Enfin des hommes qui honoraient de grandes places par de grandes lumières, tels que le cardinal d’Ossat et le président Brisson ; et ce Harlay, intrépide soutien des lois parmi les crimes79 ; et ce L’Hôpital, poète, jurisconsulte, législateur et grand homme, qui empêcha en France le fléau de l’inquisition, qui parlait d’humanité à Catherine de Médicis, et d’amour des peuples à Charles IX ; qui fut exclu du conseil, parce qu’il combattait l’injustice ; qui sacrifia sa dignité, parce qu’il ne pouvait plus être utile ; qui, à la Saint-Barthélemi, vit presque les poignards des assassins levés sur lui, et à qui d’autres satellites étant venus annoncer que la cour lui pardonnait : « Je ne croyais pas, dit-il d’un air calme, avoir rien fait dans ma vie qui méritât un pardon. » Voilà les noms les plus célèbres que l’on trouve dans les éloges de Sainte-Marthe.
Elle avait aussi d’une vraie précieuse non seulement l’horreur du mariage, mais encore, en dépit de l’air et du ton galant, le dédain de l’amour, et elle se faisait gloire d’être « incapable de tendresse ». […] Ce seront : α, l’orgueil de leurs édifices ; β, le luxe et la vanité de leurs ameublements ; γ, cet air d’opulence enfin au milieu duquel ils vivent. […] Une phrase donc sur les édifices, une phrase sur le luxe, une phrase sur l’air d’opulence. […] Il le sent, il le sait, il prévoit que nous en rabattrons ; et c’est pourquoi justement il a l’air quelquefois, mais l’air seulement, de frapper si fort. […] Et tandis que, dans le récit du conteur français, tout marche d’un tel air de facilité, de naturel, d’aisance, que d’affaires ici pour mettre l’anecdote en scène !
Règle générale : il y a un certain air de famille entre l’admiratrice et l’admiré. […] Avant la fièvre, je charmais les douleurs de mon bras en chantant vos charmants airs ; je me suis bien affligée dans ce moment de la médiocrité de ma voix ; j’aurais voulu pouvoir rendre toute la mélodie de cette délicieuse musique : mais elle est si parfaite que, malgré le défaut de mon expression, tout le monde en était charmé ; je la quittais pour vous lire. […] Veut-on causer, on ne trouve pas une idée dans cette tête, ou, dans d’autres moments, on en découvre une foule de si petites, si petites, qu’elles se perdent en l’air avant que d’arriver à votre oreille.
C’était aussi trop entreprendre que de vouloir vivre solitaire tout à la fois et occupé ; je n’aurais pu y résister sans mes chevaux qui me forçaient à prendre le grand air et à faire de l’exercice. […] J’y avais une fort belle vue, un air excellent et la solitude des champs. » Il s’y occupa trois ans de l’impression de toutes ses tragédies chez Didot, le prince des typographes français, et chez Beaumarchais, à Kehl, de l’impression de tous ses sonnets très peu dignes de Pétrarque, et d’une multitude de caprices d’auteur sans mérite et de traductions qu’il recueillait comme des reliques de lui-même à léguer in extenso à la très indifférente postérité. […] Cela fait, je mis le sceau sur ma lyre pour la rendre à qui de droit, avec une ode à la manière de Pindare que, pour me donner l’air un peu grec, j’intitulai : Teleutodia.
Les grands corps qu’il a si doctement étudiés se meuvent librement dans des espaces incommensurables, qui sont vides d’air, comme la machine ingénieuse de Boyle, et où rien ne gêne ni n’entrave leurs immuables et éternelles révolutions. […] L’histoire de l’homme considéré simplement comme animal est complète dans son ouvrage ; et, dans le nombre des animaux de l’ancien monde, il n’en est presque aucun, depuis le cétacé jusqu’à l’insecte, soit qu’il se meuve sur la terre, qu’il s’élève dans les airs, ou qu’il demeure enseveli sous les eaux, dont Aristote ne nous apprenne quelque particularité. […] Pour le miel, il tombe de l’air, principalement dans le temps du lever des constellations, et lorsque l’arc en ciel s’étend sur la terre.
Balzac écoutait d’un air attristé. […] … « “Non, maman, ce n’est pas pour fuir ma bonne vache enragée : j’aime ma vache ; mais quelqu’un près de vous vous dira que l’exercice et le grand air sont bien utiles à la santé de l’homme ! […] Allons, c’est comme si c’était fait ; vous avez beau prendre votre air sévère, on sait que vous êtes bonne au fond, et l’on ne vous craint qu’à demi !
« Ce fut alors que, d’un air confus et d’un ton embarrassé, il balbutia qu’il ne pouvait nier la vérité de mes paroles et la différence des concordats qu’on proposait à signer ; mais que le premier consul l’avait ainsi ordonné, et lui avait affirmé qu’on est maître de changer tant qu’on n’a point signé. […] « Je ne raconterai pas comment je passai cette nuit douloureuse, mais je ne puis taire à quel point s’accrurent mes angoisses lorsque, le matin, je vis entrer dans ma chambre le prélat Spina, avec un air triste et embarrassé, et que je l’entendis m’avouer que le théologien Caselli sortait de sa chambre, où il était venu lui annoncer qu’il avait réfléchi toute la nuit sur les conséquences incalculables de la rupture ; qu’elles seraient on ne peut plus fatales à la religion, et qu’une fois arrivées, elles devaient être irrémédiables, comme le prouvait l’exemple de l’Angleterre ; que, voyant le premier consul déclarer qu’il restait inébranlable sur le point de ne pas admettre de changement dans l’article controversé, il était déterminé, pour sa part, à y adhérer et à le signer tel quel ; qu’il ne croyait pas le dogme lésé, et qu’il pensait que les circonstances, les plus impérieuses qu’on ait pu voir, justifiaient la condescendance dont le pape userait dans ce cas. […] En n’en voyant que onze (le cardinal Fesch était à l’autel pour la fonction), ses yeux étincelèrent tellement et son visage prit un tel air de colère et de férocité, que ceux qui l’observaient présagèrent la ruine de tous les princes de l’Église n’assistant pas au mariage.
Il vient un certain jour où les résultats de la science se répandent dans l’air, si j’ose le dire, et forment le ton général de la littérature. […] Boileau a raison : donner l’air de la fable à de saintes vérités, c’est un péché. […] Les auteurs latins de la décadence, les tragédies de Sénèque, par exemple, ont souvent meilleur air, quand elles sont traduites en français, que les chefs-d’œuvre de la grande époque.
« Elle est cachée aux yeux des mortels, elle est inconnue aux oiseaux de l’air. […] « Est-ce à ton ordre que l’épervier s’élance dans les airs et qu’il étend ses ailes vers le midi ? […] Cette lecture laisse dans l’âme le long retentissement de l’airain sonore suspendu entre le ciel et la terre, sur lequel le marteau divin aurait frappé la gamme entière des grandeurs, des petitesses, des peines d’esprit, des misères de corps, des félicités, des tristesses, des espérances, des doutes, des murmures, des blasphèmes, des désespoirs, des consolations humaines, retentissement dont les vibrations, répandues dans l’air immobile longtemps après le coup, se confondent à jamais avec la respiration et avec la pensée.
Il est comme l’air ; il franchit, sans les connaître, toutes les limites politiques des peuples pour vivifier partout tout ce qui le respire. […] Ils délassent de la méchanceté par le charme, ils détendent l’esprit, comme un air de flûte au milieu d’un aigre concert d’instruments aigus. […] L’air, qui gémit du cri de l’horrible déesse, Va jusque dans Cîteaux réveiller la Mollesse ; C’est là que d’un dortoir elle a fait son séjour ; Les plaisirs nonchalants folâtrent à l’entour ; L’un pétrit dans un coin l’embonpoint des chanoines, L’autre broie en riant le vermillon des moines.
Et cet égoïsme morbide de vouloir se donner de grands airs. […] Instruisant le procès de l’attitude réaliste, André Breton, dans le Manifeste du surréalisme, constate : « L’attitude réaliste inspirée du positivisme de saint Thomas à Anatole France m’a bien l’air hostile à tout essor intellectuelbb. […] Si les premiers expérimentateurs du surréalisme dont le nombre est tout d’abord restreint se laissent aller à leur tour à cette exploitation littéraire, c’est qu’ils se savent capables d’abattre un jour les cartes et qu’ils éprouvent les premiers le grand charme issu des profondeurs. » Comme la beauté de toute cette page de Louis Aragon et sa lyrique intelligencebn aussi font mieux comprendre par opposition tout ce qu’il y a de louche dans l’opportunisme et ses malices, dans l’attitude du monsieur qui se donne des airs pour paraître savoir à quoi s’en tenir.
Hopkins, je ferai observer que tous les géologues, à l’exception du petit nombre de ceux qui croient voir dans les schistes métamorphiques le noyau primitif du globe en fusion, admettront probablement que ces mêmes roches doivent avoir subi une dénudation considérable, Car il n’est guère possible qu’elles se soient solidifiées et cristallisées à l’air libre ; mais, si l’action métamorphique s’est effectuée dans les profondeurs de l’Océan, le revêtement primitif peut n’avoir pas été très épais128. […] Je ne suppose pourtant pas que nous voyions ici les véritables degrés transitoires par lesquels l’aile de l’oiseau a dû passer pour se former137 ; mais je ne trouve aucune difficulté à admettre qu’il pourrait devenir avantageux aux descendants d’un Manchot quelconque, d’abord d’acquérir la faculté de battre l’eau, comme l’Anas brachyptera, et ensuite de s’élever à sa surface en se soutenant sur l’air seul138. […] De cette façon seulement on ne serait pas exposé à raisonner en vain et à conclure en l’air.
Il est peut-être fatal qu’il existe ainsi des songeurs modulant leur vagues tristesses et les élans de leur piété sans objet sur la harpe, au fond d’une cave, tandis que les Forts agissent combattent et se dépensent au grand air. […] Le ciel était si pur, l’air si léger, le soleil si paisible, le vent capricieux me flattait les joues avec tant de mansuétude ! […] Bientôt, j’émergeai entre les deux rochers et je connus la joie de m’épanouir à l’air libre. […] On boira du vin à la fuchsine ; on mangera du veau mal cuit ; au dessert, on chantera ses vertus sur l’air de l’hymne russe. […] Un bourdonnement immense monte des prés fauchés et vibre dans l’air brûlant ; on dirait que la bonne terre maternelle se réjouit d’avoir sacrifié sa toison de gramens et de folles avoines.
le misantrope par air est-il moins ridicule que le misantrope par principes ? […] Les prétentions déplacées & les faux airs font l’objet principal du comique bourgeois. […] Les anciens avoient soupçonné la pésanteur de l’air, Toricelli & Pascal l’ont démontrée. […] Les premieres sont comme l’air qui occupe un espace immense lorsqu’il est libre de s’étendre, & qui n’acquiert de la consistance qu’à mesure qu’il est pressé. […] La gravitation des corps, la végétation des plantes, l’instinct des animaux, les développemens du feu, l’action de l’air, &c.
On rencontre à chaque pas des soldats qui marchent d’un air rébarbatif ; les hommes de police remplissent les rues et demandent à chaque instant où l’on va, ce que l’on fait et ce que l’on est. […] … Il n’y a pas à dire, ces gens-là avaient bon air, du courage, de la tenue ; ils n’assourdissaient pas tout un siècle de leurs cris et de leurs gémissements. […] De courts récitatifs dialogués relient les fragments lyriques, j’allais dire les airs, que chante successivement l’une ou l’autre des trois interlocutrices. […] Les airs sont en versets, spécialité claudelienne, ainsi que vous ne l’ignorez point. […] J’adore, quant à moi, cette libre allure de l’esprit qui domine son sujet : par comparaison, dans l’autre école, et malgré les dons les plus magnifiques, on a toujours l’air un peu serf.
Vive la philosophie pour connaître l’air du bureau et se prêter aux circonstances ! […] Ne donnent-elles pas à la critique la plus raisonnable l’air d’une injuste satire ? […] Lanoue, dit-il, a assez l’air d’un lettré chinois, ou plutôt d’un magot ; c’est bien dommage qu’il ne soit pas cocu. […] Il faut donner aux crimes tragiques un air de grandeur ; dès qu’on en montre toute la bassesse et la turpitude, ils sont indignes de la scène. […] Cette confidente, qui vole, ensanglantée parmi les combattants, et qui interroge la foule épouvantée, a bien l’air tic ces gens qui, n’ayant pas même osé regarder le combat, exaltent leur audace et leurs exploits avec une emphase burlesque.
Si clair Leur incarnat léger qu’il voltige dans l’air Assoupi de sommeils touffus. […] L’image mystique se donne l’air de pénétrer un mystère au moment même où elle ne fait qu’en établir un nouveau, — le troisième homme du Stagyrite. […] Cet idéalisme qui entoure la poésie de Mallarmé d’un air supérieur et raréfié, qui fait à la fois son échec et sa hauteur, formule de ses sacrifices autant que somme de sa richesse, par-delà le symbole qui le dessine, abordons-le maintenant nu. […] St clair Leur incarnat léger qu’il voltige dans l’air Assoupi de sommeils touffus. […] D’arbres la « croissance visible s’accompagne malgré l’air immobile d’une plainte de violon qui à l’extrémité frissonne en feuilles133 ».
Voici l’heure où le pré, les arbres et les fleurs Dans l’air dolent et doux soupirent leurs odeurs, Les baies du lierre obscur où l’ombre se recueille, Sentant venir le soir, se couchent dans leurs feuilles. […] Sorti du plus profond des parcs arborescents, Le Printemps est déjà dans l’air comme un encens. […] Mais y joindre sa profession de foi métaphysique, c’est fausser sa nature : Les oiseaux alternés comme un chœur de pipeaux, L’eau dans l’herbe, le ciel mat et bleu, le repos Des bons après-midi qu’un peu d’ombre tamise, T’apprendront qu’il n’est point d’autre terre promise Que celle où ta jeunesse aimable sent sa chair Encensée au contact des feuilles et de l’air. […] … Elles gardent une âme éclatante et sonore Où le rêve s’émousse, où l’amour s’abolit, Et ressentent, dans l’air affranchi de l’aurore, Le mépris du baiser et le dédain du lit. […] Pourtant les froideurs de la virginité s’accordent mal avec l’air embaumé que l’on respire sous le ciel hellénique, avec les enchantements des nuits mityléniennes, et ce serait par trop méconnaître les gracieux enseignements de la poétesse Psappha que s’en tenir au seul exemple des Amazones.
J’ai laissé passer cela sans rien dire, mais je l’en ai mieux aimé. » Il était donc bonhomme, et pris un peu sur ce pied-là ; il ne l’était pourtant pas au point de ne passe servir quelquefois de son air de bonhomie pour se faire plus agréable, plus coulant, et pour mieux s’accommoder au monde où il se trouvait lancé. […] Quelqu’un qui l’a connu me le dépeint ainsi : il était court de taille, assez gros, brun, l’air doux et affectueux ; bon, enjoué, sans ironie : on sentait en lui sa race italienne.
En attendant, on le mit en nourrice au village de Plancoët ; il s’attacha fort à sa bonne nourrice, la Villeneuve, qui seule le préférait ; il s’attacha d’une amitié bien délicate, en grandissant, à la quatrième de ses sœurs, négligée comme lui, rêveuse et souffrante, et qu’il nous peint d’abord l’air malheureux, maigre, trop grande pour son âge, attitude timide, robe disproportionnée, avec un collier de fer garni de velours brun au cou, et une toque d’étoffe noire sur la tête. […] » Et cela n’empêche pas cependant, tant la nature de l’homme est mobile et associe les contraires, de sourire gaiement à quelque réveil de mai, de sortir par la petite porte de son parc avec une fleur encore humide de rosée, de sourire d’un air de fête au passant qu’on aimerait éviter peut-être, au jeune homme qui rougit et salue, et dont cette rencontre va enflammer la journée.
Excellent homme, empressé, exalté, un de ceux que la Révolution saisit du premier coup et enleva dans les airs comme des cerfs-volants, jusque-là d’une grande utilité domestique, l’idéal du famulus, il voulut plus tard agir et penser par lui-même et perdit la tête dans la mêlée, — c’est l’esprit que je veux dire ; car Marat, pour comble d’injure, Marat, son ex-confrère en médecine et qui l’avait apprécié sans haine, le fit rayer de la liste fatale, comme simple d’esprit81. […] Sous son air modeste, on apercevait son rayonnement et sa joie d’être ainsi active aux choses publiques.
La tête haute et un peu chauve, le front vaste, les tempes découvertes, l’œil en feu ou humide d’une grosse larme, le cou nu et, comme il l’a dit, débraillé, le dos bon et rond, les bras tendus vers l’avenir ; mélange de grandeur et de trivialité, d’emphase et de naturel, d’emportement fougueux et d’humaine sympathie ; tel qu’il était, et non tel que l’avaient gâté Falconet et Vanloo, je me le figure dans le mouvement théorique du siècle, précédant dignement ces hommes d’action qui ont avec lui un air de famille, ces chefs d’un ascendant sans morgue, d’un héroïsme souillé d’impur, glorieux malgré leurs vices, gigantesques dans la mêlée, au fond meilleurs que leur vie : Mirabeau, Danton, Kléber. […] Seulement, cette vie de la nature et des êtres, il la laissait volontiers obscure, flottante et en quelque sorte diffuse hors de lui, recelée au sein des germes, circulant dans les courants de l’air, ondoyant sur les cimes des forêts, s’exhalant avec les bouffées des brises ; il ne la rassemblait pas vers un centre, il ne l’idéalisait pas dans l’exemplaire radieux d’une Providence ordonnatrice et vigilante.
Gardez donc de donner, ainsi que dans Clélie, L’air ni l’esprit français à l’antique Italie, Et sous des noms romains faisant notre portrait Peindre Caton galant et Brutus dameret. […] Cette petite main de femme n’a-t-elle pas l’air d’avoir été barbouillée par un peintre d’enseignes ?
Nous pourrons recréer le drame en vers, la plus belle forme d’art, certes ; interpréter avec l’âme actuelle les mythes dans le poème ; et dire sans malice les airs anciens et toujours neufs dans la chanson. […] et vivre c’est respirer l’air du ciel et non l’haleine de notre voisin, ce voisin fût-il un dieu !
Le premier poëme qu’il publia, les Larmes de saint Pierre, est imité du Tansille, poëte italien ; toutefois, quelques passages d’un goût vigoureux des expressions fortes et précises, du nombre, je ne sais quel grand air que n’avait pas encore eu la poésie jusque-là, annonçait l’auteur de ces belles odes, les premiers modèles de la haute poésie. […] Cette gravité qui n’a rien de triste, cette majesté sans affectation, ce grand air que tempère la grâce, sont d’un poëte qui n’a prétendu régler que la méthode de communiquer nos pensées par le langage, mais qui ne s’arroge aucun droit sur la liberté de notre esprit.
Dès qu’on se sent poussé par des gens qui veulent prendre les devants, le devoir est de se reculer, d’un air qui signifie : « Passez, monsieur. » Mais il est clair que celui qui tiendrait à cette prescription en omnibus, par exemple, serait victime de sa déférence ; je crois même qu’il manquerait aux règlements. […] Il me serait impossible de manquer d’égards envers un chien, de le traiter rudement et avec un air d’autorité.
Mon grand Rêve à mi-voix montait en l’air astral Voilé par le midi de ma déserte sieste, Quand il vint, ce Wagner ! […] Une page de Mozart avec ses contours fins et délicats, son dessin pur, élégant, sa large ordonnance, qui donne comme l’illusion de l’air et de la lumière, ressemble aussi peu que possible à une page de Wagner, où la rencontre des lignes, la singularité des profils, la disposition tourmentée, semblent plus faites pour traduire le chaos et la nuit.
De l’atmosphère salubre de la science il nous a transportés dans une salle de spectacle où l’air est brûlé par le gaz. […] Chaque fois que Salammbô paraît, dans l’orgie des mercenaires, pendant ses conférences avec le prêtre-eunuque, sous la tente de Mâtho, sur la terrasse d’où elle contemple le supplice et l’agonie du malheureux qui l’a pressée dans ses bras, on peut répéter ces paroles que l’auteur lui-même applique à un des tableaux de son livre : « Une lasciveté mystique circulait dans l’air pesant. » Si l’héroïne de M.
l’air se hérisse de lances agitées. » — Ces plaintes perçantes descendent sur la ville, elles la troublent et la découragent, l’armée elle-même en a tressailli. […] Une sculpture étrusque donne à cette descente un air d’apothéose souterraine.
« Notre mémoire psychologique ignore le nombre des marches, notre mémoire organique le connaît à sa manière, ainsi que la division en étages, la distribution des paliers et d’autres détails : elle ne s’y trompe pas. » Pour la mémoire organique, ces séries bien définies sont « les analogues d’une phrase, d’un couplet de vers, d’un air musical pour la mémoire psychologique ». […] Richet hypnotise une femme et lui dit : « Quand vous serez réveillée, vous prendrez ce livre qui est sur la table et vous le remettrez dans ma bibliothèque. » Une fois réveillée, la femme se frotte les yeux, regarde autour d’elle d’un air étonné, met son chapeau pour sortir, puis, avant de sortir, jette un coup d’œil sur la table : elle voit le livre en question, le prend, lit le titre : « Tiens, vous lisez Montaigne.
» 9 juin Rue du Bac, au fond de deux ou trois cours, un vaste logis, retiré, tranquille, placide, avec de l’air, des coins de verdure, un grand morceau de ciel. […] 16 juillet Après avoir lu du Poë, la révélation de quelque chose dont la critique n’a point l’air de se douter.
Une fantastique personne que cette miss Charlotte, passant automatiquement dans le paysage, ombragée de son chapeau de paille brun en forme de tourtière, tenant dans la paume d’une main levée en l’air, une toute petite cage garnie de ouate, sur laquelle trébuche un oisillon aux ailes coupées, suivie à trois pas, par un de ces petits chiens ratiers, auquel Landseer fait agacer un perroquet. […] Et la parole, et l’attaque, et la riposte soudaine, par des voix comme grisées, et que semble applaudir, à la cantonade, la batterie sonnant creux des marteaux sur les futailles vides… Sous le hangar aux vieilles poutres, couleur de glaise, là, près des tonneaux rangés en ligne sur un plan incliné, en un air enivré de l’odeur du raisin qui fermente, et dans lequel roulent, les ailes lourdes, des mouches à miel, au milieu du murmure du vin qui coule, goutte à goutte, faisant dans les rigoles de la chanlatte, un ruisseau rouge, sur lequel surnage une mousse rose et comme fouettée, dans le bruit mat de la verrée, tombant d’un coup, toutes les quatre ou cinq secondes, contre le bois du baquet, et scandant le temps comme un hoquet d’ivrogne, parmi le glouglou incessant des cannelles de bois, au bout desquelles pend toujours une goutte, où le soleil met la pourpre d’un rubis ; près de ce raisin foulé qui sera du vin un jour, — la pensée fermente et bout, et le crayon à la main, j’y foule mon livre.
Il n’y a plus sur les jeunes figures, cet éveil, cet air un peu fou, un peu casseur, mais qui se faisait pardonner par l’inoffensivité, et comme par le restant d’une joyeuse et remuante enfance. […] Aujourd’hui, le lendemain de la mise en vente du Nabab, aujourd’hui, où il est déjà parti onze mille exemplaires de son livre, Daudet entre chez Charpentier, d’un petit pas rétracté, avec des gestes de constriction, et un air soucieux, sur lequel l’amabilité est un effort.
Ces êtres, nos acteurs, étaient tous des esprits ; ils se sont fondus en air, en air subtil… ; pareils à l’édifice sans base de cette vision, les tours coiffées de nuages, les palais somptueux, les temples solennels, ce grand globe lui-même et tout ce qu’il contient se dissoudront un jour, et, comme s’est dissipée cette insubstantielle fantasmagorie, ils s’évanouiront sans même laisser derrière eux un flocon de vapeur.
Il fit encore deux ou trois tours dans l’appartement, en sifflant un air de la Norma ; puis, se posant devant moi : Par hasard, me dit-il, avez-vous vu sortir, des magasins d’Érard, quelque beau piano tout neuf, chef-d’œuvre sonore de l’habile facteur ? […] — Il se mit au travail tout de suite, et il appela à son aide tous les comédiens dont il plaidait la cause : Brécourt, La Grange, Ducroisy, et ces belles comédiennes dont on répète encore les grâces et les amours : mademoiselle du Parc, mademoiselle de Brie, la Béjart, spirituel débris d’une beauté qui se défend encore, et surtout mademoiselle Molière, sa femme, si pleine d’adorables caprices et de charmantes bouderies, et qui avait un si grand air !
Semblable à une statue ailée qui délaisserait son piédestal inutile et s’élèverait dans les airs pour aller puiser dans l’atmosphère une vie nouvelle et supérieure, l’image de la sensation a rompu sans violence avec ses origines matérielles ; appelée par une destinée plus noble, elle s’est tournée vers les régions supérieures de l’être ; désormais elle existe et se maintient, sinon pour et par elle-même, du moins pour et par la seule pensée ; et elle vit alors d’une vie si intense qu’elle peut même, — l’étude du sommeil le montrerait, — être dissociée d’avec la pensée sans subir pour cela un anéantissement passager, comme si l’être ailé, ayant dépassé les limites de l’atmosphère, volait encore d’un vol automatique, soutenu par son impulsion première. […] En effet, si nous considérons d’abord les habitudes élémentaires qui la composent, nous trouvons chacune d’elles parfaite en soi ; car elle passe à l’acte par intervalles, au moment même où sa réalisation est devenue un besoin de l’esprit ; son acte est toujours complet, sans lacune : un mot commencé n’est jamais interrompu avant la fin, ni simplifié par l’omission d’une syllabe médiane ; enfin cet acte est doué d’une intensité de conscience et d’une durée à peu près inaltérables ; — si maintenant nous envisageons ces différents actes dans leur succession, c’est-à-dire l’habitude totale, nous voyons qu’elle possède, avec toutes les qualités de ses composants, devenues siennes puisqu’ils la composent, une qualité que ceux-ci ne sauraient avoir : elle est souple, elle se plie de mille manières aux besoins incessamment variés de la pensée ; tandis que chaque mot est un tout indissoluble, les syllabes étant rivées les unes aux autres par ce lien de fer que Stuart Mill a appelé l’association inséparable, l’ordre des mots, au contraire, n’a rien de fixe ; sans doute ils s’appellent les uns les autres, mais non d’une manière inéluctable ; bien loin d’être réduite, comme une mendiante en haillons, à chanter toujours le même air, l’âme est un improvisateur infatigable ; avec des matériaux toujours les mêmes, elle construit incessamment des composés nouveaux.
Chambre murée, étroite place, Quelque peu d’air pour toute grâce, Jours sans soleil, Nuits sans sommeil. […] Il est délicieux, cet escarbot, quand il prie l’aigle, le redoutable roi des airs, d’épargner le pauvre Jean Lapin.
Le mulet a un certain air peut-être trompeur mais un certain air de fatuité et d’impertinence.
Elle avait les yeux bleu vif d’un chef d’armée, un air de commandement et de décision que tempéraient l’humilité acquise et la finesse naturelle de la femme. […] L’héroïne, ce serait l’une des ouvrières les plus artistes de la mode parisienne, non l’une quelconque, mais celle-ci, qui avait les yeux couleur d’eau de mer, un air d’aristocrate, un sourire si facile et si vite retenu.
Et toi même, brisant la barrière limpide des airs, t’en vas-tu vers l’immortel asile ? […] Les tours, dont la hauteur défiait les airs, ont cédé sous leur propre poids.
Tous les détails de cette soirée, la présentation de Bénédict aux orgueilleux parents de Valentine, l’invitation à la danse, l’embarras du baiser, l’aisance de bel air de M. de Lansac, fiancé de Valentine, tout cela est délicieusement conduit ; et le départ ensuite, le retour, la manière dont Valentine s’égare, la rencontre des deux jeunes gens près des buissons fleuris de l’Indre ; cette voix limpide et nerveuse de Bénédict, qui le précède et l’annonce, et dont Valentine a de loin admiré le chant ; cette arrivée à la ferme par les jardins de derrière et à travers les haies, leurs deux haleines se confondant au passage dans les fleurs ; cette visite nocturne de Valentine à Louise, à sa sœur aînée, si longtemps perdue, si merveilleusement retrouvée, et qu’une faute amère, déjà bien ancienne, avait bannie d’un lieu qu’elle a voulu revoir ; — oui, tout, jusqu’à cette façon naturelle et rusée d’éconduire M. de Lansac, tout, dans cette première partie du récit, captive, enchante et satisfait.
Il y a de ces organisations élancées et gracieuses qui ressemblent à un peuplier : on a dit de cet arbre qu’il a toujours l’air jeune, même quand il est vieux.
Hugo ne ressemble à aucun autre : à son air de prétention et d’apparat, on croirait voir une sorte de miles gloriosus, un vrai Bayard de tragédie.
Il souffre d’avoir à déclarer l’enfant à la mairie ; il trouve aux employés des airs d’inquisiteurs( !).
À l’époque où la bourgeoisie était la plus acharnée contre les grèves, il écrit le Forgeron ; au moment où les grands mots de régénération et de revanche voltigeaient dans l’air, il fait réciter à l’Odéon Fais ce que dois.
Quand il dînait chez eux, il les scandalisait fort en ne s’astreignant pas aux ablutions d’usage. « Donnez l’aumône, disait-il, et tout pour vous deviendra pur 932. » Ce qui blessait au plus haut degré son tact délicat, c’était l’air d’assurance que les pharisiens portaient dans les choses religieuses, leur dévotion mesquine, qui aboutissait à une vaine recherche de préséances et de titres, nullement à l’amélioration des cœurs.
— Ce sera de même, en recourant à îles procédés usités déjà, mais dont l’insuffisance, s’ils demeurent isolés, a été montrée plus haut, que l’on résumera des analyses psychologiques, l’image îles êtres vivants qui y auront été disséqués Le critique concevra que le mécanisme mental exsangue et incolore, qu’il aura lentement et pièce par pièce déduit des données esthétiques, n’est point une entité idéale, une force flottante et sans point d’application, mais qu’animé, existant, nourri d’un sang pourpre, concentré en des cellules sans cesse vibrantes et rénovées, il se situe en un encéphale particulier, un système nerveux, un corps, un être humain, qui fut debout, marchant et agissant dans notre air, sur notre terre.
L’arrivée de Perrin Dandin lui donne un air plus vrai que celui de la justice, qui est un personnage allégorique.
Ce point acquis, comment donc s’y prendre pour donner à la fiction l’air de la vérité, pour rendre vivante une description dont on n’a pas le modèle ?
… Il y avait naturellement, en Mme Swetchine, bien avant que le Catholicisme la prît pour lui baptiser le cerveau dans sa nappe de lumière, il y avait dans cette tête, au visage un peu kalmouck, une régularité de raison qui démentait l’angle facial, et dans l’imagination de cette Russe, quelque chose de doux et de savoureusement sage que n’ont pas d’ordinaire ses compatriotes, l’opposé de leurs neiges, dont J. de Maistre nous a dit : « Qu’ils feraient sauter en l’air les citadelles, si on les bâtissait sur leurs désirs !
Ce résultat exquis et charmant de tant de siècles de christianisme et de monarchie, la société française, a toujours eu de bien autres proportions que les antichambres de Marly en 1662, ou, en 1789, les salons politiques et bourgeois qu’Edmond et Jules de Goncourt nous font traverser… Malheureusement, ces proportions, qu’il fallait chercher, voir et décrire, leur lorgnon parisien, transparent comme le cataplasme de la pauvre mule de Bartholo, n’a pas même l’air de s’en douter.
Avec son air de victime, l’élégiaque Sophie-Dorothée est peut-être plus étonnante, plus ténébreusement profonde encore !
Valfrey, qui sent à plein nez l’air du bureau ministériel, a l’importance dans le ton qui doit le faire accepter sur le pied d’un privilégié, possédant une érudition spéciale, — l’érudition des choses d’État, — érudition mystérieuse, presque hiératique, car, si enragé d’érudition qu’on veuille être, tout le monde n’a pas la clé du bureau où tous ces renseignements se puisent… Il n’y a que des favorisés qui pénètrent, par grâce, dans les arcanes des correspondances secrètes ; et quoique Valfrey n’ait presque rien rapporté de ces cartons, dans lesquels on l’a autorisé à pratiquer ses petites fouilles, il a l’avantage d’en revenir, et il en revient, pour y retourner !
L’artiste de l’esprit et de la main s’était vingt fois, cent fois, attesté dans cette revue, dont le caractère est l’universalité des notions dans la perfection du détail ; mais pour l’architecture, pour celui qui jette la pierre ou le marbre dans les airs et l’y fait rester, à l’étonnement et à l’admiration éternelle des hommes l’artiste pratique, l’artiste réalisateur, n’avait pas encore répondu à ceux-là qui, sans idées générales dans la tête, reprochaient presque à Daly les fortes spéculations de sa pensée.
cet homme, qui a passé toute une vie haletante et balancée entre deux condamnations à mort, comme le pendu, qu’il faillit bien être, au bout de sa corde dans les airs, est revenu deux fois à cette forme de testament fatale pour sa pensée, et antithèse que l’on comprend très bien de la part de ce hors-la-loi, de ce communiste du xve siècle, mi-parti de mendiant un peu trop brusque et de voleur un peu trop gai.
Et il n’a pas même l’air de se douter qu’il est des raisons pour admettre l’emploi de tel procédé ou de telle manière, en dehors de toute tradition, que tout artiste trouve au fond de sa capacité esthétique et qui en marque même la profondeur.
que de monter au bûcher tous les jours de sa vie ; — comme la femme, la vraie femme, aux passions et aux qualités de la femme, la Ménagère sublime qui fit vingt ans le ménage de la Russie, était aussi dans Catherine, et, malgré ses airs parfois hommasses, n’en bougea jamais !
Avec ce débutant, resté débutant, il ne se permettait pas ces airs protecteurs dont la grâce adoucissait l’impertinence et qu’il eut avec tant de jeunes gens dont il immortalisa la médiocrité.
On a toujours l’air de lui dire : « Tu prêches pour ton saint et pour l’autel dont tu vis ; laisse-nous tranquille !
De tous les professeurs de cette époque qui ont brillé en dehors de leur enseignement, c’est un de ceux que je place le plus haut… On a beaucoup vanté About, qui a les mauvaises qualités françaises sans en avoir les bonnes, — qui est un esprit sans profondeur, sans consistance, sans élévation ; qui se donne des airs de Voltaire, mais qui n’en a pas les grâces.
Le ton de ce monde qui énerverait le talent, l’âme et la plus forte pensée, ce ton qu’à son époque on appelait le bel air, était odieux à son esprit comme un ennemi personnel : « Je ne le peux souffrir », écrit-elle.
Sa réputation de chansonnier ne trouble pas mon puritanisme ; car j’aime et j’ai toujours aimé les chansonniers et je n’ai pas d’airs protecteurs à prendre avec eux.
Elle y est représentée les yeux en l’air, pâmés sous un front sans sourcils, la bouche ouverte (chantant probablement), et il est impossible d’être moins que dans ce portrait la Sophie Arnould que l’imagination se figure.
Mais rassurons-nous et rassurons-le : c’est un phénomène sans aucun air de phénomène, Dieu merci !
Avec ce débutant, resté débutant, il ne se permettait pas ces airs protecteurs dont la grâce adoucissait l’impertinence et qu’il eut avec tant de jeunes gens dont il immortalisa la médiocrité.
Cette Héloïse n’a pas même l’air de savoir l’horrible attentat dont son très peu platonique amant a été victime.
sera un sujet de jolies plaisanteries impertinentes pour ce grand seigneur en fait de grands noms, qui prendra des airs de marquis avec le pauvre Labre et ne lui dira peut-être pas : « Tarte à la crème !
Les tranquilles libres penseurs de ce temps, assis massivement dans leur lourde incrédulité, se donneront peut-être les airs de le mépriser, cet épileptique du désespoir, comme un lâche et comme un malade.
Gustave D’Alaux20 I L’Histoire a quelquefois l’air de mystifier ceux qui la lisent.
Je ne crois pas que depuis que la sagesse d’un temps profondément matérialiste, et qui, par-dessus le marché, se donne les grands airs d’être athée, a supprimé d’un trait cette capucinade de l’enfer chrétien qui fut la terreur de tout le Moyen Âge, il y ait dans la conscience humaine une idée plus féconde en terreur, une idée pareille à celle d’être enterré vivant !
Elle était même mieux que celtique, quoiqu’elle le fût, mieux qu’autochtone, mieux que la respiration, dans l’air ambiant, de toute une race.
Comparez seulement les vivants, si violemment vivants et vrais, des Contes drôlatiques, aux pâles et exsangues momies habillées du Capitaine Fracasse, lesquelles font l’amour du même air, du même ton, avec la même phrase qu’elles se plaisantent ou qu’elles se battent, le long de ce fatigant roman, sans que l’auteur lui-même se départe un moment de l’emphase suspecte de son récit, dans laquelle le plaisant et le sérieux se confondent au point qu’on ne sait plus si l’auteur est réellement un romancier sincère, qui croit à ses héros et qui les aime, ou un humouriste en pointe d’ironie, qui se moque également de ses personnages et de son lecteur !
Les grâces dans le même temps avaient, au rapport des anciens, embelli l’esprit, le caractère et l’âme de Socrate ; il allait quelquefois les étudier chez Aspasie : il en inspirait le goût aux artistes, il les enseignait à ses disciples, et probablement Xénophon et Platon les reçurent de lui ; mais Platon, né avec une imagination vaste, leur donna un caractère plus élevé, et associa pour ainsi dire à leur simplicité un air de grandeur ; Xénophon leur laissa cette douceur et cette élégante pureté de la nature qui enchante sans le savoir, qui fait que la grâce glisse légèrement sur les objets et les éclaire comme d’un demi-jour ; qui fait que peut-être on ne la sent pas, on ne la voit pas d’abord, mais qu’elle gagne peu à peu, s’empare de l’âme par degrés et y laisse à la fin le plus doux des sentiments : à peu près comme ces amitiés qui n’ont d’abord rien de tumultueux, ni de vif, mais qui, sans agitation et sans secousses, pénètrent l’âme, offrent plus l’image du bonheur que d’une passion, et dont le charme insensible augmente à mesure qu’on s’y habitue.
La morale même qui est le principal mérite de l’ouvrage, y paraît rétrécie ; quelquefois elle a plus l’air de la finesse que de la grandeur ; d’autres fois elle couvre et éclipse le sujet.
Le 13 thermidor, quatre jours après le supplice de Robespierre, lorsque chacun allait et venait dans Paris sans savoir où, mais comme pour respirer un air plus libre, Étienne fit une promenade aux Champs-Élysées avec son père. […] Bien plus, malgré le gonflement d’une de ses joues qui le défigurait, et quoique son regard eût quelque chose d’un peu dur, dans l’ensemble de sa personne régnait un certain air d’homme de bonne compagnie que peu de gens avaient conservé depuis les années orageuses de la révolution. […] L’effet de la présence de Mme de Noailles à l’atelier des Horaces fut donc de renouveler immédiatement cet air épais, combiné de silence et d’ennui, qui y avait régné jusque-là. […] La plaintive MALVINA, touchant sur sa harpe des airs douloureux et adressant un regard triste et plein de larmes au barde aveugle qui n’en jouira pas, vous a-t-elle jamais intéressé à ses malheurs ? […] C’était Granet, qui a produit tant de bons ouvrages et dont le nom est resté célèbre ; Granet, qui avait alors le même air bon et fin que nous lui avons connu.
