur, et tous les trésors non falsifiés de maturité virile et d’héroïque adolescence, Grands Hommes pareils pour nous à des Dieux et que si peu abordent de près et contemplent, ne dédaignez pas ce cabinet où je vous reçois à mes heures de fête ; d’autres sans doute vous possèdent mieux et vous interprètent plus dignement ; vous êtes ailleurs mieux connus, mais vous ne serez nulle part plus aimés.

2288. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — I »

La vie, le sentiment de la réalité, y respirent ; de frais paysages, l’intelligence poétique symbolique de la nature, une conversation animée et sur tous les tons, l’existence sociale du xviiie  siècle dans toute sa délicatesse et sa liberté, des figures déjà connues et d’autres qui le sont du moment qu’il les peint, d’Holbach et le père Hoop, Grimm et Leroy, Galiani le cynique ; puis ces femmes qui entendent le mot pour rire et qui toutefois savent aimer plus et mieux qu’on ne prétend ; la tendre et voluptueuse madame d’Épinay, la poitrine à demi nue, des boucles éparses sur la gorge et sur ses épaules, les autres retenues avec un cordon bleu qui lui serre le front, la bouche entr’ouverte aux paroles de Grimm, et les yeux chargés de langueurs ; madame d’Houdetot, si charmante après boire, et qui s’enivrait si spirituellement à table avec le vin blanc que buvait son voisin ; madame d’Aine, gaie, grasse et rieuse, toujours aux prises avec le père Hoop, et madame d’Holbach, si fine et si belle, au teint vermeil, coiffée en cheveux, avec une espèce d’habit de marmotte, d’un taffetas rouge couvert partout d’une gaze à travers la blancheur de laquelle on voyait percer çà et là la couleur de rose ; et au milieu de tout ce monde une causerie si mélangée, parfois frivole, souvent souillée d’agréables ordures, et tout d’un coup redevenant si sublime ; des entretiens d’art, de poésie, de philosophie et d’amour ; la grandeur et la vanité de la gloire, le cœur humain et ses abîmes, les nations diverses et leurs mœurs, la nature et ce que peut être Dieu, l’espace et le temps, la mort et la vie ; puis, plus au fond encore et plus avant dans l’âme de notre philosophe, l’amitié de Grimm et l’amour de Sophie ; cet amour chez Diderot, aussi vrai, aussi pur, aussi idéal par moments que l’amour dans le sens éthéré de Dante, de Pétrarque ou de notre Lamartine ; cet amour dominant et effaçant tout le reste, se complaisant en lui-même et en ses fraîches images ; laissant là plus d’une fois la philosophie, les salons et tous ces raffinements de la pensée et du bien-être, pour des souvenirs bourgeois de la maison paternelle, de la famille, du coin du feu de province ou du toit champêtre d’un bon curé, à peu près comme fera plus tard Werther amoureux de Charlotte : voilà, et avec mille autres accidents encore, ce qu’on rencontre à chaque ligne dans ces lettres délicieuses, véritable trésor retrouvé ; voilà ce qui émeut, pénètre et attendrit ; ce qui nous initie à l’intérieur le plus secret de Diderot, et nous le fait comprendre, aimer, à la façon qu’il aurait voulu, comme s’il était vivant, comme si nous l’avions pratiqué.

2289. (1875) Premiers lundis. Tome III « Profession de foi »

La question sociale et humaine était posée désormais dans une latitude majestueuse et avec une invincible clarté.

2290. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VI. Du raisonnement. — Nécessité de remonter aux questions générales. — Raisonnement par analogie. — Exemple. — Argument personnel »

Tantôt on dégagera l’idée générale du fait particulier : quand Bossuet, écoutant les vaines et banales condoléances des hommes dans les funérailles, les résume en ces mots : « On s’étonne de ce que ce mortel est mort », cette seule formule de la question le dispense de toute argumentation : et nous voyons tous que véritablement « c’est une étrange faiblesse de l’esprit humain, que jamais la mort ne lui soit présente ».

2291. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verhaeren, Émile (1855-1916) »

Que n’est-il né ailleurs que dans le genre humain !

2292. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XI. Trois bons médanistes : Henry Céard, Joris-Karl Huysmans, Lucien Descaves » pp. 145-156

C’était la méthode des classiques, que Céard lit et aime : il adore Pascal et Bossuet pour ce qu’ils ont piétiné la superbe de l’animal humain ; aussi Nicole et Vauvenargues, esprits plus modérés, mais dont la douceur narquoise le ravit ; et avant tous, Choderlos de Laclos, l’auteur des Liaisons dangereuses, que Céard déclare le plus parfait des psychologues, et dont il dira la vie et l’œuvre dans le livre d’histoire littéraire qu’il lui consacrera.

2293. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre II. Enfance et jeunesse de Jésus. Ses premières impressions. »

Là aussi, sur cette terre où dorment le charpentier Joseph et des milliers de Nazaréens oubliés, qui n’ont pas franchi l’horizon de leur vallée, le philosophe serait mieux placé qu’en aucun lieu du monde pour contempler le cours des choses humaines, se consoler de leur contingence, se rassurer sur le but divin que le monde poursuit à travers d’innombrables défaillances et nonobstant l’universelle vanité.

2294. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIV. Rapports de Jésus avec les païens et les samaritains. »

La fraternité humaine dans le sens le plus large sortait à pleins bords de tous ses enseignements.

2295. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre IV. Moyens de déterminer les limites d’une période littéraire » pp. 19-25

On pourrait dire encore que ces périodes, considérables pour la courte durée d’une vie humaine, se divisent en deux moitiés et que, tous les quinze ou vingt ans, comme le prouvent les révolutions du xixe  siècle, il est possible de constater une orientation nouvelle des esprits.

2296. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre III. Soubrettes et bonnes à tout faire »

Lui ou elle, masculin ou féminin, Mendès s’en fiche, qui écrivit dans le Journal du 6 mars 1897 : « L’accomplissement de cette chimère, les États-Unis de l’intelligence humaine, est-elle souhaitable ? 

2297. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Madame Therbouche » pp. 250-254

Cependant un séjour dispendieux et long, la honte d’appeler de chez soi de nouveaux secours vous jettent dans la plus fâcheuse détresse, et l’on s’en tire comme on peut, avec le secours d’un pauvre philosophe, d’un ambassadeur humain et bienfaisant, et d’une souveraine généreuse.

2298. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 5, des études et des progrès des peintres et des poëtes » pp. 44-57

Raphaël a représenté le pere éternel dans le dernier tableau de la premiere loge, avec une majesté au-dessus de l’humain.

2299. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Notre critique et la leur »

Les journaux qui règnent à Paris, et qui prétendent donner le mot d’ordre à tous les autres journaux de France sur ce qu’ils appellent les progrès de l’esprit humain, ne sont pas très nombreux.

2300. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « V. Saint-René Taillandier »

Je demande bien pardon de mettre de pareils mots l’un en face de l’autre, même par horreur des idées qu’ils expriment, mais j’en renvoie le sacrilège à la Philanthropie contemporaine qui, à force d’amour pour l’auguste liberté des hommes, est parvenue à faire de son Dieu la prostituée du genre humain !

2301. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIII. P. Enfantin »

Enfantin qui, s’il n’a pas été Dieu, en a été bien près, condamne la guerre, par amour et respect de la chair, avec ces lâchetés d’humanitaire, qui auraient fait reculer le droit humain de plus d’un siècle, si elles avaient eu dernièrement de l’action à Sébastopol.

2302. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Roger de Beauvoir »

Le masque en main, les castagnettes Formant l’orage sous tes pieds, et je le conjurai d’aborder la poésie des sentiments les plus profonds de l’âme humaine.

2303. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Th. Gautier. Émaux et Camées »

Théophile Gautier est le plus puissant limeur de cette littérature volontaire qui croit trop, mais enfin qui croit que l’effort humain l’emporte, en fait de poésie, sur la divine spontanéité.

2304. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Le Conte de l’Isle. Poëmes antiques. »

Le sentiment qui a inspiré tant de poésies à tant de poètes et qu’on retrouve à travers tout dans le cœur des hommes, l’amour, l’âme du lyrisme humain, il ne le connaît pas, il ne l’a jamais éprouvé.

2305. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Paul Bourget »

., à ces chefs-d’œuvre d’impression pathétique et mystérieuse et de figures héroïques et fatales creusées dans l’imagination du lecteur comme aucun poète n’en creusa jamais à pareille profondeur dans l’imagination humaine… Non !

2306. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Deltuf » pp. 203-214

Deltuf, que je ne connais pas, mais que je crois un jeune homme à la jeunesse de certaines touches, appartient à cette génération d’écrivains de tempérament spiritualiste, pour qui les choses n’ont d’autre valeur et d’autre intérêt que ceux que leur donne l’âme humaine, et je lui en fais mon compliment, car ces écrivains-là sont dans la vérité.

2307. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

Il faut en général, lorsqu’on raisonne, ne point perdre de vue la nature humaine. […] Un être humain ne doit jamais manquer à sa propre dignité ; convenez-en ! […] Je suis organisé de telle sorte que… rien ne m’indigne plus, j’ose le dire, que l’ingratitude… Je n’ai pas besoin de vous le répéter, vous connaissez ma femme ; c’est un ange sous forme humaine ; elle est d’une bonté inexprimable. […] Je chassai Arina, et je supposais qu’avec le temps elle reviendrait à de meilleurs sentiments ; il me répugne, vous savez, de croire au mal et à la noire ingratitude du cœur humain.

2308. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers, Tome xix. (L’île d’Elbe, — L’acte additionnel. — Le champ de mai.) » pp. 275-284

L’âme tumultueuse de Ney y est démêlée et montrée avec une vérité saisissante, avec une connaissance supérieure de la nature humaine, au degré juste qui fait dire au spectateur charmé de l’évidence : C’est bien cela !

2309. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Hommes et dieux, études d’histoire et de littérature, par M. Paul De Saint-Victor. »

Le critique s’est montré tout à fait absolutiste dans son jugement sur lui : envers cet homme d’une forte et amère ironie, la plus amère peut-être dont un esprit humain se soit montré capable, il a tenu à être violent aussi et sans rien qui adoucisse ou qui tempère.

2310. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Indiana (1832) »

Mais le sir Ralph de la quatrième partie ne ressemble plus à celui-ci, que nous croyons apprécier et comprendre ; le sir Ralph qui démasque, après des années de silence, son amour pour Indiana épuisée, qui prête à cet amour le langage fortuné des amants adolescents et des plus harmonieux poètes, le sir Ralph dont la langue se délie, dont l’enveloppe se subtilise et s’illumine ; le sir Ralph de la traversée, celui de la cataracte, celui de la chaumière de Bernica, peut bien être le sir Ralph de notre connaissance, transporté et comme transfiguré dans une existence supérieure à l’homme, de même que l’Indiana, de plus en plus fraîche et rajeunie, à mesure qu’on avance, peut bien être notre Indiana retournée parmi les anges ; mais à coup sûr ce ne sont pas les mêmes et identiques personnages humains, tels qu’on peut les rencontrer sur cette terre, après ce qu’ils ont souffert et dévoré. 

2311. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Lélia (1833) »

Or, excepté lui, pourtant, il n’y a dans le livre entier qu’une grande complication de plainte et d’amertume ; il y a le sentiment immense d’un mal sans remède ; et ce mal, au lieu de se rapporter à certaines circonstances sociales et d’être relatif au sort des individus en question, envahit tout, se généralise dans la création comme dans la société, accuse la Providence autant que les lois humaines.

2312. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Pensées »

XXIX (Après une séance de la Chambre des Pairs :) Qui n’a pas vu une armée de braves en complète déroute, ou une assemblée politique qui se croyait sage, mise hors de soi par quelque discours passionné, ne sait pas à quel point il reste vrai que l’homme au fond n’est qu’un animal et un enfant : — (Ô éternelle enfance du cœur humain !)

2313. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Réponse à M. Dubout. » pp. 305-316

Vous pouviez conclure, de cette plaisante confusion et contrariété d’avis sur un si petit objet, à l’incurable vanité des jugements humains et, par suite, dédaigner mon opinion pêle-mêle avec les autres.

2314. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Régnier, Henri de (1864-1936) »

Il revoit le passé, et, dans cette vision rétrospective des joies d’alors, pendant que s’efface le présent, apparaît la Gardienne de son adolescence, la chimère qui jadis emplissait son âme tout entière, celle qui jamais ne se désouvint de lui-même quand il errait au plus fort de la mêlée humaine, oublieux d’espérances plus hautes : Je suis la même encor, si ton âme est la même Que celle que l’Espoir aventurait au pli De sa bannière haute, et je reste l’emblème Du passé qui résiste à travers ton oubli.

2315. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rostand, Edmond (1868-1918) »

Augustin-Thierry C’est avec une sorte de respect religieux, avec un peu de ce frisson auguste dont l’âme frémit à l’étude des grandes manifestations de la pensée humaine : Œdipe roi, Hamlet, le Cid, Andromaque, Faust, Hernani, que j’abordai celle de ce nouveau chef-d’œuvre : Cyrano de Bergerac.

2316. (1894) Propos de littérature « Chapitre Ier » pp. 11-22

Vielé-Griffin s’éclaire à la haute flamme de la Joie, mais M. de Régnier s’appuie à la stature de la Douleur que la résignation rend encore plus humaine et si la Fatalité n’est plus, dans ses écrits, le geste pétrifiant qui se tendait soudain sur les héros de la tragédie grecque, sa forme lointaine a gagné en mystère ce qu’elle perdait en majesté.

2317. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre II. La commedia dell’arte » pp. 10-30

La distinction de l’auteur et du déclamateur est un procédé imparfait, qui n’a d’autre raison d’exister que l’insuffisance de la nature humaine.

2318. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « F.-A. Cazals » pp. 150-164

Tandis qu’on me faisait ce récit, je commentais en moi-même la stupidité du Destin qui épargne tant d’octogénaires paralytiques, tant de ruines humaines, et qui arrache, tout à coup, un homme vigoureux à sa famille, à ses amis, à ses travaux.

2319. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1824 »

Il doit les ramener à tous les grands principes d’ordre, de morale et d’honneur ; et, pour que sa puissance leur soit douce, il faut que toutes les fibres du cœur humain vibrent sous ses doigts comme les cordes d’une lyre.

2320. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Abailard, et saint Bernard. » pp. 79-94

D’éclairer les humains il se fit un devoir.

2321. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence en général. » pp. 177-192

Mallebranche dans son cinquième livre de la Recherche de la vérité, & de beaucoup d’autres auteurs qui ont fondé les abysmes du cœur humain.

2322. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 12, des siecles illustres et de la part que les causes morales ont au progrès des arts » pp. 128-144

Les annales du genre humain font mention de quatre siecles dont les productions ont été admirées par tous les siecles suivans.

2323. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre III. Mme Sophie Gay »

Elle ignore s’il a sa raison d’être, s’il existe créé par l’opinion seule ou indépendant de cette opinion que Pascal appelait la reine du monde ; s’il est enfin la transgression d’une loi d’ordre et d’harmonie ou simplement une grimace, un faux pli de l’organisation humaine, une faute ou une infirmité.

2324. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XII. Mme la Princesse de Belgiojoso »

L’humanité, depuis qu’elle existe, a toujours roulé entre trois systèmes et l’esprit humain n’en conçoit pas un quatrième : la polyandrie, le plus mauvais de tous, car il crée l’amazonat sous toutes les formes, le massacre des enfants et la pulvérisation sociale ; la polygamie, qui ruinerait l’État, si le sabre de Mahomet n’y mettait ordre, et enfin la monogamie, ce diamant divin d’une eau si pure, qui est l’exclusion de tous les inconvénients, qui agrandit la tête, épure le cœur et équilibre toutes les facultés.

2325. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jacques Demogeot » pp. 273-285

C’est bien l’idée commune et moderne « des institutions », cette Poétique politique inventée pour se passer de grands hommes et à laquelle l’Histoire répond par tous les siens, car il n’y a pas d’autres créateurs de prospérités publiques que quelques grandes âmes isolées, et jamais ce que l’orgueil humain appelle si plaisamment « des institutions » n’a été autre chose que la petite monnaie de ces grands hommes nécessaires, disparus !

2326. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le cardinal Ximénès »

Ils ont des mœurs plus sévères, plus détachées de ce globe, qu’ils foulent aux pieds les yeux au ciel, lorsqu’ils sont de vrais prêtres Même à part la vertu des sacrements, qui sont des efficacités et des puissances d’un ordre surnaturel, et dont nous n’avons pas à nous occuper ici, les prêtres ont plus d’obligations que nous et plus de tenue ; car la valeur humaine se mesure à l’étendue des devoirs.

2327. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Marie-Antoinette » pp. 171-184

… Pour qui sait un peu son cœur humain, il n’est pas permis d’en douter : quand l’impératrice disait avec tant d’élan à madame Geoffrin, passant à Vienne et caressant la petite archiduchesse : Emportez-la !

2328. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XII. Marie-Antoinette, par MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 283-295

… Pour qui sait un peu son cœur humain, il n’est pas permis d’en douter : quand l’impératrice disait avec tant d’élan à Mme Geoffrin, passant à Vienne et caressant la petite archiduchesse, Emportez-la !

2329. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIV. Vaublanc. Mémoires et Souvenirs » pp. 311-322

Mais il n’a ni la colère, ni les dépits, ni les ressentiments des esprits absolus trompés, ni aucune des passions plus ou moins impuissantes, mais aussi plus ou moins éloquentes, des hommes de parti, vaincus par la sottise humaine ou la force des événements.

2330. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Crétineau-Joly » pp. 367-380

L’Histoire, qui répercute en détail la nature humaine et ses mystères, a montré souvent de ces races, fatalement prédestinées, chez lesquelles la transmission du mal s’accomplit, de génération en génération, avec une épouvantable exactitude.

2331. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le docteur Revelière » pp. 381-394

… Les badauds de philosophie et de civilisation, qui expliquent tout avec le mouvement général de la pensée et les évolutions progressives de l’esprit humain, affectaient de ne pas croire à l’importance des sociétés secrètes.

2332. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Camille Desmoulins » pp. 31-44

pour un homme, que cette seule virilité des lettres, quand elle n’est pas doublée de la virilité humaine !

2333. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Silvio Pellico »

Ainsi, la grandeur de Silvio Pellico n’est pas une grandeur de ce monde ; elle n’est ni littéraire, ni politique, ni même humaine.

2334. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sismondi, Bonstetten, Mme de Staël et Mme de Souza »

… L’esprit humain est un si drôle de mystère, que la tête d’un imbécile peut être encore quelque chose de très complexe et que toute l’habileté du philosophe le plus malin serait impuissante à expliquer.

2335. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVII. Silvio Pellico »

Ainsi, la grandeur de Silvio Pellico n’est pas une grandeur de ce monde ; elle n’est ni littéraire, ni politique, ni même humaine.

2336. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Barthélemy Saint-Hilaire »

Si Romulus tète la maigre louve dont le lait sauvage devint le sang de la plus féroce nation qui ait jamais planté des millions d’épées dans la poitrine, trop petite, du genre humain, Mahomet, qui avait goûté au lait savoureux et sacré de la Bible et de l’Évangile, n’en perdit jamais la douceur première, même lorsque l’heure de la guerre vint, de la guerre fanatique, prosélyte et terrible !

2337. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Vte Maurice De Bonald »

Elle était la fille légitime de l’Église, qui, pour le chrétien, est Dieu sur la terre, et elle fut la plus grande et la plus puissante de toutes les monarchies du monde tout le temps qu’elle eut le profond respect de sa mère… Pour Maurice de Bonald, le mal qui prit la monarchie et dont elle est absolument morte, si Dieu ne la ressuscite pas par des moyens présentement inconnus à toute prévoyance humaine, n’est pas d’hier.

2338. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Banville. Les Odes funambulesques. »

La Chimère porte un sein de femme, et la poésie la moins humaine peut racheter le vide de son amphore par la pureté de son contour et les beautés de sa surface.

2339. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Henri Murger. Œuvres complètes. »

Par respect pour la souffrance humaine, au contraire, voyons aujourd’hui si la pauvreté, l’indigence de l’éducation qui fait la virginité du génie, toutes les Cruautés de la destinée, ces nourrices aux mamelles de bronze qui donnent du sang à téter à leur nourrisson et bien souvent ne leur donnent rien à téter du tout, sont parvenues à élever M. 

2340. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Henri Heine »

Qu’importent ces laideurs morales passagères chez les poètes, où tout est de passage ; chez les poètes, ces innocents coupables lorsqu’ils sont coupables, pour qui, en raison même des facultés qui font leur génie, la liberté humaine est moins grande que pour les autres hommes dans ce malheureux monde tombé !

2341. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Charles Didier » pp. 215-226

Seulement l’originalité et le sens de ce petit roman, digne d’être publié à part, ne sont pas dans la passion criminelle du pasteur protestant et dans les détails de sa chute ; ils sont dans la situation de cet homme supérieur, dont le cœur est dévoré, les sens enivrés, mais dont, malgré ces tumultes, la haute raison touche au génie, et qui succombe, entraîné par la nature humaine, parce que son Église, à lui, ne l’a pas gardé, en faisant descendre dans sa vie la force de l’irrévocable !

2342. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Feuillet de Gonches »

Il ne s’agit ici ni des traditions qui peuvent plus ou moins éclairer le berceau des peuples, ni des ressemblances de récit qui attestent les analogies intellectuelles du genre humain.

2343. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre V. »

Les poésies homériques, incontestables d’antiquité et de génie, quel qu’en soit l’auteur, supposent, avant elles, un monde déjà poétique, des fêtes religieuses, des chants, des oracles, tout ce mouvement lyrique naturel à l’âme humaine quand elle s’élève ou se passionne.

