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1363. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIII. Des tragédies de Shakespeare » pp. 276-294

Plusieurs de ses caractères sont peints avec les seuls traits admirés dans ces siècles où l’on ne vivait que pour les combats, la force physique et le courage militaire. […] Lucien insiste, et lui dit : ………………… Our doubts are traitors ; And make us lose the good, we oft might win, By fearing to attempt………………… « Nos doutes sont des traîtres qui nous font perdre le bien que nous pourrions faire, en nous détournant de l’essayer. » Qui peut avoir vécu dans une révolution, et n’être pas convaincu de la vérité de ces paroles !

1364. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre III. L’écrivain »

Telle qu’elle est, la vie est « passable ». « Mieux vaut souffrir que mourir, c’est la devise des hommes. » Cette morale-là est bien gauloise ; nous plions sous l’énorme machine administrative qui nous façonne ; nous nous souvenons qu’en vain on l’a cassée, que toujours elle s’est raccommodée, et ne s’est trouvée que plus pesante ; bien plus, nous sentons que si elle se détraquait, nous ne pourrions vivre. […] Il ne faut pas entasser, trop prévoir ni pourvoir, mais jouir. « Hâte-toi, mon ami, tu n’as pas tant à vivre.

1365. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre I. Les mémoires »

D’autant que la science de Palissy n’est point abstraite : ce curieux obstiné, qui vécut tant d’années pour son idée, ce sévère huguenot, qui n’échappa à la Saint-Barthélemy que pour mourir à la Bastille, s’est mis tout entier dans tous ses ouvrages ; il ne peut parler agriculture et chimie sans répandre au dehors toute son originale et forte nature, sa large intelligence, sa liante moralité, son ample expérience de l’homme et de la vie. […] Biographie : Bernard Palissy (1510-1589), Agénois, vécut longtemps à Saintes ; d’abord ouvrier en vitraux, arpenteur, peut-être employé dans des mines, il voyagea, selon M. 

1366. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

La Grèce qu’il, aime, où il vit, c’est la Grèce aimable, légère, joyeuse de vivre, absorbant avidement de ses sens subtils tout ce que la nature a répandu de beautés et de plaisirs dans l’air, dans la lumière, dans les lignes des monts et la mobilité des îlots ; la Grèce des joies physiques et des passions naturelles, primitivement sensuelle ou voluptueuse avec raffinement, la Grèce homérique, alexandrine ou gréco-romaine, épique, idyllique, élégiaque. […] Il donna cours à ses sentiments dans les ïambes : la haine de ceux qui gouvernaient, l’horreur des massacres et des supplices, le mépris de la légèreté égoïste des victimes, la révolte d’une âme qui aspire à vivre et à agir encore, d’âpres malédictions, d’amères défiances, des fiertés hautaines, de douloureux désespoirs, tout le contenu de ces poèmes, comme leur forme, nous mène bien loin de la satire didactique de Boileau, de la satire épigrammatique de Voltaire, de la satire oratoire de Gilbert.

1367. (1890) L’avenir de la science « IV » p. 141

L’homme ne vivra jamais seulement de pain ; poursuivre d’une manière désintéressée la vérité, la beauté et le bien, réaliser la science, l’art et la morale, est pour lui un besoin aussi impérieux que de satisfaire sa faim et sa soif. […] Il faut renon-cer aux grandes choses ; les généreuses pensées ne vivront plus que dans le souvenir des rhéteurs ; la religion ne sera plus qu’un frein que la peur des classes riches saura manier.

1368. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Premières tentatives sur Jérusalem. »

Réunis en chambrées de dix et vingt personnes, les pèlerins envahissaient tout et vivaient dans cet entassement désordonné où se plaît l’Orient 608. […] Opposés aux pharisiens, zélateurs laïques très exaltés, les prêtres étaient presque tous des sadducéens, c’est-à-dire des membres de cette aristocratie incrédule qui s’était formée autour du temple, vivait de l’autel, mais en voyait la vanité 616.

1369. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre II » pp. 12-29

Ce fut l’ode de Malherbe sur la mort de Henri IV, qui éveilla le talent de La Fontaine ; et qui n’a entendu citer ces vers sur la mort de mademoiselle du Périer, Elle était de ce monde où les plus belles choses                Ont le pire destin ; Et rose, elle a vécu ce que vivent les roses,                L’espace d’un matin ?

1370. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre dixième. »

Ce trait ne pèche point contre la règle que nous venons d’établir, parce que le temps où Ulysse vivait est supposé compris dans l’époque que nous avons indiquée ; d’ailleurs, ce rapprochement des voyages d’Ulysse avec celui de la tortue est si plaisant, que le lecteur s’y rendrait bien moins difficile. […] Je le ferais bien voir : etc… L’auteur n’aurait pas eu grand peine dans l’époque où il vivait.

1371. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 34, que la réputation d’un systême de philosophie peut être détruite, que celle d’un poëme ne sçauroit l’être » pp. 489-511

Voudroit-on supposer que tous les habiles gens qui vivent ou qui ont vécu depuis que ces nations se sont polies aïent conspiré de mentir au désavantage de leurs concitoïens, dont la plûpart morts dès long-temps ne leur étoient connus que par leurs ouvrages, et cela pour faire honneur à des auteurs grecs et romains, qui n’étoient pas en état de leur sçavoir gré de cette prévarication.