Il faut être un penseur pour être un écrivain, cela a un air tout à fait platonicien ; et ce n’est pas une petite parole que cet apprenez à penser. […] Il consiste, dans tous les genres, à n’être ni guindé, ni prétentieux, ni emphatique, ni faiseur d’esprit, mais à être soi-même ; car chacun, pris en son air, est agréable , plus agréable au moins que dans l’air d’un autre. — Conseils de sagesse vulgaire, et sans profondeurs vertigineuses, oh ! […] Au fait, c’est bien un provincialisme en effet ; c’est l’air d’un homme qui est de son pays et qui n’a pas voyagé. […] Il y a bien longtemps qu’on n’a fait de la critique de si grande allure et de si grand air. […] Il savait admirablement pardonner, jusqu’à une espèce de prodigalité encore, que j’ai jugée quelquefois excessive, mais qui, j’en conviens, était de grand air et sentait son bon gentilhomme.
Chez lui les paradoxes sont posés en principe ; le bon sens prend la forme de l’absurde : on est comme transporté dans un monde inconnu dont les habitants marchent la tête en bas, les pieds en l’air, en habits d’arlequins, de grands seigneurs et de maniaques, avec des contorsions, des soubresauts et des cris ; on est étourdi douloureusement de ces sons excessifs et discordants ; on a envie de se boucher les oreilles, on a mal à la tête, on est obligé de déchiffrer une nouvelle langue. […] Sur la houle sauvage du chaos, dans l’air de plomb, il n’y a que des flamboiements brusques d’éclairs révolutionnaires ; puis rien que les ténèbres, avec les phosphorescences de la philanthropie, ce vain météore ; çà et là un luminaire ecclésiastique qui se balance encore, suspendu à ses vieilles attaches vacillantes, prétendant être encore une lune ou un soleil, — quoique visiblement ce ne soit plus qu’une lanterne chinoise, composée surtout de papier, avec un bout de chandelle qui meurt mal-proprement dans son cœur. » Figurez-vous un volume, vingt volumes composés de tableaux pareils, reliés par des exclamations et des apostrophes ; l’histoire même, son Histoire de la Révolution française, ressemble à un délire. […] Il veut être raffiné et original tout à son aise ; il est chez lui dans son livre et portes closes ; il se met en pantoufles, en robe de chambre, bien souvent les pieds en l’air, parfois sans chemise. […] Nous y glapissons, nous piaulons dans nos disputes et nos aigres récriminations de hiboux criards ; nous passons sinistres, et faibles, et craintifs, ou bien nous hurlons et nous nous démenons dans notre folle danse des morts, jusqu’à ce que l’odeur de l’air du matin nous rappelle à notre demeure silencieuse et que la nuit pleine de songes s’éveille et devienne le jour1431. » Qu’y-a-t-il donc au-dessous de toutes ces vaines apparences ? […] Over the wild-surging cahos, in the leaden air, are only sudden glares of revolutionary lightning ; then mere darkness with philanthropistic phosphorescences, empty meteoric lights ; here and there an ecclesiastical luminary still hovering, hanging on to its old quaking fixtures, pretending still to be a moon or sun, though visibly it is but a chinese lantern made of paper mainly with candle-end foully dying in the heart of it.
Comme l’on voit les étourneaux Tournoyant aux rives des eaux, Lorsque la première froidure Commence à ternir la verdure, Leur nombre, qui surprend les yeux, Noircit l’air et couvre les cieux ; Tels, ou plus épais, ce me semble, Se pressant, cheminoient ensemble Tous les Amours de l’Univers. […] C’est, sous trois noms, la même « Iris en l’air. » Cette négligence du peu à peu qu’il prend pour un excès de feu poétique, c’est la facilité de Ronsard ; ce soin d’éviter la cacophonie, c’est le purisme. […] On sait par cœur les vers charmants où il se moque de toutes ces galanteries de tête, le lieu commun universel de la poésie d’alors : Faudra-t-il, de sang-froid et sans être amoureux, Pour quelque Iris en l’air faire le langoureux, Lui prodiguer les noms de Soleil et d’Aurore, Et, toujours bien mangeant, mourir par métaphore ? […] Il faut qu’on sente, à un certain air de sérieux et de grandeur, que l’homme qui les a conçues a en besoin de quelque langage plus grand que l’humain. […] Faudra-t-il de sang-froid, et sans être amoureux, Pour quelque Iris en l’air faire le langoureux, Lui prodiguer les noms de Soleil et d’Aurore, Et, toujours bien mangeant, mourir par métaphore ?
L’intelligence, telle que Kant nous la représente, baigne dans une atmosphère de spatialité à laquelle elle est aussi inséparablement unie que le corps vivant à l’air qu’il respire. […] Nos unités de mesure sont conventionnelles et, si l’on peut parler ainsi, étrangères aux intentions de la nature : comment supposer que celle-ci ait rapporté toutes les modalités de la chaleur aux dilatations d’une même masse de mercure ou aux changements de pression d’une même masse d’air maintenue à un volume constant ? […] Mettez dans n’importe quelle posture une de ces petites poupées de liège dont les pieds sont en plomb, couchez-la sur le dos, renversez-la sur la tête, lancez-la en l’air ; elle se remettra toujours debout, automatiquement. […] Elle notait l’absence d’un certain ordre, mais au profit d’un autre (dont on n’avait pas à s’occuper) ; seulement, comme elle s’applique à chacun des deux tour à tour, et même qu’elle va et vient sans cesse entre les deux, nous la prendrons en route, ou plutôt en l’air, comme le volant entre les deux raquettes, et nous la traiterons comme si elle représentait, non plus l’absence de l’un ou de l’autre ordre indifféremment, mais l’absence des deux ensemble, — chose qui n’est ni perçue ni conçue, simple entité verbale. […] La vapeur lancée en l’air se condense presque tout entière en gouttelettes qui retombent, et cette condensation et cette chute représentent simplement la perte de quelque chose, une interruption, un déficit.
Or, l’intervention personnelle d’un conteur dans ses récits donne à ces récits éternellement l’air de préfaces. […] Peut-être même arrange-t-il un peu trop les choses et donne-t-il quelquefois à la vérité l’air d’une aimable fiction ? […] C’est là qu’il faut aller se former, se retremper, se renouveler et se rajeunir, sans étoiles, sous prétexte « qu’il n’y a pas association dans notre esprit entre air et étoiles j’aurais fidèlement écrit : l’air sans étoiles. […] Le sermon et le speech laïque furent toujours à la mode dans ce pays de discussion en plein air. […] Jules Lemaître lisait admirablement et avait toujours l’air d’improviser.
Voilà donc tous les sages de ces derniers temps, et le grave philosophe de Kœnigsberg lui-même, qui ont pris quelques saillies de l’imagination brillante de Voltaire pour les vérités les plus profondes, et qui nous répètent de l’air le plus sérieux, et avec la morgue la plus doctorale : Ô le lion temps que ce siècle de fer ! […] Mais, pour accréditer un paradoxe, il faut du moins lui donner quelque faux air de vérité. […] Que dirait-on d’un voyageur qui, rapportant des forêts du Canada ou des îles de la mer du Sud le souvenir de quelques airs simples et touchants, prétendrait égaler leur mérite aux chefs-d’œuvre d’harmonie qui charment les oreilles les plus exercées de Naples et de Paris ? […] Il serait presque aussi raisonnable de soutenir que la vieille chanson de Roland et les airs de Thibaud, comte de Champagne, ont créé Corneille et Racine. […] Les néophytes répétaient les airs, comme des oiseaux privés chantent pour attirer dans les rets de l’oiseleur les oiseaux sauvages.
Elle gisait sur sa chaise longue, sur son lit ; si maladive et si frêle, qu’elle ne pouvait sortir, qu’elle se dérobait au vent, à l’air, au soleil ; elle ne voyait même plus la lumière du jour. […] Dans ses vers, les murmures de l’air, les frissons des arbres, les plaintes de la mer, s’unissent à la voix des êtres vivants, pour ne former qu’un seul hymne où s’entrelacent tous les frémissements de la vie universelle (Alastor, v. 13 et suivants). […] Aux critiques qui lui reprochaient des inventions qu’ils prenaient pour des gasconnades, les ours enivrés de raisins, les carcajous saisissant dans les flots du Niagara les élans ou les ours entraînés au fil de l’eau, il a répondu, d’un air de triomphe, qu’il savait bien ce qu’il disait, et qu’il avait ses références. […] Que peut renfermer ce nuage éblouissant qui s’avance vers moi du milieu des airs ? […] Celui-là s’en allait parmi les paysans du Valois, recueillant les légendes qui flottent encore à ras de terre, comme les brouillards dans les vallées ; écoutant les chansons populaires ; pensant qu’à notre civilisation fatiguée, il apporterait des airs naïfs, des cadences simples, de la pureté, de la fraîcheur.
. — Soit une des lois examinées plus haut, à savoir que le refroidissement provoque la rosée, c’est-à-dire la liquéfaction et le dépôt de la vapeur d’eau ambiante dans l’air. — Des deux données, le refroidissement et la liquéfaction, qui par leur couple font la loi, la première, selon la théorie exposée, doit contenir un caractère explicatif dont l’entremise lui relie la seconde. […] Or on sait d’ailleurs par induction la limite où pour la vapeur d’eau finit cette période ; c’est tel degré du thermomètre pour telle quantité de vapeur d’eau suspendue dans l’air. […] Si le boulet a telle portée, décrit telle courbe, et subit telle diminution de vitesse, c’est grâce aux présences combinées de telle impulsion initiale, de l’attraction terrestre, et de la résistance de l’air. […] L’une, mentionnée plus haut114, et exposée tout au long par Cuvier, est la propriété d’être utile, ce qui emporte, pour l’organe, l’obligation d’accorder ses caractères avec ceux de tous les autres organes associés, de manière à opérer tel effet total et final, c’est-à-dire à rendre possible tel genre de vie, carnivore, frugivore, insectivore, dans l’eau, dans l’air ou sur la terre, en présence de telles proies et de tels ennemis, bref dans tel milieu ; nous avons indiqué les suites infinies de cette propriété de tout organe ; elles sont si nombreuses et si certaines que les anatomistes ont reconstruit des animaux fossiles d’après quelques-uns de leurs fragments.
Quand le petit abbé de Pons élevait sa voix pointue, et dardait contre les adhérents de Mme Dacier son mot favori, le parti des érudits, il avait l’air de monter au Capitole… Ce qui achève de peindre l’abbé de Pons et le public demi-lettré qu’il représente, c’est qu’il se donnait un air de philosophe et faisait sonner bien haut les grands mots d’indépendance et d’émancipation de l’esprit humain.
Ta voix enseigne avec tristesse Des airs de fête à tes petits, Pour qu’attendri de leur faiblesse, L’oiseleur les épargne et laisse Grandir leurs plumes dans les nids !
si Lamartine avait pu disparaître et s’évanouir dans les airs comme Romulus, le lendemain ou le soir même de cette triomphante journée du 16 avril, qui fut sa dernière grande journée politique, quelle idée il aurait laissée de lui !
Le dialogue que demandent la logique des événements et la nature intime des individus, n’est pas celui que composent dans le monde les circonstances, les convenances et l’intérêt : ce qui est philosophique et vrai n’a guère l’air de la vie et de la réalité.
Mais je serais bien étonné s’ils ne trouvaient pas de quoi s’y plaire… Il est délicieux, il est exquis, ce premier acte ; tout parfumé de l’odeur des blés qu’on coupe, tout égayé des chansons qui voltigent dans l’air, tout illuminé de poésie.
Il se moque de ces traducteurs, qui, sous prétexte de conserver à un original son air naturel, sacrifient la force, l’élégance & la clarté à une fidélité ridicule.
On ne trouve rien à répondre, et la plume vous tombe des mains. » Ce dédain voudrait avoir grand air ; il n’est que puéril.
Que dirait-on d’un musicien qui pour prouver que le plaisir de la mélodie est un plaisir d’opinion, dénaturerait un air fort agréable en transposant au hasard les sons dont il est composé ?
L’air assez banal de Halévy, Jamais en France, jamais Anglais ne régnera, aurait-il donc des valeurs d’art différentes, selon la haine des auditeurs contre la perfide Angleterre ?
Assurément on donnerait volontiers la main à ce charmant et noble jeune homme sur tous ces sujets de discussion contemporaine qu’il traite avec l’air de les cravacher ; et même parfois on la lui serrerait avec une cordialité ardente, mais ce n’est plus comme en chiffons, cet art de la femme.
On s’imagine que noblesse oblige jusque-là et on Corinnise modestement, le mieux qu’on peut, dans des livres ou l’on se meurt d’envie de prouver de qui on descend, par un petit air de famille.
Je dis qu’on respire dans ce livre un air chargé de vapeurs mauvaises, — les vapeurs d’une tête de femme qui joue à la prophétesse et qui ne fera l’effet d’en être une à personne qu’à M.
Il ne sied guères qu’à ceux qui l’ont tué ou à ceux qui partagent leur opinion terrible de se donner, en parlant de lui, les airs d’une pitié généreuse et dédire le mot accablant qui sera le mot de l’Histoire : « Pauvre, pauvre roi !
Nous avons, dès le premier pas, reculé de l’histoire à l’histoire de France, et de l’histoire de France nous sommes tombés dans des historiettes dont la plupart étaient déjà suspectes d’exagération ou d’infidélité, et quelques-unes brillaient d’une netteté d’apocryphe qui ne laissait rien à désirer bien avant que Fournier eût fait claquer son fouet… dans les airs !
Nous parlions récemment de ce pauvre petit bon diable de docteur Feuchsterleben, ce divertissant médecin d’Allemagne qui enseigne qu’avec l’Apollon du Belvédère et de la musique on peut guérir de tout, comme avec un air de violon on guérit de la tarentule.
Mais cette idée bouffonne, qui n’était pas une plaisanterie et qui aurait pu être une effrayante ironie, était maintenue tristement par ses inventeurs, avec des airs de docteurs convaincus absolument insupportables !
En d’autres termes et sans métaphore, cette nation d’émigrés et d’émigrants qui lui transfusent éternellement de ce sang qu’elle se donne les airs de mépriser, est-elle par elle-même si solide qu’elle puisse se permettre, dans l’ivresse de sa force, cette inconséquence de mépris ?
Le National du temps, qui n’aimait pas la police et prenait des airs avec elle, l’arrêta un jour en flagrant délit de vol, comme un simple sergent de ville littéraire.
Esprit de réverbération, système nerveux de harpe éolienne, Hoffmann avait été tellement remué par la main toute-puissante de Goethe, que l’air terrible resta éternellement vibrant dans ses cordes et qu’il le répéta toujours.
Tel est le fond de ce livre dans lequel un esprit, fait pour mieux que cela, se remue puissamment dans le vide et finit par mourir faute d’air, comme un robuste oiseau pris sous la machine pneumatique.
Trouvant, comme médecin, le mot d’Hyppel d’une vérité pleine de justesse : « L’imagination est le poumon de l’âme », il avait développé sa poitrine morale et ne craignait plus les courants d’air !
La noble passion intellectuelle, étouffée par la grossièreté de l’air ambiant que le Matérialisme épaissit encore, s’est évaporée comme un éther, tandis que l’ambition politique subsiste et flambe toujours, immortelle comme les convoitises et les bassesses dans le cœur de l’humanité !
D’abord l’air d’avoir été persécuté, et cette autre raison, non moins excellente dans ce drolatique pays de France, de revenir de quelque part !
Un mot, un geste, et tous les couteaux sont en l’air, cherchant des gaines neuves !
Sous une chevelure qui pousse, en l’air, droite, dure et indomptable au fer, qui en la coupant souvent l’a épaissie, un front vaste et carré comme un parallélogramme, d’un lisse de marbre, mais auquel l’Effort a mis son pli rudement marqué entre les deux sourcils, yeux rentrés où le noir du crayon s’allume, joue rigide, regard attentif, la bouche presque amère, tel est l’homme de ce portrait, et c’est le poète aussi, le poète laborieux, violemment laborieux, l’ardent Puritain du Sonnet, cette pauvreté opulente, la pensée cruelle à elle-même comme la femme, la coquette martyre, dont le pied saigne dans le brodequin, dont la hanche bleuit sous la baleine, mais qui se console avec l’adage : il faut souffrir pour être belle !
« Il n’y a de beau que les commencements », a dit une femme qui savait que le génie de son sexe n’est pas plus durable que sa beauté, et c’est cette beauté des commencements, c’est cette loi qui fait, chez la femme, quand il a le plus l’air d’exister, quelque chose d’aussi délicat, d’aussi fragile et d’aussitôt passé que l’humidité de ses yeux et le rose de sa joue, c’est cette loi que va nous démontrer aujourd’hui le volume de poésies de Mme de Girardin, qui furent ses commencements, à elle !
pas pu écrire, où le poète funambule, qui s’était grisé d’air sur la corde de son vers, reprend son aplomb de Cariatide et ce tempérament gaiement lyrique dans lequel l’esprit d’Aristophane et de Rabelais se joue de Pindare, et où le très étrange et très charmant poète bouffe que voici exécute des ponts-neufs et des pots-pourris sur une harpe aux cordes d’or.
Je ne résistai pas à cette folle envie : Je me frappai le front et je maudis la vie ; Je chantai comme un fanfaron ; Je crus faire trembler l’air de mon aventure, Comme un damné, jetant à l’immense nature Des relavures de Byron.
On le voyait encore aux soirées de ce démocrate aux airs de roi, qui eut sa cour, et qui, s’il crut à l’égalité civile et politique, ne crut pas, du moins, plus que nous, à l’égalité littéraire !
C’est le nom d’un des plus vaillants poètes romantiques, qui n’a pas, lui, rendu son épée a l’Académie française, comme tant d’autres, et qui est toujours l’homme de la première heure, le clairon d’or pur que rien n’a faussé, et qui joue maintenant, dans cette misérable défaite littéraire dont nous sommes les témoins, les airs à outrance du cor de Roland à Roncevaux.
Laissons Cervantès, laissons Rabelais, Richardson et Fielding, et Molière et Balzac, et quand un homme n’est pas même Swift, ne tourmentons pas notre trompette de traducteur et soufflons dedans des airs plus doux.
« À l’armée, me dit un pasteur, nous ne sommes pas organisés pour dresser un autel et dire ces messes catholiques en plein air d’un si puissant effet.
Ce commerce continuel de mensonges… cette hypocrisie universelle par laquelle on travaille ou à cacher de véritables défauts, ou à montrer de fausses vertus, ces airs mystérieux qu’on se donne pour couvrir son ambition, ou pour relever son crédit, tout cet esprit de dissimulation et d’imposture ne convint pas à sa vertu.
On ne peut donc en douter : à cette race sans nom, et ce peuple multiple et mêlé qui s’étend si loin du nord au sud de l’Amérique, appartient déjà le meilleur des enthousiasmes patriotiques, celui qui tient à la liberté comme au sol, et qui a respiré l’amour des lois avec l’air natal.
Elle l’est également devenue, et presque en même temps, grâce à elles, par un air de décence et de politesse qui lui manquait encore. […] Quand ce ne serait que pour mieux distinguer entre eux les termes du bel air ou du bon usage, ne faut-il pas qu’on analyse les notions qu’ils expriment, ou, pour mieux dire encore, qu’on les « anatomise » ? […] Il n’était pas jusqu’à cet air du monde, cette aisance et cette distinction d’allures, cet enjouement et cette grâce de plaisanterie, dont on faisait tant de cas, et tant de mystère, dans les « ruelles », qui ne s’insinuât parmi toute cette théologie. […] Son air de hauteur et d’« estime de soi », qu’aucune familiarité désormais ne tempère et qui l’immobilise dans une attitude de solennité ; ses abus de pouvoir ; ses chambres de réunion, sa grande querelle avec la cour de Rome, la révocation de l’Édit de Nantes ; son intervention dans les choses d’Angleterre, la politique brutale et despotique de Louvois indisposent, inquiètent, irritent l’opinion, soulèvent contre lui les armes de l’Europe entière. […] Rien ne donne plus de piquant ou de « montant » aux œuvres littéraires qu’un air de nouveauté !
Il parle peu, à l’air d’observer et de ne vouloir rien lâcher ; il est poli et un peu guindé20. » Dix ans avant, dans ce même atelier de Pradier, Hugo avait rencontré Juliette Drouet. […] Mais de l’air ! de l’air ! […] Et son cri, celui qu’elle pousse auprès de Rodolphe, est bien celui de Flaubert : De l’air ! […] Si Flaubert a dit : Madame Bovary, c’est moi, il aurait pu dire : l’Éducation sentimentale, c’est mon temps. « Avez-vous remarqué comme il y a dans l’air, quelquefois, des courants d’idées communes ?
« Telle fut la première révélation de l’Inde, celle d’où sortit le fameux air de ballet, puis peu à peu la coupe mélodique de tout l’opéra. […] Au contraire un esprit médiocre les laissera voir au fur et à mesure de leur production, ce qui lui donnera l’air plus original alors qu’en réalité il inventera beaucoup moins. […] Aussi emprunte-t-elle souvent comme un faux air de création. […] Une fois que je tiens mon air, un autre bientôt vient s’ajouter au premier, suivant les besoins de la composition totale, contrepoint, jeu des instruments, et tous ces morceaux finissent par former le pâté. […] Un cavalier au galop a lancé son fusil en l’air et lève la main pour le rattraper, pour le saisir au vol.
On manque d’air et d’espace, pour me servir de la phrase consacrée. […] Vous écoutez bouche béante et vous me regardez d’un air d’étonnement ? […] Rien n’est plus facile, pour peu que l’homme qui parle préfère à la renommée un vain bruit qui passe dans l’air. […] Enfant, elle avait été soumise à toutes les causes externes de l’air du pays des astres. […] Elle reconnaissait les esprits forts à leur assurance, à leur air protecteur, et, pour ceux-là, elle était impitoyable.
L’air des lampions ou le pas cadencé de la garde nationale retentissant dans la rue appelle les hommes aux armes, les femmes et les enfants aux croisées. […] Nathalie m’a tout l’air d’une Lélia découronnée et réduite à sa plus simple expression. […] Dumas un air où l’oxygène manque. […] Je comparerais volontiers la bohème à une cave dans laquelle l’air s’épaissit de marche en marche, de sorte qu’à une certaine profondeur le flambeau que l’on porte pâlit et s’éteint. […] Il me semble voir passer dans cette idylle du Florian de nos jours des houlettes enrubannées et des agneaux aux laines blanches, parfumées et frisées par Estelle, qui bêlent de jolis airs que la serinette leur a appris.
J’ai lu des discussions sans nombre sur l’origine de l’air de la Marseillaise. […] C’est un petit tableau modeste où il y a de l’air, de la lumière et de la vérité : a-t-on le droit d’en demander davantage ? […] À vrai dire, un poète n’eût pu se développer dans l’air que respirait la jeune muse des salons. […] Voler dans les airs ! […] Il a brisé quelques vitres, sans doute, mais quelle bouffée d’air il a fait entrer sous cette coupole de l’Institut, où l’on étouffe depuis si longtemps !
Elle se leva et l’entraîna dans le cloître : le soir d’été tombait tiède et doux ; les roses embaumaient l’air calme, et le crépuscule s’assombrissait sous les blancs arceaux. […] Quant à Marinette, en quelques coups d’œil et quelques baisers elle s’est imaginée un Remy qui, tout particulier qu’il soit, garde néanmoins un suffisant air de famille avec le Remy réel : réel, j’allais dire véritable. […] Casa Magni, nous dit Trelawny, avait plutôt l’air d’un bateau ou d’un établissement de bains que d’une habitation humaine. […] » Le poète était très en train, parlait vite et assez haut, ponctuant ses propos de ces gesticulations qui lui donnaient souvent un certain air étranger. […] Oui, tel est bien l’air idéal qui sied à l’esprit dans l’examen, dont il doit d’autant moins se départir que c’est de ses propres idées qu’il s’agit.
Pour moi, je ne puis endurer notre air infâme, qui est une véritable ruine pour la santé, pour les dents, pour tout. […] Je n’estime pas généreux, mais insensé, celui qui, né pour la mort, nourri dans les peines, dit : “J’ai été fait pour la joie”, et remplit les livres de son dégoûtant orgueil, promettant de hautes destinées et des félicités nouvelles, tel que le ciel, et non la terre seulement, les ignore, aux peuples que détruisent presque jusqu’au souvenir un flot de la mer soulevée, un souffle d’air malfaisant, une secousse souterraine. […] La distance paraît doublée ; on croirait regarder avec une longue-vue renversée : le contraire de ce qui arrive en hiver ou au printemps quand la limpidité excessive de l’air fausse la perspective et montre les objets l’un sur l’autre… Regardez : cette immense voûte cristalline a quelque chose de terriblement dur, qui pèse sur l’âme et n’éveille plus le sentiment de l’infini. […] Quelquefois elle les attire par ses airs de tranquillité menteuse, ou bien elle se soulève furieusement, et il faut alors « se contenter de la regarder du rivage, — couché sur le ventre, ce qui vaut mieux quand on n’a pas dîné… Ces jours-là, il y a foule devant l’auberge, mais on n’entend guère le bruit des sous sur le zinc du comptoir, et les gamins, qui pullulent dans ce pays comme si la misère était un bon engrais, crient et se battent entre eux comme s’ils avaient le diable au corps. […] Quand ils vont à l’Opéra, dans leurs théâtres organisés bien plus en vue de la conversation que du spectacle, ce n’est pas pour suivre d’un bout à l’autre le développement d’une savante œuvre d’art, c’est pour entendre un morceau favori ou un chanteur à la mode, l’air de bravoure du ténor ou la cavatine de la prima donna.
Correspondance de Lamartine, 13 avril 1819] ; et Lamartine écrit à de Maistre, le 17 mars 1820 : « M. de Bonald et vous, Monsieur le Comte… Vous avez fondé une école impérissable de haute philosophie et de politiques chrétiennes… elle portera ses fruits, et ils sont jugés d’avance. » Il a dû peut-être au contact ou à la conversation des de Maistre, des Lamennais et des Bonald cette vigueur et cette fermeté qui l’ont un moment dégagé du vague où il aspirait à se perdre ; et sans eux les Méditations ne seraient peut-être que « pures comme l’air, tristes comme la mort, et douces comme du velours » [Cf. sa lettre du 13 avril 1819]. […] et le don de l’expression leur faisant ordinairement défaut, leurs airs de supériorité nous irritent. […] Léon Bruys d’Ouilly ; et Musset, Après une lecture] ; et dont l’absence, par un juste retour, donne, même à leurs chefs-d’œuvre, on ne sait quel air de négligence ou d’improvisation. […] 2º Le Poète, — et quelque rôle qu’il ait joué par ailleurs ; — comme aussi quelque air de dédain qu’il ait affecté parfois pour sa poésie ; — et quelque service enfin qu’il nous ait rendu dans un jour fameux ; — que sa gloire sera toujours d’être l’auteur des Méditations et des Harmonies ; — et non celui de l’Histoire de la Restauration ou même de l’Histoire des Girondins. […] 2º Le Romancier. — Ses origines ; — son éducation romantique ; — ses premières liaisons, Louis Bouilhet et Maxime du Camp, et ses voyages. — Sa conception de l’art [Cf. sa Correspondance avec sa Muse, Louise Colet] ; — et qu’elle n’a originairement procédé que de l’excès de sa modestie : — « Les petits ruisseaux débordés prennent des airs d’océan ; il ne leur manque qu’une chose pour l’être, la dimension !
Il n’a pas connu le grand air qui fouette, le courant d’échange qui trempe et nourrit. […] « Tenez, vous êtes là, vous pianotez deux mesures de piano et personne ne peut savoir ce que je mets d’amour dans ces deux mesures… Comme c’est vous, cet air-là ! […] L’accord, partant la réussite, ne pourront être que fortuits, sur un point vif qui momentanément polarisera et rassemblera une certaine catégorie de spectateurs : une idée qui est, comme on dit, « dans l’air », une allusion politique, ou un fait scandaleux… Et c’est à-quoi il faut se résigner, et c’est de quoi il faut se contenter. […] J’ai reçu moi-même commande d’un Mystère de Saint Bernard de Menthon qui sera joué près d’Annecy sur la terrasse du château où naquit le saint au xe siècle, cette fois en plein air. […] Or, dépassant le cadre du théâtre clos, notre art fut invité à se déployer en plein air, devant des foules, sur les places et les parvis, à l’occasion de fêtes religieuses, de grands pèlerinages, de congrès.
La société ressemble à un parterre soigneusement ratissé, émondé, élagué ; la nature humaine est mutilée ; « les âmes, comme les corps, manquent d’air, emprisonnées dans l’étroit corset de la routine et de la mode231 », et le spectacle de tant d’honnêtes bourgeois tous pareils est si fade, que « le peuple aime les mélodrames, les procès criminels et les révolutions, pour se délasser au moins par la vue de quelque chose de positif232 ». […] Avec ses grands airs de justice, elle renferme en elle-même plus d’injustice que toute celle qu’elle veut renverser, elle ne peut aboutir qu’au crime. […] Aussitôt, tirant ses chausses en toute hâte, il resta nu en pan de chemise ; puis, sans autre façon, il se donna du talon dans le derrière, fit deux cabrioles en l’air et deux culbutes, la tête en bas et les pieds en haut, découvrant de telles choses que, pour ne les pas voir davantage, Sancho tourna bride, et se tint pour satisfait de pouvoir jurer que son maître demeurait fou243. » 174.
Je suis un des hommes d’Else qui ai quitté le pays par suite d’une grande inimitié. » Il lui présenta, au bout de son épée levée en l’air, un bracelet d’or rouge, beau et brillant, afin qu’il le passât dans la terre de Gelpfrât. […] Laissez-moi prendre de l’air ; que le vent me rafraîchisse, car je suis fatigué du combat. » Et l’on vit le héros s’avancer bravement. […] Le ménestrel de Gunther joua des airs effrayants.
Chrétien, certes La Bruyère l’était, quoique le chapitre postiche des Esprits-Forts ait bien l’air d’une précaution pour faire passer le reste. […] Il a un peu l’air d’un exilé, et cela de diverses façons. […] Celles-là pensent l’honorer en continuant l’élégance de sa vie, en rendant publique l’élégance de leurs souvenirs ; en se conformant à l’idéal mondain exprimé dans ses livres, en se donnant l’air — piété touchante — d’être pareilles aux personnages que sa futilité affectionna.
Il sait donner à l’amour un si bel air de galanterie, et de cette façon il fait de la passion quelque chose de si facile à avouer tout haut, que bien peu de femmes pourraient dire, avec cette effronterie naïve, les plus secrets sentiments de leur cœur. […] Voilà comment, de chute en chute, depuis la retraite de mademoiselle Mars, et quand elle ne fut plus la reine de ce théâtre abandonné, pour donner le ton du beau langage et l’air du beau maintien, cette femme élégante, et quand une révolution nouvelle eut envahi ce monde à grand peine rétabli sur sa base fragile, il arriva que nous vîmes un beau jour, dans une cave étroite, naguère consacrée aux plus vils funambules, s’établir en gloussant… ô monstruosité du haillon vide et de la parole creuse, une incroyable réunion intitulée — eh ! […] noble vie, animée des plus correctes passions, rentre dans l’air immense où se perd le souffle supérieur… Ad ventos vita recessit.
Là, ce qu’on appelle improprement la civilisation, c’est-à-dire le luxe, le prolétariat, la misère et l’abrutissement de l’ouvrier, sans toit, sans famille, sans ciel et sans air, n’est pas encore parvenu. […] Ils s’élançaient à perte de vue vers le ciel, afin de voir le soleil et de respirer l’air par-dessus la cime du grand hêtre qui les engloutissait dans son ombre. […] L’agrément qui résulte de ces sons réguliers et harmonieux pour l’oreille, ainsi que l’agrément qui résulte des images, des peintures, des compositions, pour les yeux de l’âme, enchantent l’auditeur ou le lecteur de son histoire, et la gravent ainsi, comme un air dont on se souvient ou comme un tableau qu’on se retrace, dans la mémoire des hommes.
Les Tanneurs, les Cordonniers & les Couturieres d’Athènes applaudirent à une Farce dans laquelle on représentoit Socrate, élevé en l’air dans un panier, annonçant qu’il n’y avoit point de Dieu, & se vantant d’avoir volé un manteau en enseignant la Philosophie.” […] L’auteur dit qu’il a poussé l’ambition jusqu’à ôter à son ouvrage l’air de traduction, pour lui donner celui d’un ouvrage de premiere main. […] Toutes ses paroles, toutes ses actions plaisoient d’autant plus, qu’elles portoient un certain air de négligence qui paroissoit la simple nature, & qui avoit toutes les graces de la naïveté.
Elle est dans l’air du temps. […] L’auteur, comme Antée, a toute sa force sur le sein de sa mère, mais quand il n’y est plus, c’est un Antée en l’air dans les mains d’Hercule ; et Hercule, ici, cet Hercule que tous les romanciers connaissent, c’est la difficulté ! […] Goethe, — qui, malgré ses airs d’Olympien, fut quelquefois grotesque, s’est plaint toute sa vie de la longueur du nez des chandelles qui éclairaient (mal) les veillées de son génie ; — Goethe, mourant comme il avait vécu, criait, en mourant : « Toujours plus de lumière !
La souplesse, la bassesse, l’air admirant, dépendant, rampant, plus que tout, l’air de néant sinon par lui, étaient les uniques voies de lui plaire…81 » Bossuet comprit mieux que personne de quel moyen il fallait user pour conquérir la confiance du roi. […] Et le despote, malgré sa vanité bouffonne, conduit en laisse par l’Église comme il l’avait été par ses maîtresses, obéit au perfide conseil de celui qui l’avait peu à peu conquis à la fois par son grand air et par ses flatteries.
La thèse philosophique indémontrée a pris un faux air d’assurance scientifique en passant par la science, mais elle reste philosophie, et elle est plus loin que jamais d’être démontrée. […] Tandis que les parents se félicitent de l’état présent comme d’une acquisition qu’ils se rappellent avoir payée cher, les enfants n’y pensent pas plus qu’à l’air qu’ils respirent ; en revanche, ils seront sensibles à des désagréments qui ne sont que l’envers des avantages douloureusement conquis pour eux. […] Le besoin toujours croissant de bien-être, la soif d’amusement, le goût effréné du luxe, tout ce qui nous inspire une si grande inquiétude pour l’avenir de l’humanité parce qu’elle a l’air d’y trouver des satisfactions solides, tout cela apparaîtra comme un ballon qu’on remplit furieusement d’air et qui se dégonflera aussi tout d’un coup.
Si sobre qu’il fût d’écritures comme de paroles, il y avait de rares moments où il savait s’expliquer autant qu’il le fallait, et où il avait presque l’air de s’épancher. […] Sainte-Beuve, avait défini ainsi lui-même ce qu’il avait voulu faire en écrivant un volume d’Essai sur Talleyrand : « L’idée que j’avais, dit sir Henry Bulwer, c’était de montrer le côté sérieux et sensé du caractère de cet homme du xviiie siècle, sans faire du tort à son esprit ou trop louer son honnêteté. » Je passe sans transition, et pour finir et ne pas prolonger trop le poids d’une responsabilité qui pèse en ce moment sur l’éditeur seul dans le choix de ces citations authentiques, mais délicates, à un incident qui survint au Temps pendant la publication et dans l’intervalle d’un article à l’autre, et qui avait tout l’air d’une menace J’ai besoin de citer encore la lettre suivante de M.
. — C’est la rivière d’Ain, vous dit-il avec un air de fierté locale, la rivière qui descend de Saint-Claude et qui donne son nom à toutes ces plaines. […] XXXIX De plus, cela je puis le dire, car on ne me l’a jamais dit, mais je crois l’avoir deviné, comme tout le monde devine ce qui est dans l’air, il y a un mystère sur la vie de ce poète, mystère qui, s’il était jamais révélé, donnerait peut-être la clef de l’âme fermée et de la vie à demi-jour de ce stilite du Jura.
« Selon moi, le voici. » XI Alors, usant largement de l’attention passionnée qu’ils accordaient à ma personne et à mes paroles, je leur démontrai, avec une énergique sincérité, que personne n’avait le secret de l’organisation du travail, ni d’une organisation de fond en comble, d’une organisation parfaite de la société, dite socialisme, où il n’y aurait plus ni inégalité, ni injustice, ni luxe, ni misère ; qu’une telle société ne serait plus la terre, mais le paradis ; que tout le monde s’y reposerait dans un repos si parfait et si doux que le mouvement même y cesserait à l’instant, car personne n’aurait le désir de respirer seulement un peu plus d’air que son voisin ; que ce ne serait plus la vie, mais la mort ; que l’égalité des biens était un rêve tellement absurde dans notre condition humaine que, lors même qu’on viendrait à partager à parts égales le matin, il faudrait recommencer le partage le soir, car les conditions auraient changé dans la journée par la vertu ou le vice, la maladie ou la santé, le nombre des vieillards ou des enfants survenus dans la famille, le talent ou l’ignorance, la diligence ou la paresse de chaque partageur dans la communauté, à moins qu’on n’adoptât l’égalité des salaires pour tous les salariés, laborieux ou paresseux, méritant ou ne méritant pas leur pain ; que le repos et la débauche vivraient aux dépens du travail et de la vertu, formule révoltante, quoique évangélique, de M. […] « L’air va bientôt manquer dans l’espace où tu voles.
Elle jouit profondément des lignes et des formes, de l’air, de la lumière, de la douceur, de la gaieté, de la mélancolie du paysage. […] Il fait effort pour n’avoir pas l’air d’un écrivain de profession.
Il était la terreur d’Alphonse Daudet qui se sauvait toujours lorsqu’il voyait apparaître son vieux confrère, la stature et l’air provocants sous ses cheveux blancs, la moustache en croc d’un colonel de cavalerie. […] Ce bourru prétentieux n’avait rien d’élégant ni de vraiment fin, je ne sais guère que l’Angola du chevalier de la Morlière qui ait pu l’inspirer, et encore La Morlière écrivait-il d’une façon claire et a-t-il l’air simple auprès de ce maniéré.
Décidément, je m’accorde une heure de repos, Je vais, scaphandrier épuisé, remonter à l’air libre. […] Elle nous ouvre parfois un intérieur qu’ennoblissent des « meubles sculptés en chêne luisant, donnant aux choses un air d’église ».
S’il en parle à Paris, il revêt l’air détaché et demi-railleur qui convient. […] Par La fenêtre ouverte il donne un peu d’air à « la maison de l’enfance ».