2344. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

Ainsi la division des noms appellatifs en génériques & spécifiques, peut être regardée comme grammaticale, en ce que les noms génériques conviennent aux individus de plusieurs especes, & que les noms spécifiques qui leur sont subordonnés, ne conviennent, comme on l’a déjà dit, qu’aux individus d’une seule espece ; ce qui constitue deux manieres d’exprimer bien différentes : animal convient à tous les individus, hommes & brutes ; homme ne convient qu’aux individus de l’espece humaine. […] Il y a lieu de croire que ce dictionnaire philosophique, en apprenant des mots, apprendroit en même tems des choses, & d’une maniere d’autant plus utile, qu’elle seroit plus analogue aux procédés de l’esprit humain. […] C’est ainsi que l’esprit humain a su trouver des richesses dans le sein même de l’indigence, & assujettir les termes les plus vagues aux expressions les plus précises. […] Dans toutes les langues on trouvera des propositions qui auront leurs sujets & leurs attributs ; des termes dont le sens incomplet exigera un complément, un régime : en un mot, toutes les langues assujettiront indispensablement leur marche aux lois de l’analyse logique de la pensée ; & ces lois sont invariablement les mêmes partout & dans tous les tems, parce que la nature & la maniere de proceder de l’esprit humain sont essentiellement immuables. […] Il doit donc y avoir des principes fondamentaux communs à toutes les langues, dont la verite indestructible est antérieure à toutes les conventions arbitraires ou fortuites qui ont donné naissance aux différens idiomes qui divisent le genre humain.

2345. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Théocrite »

» Il s’exhale de tout ce passage un sentiment de tendre respect et comme d’adoration enthousiaste pour les choses enchanteresses et désintéressées de la vie humaine ; chaque accent s’élance d’un cœur que pénètre le culte du talent, de la poésie et des grâces. […] On ne peut disconvenir en effet que les différences de religion, de climat, d’habitudes sociales, si elles n’ont pas changé le fond de la nature humaine, ont du moins donné à l’amour chez les modernes une tout autre forme que chez les anciens ; et lorsque les peintures que ceux-ci en ont laissées nous apparaissent dans leur nudité énergique et naïve, il y a un certain travail à faire sur soi-même avant de s’y plaire et d’oser admirer. […] La nature humaine est plutôt masquée que changée.

2346. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

quelle riche connaissance comparée des langues, quelle analyse ingénieuse et fine des procédés inhérents à l’esprit humain ! […] Les différences ne sont pas des solécismes ; l’analogie a été non faussée, mais étendue, et entre le latin et le roman, il ne faut admettre qu’un néologisme qui devint de jour en jour plus indispensable32. » Il y a au fond, et derrière ce système, tout un système philosophique de la perfectibilité de l’esprit humain, qui le domine et qui l’enhardit. — Mais même de ces systèmes excessifs, quand ils sont maniés et appliqués par des hommes de talent et de forte étude, il reste toujours de certains points acquis et de profitables dépouilles, comme de ces conquêtes poussées trop loin et dont on est forcé de rendre une partie, mais dont on garde quelque chose. […] Il fait la part irrécusable de la période de corruption, de dégradation, d’écrasement ; mais aussi il admet un autre agent latent, progressif, analytique, conforme à la marche et à l’exigence croissante de l’esprit humain : « Ainsi, dit-il, dans ces langues novo-latines33 qu’au premier abord on prend pour des types dégradés, on voit apparaître l’un des éléments les plus précieux pour la précision et la clarté, à savoir l’article.

2347. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre II. La vie de salon. »

Elle dirait presque d’un ton demi-sérieux, demi-badin, avec Voltaire, « que les dieux n’ont établi les rois que pour donner tous les jours des fêtes, pourvu qu’elles soient diversifiées ; que la vie est trop courte pour en user autrement ; que les procès, les intrigues, la guerre, les disputes des prêtres, qui consument la vie humaine, sont des choses absurdes et horribles, que l’homme n’est né que pour la joie », et que, parmi les choses nécessaires, il faut mettre au premier rang « le superflu ». […] L’amour-propre humain étant infini, des gens d’esprit peuvent toujours inventer quelque raffinement d’égards qui le satisfasse. […] Tous les soirs, dans chaque salon, on servait des bonbons de cette espèce, deux ou trois avec la goutte d’acide, tous les autres non moins exquis, mais n’ayant que de la douceur et du parfum. — Tel est l’art du monde, art ingénieux et charmant qui pénètre dans tous les détails de la parole et de l’action pour les transformer en grâces, qui impose à l’homme, non la servilité et le mensonge, mais le respect et le souci des autres, et qui en échange extrait pour lui de la société humaine tout le plaisir qu’elle peut donner.

2348. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre premier. Nature et réducteurs de l’image » pp. 75-128

. — Au bout de deux mois environ, pour suppléer à la saignée omise, on appliqua des sangsues au malade, et il vit les sensations normales reparaître, non pas subitement, mais par portions et par degrés. « Durant l’opération, dit Nicolaï, ma chambre se remplit de figures humaines de toute espèce. […] On voit ici très nettement la liaison de la sensation et de l’image ; c’est un antagonisme, comme il s’en rencontre entre deux groupes de muscles dans le corps humain. […] Stewart, Philosophie de l’esprit humain, I, 107.

2349. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

J’ai beaucoup connu d’hommes publics, je n’en place aucun pour la pureté et la grandeur d’âme au-dessus de M. de La Ferronnays ; quand l’aristocratie adopte la raison publique, elle réconcilie en elle les deux parties du genre humain qui tendent toujours à se combattre, faute de se comprendre. […] Mathieu de Montmorency et le duc de Laval dorment dans une terre jonchée des débris du trône qu’ils ont tant aimé ; le sauvage Sainte-Beuve écrit, dans une retraite de faubourg qu’il a refermée jeune sur lui, des critiques quelquefois amères d’humeur, toujours étincelantes de bile, splendida bilis (Horace) ; il étudie l’envers des événements et des hommes, en se moquant souvent de l’endroit, et il n’a pas toujours tort, car dans la vie humaine l’endroit est le côté des hommes, l’envers est le côté de Dieu. […] XXXIV Mais revenons aux salons littéraires ; ils sont partout le signe d’une civilisation exubérante ; ils sont aussi le signe de l’heureuse influence des femmes sur l’esprit humain.

2350. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. Causes physiologiques et psychologiques du plaisir et de la douleur »

Selon Spencer, on le sait, la vue d’un paysage réveille en nous simultanément des milliers d’émotions profondes, maintenant vagues, qui existaient dans la race humaine aux temps barbares, quand toute son activité se déployait surtout au milieu des eaux et des bois26. […] « Il n’y a qu’une réponse : c’est que, depuis d’innombrables générations, la vue du soleil couchant est associée au sentiment de la fin du travail, du repos, de la satisfaction. » C’est trop dire, sans doute ; les teintes mêmes du soir et sa fraîcheur ont un effet psychologique qui entre comme élément dans notre émotion ; nos souvenirs personnels y sont aussi associés, et non pas seulement les réminiscences ancestrales ; pourtant il est plausible d’admettre que le calme des heures de repos goûtées par le genre humain depuis des siècles descend en nous avec les ombres du soir. […] En tout cas, le plaisir de l’individu est très souvent opposé à l’intérêt de l’espèce humaine.

2351. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

Alors la princesse, comme si on lui arrachait ce à quoi elle tient le plus dans la vie : ses illusions, l’espèce d’idéal qu’elle aime à se faire non tout à fait des gens, mais des choses humaines ; la princesse pousse des cris d’horreur devant cette proclamation de matérialisme, de scepticisme. […] Il y a rarement chez nous cette noblesse de déclin, cette race de la vieillesse, cette beauté de Franklin et de grand seigneur, sous la couronne d’un reste de cheveux blancs, et ces yeux heureux, et cette belle bouche, et ces beaux regards humains ; enfin ce type d’une vie toute droite et bien remplie, d’une conscience satisfaite, d’une âme limpide. […] * * * — L’idéal du roman : c’est de donner avec l’art, la plus vive impression du vrai humain, quel qu’il soit.

2352. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

Je me demande, comment toutes les plumes, tous les talents, toutes les indignations ne sont pas soulevées contre cet axiome blasphématoire, comment toutes les idées de justice, semées dans le monde par les philosophies anciennes, le christianisme, la vieillesse du monde, n’ont pas protesté contre cette souveraine proclamation de l’injustice, comment il n’y a pas eu insurrection contre cette intrusion du darwinisme en la réglementation contemporaine, et peut-être future de l’humanité, comment enfin, toutes les langues de l’Europe ne se sont pas associées, dans un manifeste de la conscience humaine, contre ce nouveau code barbare des nations. […] Mais pour faire ces romans tout unis, ces romans de science humaine, sans plus de gros drame, qu’il n’y en a dans la vie, il ne faut pas en pondre un, tous les ans… Savez-vous qu’il faut des années, des années de vie commune avec les gens qu’on veut peindre, pour que rien ne soit imaginé, qui ne corresponde à leur originalité propre… Oui, des romans comme cela, un romancier ne peut en fabriquer qu’une douzaine, dans sa longue vie, tandis qu’un de ces romans, qu’on fait avec le récit d’une aventure, amplifiée augmentée, chargée, dramatisée, on peut l’écrire en trois mois, ainsi que le fait Feuillet et beaucoup d’autres. […] Cette salle, cette chambre, est le musée le plus complet de glaives, de chevalets, de fauteuils capitonnés de pointes, de brodequins à vis, de poires d’angoisse, de toutes les imaginations d’une mécanique meurtrière, pour faire, savamment et diversement, souffrir la chair humaine.

2353. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

Il leur défend de mettre dans la bouche de leurs héros des leçons de sagesse & de vertu ; de rendre ces illustres personnages les précepteurs du genre humain. […] Les objets d’étrange mesure Sont rares parmi les humains. […] Le puriste & l’élégant Muret lui envoya ces vers* qui renferment une grande moralité : Si les gémissemens, les pleurs & les hauts cris Pouvoient être un remède aux misères humaines, Est-il douteux qu’alors ils ne fussent sans prix.

2354. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

Mais il faut lui savoir gré, connaissant la sagesse humaine, d’avoir compris que l’ironie est maîtresse du monde. […] Elle fait prévoir ce second livre, où l’on voit la femme sous un autre aspect, ce livre plus profond et plus humain, plus douloureux aussi, Esclave. […] Il aurait fait école…   Pierre de Querlon : « mort si prématurément le 7 juin 1904 à l’âge de vingt-quatre ans, laissa la matière de trois volumes… Vivre peu, vivre bien, intensément, se condenser en un art très pur de fond et de forme, très humain, mais aussi élégant que possible (car il n’avait pas le temps de commettre des fautes de goût), telle était la religion de cet écrivain charmant.

2355. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre III. De la survivance des images. La mémoire et l’esprit »

Un être humain qui rêverait son existence au lieu de la vivre tiendrait sans doute ainsi sous son regard, à tout moment, la multitude infinie des détails de son histoire passée. […] La conception parfaite des genres est sans doute le propre de la pensée humaine ; elle exige un effort de réflexion, par lequel nous effaçons d’une représentation les particularités de temps et de lieu. […] Bref, on suit du minéral à la plante, de la plante aux plus simples êtres conscients, de l’animal à l’homme, le progrès de l’opération par laquelle les choses et les êtres saisissent dans leur entourage ce qui les attire, ce qui les intéresse pratiquement, sans qu’ils aient besoin d’abstraire, simplement parce que le reste de l’entourage reste sans prise sur eux : cette identité de réaction à des actions superficiellement différentes est le germe que la conscience humaine développe en idées générales.

2356. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre IV. De la délimitation, et de la fixation des images. Perception et matière. Âme et corps. »

Une certaine marge est donc nécessairement laissée cette fois à la fantaisie ; et si les animaux n’en profitent guère, captifs qu’ils sont du besoin matériel, il semble qu’au contraire l’esprit humain presse sans cesse avec la totalité de sa mémoire contre la porte que le corps va lui entr’ouvrir : de là les jeux de la fantaisie et le travail de l’imagination, — autant de libertés que l’esprit prend avec la nature. […] Ce serait d’aller chercher l’expérience à sa source, ou plutôt au-dessus de ce tournant décisif où, s’infléchissant dans le sens de notre utilité, elle devient proprement l’expérience humaine. […] Renoncer à certaines habitudes de penser et même de percevoir est déjà malaisé : encore n’est-ce là que la partie négative du travail à faire ; et quand on l’a faite, quand on s’est placé à ce que nous appelions le tournant de l’expérience, quand on a profité de la naissante lueur qui, éclairant le passage de l’immédiat à l’utile, commence l’aube de notre expérience humaine, il reste à reconstituer, avec les éléments infiniment petits que nous apercevons ainsi de la courbe réelle, la forme de la courbe même qui s’étend dans l’obscurité derrière eux.

2357. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Mirbeau est plus humain ; je devrais dire qu’il s’est humanisé en se développant. […] Le roman rêvé devait être « humain », c’est-à-dire qu’il proscrirait « les créations monstrueuses dont nous obsèdent les réalistes ». […] Il chercherait à dégager « la loi qui gouverne les passions humaines ». […] En toute chose, le simple et l’humain sont ce qui frappe et ce qu’on voit le moins. […] Après avoir étudié les grands mouvements de l’âme humaine, il passe aux secondaires, puis aux plus petits.

2358. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

A mesure donc que le tumulte des souvenirs, qui redouble pour d’autres, s’éclaircit pour moi et s’apaise, je me replie de plus en plus vers ces figures nobles, humaines, d’une belle proportion morale, qui s’arrêtèrent toutes ensemble, dans un instinct sublime et avec un cri miséricordieux, au bord du fleuve de sang, et qui, par leurs erreurs, par leurs illusions sincères, par ces tendresses mêmes de la jeunesse que leurs farouches ennemis leur imputaient à corruption et qui ne sont que des faiblesses d’honnêtes gens, enfin aussi par le petit nombre de vérités immortelles qu’ils confessèrent, intéressent tout ce qui porte un cœur et attachent naturellement la pensée qui s’élève sans sophisme à la recherche du bonheur des hommes. […] Du moment que tuer est devenu l’un des moyens devant lesquels le fanatisme ne recule pas, toute sociabilité périt ; ce qui faisait la limite de la morale humaine, de la nature en civilisation, est violé, et la première garantie qu’on est, qu’on cause et qu’on discute avec quelqu’un de ses semblables, n’existe plus.

2359. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

La tête haute et un peu chauve, le front vaste, les tempes découvertes, l’œil en feu ou humide d’une grosse larme, le cou nu et, comme il l’a dit, débraillé, le dos bon et rond, les bras tendus vers l’avenir ; mélange de grandeur et de trivialité, d’emphase et de naturel, d’emportement fougueux et d’humaine sympathie ; tel qu’il était, et non tel que l’avaient gâté Falconet et Vanloo, je me le figure dans le mouvement théorique du siècle, précédant dignement ces hommes d’action qui ont avec lui un air de famille, ces chefs d’un ascendant sans morgue, d’un héroïsme souillé d’impur, glorieux malgré leurs vices, gigantesques dans la mêlée, au fond meilleurs que leur vie : Mirabeau, Danton, Kléber. […] Diderot féconda l’idée première et conçut hardiment un répertoire universel de la connaissance humaine à son époque.

2360. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

On a remarqué souvent combien la beauté humaine de son cœur se déclare énergiquement à travers la science inexorable de son esprit : « Il faut des saisies de terre, des enlèvements de meubles, des prisons et des supplices, je l’avoue ; mais, justice, lois et besoins à part, ce m’est une chose toujours nouvelle de contempler avec quelle férocité les hommes traitent les autres hommes. » Que de réformes, poursuivies depuis lors et non encore menées à fin, contient cette parole ! […] J’avais noté aussi sa plainte sur l’infirmité du cœur humain trop tôt consolé, qui manque de sources inépuisables de douleur pour certaines pertes, et je la rapprochais d’une plainte pareille dans Atala.

2361. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre II. Lois de la renaissance et de l’effacement des images » pp. 129-161

V On arrive ainsi à concevoir par une vue d’ensemble l’histoire des images et partant celle des idées dans un esprit humain. […] Ainsi, la mémoire humaine est un vaste bassin où l’expérience journalière déverse incessamment divers ruisseaux d’eaux tièdes ; ces eaux plus légères restent à la surface, recouvrant les autres ; puis, refroidies à leur tour, elles descendent au fond par portions et par degrés, et c’est l’afflux ultérieur qui fait la nouvelle superficie.

2362. (1911) Enquête sur la question du latin (Les Marges)

À l’heure actuelle, dans toutes les branches des connaissances humaines, étant donné les progrès de l’activité scientifique dans tous les pays, l’impossibilité pour les travailleurs de se documenter entièrement, faute de connaître toutes les langues étrangères, rend éminemment désirable l’adoption d’une langue scientifique universelle. […] Il est d’ordre humain, et porte en lui-même assez de « nécessité » pour que nous soyons tranquilles sur la solution finale.

2363. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mendès, Catulle (1841-1909) »

Cette idée, voici comment, pour être clair, je la formulerais sous la forme d’un axiome : « La Justice absolue est, par sa nature même, essentiellement idéale et divine ; la Justice humaine ne peut et ne doit agir que d’une manière relative, et sans tenir compte de ce qui jetterait le trouble dans ses indispensables règles, car la société doit songer avant tout à sa conservation… » Telle est à peu près la situation de Valentin ; il a de toute façon et sous toutes les formes offensé les hommes et le devoir humain ; c’est Dieu seul qu’il a quelquefois essayé de satisfaire ; aussi est-ce seulement à Dieu qu’il peut demander la pitié, qui, dans l’ordre divin est la même chose que la justice.

2364. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 janvier 1886. »

Et Richard Wagner, le génie mâle, a, dans cette œuvre féminine, exprimé ces sentiments si universels, — et son propre désespoir, et son « doute de lui-même », qui faisaient qu’à ce moment il approchait du niveau commun de l’humanité, — dans une musique si humaine, si mélodieuse ! […] Lohengrin, œuvre d’un moment de faiblesse, de découragement, de doute, — et dans laquelle ces sentiments très réels, très universellement humains, ont trouvé l’expression musicale parfaitement adéquate, — est, par cela même, plus accessible à tous.

2365. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Août 1886. »

Le premier acte, c’est l’instant décisif où, après de longues luttes, de longs mensonges, apparaît enfin la passion victorieuse ; puis c’est comme l’épanouissement du nouvel amour, la scène où Isolde frémissante attend Tristan, la scène où Tristan et Isolde, unis, cherchent vainement l’apaisement de leur insatiable désir, et la scène où, en présence de Marke et de ses gens, les deux amants, oublieux de Marke et des hommes et du monde, se donnent enfin, au dernier instant, le baiser par lequel ils entrevoient la suprême délice de leur libération ; enfin, le troisième acte, dans ce paysage de mer et de plage dont les bruissements s’enroulent autour de leurs âmes, la mort au monde et la transfiguration des amants ; la mort au monde, le déchirement de l’heure dernière, la torture des dernières humaines souffrances, et l’entrée à l’apaisement infini, — à la consolation de ceux qui ont gémi. […] Wagner y oppose l’amour du Christ au matérialisme humain.

2366. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

Quand le petit enfant fixe les yeux pour la première fois sur le visage humain, qui sait s’il n’éprouve pas le vague sentiment d’une chose qui n’est pas absolument nouvelle et qu’il a vue comme dans un songe ? […] C’est là la différence de l’art naturel et de l’art humain.

2367. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre IV. Comparaison des variétés vives et de la forme calme de la parole intérieure. — place de la parole intérieure dans la classification des faits psychiques. »

Si ces expressions peuvent convenir dans un grand nombre de cas à la forme vive, elles ne sauraient, la plupart du temps, s’appliquer à la parole intérieure calme : celle-ci a dans la vie humaine sa raison d’être, son rôle propre, sa fonction ; sans doute elle n’est pas sans rapports de dépendance à l’égard de la parole extérieure, mais elle en dépend de si loin que ces rapports ne paraissent pas ; si l’on s’abstient de rechercher ses origines et si on la considère au moment même où elle se produit, la parole intérieure calme est bien réellement indépendante de la parole, car, dans notre intention, elle ne la prépare pas, elle ne la remplace pas, elle existe seulement pour la pensée. […] La seconde, spéciale à l’homme, a deux stades : elle consiste d’abord à faire du son, état fort, l’instrument de la vie psychique collective, le lien de la société humaine, — ensuite à recueillir et à développer, au moyen de l’attention, l’écho de la parole, et à l’élever au rôle de compagnon, d’associé, d’élément inséparable de la succession psychique ; celle-ci devient alors la succession d’un couple de faits parallèles, la pensée n’allant plus désormais sans son expression constante, la succession des sons intérieurs.

2368. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

que dans les arts, et surtout dans l’art de penser et d’écrire, une manière convenue, une imitation quelconque, plaisent naturellement à l’homme, pris en masse, et ne troublent pas ce singe humain qui n’est un homme que dans de sublimes distractions, nous aurons une explication très satisfaisante du succès actuel de la Mme de Longueville de M.  […] Si donc on veut de cette femme un ensemble, si on la tire du demi-jour des mémoires et du profil fuyant qu’elle y découpe, c’est apparemment dans un intérêt, sinon d’histoire, au moins d’imagination et de nature humaine ; c’est pour lui faire tomber la lumière d’aplomb et de face sur la tête et sur le visage, et il faut alors que le peintre crée, par sa peinture, l’intérêt que son modèle n’a pas !

2369. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Valentine (1832) »

Sa propre histoire contée (si tant est que ce fût sa propre histoire), l’auteur d’Indiana en savait d’autres, il en pouvait recommencer et dire à l’infini ; avec la clef des cœurs humains, il avait la création et le jeu des figures.