L’homme à la cage écarte le paquet d’épinards qui bouche d’ordinaire la gargouille, et pendant que le traqueur y place sa troublette, lui, passe dans la rainure du conduit la baguette de fer que suit le nez du chien, et le bout du filet s’agite et le traqueur l’élève en l’air, et montre un rat qui sautille, en disant : « Un gaspardo. » Il a été pris une vingtaine de rats en deux heures. […] * * * — Mme *** s’habille, noue avec toutes sortes de lenteurs les rubans de son chapeau, met et remet ses gants, explique à son mari avec de grands gestes pourquoi elle sort, regarde en l’air, appelle de l’œil, descend l’escalier, se montrant longuement aux fenêtres des paliers, passe sous la porte cochère.
Né également pour la satyre et pour la loüange, ses railleries pénétroient d’autant plus qu’elles étoient moins grossiéres ; et ses loüanges dégagées de cet air de flaterie qui rebute, pouvoient plaire même à ceux à qui elles ne s’adressoient pas. […] Il y a un air de vanité à exposer ainsi au public des témoignages si flateurs pour moi ; et c’est là-dessus que j’ai cru devoir me justifier.
Ô le profane, ô le libertin) s’écria-t-on de toutes parts ; mais on le savait par cœur aussi, on retenait, on récitait de ce Mardoche des dizains entiers sans se bien rendre compte du pourquoi, si ce n’est que c’était plein de facilité, de fantaisie, parfois d’un bon sens inattendu jusque dans l’insolence, que c’étaient des vers amis de la mémoire, et les rêveurs eux-mêmes, et les plus tendres, allaient d’un air de gloire se répétant tout bas le couplet : « Heureux un amoureux, etc. » Quant au don Juan de Namouna, à cette forme nouvelle du roué qui pouvait sembler l’enfant chéri de l’auteur, l’idéal, hélas !
Ce qui plaît toujours quand on rouvre Voltaire et ce qui fait qu’on s’intéresse, c’est (avec cette jolie manière de dire) qu’il met de l’action à tout ; les moindres choses, ou celles même qui chez d’autres feraient l’effet de la raison et de la sagesse, prennent avec lui un air d’entrain et de diablerie.
Je vois d’ici, j’entends un de mes éloquents confrères à l’Académie s’écrier en levant les bras au ciel et d’un air de désolation : « Oh !
— Savez-vous bien que notre confrère Viennet, qui se donnait des airs d’indépendance et qui n’était qu’un déiste pusillanime, n’a pas craint d’écrire dans une lettre à ce…, notre si peu confrère, que nous étions trois autour du tapis vert, trois ni plus ni moins, qui étions de la religion de Lucrèce ?
Après cela, il y aurait du ridicule à cette bonne critique de se trop exagérer sa part dans le triomphe de ses plus chers poëtes ; elle doit se bien garder de prendre les airs de la nourrice des anciennes tragédies.
Cet excès de timidité, qui avait sa noblesse, avait aussi ses grands inconvénients, et de là en partie le peu de retentissement qu’ont obtenu son nom et ses livres. » A le voir en ces années avec son beau et large front sillonné de pâleur, sa figure fine, sa réserve silencieuse, et un certain air de malheur répandu sur toute sa personne, on eût pu le croire envieux et malade du succès des autres.
Cette langue même, cette prose d’un si grand air, avec l’amplitude de ses tours et jusque dans les détails de son vocabulaire, semble naturellement la sienne, et, toutes les fois qu’il lui est arrivé de mêler du Kant au Malebranche, c’est qu’il l’a bien Voulu.
Les philosophes, moins humbles, ont insisté sur l’idée du château-fort ; ils ont affecté au moi, tel qu’ils croient le concevoir, une sorte de sérénité insouciante et la dédaigneuse immobilité d’une sentinelle qui se repose sur ses armes ; au haut de leur doctrine escarpée ils lui ont donné un air de confiance et de contemplation, mais en ne s’en tenant pas à l’apparence, en s’approchant de plus près, en mettant le doigt à travers le créneau, on reconnaît que ce mot imposant et vanté n’est rien qu’une froide pierre, une vaine statue.
Toute âme, toute vie a son rôle en ce monde ; à l’une est le sillon, à l’autre sont les mers ; à toi, noble insensée et la plus vagabonde, De semer en volant le bon grain dans les airs !
Je ne connais vraiment pas de rôle plus commode que celui d’être pompéien sous un ferme et généreux César : on jouit de toutes les sécurités, de toutes les garanties contre les guerres civiles, et l’on se donne un air de vertu ou même une fraîcheur de souffle populaire.
L’air et le feu leur servent à se tuer, et la nature entière est entre leurs mains un moyen de destruction.
Quelques pages de quelques voyageurs, quelques tableaux aperçus dans les musées et les salons, quelques impressions d’enfance, de l’âge où l’on se fait d’immenses solitudes dans un coin de jardin, l’image persistante d’un long ruban de route poudreuse sous le grand soleil d’été, d’un angle de cour enflammé où l’air était suffocant, la lumière intense, tout cela se fondant, s’amalgamant, pourra dicter une page qui ne sera pas banale.
L’étude de l’antiquité et la vie de cour sont comme les deux portes par où un air frais et vivifiant arrive à notre littérature.
A côté de celle-là la foi volontaire et acquise, mouvement du cœur qui désire que ce que la raison conçoit comme le bien soit aussi le vrai, n’a plus l’air d’être la foi.
Je vous donne à deviner ce qui s’appelait, en ce temps-là, tour à tour, « une bibliothèque vivante où l’on apprend tout sans peine et sans étude ; une salle de musiciens où l’on entend les plus savants concerts ; un théâtre magnifique où tout ce qui frappe les yeux étonne l’esprit et glace la voix ; une école toute céleste où les esprits, de quelque étage qu’ils soient, peuvent, en y arrivant, s’élever à tous moments, et, par l’approche et la communication d’un corps lumineux, acquérir tous les jours des clartés nouvelles ; un parterre orné de fleurs de toutes les couleurs ; un corps qui marche à frais communs et à pas égaux vers l’immortalité ; le sanctuaire et la famille des Muses ; une si haute région d’esprit, que l’on en perd la pensée, comme, quand on est dans un air trop élevé, on perd la respiration. » C’est l’Académie française à qui s’adressaient ces louanges à la fois si énigmatiques et si outrées, dans des discours de réception où les nouveaux élus se donnaient toute cette peine pour ne pas se dire simplement reconnaissants.
On quitte le grand air qu’on respire dans le vaste champ de l’humanité pour s’enfermer dans des conventicules de compatriotes.
Ces maximes, bonnes pour un pays où la vie se nourrit d’air et de jour, ce communisme délicat d’une troupe d’enfants de Dieu, vivant en confiance sur le sein de leur père, pouvaient convenir à une secte naïve, persuadée à chaque instant que son utopie allait se réaliser.
« Cependant je demeure ferme dans le dessein de la quitter à la fin de l’année. » Ce peut être à cette époque que le roi dit à madame de Montespan : Si elle vous déplaît, renvoyez-la ce qui, sous l’air d’une déférence ou d’une concession, était au fond un défi.
En plein air, ils se donnent des baisers qui ne sont pas si ridicules.
La victoire, il le répète souvent, lui est nécessaire « comme l’air à ses poumons ».
Tandis que l’hymne apollonien, lentement déroulé en tous pleins et graves, sur les grands plans du récitatif, montait majestueusement vers le ciel, la cantate bachique, inégale et brusque, secouée par des cadences imprévues, sautait sur son rythme élastique, comme la danseuse de la « Fête des outres » sur des vessies pleines d’air.
Une rousse du nom de Sabine, qui est la seule personne qui fréquente le bureau, nous demandant un jour : « Et ce monsieur, qui est là, pourquoi a-t-il l’air si triste ?
Rien de l’Occident ne m’a donné cela ; il n’y a que là-bas, où j’ai bu cet air de paradis, ce philtre d’oubli magique, ce Léthé de la patrie parisienne qui coule si doucement de toutes choses !
Il se mit ensuite à moduler de sa voix l’air écrit, et accompagna avec correction et harmonie les sons rendus par le piano56. » Dans la plupart des cas cités, où plusieurs des signes artificiels parole, écriture, dessin57 sont plus ou moins altérés, il semble que la faculté du geste reste intacte.
Il prend un air malheureux qui fait peine à voir ; il se trouble, il hésite, il est prêt à vous dire en frappant du pied, comme cet amateur homme d’esprit qui, jouant le rôle d’Alceste, prit la fuite au beau milieu du rôle en s’écriant : — Ce n’est pas ça !
Le physicien peut peser l’air dans son tube, sans craindre d’offenser Junon.
Deux squelettes triomphants, plantés chacun sur un arbre mort, élèvent en l’air leurs bras joyeux, et se préparent à entonner l’Hosanna de la destruction !
Tantôt, — l’air goguenard, la plaisanterie aux lèvres, riant avec l’un, causant avec l’autre — il laissait sa main distraite courir au hasard dans la casse : c’est qu’il composait alors un feuilleton de M.
Mais Chamfort qui s’indignait à la seule pensée de dépendance, n’éprouva plus que le besoin de briser les liens dont il se croyait garrotté : d’abord il remit son brevet d’appointements ; et bientôt, se trouvant mal à l’aise dans un palais où tout lui parlait de grandeurs, il voulut aller respirer ailleurs l’air de la liberté.
Comme Horace Vernet, il est le peintre lumineux des déserts, des tentes, des smalas, des burnous flottants, des chevaux buveurs d’air et des armes.
Mais je ne leur permets pas les grands airs de l’histoire, et Barot les a pris.
je ne crois pas, pour ma part, qu’au fond de son âme et de sa robuste pensée ce grand spiritualiste de la guerre puisse accepter sans trouble que la guerre, qui sort de l’âme de l’homme et qui se fait avec l’âme de l’homme, ne soit pas éternelle comme l’homme et sa race, et qu’un jour elle doive disparaître, comme un fétu dans les airs, sous le souffle omnipotent des démocraties.
Il sait son sujet, il le tient, il le serre, et il sait qu’il le sait, ce qui lui donne parfois cet air de suffisance qu’avait aussi Montesquieu, le Gascon, car la suffisance n’est souvent que la conscience de la force qu’on a et qui se rengorge un peu.
Le livre d’Alphonse Jobez : La Femme et l’Enfant, ou Misère entraîne oppression 5, sous un titre beaucoup trop sentimental et déclamatoire, et qui semble exhaler je ne sais trop quel air de socialisme avancé, est une preuve assez claire de ce que nous affirmons.
Prude, en somme, sous ses airs de page, honnête toute sa vie sans que cela lui coûtât un sou d’effort pour le rester, coquette d’esprit, de coiffure, de corsage, de bras nus abandonnés, qui se donnaient à tous et qui n’ont jamais étreint personne, coquette même de maternité, madame de Sévigné résume en elle deux figures de Molière qui, dédoublées, font la femme française : Elmire et Célimène.
Il prend des airs très fats… « J’ai fait ce roman — dit-il — pour ceux qui aiment à rire (et on sait ce que le mot de ce siècle : “histoire de rire”, peut signifier !)
un faux air de Talleyrand jusque dans la pensée, voilà le trait caractéristique de cette physionomie de Gœthe, lequel a eu plus de bonheur par ses défauts que par ses qualités, comme il arrive toujours, du reste.
Littérairement, il y aurait peut-être à reprendre à ce livre trop plein, trop épais de faits, de rapprochements, manquant d’air, étouffant, entassé.
Wallon, « plaident les circonstances atténuantes en faveur du Saint », n’ont pas seulement l’air de se douter de ce qu’eût perdu la Royauté, du temps de Saint Louis, s’il n’avait pas été le Saint qu’il fut, l’enfant sans péché mortel de la Reine Blanche, l’homme qui, sur la terre, a été certainement le plus près, par la ressemblance, de Notre Seigneur Jésus-Christ, et qui fit autant que le peut une créature humaine régner avec lui Jésus-Christ, à une époque qui avait l’amour de Jésus-Christ !
Il leur reproche, à ces livres : « trop de jolie rhétorique, trop de morceaux de littérature, trop d’airs de bravoure ».
Ayant refusé de s’humilier, il a refusé toutes les gloires qui étaient suspendues en l’air, prêtes à tomber sur sa tête !
à part l’imprévu déconcertant de la forme, nous avons vu souvent passer dans les publications contemporaines les idées qui traversent le livre de Vacquerie, mais jamais nulle part nous ne les avons vues avec cette bouffissure, cette contorsion, ce déhanché, ces airs simiesques.
Laissons Cervantes, laissons Rabelais, Richardson et Fielding, et Molière et Balzac, et quand un homme n’est pas même Swift, ne tourmentons pas notre trompette de traducteur et soufflons dedans des airs plus doux.
S’il est vrai, comme le disait Napoléon, que les hommes, grands ou petits, sont fils des circonstances, le mot est encore plus vrai des idées… Flèches lourdes ou légères, aiguës ou émoussées, le vent qui les pousse, l’air qu’elles traversent, le point d’où elles sont ajustées, font plus pour elles que la corde de l’arc qui les chassa ou la main qui les a lancées.
Ainsi, l’instabilité du devenir, l’identité des contraires, le naturalisme cahotique des faiseurs de genèses nouvelles, la dissémination et l’éparpillement de Dieu, qui se pulvérise et s’en va dans le monde comme dans les airs s’en va la poussière d’un excrément séché, la désorganisation scientifique de l’esprit, enfin le grand Rien qui fait tout, etc.
comme ils fendaient l’air !
La comtesse Hélène de Montmartel, eu fait de chute définitive, ressemble au clocher de la cathédrale de Pise, qui a toujours l’air de tomber et qui ne tombe jamais.
Le suicide qui était dans l’air et dans les cerveaux à cette époque, autour de l’homme et dans l’homme, faillit l’emporter ; mais, au lieu d’allumer le réchaud d’Escousse, M.
Elle est dans l’air du temps, et elle ne prouve rien.
Placées dans les plus beaux temps à la porte de la servitude et sous la main des satrapes, à peine avaient-elles respiré l’air de la liberté.
Tout ce qui, en effet, marche sur le sol, ou traverse la mer, ou vole dans les airs, tire sa nourriture de toi et de ta richesse !
Quelqu’un « jouait les Homais » dans une société, débitait avec tout l’air de la conviction des articles de la Lanterne. […] L’auteur n’est pas tout bonnement gai, ou du moins il l’est à la manière celtique plus qu’à la française, et sa gaieté, telle qu’il l’exprime, a bien l’air forcé et tiré. […] Il avait le plus grand air du monde. […] Il finit par supprimer le rat… Ce cygne tout seul restait pour ainsi dire en l’air, et n’avait plus de raison d’être. […] La coupure ici a donc un air factice et semble n’être qu’un expédient arbitraire pour permettre qu’un quatrième acte ait lieu.
On devait changer d’air. » — Le texte de la Revue portait : « Il la conduisit à Rouen voir son ancien maître. […] Il a un air de Balzac. […] C’était l’air qu’il respirait, un air vibrant, subtil et lumineux. […] Il n’en était que plus hardi à les faire ; mais, toujours consciencieux, il n’a voulu en faire que très peu, et juste pour prendre le grand air. […] Mais comme il a admirablement l’air de ne pas y songer !
L’air attiédi des serres nourrit seul la pulpe parfumée de leur corolle. […] Ajoutons qu’il possède au plus haut degré la conscience de cette supériorité, reconnaissable en lui à un certain air d’ironie imperceptible et de dédain transcendantal. […] Il a pu respirer l’air du boulevard et celui des salons, mais, sur le boulevard et dans les salons, il fut toujours un étranger. […] de l’air, de l’air, de l’espace encore ! […] Taine indique l’air de finesse et d’agrément des plaines de la Champagne, et cet air de finesse et d’agrément devient aussitôt perceptible : « De minces rivières serpentent parmi des bouquets d’aunes avec de gracieux sourires.
J’avais toujours été frappé, quand il m’arrivait de parcourir Pharsamon, par exemple, ou encore le second des romans de Marivaux : les Effets surprenants de la sympathie, d’un certain air de ressemblance vague avec je ne sais quoi de déjà lu. […] Quand je voulais avoir un air fripon, j’avais un maintien et une parure qui faisaient mon affaire ; le lendemain, on me trouvait avec des grâces tendres ; ensuite j’étais une beauté modeste, sérieuse, nonchalante. […] Et pourtant il y a dans ses apologies quelque air de vérité. […] Sainte-Beuve, qui semble avoir été moins frappé de cette sensibilité que de ce grand air de style, a cru que Prévost se rattachait par là à l’école du roman de La Calprenède et de Mlle de Scudéri. […] Par une espèce de dérision, dont on n’a même pas l’air de sentir toute la cruauté, les biographes trouvent qu’elle « fait bien », cette mort singulière, pour terminer la vie, déjà suffisamment romanesque elle-même, d’un grand romancier.
Scholl ressemble un peu à ces gamins du boulevard, qui se campent la tête en bas et les pieds en l’air pour voir défiler sur la chaussée hommes et chevaux renversés. — Pourquoi gâter ainsi, de gaîté de cœur, d’incontestables qualités de verve, de passion et d’esprit, par les travers les plus grotesques ? […] Elle a toujours l’air souffrant. — C’est une antique qui relève de maladie. […] Barbara prenaient un tel air de réalité, son analyse avait un tel accent de conviction, l’impression reçue était si forte et si intense, qu’on se surprenait à substituer le conteur au héros même de son drame, et qu’on se croyait de bonne foi le témoin oculaire de la perpétration d’un crime. […] Mais si, dès le principe, ce livre eut une influence bienfaisante, s’il créa des héros et des citoyens, — depuis, que de générations énervées, amoindries, condamnées à l’impuissance par l’air malsain, en définitive, qu’on respire dans ses pages ! […] Ce premier personnage, très réel et très authentique dans l’individualité littéraire de M. de Pontmartin, a, comme de raison, des airs suprêmement surannés, et exhale un parfum de l’autre siècle, conservé dans un bonheur du jour.
Dans les mariages de hasard qu’on fait à Paris, la fidélité des femmes répugne souvent à la nature, à la raison, on pourrait presque dire aux principes de la justice. » Ces principes de la justice qui viennent là tout d’un coup pour auxiliaires aux mille et une infidèles liaisons du beau monde d’alors, datent le siècle à ce moment autant que ces jolies tendresses conjugales qui traversent l’Atlantique, comme en zéphyrs, d’un air si dégagé. […] Mais les exposer seulement au grand air d’aujourd’hui, c’est presque les flétrir, ces souvenirs, tant le mouvement général est loin, tant les générations survenantes y deviennent de plus en plus étrangères par l’esprit, tant l’ironie des choses a été complète ! […] Sur ce La Fayette de 1775, qui essaie du bon air et y réussit peu, il faut voir la Notice placée en tête de la Correspondance entre Mirabeau et le comte de La Marck (1851), tome I, page 62. […] Le duc de Laval, parlant de M. de La Fayette et de ses bonnes fortunes dans sa jeunesse, disait en bégayant et de l’air le plus sérieux : « M. de La Fayette a eu madame de Simiane ; et madame de Simiane !
P… élève sa main en l’air, et, désignant un limousin juché périlleusement au sommet d’une perche d’un équilibre douteux : — J’attends qu’il tombe, répondit-il. […] Bien que le menu, dressé par l’amphitryon, fût très-simple, — à chaque chose qu’il demandait, le garçon s’inclinait et répondait d’un air désolé : — Il n’en reste plus. — Que donnerai-je en place à ces messieurs ? […] Ce n’est pas cependant qu’il ne possède, comme tous les humains bien organisés, la petite dose d’amour-propre qui est nécessaire à l’homme pour vivre, — comme l’air et le soleil. […] Derrière eux, les groupes d’auteurs échangent d’un air navré les propos les plus condoléants. […] — C’est une sorte de brume opaque, où les bruits de la rue s’absorbent ; — on sent, en marchant dans les rues, palpiter dans l’air, autour de soi, les grandes ailes de hibou du spleen britannique. — À aucun prix on ne pourrait, avant une heure de l’après-midi, se faire ouvrir une boutique, pas même celle d’un armurier, si l’on avait l’envie bien naturelle de se brûler la cervelle, ne fût-ce que pour faire un peu de bruit au milieu de ce silence.
Les cas, & spécialement le génitif, n’y furent pas fixés d’abord à des terminaisons constantes, & les premieres qu’on adopta étoient greques, parce que le latin est comme un rejetton du grec ; elles s’altérerent insensiblement pour se défaire de cet air d’emprunt, & pour se revêtir des apparences de la propriété. […] Le son est une simple émission de la voix, dont les différences essentielles dépendent de la forme du passage que la bouche prête à l’air qui en est la matiere, voyez […] La continuité du bâillement qu’exige l’hiatus, met l’organe de la parole dans une contrainte réelle, & fatigue les poûmons de celui qui parle, parce qu’il est obligé de fournir de suite & sans interruption une plus grande quantité d’air : au lieu que quand des articulations interrompent la succession des sons, elles procurent nécessairement aux poûmons de petits repos qui facilitent l’opération de cet organe : car la plûpart des articulations ne donnent l’explosion aux sons qu’elles modifient, qu’en interceptant l’air qui en est la matiere. […] Cette interception doit donc diminuer le travail de l’expiration, puisqu’elle en suspend le cours, & qu’elle doit même occasionner vers les poûmons un reflux d’air proportionné à la force qui en arrête l’émission. […] Ne semble-t-il pas en effet que le bâillement doit être moins pénible, & conséquemment l’hiatus moins desagreable au milieu du mot qu’à la fin, parce que les poûmons n’ont pas fait encore une si grande dépense d’air ?
Il lui arrive de s’essayer à prendre des airs dégagés ; c’est alors qu’on aperçoit quelle est au vrai sa nature d’esprit. […] Épris d’exercice physique et de sport nautique, il a ses canotiers, ivres de grand air et de jeunesse, dans le cadre habituel de leurs exploits, entre Bougival et Meudon. […] Rappelez-vous de quel air il reprochait à quelques Soularys de n’être que des gloires lyonnaises. […] De là ses airs détachés et dégagés. […] Il y avait de l’électricité dans l’air.
Il avait besoin de s’éloigner de Paris, de changer d’air. […] Les premières mesures vont bien, mais je ne sais par quelle magie ces airs si lents finissent toujours par devenir des prestissimo. […] Ils ont tous l’air de ne pas s’aimer beaucoup. […] Qui sait, qui voudra savoir qu’un citoyen des royaumes de l’air y tient repliées et froissées ses ailes brillantes ? […] Sainte-Beuve pour faire connaître ses personnages n’affecte pas toujours l’air méthodique ; elle a souvent du rapport avec celle de Saint-Simon.
L’idée est dans l’air. […] Parigot donne volontiers à sa phrase un air un peu énigmatique : sa pensée se fait chercher. […] Dumas se contente de ces indications sommaires qui pour des écoliers ont bien l’air de résumer toute la science, mais qui, en fait, ne sont rien. […] Il n’y a dans la physionomie du jeune Barbey rien d’exceptionnel ; et elle ne nous frappe que par son air d’absolue banalité. […] Un des « effets » du fameux Galiani, dans les salons où il donnait le ton, consistait à lancer prestement en l’air sa pantoufle.
Ces paroles qui arrivent à votre oreille, ces gestes, ces airs de tête, ces vêtements, ces actions et ces œuvres sensibles de tout genre, ne sont pour vous que des expressions ; quelque chose s’y exprime, une âme. […] Car dès qu’un animal vit, il faut qu’il s’accommode à son milieu ; il respire autrement, il se renouvelle autrement, il est ébranlé autrement, selon que l’air, les aliments, la température sont autres.
Son âme était répandue dans cet air du soir, insaisissable, mais sensible et respirable comme un parfum évaporé du vase brisé par les pieds du cheval à l’entrée d’un héros dans une grande ville d’Orient. […] XXVIII Au moment où j’allais fermer le livre pour rejoindre le camp de ma caravane, que j’avais planté de l’autre côté de la ville, en dehors de la porte de Bethléem, un air de flûte lointain et mélancolique se fit entendre à ma droite sur une des collines nues et déchirées des monts d’Arabie qui encaissent la vallée de la mer Morte.
L’arbre sous l’ombre duquel il était assis, les insectes reluisants qui voltigeaient dans l’air, les constellations qui brillaient vers le Sud, tout lui rappelait vivement l’éloignement de la patrie, et, lorsque, au milieu de cette nature étrangère, s’élevait tout à coup du sein de la vallée le bruit du grelot d’une vache ou le mugissement d’un taureau, la pensée se reportait aussitôt vers le sol natal. […] Marchant d’un pas sûr et prudent, la tête un peu penchée en avant, et d’un air pensif, d’une figure bienveillante et d’une grande expression de dignité et de noble douceur, ou bien il baisse les yeux, ou bien il répond avec une politesse, avec une amabilité dépouillées de tout orgueil, aux témoignages d’affection et de respect des passants.
« Giorgio, disait-il un jour avec enjouement à son ami Vasari, à l’époque où il remplissait déjà l’Italie de son nom et de ses œuvres, si j’ai eu quelque grandeur et quelque bonheur dans le génie, cela m’est venu d’être né dans la pauvreté et dans l’élasticité de votre air des collines d’Arezzo ; et c’est ainsi que je tirai, pour ainsi dire, du lait de ma nourrice, à Settignano, le ciseau et le maillet avec lesquels je fais mes figures. » III La famille de Ludovico Buonarroti devenue plus nombreuse avec les années, par la fécondité de sa femme, le père de Michel-Ange, pour élever ses fils, fut obligé de les mettre en apprentissage dans les manufactures de laine et de soie de Florence, qu’on appelait en Toscane les Arts, et qui, dans un pays gouverné par des artisans devenus princes, ne dérogeaient point à la noblesse des familles. […] Mais Michel-Ange l’affermit, le simplifia, l’éclaira, donna à ses piliers les muscles qui leur manquaient pour porter un Panthéon dans le ciel, le décora de son unité, de sa lumière, de son harmonie, ces trois attributs de la Divinité qu’il renferme, et mit, pour ainsi dire et pour la première fois, le christianisme en plein jour et en plein firmament ; enfin il fit le modèle, il commença les premières courbes de cette immense et sublime coupole qui écraserait le sol, si elle ne paraissait soutenue par le miracle de la pensée qui l’éleva dans les airs ; il attacha à jamais ainsi son nom et sa mémoire au plus grand acte de foi que l’humanité moderne ait construit en pierres.
. — Ses personnages ne nous sont présentés que dans les moments où ils agissent ; et il n’est pas un de leurs sentiments qui ne soit accompagné d’un geste, d’un air de visage, commenté par une attitude, une silhouette. […] La vision de Bernadette est préparée par ses solitudes de bergère dans un paysage où les objets prennent volontiers des airs d’apparitions.
L’air précieux », dit-il plus loin, « n’a pas seulement infecté Paris, il s’est aussi répandu dans les provinces ; et nos donzelles ridicules en ont humé leur bonne part. » Si ces paroles ne prouvent pas positivement que la pièce ait été faite en province, elles ne détruisent pas non plus les témoignages qui prouvent qu’elle l’a été. Mais il nous suffît qu’elles annoncent la pièce comme dirigée contre le ridicule des provinciales qui se donnent des airs de la capitale.
Il me fâche très fort de vous écrire toujours un pied en l’air. […] Vous croyez, mon cher ami, qu’on s’égorge ici, qu’on se tire jour et nuit des coups de pistolet ; que tous les sabres sont en l’air.
Comme le brick continuait à tourner, comme pour nous voir de plus près, l’oiseau retira péniblement du trou sa tète sanglante, et, après nous avoir considérés un moment stupéfié, se détacha paresseusement du corps sur lequel il se régalait, puis il prit droit son vol au-dessus de notre pont et plana quelque temps dans l’air avec un morceau de la substance coagulée et quasi-vivante dans son bec. […] Il faut donc imaginer que ces penchants grands et moindres, les visions d’horreur, les associations incohérentes, la raison domptant toute émotion, ont été situés entre 1809 et 1849 dans la matière d’un encéphale particulier, pourri depuis et résorbé par le sol du cimetière de Baltimore en Amérique ; que cette cervelle remplissait le crâne d’un homme à cheveux noirs, lustrés et bouclés, à yeux gris, au large front, aux ièvres minces, droites, coupées aux coins de deux incises diagonales, un homme à la tète massive et presque cubique posée sur des épaules rondes, fortes, tombantes, ayant la taille moyenne et les mains musculeuses, l’air impérieux, sûr de lui-même, sarcastique et gracieux.
» Ils allèrent derrière le jardin des Chartreux, et alors La Fontaine, prenant un air très sérieux, dit à Poignant : « Mon ami, voilà, il faut nous battre Nous battre Le public exige que nous nous battions Ah ! […] Il fait dire aux Nymphes de Vaux : Remplissez l’air décris en vos grottes profondes, Pleurez, nymphes de Vaux, faites croître vos ondes… ………………………………………………………… On ne blâmera point vos larmes innocentes ; Vous pouvez donner cours à vos douleurs pressantes : Chacun attend de vous ce devoir généreux ; Les destins sont contents : Oronte est malheureux.
Les badauds de la plume, en service ordinaire et extraordinaire, qui entretiennent, avec la leur, la grande badauderie universelle, ont recommencé d’éventer le chef-d’œuvre en poche, avec des airs mystérieusement indiscrets. […] À un certain moment du roman, on traverse 1848 et sa révolution ; mais pourriez-vous tirer des faits du temps, qui sont décrits avec une exactitude de photographe, l’aspect des rues, le sac des Tuileries, l’air des pavés les jours de barricades, etc., pour quel parti penche l’auteur de ces descriptions, qui n’a de sympathie que pour les choses visibles qu’on peut retracer ?
Est-ce que, parmi les oiseaux-mouches de la poésie, ces imperceptibles rubis qui volent et qui sont les vers-luisants de l’air, il y a des aigles mouches ? […] Sur le fond de l’immense pièce noyée d’ombre et ne recevant presque de clarté que par le vitrage arrondi, où la lune montait dans un ciel lavé, bleu de nuit, un vrai ciel d’opéra, la silhouette de la célèbre danseuse se détachait toute blanche, comme une petite ombre falotte, légère, impondérée, volant bien plus qu’elle ne bondissait ; puis debout, sur ses pointes fines, soutenue dans l’air seulement par ses bras étendus, le visage levé dans une attitude fuyante où rien n’était visible que le sourire, elle s’avançait vivement vers la lumière, ou s’éloignait en petites saccades si rapides qu’on s’attendait toujours à entendre un léger bris de vitre et à la voir ainsi monter à reculons la pente du grand rayon de lune jeté en biais dans l’atelier… Ce qui ajoutait un charme, une poésie singulière à ce ballet fantastique, c’était l’absence de musique, le seul bruit du rhythme, dont la demi-obscurité augmentait la puissance, de ce taqueté vif et léger, pas plus fort sur le parquet que la chute, pétale par pétale, d’un dahlia qui s’effeuille..
L’interprète n’a pas toujours traduit la couleur, et le brave enfant est quelquefois tombé des griffes de l’aigle auquel il s’accrochait dans les airs. […] L’identité du personnage est dans l’air presque humain de ces incroyables panaches.
Avec infiniment plus de moralité assurément que Bussy-Rabutin ou que Bonneval, il a comme eux une faculté de satire et de riposte dont il abuse ; sa réplique a volontiers un air de défi qu’il vous jette à la tête, en sous-entendant à peine : « Prenez-le comme vous voudrez. » Et puisque j’en suis à rassembler autour de lui les noms qui peuvent servir à le mesurer et à le définir, je dirai encore qu’il participe à cette démangeaison de Henri Estienne et de ces gens d’esprit pétulants qui se donnent avant tout la satisfaction d’imprimer leurs fantaisies, sauf à s’attirer bientôt des affaires sur les bras et à ne trop savoir comment en sortir.
Viennent les crises, viennent les occasions, un conflit, l’apparition imprévue de quelque œuvre qui vous mette en demeure de choisir, de dire oui ou non sans hésiter (et il s’en est produit une en ces derniers temps)13, une œuvre qui fasse office de pierre de touche, et vous verrez, chez ceux même qui s’étaient fait des concessions et qui avaient presque l’air d’être tombés d’accord dans les intervalles, le vieil homme aussitôt se ranimer.
Aussi a-t-on pu comparer la double série des orateurs qui se succédaient à la tribune à deux corps d’armée qui auraient défilé l’un devant l’autre, chacun en sens inverse, tirant et faisant feu en l’air, sans se viser ni s’atteindre.
Cependant comme, même chez les peuples qui lisent le moins, ce sont après tout certaines idées, souvent même certaines idées très abstraites qui, au fond, finissent par mener la société, il peut toujours y avoir quelque utilité éloignée à répandre celles-ci dans l’air.
Il a raconté ainsi cet assaut qui manqua, mais qui amena la reddition le lendemain : Rien de plus terrible que l’assaut où j’ai été blessé en passant par un créneau : mes carabiniers me soutenaient en l’air ; d’une main j’embrassais le mur, je parais les pierres avec mon sabre, et tout mon corps était le point de mire de deux retranchements dominant à dix pas.
Cette religion évangélique purement morale, dans laquelle le prêtre n’est plus qu’un officier de bonnes mœurs et un agent de bienfaisance ; où l’on espère passionnément en l’autre vie, même quand on n’en est pas très sûr, mais parce que c’est une croyance utile et salutaire ; où le curé en cheveux blancs, qui ne sait que donner et pardonner, ressemble à un bon père de famille souriant selon la maxime que « l’air gracieux et serein doit être la parure de l’homme vertueux » ; cette religion du curé de Mélanie et à la Boissy-d’Anglas, religion de tolérance, de doute autant que de foi, et où l’arbitre du dogme ne trouve à dire à son contradicteur dans la dispute que cette parole calmante : « Je ne suis pas encore de votre avis », comme s’il ne désespérait pas de pouvoir changer d’avis un jour ; ce théisme doucement rationalisé et sensibilisé, à ravir un Bernardin de Saint-Pierre et à attendrir un Marmontel, n’est pas du tout la religion de Fénelon, comme on l’a souvent appelé, mais c’est bien la religion de l’abbé de Saint-Pierre.
Y a-t-il eu toutefois une telle époque où le génie homérique, indépendamment d’un Homère même, était dans l’air et circulait çà et là, à l’état de divine tempête, de façon que tout rhapsode pût en prendre sa part indifféremment, à peu près comme au xviiie siècle, en poésie, il y avait du Dorat un peu partout ?
C’est toujours un rôle délicat de donner des conseils sur un ouvrage dans lequel on se trouve loué, soit que, comme M. de La Rochefoucauld, on revoie d’avance l’article que Mme de Sablé écrivait pour le Journal des Savants sur le livre des Maximes, soit qu’ici, comme Rancé, on soit simplement consulté par l’auteur sur la Relation d’un voyage à la Trappe, et qu’on lui suggère quelque idée de ce dont il serait plus à propos de parler : « Comme, par exemple, du nouvel air que vous respirâtes en arrivant dans la terre où habitent des gens qui font précisément et uniquement dans le monde ce qu’ils sont obligés d’y faire, etc., etc. ; faire un petit éloge de la solitude et des solitaires, autant que le peu de moments que vous les avez vus vous ont permis de les connoître, etc., etc. » Hâtons-nous de corriger ce que notre remarque semblerait avoir d’un peu railleur et enjoué, en déclarant qu’à part ce passage, rien dans cette correspondance n’accuse le moindre vestige subsistant d’amour-propre mondain ni de vanité.
Il nous apparaît vaguement confondu dans la troupe des versificateurs, à peine distinct par un air original de bonté attendrie, sans emphase et sans fadeur : voilà pour ses poésies ; pour son théâtre, il ne s’est sauvé de l’oubli que par le ridicule.
La Grèce qu’il, aime, où il vit, c’est la Grèce aimable, légère, joyeuse de vivre, absorbant avidement de ses sens subtils tout ce que la nature a répandu de beautés et de plaisirs dans l’air, dans la lumière, dans les lignes des monts et la mobilité des îlots ; la Grèce des joies physiques et des passions naturelles, primitivement sensuelle ou voluptueuse avec raffinement, la Grèce homérique, alexandrine ou gréco-romaine, épique, idyllique, élégiaque.
Vous avez empoigné les crins de la Déesse Avec un tel poignet qu’on vous eût pris, à voir Et cet air de maîtrise et ce beau nonchaloir, Pour un jeune ruffian terrassant sa maîtresse.
Le nez osseux est creusé à sa racine et, à l’extrémité, avance assez violemment avec des airs de glaive ; la bouche rouge, charnue, que surmonte un plan net et hardi, est ferme, fière et malicieuse, très accentuée d’un pli railleur qui la termine ; le menton légèrement avancé, gras et un peu court, se double déjà (pour exprimer que tout grand travailleur a quelque chose du moine cloîtré, ne fût-ce que l’isolement et la patience !)
Mais ce n’est là qu’une première approximation ; la température, la résistance de l’air, la pression barométrique font varier la marche du pendule.
Le coup d’État qui vint peu après, acheva de me rattacher à la Revue des Deux Mondes et au Journal des Débats, en me dégoûtant du peuple, que j’avais vu, le 2 Décembre, accueillir d’un air narquois les signes de deuil des bons citoyens.
Les immoraux et les athées, ce sont ces hommes fermés à tous les airs venant d’en haut.
Cet air profane et distrait dans le maniement des choses saintes blessait le sentiment religieux de Jésus, parfois porté jusqu’au scrupule 609.
Sans insister sur les précautions qu’il convient de prendre, disons que la formule cherchée, pour être complète et féconde, doit répondre à cette définition 16 : « L’analyse d’un caractère, si elle est bien faite, donne un air de nécessité à tous les actes d’un homme. » § 3. — On inaugure en ce moment en France un troisième procédé d’étude qui consiste à déterminer directement les facultés, les habitudes, les particularités d’un individu.
Au lieu de ces sarcasmes ingénieux & piquans, qui autrefois accréditoient si fort ses mensonges, tout, dans ce prétendu Extrait, annonce une humeur âcre, lourde, entiérement appauvrie ; tout y porte un air confus, déconcerté, misérable, qui a fait rougir ses plus intrépides Partisans.
L’âpreté du sens était déguisée par l’élégance du bien dire et le parfait bon air.
Il met sur la tête de son Prince un diadème de crimes, une tiare de vices, une auréole de turpitudes, et vous invite à adorer son monstre, de l’air dont on attend un vengeur.
Mais pour n’avoir pas l’air de déprécier un aussi grand esprit, je me hâte d’ajouter que Lamennais ne doit pas être seulement étudié dans ses écrits démocratiques.
Elle nous a des airs de carnaval ou de rodomontades.
Dans les tragédies, Niobé paroît avec un visage triste, et Medée nous annonce son caractere par l’air atroce de sa phisionomie.
C’est ainsi que l’air ne laisse pas d’être pesant quoique nous n’en sentions plus le poids.
Je ne recommencerai pas leur éloge, car, Dieu merci, il est partout, et quand on les dénigre, c’est, je crois, un air qu’on se donne.
Il a mieux aimé ne donner que les deux ou trois premières corrections, afin de nous conserver un petit air de cuistre qu’on renvoie dédaigneusement à l’école.
Immobile, il regardait au loin, laissant dans le fourreau, d’un air d’insouciance altière, son sabre enrichi de pierreries.
Aujourd’hui nous redisons ce noble nom d’un homme doué de facultés éclatantes et que beaucoup d’entre nous ont aimé, nous le disons parce que l’air de notre temps vibre encore des coups de feu sous lesquels il s’est si magnanimement abattu.
À la souplesse du talent et à la discrétion, à cet air ineffable de ne pas toucher à ce sur quoi il pèse davantage, M.
Sorte de harpe éolienne philosophique, qui donne des notes et ne joue pas d’airs !
L’air ne suffit pas à Gobineau, il lui faut de l’éther !
Vainement encore, en 1838, un Allemand, Louis Feuerbach — dont la trace n’est pas effacée dans l’histoire de l’hégélianisme, — a donné de Bayle un portrait où respire quelque chose de l’agrément très singulier, de la vivacité, de la mobilité, de l’air d’audace aussi de son modèle. […] Elles avaient encore l’air de modération ou de naïveté même dont elles étaient soutenues, sans fracas, sans emphase ; et, avec cela, toutes les ressources de la dialectique de Bayle, Il affirmait peu. […] Elle flottait dans l’air sans que personne eût essayé de se l’approprier. […] Elles sont en l’air, pour ainsi parler, et situées au-dessus, si l’on veut, mais en dehors des seules réalités qui importent. […] L’heureux pinceau, le superbe dessin Du doux Corrège et du savant Poussin Sont encadrés dans l’or d’une bordure ; C’est Bouchardon qui fit cette figure ; Et cet argent fut poli par Germain… Que reste-t-il maintenant, que d’organiser une idée si féconde, et en l’étendant, en la diversifiant, en l’approfondissant, que de lui donner, avec l’air de sérieux, l’air aussi d’honnêteté, de gravité, d’autorité qui lui manquent encore ?
« Moi qui jadis, assis sous l’ombrage des hêtres, « Essayai quelques airs sur mes pipeaux champêtres, « Qui depuis, pour les champs désertant les forêts, « Et soumettant la terre aux enfants de Cérès, « La forçai de répondre à leur avide attente. […] « Et toi, toi qui, planant sur le sombre chaos, « Où dormaient confondus l’air, la terre et les flots, « Couvais par la chaleur de ton aile féconde, « La vie encore informe et les germes du mondé, « Esprit saint ! […] « Tout sert notre projet : vous voyez des Latins, « Dans les airs obscurcis fumer les feux éteints. […] « Semblable au fier lion qu’un Maure a su dompter, « Qui docile à son maître, à tout autre terrible, « À la main qu’il connaît soumet sa tête horrible, « Le suit d’un air affreux, le flatte en rugissant, « Et paraît menacer même en obéissant. […] « Le fer étincelant avec art détourné, « Par de feints mouvements trompe l’œil étonné : « Tel on voit du soleil la lumière éclatante, « Briser ses traits de feu dans l’onde transparente, « Et, se rompant encor par des chemins divers, « De ce cristal mouvant repasser dans les airs.
Et ils n’allaient pas sans doute renoncer à l’étalage d’une érudition dont ils se faisaient gloire, mais enfin, ils allaient s’efforcer de donner à cette érudition même quelque chose de l’air de la cour ou du monde. […] Ce n’est qu’un nuage qui passe et une tache en un coin de l’air ; elle s’y perd plutôt qu’elle ne s’y arrête. […] Mais, mon esprit, si tu désires chanter les combats, ne contemple point d’autre astre plus lumineux que le soleil pendant le jour dans le vague de l’air, car nous ne saute rions chanter de combats plus illustres que les combats olympiques. » — Vous vous moquez de moi, lui dit la présidente. […] Lisez donc ses chapitres sur le Pouvoir de l’air sur le corps humain prouvé par le caractère des nations, ou encore, sur l’Étendue des climats plus propres aux sciences et aux arts que les autres. […] Admirablement développé dans quelques-unes de ses parties, son syllogisme ne laisse pas, dans son ensemble, d’avoir de l’air d’un cercle vicieux, ou si vous l’aimez mieux, d’une pétition de principe.
Gauthier-Garguille, selon le sujet de leurs farces, représentait soit le maître d’école, soit un savant, débitant d’un air bien bête les chansons composées par lui. […] Dancourt composa la pièce, fit faire quelques airs par Gilliers, et on l’offrit aux Parisiens. […] Mais qui est ce jeune étourdi qui s’avance d’un air moitié sérieux et moitié badin ? […] Je jurerais qu’il s’est garanti du mauvais air que les autres ont respiré, et qu’ayant entendu parler de révolte, il se hâte de la venir apaiser. […] Il a d’un franc poëte et l’air et le maintien.
L’air n’est parfumé que parce qu’il a touché ta chevelure. […] Parfois il répétait sur un air antique quelques vers d’un vieux poète nommé Job. […] Le réalisme a tellement méconnu ces vérités, qu’elles ont presque l’air d’être des paradoxes. […] Asphyxié par les productions fétides, le public demande à respirer un air sain. […] Personne n’a plus l’air de se douter que pour faire un bon ouvrage il faut l’avoir médité longtemps.
C’est ainsi que Shakespeare a dépeint avec une égale complaisance de l’imagination Desdémone et Cléopâtre, Juliette et Cressida, en leur donnant, à toutes les quatre, ce je ne sais quel air de famille, cette douceur trop séduisante du regard, cette mobilité du sourire et des larmes, cette grâce à se blottir contre la poitrine de l’homme, comme en implorant pitié… Le Moraliste, lui, reconnaît cet air de famille et s’en épouvante. […] Il y a dans l’air du temps une épaisse vapeur de positivisme, et la dure loi de la lutte pour la vie apparaît, comme à toutes les époques de désillusion nationale, avec la brutale netteté de ses exigences. […] Elle se l’assimile comme de l’air qu’on respire ; Elle en fait, pour un instant, une portion nécessaire d’elle-même et de son être habituel. […] Sur qui, en effet, se gravent le plus profondément les impressions émanées des choses, de l’air ambiant, du milieu coutumier ou momentané ? […] Elle prit, d’un air dégagé, l’assurance et le commandement d’une volonté nette et tranchante.
Elle est là ; ils ont en pleurant reconnu l’air natal ; ils ont hâte de le respirer, hâte surtout d’apprendre à cette foule de souffrants, — eux qui reviennent du pays d’où personne jamais n’est revenu, — que la vie se continue, qu’elle se purifie, et qu’elle s’achève ailleurs. […] L’air n’y circule pas, si je puis ainsi dire ; une certaine aisance y manque, une certaine largeur ou liberté de touche ; et je ne sais enfin quelle grâce de facilité d’autant plus nécessaire que la sévérité des idées, pour se faire accepter, devait ici s’envelopper de plus de séduction. […] Voilà peut-être une étrange façon d’entendre la critique ; et, si ce n’était qu’il faut soigneusement éviter jusqu’à l’air de plaider dans sa propre cause, nous ne la passerions ni aux Hugo, ni aux Balzac, et bien moins encore à M. […] J’entends par là qu’elles n’ont ni ce degré de généralité, ni cet air de nécessité qui sont, quand on y réfléchit, les raisons mêmes de l’art d’écrire. […] sinon qu’il a enseigné la manière de se procurer, à défaut de la vraie, dont on manque, l’air au moins et les apparences de la fausse originalité ?
Aussi bien l’Arioste et Le Tasse me changeront d’air et de monde au mois de mai. » Sommes-nous assez initiés ? […] Les conséquences suivent de soi : comment tout l’homme n’inclinerait-il pas insensiblement, même au prix de quelques concessions, du côté où le talent qu’il porte trouve son espace, sa nourriture, son air et son soleil ? […] le souvenir qui m’est resté de lui, quant à ces années, est celui d’un excellent élève, d’un très bon humaniste, solide, complet, déjà professeur (chose plus rare à l’École qu’on ne pense) par l’air, le ton, l’aplomb de la parole, le zèle sérieux et convaincu.
Je sais quelqu’un qui a écrit : « Ce qu’était l’abîme qu’on disait que Pascal voyait toujours près de lui, l’ennui l’était à Mme du Deffand ; la crainte de l’ennui était son abîme à elle, que son imagination voyait constamment et contre lequel elle cherchait des préservatifs et, comme elle disait, des parapets dans la présence des personnes qui la pouvaient désennuyer. » Jamais on n’a mieux compris cet effrayant empire de l’ennui sur un esprit bien fait, que le jour où, malgré les plus belles résolutions du monde, l’ennui que lui cause son mari se peint si en plein sur sa figure, — où, sans le brusquer, sans lui faire querelle, elle a un air si naturellement triste et désespéré, que l’ennuyeux lui-même n’y tient pas et prend le parti de déguerpir. […] d’Héricourt : « J’ai commencé la Grecque à cause de ce que vous m’en dites : on croit en effet que Mlle Aïssé en a donné l’idée ; mais cela est bien brodé, car elle n’avait que trois ou quatre ans quand on l’amena en France. » Enfin, voici des vers du temps sur mademoiselle Aïssé, à ce même titre de Grecque : Aïssé de la Grèce épuisa la beauté : Elle a de la France emprunté Les charmes de l’esprit, de l’air et du langage. […] Laissez-moi, par politique, quelque air de raison et de liberté.
Mille infortunes avaient traversé ses jours remplis de durs labeurs… Personne, durant cinquante ans, ne s’était occupé de son âme… Il avait toujours eu des maîtres pour lui vendre l’eau, le sel et l’air, pour lever la dîme de ses sueurs, pour lui demander le sang de ses fils ; jamais un protecteur, jamais un guide… Au fond, que lui avait dit la société ? […] Chose curieuse, c’est aux pasteurs protestants qu’il trouve l’air béat et cafard de Basile ; et il les accable tout justement des mêmes railleries que les libres penseurs vulgaires ont coutume d’adresser aux « curés ». — Bref, il ne comprend pas ou refuse énergiquement de comprendre le sentiment religieux sans la foi, et sans la foi catholique. […] Et certes je ne dis point que Veuillot soit avec Vindex, le gueux révolté qui va jusqu’au bout de sa pensée, contre Spartacus, le « radical » bien mis, qui a du linge et garde des principes : mais Vindex a vraiment, dans ce pamphlet, des airs du Satan de Milton ; et il est certain qu’il y avait en Veuillot un je ne sais quoi de caché, de secret, de dompté et d’étouffé par la foi, mais qui, sous couleur de fiction littéraire, s’épanche, gronde et rugit avec une sinistre allégresse dans les propos sauvages de l’esclave romain.
Virgile nous fait compatir aux terreurs de la nature, à l’approche des grandes tempêtes ; au plaisir de la terre rafraîchie, quand Jupiter y fait descendre les pluies printanières ; aux travaux de l’abeille ; aux souffrances de la vigne, dont le fer abat les branches luxuriantes ; aux jeunes taureaux rendant leurs âmes innocentes auprès de la crèche pleine d’herbes ; à l’oiseau pour qui les airs mêmes ne sont plus un sûr asile, et que la peste atteint jusque dans la nue. […] Les amis de Corneille s’en émurent. « Andromaque a bien l’air des belles choses », disait Saint-Evremond ; « il ne s’en faut presque rien qu’il n’y ait du grand. » L’admiration sincère pour le nouveau chef-d’œuvre perce dans cette réserve d’un des plus fermes amis de Corneille. […] Il faut voir avec quelle satisfaction modeste il parle de la conformité de ses pièces avec ces règles ; je ne sais de plus aimable que l’air timide dont il demande grâce pour les légères infractions qu’il s’est permises.
Il ne restera que ce qui était profond, ce qui avait laissé en nous une trace vive et vivace : la fraîcheur de l’air, la mollesse de l’herbe, les teintes des feuillages, les sinuosités de la rivière, etc. […] Dans le célèbre duo d’amour qui a servi de modèle à tous ceux de la littérature contemporaine, on retrouve l’accent chaud et passionné du Cantique des cantiques, et on pressent cette tendresse qui deviendra douloureuse chez Musset : « Lorsque je suis fatigué, ta vue me délasse… Quelque chose de toi que je ne puis te dire reste pour moi dans l’air où tu passes, sur l’herbe où tu t’assieds… Si je te touche seulement du bout du doigt, tout mon corps frémit de plaisir… Dis-moi par quel charme tu as pu m’enchanter. » A cette poésie s’ajoutent des traits d’observation psychologique : « Ô mon frère, je prie Dieu tous les jours pour ma mère, pour la tienne, pour toi ; mais, quand je prononce ton nom, il me semble que ma dévotion augmente. » Tout cela encadré dans des détails de réelle familiarité : « — Pourquoi vas-tu si loin et si haut me chercher des fruits et des fleurs ? […] « Tout ce bleu, en bas comme en haut, était immobile… L’air et la vague étaient comme assoupis.
Le poseur que Gœthe n’était peut-être pas naturellement, mais que ses admirateurs ont fait de lui en l’admirant trop, cachait soigneusement le creux de son être sous l’air olympien, comme Talleyrand, qui n’était pas moins creux, cachait le sien sous sa : pose indolente et railleuse de grand seigneur blasé et qui en avait vu bien d’autres… Il y a, en effet, beaucoup de ressemblance entre Gœthe et Talleyrand, ces deux âmes de princes ! […] Prudent, comme un serpent qui craint pour sa queue, il fermait la main sur la vérité quand parfois il en attrapait une, — espèce de Fontenelle, moins la grâce, avec un air de charlatan majestueux que le bonhomme Fontenelle n’avait pas. […] On reconnaît la résonnance de la bayadère au tambourin d’or (mais sans le tambourin) qui a dansé devant Gœthe, l’idole allemande-indoue, comme David devant l’Arche, et qui, avec son livre sonore De l’Allemagne, a imprimé une oscillation qui dure encore à l’air ambiant européen.
Le style de ce courtisan est aussi curieux que ses pensées : « Il me paraît qu’Andromaque a bien l’air des belles choses ; il ne s’en faut presque rien qu’il n’y ait du grand : ceux qui n’entrent point dans les choses l’admirent ; ceux qui veulent des beautés pleines y chercheront je ne sais quoi qui les empêchera d’être tout à fait contents. » Ce qu’il y a de plus clair jusqu’ici, c’est que Saint-Évremond ne sait absolument ce qu’il dit, et ne s’entend pas lui-même. […] Le jour où l’on donna Britannicus, ces messieurs se dispersèrent dans la salle pour n’avoir pas l’air de former contre leur maître un attroupement séditieux ; Boursault était du nombre : il n’aimait pas Racine ; il croyait en avoir été offensé. […] Vespasien, depuis empereur, commençant un jour à s’assoupir aux premières mesures d’un air chanté par Néron, fut heureusement réveillé par son affranchi qui le poussa rudement. […] Bajazet ne trompe point la sultane ; son air et ses discours annoncent assez qu’il ne l’aime point : s’il ne détrompe pas formellement une amante insensée qui chérit son erreur, c’est moins pour conserver sa vie que pour sauver les jours d’Atalide : mais, lorsqu’on exige qu’il se lie par une promesse, il fait alors à l’honneur, à la bonne foi, le sacrifice de la vie, de l’amour et du trône. […] Le roi de Lydie, par exemple, envoyait un bel-esprit au roi d’Égypte ; ce bel-esprit proposait des logogriphes à deviner, demandait qu’on exécutât des choses extraordinaires, comme de bâtir une ville en l’air.
* * * Maintenant, si le grand seigneur se marie, tout de suite, la maison s’augmente pour le service de la Dame : d’un Écuyer ; d’une Demoiselle suivante, d’une demoiselle suivante, dont la fonction est de faire honneur à la Dame, et de l’accompagner à la messe, aux visites, et partout où elle va ; d’une Femme de chambre, d’une femme de chambre qui doit savoir peigner, coiffer, habiller et ajuster une dame, suivant le bon air et sa qualité, savoir blanchir et empeser toutes sortes de linges et de gazes, savoir raccommoder les dentelles, savoir préparer un remède et le donner avec adresse ; d’un Valet de chambre, d’un valet de chambre qui, dans ce temps-là, était en général tailleur pour femmes, et qui devait prendre soin des habits de la Dame, et les mettre à la mode, quand ils n’y étaient plus, et tenir la porte de la chambre de la Dame, quand elle se lève ou se couche, et avoir beaucoup de discrétion dans ce qu’il peut voir ou entendre ; d’un Page, d’un Maître d’Hôtel, d’un Cuisinier, d’un Officier, d’une Servante de cuisine, de quatre Laquais, d’un Cocher, d’un Postillon, d’un Garçon de Cocher, de sept Chevaux de carrosse, de quatre Chevaux de selle, pour monter les officiers. […] Dimanche 29 avril Cette noire envie produite par la détention de l’argent, chez quelques-uns, nous faisait rabâcher, Daudet et moi, que ce n’était pas l’argent, qui apportait à la vie les jouissances intérieures intraduisibles, que ces jouissances étaient produites par une bouteille de vin médiocre, le jour où on avait soif, par l’abandon entre vos bras d’une femme, qu’on n’achetait pas, et, mon Dieu, quelquefois simplement par une matinée de beau temps dans la campagne, par du soleil, par de l’air grisant, dans l’alacrité du physique et du moral, en bonne santé et en joie. […] C’est de Ledru une cruche en étain d’un très grand format, dont l’anse est faite de l’accrochement des bras d’une naïade au bord du vase, et dont les jambes s’en vont dans l’air, à la dérive sur le dos d’un dauphin, tandis que dans le bas de la cruche, une autre naïade flotte au-dessus d’une vague, les mains enfoncées dans sa chevelure. […] Mais la demande a été faite d’un air si extraordinaire, que la maîtresse a dit à une amie : « Je ne sais pas, mais il me semble qu’elle ne reviendra pas. » En effet elle ne revenait pas, et le lendemain elle envoyait de Mantes, une lettre où elle disait, qu’ayant perdu ses économies, elle allait se jeter à l’eau, et qu’elle ne s’était pas noyée à Paris, parce qu’elle ne voulait pas être exposée à la Morgue.
. — On tolère encore le monologue, à condition que le personnage se campe face au public, Hernani ou Ruy Blas et joue son air le plus brillant, le plus sonore. […] Celle-ci fredonnant un air, prend l’autre par la main, répète en souriant la courbe, le saut, la pirouette que le maître a calqués sur l’air. […] Tu sauras que, suivant certaines étymologies, musarder veut dire « avoir le museau en l’air », ce qui est bien le fait du poète, lequel, comme on sait, regarde tellement là-haut, que souvent il trébuche et se jette dans des trous. […] Tant pis pour ceux qui ne savent danser que sur un air de polka ou de valse. […] D’un alexandrin compact et sans air, qu’il fait rimer quand il y pense, et qu’il entrecoupe parfois d’un sautillement de vers courts.
L’air de Florence et surtout celui de Rome lui étaient tout à fait contraires. […] C’était une grande raison à tous ceux qui aiment la France pour ne pas vouloir que ce terrible dé fût jeté ; il est en l’air, il ne reste plus à présent qu’à faire des vœux pour qu’il tombe bien.
Il avait remarqué, dit Baillet, que l’air de Paris était imprégné pour lui d’une apparence de poison très subtil et très dangereux, qui le disposait insensiblement à la vanité, et qui ne lui faisait produire que des chimères. […] Cette faim de se cognoistre, qui ne doit pas avoir pour résultat de se fixer, qu’est-ce autre chose, le plus souvent, qu’un vif amour de soi, qui se cache sous un air de curiosité pour ce qui est de l’homme en général ?
Qu’on ne vante plus la Touraine Pour son air doux et gracieux, Ny Chenonceaus, qui d’une reyne Fut le jardin délicieux, Ny le Tivoly magnifique Où, d’un artifice nouveau, Se faict une douce musique Des accords du vent et de l’eau. […] Mon premier idéal est une froide charmille janséniste du xviie siècle, en octobre, avec l’impression vive de l’air et l’odeur pénétrante des feuilles tombées.
Son poème s’intitule Lazare ; c’est le poème des misérables ; c’est la plainte des enfants, esclaves de la machine, privés d’air pur, de jeux, de sommeil ; c’est l’appel de détresse des femmes réduites à envier le sort de la vache, qui reste du moins à l’étable, oisive et paisible, lorsqu’elle a mis au monde un petit. […] Les titulaires des charges lucratives que l’Eglise laisse s’égarer sur la tête de mondains plus recommandés que recommandables croient devoir, tout au moins sur la fin de leur vie, rimer une paraphrase des psaumes, et de là ces milliers de vers dévots qui ont trop souvent l’air d’avoir été composés pour la pénitence des lecteurs autant que des auteurs.
la personnalité y est substituée à la raison directe, l’injure mise à la place de la justification, un faux air de dédain opposé à la justice du reproche. […] C’est un ballon gonflé d’air, qui n’a de consistance, que jusqu’à ce qu’une piqûre en décele le vide.
Tout à coup il prend un air grave et regarde son camarade ; il lui dit : « Monsieur, vous venez de passer une nuit dans la débauche ; cela est affreux !
Ne pensez pas qu’elles fussent semblables à celles que vous voyez voler dans les airs ; mais, sanctifiées par le saint Esprit, qui descendit autrefois du ciel en forme de colombe, elles ont été faites une hostie digne de Dieu. » M. de Meaux a pris d’Origène une infinité d’endroits aussi doux et aussi tendres, que l’on peut voir semés à toutes les pages du commentaire de ce prélat sur le Cantique des cantiques.
La religion est avant tout, pour lui, une théologie, une théorie ; sa foi est un système sur la foi, Avec ses grands airs qui imposent au premier abord, il a plus d’esprit, de mordant et de vivacité piquante que d’autorité grave et de véritable éloquence.
Un jour que Catherine était dans sa chambre à coucher, attenante à celle où se faisait ce vacarme, et qu’elle lisait peut-être du Bayle ou du Platon, elle entendit de tels cris qu’elle ouvrit la porte : « Je vis qu’il tenait un de ses chiens en l’air par le collier, et qu’un garçon, Kalmouck de naissance, qu’il avait, tenait le même chien par la queue (c’était un pauvre petit Charlot de la race anglaise), et avec le gros manche d’un fouet, le grand-duc battait ce chien de toute sa force.
Le fait est que Bossuet, avec son air de grandeur et de bonhomie autoritaire, est impatientant et irritant pour tous ceux de la postérité de Leibnitz, pour les Lessing présents et futurs, pour tous ceux qui préfèrent à la vérité même possédée, et dès lors étroite, la recherche éternelle de la vérité.
Le style y gagne ; il est court-vêtu en quelque sorte, sermo succinctus ; il s’y voit je ne sais quel air cavalier et beaucoup de désinvolture.
Mais que l’on ne vienne pas non plus demander d’un air de doute quel est donc le sujet de l’Iliade, et si elle a vraiment un sujet ?
On ne sait plus ce qui doit fixer l’appréciation des hommes ; les calomnies commandées par l’esprit de parti, les louanges inspirées par la terreur ont tout révoqué en doute, et la parole errante frappe l’air sans but et sans effet.
. — Pareillement, un compositeur qui vient de lire un air d’opéra ne se souvient pas des croches, des blanches, des clefs, des portées, et de tout le barbouillage noir sur lequel ses yeux se sont promenés, mais seulement de la série des accords qu’intérieurement il a entendus ; les signes se sont effacés, les sons seuls surnagent. — Quand il s’agit de mots, nous pouvons marquer les divers degrés de cet effacement.
Ils y saisiront surtout avec plus de facilité le rapport du livre et de la vie, l’étroite liaison de l’idée et de la réalité : ils sentiront que ce ne sont point des fantaisies en l’air dont on les entretient ; ils apercevront dans ces mots, ces éternels mots, dont tant de siècles ont fatigué leurs oreilles, toute la vie de l’humanité et leur propre vie.
, des gens qui disaient d’un air attendri : Veille, ma lampe, veille encore : Je lis les vers de Dufrénoy.
Que l’ignorance confonde l’homme de Lettres avec ces hommes livrés à la paresse sous le nom de repos, qui se dérobent à l’agitation générale pour vivre dans le desœuvrement, qui dorment mollement sur des fleurs, en s’abandonnant au cours enchanteur d’une riante imagination ennemie du travail, & amie de la paix, dont la longue carrière peut être considerée comme un doux rêve, & qui tombent dans les bras de la mort, sans avoir daigné graver sur la terre le souvenir de leur existence ; cette injustice ne m’étonnera point, elle sera digne d’elle : mais l’œil qui aura suivi les travaux de l’homme de Lettres jugera différemment, il le verra souvent insensiblement miné par de longues études, périr victime de son amour pour les Arts, tomber en poursuivant avec trop d’ardeur la vérité, comme l’oiseau harmonieux des bois tombe de la branche au milieu de ses chants, ou plutôt comme ces illustres Artistes dont la main intrépide interrogeant dans la région enflammée de l’air le phénomene électrique, couronnent tout à coup leur vie par une mort fatale & glorieuse.
Quand je fus sorti du palais, arrivé sur la place, je te pris mon trésorier par un pied et le lançai en l’air jusqu’à la voûte du ciel.
D’après Nietzsche, la beauté est le signe auquel se reconnaissent les nobles exemplaires humains, à un degré supérieur ces « superbes plantes tropicales, ces êtres d’élite qui pourront s’élever jusqu’à une tâche plus noble et jusqu’à une existence plus noble, semblables à cette plante grimpante d’Asie, ivre de soleil — on la nomme Sipo-matador — qui enserre un chêne de ses lianes multiples, tant qu’enfin, bien au-dessus de lui, mais appuyée sur ses branches, elle puisse développer sa couronne dans l’air libre, étalant son bonheur aux regards de tous » (Par-delà le Bien et le Mal).
Elle aspire librement l’air qui l’environne, elle s’épanouit sous la chaude haleine que ride l’eau en passant, et lui porte une vapeur féconde.
Ses disciples menaient une vie fort austère 309, jeûnaient fréquemment et affectaient un air triste et soucieux.
Marie, pour donner au festin un plus grand air de fête, entra pendant le dîner, portant un vase de parfum qu’elle répandit sur les pieds de Jésus.
Ce que le charbon en combustion est à la machine, la nourriture et l’air inspiré le sont à l’organisme vivant ; et la conscience qui se produit du pouvoir dépensé n’est pas plus la cause de ce pouvoir, que l’illumination, projetée par le fourneau de la machine, n’est la source des mouvements engendrés. » N’est-il pas d’ailleurs étrange de penser que la conscience de l’effort est la cause du mouvement volontaire, quand on voit que si le pouvoir est aussi grand que possible, l’effort est nul, et que si l’effort est aussi grand que possible, le pouvoir est nul ?
La première fois que madame Scarron vit le roi, elle fut frappée de sa beauté, de son air de grandeur.
De peur qu’on ne le pénétrât, je me faisais saigner pour m’empêcher de rougir. » On voit qu’une des précautions de cette vie mystérieuse consistait à lui ôter tout air de mystère, et voilà pourquoi jusqu’en 1672, la société de madame Scarron continuait à la voir habituellement.
Car enfin, qu’il tourne le dos à Rabelais, qu’il ait même l’air de mépriser Montaigne, je le conçois de la part d’une si platonique nature, et ces paroles de dédain ne signifient autre chose, sinon : Je ne leur ressemble en rien.
J’ai sous les yeux la magnifique édition exécutée à Londres en 1792, avec les nombreux portraits gravés ; je vois défiler ces beautés diverses, l’escadron des filles d’honneur de la duchesse d’York et de la reine ; je relis le texte en regard, et je trouve que c’est encore l’écrivain avec sa plume qui est le plus peintre : Cette dame, dit-il d’une Mme de Wetenhall, était ce qu’on appelle proprement une beauté tout anglaise ; pétrie de lis et de roses, de neige et de lait quant aux couleurs ; faite de cire à l’égard des bras et des mains, de la gorge et des pieds ; mais tout cela sans âme et sans air.
N’est-il pas naturel que l’âme se décompose alors, et se dissipe comme une fumée dans les airs, puisque nous la voyons comme le corps naître, s’accroître et succomber à la fatigue des ans ?
Enfin, Eschyle a conçu visiblement que la tragédie devait se nourrir de passions, ainsi que le poème épique, quoique d’une façon différente, c’est-à-dire, avec un air plus vif et plus animé, à proportion de la différence qui doit se trouver entre la durée de l’un et celle de l’autre, entre un livre et un spectacle.
Il n’avait jamais l’air d’être en chaire ; il causait avec ses élèves comme un ami avec ses amis.
L’écho des passions fiévreuses qui s’étaient exprimées dans les romans de George Sand et dans les poésies d’Alfred de Musset vibrait encore dans l’air si orageux naguère, alors tant apaisé. […] Ce n’est pas le buveur d’air du Sahara, c’est un cheval barbe dressé selon les méthodes de Cimon et de Xénophon. […] Droz s’est montré passé maître dans l’art d’accorder son instrument avec justesse au ton de l’air qu’il voulait jouer. […] Que conclure de cette rencontre presque simultanée de deux esprits si différents, sinon qu’il y a des sujets comme des sentiments qui sont dans l’air, et que la défaveur de la bohème est sans doute du nombre. […] Une réaction était dès lors nécessaire, et on la sentait partout dans l’air à cette époque.
On reconnaît les chefs-d’œuvre de ces grandes époques, quelque divers qu’ils puissent être, à je ne sais quel air de famille qui brille au front de leurs auteurs. […] Comme ce rapprochement lui donne un air étrange et dépaysé ; comme il semble que sa physionomie s’efface, que sa verve s’éteint, que son style se décolore ! […] vous cherchez maintenant à raccommoder cela avec votre lis, s’écriait-elle vivement et d’un air de gronder ; je veux bien vous pardonner pour cette fois d’avoir passé si près sans m’apercevoir ; mais prenez garde ! Celui à qui pareille faute arriverait deux fois de suite, ce serait preuve qu’il n’aimait pas vraiment ; il y a quelque chose dans l’air qui avertit. — De tels mots, comme vous pouvez croire, rachetaient en moi l’effet de bien des médiocrités.
On sait que le végétal emprunte directement à l’air, à l’eau et à la terre les éléments nécessaires à l’entretien de la vie, en particulier le carbone et l’azote : il les prend sous leur forme minérale. […] De là un dédoublement, de là deux évolutions divergentes ; de là aussi deux séries de caractères qui s’opposent sur certains points, se complètent sur d’autres, mais qui, soit qu’ils se complètent soit qu’ils s’opposent, conservent toujours entre eux un air de parenté. […] D’un côté, en effet, l’instinct le plus parfait de l’Insecte s’accompagne de quelques lueurs d’intelligence, ne fût-ce que dans le choix du lieu, du moment et des matériaux de la construction : quand, par extraordinaire, des Abeilles nidifient à l’air libre, elles inventent des dispositifs nouveaux et véritablement intelligents pour s’adapter à ces conditions nouvelles 62. […] Bouvier, La nidification des Abeilles à l’air libre (C.
Son théâtre était un affreux trou, sans issue, où tout était repoussant, l’air empesté, les violons criards, la société en blouse et en marmotte, un monde à part, qui s’amusait à voir son héros donnant et recevant des coups de pied au bon endroit. […] Il les reçoit, en pinçant d’un air distrait les cordes d’une mandoline. […] La veille de sa mort, Socrate, dans sa prison, priait un musicien de lui enseigner un air sur la lyre. « À quoi bon, dit l’autre, puisque tu vas mourir ? […] Entre des frères, entre des cousins, l’étranger par le sang découvre un air de famille dont les personnes apparentées ont si peu conscience que cette découverte leur cause souvent de la surprise. […] Il y a des choses que nous répétons machinalement, parce qu’on les a toujours dites, parce qu’elles sont vraisemblables et qu’elles ont un air de sagesse, mais sans en être bien persuadés.
Pour les hommes, ils sont communément hauts, droits, vermeils, vigoureux, de bon air et de belle apparence. […] On ne me conseillait pas de l’emmener, crainte d’avanie et de quelque méchant tour qu’il avait tout l’air de me jouer. […] On l’humecte d’eau rose la première fois, pour ôter la senteur de la terre, et puis on le pend à l’air, plein d’eau et un linge mouillé autour.
Et, comme en sortant, il lui demandait la raison de son hésitation à pénétrer dans le salon, il lui répondait que devant ces femmes qui avaient leurs gorges à l’air, il avait cru à une mystification et qu’au lieu de l’avoir conduit dans un intérieur familial de lettré, d’Ocagne l’avait mené dans un bateau de fleurs. […] Lorsqu’il nous remet en voiture, un moment, arrêté à la portière, il s’ouvre sur le chagrin que lui cause la brouille avec son fils : « Quant à moi, fait-il, il ne me parle plus, ne me salue plus… Dans ma jeunesse, j’étais violent, prêt à frapper, et cependant lui — il lève le doigt en l’air, et le laisse retomber — je ne lui ai jamais même fait cela… je ne l’ai jamais puni ! […] Une « jeune fille lisant », de Denon, dans le travail naïf de la pierre, se montre comme la jeune Parisienne de 1810, sous son air ingénu, sous sa coiffure vieillotte, sous son costume provincial.
Il peut contenir trente mille spectateurs ; on y joue en plein air, en plein soleil ; les représentations durent tout le jour. […] C’est lui qui sème à pleines mains dans l’air, dans l’eau, dans la terre, dans le feu, ces myriades d’êtres intermédiaires que nous retrouvons tout vivants dans les traditions populaires du moyen-âge ; c’est lui qui fait tourner dans l’ombre la ronde effrayante du sabbat, lui encore qui donne à Satan les cornes, les pieds de bouc, les ailes de chauve-souris. […] Le drame doit être radicalement imprégné de cette couleur des temps ; elle doit en quelque sorte y être dans l’air, de façon qu’on ne s’aperçoive qu’en y entrant et qu’en en sortant qu’on a changé de siècle et d’atmosphère.
vous croiriez entendre Platon politique devenu chansonnier pour apostoliser le peuple d’Athènes : J’ai vu la Paix descendre sur la terre, Semant de l’or, des fleurs et des épis ; L’air était calme, et du dieu de la guerre Elle étouffait les foudres assoupis. […] Tu peux tomber, mais c’est comme la foudre, Qui se relève et gronde au haut des airs… Le Vieux Drapeau tricolore est la complainte héroïque du soldat désarmé de la République et de l’Empire. […] La demeure de Béranger n’avait rien d’indigent ; au contraire, une élégante propreté d’appartements et de meubles ; une femme âgée et gracieuse qu’on entrevoyait sous la tonnelle de lilas d’un petit jardin ; une belle jeune fille, plus semblable à une pupille qu’à une servante, qui ouvrait la porte ; un chien caressant sur l’escalier, des oiseaux en cage à la fenêtre, des fleurs sur la cheminée : tout respirait un air de Charmettes de J.
Le livre se termine par un acte de foi dans un panthéisme mystique si ardent et si profond qu’en le revivant à la suite du Centaure, on se sent enlevé et emporté loin de la terre : « Je ne suis plus ici ou là, sur tel point du globe terrestre, à la cime des montagnes désertes ou sur les plaines ; ensanglantées que traversent les génies de l’air, ou guidant le vol de mes bataillons ; je suis où j’étais ; dans les jours des jours. […] On ressent une joie accrue en retrouvant dans sa mémoire de vieux airs qui nous ont charmé autrefois. […] Ce sont si peu là des imaginations en l’air, et cette hypothèse semble si bien être la plus admissible de toutes, que nous lui trouvons partout d’étonnantes justifications.
Quand une longue imitation a couvert le champ des lettres d’œuvres sans vie, l’anarchie arrive qui nettoie le terrain, purifie l’air et renouvelle la sève. […] L’air naît avec les paroles d’un soupir de pipeau, d’une plainte du vent, d’une roulade du rossignol ou d’un trille de l’alouette. […] Une bouffée d’air pur et un gai rayon de lumière entre dans ces taudis sombres faits pour loger des hiboux plutôt que des hommes. […] si libre et de si grand air ! […] un ordre si exact, sous un air d’abandon et de négligence !
Couvrant son dédain d’un air d’héroïsme, elle proclame : « Je t’aime, malgré ta pauvreté », puis se détourne, rapide, vers le plus prochain sanctuaire. […] Ce singe, naturellement, ridiculise et puérilise les gestes nobles ou terribles qu’il contrefait ; les grands airs de Hugo deviennent chez lui les petites grimaces d’une petite figure à la fois enfantine et vieillote. […] Cette personne, dont le myope bon sens prend des airs si agressifs, est d’ailleurs le plus ridicule des snobs. […] J’étais heureux de voir deux êtres « ravis de la joie simple de respirer le même air ». […] Je ne parle que des personnages féminins, à demi vivants dans un air irrespirable.
Elle était pâle ; elle avait l’air très lasse et un peu malade ; elle regardait sa fille endormie dans ses bras avec cet air particulier d’une mère qui a nourri son enfant. […] « Brevet eut comme une secousse de surprise et le regarda de la tête aux pieds d’un air effrayé.
Les choses passent dans l’air en effet. […] La pluie les ayant mouillés, ils marchaient dans les allées du côté du soleil ; l’aîné conduisait le petit ; ils étaient en haillons et pâles ; ils avaient un air d’oiseaux fauves.
« L’air froid resserre les extrémités des fibres extérieures de notre corps ; cela augmente leur ressort et favorise le retour du sang des extrémités vers le cœur. […] L’air chaud, au contraire, relâche les extrémités des fibres et les allonge ; il diminue donc leur force et leur ressort.
Il fera effort pour être la pensée du siècle : il battra puissamment l’air autour des grands problèmes, des lieux communs éternels, il nous étourdira d’un froissement tumultueux de métaphores et de symboles. […] Les quatre saisons deviennent un quatuor, et dès lors l’hiver est un musicien qui chante des airs vieillots, « le nez rouge, la face blême ».
. — Sans aucun doute, mais ce que nous sentons n’est nullement la vibration de la cloche, ni même la vibration de l’air, ni même la vibration cérébrale : l’ensemble de ces vibrations est une construction ultérieure de notre intelligence, dont les éléments sont empruntés au sens du tact et de la vue, au lieu d’être empruntés au sens de l’ouïe. […] Une douleur, une pensée, une volition ne peuvent plus être considérés comme des phénomènes en l’air, simplement distincts l’un de l’autre à la façon d’une vibration sonore et d’une vibration lumineuse.
La description de ses souffrances ainsi idéalisées par le souvenir et la narration de ses impressions personnelles, diluées dans le torrent des sensations contemporaines, parut aux lecteurs semblable à la musique d’opéra dont on écoute l’air sans prêter attention aux paroles. […] Livré à la risée publique sur leurs théâtres, on voyait dans toutes les parades de John Bull un Français maigre, en habit vert-pomme, chapeau sous le bras, jambes grêles, longue queue, air de danseur ou de perruquier affamé ; on le tirait par le nez et il mangeait des grenouilles.
Or, tous ces auteurs s’accordent à décrire le phénomène comme un recommencement bien net du passé, comme un phénomène double qui serait perception par un côté, souvenir par l’autre, — et non pas comme un phénomène à face unique, comme un état où la réalité apparaîtrait simplement en l’air, détachée du temps, perception ou souvenir, à volonté. […] Mais le plus général de tous est celui dont nous parlions d’abord : le souvenir évoqué est un souvenir suspendu en l’air, sans point d’appui dans le passé.