2370. (1875) Premiers lundis. Tome III « Instructions sur les recherches littéraires concernant le Moyen Âge »

Monsieur, en vous associant à la recherche et à la publication des monuments inédits relatifs à l’Histoire de France, j’ai appelé d’abord votre attention sur ce qui concerne l’histoire politique et civile ; mais les monuments qui se rapportent aux divers développements de l’intelligence humaine dans notre patrie, sont nombreux aussi et dignes de notre intérêt ; c’est vers les monuments de ce genre, vers les travaux et les manuscrits relatifs aux sciences, à la philosophie, à la littérature et aux arts, que je viens aujourd’hui diriger particulièrement votre zèle.

2371. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre II. La tragédie »

Elève attentif du xviie  siècle, il a des vues justes, moyennes, peu personnelles, sur le mécanisme de l’âme humaine.

2372. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Coppée, François (1842-1908) »

François Coppée une œuvre plus importante que cette Arrière-Saison, qu’il vient de publier, encore qu’il y ait là des pages gracieuses et d’un sentiment bien humain.

2373. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IX. L’antinomie politique » pp. 193-207

« Il y a, dit Benjamin Constant, une partie de la personne humaine qui, de nécessité, reste individuelle et indépendante… Quand elle franchit cette ligne, la société est usurpatrice ; la majorité est factieuse.

2374. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXII. Machinations des ennemis de Jésus. »

Mais ce raisonnement a été celui des partis conservateurs depuis l’origine des sociétés humaines.

2375. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VII » pp. 56-69

… Auguste suivait le conseil de la nature, qui veut que tout ce qui travaille se repose, qui entretient la durée par la modération, et menace la violence de fin… Ce repos, ces distractions sont des besoins de la vie humaine, quelque riche et suffisante à soi-même qu’elle puisse être d’ailleurs… Ce sont, à proprement parler, les voluptés de la raison et les délices de l’intelligence… Un grand philosophe28 n’a pas craint de dire que le repos et le divertissement n’étaient pas moins nécessaires à la vie que les repas et la nourriture… Mais il ne veut pas que les sages passent le temps comme le vulgaire.

2376. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIII » pp. 237-250

Cependant, on voit par une multitude de lettres adressées par le duc de La Rochefoucauld à madame de Sablé, dans le temps qu’il complétait, corrigeait, soumettait à la critique les Maximes qu’il a publiées en 1665, que madame de Sablé les jugeait, et les modifiait très judicieusement ; on voit de plus qu’elle les soumettait au jugement d’autres femmes célèbres, de ses amies, notamment à la maréchale de Schomberg, Marie d’Hautefort, alors âgée d’environ 49 ans, anciennement l’objet de cette passion religieuse de Louis XIII, qui a été tant célébrée, et à son amie la comtesse de Maure ; qu’elle rédigeait elle-même des maximes, ou, pour parler plus exactement, des observations sur la société et sur le cœur humain, observations dont il paraît que le recueil de La Rochefoucauld renferme quelques-unes ; et enfin que cette dame avait de la fortune, une bonne maison, une excellente table, citée alors pour son élégante propreté ; qu’elle donnait des dîners dans la maison qu’elle occupait à Auteuil ; et que le duc de La Rochefoucauld allait souvent l’y voir.

2377. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 326-344

Thomas, on y rencontrera à chaque page des masses, des calculs, des chocs, des résultats, des machines, des points, des centres, des réactions, des secousses, des étendues, des limites, des plans, des ressorts… On y verra éternellement revenir ces expressions merveilleuses, forces de l'ame, forces du génie, forces humaines, forces réunies ; vastes édifices, vastes fondemens, vastes desseins, imagination vaste, génie vaste… Par-tout ce sont des Ouvrages immenses, des étendues immenses, des génies immenses, des ames immenses….

2378. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre neuvième. »

Le simple bon sens qui a dicté cet Apologue, est supérieur à toutes les subtilités philosophiques ou théologiques, qui remplissent des milliers de volumes sur des matières impénétrables à l’esprit humain.

2379. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VII »

L’Iliade est humaine, pondérée, réfléchie : les exploits des héros ne dépassent pas ceux des hommes.

2380. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Joseph de Maistre »

cette épithète de la puissance humaine et qui l’enserre si bien en ses deux syllabes que les Grecs disaient eux-mêmes du souverain des Dieux : le bon Jupiter !

2381. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Vauvenargues » pp. 185-198

En écrivant sur la nature humaine, il s’entretenait cette main inutile qu’il ne put allonger jamais sur les hommes pour les discipliner ou pour les conduire.

2382. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Félix Rocquain » pp. 229-242

Mais j’estime qu’un livre doit donner exactement la nature d’un homme, et je crois aux livres comme Lavater croyait à la figure humaine.

2383. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Du Deffand »

Une des reines du xviiie  siècle, douée de tous les dons aimables par lesquels on était reine alors, une Titus femelle, les délices du genre humain, comme disait d’elle une de ses amies, une des plus éblouissantes soupeuses de cette époque où le souper était « une des quatre fins de l’homme et où l’on oubliait les trois autres », un des esprits les plus teintés de ce rouge audacieux que les femmes mettaient sur leurs joues pour qu’on vint l’essuyer, se plaint, à travers les rires de tout le monde et même des siens, d’un ennui que ne connaît personne, de cet inexorable ennui dont parle quelque part Bossuet, que certainement elle ne lisait pas !

2384. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « X. Doudan »

Ce Fantasio, ce gracioso, ce rêveur qui a des vivacités, ce misanthrope riant, ce Chamfort qui sourit, ce désabusé qui plaisante, n’était pas fait pour les coteries doctrinaires, la morale protestante et les cultes académiques d’un salon où plane beaucoup plus l’ombre épaisse et gourmée de l’aïeul Necker que l’ombre lumineuse de la grand-mère Madame de Staël… Pour ce salon, des Rémusat et des Villemain sont de bien plus grands hommes que de Maistre et de Bonald… L’Académie y est regardée comme le but suprême où doit, en France, viser le grand esprit humain ; et on s’y étonnait que Doudan, aimé de ces doctrinaires encravatés et pédants, mais qui l’aimaient pour ce qui se fait aimer même des ennemis, — la grâce, — ne voulût pas faire quelque petite chose pour y entrer.

2385. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sophie Arnould »

Cet oiseau chantant de la volière de Madame de Pompadour et de la princesse de Conti, dont la Reine disait, comme d’un oiseau, avec le mépris naïf qu’elle avait pour la nature humaine, cette charitable Marie Leczinska : « Vous me la donnerez, n’est-ce pas ?

2386. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XI. Gorini »

Il fallut deux choses et les deux choses les plus puissantes que je connaisse dans une âme humaine : la sensation d’une épouvante et le sentiment d’un devoir.

2387. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XV. Vauvenargues »

En écrivant sur la nature humaine, il s’entretenait cette main inutile, qu’il ne put allonger jamais sur les hommes pour les discipliner ou pour les conduire ; il pelotait, comme on dit, en attendant partie ; mais la partie ne fut pas jouée.

2388. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ch. de Rémusat. Abélard, drame philosophique » pp. 237-250

C’est très bien, très convenable, mais cela ne respire ni l’amour sacrilège, ni les affreux regrets des passions coupables, ni la rapide corruption du péché, ni la nature humaine outragée, rien enfin de ce que Shakespeare, par exemple, y aurait mis, si ce sujet d’Héloïse et d’Abélard était tombé dans ses terribles mains… Je te plains de tomber dans ses mains effroyables, Ma fille !

2389. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Léon Aubineau. La Vie du bienheureux mendiant et pèlerin Benoît-Joseph Labre » pp. 361-375

Il y a dans la pauvreté, qui est redoutée à présent de toutes les âmes amollies par ce qu’on appelle le confort de la vie, il y a cependant dans la pauvreté une poésie profonde et si d’accord avec l’âme du genre humain, que c’est peut-être la plus impressionnante et la plus touchante de ses poésies.

2390. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Charles De Rémusat »

Ce côté-là n’est pas le préféré par Rémusat, qui réserve, dit-il, en toutes choses, comme il convient, les droits de l’esprit humain, qui croit à l’efficacité des traités philosophiques de politique libérale, et qui ne veut pas faire à une nation qui pense l’affront de la croire gouvernée par le hasard ou l’habitude (pages 26 et 27 du premier volume).

2391. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Ferdinand Fabre »

Homme de génie, secoué par la conscience qu’il est fait pour le commandement, et d’une ambition tellement effrénée qu’elle en est épouvantablement maladroite et qu’elle en devient un jour presque sacrilège, il a, ainsi que le dit un des personnages du roman, la folie de la mitre, comme il aurait dû avoir la folie de la croix, et c’est cette folie de la mitre qui en fait, tout le long du roman, le furibond torrent de haine et de colère humaine que le prêtre ne peut endiguer, mais dont l’Église, à la fin et malgré tout, s’empare, parce qu’elle a reconnu, elle, le lynx divin, aux yeux maternels, que cette tempête d’homme assagi par elle peut avoir, un jour, vertu d’archevêque, et peut-être de Pape dans l’avenir… Le livre de Ferdinand Fabre, dont je viens de dire la conclusion, est, au fond, — si vous en ôtez deux ou trois nuances d’opinion que je n’y voudrais pas voir parce qu’elles blessent mon catholicisme, — un livre écrit à la gloire du prêtre et de l’Église, de cette Église à qui ses ennemis voudraient de petites vertus dont ils pussent se moquer, et non de grandes, devant lesquelles ils tremblent !

2392. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Catulle Mendès »

, ce roman est partagé en deux parties, portant des sous-titres différents : la première, La demoiselle en or ; la seconde, La petite impératrice, et il rappelle un peu les romans oubliés d’Eugène Sue, mais avec une expression autrement vibrante et supérieure et un désintéressement de tout ce qui n’est pas l’effet dramatique, auquel la vérité humaine est sacrifiée dans la mesure qu’elle a, pour frapper plus fort.

2393. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Janin » pp. 159-171

Cette différence dans la composition de ce qui n’est qu’un dialogue à ce qui est un livre — de ce qui n’est qu’une joute de morale entre deux interlocuteurs, et un feu roulant d’épigrammes littéraires dont le temps a émoussé la pointe ; d’anecdotes obscures et de commérages, à ce qui est l’histoire d’un siècle, liée autour d’un homme, — à ce qui est une question de société et de nature humaine, — cette différence doit produire mille autres conséquences différentes de celle-là qui est fondamentale, et elle n’a pas manqué de les produire.

2394. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre IX. Suite des éloges chez les Grecs. De Xénophon, de Plutarque et de Lucien. »

C’est celle d’un vieillard plein de sens, accoutumé au spectacle des choses humaines, qui ne s’échauffe pas, ne s’éblouit pas, admire avec tranquillité et blâme sans indignation ; sa marche est mesurée, et il ne la précipite jamais : semblable à une rivière calme, il s’arrête, il revient, il suspend son cours, il embrasse lentement un terrain vaste ; il sème tranquillement, et comme au hasard sur sa route, tout ce que sa mémoire vient lui offrir ; enfin partout il converse avec son lecteur : c’est le Montaigne des Grecs ; mais il n’a point comme lui cette manière pittoresque et hardie de peindre ses idées, et cette imagination de style que peu de poètes même ont eue comme Montaigne.

2395. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. Des oraisons funèbres de Bourdaloue, de La Rue et de Massillon. »

Les noms du duc de Bourgogne et de Fénelon marchent ensemble à l’immortalité, et le genre humain reconnaissant ne sépare plus deux âmes vertueuses et sensibles qui s’étaient unies pour le bonheur des hommes.

2396. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

Est-ce enfin la fausse sensibilité, la prétentieuse élégance, le pathos obligé de cet essaim de jeunes poètes qui exploitent le genre rêveur, les mystères de l’âme, et qui, bien nourris, bien rentés, ne cessent de chanter les misères humaines et les joies de la mort ? […] Comment persuader à un homme de lettres de cinquante ans qui trouve brillant de naturel le rôle de Zamore dans Alzire, que le Macbeth de Shakspeare est un des chefs-d’œuvre de l’esprit humain ? […] Je réponds : telle est la puissance de l’art dramatique sur le cœur humain, que quelle que soit l’absurdité des règles auxquelles les pauvres poètes sont obligés de se soumettre, cet art plaît encore. […] Voici bientôt soixante ans, monsieur, que j’admire Mérope, Zaïre, Iphigénie, Sémiramis, Alzire, et je ne puis pas vous promettre en conscience de siffler jamais ces chefs-d’œuvre de l’esprit humain.

2397. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) «  Poésies inédites de Mme Desbordes-Valmore  » pp. 405-416

Elle ne songeait pas à être une héroïne politique quand elle allait ainsi les chercher à travers les barreaux, pas plus qu’elle n’était une théologienne quand elle épanchait avec confiance ses pleurs et ses parfums devant Dieu ; elle n’avait que des instincts de miséricorde et de fraternité humaine, mais elle les avait pressants, irrésistibles.

2398. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Note »

Lainé plus énergique et moins fébrile, aussi pur, assistant, non sans une ombre de tristesse, à l’orgie parlementaire, à ce marché d’intrigues et de corruptions qui se démena durant tout le règne de Louis-Philippe, et sans y prendre d’autre part que de s’y pencher de temps en temps, et d’y plonger le regard pour le juger avec honnêteté et dégoût et pour le flétrir (comme il fit à un moment pour la coalition sous le ministère Molé), mais, je le répète, sans jamais en revendiquer profit pour lui ni en tirer prétexte à des combinaisons ambitieuses : je l’eusse voulu, en un mot, plus platonique et plus désintéressé, plus parfait qu’il n’est donné sans doute à la nature humaine de l’être.

2399. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la révolution française — I. La Convention après le 9 thermidor. »

Thiers l’a rêvé aussi, ce rôle idéal ; il s’en fait l’interprète pour tous, et de même que dans les chants du chœur antique, dans ces vœux, ces prières, ces conseils jetés au milieu de l’action sans la hâter ni la ralentir, le spectateur aimait à entendre le cri de la nature humaine et à reconnaître ses propres impressions, de même, en lisant l’historien, on éprouve une vive et continuelle jouissance à retrouver partout l’accent simple et vrai d’une émotion qu’on partage et à sentir un cœur d’homme palpiter sous ces attachants récits.

2400. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre IV »

Reste une poussière humaine qui tourbillonne et qui, avec une force irrésistible, roulera tout entière en une seule masse, sous l’effort aveugle du vent.

2401. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Stendhal, son journal, 1801-1814, publié par MM. Casimir Stryienski et François de Nion. »

Ce que nous raconte le journal, c’est peut-être l’aventure d’un grand homme d’action paralysé peu à peu par un incomparable analyste, — lequel a gardé d’ailleurs, dans ses œuvres écrites, le goût le plus décidé pour l’énergie humaine.

2402. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XV. Les jeunes maîtres du roman : Paul Hervieu, Alfred Capus, Jules Renard » pp. 181-195

Ainsi, notre précieux confrère, avec au fond une spirituelle connaissance du cœur humain, à la forme un souci récompensé du parfait, et les plus louables ruses, améliore grandement, par ses petites cultures intensives, le champ des lettres françaises.

2403. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXV. Mort de Jésus. »

À part ce petit groupe de femmes, qui de loin consolaient ses regards, Jésus n’avait devant lui que le spectacle de la bassesse humaine ou de sa stupidité.

2404. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre II. Filles à soldats »

Ils se demandent « comment concilier l’implacable antinomie » du devoir français et du devoir humain.

2405. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — Les traductions. » pp. 125-144

Cette circonstance ne fait aucun tort à l’historien, à ce peintre du cœur humain ; elle ajoute à l’horreur du tableau que forment tant d’innocences victimes & l’ame attroce du tyran qui les voit expirer.

2406. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 32, que malgré les critiques la réputation des poëtes que nous admirons ira toujours en s’augmentant » pp. 432-452

Ainsi nous pouvons promettre sans trop de témerité la destinée de Virgile, d’Horace et de Ciceron aux écrivains françois, qui font honneur au siecle de Louis Le Grand, c’est-à-dire, d’être regardez dans tous les temps et par tous les peuples à venir comme tenans un rang entre les grands hommes, dont les ouvrages sont réputez les productions les plus précieuses de l’esprit humain.

2407. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 10, continuation des preuves qui montrent que les anciens écrivoient en notes la déclamation » pp. 154-173

Cela s’ensuit de l’organisation du corps humain.

2408. (1757) Réflexions sur le goût

Nous répondrons avec regret, que tel est le malheur de la condition humaine : nous n’acquérons guère de connaissances nouvelles que pour nous désabuser de quelque illusion agréable, et nos lumières sont presque toujours aux dépens de nos plaisirs.

2409. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre X. Mme A. Craven »

C’était un succès d’attendrissement humain et d’enthousiasme religieux ; et elle voulait un succès littéraire !

2410. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVII. Le Retour du Christ. Appel aux femmes ! »

Dumas, ce fier et malhonnête contempteur de la matrice humaine, se met à en glorifier une, qui, si elle ne renferme pas l’infini, renferme la toute-puissante triplicité du peintre, du poëte et du prophète ; des choses si grandes que les hommes les ont appelées divines !

2411. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Chamfort »

Il avait un redoutable esprit ; mais, génie noué par la bâtardise, il n’existe déjà plus, quoiqu’on le réimprime, que pour les esprits sans famille, comme l’était le sien, lesquels confondent le moraliste, cet éclaireur du cœur humain, avec l’aveugle d’orgueil et de ressentiment qui tire sur le cœur à balles forcées.

2412. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Ch.-L. Livet »

Il a sucé le lait des tendresses humaines dans la tétrelle de Cousin, et, s’il osait, il serait plus pour les précieuses que contre elles.

2413. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Louis XIV. Quinze ans de règne »

Mais on ne sent pas quand on le lit ce que nous recherchons, même en histoire : le voisinage d’une âme qui chauffe la nôtre, ou bien cette âpre froideur de l’intelligence qui finit, comme la neige, par brûler autant que le feu, et que possèdent seuls les grands historiens, les grands observateurs de la nature humaine dont la pensée est toutes les passions.

2414. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire de la Révolution »

Il n’a pas comme nous, les Jocrisses de providence et de liberté, à démêler l’écheveau toujours si embrouillé du motif humain et de la circonstance.

2415. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Sixte-Quint et Henri IV »

Rien ne montre mieux ce qui mène la barque de saint Pierre sur les flots des tempêtes humaines que le récit fait par Segretain de cette vie inébranlable et inaltérable, la seule qui fut calme quand tout était agité autour d’elle, au temps effroyable où elle fut.

2416. (1880) Goethe et Diderot « Introduction »

Prépotence ancrée jusqu’au fond de la crédulité humaine, mais redoutable.

2417. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Charles d’Héricault » pp. 291-304

Quand on nie la personnalité de Dieu, on doit nier la personne humaine.

2418. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Armand Carrel » pp. 15-29

La première condition de toute durée dans l’inspiration de l’esprit humain, c’est le renouvellement de la vie par le travail, l’étude, la lecture, la méditation, tout cet entretien de la pensée.

2419. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Eugène Pelletan » pp. 203-217

L’âge est venu ; d’autres révolutions aussi et d’autres républiques, après la belle, proclamée en 1848, la république du genre humain et de l’imagination de Lamartine, qui avait rêvé d’être le Président des États-Unis Européens.

2420. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVIII. M. Flourens »

Sur la création, il est pour Moïse, et sur l’unité de la race dans le genre humain ; il croit aux causes finales, mais, comme il le dit, avec un sens délié et profond, il ne conclut pas « le dessein suivi, des causes finales, mais les causes finales du dessein suivi. » Il n’est guère possible de dire plus juste et de penser plus fin.

2421. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « MM. Delondre et Caro. Feuchtersleben et ses critiques. — L’Hygiène de l’âme » pp. 329-343

Un traité d’hygiène morale, la guérison du corps par l’âme humaine, — rien que cela !

2422. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Marquis Eudes de M*** »

Mais pour ceux qui sentent en eux-mêmes cet impérieux besoin de conclusion, qui est, après tout, la passion la plus spontanée et la plus profonde de l’intelligence humaine, le livre des Esprits doit avoir une bien autre portée que celle d’un livre d’histoire.

2423. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice de Guérin »

Les Études de Bernardin avaient été le vase vivant dans lequel il avait commencé de boire le lait des tendresses humaines pour la Nature… Mais, comme l’enfant grandi, qui a essuyé sa ronde bouche rose du lait maternel et qui n’a plus là que son propre souffle à lui, sa virginale haleine, Guérin ne fut plus que Guérin, et il ne resta pas dans les flots de sa chevelure ambroisienne, livrée à tous les vents de ses paysages, une seule des fleurs tombées de ce lilas de Bernardin sous lequel il s’était une minute assis.

2424. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « José-Maria de Heredia »

Je sais bien que José-Maria de Heredia a composé beaucoup de vers que je pourrais citer et dans lesquels il a su mêler au marbre impassible de Gautier une veine de sentiment superbe que Gautier ne connut jamais, — la veine rouge de la fierté humaine, — mais il n’en est pas moins certain que l’ensemble des poésies de ce poète, qui a cette noble veine, porte la trace ou le souvenir d’une admiration que je ne voudrais pas voir dans ses œuvres pour le grand pétrificateur de la poésie passionnée.

2425. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « La Fontaine »

Et plus nous avons grandi, plus il a grandi avec nous ; plus nous avons avancé dans la vie, plus nous avons trouvé de charme et de solidité dans ces Fables qui sont la vérité, dans ces drames dont les bêtes sont les personnages et qui racontent si délicieusement et si puissamment la vie humaine, tout en la métamorphosant.