Il trouverait qu’il s’est donné beaucoup de mal pour recomposer un mélange qu’on se procure tout fait et sans frais, aussi répandu dans l’humanité que l’air dans la nature. […] Enfin on se donne l’air de quelqu’un qui joue.
Donc, il est aisé de juger quel était ce seigneur à voir seulement cet héroïque front, cet air libre, ce rencontre hardi et ce visage dans lequel on ne voit que lignes d’honneur et signes de bonne fortune.
Une leçon littéraire à tirer de ceci, c’est que bien des gens, tribuns ou poètes, veulent se donner des airs féroces en temps de révolution, ils ne sont qu’ampoulés.
. — Ou comme il le dit encore d’un air de fête : « J’ai toujours aimé à jouer de ce bâton. » La première bonne occasion où il se trouve commander n’étant qu’enseigne, et où il commence à marquer sa réputation auprès de ses camarades et de ses chefs, est sur la frontière d’Espagne, du côté de Saint-Jean-de-Luz (1523).
En parlant ainsi, vous tirez en plein sur vos troupes ; vous avez même l’air de tirer sur vos généraux.
Il s’était donné, à l’origine de l’Empire, un air d’opposition.
Le maître y met de la préparation, un air de solennité mystérieuse : « Ce n’est pas de ton savoir-faire ordinaire que j’ai besoin dans l’affaire présente, mais d’autres qualités que j’ai remarquées en toi, ta fidélité et ta discrétion. » — « J’écoute. » — Et ici le maître rappelle à l’affranchi ses bienfaits : il l’a acheté tout enfant, il l’a toujours traité avec douceur et clémence : le voyant servir d’un cœur si honnête, il lui a donné ce qu’il y a déplus cher, il l’a affranchi.
Singulier mélange, en effet, que cet abbé de Pradt, instruit de tant de choses et qui croyait s’entendre à toutes ; homme d’Église qui l’était si peu, qui savait à fond la théologie, et qui avait à apprendre son catéchisme ; publiciste fécond, fertile en idées, en vues politiques d’avenir, ayant par moments des airs de prophète ; écrivain né des circonstances, romantique et pittoresque s’il en fut ; le roi des brochuriers, toujours le nez au vent, à l’affût de l’à-propos dans les deux mondes, le premier à fulminer contre tout congrès de la vieille Europe ou à préconiser les jeunes républiques à la Bolivar ; alliant bien des feux follets à de vraies lumières ; d’un talent qui n’allait jamais jusqu’au livre, mais qui avait partout des pages ; habile à rendre le jeu des scènes dans les tragi-comédies historiques où il avait assisté, à reproduire l’accent et la physionomie des acteurs, les entretiens rapides, originaux, à saisir au vol les paroles animées sans les amortir, à en trouver lui-même, à créer des alliances de mots qui couraient désormais le monde et qui ne se perdaient plus ; et avec cela oublieux, inconséquent, disparate, et semblant par moments sans mémoire ; sans tact certainement et sans goût ; orateur de salon, jaseur infatigable, abusant de sa verve jusqu’à l’ennui ; s’emparant des gens et ne les lâchant plus, les endoctrinant sur ce qu’ils savaient le mieux ; homme à entreprendre Ouvrard sur les finances, Jomini sur la stratégie, tenant tout un soir, chez Mme de Staël, le duc de Wellington sur la tactique militaire et la lui enseignant ; dérogeant à tout instant à sa dignité, à son caractère ecclésiastique, avec lequel la plupart de ses défauts ou, si l’on aime mieux, de ses qualités se trouvaient dans un désaccord criant ; un vrai Mirabeau-Scapin, pour parler comme lui, un archevêque Turpin et Turlupin.
Dans une analyse sincère de ce célèbre Discours de Bossuet, on est aujourd’hui entre deux écueils : ou bien l’on entre absolument dans la vue de l’auteur, on se place à son point de perspective historique surnaturelle, on y abonde avec lui, et l’on choque alors l’esprit de bon sens qui prévaut généralement dans l’histoire et qui a cause gagnée chez la plupart des lecteurs ; ou bien l’on résiste, au nom de ce bon sens, on s’arrête à chaque pas pour relever les hardiesses de crédulité, les intrépidités d’assertion sortant et se succédant d’un air de satisfaction et de triomphe, on se prend à discuter cette série d’explications miraculeuses acceptées sur parole, imposées avec autorité, avec pompe, et l’on se met par là en dehors du plan de l’auteur et des conditions du monument.
Le fait est que la civilisation prêche d’exemple ; elle opère peu à peu ; sans prétendre s’imposer, elle gagne insensiblement, et tous ceux qui sont contemporains, fussent-ils et se crussent-ils de doctrines et de croyances très opposées, la respirent comme l’air et s’en ressentent.
Ce portrait est un chef-d’œuvre de grâce, de gaieté douce, d’ironie pénétrante, d’impertinence polie, et il a tout l’air avec cela d’être la vérité.
. — En trempant aussi avant que personne dans les mœurs et dans les licences du jour, il n’a pas su soutenir la gageure ni être jusqu’au bout un hardi viveur comme Maurice de Saxe, ou un libertin de bel air comme Richelieu. — Mélange peu relevé d’homme d’Église, d’homme de guerre, d’homme de plaisir et finalement de dévot ; au demeurant, fort bonhomme, mais un Condé dégénéré.
Les sources se réunissent en un torrent qu’au milieu même de l’hiver nous pouvons entendre durant la nuit et qui, pendant la saison où le soleil pénètre jusque dans les ravins des glaciers, se précipite avec violence et agite au loin, malgré le calme de l’air, le vaste bassin où il s’engloutit.
Ni les femmes du xvie siècle elles-mêmes, bien qu’elles aient eu le tort d’être effleurées par Brantôme, ni celles du xviiie , bien que ce soit l’air du jour de leur être d’autant plus sévère qu’elles passent pour avoir été plus indulgentes, ne me paraissent tant à dédaigner.
Chez les uns, l’esprit est plus pincé, plus facile chez les autres ; mais, dans l’ensemble, il est sensible que la préciosité étudiée de l’âge précédent s’est résolue en distinction aisée, ou même en négligence de bel air ; décidément les qualités mondaines ne sont plus une surface, mais la nature même, et par malheur toute la nature.
Tout a pris des airs de maladie nerveuse.
Mais il a respiré aussi l’air des temps nouveaux.
Les onze docteurs assistants se nomment Du Moustier, Lambert, Geoffroy, La Barre l’aîné, Donc, Grenerin, Des Airs le cadet, Vagnac, Laleu, Bonnard, Brouard.
Pilate, averti de leur présence, monta au bima 1117 ou tribunal situé en plein air 1118, à l’endroit qu’on nommait Gabbatha ou en grec Lithostrotos, à cause du carrelage qui revêtait le sol.
Le satanisme de Baudelaire est proche parent de l’air fatal et cadavérique qu’affectaient, vers 1832, les « jeunes France », admirateurs de Byron, proclamé aussi poète satanique.
Rien n’est caché, rien n’est secret ; les promenades en triomphe : cet air déplairait encore plus à une femme qui serait un peu jalouse ; mais tout le monde est content. » La suite de cette lettre se rapporte à la situation de mesdames de Montespan et de Maintenon à l’égard l’une de l’autre.
Notre inconscient, privé de l’air pur qui lui est nécessaire, s’affole.
En histoire littéraire comme en histoire naturelle, il y a le groupe, il y a ceux que certaines analogies rassemblent, et qui ont un air de famille auquel on ne se méprend pas.
Les conditions physiologiques de cette direction nouvelle sont d’ailleurs inconnues ; on ne peut que la comparer avec la direction divergente qu’un simple mouvement des aiguilles imprime aux rails d’un chemin de fer, ou avec le simple mouvement de ressort qui, dans un orgue, fait succéder un registre à un autre, un air à un autre, ou mieux encore avec l’ouverture et la fermeture soudaine d’un courant électrique qui, dans le mécanisme d’une pile compliquée, produit ou suspend les inductions, aimantations, mouvements invisibles et visibles.
Il serait sans doute très imprudent de soutenir que la composition chimique du cerveau n’a aucune influence sur le développement intellectuel, et le fait du crétinisme doit donner à réfléchir, car il paraît établi que cette malheureuse monstruosité est un arrêt de développement qui tient en partie à l’absence de certains éléments (iode on autres) dans la composition de l’air atmosphérique ou dans la composition du sol.
La vanité de l’éléphant, le besoin qu’il a de parler voyant que Gille ne lui dit mot, l’air de satisfaction et d’importance qui déguise mal son amour-propre, le ton qu’il prend en parlant du combat qu’il va livrer et de sa capitale : tout cela est parfait.
Cela s’appelle la promotion, à laquelle, comme à tous les actes publics, on donne dans ces écoles un grand air d’importance et de publicité, ce qui est excellent pour entretenir l’émulation et enflammer la jeunesse, qui s’accoutume dès lors à se regarder comme la portion la plus intéressante et la plus précieuse de la nation, puisque c’est sur elle que repose la durée de sa gloire6.
Ce fut une Théroigne épargnée… Et de l’être dut certainement redoubler par un dépit humilié, le courroux et le ressentiment de ce violent bas-bleu contre le sexe fort, qu’elle repoussait et détestait en masse, mais qu’elle admettait très bien et qu’elle ne haïssait pas en détail… Le sexe fort de ce temps-là se contentait de rire de ses airs terribles de Méduse, trouvant drôle cette union, pittoresquement claudicante, d’une Gorgone et d’une madame Trissotin !
C’est ainsi que dans Andromaque, inspirée de tout Euripide plutôt qu’imitée d’une de ses pièces, Ennius prêtait à la veuve d’Hector ces pathétiques paroles, dont le chant lugubre semblait retentir encore dans l’âme de Cicéron, loin du Forum et du théâtre, et lui faisaient dire : « Ô le grand poëte, bien qu’il soit dédaigné par ces chanteurs qui fredonnent les airs d’Euphorion !
Si, dans une mousse du même genre, on extrait l’air d’un alvéole, on voit se dessiner un cône d’attraction analogue à ceux qui se forment autour des centrosomes pour aboutir à la division du noyau 12. […] Les déplacements de l’Amibe dans une goutte d’eau seraient comparables au va-et-vient d’un grain de poussière dans une chambre où portes et fenêtres ouvertes font circuler des courants d’air. […] Tel, le vent qui s’engouffre dans un carrefour se divise en courants d’air divergents, qui ne sont tous qu’un seul et même souffle. […] Imaginons qu’au lieu de se mouvoir dans l’air, ma main ait à traverser de la limaille de fer qui se comprime et résiste à mesure que j’avance.
L’air ténébreux, le regard fatal sont à la mode. […] Pourquoi l’orgue même, qui naquit pourtant d’un mystique mariage du génie et de la sainteté, s’avilit-il à retentir de phrases de théâtre, d’airs d’opéra entre deux psaumes hurlés par les voix fausses de petits voyous mornes et vicieux, ce pendant que s’accomplit à l’autel le Mystère qui fait frémir les anges de terreur et d’amour ? […] Elle choisit sévèrement sa lignée dans le passé, elle évoque le futur d’un regard de fierté ; au présent elle méprise beaucoup, elle cherche haut de l’air qu’elle puisse respirer et quel tremblement la prend à l’aspect des modernes temples de l’Art, de ces théâtres dédiés à l’épanouissement suprême de l’Art Intégral, mais qui sont si mal préparés à tant d’honneur ! […] Le projet seul de ces petites entreprises géographiques répugne à la vraie nature de l’Art, qui au propre n’a que deux patries : l’âme et l’air — étant l’aile de l’esprit — et qui n’a qu’un instant : l’éternité. […] Mais non : si vous ne savez « jouer un air », ne touchez pas à la harpe.
Les détails les plus familiers ne sont-ils pas rassemblés avec un air de négligence qui semble exclure l’intervention de la volonté ? […] La jeune mère, tout en filant son rouet, essaie de consoler le vieux soldat, et lui chante les airs qui tant de fois l’ont mené au combat. […] La poitrine s’élargit, les poumons s’emplissent de l’air vif et pur des montagnes. […] Nous assistons avec bonheur à l’initiation de cette âme qui s’ignore ; nous écoutons avec ivresse, avec attendrissement, toutes les paroles qui s’échappent de cette bouche frémissante, et quand Julie, éclairée d’une lumière divine, remercie le Créateur, nous respirons plus à l’aise, notre poitrine se dilate comme si nous quittions l’air humide de la vallée pour l’air pur et généreux de la montagne. […] Autant vaudrait dire que l’air souille les poumons ; c’est un non-sens et rien de plus.
Trois mentons, et, sans mentir, l’air d’un fort marchand de porcs. » Tel est le portrait qu’en fait Gozlan. […] L’air commun, très commun, court, petit, criard, bavardant, bouffonnant, fanfaronnant. […] Tenez en vue tous ces traits et dites maintenant si, même après la grande guerre, qui semble avoir détruit moins radicalement l’ancienne Allemagne monarchique, aristocratique, absolutiste, que ce qui subsistait chez nous de grandes propriétés rurales, un roman tel que Les Paysans n’a pas encore l’air d’avoir été écrit hier. […] Il n’en avait pas besoin : seulement, en vertu de son tempérament, tous ses actes prenaient un air de réclame. […] Pas de nuances, une évidente grossièreté — je ne parle pas de ses « obscénités » : on est allé si loin, on a tant raffiné, après lui, et vicieusement, en matière sexuelle, dans la littérature, que cette obscénité prend un air d’innocence.
Il se tourne vers moi, et d’un air fâché : « Je ne vois pas, dit-il, ce que ce tableau vanté a de si sublime. — À propos, lui dis-je, savez-vous ce que la rente a fait hier soir fin courant ? […] Il citait, comme exemple de la belle manière de faire parler les héros de la tragédie, un discours de lord Falstaff, chef de la Justice, qui, dans la tragédie de Henri IV, présentant au roi un prisonnier qu’il vient de faire, lui dit avec autant d’esprit que de dignité : — Sire, le voilà ; je vous le livre ; je supplie Votre Grâce de faire enregistrer ce fait d’armes parmi les autres de cette journée, ou… je le ferai mettre dans une ballade avec mon portrait à la tête… Voilà ce que je ferai, si vous ne rendez ma gloire aussi brillante qu’une pièce de deux sous dorée ; et alors vous verrez dans le clair ciel de la renommée ternir votre gloire comme la pleine lune efface les charbons éteints de l’élément de l’air, qui ne paraissent autour d’elle que comme des têtes d’épingles. […] Cette conduite n’a-t-elle pas l’air du commencement d’une déroute.
C’est un gros garçon, à l’encolure d’un propriétaire foncier vivant sur ses terres, avec un rien de l’air d’un ahuri et d’un mystique. […] Alors Spuller de s’écrier d’un air triomphant, que maintenant la République dispose pour ses fêtes, d’un public d’un million des spectateurs, à peu près le chiffre des pèlerins, que les fêtes catholiques de Rome, y attiraient au xve siècle. […] Soudain sous ces grands arbres — spectacle charmant — a débouché, pour la danse, en plein air de la nuit, une queue interminable de danseurs et de danseuses, marchant deux à deux, avec des allures un peu théâtrales : — les filles coquettement provocantes dans cet idéal costume arlésien, qui donnerait à défaut de beauté, de la joliesse aux plus laides.
Laissez venir à lui ce doux air embaumé qui a passé sur un banc de violettes : il est essentiel à la mélancolie, comme il est nécessaire à ces enchantements. […] Jeunes, celles qui le paraissent ; qui, toujours neuves, semblent attendre l’événement ; prêtes au départ et n’être pas arrivées : cet air de fatigue, après un voyage, est la fin de la jeunesse. […] Il contribue à enrichir la notion que nous avons de chaque genre, mais, au même moment, il a l’air de l’air de la démentir, il la secoue, il menace de l’arracher, ce qui nous plonge dans un grand trouble et un grand embarras.
La seule distraction qu’il se permit après souper, le chapelet et la prière du soir, était un air de flûte, joué au bord de sa fenêtre donnant sur les prés de Tresserves. […] Harold s’éveille ; il voit grandir dans le lointain Les contours azurés de l’horizon romain ; Il voit sortir grondant, du lit fangeux du Tibre, Un flot qui semble enfin bouillonner d’être libre, Et Soracte, dressant son sommet dans les airs, Seul se montrer debout où tomba l’univers.
VII Mais vous approchez des Alpes ; les neiges violettes de leurs cimes dentelées se découpent le soir sur le firmament, profond comme une mer ; l’étoile s’y laisse entrevoir au crépuscule comme une voile émergeant sur l’océan de l’espace infini ; les grandes ombres glissent de pente en pente sur les flancs des rochers noircis de sapins ; des chaumières, isolées et suspendues à des promontoires comme des nids d’aigles, fument du foyer de famille du soir, et leur fumée bleue se fond en spirales légères dans l’éther ; le lac limpide, dont l’ombre ternit déjà la moitié, réfléchit dans l’autre moitié les neiges renversées et le soleil couchant dans son miroir ; quelques voiles glissent sur sa surface, les barques sont chargées de branchages coupés de châtaigniers, dont les feuilles trempent pour la dernière fois dans l’onde ; on n’entend que les coups cadencés des rames qui rapprochent le batelier du petit cap où la femme et les enfants du pêcheur l’attendent au seuil de sa maison ; ses filets y sèchent sur la grève ; un air de flûte, un mugissement de génisse dans les prés, interrompent par moments le silence de la vallée ; le crépuscule s’éteint, la barque touche au rivage, les feux brillent çà et là à travers les vitraux des chaumières ; on n’entend plus que le clapotement alternatif des flots endormis du lac, et de temps en temps le retentissement sourd d’une avalanche de neige dont la fumée blanche rejaillit au-dessus des sapins ; des milliers d’étoiles, maintenant visibles, flottent comme des fleurs aquatiques de nénuphars bleus sur les lames ; le firmament semble ouvrir tous ses yeux pour admirer ce bassin de montagnes ; l’âme quitte la terre, elle se sent à la hauteur et à la proportion de l’infini ; elle ose s’approcher de son Créateur, presque visible dans cette transparence du firmament nocturne ; elle pense à ceux qu’elle a connus, aimés, perdus ici-bas, et qu’elle espère, avec la certitude de l’amour, rejoindre bientôt dans la vallée éternelle : elle s’émeut, elle s’attriste, elle se console, elle se réjouit ; elle croit parce qu’elle voit ; elle prie, elle adore, elle se fond comme la fumée bleue des chalets, comme la poussière de la cascade, comme le bruissement du sable sous le flot, comme la lueur de ces étoiles dans l’éther ; elle participe à la divinité du spectacle. […] N’est-il pas puéril que la poésie consiste à couper son sentiment dans toute sa fougue en deux hémistiches d’égale dimension, comme si les vibrations de l’âme étaient parallèles, et que la passion, l’amour, l’adoration, l’enthousiasme dussent être coupés par la césure, comme l’archet du chef d’orchestre coupe l’air en deux pour l’exécutant ?
Nous la voyons, nous la palpons, nous la foulons sous nos pieds sous forme de terre, nous la contemplons sur nos têtes sous forme d’air, de lumière, de feu, d’astres, de firmament. […] Si cet homme est Bossuet, c’est-à-dire s’il réunit dans sa personne la conviction qui assure l’attitude, la pureté de vie qui préconise le Verbe, le zèle qui dévore, l’autorité qui impose, la renommée qui prédispose, le pontificat qui consacre, la vieillesse qui est la sainteté du visage, le génie qui est la divinité de la parole, l’idée réfléchie qui est la conquête de l’intelligence, l’explosion soudaine qui est l’assaut de l’esprit, la poésie qui est le resplendissement de la vérité, la gravité de la voix qui est le timbre des pensées, les cheveux blancs, la pâleur émue, le regard lointain, la bouche cordiale, les gestes enfin qui sont les attitudes visibles de l’âme ; si cet homme sort lentement de son recueillement ainsi que d’un sanctuaire intérieur ; s’il se laisse soulever peu à peu par l’inspiration, comme l’aigle d’abord pesant, dont les premiers battements d’ailes ont peine à embrasser assez d’air pour élever son vol ; s’il prend enfin son souffle et son essor, s’il ne sent plus la chaire sous ses pieds, s’il respire à plein souffle l’esprit divin, et s’il épanche intarissablement de cette hauteur démesurée l’inspiration ou ce qu’on appelle la parole de Dieu à son auditoire, cet homme n’est plus un homme, c’est une voix.
« Depuis que Galilée eut fait rouler sur un plan incliné des boules dont il avait lui-même choisi le poids, ou que Toricelli eut fait porter à l’air un poids qu’il savait être égal à une colonne d’eau à lui connue, ou que plus tard Stahl eut transformé des métaux en chaux, et celle-ci en métaux par la suppression et l’addition de certaines parties, depuis ce moment un flambeau a été donné aux naturalistes. […] La colombe légère, lorsqu’elle traverse d’un libre vol l’air dont elle sent la résistance, pourrait croire qu’elle volerait encore bien mieux dans le vide ; ainsi Platon oublie le monde sensible, parce que ce monde impose à la raison des bornes étroites, et se hasarde par-delà, sur les ailes des idées, dans l’espace vide de l’entendement pur.
L’art d’employer l’air, l’eau, la terre ou la pesanteur et le feu, est l’art d’épargner le temps et les bras de l’homme qui en fait ses domestiques. […] La physique expérimentale est une imitation en petit des grands phénomènes de la nature, un essai de ses principaux agents, l’air, l’eau, la terre, le feu, la lumière, les solides, les fluides, le mouvement.
Ses courts et brusques dessins, ses récits, sont une suite de jolis tableaux flamands, relevés tout aussitôt d’une saveur alpestre, de quelque chose de fruste (pour employer un de ses mots favoris) et d’un caractère sauvage : en même temps, il n’oublie jamais le côté humain, familier, vivant, qui doit animer le paysage, et qui lui ôte tout air de descriptif.
Les Scapin, les Crispin, les Mascarille, sont assez ordinairement des gens de sac et de corde : chez Marivaux, les valets sont plus décents ; ils se rapprochent davantage de leurs maîtres ; ils en peuvent jouer au besoin le rôle sans trop d’invraisemblance ; ils ont des airs de petits-maîtres et des manières de porter l’habit sans que l’inconvenance saute aux yeux.
Dans sa notice habile et légèrement ironique sur Villehardouin et sur les événements où le noble témoin fut mêlé, notice où il a réussi à combiner d’un air discret le rôle de disciple de Voltaire et celui de continuateur des Bénédictins, M.
De la porte de notre cabane, nous avions une des plus belles vues du monde : à notre gauche, mais fort au-dessous de nous, le cap Oropeza élevait dans les airs ses aiguilles qui servent de signaux aux navigateurs ; derrière nous, en se prolongeant dans l’ouest, s’étendaient les chaînes de montagnes noirâtres qui, comme un rideau, abritent le royaume de Valence du côté nord et conservent à cet heureux climat la douce température dont il jouit.
Quand il parlait comme lorsqu’il écrivait, Fénelon se tenait plus volontiers à mi-côte et sur les collines : « Son style noble et léger, a-t-il dit de Pellisson, ressemblait à la démarche des divinités fabuleuses qui coulaient dans les airs sans poser le pied sur la terre. » On peut le dire de lui-même et en supprimant l’image de fabuleuses ; sa parole avait quelque chose de noble et de léger qui rappelle ces figures angéliques, amies de l’homme, et se tenant toujours à sa portée, qui pourraient s’enlever plus haut, qui ne le veulent pas, et qui aiment mieux, dès qu’il le faut, redescendre.
Le magicien a tout l’air ici de proposer un coup de sa baguette au roi de France autant pour le moins qu’au roi d’Espagne. — Un autre chapitre, jeté dans le même moule, et à la Montesquieu, est encore celui où l’auteur semble prophétiser sur l’Amérique : « Si l’on découvrait une vaste contrée dont le sol neuf et fertile n’attendît que les plus légers travaux, etc. » Les derniers chapitres du livre, ceux surtout qui ont été ajoutés dans la seconde édition, en 1789, à la veille des États généraux, contiennent des idées d’avenir, notamment sur la milice, sur le tirage au sort de tous les citoyens.
Cette maison était environnée d’un air plus pur, le soleil y était ardent comme l’amitié, le ciel aussi tranquille que le fond des cœurs.
Ainsi, pour parler net, il ne ressemble pas à ceux qu’on appelait généralement classiques de 1820 à 1830, lorsqu’il écrit de Rome, à la date de juillet 1824 : Alaux vient de faire un tableau qui représente Mercure et Pandore dans les airs.
Suis dans les airs la vapeur colorée Par les derniers rayons du jour !
Mais aussi il y a un historien des plus heureusement doués dont le procédé est autre : il lit, il étudie, il se pénètre pendant des mois et quelquefois des années d’un sujet, il en parcourt avec étendue et curiosité toutes les parties même les plus techniques, il le traverse en tous sens, s’attachant aux moindres endroits, aux plus minutieuses circonstances ; il en parle pendant ce temps avec enthousiasme, il en est plein et vous en entretient constamment, il se le répète à lui-même et aux autres ; ce trop de couleur dont il ne veut pas, il le dissipe de la sorte, il le prodigue en paroles, en saillies et en images mêmes qui vaudraient souvent la peine d’être recueillies, car, plume en main, il ne les retrouvera plus : et ce premier feu jeté, quand le moment d’écrire ou de dicter est venu, il épanche une dernière fois et tout d’une haleine son récit facile, naturel, explicatif, développé, imposant de masse et d’ensemble, où il y a bien des négligences sans doute, bien des longueurs, mais des grâces ; où rien ne saurait précisément se citer comme bien écrit, mais où il y a des choses merveilleusement dites, et où, si la brièveté et la haute concision du moraliste font défaut par moments, si l’expression surtout prend un certain air de lieu commun là où elle cesse d’être simple et où elle veut s’élever, les grandes parties positives d’administration, de guerre, sont si amplement et si largement traitées, si lumineusement rapportées et déduites, et la marche générale des choses de l’État si bien suivie, que cela suffit pour lui constituer entre les historiens modernes un mérite unique, et pour faire de son livre un monument.
Il y a dans ce rythme aisance, harmonie, douceur, et les deux vers à rimes rapprochées qui terminent la strophe lui donnent par leur monotonie un air de complainte qui ne déplaît pas.
Après cela il ne faut pas s’étonner si on profite des pages de Tallemant sans le citer, lui, avec honneur, si on le dépouille souvent sans trop s’en vanter et en se donnant l’air d’en faire fi.
Toute la Germanie entendit retentir dans l’air le fracas des armes ; les Alpes ressentirent des tremblements de terre inaccoutumés… insolitis tremuerunt molibus Alpes , » il insistait sur le mot insolitis : « Ne croyez pas, disait-il, que Virgile l’ait mis au hasard ; insolitis !
À peine embarqué sur le Northumberland qui devait le transporter de la rade anglaise à Sainte-Hélène, Napoléon qui, de ses derniers compagnons de fortune, n’avait pu garder avec lui que le grand maréchal Bertrand, les généraux Montholon, Gourgaud et M. de Las Cases (sans compter son fidèle valet de chambre Marchand), Napoléon passait de longues heures, dans cette traversée qui fut de plus de deux mois (8 août-17 octobre), en plein air, sur le pont du vaisseau, — tantôt immobile, à cheval sur un canon qui était à l’avant du bâtiment et que les marins anglais eurent bientôt baptisé le canon de l’Empereur, regardant le ciel et les flots, se voyant aller à la tombe et décliner au plus profond de l’Océan comme un astre qui change d’hémisphère ; tantôt se levant, interpellant ses fidèles compagnons et se parlant comme à lui seul, s’interrogeant sur tant d’événements prodigieux desquels lui-même se surprenait étonné après coup, et que sa pensée, pour la première fois oisive dans le présent, roulait en tumulte.
il a surpris un aigle ; il le traînait, et le sang de l’oiseau et le sang de l’enfant s’éparpillaient dans l’air en larges gouttes, telles que des roses emportées.
About, la Grèce contemporaine, savez-vous que c’est un amusant et un charmant livre, instructif aussi, prophétique même (l’événement l’a prouvé), et plein de bon sens sous ses airs d’étourderie ?
Les Grecs, dans leur architecture, comptaient avec la lumière, la transparence de l’air, avec les sites environnants ; ils apportaient une étude toute particulière dans l’arrangement des angles de leurs édifices, se détachant en silhouette sur le ciel ou sur le fond bleuâtre des montagnes.
Ce pauvre Don Quichotte, répétant les exploits des anciens chevaliers avec une si parfaite bonne foi et une candeur si unique, donne jour à une telle variété de rencontres et d’aventures, — l’écuyer Sancho, dès la seconde sortie, accompagne et double si grotesquement son maître, avec ce perpétuel contraste de demi-bon sens et de demi-bêtise qui ne feront que s’accroître et se solidifier en avançant, — l’auteur, par des stations ménagées à propos, sait si naturellement entremêler d’autres récits et nous intéresser, chemin faisant, par les côtés passionnés et romanesques de notre nature, — il profite si justement et avec une si légitime hardiesse des instants lucides de son héros qui n’extravague que sur un point, pour le faire noblement et fermement discourir des matières que lui-même avait le plus à cœur de traiter, — tout cet ensemble vit, marche, se déduit si aisément, d’un cours si large, si abondant, et avec une telle richesse de développements imprévus et d’embranchements inépuisables, qu’on est bien réellement en plein monde, en plein spectacle, en plein air sous le ciel, qu’on nage dans un courant de curiosité humaine de tous côtés excitée et satisfaite, et que rien ne sent ni ne rappelle l’application critique et satirique née dans le cabinet.
Pourquoi Cratinus, Aristophane et Eupolis, pourquoi Ménandre, Philémon et Diphile ont-ils l’air de s’entendre pour donner en si peu de temps la perfection soit à l’ancienne, soit à la nouvelle comédie ?
Il célébra ensuite la Bataille de Navarin, puis l’Héroïsme de Bisson (1828) ; il humait à pleine poitrine tous les sujets qui passaient dans l’air.
De même qu’une conférence sur Millevoye serait privée de son plus gracieux ornement si l’on n’y récitait la Chute des feuilles, de même un article sur Loyson serait sans sa couronne si l’on n’y mettait cette élégie du Retour à la vie ; il y répond à des amis qui, le voyant revenu d’une terrible crise, lui conseillaient d’aller respirer l’air natal : Quelle faveur inespérée M’a rouvert les portes du jour ?
Quinet tout d’abord au plus honorable rang parmi les poëtes en vers de nos jours, c’est, après la grandeur de l’entreprise et la longueur de la carrière dont il faut tenir compte, une poésie générale, mouvante, puissante, qui circule dans tout cela, comme l’air sur de vastes plateaux élevés, ou comme l’esprit sur les eaux ; c’est de plus un certain nombre de morceaux très-beaux qui semblent lui assurer une manière.
Le mieux est d’avoir fourni auparavant tout ce qu’on peut en plein air, avec ses coudées franches.
Ce long sommeil de Colomb, bien moins vraisemblable que celui d’Alexandre ou de Condé, la veille d’une bataille dont les dispositions sont assurées d’avance, m’a tout l’air du voile mesquinement ingénieux qu’un peintre grec, dans un tableau d’Iphigénie, jeta sur le visage d’Agamemnon.
Ces rencontres, toujours ma joie et mon alarme, Ces airs, ces tours de tête, ô femmes, votre charme ; Doux charme par où j’ai péri !
tout ce que vous pouvez pour l’homme infortuné, c’est d’essayer de le convaincre qu’il respirerait un air plus doux dans l’asile où vous l’invitez ; mais si ses pieds sont attachés à la terre de feu qu’il habite, vous paraitra-t-il moins digne d’être plaint ?
Il a, dans cette image, l’air d’éternelle jeunesse qu’il avait dans ses plus beaux jours ; sa physionomie le nomme.
Et toutes ces impressions se fixaient dans de pénétrants sonnets : sonnets satiriques, plus larges que des épigrammes, plus condensés que des satires, expressives images des intrigues de la cour romaine et des corruptions de la vie italienne ; sonnets pittoresques, où la mélancolique beauté des ruines est pour la première fois notée, en face des débris de Rome païenne ; sonnets élégiaques enfin, où s’échappent les plus profonds soupirs de cette âme de poète, effusions douces et tristes, point lamartiniennes pourtant : elles ont trop de concision et de netteté, et il y circule je ne sais quel air piquant qui prévient l’alanguissement.
Il y a quelque chose de très singulier dans la différence d’un peuple à un autre ; le climat, l’aspect de la nature, la langue, le gouvernement, enfin surtout les événements de l’histoire, puissance plus extraordinaire encore que toutes les autres, contribuent à ces diversités ; et nul homme, quelque supérieur qu’il soit, ne peut deviner ce qui se développe naturellement dans l’esprit de celui qui vit sur un autre sol et respire un autre air : on se trouve donc bien en tout pays d’accueillir les pensées étrangères ; car dans ce genre, l’hospitalité fait la fortune de celui qui la reçoit643. » Le conseil était bon et pratique : nous nous en sommes aperçus plus d’une fois en ce siècle, nous autres Français.
Son scepticisme m’a bien l’air de n’être qu’un moyen de défense.
En outre, s’il saisit dans une œuvre quelque côté qui n’ait pas encore été aperçu ou signalé, il le met si violemment en lumière, il oublie si bien tout le reste que sa découverte prend tout de suite je ne sais quel air d’élégante impertinence et semble un défi à la sécurité des bonnes gens qui croient ce qu’on leur a dit et qui n’inventent rien.
En effet, il vint un moment, et ce moment coïncide à peu près avec l’époque de la mort de Molière, où la comédie italienne, qui ne s’en allait plus, comme autrefois, respirer l’air natal, se fit de plus en plus française.
Au contraire une pierre mise en l’air ne va pas aussi bien de bas en haut que de haut en bas, elle suit une direction invariable.
À table, Mme de Graffigny nous le fait voir charmant, attentif, servi d’ailleurs en prince, avec ses laquais et son valet de chambre derrière son fauteuil : Son valet de chambre ne quitte point sa chaise à table, et ses laquais lui remettent (au valet de chambre) ce qui lui est nécessaire, comme les pages aux gentilshommes du roi ; mais tout cela est fait sans aucun air de faste, tant il est vrai que les bons esprits savent en toute occasion conserver la dignité qui leur convient, sans avoir le ridicule d’y mettre jamais de l’affectation.
Elle s’y montre très frappée de la dignité de sa mère qui, aux paroles de diverse sorte qu’on adressait aux nobles captifs, n’opposait le plus souvent que le silence : Ma mère, comme à l’ordinaire, ne dit mot, écrit Madame à propos d’une nouvelle insultante qu’on leur annonçait, et elle n’eut pas même l’air d’entendre ; souvent son calme si méprisant et son maintien si digne en imposèrent : c’était rarement à elle qu’on osait adresser la parole.
Maurepas, qui fut exilé vingt-cinq ans dans sa terre, après avoir été ministre et avant de le redevenir, avait passé ce long intervalle avec une légèreté de grand air, qui faisait illusion, même à Montesquieu : « J’arrive de Pontchartrain avec Mme d’Aiguillon, où j’ai passé huit jours très agréables, écrivait-il ; le maître de la maison a une gaieté et une fécondité qui n’a point de pareille.
Le sentiment du désert et de l’immensité, de la fuite à travers les sables, est assez bien rendu en bien des endroits : un air brûlant y circule.
Quand ce fut au tour de lord Chatham de répliquer, il s’exprima sur Franklin en des termes que j’ai indiqués déjà, et si magnifiques, que celui-ci eut peine, il l’avoue, à conserver ce même air indifférent et ce visage de bois qu’il avait opposé tout à l’heure à l’injure.
Seulement, comme étrange fut l’air de croire inventer cela : car de toute éternité de la matière en devenir le Symbole étant virtuel en la Nature et attendant qui l’en tirera, depuis qu’existent geste et langage n’en sort-il pas peu à peu ?
Pascal a fait lui-même de grandes expériences et associé son nom à celui de Toricelli dans la théorie de la pesanteur de l’air.
L’un s’arrête sur les habits du tems qui ne déplaisent jamais lorsqu’ils sont traitez par un artisan, qui a sçu les accommoder à l’air comme à la taille de ses personnages, et leur donner en les drappant la grace dont leur tournure les rendoit susceptibles.
Mais parce que la Société n’est composée que d’individus4, il semble au sens commun que la vie sociale ne puisse avoir d’autre substrat que la conscience individuelle ; autrement, elle paraît rester en l’air et planer dans le vide.
Voyez, dans une même patrie, les gens de la plaine et ceux de la montagne, ceux qui communiquent, par tout leur être, avec le sol rocheux, l’air sec, avec les bruyères, avec les grands flamboiements de soleil sur des surfaces arides ; regardez à côté et étudiez ceux que la vie enferme dans l’ombre moite des forêts ; observez le visage des mêmes travailleurs qui change avec les saisons, la couleur de leurs paroles ou de leurs yeux qui varie plus d’une fois en un jour, et dites si nous ne sommes pas un peu les sujets de ce monde que nous dominons par la pensée ?
Ce gros mathématicien, mon voisin, qui, la craie en main, s’amuse à chiffrer en fumant, l’air gai et l’esprit tranquille, contemple en ce moment cette intelligence immense qu’on ne peut concevoir sans stupeur.
Cela m’a tout l’air de simple prose. […] Il ne craint que deux choses au monde : les ennuyeux et l’air humide. […] Les histoires que recueille Maeterlinck n’ont aucun fondement pratique et restent des rêveries en l’air. […] L’absence de tramways et de voitures produit un bienfaisant silence qui concourt avec l’humide ouate de l’air à détendre et guérir les nerfs. […] Le 3 novembre, j’ai pu déjeuner en plein air, au Lido, déjà déserté par les snobs, devant l’Adriatique qui ne me parut point amère.
L’air de la rue du Bac devenait dès lors irrespirable pour cette ardente et puissante poitrine. […] L’appel d’air qui soulève alors une France littéraire nouvelle est pris entre les trente ans de Lamartine et les vingt ans de Musset. […] Les grandes carrières de lettres, cette abondance pleine, puissante et régulière d’œuvres qui caractérise la littérature, cette facilité dans la production, cet appel d’air du public, ce dynamisme général d’une société qui se refait : toute la littérature est prise dans l’entrain de rythmes constructifs. […] L’appel d’air de la politique à la littérature est en effet, de toute cette génération, un caractère unique. […] C’est la Nouvelle Héloïse qui a déterminé pour la première fois autour d’un grand écrivain à la mode cet appel d’air.
Tous les Français, plus ou moins, et la plupart jusqu’au fond, sont infectés de ce mauvais air. […] Une brindille de bois mort placée dans certaines grottes où l’air humide est chargé de certains sels, se couvre de brillants cristaux et devient une aigrette de diamants. […] Le despotisme démocratique est subtil et répandu dans tout l’air que respire une nation. […] Cela constitue une théorie en l’air, qui n’est même pas un système. […] Ce qui est plus malaisé, c’est de s’affranchir des croyances actuelles qu’on semble comme respirer dans l’air qui nous entoure.
La suppression de la conjonction donne du jeu, pour ainsi dire, à la phrase quelque chose de libre et de flottant : « Le train s’ébranle, s’étire, s’élance »… c’est un moyen de faire circuler l’air dans le tableau. […] Vous n’en pouvez pas moins jouer bien des airs encore ; et si votre roman m’intéresse, d’une manière ou d’une autre — et, je le répète, il n’y a pas de raison pour qu’il ne m’intéresse point, — ne vous flattez pas que j’aille résister contre mon émotion et « que le plaisir de la critique m’ôte celui d’être très vivement touché de très belles choses ». […] Non pas sans doute qu’il n’y ait de fort belles parties dans Salammbô, les unes qui séduisent par leur air d’étrangeté phénicienne, et les autres qui désarment la critique par leur beauté, leur solidité, leur largeur d’exécution. […] Son infériorité, c’est la recherche de ce qu’on appelle en musique l’air de bravoure, en peinture le morceau de facture, en littérature le passage à effet. […] Elles avaient été surprises en l’air, comme chacun sait, par la rigueur du précédent hiver, mais, « advenante la sérénité et tempérie du bon temps », elles fondaient ; et, si l’on en croit l’auteur, elles étaient ouïes toutes ensemble : « mots de gueule, mots d’azur, mots de sinople, mots de sable et mots dorés ».
Tel d’entre eux qui, avec ses égaux, ne fait usage que du patois du pays, est très-mortifié et se montre parfois très-piqué, si quelqu’un d’une classe plus élevée vient à lui adresser la parole en ce même patois ; c’est en effet lui dire tacitement : Je juge à votre air et à vos manières que vous ne devez pas comprendre le langage des gens bien élevés. […] Soit que ce latin rustique (en Gaule) fût une suite, un développement, une variété de l’idiome populaire latin importé autrefois par les conquérants en même temps que la langue savante, et s’émancipant désormais sur tous les points à la fois, — auquel cas les langues romanes seraient elles-mêmes, comme on l’a voulu pour l’italien, une simple dérivation et un dégagement presque organique des idiomes populaires latins soumis à une quantité de circonstances locales accidentelles, et modifiées à l’infini ; — soit qu’il fut déjà un corruption, une dégradation du latin littéraire, un abominable et un cas hautement de barbarismes et de solécismes, ce qui aurait tout l’air d’avoir « t », si on en jugeait par ce qui est ensuite advenu dans toutes ces contrées de la langue romaine (on voit chez Muratori, que, de 712 à 744, on gravait ses mots sur un monument public : Edificatus est hanc civorius sub tempore domino nostro lioprendo rege).
Le Marquis ne s’applique plus uniquement à soutenir la dignité d’un personnage du bel air ; il n’a plus de rubans et de canons à étaler aux yeux du public ; il ne hausse plus les épaules chaque fois que le parterre rit ; il se donne la peine d’écouter. […] Du reste, il trouve la pièce aussi fade qu’une tarie à la crème, et le voilà qui fredonne un air d’opéra-bouffe, en regardant le plafond de la salle.
Un certain air de représentation caractérisait son attitude : après avoir représenté devant les cours il représentait encore dans sa famille. […] Depuis plus d’une année je n’allais plus dans cette maison, et j’ai su qu’on m’en a loué comme d’un trait de politique, parce qu’on a cru que je m’étais retiré pour n’avoir pas l’air d’intriguer et de m’attacher à cette ancre pour me tenir ferme.
Je les ai nommés d’avance à plusieurs de nos premiers citoyens, et j’avais annoncé l’heure où ils se présenteraient…………… « Peux-tu, Catilina, jouir en paix de la lumière qui nous éclaire, de l’air que nous respirons, lorsque tu sais qu’il n’est personne ici qui ignore que, la veille des calendes de janvier, le dernier jour du consulat de Lépidus et de Tullus, tu te trouvas sur la place des Comices, armé d’un poignard ? […] Soit que ces oiseaux familiers eussent de la joie de revoir leur maître, soit qu’en s’élevant très haut dans les airs ils eussent aperçu, avant les serviteurs, les armes inusitées des nombreux soldats d’Antoine répandus dans les campagnes, et se glissant comme des assassins vers les jardins de Cicéron, ils s’agitaient comme par un instinct caché.
Puis il était toujours resté le vagabond à qui il fallait le grand air et le ciel libre, les courses à l’aventure, et les surprises d’un coin de bois ou d’un coucher de soleil. […] Il lui a dit la splendeur des levers du soleil, la sérénité pénétrante des nuits d’été, la volupté des grasses prairies, le mystère des grands bois silencieux et sombres, toute cette fête des yeux et des oreilles pour laquelle s’associent la lumière, les feuillages, les fleurs, les oiseaux, les insectes, les souffles de l’air.
Bref je suis né en 1862 et tout plein de reproches contre mille choses que j’ai vues, je n’imagine cependant rien de mieux que l’air que j’ai respiré de ma naissance à cette année 1922. […] Abel Hermant (Extrait d’un article du Temps) Quand la politique se mêle de dicter des sentences, elle admet aussi peu de tempéraments que le célèbre législateur Dracon, qui avait décrété la peine de mort indistinctement pour tous les délits… Victor Hugo est bête, … et le dix-neuvième siècle est stupide… Ces façons de juger sont odieuses à quiconque ne sait respirer qu’à l’air libre… A.
Le seul air de famille qui leur soit demeuré, c’est qu’ils semblent être les mêmes personnages se moquant, dans leur âge mûr, de ce qu’ils ont aimé dans leur jeunesse. […] Là on le voit dans ce naturel qui se perfectionnera sans changer ; ennemi des préjugés, et vivant bien avec eux ; pénétrant les réalités derrière les apparences, et l’homme sous l’habit ; obéissant aux puissances ; à condition de n’en être pas dupe ; narguant toute classe qui profite de la simplicité populaire ; ami des innovations praticables, du progrès, et point de ce qui n’en a que l’air plus malin que méchant ; « cette certaine gaieté d’esprit, dont parle Rabelais, conficte en mespris des choses fortuites. » Le bon sens français a chassé le merveilleux romanesque ; la dissertation qui a pour objet d’établir quelques vérités pratiques, a remplacé les récits qui ne font qu’amuser.
Ces deux scènes comportent deux airs d’Amfortas puis le dernier air de Parsifal.
Sa compagnie ordinaire, est un homme toujours à l’air, et toujours sorti de chez lui comme l’autre, un vieillard maigre et long, à cheveux blancs en désordre et comme fouettés par des vents de malheur, cravaté d’une corde de soie noire où ne passe jamais le blanc d’un chemise, et habillé éternellement d’un paletot lie de vin et d’un pantalon chocolat, qui traîne et fait sur ses galoches ces bourrelets de plis, que Gavarni tirebouchonne au bas de ses pantalons d’inventeurs, — et une canne sous le bras, et toujours une pipe éteinte à la bouche. […] Ce matin, elle est allée aux Tuileries, et comme on lui parlait de l’air de bonne et gaie santé qu’on avait trouvé à l’Empereur à son dernier jeudi, elle dit : « Oh !
La plupart des personnes qui ont été liées avec La Barre, sçavent combien il aimoit à jetter du ridicule sur le célèbre Ramsay, qui prêtoit effectivement à la plaisanterie par ses airs empesés, par son affectation à faire parade de science & d’esprit dans la société, par les fadeurs qu’il étoit accoutumé de dire aux femmes*. […] « Son extérieur avoit, continue-t-il, un certain air de bibliothéque peu galant.
La foule houleuse et de belle humeur témoignait bruyamment sa satisfaction du temps et du spectacle ; elle s’enquérait du nom des célébrités et des délégations de villes et de pays qui défilaient pour son plaisir ; elle admirait les monumentales couronnes de fleurs portées sur des chars ; elle applaudissait les fifres des sociétés de tir, déchirant les oreilles de leurs airs discordants ; elle saluait de rires ironiques Déroulède et son sérieux en redingote verte ; et pour mettre le comble à sa joie, il ne manquait que le blason des Benni-bouffe-toujours du cortège, — le lapin sauté et leur arme, — la colossale seringue de carton. […] Les hôteliers, les cabaretiers, les fricoteurs de la race goulue souriaient d’allégresse en palpant dans leurs poches les pièces de cent sous que la fête rapportait : l’un d’eux disait d’un air très convaincu : « il faudrait qu’il meure toutes les semaines un Victor Hugo pour faire aller le commerce !
Ou je retiens chacune de ces sensations successives pour l’organiser avec les autres et former un groupe qui me rappelle un air ou un rythme connu : alors je ne compte pas les sons, je me borne à recueillir l’impression pour ainsi dire qualitative que leur nombre fait sur moi. […] Mais nous éprouvons une incroyable difficulté à nous représenter la durée dans sa pureté originelle ; et cela tient, sans doute, à ce que nous ne durons pas seuls : les choses extérieures, semble-t-il, durent comme nous, et le temps, envisagé de ce dernier point de vue, a tout l’air d’un milieu homogène.
Nous concevons que des phénomènes physico-chimiques aient lieu dans le cerveau, que le cerveau soit dans le corps, le corps dans l’air qui le baigne, etc. ; mais le passé, une fois accompli, s’il se conserve, où est-il ? […] Les perceptions qui ont rempli la première période de cet intervalle, et qui forment maintenant avec les perceptions consécutives un souvenir indivisé, étaient donc véritablement « en l’air » tant que la partie décisive de l’événement n’était pas encore produite.
Ce fut l’art et le charme de Gabrielle d’avoir su mettre dans cette existence plus qu’équivoque et si affichée une sorte de dignité et quelque air de décence.
Et en effet, lorsque Buffon âgé de quarante-deux ans publia en 1749 les premiers volumes de son Histoire naturelle, malgré les dix années qu’il avait mises à la préparer, il avait beaucoup à apprendre : il n’était nullement botaniste, il n’était point anatomiste ; il avait contre la méthode et contre toute classification scientifique des préventions qu’il exprime tout d’abord d’un air de bon sens, et qui soulevèrent bien des réclamations fondées.
» Car il y avait en Louis XIV et dans l’air qui l’environnait je ne sais quoi qui obligeait à ces qualités et à ces mérites tous ceux qui entraient dans la sphère du grand règne, et c’est en ce sens qu’on peut dire qu’il les leur conférait.
Louis XIV, cette fois, va se trouver seul en face de l’Europe, alarmée de ses airs de monarchie universelle et coalisée contre lui.
Il y avait au premier abord chez Santeul un air de poète rabelaisien, de poète de carnaval ; mais quand on allait au fond, on voyait que, dans ce cœur d’enfant, la croyance et même une certaine innocence n’en étaient pas atteintes.
» Car, de même, continue Plutarque, que la poésie d’Antimaque et les peintures de Denys, ces deux enfants de Colophon, avec tout le nerf et la vigueur qu’elles possèdent, donnent l’idée de quelque chose de forcé et de peiné, tandis qu’aux tableaux de Nicomaque et aux vers d’Homère, sans parler des autres mérites de puissance et de grâce, il y a, en outre, je ne sais quel air d’avoir été faits aisément et coulamment : c’est ainsi qu’auprès de la carrière militaire d’Épaminondas et celle d’Agésilas, qui furent pleines de labeur et de luttes ardues, celle de Timoléon, si on la met en regard, ayant, indépendamment du beau, bien du facile, paraît à ceux qui en jugent sainement l’œuvre non pas de la fortune, mais de la vertu heureuse.
Pendant que je la lisais, je me rappelais bien souvent cette autre correspondance récemment publiée, si étonnante, si curieuse, si pleine de lumière historique et de vérité, entre deux autres frères, couronnés tous deux, le roi Joseph et l’empereur Napoléon ; et, sans prétendre instituer de comparaison entre des situations et des caractères trop dissemblables, je me bornais à constater et à ressentir les différences : — différence jusque dans la précision et la netteté même, poussées ici, dans la correspondance impériale, jusqu’à la ligne la plus brève et la plus parfaite simplicité ; différence de ton, de sonoréité et d’éclat, comme si les choses se passaient dans un air plus sec et plus limpide ; un théâtre plus large, une sphère plus ample, des horizons mieux éclairés ; une politique plus à fond, plus à nu, plus austère, et sans le moindre mélange de passe-temps et de digression philosophique ; l’art de combattre, l’art de gouverner, se montrant tout en action et dans le mécanisme de leurs ressorts ; l’irréfragable leçon, la leçon de maître donnée là même où l’on échoue ; une nature humaine aussi, percée à jour de plus haut, plus profondément sondée et secouée ; les plaintes de celui qui se croit injustement accusé et sacrifié, pénétrantes d’accent, et d’une expression noble et persuasive ; les vues du génie, promptes, rapides, coupantes comme l’acier, ailées comme la foudre, et laissant après elles un sillon inextinguible54.
Tout le monde avait un air contraint, et l’on mourait d’ennui.
La forme de son refus est piquante, toute en raisons et en épigrammes sous air de scrupules : « J’ai une conscience trop timorée, dit-il, pour faire le métier de journaliste.
La plupart des Pensées de Mme Swetchine semblent avoir ainsi mûri au feu du soleil intérieur, et, au lieu d’être, comme des plantes naturelles d’Italie, écloses au grand air et aux rayons du matin, et qui ont bu la rosée avec l’aurore, elles ont l’air d’avoir poussé en serre et en chambre bien nattée.
C’est peut-être un motif de plus, pour le lecteur distingué, de s’y plaire, en y remettant partout cet air et cet accent sous-entendus.
Renan me paraît le plus certainement atteint et convaincu de déisme latent, quoi qu’on en dise, c’est qu’il conçoit l’œuvre de l’humanité comme sainte et sacrée, qu’il y admire et y respecte, dans la suite des développements historiques, un ordre excellent, — non pas cet ordre tel quel, qui résulte nécessairement, fût-ce après coup, des rapports et de la nature des événements en cours et des éléments en présence, mais un ordre préétabli, et qui a tout l’air d’avoir été conçu quelque part dans un dessein supérieur et suprême.
Ce cygne tout seul restait, pour ainsi dire, en l’air, et n’avait plus de raison d’être.
Chaque verset ainsi chanté est comme le coup d’archet, le petit air de violon à nos théâtres du boulevard, qui signale la fin ou le commencement d’une scène.
Or, on sait précisément, par une note des papiers de Conrart, que ce n’était pas une vraie marquise ni une femme du monde, mais une comédienne qu’on avait surnommée ainsi pour ses grands airs, Mlle Du Parc, dont les deux Corneille, Pierre et Thomas, pendant un séjour qu’elle fit à Rouen, avaient raffolé à l’envi.
Il nous faut des maîtres plus sensibles qu’instruits, plus raisonnables que savants, qui dans un lieu vaste et commode, hors des villes, hors de l’infection de l’air qu’on y respire et de la dépravation des mœurs qui s’introduit par tous les pores, soient les égaux, les amis, les compagnons de leurs élèves ; que toute la peine, que tout le travail de l’instruction soit pour le maître, et que les enfants ne se doutent même pas qu’ils sont à l’école ; que dans des conversations familières, en présence de la nature et sous cette voûte sacrée dont le brillant éclat excite l’étonnement et l’admiration, leur âme s’ouvre aux sentiments les plus purs ; qu’ils ne fassent pas un seul pas qui ne soit une leçon ; que le jour, la nuit, aux heures qui seront jugées les plus convenables, des courses plus ou moins longues dans les bois, sur les montagnes, sur les bords des rivières, des ruisseaux ou de la mer, leur fournissent l’occasion et les moyens de recevoir des instructions aussi variées que la nature elle-même, et qu’on s’attache moins à classer les idées dans leur tête qu’à les y faire arriver sans mélange d’erreur ou de confusion. » Vous voyez d’ici le tableau idéal et enchanteur de toutes ces écoles primaires et rurales de la République française, où chaque enfant serait traité comme Montaigne, Rabelais ou Jean-Jacques ont rêvé de former et de cultiver leur unique élève.
Pourquoi et comment l’animal terrestre, l’habitant des airs, la faune première ?
Il avait d’ailleurs des vues, des idées originales et bien des termes de comparaison, ayant habité l’Angleterre, visité l’Espagne, le Portugal ; il connaissait même l’étranger beaucoup mieux que la France, d’où il avait émigré et où il semblait craindre de remettre les pieds depuis que la Charte en avait empoisonné l’air et le sol.
Hippocrate l’avait pressenti, dès l’antiquité, dans son traité des Airs, des Eaux et des Lieux ; aux Anciens la vue et le pressentiment dans sa largeur : aux Modernes le détail, l’exactitude et la preuve.
M. de Stein a fait faire des routes et planter plusieurs beaux arbres, ce qui donne à la campagne l’air d’un jardin anglais. » La jeune, et douce reine croyait que M. de Stein intriguait.
Il y avait vingt-cinq ans qu’il n’avait mangé de pain, ni bu de vin ; Malouet lui fit faire un bon repas qui réveilla ses souvenirs : « Il me parla de la perruque noire de Louis xiv, qu’il appelait un beau et grand prince, de l’air martial du maréchal de Villars, de la contenance modeste du maréchal de Gatinat, de la bonté de Fénelon, à la porte duquel il avait monté la garde à Cambrai.
Dans la pièce sur la Charité, en parlant de la femme, celui qui fut le plus harmonieux des poètes dit sans hésiter : Mais si tout regard d’homme à ton visage aspire, Ce n’est pas seulement parce que ton sourire Embaume sur les dents l’air qu’il fait palpiter… Évidemment, une révolution s’est opérée : M. de Lamartine veut prendre, en quelque sorte, dans son rhythme le trot de Victor Hugo ; ce qui ne lui va pas.
Il a tout l’air d’être occupé à finir comme il a commencé, par cent volumes que personne ne lira.
Heureusement il a d’autres mérites pour se faire estimer : il a la logique serrée, vigoureuse, sophistique parfois avec un air de franchise, toujours sûre et saisissant en tout sujet les arguments essentiels ou les preuves efficaces.
Et vous vous rappelez l’abominable dénouement : la bataille des spahis et des nègres, la mort de Jean, de Fatou-gaye et de leur enfant, cette hideuse éclaboussure de sang dans l’enchevêtrement des grands végétaux éclairés à cru et qui ont, eux aussi, l’air vénéneux et féroce… IV De cet exotisme voluptueux et triste dérivent certains sentiments très grands, très simples, éternels, par lesquels se prolongent et s’approfondissent les sensations notées.
L’habitude de ce petit monde déshabitue du grand air ; on en vient à se défier de la nature humaine et à fonder l’espérance du succès sur des moyens factices, sur d’obscures manœuvres.
Les écrivains se laissent prendre à toutes les idées qui flottent dans l’air, sans, hélas !
Bourget à qui Marie-Anne de Bovet enseigna les grâces mondaines va, comme un vulgaire romantique, pleurer en plein air.
Il en résulte une sorte de disproportion qui déconcerte bien un peu, mais avec laquelle on se raccommode quand on est fait à l’air et aux façons de ce guide supérieur.
Chaulieu tenait du dernier, il tenait surtout de Chapelle ; mais s’il renchérissait sur l’un et sur l’autre pour ses négligences comme rimeur, il se gouvernait mieux qu’aucun d’eux dans la vie, et, sous ses airs d’Anacréon, il savait toujours où il en était.
Cette mort, qui se confond avec la catastrophe du Vésuve, lui a donné dans la postérité l’air d’un observateur opiniâtre, et d’un martyr généreux de la science.
Les lectures qu’il lui fallut faire pour la connaissance approfondie de ces temps orageux et souillés du xviiie siècle, contrastaient souvent avec cette pureté délicate et ces vertus de famille qu’il pratiquait et qu’il goûtait si bien dans le cercle intérieur ; il en souffrait ingénument et se replongeait avec d’autant plus d’attrait dans l’air pur de la félicité domestique.
Son frère, l’abbé Fouquet, qui l’aida à ses débuts, était un homme actif, intrigant, dévoué à Mazarin : les défauts de la famille se démasquaient en ce frère impétueux, et qui se montrait propre à tout : dans les autres membres ils se présentaient sous forme plus spécieuse et plus décente, et les projets, les vues aventureuses affectaient un air de supériorité et de grandeur, qui apparaît d’abord dans le surintendant dont nous parlons, et qu’on revit plus tard dans MM. de Belle-Isle, ses petits-fils.
À la vue des armes et du costume des Troyens, Achéménide effrayé s’arrête un instant, et il se demande s’il osera se faire voir à eux ; mais le sentiment de sa misère l’emporte : Au nom des astres, au nom des dieux, s’écrie-t-il en s’avançant, par cet air commun que nous respirons, prenez-moi, Troyens, partout où vous voudrez emmenez-moi ; c’est tout ce que je vous demande.
Lorsqu’il débuta dans les lettres, assez tard, tous ceux qui parlent de lui ont relevé, dès l’abord, cet air d’assurance et de fatuité.
Elle voit Zelmis, et, dès le premier instant, elle est touchée pour lui, comme lui pour elle : « Elle disait les choses avec un accent si tendre et un air si aisé, qu’il semblait toujours qu’elle demandât le cœur, quelque indifférente chose qu’elle pût dire ; cela acheva de perdre le cavalier. » Cette jolie phrase : Il semblait toujours qu’elle demandât le cœur, est prise textuellement d’un petit libelle romanesque du temps sur les amours de Madame et du comte de Guiche.
La correspondance de Franklin, en ces années, est d’une lecture des plus agréables et des plus douces : l’équilibre parfait, la justesse, l’absence de toute mauvaise passion et de toute colère, le bon usage qu’il apprend à tirer de ses ennemis mêmes, un sentiment affectueux qui se mêle à l’exacte appréciation des choses, et qui bannit la sécheresse, un sentiment élevé toutes les fois qu’il le faut, un certain air riant répandu sur tout cela, composent un vrai trésor de moralité et de sagesse.
On sait sa touchante Élégie : Remplissez l’air de cris en vos grottes profondes, Pleurez, nymphes de Vaux, faites croître vos ondes !
Aussi fut-ce l’absence de gravité que le bossu Villemain, qui s’était fait grave, de peur de n’être rien, opposa au critique muscadin, autrement fort que lui, qu’il jalousait, et qui mettait par-dessus la plus vaste, la plus étonnante des littératures, de petits airs à la Brummell.
L’eider qu’il était, cette hermine des airs, ce fier oiseau, sauvage à force de pureté, s’enleva bientôt d’un coup d’aile par-dessus un projet vulgaire, si peu digne de lui.
Il n’a plus l’air d’une philosophie, mais d’un dépôt.
« Pendant des semaines, des mois, l’espoir et l’amour lui donnèrent le courage surhumain de supporter, sans plainte, le cahotement du téflégas, la poussière, la chaleur et la pluie, la mauvaise nourriture, les durs lits de camp, l’air empesté des maisons d’étape, mais enfin ses forces s’épuisèrent. […] Pour le crapaud, l’immoralité, c’est l’oiseau qui vole dans l’air et chante dans les branches ; pour le cloporte, ignoblement condamné aux murs visqueux des caves, ce sont les abeilles qui se roulent dans le pollen des fleurs. […] — De grave et de gravé, ne chicanons pas, je vous prie… Enfin, elle a je ne sais quoi de déjà historique… Elle sied à la jeunesse par un genre de noblesse spéciale ; elle vous donne tout de suite un air de célébrité préexistante, pourrais-je dire… Aussi, tenez, lorsque j’étais quelque part, au théâtre, à l’Académie, où déjà je n’avais garde de manquer une séance publique, j’entendais les gens se demander : « Quel est donc ce jeune homme qui a une si belle tête de médaille ? […] Henry Schneider, si combative, si impérieuse, si tranchante, un peu sinistre, vraiment, sur ce fond infernal du Creusot, où, dans les fumées et les flammes, l’on voit des troupeaux d’hommes s’agiter, suer, ahaner sous l’effort, brûler leurs faces maigres à la gueule des fours, tordre leurs bras sur les barres rougies, chercher vainement parmi les vapeurs sulfureuses, à travers l’atmosphère toxique, un peu d’air respirable pour leurs poitrines rongées de poisons. […] Partout, il ne rencontre que de la joie, de la richesse, de l’abondance, de l’amour… Autour de la ville la campagne est couverte de splendides moissons, les arbres craquent sous le ruissellement rouge des fruits… l’air charrie des odeurs de roses.
C’est à cause du récitatif, qui est une négation de la musique, puisque c’est la parole qui redevient ici l’élément prédominant, que dans leurs prétendus drames ils se virent contraints d’intercaler des morceaux de chant développés, des cantilènes conçues dans la forme traditionnelle soit des airs à danser, soit des chansons populaires. […] Ces formes mélodiques nouvelles, plus libres, plus amples que la simple chanson populaire ou l’air à danser, se transmirent à la musique instrumentale allemande demeurée systématiquement polyphonique et, grâce à Bach, à Haydn et à Mozart, nous conduisirent à la symphonie de Beethoven. […] Elle a encore de Mérimée la logique dans la passion, la ligne la plus courte, la dure nécessité ; elle a, avant tout, ce qui appartient à la zone chaude, la sécheresse de l’air, la limpidité de l’atmosphère. […] Il y avait de la fermentation dans l’air et du malaise dans les classes dirigeantes. […] En ce temps-là, — c’était peut-être vers notre neuvième année, — nous entendîmes la première musique, la plus simple, la plus puérile, qui n’était pas beaucoup plus qu’une continuation des chants de nourrice et des airs de joueurs d’orgue.
J’ai vu des fossoyeurs creuser une fosse et jouer avec des têtes de morts en chantant des airs à boire ! […] Quel air de fête dans la nature, et comme ces bonnes gens, emportés par le tourbillon de la danse et tombant au milieu des éclats de rire, expriment bien leur bonheur de vivre ! […] La statue habillée, qui se penche avec un air rêveur au milieu des fleurs de nos expositions, apparaissait à mon imagination comme proposant à la critique une énigme tout aussi obscure, tout aussi curieuse, tout aussi digne d’être déchiffrée, que celles des sphinx et des colosses égyptiens qui bordaient, il y a quatre mille ans, les avenues des temples de Thèbes, écrasant de leur masse la foule imperceptible, à son approche de la demeure du dieu ; et je me disais : La critique doit comprendre cette énigme, cela suffit.
« Peut-être, dit-il, cette chaude et sauvage Afrique dépassait-elle la compétence d’un petit bourgeois de Montparnasse, qui n’est guère sorti de son quartier et qui n’a point pris l’air. […] Quand il s’écrie : « De l’air ! de l’air ! […] Distinction à laquelle il faut donner, quand l’occasion s’en présente, de l’air et du jeu. […] Les communistes mis à part, ces portraits d’hommes politiques ont tout l’air d’une distribution de roses dont les épines seraient mouchetées.
Ce besoin de déplacer le corps quand on ne peut faire agir l’esprit, est un phénomène moral, qui se retrouve à toutes les époques fortement tenues, où l’on respire un air douteux, mêlé. — La veille de la révolution d’Angleterre, Pyne, Hampden et Cromwell allaient partir. […] Le soleil donne en plein midi sur des rochers, l’herbe est joyeuse et sourit aux rayons, l’air est frais, l’espace est grand, vous retrouvez la nature des montagnes, vous en aspirez les senteurs ; un plaisant arrive, qui, pour avoir puisé son instruction et son esprit dans le Journal pour rire, bafouera les Demoiselles de village. […] Cette lettre, madame, n’est que l’annonce de quelques autres lettres traitant plus directement des idées nouvelles qui sont dans l’air et que je tâcherai de fixer, m’appliquant surtout à celles relatives à la littérature. […] Vouloir, quand on n’est qu’homme, s’envoler dans ses airs comme le bel Icare, c’est s’exposer à dégringoler comme lui, en se cassant le nez le mieux du monde.
C’était un vrai dévot de cette Église moderne qui exproprie les bonnes gens pour trimballer les commis-voyageurs et pour fabriquer du dividende à air comprimé. […] Je sais bien qu’il a mis toute son âme dans cette défroque et c’est pour cela que la vile défroque a un si grand air. […] Il ressemble à un prince de la Fantaisie qui tiendrait à garder l’incognito et il a toujours l’air de revenir d’excessivement loin. […] J’entendis, ce soir-là, une gracieuse fille qui chantait d’anciens airs populaires, recueillis et orchestrés par M. de Sivry, lequel sait fort bien pourtant qu’il existe un Paris moderne avec de la littérature de vaisselle, des horizontales, des sénateurs inclus et plusieurs autres choses actuelles, mais qui s’en moque et qui s’en va boire ailleurs, très loin. […] Cadet Coquelin ou Coquelin Cadet qui reçut le nom d’Ernest à sa naissance, on ne sait trop pourquoi, et qui mérita par la suite d’être appelé Cadet, par cette raison forte qu’il est le Roussel de la dynastie des Coquelin et qu’il a toujours l’air de porter ses trois châteaux sur le bout de son nez, ce qui fait de lui le plus considérable comique de l’univers.
Ce serait le cas de reprendre ici la fameuse comparaison de Stendhal : « Ce que j’appelle cristallisation, c’est l’opération de l’esprit qui tire de tout ce qui se présente la découverte que l’objet admiré a de nouvelles perfections. » Ainsi, chaque siècle, qui passe sur un chef-d’œuvre, sans en avoir altéré l’air d’éternelle jeunesse, donne au siècle qui suit cent raisons nouvelles d’y reconnaître de nouvelles beautés. […] C’est un curieux poète que ce Scève, obscur et prétentieux d’ailleurs, à peu près illisible aujourd’hui, et que pour ce motif je m’étonne que nos symbolistes et nos décadents n’aient pas essayé de remettre en honneur : L’humidité, Hydraule de mes yeux, Vide toujours par l’impie en l’oblique, L’y attrayant, pour air des vides lieux, Ces miens soupirs, qu’à suivre elle s’applique. […] Et peut-être enfin par là, selon le vœu de Sainte-Beuve et de beaucoup d’autres, « se maintiendrait-elle en communication régulière avec l’air du dehors », sans renoncer aux traditions qui sont sa force et sa raison d’être. […] C’est ce qu’il ne sera pas difficile de faire si, parmi tous les traits qu’on a vus qui servaient à le définir, nous réussissons à reconnaître et à nommer le principal, ou, comme l’on dit, qui met un air de famille entre les élégies de Lamartine, les romans de George Sand, et les Histoires de Michelet ; celui dont les variations entraînent ou commandent, si l’on peut ainsi dire, des variations de tous les autres ; et celui qui ne distingue pas enfin moins profondément le romantisme du réalisme, qui l’a suivi, que du classicisme, qui l’avait précédé. […] De la musique avant toute chose, Et pour cela, préfère l’Impair Plus vague et plus soluble dans l’air, Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.
Vallès n’a pas respiré depuis vingt-quatre heures l’air de la maison, qu’il la hait déjà, de cette violente et implacable haine dont son style au vitriol est comme corrodé. […] Je m’empresse d’ajouter que votre opinion est aussi celle de tant de nos concitoyens qu’en hasardant un simple doute sur cette universalité et cette nécessité du fait démocratique, on a tout l’air de hasarder un paradoxe insoutenable. […] Une baie, où ils furent, dit le chroniqueur, frappés par la clarence de l’air, s’appelle encore aujourd’hui Clarentza. […] La gratuité et l’iniquité de cette torturante enquête rétrospective accablent, jusqu’à la nausée, cette femme audacieuse qui étouffe dans cet air empoisonné de soupçons. […] Ce grand théoricien de misanthropie était demeuré si naïf de sensations, qu’une terrasse de restaurant en plein air, aux Champs-Elysées, l’été, — une séance au Cirque, dont il était fanatique, — la vue d’un joli visage au bout de sa lorgnette et un retour à pied sous les étoiles, lui suffisaient pour qu’il se livrât avec délices à la vivacité de ses confidences.
Au commencement du règne de Charles IX (1560), lors de la tenue des États à Pontoise, puis à Saint-Germain, Mézeray fait un tableau des plus animés et des mieux définis de l’air de la Cour à ce moment et des dispositions diverses qui partageaient les esprits par tout le royaume : Or, comme l’exemple du prince transforme toute la Cour, et que le reste de l’État se règle sur elle, la reine mère penchant du côté des huguenots pour récompense de la faveur qu’elle avait reçue de l’Amiral, le calvinisme était la religion à la mode, et il semblait que celle de l’Église romaine eût une vieille robe qui ne fût plus en usage que pour les bonnes gens.
, puis j’ai poursuivi mon discours dans mon attitude habituelle, le corps penché en avant et le doigt indicateur en l’air.
Et parce que l’humilité même se trouve exposée en certains genres de vie dont toute la perfection, quoique sainte d’ailleurs, a un air de distinction et de singularité, la vraie austérité du christianisme, surtout pour les âmes vaines, est souvent de se tenir dans la voie commune, et d’y faire, sans être remarqué, tout le bien qu’on ferait dans une autre route avec plus d’éclat.
Victor Le Clerc et dont était le spirituel Ampère, Beyle, qui était de la partie pour la campagne romaine, égayait les autres, à chaque pas, de ses saillies, et excellait surtout à mettre ses doctes compagnons en rapport avec l’esprit des gens du pays : « Le ciel, disait-il, m’a donné le talent de me faire bien venir des paysans. » Sa prompte et gaillarde accortise, sa taille déjà ronde et à la Silène, je ne sais quel air satyresque qui relevait son propos, tout cela réussissait à merveille auprès des vendangeurs, des moissonneurs, des jeunes filles qui allaient puiser l’eau aux fontaines de Tivoli comme du temps d’Horace.
Dans le temps on a dû faire de ce passage un air à chanter sur le luth, comme de certains couplets de Maucroix.
… Si, en sortant du lycée, les jeunes gens ont conservé une notion précise et durable de la nature et des propriétés de quelques corps d’un intérêt universel, comme l’air, l’eau, les métaux usuels, les acides, les alcalis et les sels les plus communs ; si les phénomènes de la combustion, ceux de la respiration et de la nutrition des plantes, ceux de la respiration et de la nutrition des animaux, ont été soigneusement étudiés devant eux, l’enseignement de la chimie aura atteint son but.
Et toute cette familiarité du « vieux frère » (comme il s’appelle) se relève d’une constante admiration pour cette sœur qu’il estime évidemment supérieure à lui par les talents et la beauté de l’intelligence, par le génie, il articule le mot : « S’il y a un être créé digne d’avoir une âme immortelle, c’est vous, sans contredit ; s’il y a un argument capable de me faire pencher vers cette opinion, c’est votre génie64. » Il est prodigue envers elle d’attentions, de petits présents ; il entre dans ses peines, il tremble pour sa vie ; il nous la fait voir avec « un je ne sais quoi de gracieux, un air de dignité tempérée par l’affabilité », que les mémoires de la margrave ne nous indiqueraient pas ; il nous intéresse, en un mot, par l’affection respectueuse qu’elle lui inspire, à cette frêle créature d’élite, à « ce corps si faible et cette santé délicate à laquelle est jointe une si belle âme ».
C’est là ce qui m’a donné cet air de philosophie, qu’on dit que je conserve encore, car je devins stoïcien de la meilleure foi du monde, mais stoïcien à lier ; j’aurais voulu qu’il m’arrivât quelque infortune remarquable, pour déchirer mes entrailles, comme ce fou de Caton, qui fut si fidèle à sa secte.
Elle a des maximes, des principes qui contrastent avec sa date, avec sa jeunesse, avec son air enfant : Défions-nous surtout de ceux qui s’élèvent avec tant d’acharnement contre ce qu’ils nomment les préjugés reçus dans la société.
À la longue et à force d’habiter l’Italie, il perdit un peu l’air de France et le fil des idées du temps ; à force de craindre la pédanterie, il en contracta une d’une espèce particulière : c’était de vouloir être plus vif que nature et de professer le naturel en des termes qui semblaient un peu cherchés.
Il dissimula même très bien aux yeux de tous sa reprise ou son redoublement d’action consultative dans les négociations du dehors ; surtout il ne voulut jamais paraître se mêler en rien des affaires de l’intérieur du royaume ; et le solitaire, quoique très visité des reines, ses sœurs, et des plus hauts personnages, le demi-saint, comme rappelle Brantôme, conserva jusqu’au bout son air de réserve et son attitude d’auguste reclus.
., disait d’un air fin : « Demain, Messieurs, je m’amuse. » Cela voulait dire : « Demain il n’y a pas Conseil. » Le roi donc s’amusait ce mercredi en chambre close, et la politique n’en faisait pas moins son chemin, grâce à l’Esther et à la Maintenon du parti dévots On ne se figure pas, dit le biographe naïf du bon M.
Il avait un air prévenant ; sa voix était d’une étendue ; prodigieuse ; il prononçait fort vite, et cependant si distinctement qu’on ne perdait pas une seule de ses paroles.
» Malheureuse Marie, belle, spirituelle, aimée, qui a eu trop d’esprit seulement, qui a trop craint la vulgarité, qui n’a pas compris que l’imagination ne consiste pas à rêver l’impossible, et que son plus sublime effort est de trouver « la poésie de la réalité » ; âme malade des préjugés de l’éducation et du faux idéal qui flottait dans l’air à cette époque ; une de ces femmes qui, avec toutes leurs délicatesses, ont des sécheresses soudaines qui froissent les cœurs délicats, et à laquelle enfin, pour tout reproche, Michel, en se séparant, a pu dire : « Marie, vous manquez de simplicité !
Cet air de parfaite insensibilité (vous le savez mieux que moi) ne provient souvent que d’une pudeur extrême de la sensibilité la plus tendre, qui rougirait de se laisser soupçonner aux yeux du monde et des indifférents.
Selon Vaugelas, il y a donc usage et usage ; il exclut le trivial, et il définit le bon de cette sorte : « C’est la façon de parler de la plus saine partie de la Cour, conformément à la façon d’écrire de la plus saine partie des auteurs du temps. » Sous le terme général de Cour, il comprend les femmes comme les hommes et « plusieurs personnes de la ville où le Prince réside », et à qui l’air de la Cour arrive par une communication prochaine et naturelle.
Le poète compare Cromwell encore modeste, selon lui, et fier seulement d’obéir à la République et aux Communes, au généreux oiseau de proie, docile au chasseur, et qui n’ensanglante les airs que pour lui : « Ainsi, quand le faucon s’abat pesamment des hauteurs du ciel, une fois sa proie mise à mort, il ne pense plus qu’à percher sur la branche verte voisine où, au premier appel, le fauconnier est sûr de le trouver. » Ainsi la République est sûre de son Cromwell. — Rapprochez cette ode du généreux et fervent sonnet que Milton adressait à Cromwell vers le même temps : « Cromwell, notre chef d’hommes, qui, à travers un nuage non seulement de guerre, mais de détractions violentes et de calomnies, guidé par la foi et par une fortitude incomparable, as enfoncé ton glorieux sillon vers la paix et la vérité !
Son teint délicat avait une fraîcheur et un coloris qui, joints à son air de réserve et de candeur, la rajeunissaient singulièrement.
Ce qui la caractérise à jamais durant ce long supplice qui date du 6 octobre, c’était le motif qui l’inspirait, la source élevée de ses sentiments, la conscience de ce qu’elle était et de ce que la nature l’avait faite, le dévouement à ses devoirs de royale épouse et de mère, un courage de chaque heure, une constance qui ne se démentit en public à aucun moment, non plus que son air de dignité et de grâce.