2426. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Amédée Pommier »

Eh bien, je ne peux m’empêcher d’admirer cette fin de poète, d’un poète qui a perdu sa Muse, — la Muse humaine qui ne doit plus le faire chanter !

2427. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Alfred de Vigny »

Voilà pourquoi je me détourne avec regret de ces poésies qui n’ajoutent rien à ce qu’on sait du poète charmant, transparent et lumineux, qui s’est éteint dans le sombre bronze que voici, dans ce bronze du mépris qu’une créature humaine n’obtient jamais qu’à force de se briser… Pour nous qui croyons que les plus belles poésies ne sont jamais faites pour la volupté intellectuelle de faire des vers, mais pour se soulager d’une oppression sublime, d’un étouffement titanique du cœur sous le poids d’un grand sentiment, pour nous qui avons dit combien l’homme dans Alfred de Vigny était toujours le poète, ces poésies dernières nous font mieux comprendre cet homme que nous avons connu.

2428. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Gogol. » pp. 367-380

Le tendre Mâniloff, à qui « on voudrait voir une passion, une manie, un vice, afin de lui savoir quelque chose », Mme Koroboutchine, Nozdref le hâbleur, Pluchkine l’avare, — ces tics plutôt que ces passions, — ne peuvent pas être mis à côté de la magnifique variété d’individualités qui foisonne dans La Comédie humaine, et qui sont taillées si profond que les gens qui ne voient pas à une certaine profondeur ne les croient plus vrais, les pauvres myopes !

2429. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIV. Siècles de barbarie. Renaissance des lettres. Éloges composés en latin moderne, dans le seizième et le dix-septième siècles. »

Jamais la grande partie du genre humain ne fut plus avilie.

2430. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXX. De Fléchier. »

Mais je me réjouis avec vous de ce que vous êtes libéral, généreux, humain, faisant valoir les services d’autrui, et oubliant les vôtres.

2431. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

on ne saurait être un observateur du cœur humain en chambre. […] Quel analyste des passions humaines que ce Molière !  […] Est-ce que Tartuffe n’est pas châtié par des voies humaines, bien qu’extraordinaires ? […] Le côté général et humain, qui donne à la pièce son inquiétante grandeur, disparaît ainsi presque complètement. […] Les dilettantes sauront bien reconnaître dans ce fond de bouffonnerie l’éternelle vérité humaine.

2432. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

Son cœur est toujours agité d’une incessante compassion pour la souffrance humaine. […] L’importance de cette partie de la personne humaine frappait Alphonse Daudet. […] On regrettait surtout qu’il ne fît jamais rien pour diminuer la distance qu’il semblait avoir établie en principe entre lui et le reste du genre humain. […] Je ne savais pas que le poète est un être comme les autres, et que son génie ne le sauve ni de la douleur, ni du vice, ni de la misère humaine. […] La vie de Baragnon fut le plus insolent démenti que l’organisme humain ait jamais donné aux lois de la santé et de l’hygiène.

2433. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

Je n’avais rien connu par moi-même, rien vu de ce que je peignais, je devais donc posséder par anticipation la connaissance des différentes conditions humaines. […] Mon siècle tout entier différait de moi, car l’esprit humain, de mon temps, s’est surtout occupé de lui-même, tandis que mes travaux, à moi, étaient tournés surtout vers la nature extérieure ; j’avais ainsi le désavantage de me trouver entièrement seul. […] La différence, c’est la vie commune que l’on aperçoit toujours chez eux entre la nature extérieure et les personnages humains.

2434. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 13, qu’il est probable que les causes physiques ont aussi leur part aux progrès surprenans des arts et des lettres » pp. 145-236

Il a paru que de leurs jours, je ne sçai quel esprit de perfection se répandoit sur le genre humain dans leur patrie. […] Les lettres et les arts étoient déja tombez en décadence, ils avoient déja dégeneré, quoiqu’on ne laissât pas de les cultiver avec soin, quand ces nations, le fleau du genre humain, quitterent les neiges de leur patrie. […] Cependant ces premieres guerres n’avoient pas empêché les arts et les sciences d’y faire ces progrez qui font encore tant d’honneur à l’esprit humain.

2435. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

Notre nation, par une infinité de causes, aussi dangereuses à développer que faciles à connaître, est demeurée ensevelie pendant plusieurs siècles dans les ténèbres les plus profondes ; elle n’en était pas même plus à plaindre, si nous en croyons quelques philosophes, qui prétendent que la nature humaine se déprave à force de lumières. […] Aussi rien n’a-t-il égalé leur reconnaissance pour ce monarque ; les gens de lettres comme le peuple, tiennent compte aux princes des moindres bienfaits ; et, ce qui est assez remarquable dans l’histoire de l’esprit et du cœur humain, le titre de père des lettres semble avoir plus contribué à faire oublier les fautes innombrables de François Ier, que le nom bien plus respectable de père du peuple n’a servi à effacer celles de Louis XII. […] Je sais que la plupart des grands se récrieront contre un tel reproche ; mais qu’ils interrogent leur conscience, qu’ils nous laissent même examiner leurs discours, et nous demeurerons convaincus que le nom d’homme de lettres est regardé par eux comme un titre subalterne qui ne peut être le partage que d’un État inférieur ; comme si l’art d’instruire et d’éclairer les hommes n’était pas, après l’art si rare de bien gouverner, le plus noble apanage de la condition humaine.

2436. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Magnin était fort favorable au divorce pour des motifs philosophiques qui étonneront ceux qui ne l’ont vu que dans les dernières années, et encore peut-être pour d’autres motifs plus secrets et plus particuliers, qui n’étonneraient personne parmi ceux qui savent les mobiles habituels du cœur humain. […] A défaut du grand et du beau, on assiste par lui à la naissance, au progrès lent, à la formation successive d’une branche des plus remarquables de la production et de l’imagination humaines.

2437. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Quant aux vrais principes d’une république unanime appelant toutes les classes et tous les citoyens sans exception à apporter, par le suffrage universel, leur part juste de souveraineté naturelle dans une première assemblée, pour que cette première assemblée dictatoriale régularisât à loisir les degrés divers de ce suffrage universel, pour que la souveraineté brutale du nombre, équilibrée par la souveraineté morale de la lumière et de la raison, donnât la majorité au droit général qui fait de l’intelligence une condition de tout droit humain ; je ne les répudie pas davantage. […] Je voulais essayer mon talent, encore douteux pour moi-même, dans une grande œuvre en prose ; l’histoire me paraissait et me paraît encore la première des tragédies, le plus difficile des drames, le chef-d’œuvre de l’intelligence humaine, la poésie du vrai.

2438. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXIXe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (2e partie) » pp. 321-384

Tu peux m’en croire, je n’en ai trouvé encore en rien, en aucune chose humaine, pas même en toi. » Le 15 mars. […] Aurais-je cru cela, et qu’un Lamartine, un de Maistre, n’eussent pas quelque chose de plus qu’humain.

2439. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

L’imitation utile féconde, on ne peut trop louer Du Bellay de l’avoir définie : c’est, dans la peinture de la vie humaine et dans l’expression des vérités générales, de se rencontrer avec les anciens qui y ont excellé. […] Je ne soufflai jamais, au vent de mon haleine, Tant de divinité dedans une ame humaine.

2440. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre premier. La sélection et la conservation des idées dans leur relation à l’appétit et au mouvement. »

Comparez, dans la société humaine, les effets du travail isolé et ceux du travail associé : jadis, comme Delbœuf l’a remarqué, la fabrication d’une montre de précision exigeait un horloger d’une extrême habileté personnelle, qui faisait presque tout à lui seul ; aujourd’hui, une fois le procédé trouvé, il n’y a plus qu’à répartir la confection des diverses pièces entre des ouvriers ordinaires et à ajuster ensuite toutes ces pièces : vous aurez une montre marquant exactement l’heure. […] Un autre problème, voisin du précédent (et qui n’est pas de moindre importance dans la question du bonheur humain), ce serait de savoir si les douleurs laissent plus de traces et se rappellent plus aisément que les plaisirs.

2441. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1855 » pp. 77-117

Et peut-être ira-t-on jusqu’à mettre dans le creux des personnages historiques, une petite manivelle à éloquence humaine, qui récitera leurs plus beaux mots : A moi d’Auvergne ! […] Jadis la religion, c’était là un magnifique dada… mais c’est empaillé maintenant… ou encore le dada du père Corot qui cherche des tons fins et qui les trouve et à qui ça suffit… Tenez, ces gros bourgeois qui viennent le dimanche ici, et qui rient si fort… je les envie. » « Et pour l’amour, mon Dieu, ce que nous exigeons de la créature humaine !

2442. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

A d’autres égards, ils ont, d’abord un caractère plus décent, et ensuite ils ont un caractère plus « humain », comme nous aimons à dire de nos jours, c’est-à-dire qu’ils s’intéressent davantage à l’humanité proprement dite, qu’ils la représentent au naturel beaucoup mieux que les contes proprement dits, et qu’en même temps ils l’enseignent et la renseignent, et lui donnent des leçons qui sont souvent très considérables, très dignes d’attention. […] le genre humain Se fait à soi-même la guerre !

2443. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La princesse Mathilde » pp. 389-400

Il n’est point donné à la prévoyance humaine de le pénétrer ; mais ce que je puis vous assurer, ma chère nièce, c’est que dans toutes les conjonctures possibles, je ne cesserai d’avoir pour vous les sentiments affectueux que je vous ai voués, etc. (9 février 1854).

2444. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers (suite) »

J’aime la vérité assurément et la réalité franche, je le répète assez souvent ; je sais même surmonter un dégoût pour arriver au plus profond des choses, au plus vrai de la nature humaine ; mais je m’arrête là où l’inutilité saute aux yeux et où la puérilité commence.

2445. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger, 1833. Chansons nouvelles et dernières »

C’est à ce même fonds social, humain, d’une civilisation plus équitable et vraiment universelle, opposée aux misères de la nôtre, que sont puisées les inspirations si amèrement belles du Pauvre Jacques et du Vieux Vagabond.

2446. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Paroles d'un croyant »

Elles passent comme à travers un rêve affreux, et au réveil elles bénissent Dieu qui les a délivrées de ce tourment. » Et suit alors l’hymne de départ du jeune soldat de l’avenir, du soldat qui s’en ira combattre une dernière fois pour la justice, pour la cause du genre humain, pour l’affranchissement de ses frères : « Que tes armes soient bénies, jeune soldat ! 

2447. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « FLÉCHIER (Mémoires sur les Grands-Jours tenus à Clermont en 1665-1666, publiés par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont.) » pp. 104-118

Peyrat, dans son intéressante Histoire des Pasteurs du Désert, s’est montré bien sévère et décidément injuste contre Fléchier (tome Ier, page 204) ; il a méconnu, dans les relations du prélat adressées à M. de Montausier, ce caractère d’impartialité un peu compassée que nous retrouvons ici dans les Mémoires, cette justesse ennemie de tous les fanatismes, très-conciliable certes avec l’humanité comme avec un certain agrément, et qui, en démêlant les erreurs et les démences humaines, ne se défend pas d’en sourire.

2448. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres publiées par M. J. Sabbatier. Tome Ier, 1845. » pp. 154-168

Ce dernier s’était habitué peu à peu (le cœur humain est ainsi fait) à confondre son échec de 1812 avec les calamités publiques qui suivirent.

2449. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Victor Vousin. Cours de l’histoire de la philosophie moderne, 5 vol. ix-18. »

Mais l’esprit humain ne se comporte pas ainsi ; il est impatient et même un peu séditieux de sa nature, il ne sait pas se tenir tranquille au gré des régnants.

2450. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil. — I »

Jeunes gens qui voulons nous retremper et nous affermir dans l’intégrité politique, qui voulons espérer en l’avenir sérieux dont l’aspect momentanément se dérobe, qui sommes résolus à ne nous immiscer d’ici là à aucun mensonge, à ne signer aucun bail avec les royautés astucieuses, à ne jamais donner dans les manèges hypocrites des tiers-partis, faisons donc, pour prendre patience et leçon, ce salutaire voyage d’Amérique ; faisons-le dans Jefferson du moins ; étudions-y le bon sens pratique, si différent de la rouerie gouvernementale ; apprenons-y la modération, la tolérance, qui sied si bien aux convictions invariables, la rectitude, la simplicité de vues, qui, si elle s’abstient maintes fois, a l’avantage de ne jamais s’embarquer dans les solutions ruineuses ; apprenons-y, quelle que soit la vivacité de nos préoccupations personnelles sur certains points de religion, de morale, d’économie ou de politique, à ne prétendre les établir, les organiser au dehors que dans la mesure compatible avec la majorité des esprits : car la liberté et la diversité des esprits humains sont le fait le plus inévitable à la fois et le plus respectable qu’on retrouve désormais dans le côté social de toutes les questions.

2451. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

En vérité, plus les choses vont, plus elles se mêlent et se généralisent, et plus aussi il doit y avoir orgueil et satisfaction virile pour l’individu de se sentir en faire partie, d’en être ; — d’être un membre, même obscur, inconnu, même lassé et brisé, de cette foule humaine qui partout, sur tous les points, s’avance à son but dans un tumulte puissant.

2452. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

Il y a en ce temps-ci un certain nombre d’esprits ardents, studieux, intelligents, qui, jeunes, après avoir passé déjà par des phases diverses, et avoir joint à un enthousiasme non encore épuisé, une maturité commençante, savent assez de quoi il retourne dans ces mouvements douloureux de la société, ressentent l’enfantement d’un ordre nouveau, y aident de grand cœur, mais ne croient pas qu’il soit donné à une formule unique et souveraine de l’accomplir : car le temps de ces découvertes magiques est passé ; un fiat lux social n’est possible qu’à l’aurore ; et aujourd’hui le progrès humain se fait sous le soleil, avec force sueurs, par tous, moyennant, il est vrai, quelques guides de génie, dont aucun pourtant n’a le droit de se croire indispensable.

2453. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

On peut, remarquer, sans aucune idée de comparaison profane, que ce cri n’est ici qu’un écho humain de cet autre cri qui résume à jamais en lui toutes les agonies et toutes les passions, lorsque Jésus, expirant sur la croix, profère son Eli, Eli, lamma sabachtani, c’est-à-dire : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné ?

2454. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre premier. Pour faire des Tragédies qui puissent intéresser le public en 1823, faut-il suivre les errements de Racine ou ceux de Shakspeare ? » pp. 9-27

La question que nous agitons est une des plus difficiles dont puisse s’occuper l’esprit humain.

2455. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre IV. L’écrivain (suite) »

Parcourez aujourd’hui la France ; si la Révolution a diminué les différences de fortune, la centralisation a augmenté les différences de culture : une seule cité maîtresse où fourmillent et pullulent les idées engorgées qui s’étouffent et se fécondent infatigablement par le travail et le mélange de toutes les sciences et de toutes les inventions humaines, alentour, des villes de provinces inertes où des employés confinés dans leur bureau et des bourgeois relégués dans leur négoce vont le soir au café pour regarder une partie de billard et remuer des cartes grasses, bâillent sur un vieux journal, songent à dîner et digèrent sur des cancans ; plus bas encore, des paysans qui ont pour bibliothèque un almanach, lequel est de trop bien souvent, puisque la moitié d’entre eux ne sait pas lire, qui votent en moutons, et trouvent que ce vote est une corvée, ignorants, apathiques, incapables d’entendre un mot aux intérêts de l’Etat et de l’Eglise, habitués à laisser leur conscience et leurs affaires aux mains des gens qui ont un habit de drap.

2456. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre II. Définition. — Énumération. — Description »

Bossuet veut faire sentir son auditoire ce qu’il y a de merveilleux et de divin dans l’industrie humaine : que fait-il ?

2457. (1895) Histoire de la littérature française « Avant-propos »

Il me fâche d’avoir à nommer ici Renan comme un des maîtres de l’erreur que je constate : il a écrit dans l’Avenir de la science cette phrase où j’aimerais à ne voir qu’un enthousiasme irréfléchi de jeune homme, tout fraîchement initié aux recherches scientifiques : « L’étude de l’Histoire littéraire est destinée à remplacer en grande partie la lecture directe des œuvres de l’esprit humain ».

2458. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « José-Maria de Heredia.. »

Il en est résulté des sonnets si pleins qu’ils « valent vraiment de longs poèmes » et si sonores que la voix humaine ne suffit plus pour les clamer et qu’il y faudrait une bouche d’airain.

2459. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Armand Silvestre »

S’étendre la nuit sur les montagnes humides de rosée, embrasser en extase la terre et le ciel, s’enfler d’une sorte de divinité, pénétrer par la pensée jusqu’à la moelle de la terre, repasser en son sein les six jours de la création, s’épandre avec délices dans le Grand Tout, dépouiller entièrement tout ce qu’on a d’humain et finir cette haute contemplation… (avec un geste) je n’ose dire comment.

2460. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Baudelaire, Œuvres posthumes et Correspondances inédites, précédées d’une étude biographique, par Eugène Crépet. »

On maudit le « Progrès » ; on déteste la civilisation industrielle de ce siècle, comme hostile au mystère ; on la juge écœurante de rationalisme, et, en même temps, on jouit du pittoresque spécial que cette civilisation a mis dans la vie humaine et des ressources qu’elle apporte à l’art de développer la sensibilité… Le baudelairisme serait donc, en résumé, le suprême effort de l’épicurisme intellectuel et sentimental.

2461. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Anatole France, le Lys rouge »

Nulle part vous n’y reconnaissiez l’application sincère de ces axiomes inspirés à Bourget par le théâtre de Dumas : « … L’amour seul est demeuré irréductible, comme la mort, aux conventions humaines.

2462. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre V. Le théâtre des Gelosi (suite) » pp. 81-102

Se peut-il trouver au monde Quelque autre humaine faconde Qui la sienne ose égaler ?

2463. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XII. L’antinomie morale » pp. 253-269

De plus, les moralistes universitaires, opérant dans l’idéal et dans l’abstrait, n’étant pas d’ailleurs chargés par profession de surveiller et de diriger la pratique morale, ne se sentent pas obligés, comme l’étaient les directeurs de conscience, de rendre leur morale praticable ; de l’adapter à la diversité des circonstances et aux exigences de la faiblesse humaine.

2464. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IX. Les disciples de Jésus. »

Pierre, peu mystique, communiquait au maître ses doutes naïfs, ses répugnances, ses faiblesses tout humaines 448, avec une franchise honnête qui rappelle celle de Joinville près de saint Louis.

2465. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XI. Le royaume de Dieu conçu comme l’événement des pauvres. »

Transporté dans le large milieu de la société humaine, le christianisme devait un jour très facilement consentir à posséder des riches dans son sein, de même que le bouddhisme, exclusivement monacal à son origine, en vint très vite, dès que les conversions se multiplièrent, à admettre des laïques.

2466. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXI » pp. 338-354

« Ce mariage », dit-elle dans une lettre du 14 juillet, à Gobelin, « ne s’achèvera pas… J’ai assez de déplaisirs et d’embarras dans une condition singulière et enviée de tout le monde, sans en aller chercher dans un état qui fait le malheur des trois quarts du genre humain.

2467. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VIII. Quelques étrangères »

Il adore sa « chère âme » vide comme une idole, et les idoles aimèrent toujours l’odeur infâme des sacrifices humains.

2468. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre III, naissance du théâtre »

Sa légende, où tous les revirements de l’existence humaine étaient retracés, exaltait encore les impressions naturelles qui se dégageaient de leurs phénomènes.

2469. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Œuvres littéraires de M. Villemain (« Collection Didier », 10 vol.), Œuvres littéraires de M. Cousin (3 vol.) » pp. 108-120

Lorsque, la première fois, le brillant écrivain abordait ces portions d’étude si compliquées et parfois si sombres, il n’avait connu que les grâces de la vie, et il n’en avait recueilli que les applaudissements faciles : « Lecteur profane, disait-il, je cherchais dans ces bibliothèques théologiques les mœurs et le génie des peuples… » Pour bien apprécier le génie des Ambroise et des Augustin durant ces âges extrêmes de la calamité et de l’agonie humaine, il fallait avoir fait un pas de plus, et y revenir avec la conscience qu’on n’a été soi-même étranger à rien de l’homme.

2470. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers populaire  »

Que l’émotion esthétique que donne une telle complainte soit d’une nature un peu spéciale, je le veux bien ; mais il ne faut pas la dire vulgaire, car, après tout, il s’agit ici du drame humain élémentaire et nu.

2471. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et M. de Maupertuis. » pp. 73-93

Le docteur Akakia se moque surtout de l’idée d’établir une ville latine, du beau projet de ne point payer les médecins, lorsqu’ils ne guérissent pas les malades ; de cette comète qui viendra voler notre lune, & porter ses attentats jusqu’au soleil  ; de ces observations nouvelles sur la génération ; de l’âge de maturité qui est la mort, & non l’âge viril ; de la démonstration, par algèbre, de l’existence de dieu ; du moyen de connoître & de prédire sûrement l’avenir ; du conseil de dissequer des cervaux de géans hauts de onze pieds, & d’hommes velus portant queue, afin de sonder la nature de l’intelligence humaine .

2472. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre IV. La folie et les lésions du cerveau »

Il est très difficile d’appliquer une telle méthode à la question qui nous occupe, au moins dans l’humanité ; on ne peut à volonté, si ce n’est dans des cas très rares et avec quelques périls, jouer avec l’intelligence humaine, comme avec des vapeurs ou des gaz32 ; mais, hélas !

2473. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre III : Le présent et l’avenir du spiritualisme »

Les autres ne sont pas disposés à se contenter aussi facilement ; l’immobilité d’une doctrine une fois faite ne leur paraît guère conforme à la nature de l’esprit humain, surtout dans l’ordre purement philosophique ; avec le besoin de croire, ils éprouvent en même temps le besoin de penser ; la fermeté de leurs convictions ne tarit pas chez eux l’activité de l’investigation scientifique.

2474. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre II. Mademoiselle Mars a été toute la comédie de son temps » pp. 93-102

les plus habiles lui répondent qu’ils n’en savent rien ; qu’en ceci chaque comédien est resté le maître de se montrer tout à fait comme un grand seigneur qui fronde, et de très haut, les vices de l’espèce humaine, ou tout à fait comme un philosophe qui s’en attriste.

2475. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre premier. Mme de Staël »

Elle était, autant par la pensée que par le cœur, la bonté, la générosité et la pitié humaines infinies, la pitié jusque dans ses faiblesses !

2476. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVIII. Souvenirs d’une Cosaque »

Que m’importent, à moi, les querelles, les ressentiments, les vengeances de deux conjoints disjoints d’un mauvais ménage qui n’est plus, et dont, si je m’en rapporte au récit d’une femme qui n’est pas plus dans la vérité humaine que dans la vérité cosaque, je suspecte jusqu’à l’amour !

2477. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « L’idolâtrie au théâtre »

Nous n’avons voulu que les signaler à ceux-là qui, par l’exagération de leur langage, augmentent le danger d’un double fléau, Lorsque la société, en trop grande partie, se rue dans un cabotinage immense, lorsque le cerveau humain a besoin d’un Dieu et qu’on l’a ouvert à tout un Olympe de farceurs et de baladines, ceux qui tiennent pour les mœurs doivent s’inscrire en faux contre l’idolâtrie des comédiens et des comédiennes.

2478. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte du Verger de Saint-Thomas »

Lorsque à Rome les Horaces se battaient contre les Curiaces, ils se battaient pour la patrie ; ce n’était là nullement un duel à la façon du duel au Moyen-Âge, où la personnalité humaine s’était agrandie et accomplie sous l’influence de ce christianisme qui a rejeté au creuset et refondu le monde déformé et usé par les siècles.

2479. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Louis Vian » pp. 373-387

Il comprend l’action et la réalité humaine, et il ne les surfait pas, même en Montesquieu.

2480. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Montmorency » pp. 199-214

Amédée Renée nous a raconté avec toutes les nuances du détail cette vie, cette mort, et enfin ce survivre, le pire des malheurs pour l’âme humaine, a dit un homme qui se connaissait en douleur, et de tout cela il a tiré un chef-d’œuvre d’intérêt légitime qui ne sera peut-être pas compris à cette époque d’adultère, mais qui, s’il l’était, aurait l’éloquence d’une leçon.

2481. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Sévigné » pp. 243-257

Madame de Maintenon est, en effet, encore un sujet d’histoire humaine, et nous allons aborder maintenant un sujet d’histoire surnaturelle !

2482. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Papesse Jeanne » pp. 325-340

» ayant assez d’esprit, quoiqu’il n’en ait pas immensément, pour savoir que le principe de la contradiction est si fort dans la nature humaine que quand on lui dit de ne pas faire une chose, elle la fait toujours !

2483. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. H. Wallon » pp. 51-66

Wallon, « plaident les circonstances atténuantes en faveur du Saint », n’ont pas seulement l’air de se douter de ce qu’eût perdu la Royauté, du temps de Saint Louis, s’il n’avait pas été le Saint qu’il fut, l’enfant sans péché mortel de la Reine Blanche, l’homme qui, sur la terre, a été certainement le plus près, par la ressemblance, de Notre Seigneur Jésus-Christ, et qui fit autant que le peut une créature humaine régner avec lui Jésus-Christ, à une époque qui avait l’amour de Jésus-Christ !

2484. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vacquerie » pp. 73-89

« Nous comprenons que les dévots à Racine, — dit-il, outré d’une admiration « qui subsiste et qui ne lui paraît plus le dernier mot de la critique humaine ; — nous comprenons que les dévots à Racine le préfèrent à Shakespeare, mais nous nous étonnons qu’ils le préfèrent à une bûche. » La tragédie, dont il n’ose pas parler dans Corneille, quoiqu’elle y soit, comme dans Racine, essence, formes, unité, langage, convention, sottises, tout enfin !

2485. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Sabran et le chevalier de Boufflers »

Je ne parle pas de Clarisse, qui est un roman de l’esprit humain, à sa meilleure place, en Angleterre.

2486. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Nicolas Gogol »

Le tendre Maniloff, à qui « on voudrait voir une passion, une manie, un vice, afin de lui savoir quelque chose », madame Koroboutchine, Nozdref le hâbleur, Pluchkine l’avare, — ces tics plutôt que ces passions, — ne peuvent pas être mis à côté de la magnifique variété d’individualités qui foisonnent dans la Comédie humaine, et qui sont taillées si profond que les gens qui ne voient pas à une certaine profondeur ne les croient plus vrais, les pauvres myopes !

2487. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Funck Brentano. Les Sophistes grecs et les Sophistes contemporains » pp. 401-416

On pouvait laisser dans son néant la vie privée de ces hommes, qui n’ont plus le droit d’occuper d’eux le genre humain.

2488. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « E. Caro »

C’est qu’il y reste imperturbable de philosophie, strictement renfermé dans le cercle du spiritualisme le plus rationnellement humain.

2489. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Stendhal et Balzac » pp. 1-16

Ce grand linguiste, qui aimait la langue française comme on aime une personne, et qui, dans les moules vidés de Rabelais, de Montaigne, de Régnier, versait son jeune sang tout bouillant de génie et transfusait sa sève inspirée ; cet artiste désintéressé de tout, excepté de la Beauté possible, de la Beauté cherchée, après laquelle il courait, un flambeau dans la main, comme le Coureur antique, eut la douleur de voir sa perle roulée dans un oubli qui est la fange pour les œuvres de l’esprit humain, sous l’ignoble groin des pourceaux.

2490. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Raymond Brucker » pp. 27-41

Coureurs d’idées, après qui la Forme, cette fortune des idées, se met à courir, ils ont touché à tout le clavier humain, et ils l’ont fait vibrer jusqu’à la souffrance du tympan.

2491. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Prosper Mérimée. » pp. 323-336

Intellectuellement, il lui donna de sa crudité verte, de sa puissance de réalité poignante et basse, de son athéisme affreusement net, et de son insouciance absolue de la moralité humaine.

2492. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Arthur de Gravillon »

Ainsi, un La Bruyère jeune homme, un La Bruyère Damis, quand La Bruyère ne le fut jamais, quand La Bruyère est le plus beau talent d’automne qui ait jamais épandu sur les choses humaines des rayons désarmés, tout souriants de mélancolie ; ainsi, un La Bruyère en colère, — aussi en colère que lord Byron dans sa fameuse satire contre la fille de chambre qui l’avait brouillé avec sa femme, et qui était probablement une dévote de l’Église officielle d’Angleterre, — tel est l’auteur de ce petit livre des Dévotes, dont la seule sincérité est le ressentiment qui l’inspira.

2493. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Et elle se retrouve pourtant dans les drames les plus « humains », comme dit très bien M.  […] Augier n’avait pas sucé le lait de la tendresse humaine. […] Commencement d’amour humain, probablement, d’Ervann pour Thérèse ; haine indéfectible vouée par Ximeira à Thérèse. […] Thérèse a son imperfection comme toute créature humaine. […] Il est très indépendant, très dépourvu de toute ambition et très humain.

2494. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

De ce rayon intangible, — l’âme humaine, — cette école ferait volontiers un bloc de pierre, afin de lui ciseler patiemment une immortalité visible et palpable. […] Descendu du pouvoir qui n’a pu ni l’éblouir ni le changer, il est encore aujourd’hui ce qu’il était autrefois, ce qu’il sera toujours, — un journaliste, — un journaliste toujours prêt à défendre, — contre des bourgeois, anciens libéraux convertis, — les prérogatives de la pensée et l’initiative de l’esprit humain. […] Dans ses livres, l’exception humaine revêt un esprit et un corps sous la magie du style ; mais l’homme ne vit pas ; il n’est pas cadavre non plus il est mensonge, système, thèse arbitrairement soutenue dans l’intérêt de certaines idées philosophiques, qui changent avec les conversions multipliées de l’écrivain. […] Un jour ou l’autre, lorsque échoira le terme de ce rôle exceptionnel, qui n’est ni dans la réalité humaine ni dans les conditions normales du théâtre il faudra bien que Rouvière s’éveille de son rêve de gloire. […] Oui, certes, il a fait un livre que la postérité feuillettera éternellement pour lire ces navrantes, sublimes ou charmantes histoires, vieilles comme l’humanité et jeunes comme le cœur humain : Harpagon, Elmire, Alceste, Célimène, Chrysale, Agnès, Sganarelle, Marianne, Géronte, madame Pernelle et Tartuffe.

2495. (1927) André Gide pp. 8-126

André Gide est la plus mordante dérision de l’esprit humain, sur qui ni la vérité, ni même l’erreur n’ont de pouvoir qu’à la condition de coïncider avec lès visées égoïstes. […] Il aime à citer ce mot de l’Évangile : « Celui qui veut sauver sa vie la perdra, et celui qui consent à la perdre la sauvera… » Il l’applique spontanément à l’originalité littéraire, et montre fort bien que les maîtres classiques sont originaux sans s’y évertuer, en ne s’efforçant que d’être humains et d’être parfaits. […] Sur le principe, on lui répondra qu’assurément un écrivain a le droit et quelquefois le devoir de ne pas écrire pour les jeunes filles, et qu’on n’oppose aucune convention de pudeur ou de bienséance à la révélation d’une vérité même scandaleuse, mais qui en vaudrait la peine et nous apprendrait réellement quelque chose de nouveau sur la psychologie ou la pathologie humaines. […] Pour lui, il ne s’agit pas de croire aux paroles du Christ parce que le Christ est Fils de Dieu, mais de comprendre qu’il est Fils de Dieu parce que sa parole est belle au-dessus de toute parole humaine, par conséquent divine… C’est le point de vue du Vicaire savoyard : « … La sainteté des Evangiles parle à mon cœur… Si la vie et la mort de Socrate sont d’un homme, celles de Jésus sont d’un Dieu. » Mais « un Dieu » n’est pas synonyme de Dieu ; c’est presque le contraire.

2496. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

En sortant du Ministère de la Guerre, où je viens de parcourir les correspondances du maréchal de Noailles et de Louis XV, je fais cette réflexion que la dignité humaine disparaît des monarchies avec les aristocraties. […] Une sorte de géant, aux cheveux d’un nègre devenu poivre et sel, au petit œil d’hippopotame, clair, finaud, et qui veille même voilé, et, dans une face énorme, des traits ressemblant aux traits vaguement hémisphériques que les caricaturistes prêtent à leurs figurations humaines de la Lune. […] On sent en lui l’acteur qui voit, qui observe, qui est à la recherche de types, de caractéristiques silhouettes humaines : il nous dit, sans savoir dessiner, jeter très bien le mouvement d’un bonhomme sur le papier. […] Le beau pour lui est toujours la nature : le beau trouvé comme le beau à trouver… Et encore pour lui le corps humain actuel, dans les beaux échantillons, offre d’aussi beaux modèles que la Grèce.

2497. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Cependant, en dépit de ces heures de faiblesse humaine, l’orgueil le soutient secrètement et lui rend déjà l’avenir visible. […] Ce sont là des accidents humains très touchants et très honorables. […] Dans Humain trop humain, il fait un magnifique éloge du théâtre classique français, il remet Lessing à sa place, il rend à Voltaire la justice qui lui est due, il prend en pitié notre moderne barbarie et ses vaines expériences. […] La pensée humaine est trop faible pour interpréter le sentiment qui ramène ce spectacle à une notion de la destinée. […] L’ombre des passants devant les rares fenêtres éclairées, le bruit des pas, le son de la voix humaine, l’aboiement des chiens, tout me berce et m’engourdit délicieusement.

2498. (1896) Hokousaï. L’art japonais au XVIIIe siècle pp. 5-298

Et, dans ce roman racontant la lutte pour l’Empire, de Kôso et de Kô-ou qui se perdit par ses cruautés, une terrible planche est celle où il a commandé la mort de cinq mille paysans fidèles à l’ancien empereur, et où défilent des gens pliant sous des filets remplis de têtes humaines. […] Un disciple du philosophe chinois Sôshû, son éventail tombé à terre, près d’un bol de saké vide, les deux coudes sur un escabeau et les deux mains croisées sous le menton, suit des yeux le vol de deux papillons dans une rêverie qui lui fait regarder la vie humaine comme la vie éphémère de ces insectes d’un jour. […] Un tigre à la tête un peu humaine, comme les fait Hokousaï, qui n’en avait jamais vu. […] Il a aussi des études de jambes, où il cherche le carré des muscles à l’instar de Bandinelli, ne faisant jamais rond, mais voulant toujours dans son dessin l’accentuation et le ressaut du muscle, ayant même une tendance à mettre dans l’anatomie du corps humain les reliefs plats et les lignes cassées de la sculpture. […] Et des études de jambes et de pieds en marche qui donnent l’illusion de leur avancement sur le papier, et des physionomies faites de rien, — comme dessin des yeux, du nez, de la bouche, — et ayant, je ne sais comment, l’expression de la passion humaine, ou gaie, ou triste, ou colère.

2499. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

n’était-il que cette satiété, cette lassitude incurable qui sort de toute chose humaine où l’on a touché le fond, quelque chose de pareil au medio de fonte leporum , admirable cri de ce Lucrèce tant aimé de notre ami ? […] Si Lucrèce nous rend avec une saveur amère les angoisses des mortels, nul aussi n’a peint plus fermement et plus fièrement que lui la majesté sacrée de la nature, le calme et la sérénité du sage ; à ce titre auguste, le pieux Virgile lui-même, en un passage célèbre, le proclame heureux : Félix qui potuit rerum , etc… Quoi qu’il en soit cependant de l’énigme que le poëte nous propose, et si tant est qu’il y ait vraiment énigme dans son œuvre, c’était aux expressions de trouble et de douleur que s’attachait surtout notre ami ; le livre III, où il est traité à fond de l’âme humaine et de la mort, avait attiré particulièrement son attention ; dans son exemplaire, chaque trait saillant des admirables peintures de la fin est surchargé de coups de crayon et de notes marginales, et il s’arrêtait avec réflexion sur cette dernière et fatale pensée, comme devant l’inévitable perspective : « Que nous ayons vécu peu de jours, ou que nous ayons poussé au-delà d’un siècle, une fois morts, nous n’en sommes pas moins morts pour une éternité ; et celui-là ne sera pas couché moins longtemps désormais, qui a terminé sa vie aujourd’hui même, et celui qui est tombé depuis bien des mois et bien des ans : Mors aeterna tamen nihilominus illa manebit ; Nec minus ille diu jam non erit, ex hodierno Lumine qui finem vitaï fecit, et ille Mensibus atque annis qui multis occidit ante. » Notre ami était donc en train d’attacher ses travaux à des sujets et à des noms déjà éprouvés, et les moins périssables de tous sur cette terre fragile ; il voguait à plein courant dans la vie de l’intelligence ; des pensées plus douces de cœur et d’avenir s’y ajoutaient tout bas, lorsque tout d’un coup il fut saisi d’une indisposition violente, sans siège local bien déterminé, et c’est alors, durant une fièvre orageuse, qu’en deux jours, sans que la science et l’amitié consternées pussent se rendre compte ni avoir prévu, sans aucune cause appréciable suffisante, la vie subitement lui fit faute ; et le vendredi 19 septembre 1845, vers six heures du soir, il était mort quand il ne semblait qu’endormi.

2500. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

Mais la pensée humaine fait aussi valoir ses droits, dans un voyage à travers le vaste océan ; partout où l’œil se porte, il voit les flots, les nuages, ou la clarté du ciel, et cette contemplation le reporte aux événements familiers d’autrefois. […] Le sentiment du droit à la liberté individuelle l’emportait chez lui sur tout, car il savait que le bonheur parfait et la liberté sont deux idées inséparables dans la nature et dans l’espèce humaine.

2501. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Je dis adieu à ma sœur ; elle me serra dans ses bras avec un mouvement qui ressemblait à de la joie, comme si elle eût été heureuse de me quitter ; je ne pus me défendre d’une réflexion amère sur l’inconséquence des amitiés humaines. » XXXI René parcourt la terre en voyageur. […] Ô enfance du cœur humain qui ne vieillit jamais !

2502. (1912) Enquête sur le théâtre et le livre (Les Marges)

Député Il y a théâtre et théâtre ; il existe des drames ou des comédies qui me paraissent parmi les plus rares chefs-d’œuvre de l’esprit humain ; j’ajoute tout de suite que ce n’est pas vers eux que se porte généralement « le goût de la société contemporaine » et que l’intérêt manifesté par le public pour tout ce qui touche les acteurs, les chandelles, les planches et les coulisses, n’a rien à voir, selon moi, avec la littérature, ni avec le développement intellectuel de notre civilisation. […] Il est une œuvre humaine qui dure au travers des siècles.

2503. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

Je l’ai indiqué déjà partiellement au chapitre II à propos du leit-motiv et au chapitre III en parlant du ballet : c’est grâce à la transcription du geste en un rythme, souvent aussi d’une attitude en des harmonies, que l’orchestre peut exprimer par des formes sensibles les mouvements humains et les statures humaines17. […] Le drame Ancæus est une étude d’harmonieuses plastiques motivées par une action simple, et non un réel conflit de sentiments humains.

2504. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

« La première partie d’une précieuse, dit Somaise, est d’avoir de l’esprit, ou la prétention d’en montrer. » « Une précieuse, dit de Pure, est un précis de l’esprit et un extrait de l’intelligence humaine. […] L’histoire de l’esprit humain ne consiste pas uniquement dans celle des livres et dans celle des doctrines, comme le croient le vulgaire des faiseurs de livres et échafaudeurs de doctrines.

2505. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

Remarquez, de plus, que l’ordre des corps célestes est immuable et que les destinées humaines sont changeantes et pleines de péripéties. […] A citer encore comme discours philosophique les Lapins, où il n’y a pas de fable du tout et qui sont une dissertation sur la légèreté du cœur humain.

2506. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — II. (Fin.) » pp. 330-342

Dans un très bon chapitre du dernier tome, intitulé « Du déclin de la Ligue », l’historien en vient à un double portrait des deux chefs, du roi de Navarre et de Mayenne, et celui-ci, en cédant le pas au vainqueur, n’est pas du tout sacrifié : Le duc de Mayenne avait une probité humaine, une facilité et libéralité qui le rendait très agréable aux siens ; c’était un esprit judicieux et qui se servait de ses expériences, qui mesurait tout à la raison, un courage plus ferme que gaillard, et en tout se pouvait dire capitaine excellent.

2507. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Lettres de la mère Agnès Arnauld, abbesse de Port-Royal, publiées sur les textes authentiques avec une introduction par M. P. Faugère » pp. 148-162

Singlin et de M. de Saint-Cyran une maxime pratique qu’elle applique sans cesse, c’est qu’il ne faut rien faire dans la précipitation, c’est que le désir, même lorsqu’il est dans le meilleur sens et vers le plus louable but, doit faire, en quelque sorte, sa quarantaine et son carême, et doit user son attrait avant de s’accomplir, si l’on veut qu’il produise tout son fruit : « Il faut faire toutes choses, dit-elle, dans une certaine maturité qui amortit l’activité de l’esprit humain, et qui attire une bénédiction de Dieu sur ces choses dont on s’est mortifié quelque temps. » C’est ce qu’on appelle en ce style mystique pratiquer la dévotion du retardement, et elle la conseille en toute occasion aux personnes qui lui font part de leurs peines et des obstacles qu’elles rencontrent dans la voie du bien.

2508. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — I » pp. 93-106

Montesquieu, ami de la civilisation et de l’avancement humain autant que personne, n’avait pas sur l’origine des sociétés de ces hypothèses dites les plus honorables, mais qui s’interposent ensuite, pour les fausser et les faire dévier, jusque dans les résultats directs de l’observation.

2509. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. »

Dans un premier recueil, la Flûte de Pan, il s’est livré à des études de poésie en quelque sorte plastique et sculpturale ; il avait demandé à la nature extérieure le sens confus de ses harmonies et de ses symboles : aujourd’hui, sous le titre de la Lyre intime 46, il aborde le monde du cœur ; il se détache, non sans peine et sans effort, du grand Pan pour en venir à un sentiment plus distinct, plus défini, qui a pour objet la personne humaine.

2510. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  premier article .  » pp. 326-341

La mémoire humaine, quand elle y est contrainte et exercée, a beau avoir ses merveilles, il est indubitable qu’un poëme si considérable datant d’une époque antérieure à l’écriture a dû être notablement altéré, augmenté ou morcelé, dans sa transmission à travers la bouche des rhapsodes.

2511. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Lettres de Rancé abbé et réformateur de la Trappe recueillies et publiées par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont-Ferrand. »

« Nous vivons, écrivait-il encore (à l’abbé Nicaise), nous vivons dans des siècles plus prudents et plus sages, je dis de la sagesse du monde, et non pas de celle de Jésus-Christ. » Depuis tantôt deux siècles que cette prudence et cette sagesse tout humaines n’ont fait que croître, l’anachronisme du saint réformateur n’est pas devenu moins criant.

2512. (1892) Boileau « Chapitre III. La critique de Boileau. La polémique des « Satires » » pp. 73-88

Il y avait plus d’un siècle que se préparait la forme littéraire dont il devait fixer le caractère, et sa doctrine était le terme où l’on devait nécessairement aboutir, lorsque les belles œuvres de l’antiquité païenne eurent éveillé le goût français, et lorsqu’en même temps leur sagesse toute naturelle et toute humaine eut inspiré à la raison moderne la hardiesse de marcher en liberté selon ses lois intimes.