On dirait qu’ils craignent de ne pas avoir assez d’air à respirer ou assez d’espace pour se mouvoir, s’ils interposent quelque obstacle entre eux et l’immensité du ciel et de la terre. » Les marchands de Ghadamès commercent surtout avec le Soudan ; ils en tirent l’ivoire.
La nature n’est point avare ; il est des âges heureux et féconds, favorisés par elle, et où il règne dans l’air des courants généraux de poésie.
Il a cru devoir aussi s’élever contre le ton de légèreté de Fontenelle qui, craignant de se faire des affaires, était homme, on le sait, à n’avoir pas l’air de tenir beaucoup à son opinion, si on le pressait trop, et à en plaisanter même à la rencontre. — « Trahir la vérité !
Le maréchal de Noailles, en cette crise troublante, ne fait rien qui vaille en Alsace, et s’il est vrai que Louis XV ait dit au comte d’Argenson : « Écrivez de ma part au maréchal de Noailles que, pendant qu’on portait Louis XIII au tombeau, le prince de Condé gagna une bataille » ; si ce mot, qui a tout l’air de ceux qu’on fait après coup et qu’on prête aux rois, n’est pas de l’invention de Voltaire, le maréchal répondit mal à l’appel ; il ne répondit certainement pas à l’intention ; il a manqué là le moment rapide, le moment illustre ; il n’est pas Turenne, et dès cet instant le prestige de son grand crédit s’évanouit.
Il avait non-seulement l’air de Vulteius, mais celui de Vespasien (faciem nitentis), et toutes les fois qu’on le voyait, on était tenté de lui dire : Utere lactucis et mollibus… « C’était, un bonhomme dans le fond, mais que la crainte de paraître pédant avait jeté dans un autre ridicule opposé, qu’on ne saurait définir ; en sorte que pendant tout le temps qu’il a passé chez M. le Duc, où il est mort, on s’y est toujours moqué de lui. » Pour bien entendre ce jugement de Valincour, il faut d’abord relire l’Épître d’Horace (la septième du livre I) où il est question de ce Vulteius, lequel, ayant changé d’état, change aussi d’humeur, devient inquiet, rêveur et a l’air dépaysé.
Je me rappelle avoir entendu, il y a bien des années, Alexis de Saint-Priest, un jour que Montalembert développait dans un salon, de cet air d’enfant de chœur qu’il garda longtemps et de sa voix la plus coulante, une de ses théories inflexibles et absolues, lui dire avec gaieté : « Montalembert, vous me rappelez la jeunesse de Torquemada. » Passe pour la jeunesse !
Cela donne à son œuvre un air de grandeur et de noblesse qu’il serait injuste de méconnaître.
Mais l’atmosphère du dehors en était d’autant plus chargée et sans équilibre avec l’air du dedans.
lui dit-il, la terre est sèche et froide, l’air est doux et chaud.
Le Démon détourne la tête d’envie… Ce Démon, ce glorieux Lucifer, n’est-ce pas le même qui, avec tous les charmes de la séduction et sous un air de vague ennui, se glissant encore sous l’arbre d’Éden, a pris sa revanche en plus d’un endroit des scènes troublantes de Chateaubriand ?
N’avait-il pas respiré ce charme universel de pureté et comme de santé, ces courants d’air salubre qui y circulent, même à travers le conflit des passions humaines ?
Il a reconnu les vices et les défauts des hommes, mais il les a reconnus avec douleur, sans cette joie maligne qui ressemble à une satisfaction et à une absolution qu’on se donne en secret, de même qu’il a maintenu les grandes lignes, les parties saines et fortes de la nature, sans cet air de jactance par lequel on semble s’exalter en soi et s’applaudir.
Dans Le Laboureur de Castille, qui est comme son Paysan du Danube, Florian a trouvé quelques accents énergiques et fermes pour peindre le costume et l’air de ce rustique et loyal sujet.
Elle avait le teint fort uni et fort beau, les cheveux d’un châtain clair et très agréable, le nez très bien fait, la bouche bien taillée, l’air noble, doux, enjoué et modeste ; et, pour rendre sa beauté plus parfaite et plus éclatante, elle avait les plus beaux yeux du monde.
Plutarque, avec …………………… l’air d’homme sage, Et cette large barbe au milieu du visage, me fait pitié de nous venir prôner tous ces donneurs de batailles dont le mérite est d’avoir joint leurs noms aux événements qu’amenait le cours des choses.
Villemain avait besoin, dans son rapport, d’un morceau à applaudissement, d’un air de bravoure qui fît épigramme contre l’état de choses présent, et il crut l’avoir trouvé dans cette ancienne séance où Bernardin célébrait l’aigle impériale, alors au plus haut de son vol et au zénith de sa gloire.
Pour jouir de tout l’agrément du Lutrin, j’aime à me le figurer débité par Boileau avec ses vers descriptifs et pittoresques, tantôt sombres et noirs comme la nuit : Mais la Nuit aussitôt de ses ailes affreuses Couvre des Bourguignons les campagnes vineuses ; tantôt frais et joyeux dans leurs rimes toutes matinales : Les cloches dans les airs, de leurs voix argentines, Appelaient à grand bruit les chantres à matines ; avec ces effets de savant artifice et de légèreté, quand, à la fin du troisième chant, après tant d’efforts, la lourde machine étant replacée sur son banc, Le sacristain achève en deux coups de rabot, Et le pupitre enfin tourne sur son pivot ; ou avec ces contrastes de destruction et d’arrachement pénible, quand le poète, à la fin du quatrième chant, nous dit : La masse est emportée, et ses ais arrachés Sont aux yeux des mortels chez le chantre cachés.
sans vouloir rien ôter à ces derniers, on se sent ici dans un air plus pur, dans une autre région.
Montaigne, qui d’ailleurs fait grand cas d’elle, n’a pu s’empêcher de noter, par exemple, sa singulière réflexion au sujet d’un jeune et grand prince dont elle raconte l’histoire en ses Nouvelles, et qui a tout l’air d’être François Ier.
Rien n’est comparable à l’état, à la fois stupide et heureux, que vous donne une journée de jardinage, à l’air vif et froid de ce premier mois de l’hiver.
Par une sorte d’hérédité romantique ils affichent des airs d’excentricité et manifestent leur goût pour les innovations ; dans le fond, ils sont pourris de la banalité de notre époque.
Selon la méthode de Taine, qui indigne du Méril, mais qui l’indigne si doux, le talent lui-même n’est plus qu’un champignon d’une espèce particulière, qui pousse tout à coup quand l’humus se trouve contenir du phosphore, qu’aucun nuage ne neutralise l’action du soleil et que l’air ambiant est suffisamment saturé d’oxygène.
Ni ses velléités féodales, ni ses colères de frondeur rétrospectif, ni ce tempérament d’Alceste qui donne si souvent à Saint-Simon l’air du Misanthrope, mais d’un misanthrope bien autrement colossal que celui de Molière, n’étaient capables de si profondément altérer des facultés qui, après tout, aimaient la grandeur et qui étaient faites pour l’histoire.
Pour être plus digne de lui, il veut qu’Henriette devienne une Bélise, et cette nature de Trissotin, qui n’a cessé d’exister, tant qu’il vécut, en Mérimée, malgré ses airs d’homme du monde en cérémonie et de dandy dégoûté, est encore la meilleure raison pour qu’il n’ait jamais été capable de ce bel oubli de tout, excepté d’une seule chose, qu’on appelle l’amour !
Borgia écouta Machiavel, et Joseph de Maistre sentit ses conseils lui revenir sur le cœur, salive plus pesante que celle de l’homme qui crache en l’air et dont le crachat lui retombe sur la figure.
Beaucoup de mes lecteurs ont vu des messes en plein air à l’armée ; tous, du moins, en ont lu de nombreuses descriptions.
Les bourgeons du sommet crèvent et baignent leurs petites pousses dans l’air lumineux des hauteurs.
Il semble, en s’occupant de lui, en suivant ses actions, en pénétrant dans son cœur, qu’on respire un air plus doux, et que le calme et la sérénité se répandent, du moins pour quelques moments, sur ce globe infortuné qu’on habite.
Dans les Méditations et les Harmonies, la grammaire ne traversait pas toujours impunément la mêlée ; ou détour d’une période, au coin d’une strophe, sur le bord d’une stance, elle recevait sans crier, non pas des balles perdues, mais un charge de cendrée à bout portant ; et, continuant gaîment sa route, comme si elle n’eût pas été touchée, elle semblait à peine sentir l’air cuisant du matin qui pénétrait dans ses veines. […] Et vraiment il fallait une ignorance bien complète, ou une complaisance bien entière, pour croire que Clara était née sur le même sol et avait respiré le même air que Lope et Calderon. […] C’est un des esprits les plus français que je connaisse, net, incisif, dialectique, allant droit au but ; son caractère, malgré sa franchise quelque peu masculine, malgré les gros mots qui, en passant par sa jolie bouche, ont presque l’air de demander grâce pour la liberté grande, comme le Suisse qui faisait la partie du chevalier de Grammont, n’est pas absolument impossible à Paris même. […] Elle aspire librement l’air qui l’environne, elle s’épanouit sous la chaude haleine qui ride l’eau en passant, et lui porte une vapeur féconde. […] À côté d’un sentiment qui part d’un cœur emprisonné sous un corset, il s’en rencontre parfois qui indiquent un hardi cavalier, la cravache à la main, courant à travers champs, de grand matin, humant l’air à pleins poumons, sautant les fossés au risque de rompre le cou de son cheval.
C’est elle qui donne à tout ce qu’il a écrit un air de confession, hautaine, certes, mais de confession publique. […] Un poisson voulant vivre dans l’air, et persuadé que son devoir est d’y vivre, serait une bête bien singulière. […] Cette maladie ayant ses causes profondes, et aussi ses démarches régulières, et aussi son hygiène, a assez bon air en somme et se fait accepter comme quelque chose de bon et de sain. […] Foin de ces airs d’humilité ! […] Le lecteur est perdu, lorsqu’il veut connaître exactement l’opinion de Sterne sur un sujet et savoir si l’auteur prend un air souriant ou attristé.
libre ou prisonnier, réservé à la mort ou promis à l’air pur des champs, le bonheur de ses anciens compagnons de joie est encore pour lui une pensée consolante. […] Ici les développements ne manquent pas, mais ils se pressent confusément, et les images entassées par le poète n’ont pas toute la valeur qu’elles pourraient avoir, parce qu’elles manquent d’air pour se déployer librement. […] Mais lors même qu’il serait possible d’éviter l’emphase, l’ode d’André Chénier serait encore une œuvre digne d’étude ; car elle concilie heureusement la personnalité de la pensée et le respect des traditions ; elle est naturelle avec un air antique. […] Les autres pièces ont quelquefois l’air de chuchoter une pensée ; mais elles ne tiennent pas leurs promesses. […] Tous les incidents sont à leur place, les caractères sont dessinés avec netteté ; mais le récit manque d’air.
Sans instituer une comparaison qui choquerait d’abord quelqu’un que je sais bien et que vous devinez, il faut dire combien cela est différent de la crise de sensualité où Taine est jeté dans son « Voyage en Italie » et qui, rendant le professeur presque honteux de son métier poudreux, modeste et sédentaire, le met en défiance contre ses anciennes habitudes d’esprit pour le livrer tout entier à ses sens, — homme d’étude et de cabinet enivré par le grand air et la lumière. […] M. de Régnier en a mis qui ont fort bon air : quelque chose de l’air qu’on avait au grand siècle dans le pittoresque et le familier. […] Anatole France, un personnage à qui de longues moustaches pendantes et un certain air de jovialité ont valu une réputation gauloise et que cette réputation oblige à des galanteries marquées pour toutes les femmes qu’il rencontre, sans distinguer le rang ni l’âge. […] Je ne mentionne la rencontre que pour indiquer que l’idée du roman est dans l’air.
Vendredi 19 avril Je voulais travailler aujourd’hui, mais les roulades des oiseaux, la nage folle des poissons sortant de leur léthargie de l’hiver, le bruissement des insectes, l’étoilement du gazon par les blanches marguerites, le vernissage des jacinthes, et des anémones par le soleil, le bleu tendre du ciel, la joie de l’air d’un premier jour de printemps… m’ont fait paresseux et habitant de mon jardin, toute la journée. […] Le vieux banquier est accompagné de sa fille, une assez jolie fille, à l’air légèrement cocote, et qui est couchée de côté sur la poitrine de son père, dont la large main l’enveloppe et lui caresse le corps, auquel le mouvement de lacet du chemin de fer donne le mouvement d’un corps de femme qui fait l’amour. […] Il parle, avec un espèce d’enthousiasme lyrique, de ses chasses, de ses pêches : des pêches au chevaine, où l’hiver il casse la glace, enfin de cette vie active et en plein air qui a remplacé la vie factice, artificielle, enfermée, et sans sommeil de sa jeunesse : vie, il n’en doute pas, qui l’aurait tué.
Cela, c’est l’air des années où il a vécu, cet air confiné, empuanté de miasmes démocratiques et évolutionnistes, et qui rappelle cette atmosphère de fromage de gruyère, qu’un personnage de Courteline, se trompant de fenêtre, prend pour la première atmosphère du printemps. C’est l’air de la correspondance avec Berthelot, raréfié, pneumatique, étouffant. […] Il y a un air moral, comme un air physique, composé de besoin d’originalité et de besoin d’imitation, diversement dosés suivant les générations. Cet air pénètre partout jusque dans les laboratoires les plus secrets, les templa serena et les tours d’ivoire. […] L’air était pur comme une âme d’enfant.
Tout son être physique et moral est né de Milly, y a jeté des racines profondes, y a poussé en plein sol de craie et en plein air… » Excellente page de critique divinatoire et qui fait comprendre comment l’ampleur et la force de la poussée lyrique sont les dominantes du génie lamartinien et pourquoi le jeune homme de la délicieuse cantilène Sur la plage sonore où la mer de Sorrente… fut très naturellement l’homme de la place de l’Hôtel-de-Ville et de la fameuse harangue à la foule soudain arrêtée. […] Balzac qui professait et pratiquait le culte passionné de la littérature à idées, a eu un mot terrible de dédain pour les conteurs sans philosophie. « Ils me font l’effet », disait-il, « de l’homme le plus courageux signalé par Frédéric II après la bataille, ce trompette qui n’avait cessé de souffler le même air dans son petit turlututu. […] Quand venait ce refrain : Mon fils sera mon consolateur, l’effet de ces paroles, et même de l’air seul, était infaillible. […] Si quelqu’un mérita qu’on lui appliquât cette formule indéfinissable et si précise : avoir grand air, ce fut bien l’auteur d’Un homme d’autrefois. Mais il l’avait, ce « grand air », avec une bonhomie, une simplicité qui révélaient de longs atavismes de vie rurale.
Le besoin que nous avons d’oublier quelquefois notre condition, — d’ouvrir la fenêtre, en quelque manière, pour respirer un air plus pur, pour embrasser un horizon plus vaste, — ils parurent tout à point pour le satisfaire. […] Il doit à ses modèles mi peu de cet air de grandeur qui règne dans tout son théâtre. […] Là est la part d’invention de Pascal dans l’histoire de la prose française, et cette part est considérable, Tandis qu’avant lui la phrase d’Arnauld, comme celle de Descartes, ne s’éclairait encore que d’une lumière blanche et froide, partout égale, et en quelque sorte uniformément diffuse, l’air circule et se joue dans la sienne, et, avec l’air, s’y insinuent la flamme, le mouvement, et la vie. […] Rien ne paraît plus caractéristique du xviiie siècle que cette foi au progrès ; et, par-dessous les différences particulières, c’est elle qui fait l’air de ressemblance et de famille de toutes les grandes œuvres du temps : l’Esprit des lois et l’Essai sur les mœurs, les Discours de Rousseau et l’Histoire naturelle de Buffon ; quoi encore ? […] Assez et trop longtemps, sous le prétexte « d’imiter le Créateur de l’univers », les hommes, obéissant on ne sait à quels « dégarnis de bon jugement et de sens commun », ont marché « les pieds en l’air, la tête en bas », et vécu comme à contresens de la Nature et de la vérité.
Quelques minutes s’écouleront à peine que l’aimable Ariel, plus léger encore que lorsqu’il arrive avec la pensée, va échapper au contact même de la baguette magique, et, libre des formes qu’on lui prescrit, libre de toute forme sensible, va se dissoudre dans le vague de l’air, où s’évanouira pour nous son existence individuelle. […] Peut-être n’est-ce pas là une intention très-morale, et le chevalier nous semble friser un peu les chevaliers des brelans, quoiqu’il se donne, lors de la reconnaissance, un air de générosité en partageant la fortune de l’oncle avec Ménéchme, et en lui cédant une de ses deux maîtresses. […] Les personnages de nos Arlequins nous semblent fort heureusement choisis pour donner un air de vérité à ces sortes de pièces, à cause du masque qui fait indispensablement partie de leur costume, et de ce costume lui-même, qui prête à l’illusion plus que tout autre. […] « Un courtisan que, quelque part qu’il se trouvât, chacun tenait en très haute estime, car il était courtois dans ses discours et devisait plaisamment ; autant un lion serait hardi au milieu des agneaux, autant Mercutio le paraissait au milieu des jeunes filles timides. » Tel était sans doute le bel air du temps de Shakspeare, et c’est comme le type de l’homme aimable et amusant qu’il a peint Mercutio. […] » Ariel fend l’air et exécute sa mission avec le zèle d’un messager ailé ; Puck est porté par la brise comme le duvet brillant des plantes.
Il les imagine dans des fêtes, « occupés à ajuster leurs pas à la cadence d’un air, ou à placer adroitement une barre. » Médite-t-il sur l’origine de la propriété ? […] « Quand il fait beau, il goûte la douceur de vivre en plein air. […] Imaginez maintenant le jeune Français de 1880 pénétré de ce déterminisme par ses lectures, ses conversations, tous les impondérables qui flottent dans l’air d’un temps. […] Au tout premier commencement de leur mariage, Augustin Cochin, achevant d’installer leur logis de jeunes mariés, écrit à sa femme ; « Notre appartement est presque terminé et tout prend d’avance un air de fête pour recevoir les ordres, la présence de la souveraine ! […] Le vent du Jura y vitalise l’air, la verte rivière de l’Ain y féconde la plaine, la race y est forte et sensible, la Bourgogne est toute proche avec la sève puissante de ses riches vignobles, et le Lyonnais, avec ce que dégagent les brouillards incertains du Rhône : la Rêverie.
Là vivait Éarine que le fleuve vient d’engloutir, et que son amant en délire ne veut pas cesser de pleurer, « Éarine, qui reçut son être et son nom avec les premières pousses et les boutons du printemps, Éarine, née avec la primevère, avec la violette, avec les premières roses fleuries ; quand Cupidon souriait, quand Vénus amenait les Grâces à leurs danses, et que toutes les fleurs et toutes les herbes parfumées s’élançaient du giron de la nature, promettant de ne durer que tant qu’Éarine vivrait… À présent, aussi chaste que son nom, Éarine est morte vierge, et sa chère âme voltige dans l’air au-dessus de nous171. » Au-dessus du pauvre vieux paralytique, la poésie flotte encore comme un nuage de lumière. […] But she, as chaste as was her name, Earine, Died undeflower’d ; and now her sweet soul hovers Here in the air above us.
Je m’en aperçus en France, où l’air est plus dégagé de brouillards qu’en Italie. […] Il lui commanda une œuvre de sculpture dont il décorait en ce moment la Logia de Lanzi, espèce d’amphithéâtre couvert, mais en plein air, où l’on exposait à perpétuité les œuvres immortelles des artistes toscans à l’admiration et à la gloire du peuple sur la place du Gouvernement.
… Lorsque la confusion est à son comble, Offenbach apparaît, jouant sur le trombone un air de danse : peu à peu tout s’apaise. […] LONDRES 9 Juillet : Concert Selwyn Graham : Air des Maitres chanteurs 9 Juillet : Concert H.
De doux refrains, le souffle des brises l’air s’épanche se rit des entraves, en blondes senteurs ; l’exil en vain de son sang ardent éclosent les a séparés ; des fleurs enivrantes, ils se saluent les bourgeons joyeux et ravis : éclatent vaincus. […] Ils rêvèrent une rénovation de la musique verbale, comparable à la rénovation faite, dans la musique instrumentale, par Wagner, qui n’a point annulé les airs, et les cadences, et les retours, mais leur a donné un sens particulier, et les a employés seulement pour produire certaines émotions.
Si la philosophie pratique, c’est-à-dire cette partie de la philosophie qui proprement en mérite seule le nom, accompagnait un peu plus qu’elle ne fait les talents supérieurs, quelle satisfaction ne serait-ce pas pour eux, que les guerres des petites sociétés dont nous parlons, le mépris qu’elles affectent les unes pour les autres, ou plutôt la justice exacte qu’elles se rendent, l’air supérieur et décidé avec lequel elles cassent les arrêts de leurs rivales pour en prononcer d’aussi ridicules, le néologisme enfin qu’elles ont introduit dans nos livres, et dont nos meilleurs écrivains ont bien de la peine à se garantir ? […] Du moins l’honneur qu’ils nous font de venir chercher en France nos goûts, nos airs, et jusqu’à nos préjugés, est une sorte d’éloge tacite et involontaire, dont la vanité française doit s’accommoder mieux que d’aucun autre.
Au milieu de ce labyrinthe d’intrigues, de ce mauvais air d’antichambre, de police et de sales manèges, qui est comme le fond de ces deux volumes, on sent battre le cœur du pays à travers la frontière, on entrevoit quelque chose de vengeur, quelque chose de dessouillant, comme disait Napoléon, qui va venir et qui s’approche, et l’écrivain, qui est très habile, prépare admirablement le coup d’État final de son héros. […] La passion politique, qu’on n’éteint pas en soi, mais qu’on y doit garder en la surveillant dans l’intérêt de son talent même, la passion politique l’éclaire maintenant plus qu’elle ne l’enflamme, et il peint ce qu’il hait et ce qu’il méprise — ce qu’il est en droit de haïr et de mépriser — avec ce grand air de désintéressement qui est l’art consommé de l’historien et que les sots prennent pour de l’impartialité impossible.
Ce n’est pas ce groupe digne de Polyclès, noyé dans la lumière et les morbidesses du Corrège, et dont le monde, tant que le sentiment de l’idéal vivra en lui, retiendra dans sa mémoire charmée les trois immortelles attitudes, les trois inoubliables gestes : — le baiser donné par Roméo à Juliette et rendu par Juliette à Roméo avec la fougue naïve de l’amour vrai et l’intrépidité de l’innocence ; — l’adieu au balcon dans l’air auroral, empli des joyeux cris de l’alouette qui ne sont plus les chants du rossignol ; — et enfin l’entrelacement, sur le marbre du même mausolée, de ces deux êtres si vivants, devenus par la mort deux pâles statues ! […] Seulement, ce que nous savons de Lord Byron, de science certaine, par ses Mémoires, par ses lettres, par ses vers à Ada, dans Childe Harold, par cet Adieu que madame de Staël, au prix d’un égal malheur à celui de Lady Byron, eût voulu avoir inspiré, nous ne le savons pas de Shakespeare, le grand inconnu, le grand mystérieux, auquel François Hugo veut, à toute force, ôter ce mystère qui lui donne davantage l’air d’un dieu !
Et comme il expire l’air de bas en haut, il attribuera la même direction au son que le courant d’air produit ; c’est donc par un mouvement de bas en haut que se traduira la sympathie d’une plus grande partie du corps avec les muscles de la voix.
Les idées passent dans l’air, les femmes dans les salons, les lièvres dans la forêt ; propriété de tous et de personne, jusqu’à ce que quelqu’un les prenne pour toujours. […] À quoi il faut ajouter la longueur des entr’actes ; passe encore en Italie, le théâtre y est un grand salon où l’on cause librement, où l’on fume dans les corridors en commentant la pièce même entre inconnus ; en Allemagne, malgré le confort moderne, c’est la raideur et l’ennui ; à Paris (sauf une ou deux exceptions) c’est pire encore : des sièges dont on sent la torture dès que le rideau se baisse, des corridors où l’on s’écrase, des vestibules à courants d’air, et le reste… D’un acte à l’autre, votre enthousiasme a le temps de se refroidir ou de se courbaturer ; l’auteur le sait ; il s’efforce de vous rallumer par un feu roulant de bons mots qu’il a patiemment recueillis dans les salons et qui n’ont d’ailleurs rien à faire avec l’action ni avec les caractères.
Ce que je veux dire, c’est que Bernis, en ses moments les meilleurs, a une certaine langueur harmonieuse qui a un faux air du premier Lamartine en ses plus faibles moments.
L’air ne formera plus ni grêles, ni tonnerres ; Et l’univers, qui, dans son large tour, Voit courir tant de mers et fleurir tant de terres.
À ce petit pont que Joinville défendait si bien, il en vit passer, et bien des gens de grand air, qui s’enfuyaient effréement, « lesquels je nommerais bien, dit-il ; mais je m’en tairai, car ils sont morts ».
Le goût du vrai et du naturel qu’il met en avant a souvent, de sa part, l’air d’une gageure ; c’est moins encore un goût tout simple qu’une revanche, un gant jeté aux défauts d’alentour dont il est choqué.
Il y avait en France, comme répandu dans l’air, un goût de Quinault et d’Opéra.
Heureux dès sa jeunesse, ayant reçu du ciel la fortune, la bonne mine, le désir de plaire et l’art de jouir, il vécut de bonne heure dans le meilleur monde ; il respira, sur la fin du règne de Louis XIV, cet air civilisé le plus doux et le plus tempéré pour lequel il était fait ; il continua sa carrière fort avant dans le xviiie siècle sans en partager les licences ni les ardeurs, fut l’ami intime et le familier de tous les gens en place, le patron ou l’amphitryon des gens de lettres, parmi lesquels il prit un rang distingué que chacun s’empressa de lui offrir.
Seulement il y joignait bien du bel air.
Mais ce n’était pas le compte de Marolles qui, le voyant levé et prêt à partir, le ramena au fait et lui dit d’un air tout chagrin qu’il était surpris de son silence et qu’il aurait voulu connaître son sentiment sur ce dernier ouvrage.
C’est de lui qu’il est question dans ce passage de la satire de Rulhière, où l’original a tout l’air d’un portrait de fantaisie : Auriez-vous par hasard connu feu monsieur d’Aube Qu’une ardeur de dispute éveillait avant l’aube ?
Né dans cette cité dont le nom ne se sépare plus du sien, en septembre 1762, fils d’un procureur au bailliage, destiné d’abord à l’état ecclésiastique (comme on le verra), puis changeant de robe, avocat plaidant et bientôt estimé des anciens, il avait vingt-cinq ans à l’époque où s’ouvrait l’Assemblée des Notables : il reçut vivement, lui et ses frères, le souffle embrasé qui traversait l’air à ce moment.
Sous prétexte de chasser, à la maison de campagne où je me suis retirée, il va, vient, regarde, écoute, indiscret autant qu’osé, et, pour me faire dépit, il tire à mon colombier ; les flèches qu’il lance en l’air, à mon cœur sont adressées : le sang de mes colombelles a rougi mon tablier… » Ce sont des restes de chants populaires qui ont passé dans le drame, et dont un auteur espagnol n’aurait osé se priver.
Je le vois encore d’ici, ce bon Collé, avec son grand nez et sa petite perruque, sa mine étonnée, son air grave et son imperturbable et sérieuse gaîté, se divertissant de tout et ne riant de rien.
Toutes les qualités de Malouet, son calme, sa fermeté, sa ténacité même dans le bon droit, le fond de chaleur et d’énergie qui couvait sous son air digne, et qui se démasquait dans les occasions, s’y montrèrent à leur avantage.
car Mlle Desbordes joue et débite très bien, mais elle ne chante pas ; elle n’a point de voix : il faudra que les musiciens renoncent, en sa faveur, à leur science, à leur harmonie ; que l’orchestre s’humilie et s’anéantisse : on lui composera exprès des demi-vaudevilles qui seront bien plus agréables que ces grands airs, aussi fatigants pour les auditeurs que pour les cantatrices. » Elle possédait toutes les qualités distinguées et fines ; mais, à lire cet éloge même, on prévoit que la force physique, l’étoffe matérielle qui est la doublure essentielle de ces qualités et qui les porte, pour ainsi dire, dans tout leur relief, fera un peu défaut.
L’Empereur vint à lui d’un air courroucé et fui dit : « Quelle lettre impertinente m’avez-vous adressée ?
Mais travaillez au vôtre afin qu’il serve de contre-poison… Et ne croyez pas trop à tous mes airs sataniques : je vous jure que c’est un genre que je me donne.
Je trouve que je suis avec cette femme sur un pied qui jette sur ma conduite, à mes propres yeux, un air de fausseté, de perfidie et d’ingratitude qui me pèse.
Six jours plus tard, au-delà du Puy, et malgré son passe-port, la garde bourgeoise vient à onze heures du soir le saisir au lit ; on lui déclare « qu’il est sûrement de la conspiration tramée par la reine, le comte d’Artois et le comte d’Entragues, grand propriétaire du pays ; qu’ils l’ont envoyé comme arpenteur pour mesurer les champs, afin de doubler les taxes » Ici nous saisissons sur le fait le travail involontaire et redoutable de l’imagination populaire : sur un indice, sur un mot, elle construit en l’air ses châteaux ou ses cachots fantastiques, et sa vision lui semble aussi solide que la réalité.
Né du peuple et dans le plus large courant de l’esprit de la Révolution française — en sorte qu’il n’eut ni à changer ni à se contraindre pour être « avec son temps », — la vie de Victor Duruy, exemplaire, tout unie dans son fond, mais avec un air de merveilleux, et, au milieu de son cours, un coup de baguette des fées, ressemble à quelque beau récit de la « morale en action », à mettre entre les mains des écoliers, de ces écoliers de France pour qui il a tant travaillé.
Des œuvres que seuls quelques délicats pleinement pénètrent, et pour qui seuls elles sont écrites, n’appartiennent pas plus à cet art populaire et en plein air du théâtre, que les Dialogues philosophiques.
Des œuvres que seuls quelques délicats pleinement pénètrent, et pour qui seuls elles sont écrites n’appartiennent pas plus à cet art populaire et en plein air du théâtre, que les Dialogues philosophiques.
Mais souvent ils ont bien l’air de tenir aux détails pour eux-mêmes.
Cette philosophie, qui nous promettait le secret de la mort, s’excuse en balbutiant, et l’idéal, qui nous avait attirés jusqu’aux limites de l’air respirable, nous fait défaut quand, à l’heure suprême, notre œil le cherche.
Mais qu’elle aille du petit au grand, ou, ce qui est le cas le plus ordinaire, du grand au petit, cette assimilation entre gens qui se coudoient et visent au même but se produit régulièrement et elle contribue à donner un air de famille aux écrivains d’une même époque.
En allant, nous chantâmes des airs tendres et mélancoliques ; nous parlâmes des talents de Saint-Huberty.
C’est quand Hector, ayant repoussé les Grecs de devant les murs de Troie, les vient assiéger dans leur camp à leur tour, et va leur livrer assaut jusque dans leurs retranchements, décidé à porter la flamme sur les vaisseaux ; tout à coup un prodige éclate : un aigle apparaît au milieu des airs enlevant dans ses serres un serpent qui, tout blessé qu’il est, déchire la poitrine de son superbe ennemi et le force à lâcher prise.
Bazin, sans afficher de réflexions et sous un air d’impartialité indifférente, sont volontiers disposés de manière à donner, à qui sait les comprendre, le sentiment habituel et le mépris de la versatilité et de la sottise humaine.
monsieur, vous proposez à ma muse, qui aime tant le grand air et sa liberté, de s’enfermer dans une chambre close, gardée par quatre sentinelles qui ne laisseraient passer que des vivres, et, là, de traiter trois sujets donnés, en vingt-quatre heures !
M. de Chateaubriand en jugeait ainsi à son retour d’Orient, en les relisant la mémoire encore pleine du souvenir des plages historiques qu’il avait visitées : « C’est, selon moi, disait-il, le plus beau morceau de Plutarque, et d’Amyot son traducteur. » Dans les traités moraux de Plutarque, que de charmantes pages aussi, riches de sens, pleines d’aisance et de naturel, et qui ont un air de Montaigne !
Je craignais d’inspirer la pitié ; je craignais encore plus de ne pouvoir adoucir un air de dignité que la nature et l’habitude de commander avaient répandu sur toute ma personne.
Il me semble ici que le rôle des deux côtés est beau : de la part du prince, on aime à voir une dernière fois ce regard étincelant dont l’air de colère n’est ici qu’une preuve suprême d’affection, et on aime aussi cette noble marque du désintéressement de Gourville, qui se montre digne de l’amitié d’un grand homme.
Sa traduction peut paraître très exacte, et fidèlement calquée sur l’original, mais par cela même que c’est si exact, et en ce style vieilli après coup, il s’y répand et il y règne un air de parodie.
On n’attend pas que je me donne ici les airs de critiquer L’Esprit des lois : il y faudrait plusieurs volumes et le prendre livre par livre, chapitre par chapitre.
Ceux-ci refusèrent d’abord, disant qu’il avait payé en ramant ; il insista pour donner son shilling de cuivre : « L’homme, remarque-t-il, est quelquefois plus généreux quand il a peu d’argent que quand il en a beaucoup : peut-être pour empêcher qu’on ne soupçonne qu’il n’en a que peu. » Il fit son entrée dans la ville, tenant trois gros pains qu’il venait d’acheter, un sous chaque bras, et mangeant à même du troisième ; il passa ainsi devant la maison de sa future femme, miss Read, qui était à sa porte, et qui lui trouva l’air un peu extraordinaire.
Necker dans ce monde parisien avaient de quoi frapper par un air noble, imposant, et assez étrange.
Au moment où Mirabeau agitait déjà sa Provence, et où le signal des États généraux résonnait dans l’air : Quel temps, je le sais bien, s’écriait en finissant M.
» ajouta-t-il avec cet air de sécurité qu’il conservait sur le champ de bataille, où il me semblait ne s’être jamais autant exposé qu’il s’exposait alors au milieu de tant de factions, par ce délai que rien ne put le déterminer à révoquer57.
Ce ne fut que sous Louis XVIII, qui se donnait l’air d’un lettré parce qu’il savait un peu de latin, qu’un Saint-Simon obtint, parce qu’il était Saint-Simon, l’autorisation de publier ces Mémoires, dont quelques fragments, arrachés à la surveillance de leurs eunuques, avaient été publiés déjà, plus mutilés, il est vrai, que la Vénus de Milo, mais dont les mutilations faisaient ardemment désirer la splendeur révélée de leur beauté intégrale.
En voyant aujourd’hui à quel poids spécifique on a réduit l’édition ancienne, on se demande si c’est par respect ou par enthousiasme pour Rivarol, que les éditeurs du présent volume se sont donné les airs de faire un choix dans ses ouvrages, de prendre ceci ou de laisser cela, au nom de leur propre goût à eux, éditeurs, et de leurs préférences, ou si c’est plutôt par mépris bien entendu pour le public, qui n’aime et ne lit que les petits livres, quand il les lit toutefois… Ce qu’il y a de certain, c’est que nous n’avons pas là Rivarol ; c’est que nous n’avons en petit paquet que quelques paillettes de ce Pactole intellectuel, qui passa, en brillant, à travers le xviiie siècle.
Çà et là on rencontre des choses incroyables, des paradoxes dépaysés et que cet honnête Hurter vous dit de l’air le plus simple du monde.
Aujourd’hui que le tigre est sorti de ses jungles, nous nous apercevons qu’il a fait ses humanités en Allemagne et qu’il n’est qu’un chat assez moucheté, car il a du style par places, mais cachant sous sa robe fourrée et ses airs patelins la très grande peur et la petite traîtrise de tous les chats, — ces tigres manqués !
Ce mystique était essentiellement un homme d’esprit, malgré l’air échevelé de prophète que voudrait lui camper son habilleuse, M.
Au fond des tranchées, en première ligne, il note que les seuls événements de son histoire « ce sont les changements de l’ordre naturel, la tombée de la nuit, la naissance du jour, un ciel couvert ou étoilé, la chaleur ou la fraîcheur de l’air.
Pour ma part, quand je repasse dans ma mémoire les résultats de l’admirable enquête poursuivie inlassablement par vous pendant plus de trente ans, quand je pense aux précautions que vous avez prises pour éviter l’erreur, quand je vois comment, dans la plupart des cas que vous avez retenus, le récit de l’hallucination avait été fait à une ou plusieurs personnes, souvent même noté par écrit, avant que l’hallucination eût été reconnue véridique, quand je tiens compte du nombre énorme des faits et surtout de leur ressemblance entre eux, de leur air de famille, de la concordance de tant de témoignages indépendants les uns des autres, tous analysés, contrôlés, soumis à la critique — je suis porté à croire à la télépathie de même que je crois, par exemple, à la défaite de l’Invincible Armada.
il sied de citer son nom en passant, et me rappeler de quel air de négligence apprêtée il présentait sa canne : « La canne de Zola, té .. […] Il me rappelle des époques de moi-même, au point que cela tient du miracle ; et j’y retrouve aussi certaines préoccupations actuelles, qui me semblent respirables aux poumons subtils, dans notre air. […] Il ne discuta d’ailleurs pas, avec l’air de dire qu’il était trop poli et respectueux de la Magistrature, pour contredire le Président, qui monologuait. […] D’idées génératrices d’œuvre, d’esthétique générale, de plan et de construction philosophique, il n’en est nulle part, et il était caractéristique que Jules Huret, pour moi seul, dût annoncer qu’en ma Réponse il avait à supprimer toute cette partie d’exposition d’idées constructives qui n’était pas dans l’air général de son enquête. […] De cet article l’on trouve mention en une des Lettres de Baudelaire (Editions du Mercure, 1907) : le poète, d’un air léger car, n’est-ce pas, il serait déplorable d’avouer son âme s’étonne de cet enthousiasme qu’il déclare « excessif » : cependant qu’on l’en sent intérieurement très heureux, peut-être très ému.