2513. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre I. Les mémoires »

Une idée seulement de Ramus le rattache à notre sujet : sa Dialectique, opposée à la Logique d’Aristote, fonde le raisonnement oratoire, qui se forme moins par l’exacte application de règles rigoureuses, que par le commerce et l’imitation des chefs-d’œuvre antiques, par le contact en quelque sorte des réalités concrètes où s’est manifestée la faculté discursive de l’esprit humain.

2514. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre II. Signes de la prochaine transformation »

Mme du Deffand, qui a connu toutes les excitations de la vie sensuelle et de la vie intellectuelle, agonise dans l’ennui le plus aigu, le plus douloureux dont jamais âme humaine ait été torturée.

2515. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Banville, Théodore de (1823-1891) »

Par quel prodige, au milieu de ce siècle de critique et tout en subissant comme un autre les misères de ce siècle, dans ce pays de censure et d’académie, un homme de ce temps et de ce lieu a-t-il pu se ressouvenir de la vraie, pure, originelle et joyeuse nature humaine se dresser contre le flot de la routine implacable et non pas écrire ou parler, mais « chanter » comme un de ces bardes qui accompagnèrent au siège de Troie l’armée grecque pour l’exciter avant le combat et ensuite la reposer, — toutefois, en chantant, ne point sembler (pour ne blesser personne) faire autre chose qu’écrire ou parler comme tout le monde, et, avec une langue composée de vocables caducs, usés comme de vieilles médailles, sous des doigts immobiles depuis deux siècles, donner l’illusion bienfaisante d’un intarissable fleuve de pierreries nouvelles ?

2516. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Baudelaire, Charles (1821-1867) »

Depuis, au long des jours de désir et de haine Dont les soleils couchants meurent au fond du cœur, Celles que tu créas rêvent d’une douleur Étrangement nouvelle et fervemment humaine, Et crient au loin ton nom qui rayonne d’un feu Céleste et souterrain comme une pierre ardente, Ô poète, qui retourna l’œuvre de Dante Et mis en haut Satan et descendis vers Dieu.

2517. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « De la question des théâtres et du Théâtre-Français en particulier. » pp. 35-48

Et c’est pour cela qu’on doit tant en vouloir à ceux qui ne négligent rien pour rendre Paris inhabitable et sauvage : laissez-les un instant à l’œuvre ; ce sont gens à faire baisser tout le niveau de la civilisation humaine en quelques jours, en quelques heures.

2518. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Montalembert orateur. » pp. 79-91

Il est trop aisé et trop simple de n’obéir qu’à un seul souffle direct, impétueux ; le beau de la force humaine est de se contenir, de se diriger entre des impulsions diverses et d’assembler sous une même loi les contraires.

2519. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Évolution de la critique »

D’autre part, ayant à déterminer d’une façon précise et individuelle, la nature de l’esprit d’artiste qu’elle veut connaître, elle est obligée de recourir aux notions générales sur l’intelligence humaine que donne la psychologie ; et s’appliquant à démêler les groupes naturels d’hommes auxquels un artiste peut servir de type, elle est contrainte de s’adresser à la sociologie et à l’ethnologie.

2520. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces diverses — Préface du « Rhin » (1842) »

La raison humaine, d’accord en cela avec la loi Spartiate, oblige, dans certains cas, à dire l’avis qu’on a.

2521. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre I : La science politique au xixe  siècle »

D’ailleurs, s’il goûtait peu la philosophie savante, il portait en lui-même une philosophie naturelle, non systématique, mais toute vivante, et partout présente dans ses écrits, la philosophie de l’âme, de la dignité humaine, de la liberté.

2522. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre IV. Littérature dramatique » pp. 202-220

Car il agit sur l’être humain tout entier : sens, âme, esprit ; et il agit par un exemple, par une action éloquente, aussi réelle et plus intense que la vie.

2523. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre I : Qu’est-ce qu’un fait social ? »

Mais, à ce compte, il n’y a, pour ainsi dire, pas d’événements humains qui ne puissent être appelés sociaux.

2524. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « IX »

Elle est tout entière dans l’analyse détaillée, dans le démontage, ressort par ressort, des passions humaines.

2525. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXII. La comtesse Guiccioli »

Et celle-ci n’a pas été plus heureuse que les autres… La mobilité dans la profondeur qui est la caractéristique, géniale et humaine, de Byron, et qui pourrait, d’un seul trait, nous éclairer toute sa vie, n’a pas été saisie par la femme qui nous a donné ce Byron jugé… et qui ne l’est pas !

2526. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’empire russe depuis le congrès de vienne »

Elle importe à la figure humaine.

2527. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte Gaston de Raousset-Boulbon »

Il s’est élancé dans le séjour des bienheureux du faîte de l’existence humaine, et il restera toujours jeune et fort dans la mémoire de la postérité, comme dit Goethe, si toutefois cette postérité doit avoir pour lui une mémoire.

2528. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Théodore de Banville »

… Chefs d’école et s’acceptant pour tels, ils ont endoctriné au lieu de chanter ; ils ont endoctriné même quand ils chantaient, Ils n’ont pas ranimé leur inspiration aux sources changeantes et profondes de l’âme humaine.

2529. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’architecture nouvelle »

Il nous suffit de ces quelques exemples pour illustrer cette vérité que le domaine du beau s’élargit insensiblement, que le nombre des choses et des êtres admis par l’esthétique s’accroit de siècles en siècles, que des formes nouvelles et des manifestations inconnues de beauté surgissent à toute heure en dehors des champs clos, au cours de l’évolution humaine.

2530. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

Pline le Naturaliste cite les génies sublimes des poëtes Stésichore et Pindare, comme attestant par leur exemple la misère et l’effroi de l’âme humaine devant une de ces éclipses de soleil où elle croyait voir, soit le présage de quelque grand crime82, soit la mort même des astres.

2531. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

La mort qui nous assiège et nous déjoue sous toutes les formes s’est chargée, en sa personne, de nous rappeler une fois de plus le néant des efforts et des projets humains, là même où ils semblaient les plus modestes, les mieux soutenus et les plus sagement concertés. […] Dites à M. de Salvandy, si vos retards lui déplaisent, que c’est moi, moi seul, qui, par la brutale franchise de mes conseils et de mes invectives, vous ai contraint à voir Venise et Vérone ; n’y dussiez-vous passer que six heures, il faut les voir.” — Je les verrai… » On a beaucoup médit de M. de Humboldt depuis sa mort ; on lui a rendu la monnaie des épigrammes dont il ne se faisait pas faute envers ses contemporains ; mais, des esprits supérieurs, il convient surtout de ne pas perdre de vue le grand côté, et le côté élevé d’Alexandre de Humboldt, son honneur durable devant la postérité, c’est son amour pour la science, pour l’avancement des connaissances humaines et, par suite, pour la docte et laborieuse jeunesse qu’il estimait capable de les servir ; cet amour et cette flamme, il les conserva dans toute leur vivacité jusqu’à sa dernière heure, et sa conversation avec Gandar nous en est un nouvel et intéressant témoignage. […] Ce qui dure sans avoir besoin d’une jeunesse nouvelle et sans craindre la décrépitude comme les œuvres des hommes, c’est la mer et l’horizon des montagnes et cette divine lumière que je retrouve tels que je les ai connus, aussi surpris qu’à mon premier voyage parce que je sors de nos brumes, et plus ému, parce qu’ayant eu déjà le loisir de les aimer, j’avais eu le temps aussi de les regretter plus d’une fois. » Ailleurs, regrettant la perte de quelques illusions, il se félicite d’en garder au moins une : « C’est, dit-il, mon amour pour la Grèce que je ne puis cesser d’admirer, après l’avoir retrouvée plus belle que mes souvenirs. » Je ne crois pas sortir de mon sujet ni abonder dans le trop de familiarité en relevant ce passage naturel d’une lettre à son frère Adolphe Gandar ; nous sommes dans le monde homérique où l’on ose être homme avec tout ce qu’il y a d’humain en nous, et où les pleurs qu’on verse ne sont pas une marque de faiblesse : « (Athènes, 5 mai 1853.) — Beulé m’a quitté dimanche (jour de la Pâque grecque).

2532. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

S’il décrit une maison, il la dessinera avec une netteté de géomètre ; il en mettra toutes les couleurs en relief, il découvrira une physionomie et une pensée dans les contrevents et dans les gouttières, il fera de la maison une sorte d’être humain, grimaçant et énergique, qui saisira le regard et qu’on n’oubliera plus ; mais il ne verra pas la noblesse des longues lignes monumentales, la calme majesté des grandes ombres largement découpées par les crépis blancs, la joie de la lumière qui les couvre, et devient palpable dans les noirs enfoncements où elle plonge, comme pour se reposer et s’endormir. […] Balzac, George Sand, Stendhal ont aussi raconté les misères humaines ; est-il possible d’écrire sans les raconter ? […] Thomas lui-même, Thomas Gradgrind avec une règle et une paire de balances, et la table de multiplication toujours dans sa poche, monsieur, prêt à peser et à mesurer n’importe quel fragment de la nature humaine, et à vous dire exactement ce qu’on peut en tirer.

2533. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

* * * — Le corps humain n’a pas l’immutabilité qu’il semble avoir. […] il faut encore la souffrance, la torture, comme le suprême et implacable finale des organes humains… Et elle souffre cela, la pauvre malheureuse ! […] 22 septembre Celui-là, je le répète, ferait un livre curieux, apporterait d’intéressants documents à l’histoire humaine et française, celui-là qui récolterait et assemblerait simplement les anecdotes singulières, relatives à certaines physionomies provinciales.

2534. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

» Mercredi 17 mars On parlait, ce soir, des jeunes filles incurables de Notre-Dame des Sept Douleurs, de ces tronçons humains, de ces corps sur l’un desquels il y a cinquante-trois plaies à panser, tous les jours ; de ces malheureuses à la tête qui pousse, et qu’on est obligé d’enfermer et de contenir dans un cerceau. […] Dimanche 22 août Aujourd’hui, je vais à la recherche du document humain, aux alentours de l’École militaire. […] Et il se met à raconter merveilleusement, se jouant dans un délicat érotisme, l’histoire de cette chambrière, dont d’Artagnan fait l’entremetteuse douloureuse de son intrigue avec la duchesse, la menaçant de ne plus revenir, si elle n’obtient de sa maîtresse qu’elle lise ses lettres, la menaçant de ne plus revenir, si elle n’obtient qu’elle y réponde… Et le merveilleux dénouement humain, s’écrie-t-il, dénouement bien supérieur à tous les dénouements du réalisme actuel.

2535. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Les brutales et méchantes passions humaines, déchaînées d’abord par la rage religieuse, puis livrées à elles-mêmes, et, sous un appareil de courtoisie extérieure, aussi mauvaises qu’auparavant. […] » Et les pourritures arrivent, les pustules, les pestes, les douleurs perçantes : la Mort accourt, « brisant tout en poussière,  — rois et chevaliers, empereurs et papes. —  Maint seigneur qui vivait pour le plaisir, cria haut,  — mainte aimable dame, et maîtresse de chevaliers,  — pâma et mourut dolente par les dents de la Mort166. » Ce sont là des entassements de misères pareils à ceux que Milton a étalés dans sa vision de la vie humaine167 ; ce sont là les tragiques peintures et les émotions dans lesquelles se complairont les réformateurs ; il y a tel discours de Knox aux dames galantes de Marie Stuart, qui arrache aussi brutalement la parure du cadavre humain pour en montrer l’ignominie. […] Car vostre grâce présente, A toute personne humaine, Vraix Diex, moult est excellente, Puisqu’elle a cuer et entente, Et que à ce désir l’amaine Que de vous servir se paine. […] I, 13. « À travers toutes les dispositions perce un but unique : c’est que tout homme, en Angleterre, a sa place définie, et son devoir défini, et que nul être humain n’a la liberté de mener sa vie à son gré sans en rendre compte à personne.

2536. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre II. Dryden. »

Comme Shakspeare, ce qu’il étale sur la scène ce sont les entraînements et les fureurs humaines, un frère qui viole la femme de son frère, un mari qui se parjure pour sa femme, Polydore, Chamont, Jaffier, des âmes violentes et faibles que l’occasion transporte, que la tentation renverse, chez qui le transport ou le crime, comme un venin versé dans une veine, monte par degrés, empoisonne tout l’homme, gagne par contagion ceux qu’il touche, et les tord et les abat ensemble dans le délire des convulsions. […] Comme Shakspeare enfin, il a retrouvé au moins une fois la grande bouffonnerie amère, le sentiment cru de la bassesse humaine, et il a planté au milieu de sa tragédie la plus douloureuse, un grotesque immonde, un vieux sénateur qui se délasse de sa gravité officielle en faisant le soir chez sa courtisane le farceur et le valet. […] … Zimri769, —  homme si divers qu’il semblait ne point être — un seul homme, mais l’abrégé de tout le genre humain. —  Roide dans ses opinions, et toujours du mauvais côté, —  étant toute chose par écarts, et jamais rien longtemps ; —  vous le trouviez, dans le cours d’une lune révolue, —  chimiste, ménétrier, homme d’État et bouffon, —  puis tout aux femmes, à la peinture, aux vers, à la bouteille, —  outre dix mille boutades qui mouraient en lui en naissant. —  Heureux fou, qui pouvait employer toutes ses heures — à désirer ou à goûter quelque chose de nouveau ! […] Les vérités générales atteignent la forme définitive qui les transmet à l’avenir et les propage dans le genre humain.

2537. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1894 » pp. 185-293

Jeudi 5 avril À la fin de la soirée, l’on causait de la précipitation des choses, des événements, des succès, de l’accélération de tout au monde, et l’on se demandait, si ce n’étaient pas les caractères des fins de siècle, si, il n’y avait à ces époques limitées par des calculs humains, une accumulation, un trop-plein d’incidents, voulant déborder, pour débarrasser le siècle qui va venir. […] Nous n’aimons pas l’imaginé du livre, le suicide de la femme, mais nous trouvons bien, très bien toute la reproduction de la réalité, que Rosny a rencontrée dans la vie, et nous le reconnaissons comme un grand et puissant analyste de la souffrance humaine. […] Oui, oui, je crains bien que l’opinion de Leconte de Lisle soit l’opinion des intelligents et des délicats, sur l’existence humaine. […] Un tragique document de l’instabilité des choses humaines, que le journal d’aujourd’hui, donnant trois pages sur le menu du déjeuner au vol-au-vent Borgia et sur l’apothéose de la journée de l’homme, dont la quatrième page annonce la mort « à minuit 45 minutes ».

2538. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LONGUEVILLE » pp. 322-357

Si elles nous détaillent le cœur humain dans sa plus menue petitesse, c’est que cette petitesse en est le fond ordinaire, définitif ; elles le vont ainsi poursuivre et démontrer petit à tous les degrés de sa profondeur. […] J’expose encore cette pensée, et la soumets en l’exposant, aussi bien que toutes les autres173. » J’ai copie de plusieurs lettres manuscrites de Mme de Longueville, toutes également de scrupules et de troubles, sur quelque action qu’elle croit de source humaine, sur quelque péché oublié, sur une absolution reçue avec une conscience douteuse174.

2539. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Dès la première page je lis ce mot, qui révèle tout le caractère du peintre : « Un paysage est le fond du tableau de la vie humaine. » La lettre quatrième, écrite au moment du départ, m’apparaît, dans sa sensibilité discrète, comme toute mouillée de pleurs : « Adieu, amis plus chers que les trésors de l’Inde ! […] Le premier président de Lamoignon ne faisait sans doute que rire, quand, à force d’être pompéien, il applaudissait, dans son beau jardin de Bâville, Guy Patin s’écriant : « Si j’eusse été au sénat quand on y tua Jules César, je lui aurais donné le vingt-quatrième coup de poignard. » Mais M. de Malesherbes (ce qui était plus sérieux) disait à propos de ses anciennes liaisons rompues avec les philosophes : « Si je tenais en mon pouvoir M. de Condorcet, je ne me ferais aucun scrupule de l’assassiner. » Mauvaises manières de dire en ces nobles bouches, qui prouvent la part de l’infirmité humaine et du vieux levain toujours aisé à soulever ; pas autre chose.

2540. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

Quelque grande salle au fond de l’édifice, au rez-de-chaussée, renferme hermétiquement une vaste bibliothèque poudreuse, pleine dans les rayons d’en haut de volumes de toutes langues, presque pétrifiés dans leurs stalles, sous leur reliure à fermoir, et, sur les tablettes inférieures, des brochures nouvelles et en désordre attestent la continuité du maître à se tenir en rapport avec ce que l’espèce humaine produit de nouveau et son attention à ce qui se passe sur la terre. […] Rions-en comme lui, il y a retrouvé la société de ces morts illustres avec lesquels il a tant désiré converser dans leur langue : les Homère, les Phidias, les artistes et les poètes grecs ses amis ; les Théocrite, les Pline, les Cicéron, les amateurs de l’esprit humain qui forment l’immortelle académie de tous les âges, et qui l’ont reconnu à la pureté de l’accent pour un des leurs !

2541. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (3e partie) » pp. 81-152

Le respect humain la rendit en apparence fidèle au culte de la gloire de ce grand homme convenu, qu’elle avait aimé jeune sous le nom d’Alfieri. […] Excepté ses palefreniers et ses quatorze chevaux anglais, son seul souci sur la terre, il ne fait de bien à personne, et il meurt en rimaillant des épigrammes contre le genre humain.

2542. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

Et ce pamphlétaire enragé trouve des traits, des scènes que lui envierait un moraliste impartial : il trouve l’accent, le geste éternellement humains, le mouvement qu’impriment à l’humaine poupée l’ambition, l’avarice, la vanité.

2543. (1914) Note sur M. Bergson et la philosophie bergsonienne pp. 13-101

Quant au tragique j’avoue que je ne vois rien d’humain qui soit supérieur au pathétique de Sophocle et que pour un demi-chœur d’Antigone je donnerais les trois Critiques précédées d’un demi-quarteron de Prolégomènes. […] Puis, lorsque j’ai voulu descendre à celles qui étaient plus particulières, il s’en est tant présenté à moi de diverses, que je n’ai pas cru qu’il fût possible à l’esprit humain de distinguer les formes ou espèces de corps qui sont sur la terre, d’une infinité d’autres qui pourraient y être si c’eut été le vouloir de Dieu de les y mettre, ni par conséquent de les rapporter à notre usage, si ce n’est qu’on vienne au devant des causes par les effets, et qu’on se serve de plusieurs expériences particulières.

2544. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

Il suit dans son étude les progrès de l’œil, dont il a défini plus haut la fonction artistique ; par suite les arts représentatifs viendront les premiers, et avec eux les décors qu’il faut donner au drame : « La peinture, dit-il, représentera (dans le théâtre) le paysage, qui, vivant, sera comme le fond devant lequel se manifestera l’homme vivant ; la scène, qui doit représenter l’image de la vie humaine, doit pouvoir contenir l’image de la nature pour la pleine compréhension de la vie, dans laquelle l’homme se meut (III, 73). » Ainsi, Wagner donnait au décor une signification très importante pour l’action du drame, et lui attribuait même une vie active. […] Le rôle de Parsifal est encore plus intéressant à étudier au point de vue de la mimique, que celui de Kundry ; car ici le personnage est plus réel et plus humain.

2545. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

Qu’est-ce que l’activité humaine, sinon la lutte éternelle contre la pauvreté ? […] Quoi de moins vrai encore, au point de vue humain, que cette amourette de pensionnaire qui le reprend pour sa petite cousine ?

2546. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre premier. Sensation et pensée »

Toutes les fois que ce rythme a lieu, il produit dans la mémoire de l’animal deux séries de représentations, dont l’une se résume pour nous dans le mot humain : souffrir, et l’autre dans le mot : ne pas souffrir ; souffrir, c’est la différence ; ne pas souffrir, c’est la non-différence, c’est l’identité émotionnelle, appétitive et en même temps motrice ; c’est la facilité et la régularité du cours de la vie, qui enveloppe déjà une jouissance. […] III Part du sujet et apport de la conscience Si nous ne pouvons saisir en nous la pensée absolument pure et séparée de tout organe qui, pour Platon même et Aristote, était plutôt divine qu’humaine, ce n’est pas à dire que Inintelligence puisse s’expliquer tout entière par un mécanisme passif, comme le croient les sensualistes de nos jours.

2547. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

Les années où il fut précepteur du dauphin, et où il se remit à toutes les études humaines sous prétexte de les lui enseigner, furent celles où il s’occupa le plus des belles-lettres proprement dites.

2548. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Frochot, Préfet de la Seine, histoire administrative, par M. Louis Passy. »

. — Louis XIV demandait un jour au cardinal de Janson, aussi bon négociateur qu’habile courtisan, où il en avait tant appris : « Sire, répondit le cardinal, c’est en courant la nuit avec une lanterne sourde, tandis que j’étais évêque de Digne, pour faire les consuls d’Aix. » Et Lisola, le célèbre diplomate franc-comtois, disait qu’il s’était très bien trouvé, dans les grandes affaires, des subtilités qu’il avait apprises « dans le ménage municipal de Besançon. » Une seule maison quelquefois suffit à qui veut observer les variétés des passions humaines : un seul bourg peut suffire, en un temps d’agitation populaire, pour soulever et faire sortir toutes les variétés d’ambitions et de haines, et pour exercer d’autre part toutes les vertus civiques ; Frochot eut de quoi en faire de plus en plus l’apprentissage : il s’honora par toute sa conduite durant ces temps calamiteux ; il y montra une fermeté qui tenait encore chez lui au premier mouvement et à l’impulsion du sang dans la jeunesse.

2549. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « L’abbé Prevost et les bénédictins. »

Cependant j’avoue que le respect humain auroit été capable de me retenir dans mes chaînes, si je n’eusse fait réflexion, que la moitié du monde vaut bien l’autre, et que la même démarche qui me feroit peut-être perdre quelque estime en France m’en attireroit beaucoup en Angleterre et en Hollande.

2550. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Rodolphe Topffer »

Avoir vécu, dès l’enfance et durant la jeunesse, de la vie de famille, de la vie de devoir, de la vie naturelle ; avoir eu des années pénibles et contrariées sans doute, comme il en est dans toute existence humaine, mais avoir souffert sans les irritations factices et les sèches amertumes ; puis s’être assis de bonne heure dans la félicité domestique à côté d’une compagne qui ne vous quittera plus, et qui partagera même vos courses hardies et vos généreux plaisirs à travers l’immense nature ; ne pas se douter qu’on est artiste, ou du moins se résigner en se disant qu’on ne peut pas l’être, qu’on ne l’est plus ; mais le soir, et les devoirs remplis, dans le cercle du foyer, entouré d’enfants et d’écoliers joyeux, laisser aller son crayon comme au hasard, au gré de l’observation du moment ou du souvenir ; les amuser tous, s’amuser avec eux ; se sentir l’esprit toujours dispos, toujours en verve ; lancer mille saillies originales comme d’une source perpétuelle ; n’avoir jamais besoin de solitude pour s’appliquer à cette chose qu’on appelle un art ; et, après des années ainsi passées, apprendre un matin que ces cahiers échappés de vos mains et qu’on croyait perdus sont allés réjouir la vieillesse de Goëthe, qu’il en réclame d’autres de vous, et qu’aussi, en lisant quelques-unes de vos pages, l’humble Xavier de Maistre se fait votre parrain et vous désigne pour son héritier : voilà quelle fut la première, la plus grande moitié de l’existence de Topffer.

2551. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre III »

61 minutieux et prolixe ayant en guise d’humaine cervelle quelque chose comme une « mécanique à penser », enregistrante et totalisante.

2552. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

Celui qui prise ainsi le pouvoir est insensible à tout autre genre d’éclat ; cette disposition suppose une sorte de mépris pour le genre humain, une personnalité concentrée qui ferme l’âme aux autres jouissances.

2553. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre III. De la vanité. »

Eh bien, à côté du tableau de ce bal, où les prétentions les plus frivoles ont mis la vanité dans tout son jour, c’est dans le plus grand événement qui ait agité l’espèce humaine, c’est dans la révolution de France qu’il faut en observer le développement complet : ce sentiment, si borné dans son but, si petit dans son mobile, qu’on pouvait hésiter à lui donner une place parmi les passions ; ce sentiment a été l’une des causes du plus grand choc qui ait ébranlé l’univers.

2554. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre II. L’homme »

Il s’est promené à travers tous les sentiments humains, quelquefois parmi les plus nobles, d’ordinaire parmi les plus doux.

2555. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « III. Quelques mots sur l’explication de textes »

Ils n’eurent qu’à interroger leurs élèves ; et ils constatèrent que le don de réfléchir sur les impressions d’une lecture, d’aller au-delà du sens littéral pour jouir de toute la force d’une pensée ou de toute la beauté d’une forme, n’était pas un don inné chez la plupart, que, dans la lecture, comme en tout, la nature humaine fuyait la peine, et qu’il fallait exercer les enfants et les jeunes gens à user de toute leur intelligence.

2556. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Joséphin Soulary »

Et quand le poète médite sur la destinée humaine, il appelle cela « agacer ce vieux sphinx du néant ».

2557. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « « L’amour » selon Michelet » pp. 47-66

Elle ne le devient que par la charité ingénieuse de nos interprétations, par ce que nous lui prêtons de bonté, de vertus et d’intentions humaines.

2558. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

Ton Olympe, tu vas le voir du haut du ciel, Tu vas, du haut du vrai, voir l’humaine chimère, Même celle de Job, même celle d’

2559. (1842) Essai sur Adolphe

Serait-il vrai que la destinée humaine répudie, comme un rêve de jeune fille, les dévouements illimités ?

2560. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XV. Commencement de la légende de Jésus  Idée qu’il a lui-même de son rôle surnaturel. »

Ivre de l’amour infini, il oubliait la lourde chaîne qui tient l’esprit captif ; il franchissait d’un bond l’abîme, infranchissable pour la plupart, que la médiocrité des facultés humaines trace entre l’homme et Dieu.

2561. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XV, l’Orestie. — les Choéphores. »

Mieux vaut avoir tous les hommes pour ennemis plutôt que les dieux. » — C’en est fait, le doute a cessé : Oreste, redevenu le bourreau d’un dieu, n’a plus rien d’humain.

2562. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XI »

La nature humaine est faite de chair et de sang, de va-et-vient et d’alternatives, de sentiments qui luttent et se contredisent : elle n’est point fabriquée avec des ressorts montés et pointés sur une idée fixe.

2563. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Chefs-d’œuvre de la littérature française (Collection Didot). Hamilton. » pp. 92-107

Le fond en est mince, non pas précisément frivole, comme on l’a dit ; il n’est pas plus frivole (pour être si léger) que tout ce qui a pour matière la comédie humaine.

2564. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

Dans le premier, on établit que la poësie est un des plus grands fléaux dont le genre humain puisse être affligé ; qu’elle est directement contraire aux bonnes mœurs, & à la tranquillité des états, à leur forme de gouvernement, aux sages loix, aux usages respectables, à la religion, au commerce, enfin à tous les arts utiles.

2565. (1854) Préface à Antoine Furetière, Le Roman bourgeois pp. 5-22

Les trois épisodes dont il se compose se relient, il est vrai, entre eux, par l’intervention des mêmes personnages, à peu près comme se relient les différents épisodes de la Comédie humaine.

2566. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Récamier »

Cette pureté en Madame Récamier, qu’elle conserva et qui le lui rendit, cette pureté était en elle comme le cours du sang et le mouvement des yeux, comme tout ce qu’il y a de plus involontaire, et faisait d’elle le Génie, sous la forme la plus parfaite, de ces sentiments qui n’ont pas de sexe parce qu’ils sont plus divins que les autres : la Bonté, la Pitié, l’Amitié… L’amitié était, en effet, pour l’âme de Madame Récamier, la limite de la passion humaine, et jamais elle ne la dépassa pour entrer dans un sentiment plus troublé.

2567. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XX. De Libanius, et de tous les autres orateurs qui ont fait l’éloge de Julien. Jugement sur ce prince. »

Ainsi, il s’occupa du soulagement des peuples ; mais d’autres empereurs qui eurent les mêmes vues, n’étant pas contredits sur le trône, purent être humains impunément : Julien, longtemps César, assujetti dans son pouvoir même à un tyran jaloux, qui l’avait créé par besoin et le haïssait par faiblesse, qui lui eût permis de faire le mal pour se déshonorer, et craignait qu’il ne fît le bien, qui, tout à la fois barbare et lâche, désirait que les peuples fussent malheureux, pour que le nouveau César fût moins redoutable ; Julien, environné dans les Gaules, des ministres de cette cour, qui étaient moins ses officiers que ses ennemis, et déployaient contre lui cette audace qui donne à des tyrans subalternes le secret de la cour, et l’orgueil d’être instruments et complices de la volonté du maître ; Julien enfin, traversé en tout par ces hommes qui s’enrichissent de la pauvreté publique, eut bien plus de mérite à arrêter les abus et à soulager les provinces.

2568. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre premier. » pp. 15-203

Rien de plus naturel et de plus facile à comprendre, et pour celui qui a éprouvé la longue infortune, et pour celui qui a un peu étudié le cœur humain. […] J’avoue qu’il était difficile que le grand détracteur des vertus humaines fît un meilleur choix. […] Tâchons donc d’en user à son égard comme avec tous les autres précepteurs du genre humain ; faisons ce qu’ils nous disent, sans trop nous soucier de ce qu’ils font : malheur à eux, s’ils disent ce qu’ils ne pensent pas ; malheur à eux, s’ils font le contraire de ce qu’ils pensent. […] Jusqu’ici nous n’avons vu que l’homme de cour, l’instituteur de Néron, et son ministre ; il nous reste à connaître le philosophe, ou le précepteur du genre humain. […] Il faudrait le tenir sans cesse sous les yeux de ceux à qui le genre humain a été confié.

2569. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

Il y a un premier plan qui est le plan de l’humain et du profane. […] Plus il est martyr, plus, et par cela même, il est humain. […] Toute leur pensée est de mettre l’esprit humain en état de prendre sa retraite et de jouir de sa retraite. […] Toute la question est malheureusement de savoir si l’esprit humain est pensionnaire, sédentaire, fonctionnaire, professeur, et s’il est d’hôpital, et s’il est d’État. […] C’est tout le problème de l’esprit humain qui s’étend tout au long de cette route, mon père.

2570. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Il n’y aurait de plus intéressant que lui que les héros ; mais les héros écrivent peu ou ils n’écrivent qu’avec du sang humain, et, de plus, ils mentent ou font mentir beaucoup pour eux ; on ne peut donc s’y fier. […] Si vous en exceptez les ecclésiastiques du pays, qui sont, comme partout ailleurs et peut-être encore plus qu’ailleurs, pleins de haine et de fureur contre les gens qui ne professent pas leurs sentiments, vous trouverez les Persans fort humains et fort justes sur la religion, jusque-là qu’ils permettent aux gens qui ont embrassé la leur de la quitter et de reprendre celle qu’ils professaient auparavant ; de quoi le cèdre ou pontife leur donne un acte authentique pour leur sûreté, dans lequel ces sortes de convertis sont appelés molhoud 8, c’est-à-dire apostat, mot qui parmi eux est la plus grande injure. […] On appelle cela: aller au tribunal de Dieu, et les Géorgiens soutiennent que cette voie de remettre directement à Dieu la punition d’un crime est très-bonne et très-équitable, quand la justice humaine ne peut connaître si l’accusé est coupable, ou si l’accusateur le charge faussement, Sizi et sa partie arrivés au rendez-vous, une troupe de soldats les séparèrent comme ils mettaient les armes à la main ; et la demoiselle étant morte peu après de honte et de douleur, l’autorité du prince obligea son frère à s’ajuster avec Archyle et avec Sizi.

2571. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre II. La parole intérieure comparée à la parole interieure »

L’individualité de chaque voix humaine, constituée principalement par le timbre, est complétée par d’autres éléments : une certaine intensité habituelle, — des intonations préférées, — une certaine façon de prononcer certaines voyelles ou consonnes, — enfin des mots et des tournures favorites. […] devons-nous croire que les premières générations humaines qui firent usage de la parole eurent une parole intérieure à demi tactile, à demi sonore, et qu’il fallut plusieurs siècles pour opérer cette purification de la parole intérieure qui, de nos jours, chez l’enfant, se produit vraisemblablement en quelques années ? La chose me paraît probable, non que je considère l’humanité comme un seul être, auquel l’hérédité ferait une sorte d’individualité relative en jouant dans l’espèce entière le rôle qui appartient chez les individus à l’habitude ; mais les premières générations humaines qui parlèrent durent parler très peu, et l’habitude, pour avoir les effets que nous avons décrits, suppose un exercice régulier et fréquent de la parole ; la purification de la parole intérieure implique sa fréquence, sinon sa continuité absolue, c’est-à-dire une période du langage qui n’est pas la période tout à fait primitive.

2572. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

Mot à mot, l’entendement humain être sujet à la précipitation & au préjugé est une chose assez connue. […] Remarquez que les especes subordonnées à leur genre, sont distinguées les unes des autres par quelque propriété essentielle ; ainsi l’espece humaine est distinguée de l’espece des brutes par la raison & par la conformation ; les plumes & les aîles distinguent les oiseaux des autres animaux, &c. […] L’animal que je viens de voir à la foire a rappellé en moi les impressions qu’un lion y fit l’année passée ; ainsi je dis que cet animal est un lion ; si c’étoit pour la premiere fois que je visse un lion, mon cerveau s’enrichiroit d’une nouvelle idée exemplaire : en un mot, quand je dis tout homme est mortel, c’est autant que si je disois Alexandre étoit mortel ; César étoit mortel ; Philippe est mortel, & ainsi de chaque individu passé, présent & à venir, & même possible de l’espece humaine ; & voilà le veritable fondement du syllogisme : mais ne nous écartons point de notre sujet. Remarquez ces trois façons de parler, tout homme est ignorant, tous les hommes sont ignorans, tout homme n’est que foiblesse. ; tout homme, c’est-à-dire, chaque individu de l’espece humaine, quelque individu que ce puisse être de l’espece humaine ; alors tout est un pur adjectif. […] Nul, aucun, donnent aussi une extension universelle à leur substantif, mais dans un sens négatif : nul homme, aucun homme n’est immortel, je nie l’immortalité de chaque individu de l’espece humaine ; la proposition est universelle, mais négative ; au lieu qu’avec tous, sans négation, la proposition est universelle affirmative.

2573. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

ici l’on va plus sûrement ; si l’on a le don d’observation et la faculté dont j’ai parlé, on va loin, on pénètre ; et si à ce premier don d’observer se joint un talent pour le moins égal d’exprimer et de peindre, on fait des tableaux, des tableaux vivants et par conséquent vrais, qui donnent la sensation, l’illusion de la chose même, qui remettent en présence d’une nature humaine et d’une société en action qu’on croyait évanouie. […] Le paysage, en se réfléchissant dans ce lac aux bords sourcilleux et aux ondes un peu amères, dans ce lac humain mobile et toujours plus ou moins prestigieux, s’y teint certainement de la couleur de ses eaux.

2574. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre III. La poésie romantique »

Ce sont comme deux fragments, le terme et le début, d’une immense épopée spiritualiste sur la destinée humaine ; la huitième vision de la Chute d’un ange nous explique la conception du poète : l’homme fait sa destinée, monte ou descend par son propre mérite, supprime le mal en s’élevant à Dieu, raison de l’être, et terme de l’aspiration de toute créature. […] L’idée, c’est cette ascension de l’âme humaine vers Dieu par la douleur librement acceptée : Jocelyn se fait prêtre sans vocation pour doter sa sœur, souffre d’un douloureux amour qui entre en lui par surprise au bout d’un dévouement généreux, sacrifie ce pur amour au devoir que son premier sacrifice lui a imposé ; toute sa vie est l’immolation des légitimes désirs, des belles passions de son cœur ; mais il trouve au bout de cette continuelle immolation la paix sereine et l’engourdissement délicieux.

2575. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

Ce n’est plus la « douce terreur » et la « pitié charmante » dont parlait Boileau : c’est quelque chose de plus désolé et de plus poignant ; c’est ce que je voudrais appeler une émotion pessimiste, une compassion qui, par-delà les souffrances particulières, va à la grande misère humaine, une sensation des fatalités cruelles. […] On aime que l’art soit pessimiste ; le sentiment qui conduit le romancier à voir et à peindre de préférence, dans la réalité, ce qu’elle a de tristesses et de cruautés absurdes, paraît un sentiment distingué ; on éprouve à le partager une sorte d’orgueil intellectuel, on y voit une protestation bien humaine contre le mal inexplicable.

2576. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

[Le poème et drame de Sacountala] I Commençons cet entretien par l’analyse d’un petit drame philosophique et moral, jeté comme une arabesque sur les pages de ce vaste poème du Mahabarata, épisode qui ne dépasse pas les limites de quelques minutes d’attention, et qui ressemble plus à un apologue humain qu’à un chant épique. […] En t’apercevant seulement, j’ai senti que mon cœur était enlevé de ma poitrine par un attrait surnaturel. — Je suis la fille de Canoua, répond Sacountala toute tremblante. — Mais, reprend le héros, Canoua est un saint qui a fait vœu de dompter toutes les passions humaines, et qui serait mort plutôt que de violer son vœu de continence.

2577. (1914) Boulevard et coulisses

Je rentrai chez moi, ivre d’un orgueil provisoire dont les fumées ne tardèrent pas à se dissiper, car nous savions déjà la fragilité des choses humaines. […] Croyez-vous que le combat de la volonté humaine contre le hasard, qui est le drame même de la vie, ait jamais été aussi furieux et aussi émouvant qu’aujourd’hui ?

2578. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIV : Récapitulation et conclusion »

Rien ne peut paraître plus difficile à croire au premier abord que les organes et les instincts les plus complexes aient été perfectionnés, non par des moyens supérieurs bien qu’analogues à la raison humaine, mais par l’accumulation de variations innombrables, quoique légères, et dont chacune a été utile à son possesseur individuel. […] On ne saurait objecter que le temps nécessaire à des changements organiques si considérable a manqué, car la longueur des temps écoulés est absolument incommensurable pour l’entendement humain.

2579. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — III. (Fin.) » pp. 246-261

Les discussions effrénées qui se tiennent dans les dîners de Mlle Quinault et où il est question, entre la poire et le fromage, de toutes les choses divines et humaines, nous montrent Duclos le plus remarquablement cynique entre les cyniques, dans tout l’entrain et toute la jubilation de l’impudeur ; traduit en public et comme sténographié dans ce déshabillé, il reste sous le coup du mot final que lui adresse Mlle Quinault et que je laisse où je l’ai lu : car il faut être monté au ton des convives pour citer de ces choses.

2580. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Quel dommage qu’il n’ait pas joint à ses autres brillantes qualités celles qui font le guerrier humain, c’est-à-dire le guerrier accompli, cette modération, cette justice après le combat, ces vertus civilisées qui décorent à jamais le nom d’un Xénophon ou d’un Desaix !

2581. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal de Dangeau. tomes III, IV et V » pp. 316-332

Fagon, son premier médecin : « Faites, monsieur, pour M. de Luxembourg tout ce que vous feriez pour moi-même si j’étais dans l’état où il est. » Louis XIV n’offre pas d’abord des trésors à celui qui sauvera M. de Luxembourg ; il dit ce simple mot humain : Faites comme pour moi-même.

2582. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

Toute la diatribe contre l’Académie est de ce ton-là : « Aussi nous l’avouons sans pâlir, dit l’auteur en parlant de quelques académiciens qu’il désigne sans les nommer, nous les haïssons de toute la force de notre amour pour les lettres et de notre respect pour les grandeurs de l’esprit humain. » Non, tout cela n’est pas juste, et M. du Camp, qui, malgré ses violences de parole, a de la générosité dans le talent et dans le cœur, ne saurait nourrir de ces haines contre des gens qu’il ne connaît pas.

2583. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Appendice » pp. 453-463

Il y a de la verve, un mouvement impétueux ; les navires qui partent pour traverser l’Atlantique marchent bien ; les chercheurs d’or, les émigrants sont bien lancés ; le tableau de l’agitation humaine et de cette poursuite fiévreuse, qui est celle de la misère autant que de la cupidité, se dessine nettement.

2584. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers (tome xviie ) » pp. 338-354

Je ne suis pas de ces esprits qui ne comprennent qu’une chose ; je n’ai pas le goût de diviser en deux camps mes compatriotes ; il y a, je le sais, le point de vue très plausible, très légitime à bien des égards, du bon sens et de la prudence, comme il y a le parti de l’exaltation intrépide et généreuse ; mais, si large qu’on fasse la part de la civilisation générale, de la raison humaine et de la philosophie, il est des moments où l’honneur l’emporte sur tout ; où, si adouci qu’on soit, si éclairé qu’on se flatte d’être, il convient d’être peuple, de sentir comme le peuple, si l’on veut rester nation.

2585. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Campagnes de la Révolution Française. Dans les Pyrénées-Orientales (1793-1795) »

Dans l’histoire des guerres comme dans celle des littératures, il y a des moments et des heures plus favorisées ; le rayon de la gloire tombe où il lui plaît ; il éclaire en plein et dore de tout son éclat certains noms immortels et à jamais resplendissants : le reste rentre peu à peu dans l’ombre et se confond par degrés dans l’éloignement ; on n’aperçoit que les lumineux sommets sur la grande route parcourue, on a dès longtemps perdu de vue ce qui s’en écarte à droite et à gauche, et tous les replis intermédiaires : et ce n’est plus que l’homme de patience et de science, celui qu’anime aussi un sentiment de justice et de sympathie humaine pour des générations méritantes et non récompensées, ce n’est plus que le pèlerin de l’histoire et du passé qui vient désormais (quand par bonheur il vient) recueillir les vestiges, réveiller les mémoires ensevelies, et quelquefois ressusciter de véritables gloires.

2586. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

Les spectateurs d’alors se contentaient à moins. » Quand des érudits des plus compétents parlent avec cette modestie et cette bonne foi de l’objet de leurs études, on se sent d’autant plus porté à leur accorder ce qui est juste, et on est tout prêt à placer avec eux leur vieux Mystère à son rang dans la série des anneaux intermédiaires qui permettent de mesurer les lents efforts, en tout genre, de l’esprit humain.

2587. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. » pp. 31-51

La nature humaine n’est peut-être pas toute plate, basse ou perfide ; il y a de l’honnêteté, de l’élévation, de la tendresse ou du charme en de certains caractères : pourquoi ne pas s’arranger pour en rencontrer quelques-uns, — ne fût-ce qu’un seul, — au milieu des inévitables bêtises, des méchancetés ou des ridicules ?

2588. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Jamais l’esprit humain n’eut, à cet égard, moins de fermeté ; dès qu’il a un peu de loisir, il s’obstine à chercher son assiette en l’air, sans jamais parvenir à la trouver.

2589. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

Sentir et juger ainsi, c’est être fidèle à l’esprit de tous deux et remplir, en quelque sorte, leur intention habituelle si humaine, si indulgente, et penchant plutôt du côté de la conciliation que de l’envie.