« Quel air martial ont ces petits hommes », dit M. de Bonald à ses enfants, après leur avoir raconté son aventure ; « avec eux, on ferait la conquête de l’Europe ! […] Fiévée, sans se douter qu’en trahissant l’excès jusqu’où l’enivrement du maître était monté, il trahit en même temps l’excès jusqu’où la complaisance était descendue chez ceux qui abusaient tellement de la parole humaine, que leurs adulations prenaient un air d’ironie. […] Nos guerres continuelles avec tous les peuples de l’Europe n’avaient pas interrompu seulement le commerce des denrées, mais le commerce des idées : tout ce qui venait du dehors était suspect au gouvernement impérial, et il est remarquable que, parmi les reproches adressés par le ministre de la police à madame de Staël, pour motiver la saisie et la destruction de son ouvrage De l’Allemagne et un nouvel ordre d’exil, figuraient ces phrases : « Il m’a paru que l’air de ce pays ne vous convenait point, et nous n’en sommes pas réduits à chercher des modèles chez les peuples que vous admirez. […] Je suis le premier qui ait fait descendre la poésie du Parnasse, et qui ait donné à ce qu’on nomme la muse, au lieu d’une lyre à sept cordes de convention, les fibres mêmes du cœur de l’homme touchées et émues par les innombrables frissons de l’âme et de la nature76. » À l’encontre de la plupart des auteurs du dix-huitième siècle, qui, ramenant peu à peu la littérature dans l’enceinte des villes, donnaient au monde le spectacle d’une poésie qui s’étiolait à la lueur pâle et morte des bougies, M. de Lamartine ramène la poésie au sein de la nature ; il a besoin du grand air, de la vue du ciel, du soleil dans l’éclat de son midi ou dans les magnificences de son couchant. […] Un autre publiciste et député célèbre, plus calme dans l’éloge, admirait aussi, d’un air gravement ironique, et ne manquait pas de venir le féliciter sur cette source nouvelle de poésie qui s’ouvrait enfin, disait-il, pour la France, et qu’il comparait à la forme mélancolique et naïve de Schiller dans ses poésies fugitives ; et les dames trouvaient ce parallèle bien flatteur pour Schiller, dont alors elles n’avaient guère entendu parler, et qui leur paraissait peu poétique dans la traduction abrégée et versifiée que M.
Parmi les formes diverses que peut prendre l’ambition de durer dans l’avenir, le portrait mérite de n’être pas oublié ; mais depuis que la photographie l’a rendu vulgaire et banal, on ne lui voit plus l’air qu’il avait autrefois de vouloir triompher du temps. […] Un jeune auteur, ardent et naïf, s’imagine volontiers qu’un chef-d’œuvre est une création en l’air, d’autant plus belle qu’elle n’a point d’âge et qu’elle date de l’éternité. […] J’aime autant de grands marais troubles et profonds par place que ces deux verres d’eau claire que le génie français lance en l’air avec une certaine force, se flattant d’aller aussi haut que la nature des choses. […] Carlyle se moque des « historiens vulgaires », qui, par leur façon d’exposer les faits, exclusive de la divine action des causes mystérieuses et platement rationaliste, ont vraiment l’air de croire qu’Olivier Cromwell avait résolu d’être Protecteur d’Angleterre au temps où il labourait les marais du comté de Cambridge ! […] Celles qui me plaisent, je les garde dans ma tête et je les fredonne… Une fois que je tiens mon air, un autre vient bientôt s’ajouter au premier… et tous ces morceaux finissent par former le pâté.
En 1804, à la veille de l’Empire, causant avec lui aux Tuileries, pensant tout haut, exprimant son impatience des injustices de l’opinion parisienne à ce moment, son ennui des résistances qu’il éprouvait dans ses vues de la part même de quelques-uns de ses proches, le premier consul disait ces paroles qui renferment une trop haute et trop soudaine définition personnelle pour ne pas être recueillies : Au reste, moi je n’ai point d’ambition… (Et se reprenant :) ou, si j’en ai, elle m’est si naturelle, elle m’est tellement innée, elle est si bien attachée à mon existence, qu’elle est comme le sang qui coule dans mes veines, comme l’air que je respire.
D’après cette version, La Boétie voulant voir un jour la salle du bal au Louvre, un archer de la garde, qui lui trouva l’air d’un écolier, lui laissa tomber sa hallebarde sur le pied : « De quoi celui-ci criant justice par le Louvre, n’eut que des risées des grands qui l’entendirent. » Du ressentiment de cet affront serait né le pamphlet vengeur.
Auparavant ses conclusions allaient à n’admettre nul goût et nui génie, ni presque ressources d’aucun genre, et il y avait des moments ou l’on se sentait avec lui à la fin des temps et comme au bout du monde : il se relève à partir d’une certaine heure, et s’aperçoit qu’un souffle nouveau passe dans l’air, et pour ainsi dire que la brise fraîchit ; il la signale des premiers et la salue.
Mauguin, qui était présent, lui dit de cet air riant : « Mais vous-même, monsieur Royer-Collard, vous avez eu votre moment de popularité. » — « De la popularité, répliqua le terrible rabroueur, j’espère que non, Monsieur ; mais peut-être un peu de considération. » Et chaque syllabe du mot était accentuée avec lenteur.
Boulmier, qui est solide et même ferré sur ces matières du xvie siècle, avait annoncé, de plus, le dessein de réhabiliter Salmon Macrin, un poète latin dans le genre lyrique, contemporain et ami de Du Bellay, de Ronsard et autres novateurs, et il semblait se réserver de lui découvrir une certaine influence occulte, et non encore reconnue, sur le développement de la poésie française ; je ne vois pas qu’il ait mis jusqu’ici à exécution ce projet et cette promesse qu’il avait jetée d’un air de défi ou de paradoxe.
Dans un des articles de son grand Dictionnaire 43, il décrit la salle synodale de Sens, une de ces vastes salles destinées à des réunions nombreuses, où il fallait trouver de la lumière, de l’air, de grandes dispositions ; il nous la montre réunissant toutes les conditions d’utilité et de beauté.
L’exécution ne se soutient pas également dans toute la durée ; mais quel beau motif, quel belle musique, quel bel air, si les paroles manquent quelquefois !
Nos plus libres auteurs comme Molière et La Fontaine imitent beaucoup eux-mêmes ; le principal, aux yeux de ce dernier, et tout le fin de l’art consiste à savoir rendre sien cet air d’Antiquité.
Il n’y a pas lieu à une pareille accusation, si la méthode est bien comprise et si elle est employée comme elle doit l’être ; car, quelque soin qu’on mette à pénétrer ou à expliquer le sens des œuvres, leurs origines, leurs racines, à étudier le caractère des talents et à démontrer les liens par où ils se rattachent à leurs parents et à leurs alentours, il y aura toujours une certaine partie inexpliquée, inexplicable, celle en quoi consiste le don individuel du génie ; et bien que ce génie évidemment n’opère point en l’air ni dans le vide, qu’il soit et qu’il doive être dans un rapport exact avec les conditions de tout genre au sein desquelles il se meut et se déploie, on aura toujours une place très-suffisante (et il n’en faut pas une bien grande pour cela) où loger ce principal ressort, ce moteur inconnu, le centre et le foyer de l’inspiration supérieure ou de la volonté, la monade inexprimable.
L’on veut de la franchise, de la gaîté, un air naturel et ouvert ; sans cela, personne ne vous parle, et tout le monde est sur ses gardes. » Et encore, dans une lettre au comte de Bruhl (16 septembre 1741) : « Je dois avertir Votre Excellence que M. de Loss n’est pas l’homme propre à traiter avec le Cardinal et les Français ; il a de cette finesse allemande que l’on voit du premier coup d’œil et qui n’inspire que de la méfiance, ce qui nuit plus que chose du monde aux affaires.
Retz a dit de M. de La Rochefoucauld qu’il avait « un air d’apologie » dans tout son procédé et dans sa personne.
Du Bellay veut encore qu’on use de l’adjectif substantivé, comme le « liquide des eaux, le vide de l’air, le frais des ombres, l’épais des forêts ».
Arrivé d’hier de Versailles, tout plein des habitudes du bel air, il mettait au service de la cause, les jours de combat, la plus brillante valeur, après quoi il ne se souciait guère de rien de sage ; et, pour ne citer qu’un trait qui le peint, un jour, après ce fatal passage de la Loire, qu’il avait surtout conseillé pour se rapprocher de ses vassaux, ayant trouvé au château de Laval une ancienne bannière de famille, une bannière des La Trémouille, bleu et or, il imagina de la faire porter devant lui.
Les cabinets étrangers, et même les ambassadeurs qui étaient de la partie, crurent voir des intentions menaçantes sous ces airs de fête, et à force de craindre une agression des Russes contre la Porte, on la fit naître à l’inverse de la part de celle-ci.
En voyant cette étrangère, belle encore et fort élégante, descendre de voiture, d’un air si sûr de son fait, pour demander les objets de fantaisie qu’elle inventait, les marchands se sentaient saisis d’une bienveillance inexprimable et d’un désir si vif de la contenter qu’il fallait bien qu’on parvînt à s’entendre… Grâce à ce manège, elle parvint à exciter dans le commerce une émulation si furieuse en l’honneur de Valérie, que pour huit jours au moins tout fut à la Valérie. » On est aux regrets d’apprendre de telles choses, si piquantes qu’elles soient.
L’âge même ne peut ravir aux Sachems cette simplicité joyeuse : comme les vieux oiseaux de nos bois, ils mêlent encore leurs vieilles chansons aux airs nouveaux de leur jeune postérité.
Mais à travers cette folie d’invention on rencontre sans cesse une ferme réalité : des amours « exécutés » tels qu’ils le peuvent être dans le train le plus commun du monde, et plus rapidement même, de positives conclusions qui suivent, et parfois précèdent les vaporeuses adorations, une franchise d’accent, presque une brusquerie délibérée d’humeur chez ces chimériques héros, qui leur donne un peu de consistance et l’air de la vie.
Pour lui, il a sur les unités le sentiment qui est celui du public, et qui les a établies : elles sont l’expression de « la raison naturelle » ; elles donnent la vraisemblance, et un air de réalité au poème dramatique.
Dans tout cela, pas de philosophie profonde : dans l’air ambiant, Maupassant a pris la doctrine de l’écoulement incessant des phénomènes ; elle dispense de philosopher, et il s’en tient là.
A peine né, son père l’enlève à sa mère, craignant pour lui l’air de Paris et plus tard « l’influence de ces femmes élégantes dont Madame la Princesse était toujours entourée », et l’envoie au château de Montrond, en Berry, sous la garde de mercenaires.
Enfin Apollo de sa grace Transperça l’air qui estoit plein de crace, Si qu’on veit bien la lumière approcher.
C’est ainsi également que, hors d’état de choisir, mais forcé de choisir, on jette en l’air une pièce de monnaie pour tirer à pile ou face.
Les chercheurs d’aventures détalaient vite, chassés par l’air d’honnêteté que respirait cet humble logis de travailleur.
Quantité de vérités générales sont exprimées avec bonheur ; le style prend volontiers un air sentencieux, et, à mesure qu’on avance dans le siècle, il se débarrasse des plis de la grande période oratoire, s’applique à condenser plus de choses en moins de mots, vise aux formules courtes et brillantes où la raison aiguisée reluit comme un diamant taillé à facettes.
Perron a donné à Wolfram une signification extraordinaire : ce rôle, le plus noble et le plus élégant (un souvenir du Don Ottavio de Don Juan) de tous ceux qu’a conçus le génie de Wagner, a trouvé en lui un digne interprète, surtout dans l’air du concours.
De plus, Sa Majesté va très souvent passer deux heures de l’après-dîner dans la chambre de madame de Maintenon, à causer avec une amitié, un air libre et naturel qui rend cette place la plus désirable du monde. » Telle était la jalousie de madame de Montespan pour madame de Maintenon, qu’elle prenait à peine garde à la maîtresse en titre, madame de Fontanges, dont pourtant le roi s’appliquait à manifester le règne par une ostentation et des profusions sans exemple.
Cette gamme de sentiments, graduée comme un exercice de solfège, n’est pas plus dans la voix d’une enfant de douze ans que les autres airs qu’elle chante.
Doué, je l’ai dit, d’une très grande facilité accrue par l’étude, et d’une vaste mémoire, il lui suffit d’une très courte préparation pour donner à sa parole improvisée tout l’air d’un discours médité ; il n’y paraît pas de différence.
Ce furent des jeux, des fêtes, des feux d’artifice continuels en son honneur, le tout ménagé avec un certain air d’innocence et d’âge d’or.
Il croyait tenir la clef du bonheur des hommes et des races futures ; il distribuait et prêtait volontiers cette clef à tous ; mais quand on a une telle confiance dans la justesse d’une seule de ses propres vues, qui embrasse l’avenir du monde, on peut être ensuite facile et sans trop de prétentions sur le reste : la vanité, sous un air de bienveillance, a en nous un assez bel et assez haut endroit où se loger.
M. de Maistre, comme un homme qui parle seul et de loin, et dont la voix monte pour être entendue, prête à la vérité même l’air du paradoxe et l’accent du défi.
voyons, dit Condorcet avec son air et son rire sournois et niais, un philosophe n’est pas fâché de rencontrer un prophète. » — « Vous, monsieur de Condorcet, vous expirerez étendu sur le pavé d’un cachot ; vous mourrez du poison que vous aurez pris pour vous dérober au bourreau, du poison que le bonheur de ce temps-là vous forcera de porter toujours sur vous. » On s’étonne un peu du genre de plaisanterie dite d’un ton si sérieux, puis on se rassure, sachant que le bonhomme Cazotte est sujet à rêver.
Ils étaient venus, il y avait plusieurs années, chercher fortune ; ils avaient quitté leurs parents, leurs amis, leur patrie, pour passer leurs jours dans un lieu sauvage, où l’on ne voyait que la mer et les escarpements affreux du morne Brabant ; mais l’air de contentement et de bonté de cette jeune mère de famille semblait rendre heureux tout ce qui l’approchait.
De même, le mouvement de la détente du fusil aboutit à celui de la balle traversant l’air ; mais il y a cette différence que le mouvement de la détente, celui des gaz explosifs, celui de la balle ne sont pas embrassés dans une conscience.
Le livre, à la lecture, m’a fait l’impression d’une histoire renfermant trop de jolie rhétorique, trop de morceaux de littérature, trop d’airs de bravoure, placés côte à côte, sans un récit qui les espace et les relie.
Ils ont pénétré l’âme de toute une race ; ils ont des airs propres, des auditoires nombreux, et vivent dans la mémoire d’une multitude, demeurés ce que toute poésie était à l’origine, une déclamation mélodique et nationale.
Voilà trois siècles tout à l’heure que Shakespeare, ce poëte en toute effervescence, est regardé par les critiques sobres avec cet air mécontent que de certains spectateurs privés doivent avoir dans le sérail.
Un jeune homme de vingt ans fait cette action héroïque d’épouser une belle jeune fille ; on lui dresse des arcs de triomphe, on vient le voir par curiosité, on lui envoie le grand-cordon comme le lendemain d’une bataille, on couvre les places publiques de feux d’artifice, des gens qui pourraient avoir des barbes blanches mettent des perruques pour venir le haranguer presque à genoux, on jette en l’air des millions sterling en fusées et en pétards aux applaudissements d’une multitude en haillons, qui ne mangera pas demain ; le Lancashire affamé fait pendant à la noce ; on s’extasie, on tire le canon, on sonne les cloches, Rule, Britannia !
J’en juge par le mouvement qu’ils se donnent, et par l’air content dont ils s’applaudissent sur tout le succès.
Où donc aurait-il pris le droit d’émettre un avis d’une valeur générale, réduit qu’il était à noter des impressions incertaines, changeantes, dépendant de mille causes variables, du caprice de son humeur et de l’air du temps ?
Une Victoire s’élevant dans les airs sur un char.
Le Théâtre aérien, par l’ampleur de ses spectacles, le concours des foules et l’émulation de ses acteurs volants, parmi lesquels brilleront bientôt des Zacconi, Duse, Caruso, Tamagnoap de l’air, stimulera d’une façon décisive l’aviation.
Nettement, cet Épiménide qui n’a pas dormi et qui a toujours l’air de s’éveiller, reproduit contre le moraliste et l’écrivain toutes les objections de la petite critique de 1837, à laquelle, depuis, Balzac répondit si magnifiquement, quand il démasqua l’ensemble de son monument (la Comédie humaine), et quand il publia cette fameuse préface des Œuvres Complètes, que M.
Sur son visage flotte un air d’angoisse profonde, bien que violemment contenue et cachée ; une atmosphère émane de lui, semblable à celle qui flotte autour des ruines.
En nous présentant l’égalitarisme comme préhistorique, elle nous permet de penser qu’il est essentiellement naturel à l’homme, — d’attribuer à notre idéal une sorte de réalité vague à souhait, — de donner un air scientifique à nos préférences, — et enfin de satisfaire à ce vœu de symétrie qui nous pousse à voir partout, tant dans le champ du droit que dans celui de l’économie politique, des reviviscences, des ricorsi, des rééditions de l’histoire.
Dépossédé des airs, son poids le précipite ; Dans la neige du mont il s’enfonce et palpite Et la glace terrestre a d’un pesant sommeil Fermé cet œil puissant respecté du soleil. […] En 1853, au mois de novembre, renversé de ses espérances civiques par le coup d’État, atteint dans sa fierté de Français par le succès d’une mauvaise cause, nécessairement spolié de sa chaire du collège de France et de sa place aux Archives, malade d’ailleurs, ayant besoin de se retremper dans un air libre, Michelet voulut se confier à l’Italie. […] Respirez, mes poumons, l’air du natal ruisseau. […] La nature solitaire et silencieuse, ainsi que pour Chateaubriand à Combourg, moins grandiose, aussi pénétrante, y déroulait devant ses yeux de spacieuses forêts de chênes, de grands étangs séparés d’un rideau de montagnes par des bruyères, des taillis, de vraies savanes, de vastes plaines, de longues et calmes ondulations de genêts et de seigles, sous l’air languissant des maremmes. […] Ne crois pas que l’air de la province ait éteint ta vie intérieure.
Il se révolte, comme Vigny, contre l’indifférence de la nature ; contre les cieux qui ne se couvrent pas de nuages quand notre cœur est gros ; contre les fleurs qui parfument l’air quand nous le remplissons de nos cris. […] Lavisse, nous en recevions une autre qui nous vint de l’air du temps, de notre jeunesse, et de l’ambition, naturelle à notre âge, de nous soustraire aux directions données pour chercher des chemins où marcher de notre pas. » Il en a toujours été ainsi. […] Et de nouveau, dans un poème magnifique sur l’Oracle de Dodone, il chante la majesté et la diversité de l’« invisible esprit de Zeus ouranien », dont retentissent les grands chênes augustes : Et c’est pourquoi venu de l’infini mystère, Du fond du ciel sans borne apparu sur la terre Qui reçoit tout à coup son souffle spacieux, Zeus, le dieu de l’air libre, est le plus grand des dieux. […] Que dites-vous, pour ne citer qu’un exemple, pris dans la Cathédrale, de cette « chromo dans laquelle le Christ montrait, d’un air aimable, un cœur mal cuit, saignant dans des ruisseaux de sauce jaune » ? […] Certains sujets, comme on dit, sont dans l’air.
Il n’y a rien dans l’eau, dans l’air, dans le feu, dans ce que les éléments offrent de plus subtil et de plus délié, qui présente l’idée du moindre rapport quelconque avec la faculté que nous avons de percevoir les idées du passé, du présent et de l’avenir. […] Puisque donc le consentement de tous les hommes est la voix de la nature, et que tous les hommes, en quelque lieu que ce soit, conviennent qu’après notre mort il y a quelque chose qui nous intéresse, nous devons nous rendre à cette opinion, et d’autant plus qu’entre les hommes ceux qui ont le plus d’esprit, le plus de vertu, et qui, par conséquent, savent le mieux où tend la nature, sont précisément ceux qui se donnent le plus de mouvement pour mériter l’estime de la postérité……………………………………………………………………………………………… « C’est ce dernier sentiment que j’ai suivi dans ma Consolation, où je m’explique en ces termes : On ne peut absolument trouver sur la terre l’origine des âmes, car il n’y a rien dans les âmes qui soit mixte et composé, rien qui paraisse venir de la terre, de l’eau, de l’air ou du feu.
Je hais les cuivres ; mais quand l’âpreté des cordes expressives a cessé de rythmer l’écho, je sais goûter un air de flûte ou de hautbois. […] S’il faut nommer celui de vous, mes blonds archanges, Avec lequel j’ai fait le plus d’essors étranges À travers la nuée opaque du réel Dans l’élargissement magnifique du ciel, Aspirant dans le gouffre où j’élançais ma tête L’ivresse dont l’azur avive les planètes Et de vierges désirs épandus dans les airs, Qui se glissaient comme une musique en ma chair ; S’il faut nommer celui des dieux dont la pensée S’est à bouillons de pourpre en mon âme versée Comme un vin exalté qui débordant d’ardeur Inonde toute la poitrine du buveur Et laisse dans la coupe une immortelle envie D’être soi-même à tous un vin qu’on sacrifie ; Ah !
On sait que la prononciation effective d’un mot exige l’intervention simultanée de la langue et des lèvres pour l’articulation, du larynx pour la phonation, enfin des muscles thoraciques pour la production du courant d’air expiratoire. […] Dans cet exemple, les mouvements exécutés par le sujet ont tout l’air d’être des signaux adressés à une mémoire Indépendante.
Il est ensuite reçu à l’agrégation de philosophie malgré les réticences de Jules Lachelier, figure marquante du jury, qui lui trouve « l’air d’un noceur », comme Lasserre le raconte lui-même dans Mes routes, avec étonnement, en protestant du sérieux de sa conduite. […] Mêlant ensemble des réminiscences de moralisme calviniste et de civisme antique, il se composa un idéal d’héroïsme rude qui élevait à une signification supérieure ses airs de croquemitaine. […] Mais survienne trop vif l’air de l’époque ; que l’influence d’une littérature et de mœurs libres, comme celles du XVIIIe siècle, s’exerçant sur une complexion nerveuse assez fine pour offrir encore, sous cette paralysie, une prise à la tentation, la séduise à l’émancipation du sentiment ; comment un tel changement sera-t-il ressenti ? […] Chateaubriand s’enchaîna à la légitimité comme un fougueux amant à une vieille femme dont il a eu le malheur de charger sa vie : il lui prodiguait ses serments et l’outrageait de ses airs de victime. […] Sa nature, trop réceptive pour être entêtée, et à qui l’air porte de toutes parts les semences fécondantes, accueille le mauvais et le bon.
La nature l’avoit doué de l’esprit universel, et le travail l’avoit mis en possession de toutes les connoissances ; son discernement répondoit à l’étenduë de ses lumieres ; juste apprétiateur des choses, il a toujours donné le bon pour bon, et le mauvais pour mauvais : aussi varié que fécond, il n’a jamais rassasié ses lecteurs, et il sçait répandre un air de nouveauté jusques sur ses répétitions. […] Un air composé dans un mode ne peut passer que par certains chemins, pour finir indispensablement dans le ton qui lui est propre ; autrement l’oreille est blessée. […] D’ailleurs ce prince, si nous en croyons Horace, se connoissoit si mal en vers, qu’il acheta fort cher le poëme ridicule de Cheriles ; et à regarder le peu de goût qu’il avoit pour la poësie, on auroit juré qu’il avoit respiré en naissant, l’air grossier de la boeotie.
Faites honneur au crédit que je me suis donné l’air d’avoir sur vous. — Vous m’avez écrit une lettre où il y a des phrases charmantes ; mais nous ne nous entendons pas. […] Mais mes liaisons connues, mon départ simultané, et l’accident qui a retardé sa lettre d’invitation, de manière que je n’ai pu m’y rendre, tout cela, joint à ce que je suis à cent cinquante lieues de Paris, lui fait trouver simple que j’y reste. » Ainsi Fouché, qui craignait de s’être un peu compromis en voyant trop Constant cet hiver, n’était pas fâché de se débarrasser de lui et de reprendre ostensiblement à son égard un air de rigueur, en même temps qu’il lui faisait insinuer le conseil à demi hostile comme un avis officieux ; mais il cessa, cet été même, d’être ministre de la police. — La correspondance de Fauriel et de Benjamin Constant, en cette année et dans les suivantes, est remplie d’autant de détails que le permet la crainte d’être lu peut-être par des intermédiaires trop curieux ; elle abonde d’ailleurs en confidences sur leurs impressions personnelles, en jugements sur leurs lectures, sur leurs projets de travaux. […] Fauriel savait les paroles, mais Laënnec savait les airs, ces airs appris dans l’enfance et qu’on n’oublie pas.
Ce soin amical et la complaisance avec laquelle Shakespeare reproduit dans la pièce, à propos des armes de Shallow, le jeu de mots qui faisait tout le sel de sa ballade contre sir Thomas Lucy, ont bien l’air d’un tendre souvenir ; et, à coup sûr, peu d’anecdotes historiques peuvent produire, en faveur de leur authenticité, des preuves morales aussi concluantes. […] Que, sous le ciel brillant du Midi, dispensés de lutter contre une nature rigoureuse, invités, par un air doux et un beau soleil, à vivre sur les places publiques et sous les oliviers, chargeant les esclaves des plus pénibles travaux, étrangers à l’empire des habitudes domestiques, les Grecs se soient empressés autour de leurs rhapsodes, et plus tard, dans leurs théâtres ouverts, pour livrer leur imagination aux charmes des récits naïfs ou des pathétiques tableaux de la poésie ; qu’aujourd’hui même, sous leur atmosphère brûlante et dans leur vie paresseuse, les Arabes, accroupis autour d’un narrateur animé, passent leurs journées à le suivre dans les aventures où il les promène ; cela s’explique, cela se conçoit : là le ciel n’a point de frimas et la vie matérielle point d’efforts qui empêchent les hommes de s’abandonner ensemble à de tels plaisirs ; les institutions ne les en éloignent point ; tout les leur rend au contraire naturels et faciles ; tout provoque et les réunions nombreuses, et les fêtes fréquentes, et les longs loisirs. […] Comme un fanal, dans la nuit, brille au milieu des airs sans laisser apercevoir ce qui le soutient, de même l’esprit de Shakespeare nous apparaît dans ses œuvres isolé, pour ainsi dire, de sa personne. […] En 1609, Decker, dans un pamphlet intitulé Guis Hornbook, écrit un chapitre sur « la manière dont un homme du bel air doit se conduire au spectacle. » On y voit que, dans les salles publiques ou particulières, le gentilhomme doit d’abord aller prendre place sur le théâtre même : là il s’assiéra à terre ou sur un tabouret, selon qu’il lui conviendra ou non de payer un siège.
Pourtant le lecteur sent déjà circuler dans le Campo Santo un air plus pur, une lumière plus abondante. […] Pour peu qu’on ait le goût des analogies, il est facile de surprendre un air de famille entre les parties graves du dialogue et les tercets de la Divine Comédie. […] Tel qu’il est, ce livre offre des personnages nouveaux qui ne demandent qu’à vivre sous le ciel où ils sont nés, mais qui, après avoir fatigué leurs poumons dans l’atmosphère homérique, ne retrouvent qu’avec peine leur première vigueur au milieu de l’air natal. […] Quelquefois l’occasion se présente, et l’amitié la saisit avec empressement, mais cette tentative est bien rarement heureuse ; le poète reconnaît à peine l’interlocuteur qui l’aborde ; il l’écoute d’un air distrait, confus ou impatient, et lui donne à comprendre que l’heure de la franchise ne doit plus revenir. […] En me louant avec cette mesure, il se donne un air de supériorité vraiment insultant ; il me fait la leçon comme à un véritable écolier.
Tous les personnages sont intéressants, depuis le roi qui a besoin d’un prestidigitateur italien pour s’emparer du mouchoir de sa maîtresse, jusqu’au médecin qui se laisse peu à peu corrompre par l’air empoisonné de la cour. […] Je commence par un aveu qui a tout l’air d’un paradoxe ou d’une mauvaise plaisanterie, mais qui cependant résume littéralement toute ma pensée : je voudrais de tout mon cœur que la tragédie de M. […] Je ne sais comment il arrive qu’elle a toujours l’air de promener sa langue sur ses lèvres, tant elle exagère le son enfantin de ses moindres paroles. […] N’a-t-il pas dû s’accoutumer de longue main aux débauches de son maître, comme à l’air qu’il respire ? […] Si l’on excepte ce qu’il dit de l’époque de la renaissance, il a presque l’air d’envisager la langue comme une chose qui peut exister par elle-même.
Royer-Collard répondait : « Monsieur, il n’y a rien de plus méprisable qu’un fait. » Ce n’était là qu’une plaisanterie dite d’un air grave.
Je ne prétends pas dissimuler les taches et les côtés faibles de Villars, ses vanteries, sa plénitude naturelle de soi, cet air de tout tirer à lui, de tout tourner à son avantage (même ses défaites, on le verra).
Il n’est pas défendu assurément de supposer que Rodrigue, qu’elle a vu à Bivar, n’a pas été sans lui plaire ; mais rien de cela ne perce ni ne se laisse deviner dans son air ni dans ses paroles ; sa franchise même éloigne le soupçon ; personne, après l’avoir entendue, n’a l’idée de sourire.
Il sembla véritablement alors qu’une ère nouvelle allait s’ouvrir ; il y avait partout, en ces premiers moments, plus de vivacité dans l’air, et dans les âmes un sentiment de soulagement et d’espérance ; la suite y répondit trop peu.
Ainsi, dans l’affaire d’Orient, en 1840, il croyait qu’on devait appuyer le ministère du 1er mars ; et il l’écrivait à son ami M. de Beaumont (9 août 1840) : « Mais je n’approuve point, ajoutait-il, le langage de la presse officielle ; ces airs de matamores ne signifient rien.
Ce sont des chevaux suspendus qui galopent en l’air sans avancer.
Il n’y mettait d’ailleurs aucune prétention, aucune forfanterie, et n’affichait point des airs d’émigré.
Sans me porter ici pour un défenseur de Stace comme l’était Malherbe, sans me donner du tout les airs d’avoir lu jusqu’au bout sa Thébaïde, il me semble que, dans les Sylves, plus d’une de ces pièces improvisées, non pas à la manière de Sgricci, mais comme le sont beaucoup de pièces de Hugo et de Lamartine, c’est-à-dire en deux matinées, méritait quelque distinction pour de charmants vers qui s’y trouvent.
Oui, Pascal parfois doute ou a tout l’air de douter, il conçoit et exprime le doute d’une façon terrible, mais c’est aussi qu’il a, qu’il croit avoir le remède.
Sous air de publier un simple recueil de dépêches, il a trouvé moyen de dresser toute une histoire politique du grand règne.
Chouet sur le venin des vipères et sur la pesanteur de l’air, il remarque que c’est là le génie du siècle et des philosophes modernes.
Vos paroles, votre voix, vos accents, l’air qui vous environne, tout vous semble empreint de ce que vous êtes réellement, et l’on ne croit pas à la possibilité d’être longtemps mal jugé ; c’est avec ce sentiment de confiance qu’on vogue à pleine voile dans la vie ; tout ce qu’on a su, tout ce qu’on vous a dit de la mauvaise nature d’un grand nombre d’hommes, s’est classé dans votre tête comme l’histoire, comme tout ce qu’on apprend en morale sans l’avoir éprouvé.
Jamais, avec eux, on n’est sur le terrain palpable et solide de l’observation personnelle et racontée, mais toujours en l’air, dans la région vide des généralités pures.
« Lorsqu’elle aperçut David, dit le poème, elle descendit de son âne, s’inclina, agenouillée sur la pierre du chemin, et, adorant le jeune chef, elle lui dit : “Remettez à Nabal son iniquité et sa démence, et, s’il s’élève un jour un homme qui vous persécute et qui recherche votre vie, votre âme sera préservée parmi les âmes des vivants, et l’âme de vos ennemis sera agitée comme la pierre tournoyante lancée en l’air par la fronde !
Ses médecins insistaient encore, et, pour n’avoir pas l’air de ne rien faire, ils tourmentaient le malade par leurs offices empressés.
La gravitation universelle est dans la chute d’une pomme ; la pesanteur de l’air se révèle par l’ascension de l’eau dans un corps de pompe : mais il faut être Newton ou Torricelli pour voir ce que, depuis eux, tout le monde voit.
Il lui suffit de se donner l’air de renoncer à tout, de sembler ne garder du passé ni une espérance, ni un regret, ni un ressentiment.
Son « détachement » surnaturel n’a rien de commun avec les « airs détachés » d’un homme du monde ; l’humilité même les lui interdit.
Il importe que dans tout concours de la multitude quelque part vers l’intérêt, l’amusement, ou la commodité, de rares amateurs, respectueux du motif commun en tant que façon d’y montrer de l’indifférence, instituent par cet air à côté, une minorité ; attendu, quelle divergence que creuse le conflit furieux des citoyens, tous, sous l’œil souverain, font une unanimité — d’accord, au moins, que ce à propos de quoi on s’entre-dévore, compte : or, posé le besoin d’exception, comme de sel !
Un tel accord suppose, d’ailleurs, que cette « formule » nouvelle est dans l’air et que nous la verrons prochainement appliquer.
Dans une grande soirée, il distingue une jeune femme remarquable par sa beauté et plus encore par son grand air.
Leurs fautes vinrent de ce que trop de pouvoir trouble par moments les saints eux-mêmes, et je conviens que saint Chrysostome, chassé du siège de Constantinople et rétabli, puis, à travers des émeutes populaires, chassé de nouveau et exilé, a besoin de toute la bonté de sa cause et de toute la majesté de sa disgrâce pour n’avoir pas l’air d’un factieux.
Pourquoi se dire avec tant d’amertume que dans le monde constitué comme il est, il n’y a pas d’air pour toutes les poitrines, pas d’emploi pour toutes les intelligences ?
Dieu, l’infini, et l’air pur qui vient de là est la vie.
Quand le père veut morigéner son fils, celui-ci l’écoute d’un air narquois et l’interrompt d’un ton gouailleur.
« Il y a des successions physiques que nous appelons nécessaires, comme la mort, faute d’air ou de nourriture.
Puis on l’assujettira à un régime propre à calmer l’âcreté de son sang ; on lui fera avaler des pillules capables de corriger le vice des humeurs ; enfin il changera d’air, pour tâcher de dissiper les vapeurs qui exaltent & brûlent son cerveau.
Cette tâche accomplie, le vibrion crève, comme un globule d’air : il n’a fait que pourrir, il n’était déjà plus.
Si M. de Chateaubriand n’avait pas écrit cette partie politique de ses Mémoires, et s’il eût laissé le souvenir public suppléer à ses récits, on lui eût trouvé sans doute des écarts bien brusques et des inconséquences ; mais la grandeur du talent, la chevalerie de certains actes, la beauté historique de certaines vues, auraient de loin recouvert bien des fautes ; je ne sais quel air de générosité aurait surnagé, et jamais on n’eût osé pénétrer à ce degré dans la petitesse des motifs et des intentions.
A l’égard de nous autres, hommes, Je ferais notre lot infiniment plus fort ; Nous aurions un double trésor : L’un, cette âme pareille en tous, tant que nous sommes, Sages, fous, enfants, idiots, Hôtes de l’univers, sous le nom d’animaux ; L’autre, encore une autre âme, entre nous et les anges Commune en un certain degré ; Et ce trésor à part créé Suivrait, parmi les airs, les célestes phalanges, Entrerait dans un point sans en être pressé, Ne finirait jamais, quoique ayant commencé.
L’air était peint de cent couleurs : Jamais parterre plein de fleurs N’eut tant de sortes de muances.
» Disait Eugénie, Et toutes les fois Qu’au bois La feuille flétrie Au vent qui passait Tombait, Elle, sans parole, Mais levant tout droit Son doigt, Montrait ce symbole Qui dans l’air muet Tournait.
Au milieu du péril, ces jeunes êtres font leur déclaration d’amour à la lumière, à l’espace, au mouvement, à l’espérance ; mais ils préfèrent la France, et Jean Rival écrit à une jeune parente une lettre où le chant du départ, l’éternel chant de la vingtième année, se mêle et se subordonne au cantique de l’acceptation : Je sens en moi une telle intensité de vie, un tel besoin d’aimer et d’être aimé, de me répandre, d’admirer, de respirer en plein air, que je ne peux croire que la mort puisse me toucher.
Dans la moelle sont montés des mécanismes dont chacun contient, prête à se déclencher, telle ou telle action compliquée que le corps accomplira quand il le voudra ; c’est ainsi que les rouleaux de papier perforé, dont on munit un piano mécanique, dessinent par avance les airs que jouera l’instrument.
Le « droit du marché » ne voulait connaître aucune différence de naissance, et c’est peut-être parce que le droit urbain est sorti de ce droit commercial qu’on a pu dire, de l’air des villes, qu’il rendait tous les hommes également libres : « Städtische Luft macht frei182. » D’ailleurs, il n’est pas nécessaire, pour que l’entrecroisement des sociétés aide au succès de l’idée de l’égalité, que l’une ou l’autre des sociétés entrecroisées soit hostile à toute espèce de hiérarchie ; il suffit que les hiérarchies qu’elles acceptent diffèrent, qu’on ne les voie pas toujours parallèles et de même sens, mais que l’une, parfois, renverse l’ordre de l’autre.
« Pénètre en un moment les vastes champs de l’air. […] « Ne diriez-vous pas, ajoute Longin, que l’âme du poète monte sur le char avec Phaëton, qu’elle partage tous ses périls, et qu’elle vole dans l’air avec les chevaux ? […] L’amour et l’amitié dans l’âme d’un grand roi captif ; la fidélité de sa dame, qui soupire du besoin de sa délivrance ; le sensible dévouement du chevalier qui erre autour de sa prison en troubadour aveugle, et le naïf attachement d’un pastoureau qui se croit son guide : cette romance consacrée et ce violon de Blondel, dont les accords pénètrent dans la tour du prisonnier, révèlent sa demeure, et tiennent deux cœurs suspendus : enfin les voix amies du monarque et du sujet qui se répondent au milieu des airs, accents délicieux qui livrent le ménestrel évanoui aux mains de la garde qui le surprend et l’arrête ; et l’amitié sauvée encore par un hasard des jeux de l’amour.
Il se fit lui-même concile, et ne laissa pas de se donner des airs de souverain pontife. […] De plus ce précepte a au moins l’air d’en appeler à l’égoïsme. […] Quelle dépendance trouvez-vous à être éclairé par le même soleil que votre voisin et à respirer le même air ? […] Le doute est pour Lamennais une privation d’air respirable. […] Jamais Quinet n’avait, plus que dans la Création, tracé des tableaux profonds et clairs, à larges plans bien distribués où circule librement l’air tranquille ou les grands souffles.
C’est une chose curieuse que l’air de triomphe avec lequel Pline s’attache à quelques faibles simulacres de liberté permis par Trajan. […] Je le crois bien ; elles étaient trop occupées pour cela ; elles parlaient, elles agissaient au grand air ; elles jouissaient de la liberté comme on jouit de la vie. […] Vous, étoiles qui présidâtes à ma naissance, vous qui m’avez départi pour lot la mort et l’enfer, attirez vers vous Faust, comme une vapeur légère pompée dans les flancs du nuage qui grossit au loin ; afin que, lorsque vous me vomirez dans les airs, mes membres déchirés tombent de votre bouche fumante, mais que vous laissiez mon âme monter et atteindre aux cieux ! […] Maintenant, ô mon corps, disparais dans l’air, ou le démon va t’emporter dans le fond de l’enfer ! […] Le théâtre espagnol a souvent l’air d’un rêve fantastique, dont le désordre détruit l’effet, et dont la confusion ne laisse aucune trace.
Nous en avons respiré, de l’air. […] Alors on dit, d’un air à qui nul ne se fie : J’ai commencé ma réponse à Halévy. […] Et tout reste en l’air. […] Et tout reste aussi en l’air. […] Avec notre air de ne pas y toucher, vous savez que c’était le cri unanime du camp de Cercottes : Si une fois les réservistes marchaient, ça serait pour de bon.