2590. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

Qu’opposer à des femmes dont les unes ont porté jusque dans le cloître des âmes plus hautes que celles des héroïnes de Corneille, et dont les autres, après toutes les vicissitudes et les tempêtes humaines, ont eu l’heur insigne d’être célébrées et proclamées par Bossuet ?

2591. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

Il est encore une observation importante contre les systèmes nouveaux dont on veut faire une secte ; l’esprit humain marche trop lentement, pour qu’une suite quelconque d’idées justes puisse être trouvée à la fois.

2592. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Le symbolisme ésotérique » pp. 91-110

L’occultisme est l’instrument des plus hautes capacités humaines, la synthèse de toutes les sciences et la clef de tous les mystères.

2593. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Despréaux, avec le plus grand nombre des écrivains de son temps. » pp. 307-333

Il écrivit libèles sur libèles, & voulut persuader que Despréaux n’étoit qu’Horace lui-même, ou Juvénal pillé grossièrement ; que le métier qu’il faisoit étoit contre toutes les loix humaines & divines.

2594. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre douzième. »

Le choix d’une demeure aux humains inconnue.

2595. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 16, des pantomimes ou des acteurs qui joüoient sans parler » pp. 265-295

Apparemment que le son de cette flute imitoit mieux le son de la voix humaine que les autres, et comme l’imitent nos flutes traversieres.

2596. (1759) Observations sur l’art de traduire en général, et sur cet essai de traduction en particulier

On l’accuse, je le sais, d’avoir peint trop en mal la nature humaine, c’est-à-dire, de l’avoir peut-être trop bien étudiée ; d’être obscur, ce qui signifie seulement qu’il n’a pas écrit pour la multitude ; d’avoir enfin le style trop rapide et trop concis, comme si le plus grand mérite d’un écrivain n’était pas de dire beaucoup en peu de mots.

2597. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

Qu’ainsi, dans l’ordre politique, l’orateur se pénètre des grands rapports du prince avec les sujets, et des sujets avec le prince ; qu’il sente avec énergie et les biens et les maux des nations ; que, dans l’ordre moral, il s’enflamme sur les liens généraux de bienfaisance qui doivent unir tous les hommes, sur les devoirs sacrés des familles, sur les noms de fils, d’époux et de père ; que dans ce qui a rapport aux talents, il admire les découvertes des grands hommes, la marche du génie, ces grandes idées qui ont changé sur la terre la face du commerce, ou celle de la philosophie, de la législation et des arts, et qui ont fait sortir l’esprit humain des sillons que l’habitude et la paresse traçaient depuis vingt siècles.

2598. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIV. »

Ce genre d’exposition muette dut prospérer de plus en plus ; et le peu de nouvelles œuvres tragiques citées sous Auguste, le Thyeste de Varius, la Médée d’Ovide, par les sujets mêmes, traités tant de fois à Rome, ne donnent l’idée que d’un drame d’autant plus bienséant sous l’empire qu’il était plus mythologique et plus loin de la réalité des passions humaines.

2599. (1911) Études pp. 9-261

Parmi les tableaux de Gauguin la forme humaine s’élève pleine et droite. […] Le vers est le mouvement le plus essentiel de l’être humain, celui par quoi il vit et profère sa vie. […] Voici le sommet du Caucase, le seuil du monde, le lieu marqué pour que l’effort de l’homme s’y défasse, voici le lieu de l’échec humain : Ô Roi ! […] Sous son aspiration l’arbre humain : … invente dans son cœur ses fruits dans l’expansion de ses branches166. […] Au milieu de sa carrière, il ressent soudain ce besoin de représenter les choses humaines, qui est la grande exigence imposée à la jeunesse d’aujourd’hui.

2600. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre premier. Les fonctions des centres nerveux » pp. 239-315

Dès lors, on comprend à quoi servent les cinq cents millions de cellules et les deux milliards de fibres de notre écorce cérébrale ; grâce à leur multitude, notre mémoire est pleine de clichés ; c’est pour cela qu’un cerveau humain peut posséder une ou plusieurs sciences complètes, cinq ou six langues et davantage, se rappeler des myriades de sons, de formes et de faits. Quatre cents millions de lettres font mille volumes, chacun de quatre cent mille lettres ; si un cerveau humain contient quatre cents millions de clichés mentaux, cela lui fait une riche bibliothèque de réserve, et il lui reste encore cent millions de cellules pour les usages courants. […] D’après les expériences les plus récentes, elle est de 29 mètres par seconde dans les nerfs du corps humain.

2601. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

En sa qualité d’humain exotique, dénué de système nerveux, il préféra les coups de bambou. […] Jeudi 6 août Oui, œil énigmatique, œil de sphinx que l’œil du chat, œil qui n’est, pour ainsi dire, qu’une réverbération verte, ne s’éclairant par aucune des tendresses humaines du regard d’un chien et même des autres bêtes, œil mystérieux, avec sa pupille en forme de lettre magique, changeante à toutes les heures, œil renfermant de l’inconnu, œil inquiétant, quand il vous observe et vous scrute. […] Seulement les Égyptiens croyaient, professaient, que ce qu’il y avait d’immortellement vivant, dans le corps d’une femme ou d’un homme décédé, entrait dans un être naissant, et que lorsqu’il avait parcouru tous les animaux de la terre, de la mer, de l’air — ce qui durait 3 000 ans, — ce germe immortel rentrait dans un corps humain.

2602. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Saint-Arnaud. Ses lettres publiées par sa famille, et autres lettres inédites » pp. 412-452

Aucune force humaine ne se perd, et les plus naturellement indisciplinés, sous cet aiguillon incessant, se rangent au devoir. […] Au moment enfin de prendre la mer (29 août), énumérant encore une fois les incertitudes, les difficultés de tout genre qu’il ne se dissimulait pas, et sur le point précis où opérer le débarquementad, et sur la manière d’aborder Sébastopol et le côté par où mordre à « ce dur morceau », et son autre souci, presque aussi grave, du bon accord à maintenir entre des alliés d’habitudes et de génies si différents, le maréchal concluait ainsi et livrait le fond de son âme au sein de l’intimité : N’est-ce pas bien lourd tout cela, mon cher Franconnière, pour un pauvre homme qui lutte contre ses propres souffrances, qui les domine pour d’autres luttes plus importantes et plus nobles, qui heurte sa tête, sans l’amollir, contre des obstacles sans nombre que la prudence humaine ne peut ni prévoir ni empêcher ?

2603. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

L’intérêt véritable est là ; on tient le nœud ; l’action se resserre, elle est vive, pressante, à la fois naturelle et merveilleuse, unissant les combinaisons mythologiques et les peintures du cœur humain. […] J’ai dit que Béatrice n’est point atteinte du même mal, et j’ai bien à en demander pardon à cette patronne angélique des poëtes : chez Béatrice, en effet, l’amour transformé est devenu une charité, une religion ; ce n’est plus une chose humaine, une maladie sacrée, la plus noble de toutes, mais une maladie enfin.

2604. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Mais ces grands chemins, c’est-à-dire les admirations légitimes et consacrées, à mesure qu’on avance, on ne les évite pas impunément ; tout ce qui compte y a passé, et l’on y doit passer à son tour : ce sont les voies sacrées qui mènent à la Ville éternelle, au rendez-vous universel de la gloire et de l’estime humaine. […] Je ne sais quelle fatalité de destinée ou quel tourbillon romanesque, du Peintre de Saltzbourg à Jean Sbogar, le jeta toujours par les précipices ou sur les lisières, à droite ou à gauche de ces grandes lignes où convergent en définitive les seules et vraies figures du poëme humain comme de l’histoire.

2605. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIe entretien. Littérature latine. Horace (1re partie) » pp. 337-410

C’est précisément parce qu’elle succombe que la vertu n’est pas un nom, mais la plus sainte des choses humaines. […] Mais il semble avoir été donné aux hommes fragiles, précisément pour leur faire pardonner un peu de la fragilité humaine.

2606. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

Je n’ose prononcer, mais je crois que l’inspiration du lyrique est supérieure à la combinaison du machiniste qui fait jouer sur la scène ces marionnettes humaines qu’on appelle des personnages dramatiques ; seulement, quand ces personnages parlent comme les font parler les grands poètes dramatiques, le génie est égal et l’emploi est différent. […] Ce livre a aussi un grand mérite aux yeux des curieux du cœur humain : c’est d’avoir à demi ouvert le portefeuille de madame Récamier, et d’avoir révélé ainsi au monde une correspondance inédite et profondément intime de l’amour ou de l’amitié (comme on voudra) entre elle et M. de Chateaubriand.

2607. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

L’intérêt dans la comédie devait naître désormais de cette variété infinie du cœur humain, lequel contient plus de coups de théâtre que n’en peut créer l’imagination du dramaturge le plus fécond. […] Le plus grand nombre est indirect : ce sont des confidences du cœur humain dont ses devanciers n’ont entendu que la moitié, et qu’il complète.

2608. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre premier. La sensation, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. La sensation »

En d’autres termes, l’organisme humain a théoriquement la possibilité de refléter en soi, de représenter et de percevoir (comme disait Leibniz) tous les phénomènes ou mouvements de la nature, tous ceux du moins qui ne se sont pas neutralisés mutuellement ; mais, en réalité, il ne les aperçoit pas tous, c’est-à-dire qu’il ne les saisit pas à part, parce qu’il n’a pas pour chacun une sensation spéciale et différenciée. […] Entre le plus haut son sensible, qui n’a pas quarante mille vibrations par seconde, et le plus bas rayon de lumière perceptible, ayant à peu près quatre quatrillions d’ondulations par seconde, il existe un nombre énorme de mouvements rythmiques dont aucun n’a obtenu sa contrepartie subjective dans l’organisme humain.

2609. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

Sur le théâtre des choses humaines, l’affiche est presque toujours le contraire de la pièce. * * * — Une main humaine, presque toujours une main de femme, les doigts autour d’une aumônière tendue, — c’est la quête dans l’église catholique ; une espèce de filet à papillons, au bout d’un bâton de bois à rallonge, — c’est la quête dans la chapelle protestante.

2610. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1886 » pp. 101-162

Bourget finit son Crime d’amour, par cette phrase : « La religion de la souffrance humaine », c’est avec une petite différence dans la construction de la phrase, la fin de la préface de Germinie Lacerteux. […] Rodin fait tourner sur les selles, les terres, grandeur nature, de ses six otages de Calais, modelés avec une puissante accusation réaliste, et les beaux trous dans la chair humaine, que Barye mettait dans les flancs de ses animaux.

2611. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le Roman de Renart. Histoire littéraire de la France, t. XXII. (Fin.) » pp. 308-324

Le bon chevalier Beaumanoir va vers lui, et lui dit dans un sentiment tout humain qui est rare au Moyen Âge, qui manque chez Froissart, historien de cour, et qu’on est heureux de retrouver ici : Chevaliers d’Angleterre, vous faites grand péché De travailler les pauvres, ceux qui sèment le blé… Si laboureurs n’étaient, je vous dis ma pensée, Les nobles conviendrait travailler en l’airée (aux champs), Au fléau, à la houe, et souffrir pauvreté ; Et ce serait grand peine quand n’est accoutumé.

2612. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Nouveaux voyages en zigzag, par Töpffer. (1853.) » pp. 413-430

Ses courts et brusques dessins, ses récits, sont une suite de jolis tableaux flamands, relevés tout aussitôt d’une saveur alpestre, de quelque chose de fruste (pour employer un de ses mots favoris) et d’un caractère sauvage : en même temps, il n’oublie jamais le côté humain, familier, vivant, qui doit animer le paysage, et qui lui ôte tout air de descriptif.

2613. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — I. » pp. 19-35

L’idée de Dieu, c’est-à-dire d’une cause supérieure et première qui nous domine et nous environne, est une idée toute naturelle et selon la perspective humaine de tous les temps.

2614. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

M. de Meilhan paraît compter, pour varier la monotonie, sur quelques petites guerres encore, sur trois ou quatre banqueroutes ; mais ces accidents qu’il prévoit ne lui paraissent pas de nature à régénérer suffisamment le fond social ni à en dérider la surface : Quelle ressource, se demande-t-il, aura donc alors l’esprit humain agité par son énergie, pour se manifester ?

2615. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Accroissons le plus possible le nombre de ces livres naturels, où des esprits et des cœurs vivants se montrent avec sincérité et apportent une expérience de plus dans le trésor de l’observation humaine.

2616. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

Ces chasses au loup perpétuelles finissent même par être si ennuyeuses que les nouveaux éditeurs de Dangeau, par une sorte de respect humain, ont cru devoir leur trouver une cause finale, et ont remarqué que c’est à ces chasses de Monseigneur sans doute qu’on doit la destruction des loups aux environs de Paris4.

2617. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

Il veut savoir, il veut s’expliquer le mouvement des choses humaines, mais se l’expliquer d’une manière si particulière, si précise, si appropriée à chaque ordre de faits et à chaque branche d’affaires, que cette seule connaissance, pourvu qu’on y atteigne, lui paraît constituer la condition fondamentale, l’essence même de l’histoire ; il appelle cela l’intelligence.

2618. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

[NdA] Ainsi, pour ne citer que la dernière strophe : Vois de là, dans cette campagne, Ces vignerons tout transportés Sauter comme genêts d’Espagne, Se démenant de tous côtés ; Entends d’ici tes domestiques Entrecouper leurs chants rustiques D’un fréquent battement de mains ; Tous les cœurs s’en épanouissent, Et les bêtes s’en réjouissent Aussi bien comme les humains.

2619. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Guillaume Favre de Genève ou l’étude pour l’étude » pp. 231-248

On voudrait que, dans tout résultat d’étude littéraire, l’idée morale dominât ou, du moins, entrât pour quelque chose, que l’intérêt humain y eût sa part, et que l’âme de celui qui cherche s’adressât de temps en temps par quelque reflet à l’âme de celui qui ne demande pas mieux que de le suivre.

2620. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

Au second chapitre de la Genèse, il est dit d’Adam « que le Seigneur Dieu ayant formé de la terre tous les animaux terrestres et tous les oiseaux du ciel, il les amena devant Adam, afin de voir comment il les appellerait : et le nom qu’Adam donna à chacun des animaux est son nom véritable. » Mais cette langue primitive d’Adam est perdue ; et puis il s’agit ici de nommer les pareils d’Adam, ou, pour ne pas sortir de notre ton et de notre sujet, il s’agit de trouver une juste nomenclature à des esprits et des talents humains, matière essentiellement ondoyante et flottante, diversité et complication infinie.

2621. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

C’est le présent dont nous sommes les témoins intelligents, qui éclaire pour nous le passé ; c’est la vie présente et que nous vivons, qui nous apprend à bien lire dans l’histoire, dans cette histoire humaine qui n’a été qu’un perpétuel mouvement.

2622. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

Il apportait dans ce gouvernement intellectuel la connaissance des matières, l’ouverture des vues, une indifférence qui lui permettait mieux qu’à d’autres de maintenir l’équilibre entre les diverses études et facultés ; et si la balance dans ses mains avait penché quelque peu du côté de l’histoire, ce n’eût été que justice ; car l’histoire, ce goût et cette aptitude générale de notre temps, hérite en effet de toutes les autres branches de la culture humaine.

2623. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Essais de politique et de littérature. Par M. Prevost-Paradol. »

Il me dira (je le sais bien) qu’il s’agit pour lui de principes, non de convenances ; qu’il s’agit de l’amour sacré, désintéressé, de la liberté, de la dignité humaine.

2624. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

Il se coucha hier les délices du genre humain : ce matin on est honteux pour lui, il faut le cacher.

2625. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

La Grèce, telle qu’elle est aujourd’hui, a un trop gros cerveau ; c’est « une tête énorme sur un petit corps. » Ajoutez les habitudes invétérées d’une trop longue décadence, d’une société longtemps relâchée, décousue et dissoute ; les héros à pied et en disponibilité qui n’ont de ressource que de se faire brigands ; peu de respect pour la vie humaine ; pas d’idée bien nette du tien et du mien ; le vol sous toutes ses formes, la corruption et la vénalité faciles et courantes, comme l’admet trop aisément la moralité restée ou redevenue trop primitive.

2626. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier. »

Il y a une morale humaine supérieure même à la morale légale, là où celle-ci ferait défaut.

2627. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

Il devient évident que si la guerre a été le premier état naturel de l’homme barbare et sauvage, que si elle a été le triomphe et le jeu de quelques génies prééminents, l’élément nécessaire et l’instrument de grandeur des nations souveraines et des peuples-rois, la paix, avec tous les développements qu’elle comporte, est la fin dernière des sociétés humaines civilisées.

2628. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LE COMTE MOLÉ (Réception à l’Académie.) » pp. 190-210

VIII, 22), dans laquelle l’aimable et ingénieux Romain recommande aussi l’indulgence comme tenant de près à la justice, et cite à l’appui un mot de Thraséas, de ce personnage à la fois le plus austère et le plus humain : Qui vitia odit, homines odit ; voulant faire entendre que c’est une pente trop aisée de passer de la haine des vices à celle des hommes.

2629. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

Une comédie politique, pénétrante et rapide, qui percerait çà et là des jours hardis, qui irait dénoncer la nature humaine dans ses duplicités fuyantes jusqu’au sein des plus nobles cœurs, ne ferait que son métier.

2630. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre II »

Cette affirmation ne me touche guère parce que j’ai la conscience de l’avoir plus aimé qu’aucun de ceux qui diront cela n’ont jamais aimé aucune créature humaine ; … mais, renfonçant toute sensibilité, j’ai pensé qu’il était utile pour l’histoire des lettres, de donner l’étude féroce de l’agonie et de la mort d’un mourant de la littérature… »16 Et, cette justification achevée, suit une des plus poignantes et douloureuses observations cliniques qui aient jamais été recueillies par un cerveau dressé à l’analyse et tout proche de l’être souffrant : Observation α.

2631. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre II. Rapports des fonctions des centres nerveux et des événements moraux » pp. 317-336

— Nous sommes arrivés ici au point de jonction du monde physique et du monde moral, c’est de là que partent les deux lignes opposées et indéfinies où chemine l’expérience humaine ; les deux convois ainsi formés avancent et s’écartent toujours davantage en se chargeant de plus en plus à chaque station.

2632. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre III. Trois ouvriers du classicisme »

Mais la raison cartésienne, c’est la raison humaine, une, égale et identique chez tous les hommes : et quiconque par conséquent voudra appliquer comme lui son esprit, pourra se promettre le même succès.

2633. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre IV. L’heure présente (1874) — Chapitre unique. La littérature qui se fait »

L’influence de son christianisme démocratique et philanthropique a été très grande chez nous, je veux dire dans notre littérature : au comte Tolstoï doit surtout se rapporter l’esprit nouveau, plus largement philosophique et plus profondément humain, que je signale plus bas dans nos romans et même sur notre théâtre. — Anna Karenine, 2 vol. in-18, 1871, tr. 1885 ; la Guerre et la Paix, 3 vol. in-8, 1872, trad. 1880 et 1885 ; Ma religion, 1885 ; les Cosaques, souvenirs de Sébastopol, 1887, 4 vol. ; la Puissance des ténèbres, drame, in-18, 1887 ; la Sonate à Kreutzer, 1 vol. in-18, 1890 ; Souvenirs, Hachette, in-12, 1887, etc. — A consulter : M. de Vogué, le Roman russe.

2634. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Alphonse Daudet  »

Au petit drame touchant se mêlent les jolis détails d’un paradis d’enfant de chœur, de petit clerc de la manécanterie de Saint-Nizier : « Mes yeux et mon cœur l’ont aussi reconnu, ce petit chérubin vêtu de mousseline, à ceinture d’azur, qui agite dans l’air, de toutes les forces de ses petits bras dodus et roses, une bannière à fleurs d’or aussi grande que lui ; c’est ma sœur, ma petite sœur Anna, que j’ai tant pleurée. » Surtout il y a dans ce rêve bien humain une tendresse profonde, un don de faire monter aux yeux de petites larmes chaudes, don précieux que M. 

2635. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les deux Tartuffe. » pp. 338-363

Heureusement le jargon de la dévotion a plus d’un rapport avec celui de l’amour humain.

2636. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

Saint-Georges de Bouhélier 1º L’Académie française me paraît, comme toute société humaine, comporter à la fois du bon et du pire.

2637. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Oscar Wilde à Paris » pp. 125-145

J’adore cette vie exaltée, ce coudoiement humain, cet échange furtif des regards, ce voisinage de la fièvre et des passions.

2638. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « La Religieuse de Toulouse, par M. Jules Janin. (2 vol. in-8º.) » pp. 103-120

Qu’on joigne à cela de bonnes œuvres, l’éducation gratuite des jeunes filles, l’instruction des calvinistes nouvelles converties, le soin des pauvres, et l’on aura quelque idée de cet institut habilement concerté, fait pour séduire, attrayant, et utile peut-être, mais empreint évidemment d’un reste d’orgueil humain, et même de coquetterie mondaine.

2639. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Les Gaietés champêtres, par M. Jules Janin. » pp. 23-39

La vie humaine, l’histoire, la nature, sont plus larges assurément qu’on ne les voit quand on s’accoutume à les regarder seulement à travers la fente d’un créneau ou par l’embrasure où fume la mèche d’un canon.

2640. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Ducis. » pp. 456-473

On a souvent raconté comment il échoua auprès de Ducis, qui refusa tout, le Sénat, la Légion d’honneur : Je suis, disait-il, catholique, poète, républicain et solitaire : voilà les éléments qui me composent, et qui ne peuvent s’arranger avec les hommes en société et avec les places… Il y a dans mon âme naturellement douce quelque chose d’indompté, qui brise avec fureur, et à leur seule idée, les chaînes misérables de nos institutions humaines.

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