1372. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 4, de l’art ou de la musique poëtique, de la mélopée. Qu’il y avoit une mélopée qui n’étoit pas un chant musical, quoiqu’elle s’écrivît en notes » pp. 54-83

Cet auteur est veritablement posterieur à Quintilianus Aristides ; mais il a vécu avant Boëce qui le cite, et cela suffit pour le rendre d’un grand poids dans la matiere dont il est question. […] Monsieur Wallis cet anglois si celebre par son sçavoir et pour avoir été l’homme de lettres de nos jours qui a vécu le plus long-temps, fit imprimer en mil six cens quatre-vingt-dix-neuf dans le troisiéme volume de ses oeuvres mathematiques, le commentaire écrit en grec par Porphire sur les harmoniques de Ptolomée, et il y joignit une traduction latine de ce commentaire.

1373. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’empire russe depuis le congrès de vienne »

si Catherine le Grand vivait en l’an de grâce 1854, que penserait-elle du mot flatteur des philosophes : C’est du Nord aujourd’hui que nous vient la lumière, et qu’elle n’acceptait de son temps que comme une espérance, un chant du coq, un point du jour ? […] Peut-être ne n’avait-il jamais eu, ou l’avait-il hébété dans ces immenses soûleries (orgies ne dirait pas assez) dont, il nous donne l’affreux détail et qu’aiment ces buveurs d’essence de feu qui vivent dans la neige.

1374. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Sainte Térèse » pp. 53-71

Elle était née sans aucune mémoire, sans aucune imagination, disait-elle, et de plus parfaitement incapable de discourir avec l’entendement ; mais la Prière, la Prière plus forte que toutes les sécheresses, lui donna toutes les facultés qui lui manquaient ; car la Prière a fait Térèse, plus que sa mère elle-même : « Je suis en tout de la plus grande faiblesse, — dit-elle, — mais, appuyée à la colonne de l’Oraison, j’en partage la force. » Malade, pendant de longues années, de maladies entremêlées et terribles qui étonnent la science par la singularité des symptômes et par l’acuité suraiguë des douleurs, Térèse, le mal vivant, le tétanos qui dure, a vécu soixante-sept ans de l’existence la plus pleine, la plus active, la plus féconde, découvrant des horizons inconnus dans le ciel de la mysticité, et, sur le terrain des réalités de ce monde, fondant, visitant et dirigeant trente monastères : quatorze d’hommes et seize de filles. […] On cherche en vain dans cette aristocratique religieuse agenouillée, sous ce visage, à l’ovale si pur, que l’austère et strict bandeau fait paraître plus pur encore, la mystique dont l’âme, à force d’énergie, détruisit le corps, la paralytique aux os écrasés et aux nerfs tordus, cet amas sublime d’organes dissous sur lesquels flamboyait l’Extase, l’ombre de fille consumée qui vécut deux trous ouverts au cœur, les deux trous par lesquels le glaive du Séraphin avait passé, et si physiquement et si réellement qu’après sa mort, sur le cœur même, on put constater la blessure.

1375. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VI. M. Roselly de Lorgues. Histoire de Christophe Colomb » pp. 140-156

Contre le merveilleux et l’incompréhensible de son histoire, à lui qui vivait il y a les trois jours de trois siècles, à lui le moderne qui touchait à Luther et à qui nous touchons, on ne pouvait opposer l’éloignement des temps et leur poésie ; la légende des religions naissantes, et l’imagination de peuples qui avaient l’imprimerie et qui étaient assez vieux pour tout discuter. […] Sans la rédemption, le Saint-Sépulcre, le prosélytisme de la foi et de l’amour qui brûlait dans ce vieux pilote, ayant passé déjà quarante ans de vie à la mer, et qui n’en portait pas moins le cordon de saint François autour des reins et vivait, à bord, de la contemplation séraphique autant que de la contemplation de la nature, sans le catholicisme enfin et sa grâce divine, Christophe Colomb n’aurait été qu’un rêveur de plus, parmi les marins qui rêvaient, car à son époque le vent des découvertes soufflait sur tous les fronts et agitait tous les esprits.

1376. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VIII. M. de Chalambert. Histoire de la Ligue sous le règne de Henri III et de Henri IV, ou Quinze ans de l’histoire de France » pp. 195-211

Avant lui, on le sait, les passions royalistes et protestantes avaient vomi contre la Ligue toutes les horreurs que peuvent entasser dans le cœur des hommes la haine et la vengeance des guerres civiles, mais ces rages de partis vivent ce que vivent les roses des roses sanglantes !

1377. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Vie de la Révérende Mère Térèse de St-Augustin, Madame Louise de France »

La Vie de Madame Térèse de Saint-Augustin les attendait… et cette petite lumière, allumée pieusement sur le tombeau de la Carmélite par une sœur inconnue de sa Communauté, se projettera, grande et forte de sa pureté seule, sur le passé de la princesse, et nous l’éclairera mieux que les récits du temps orageux et souillé où elle a vécu… Aucune des sœurs de cette fille de roi ne partagera cet avantage avec elle d’avoir un livre pur, sincère et désintéressé, inspiré par l’enthousiasme de la justice et tracé par une main à qui on puisse se fier, puisqu’elle est chrétienne, pour défendre sa mémoire outragée en racontant simplement sa vie. […] Elle a dit, dans leur pure beauté, les faits, qui furent, pour Madame Louise de France, l’accomplissement de ses devoirs, et que le tordeur de textes au compte de la Revue des Deux Mondes, ce travailleur en difformités, a hideusement déformés, — comme un de ces sinistres bateleurs qui font avec de beaux enfants des monstres, et qui vivent de ces monstruosités !

1378. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Monselet »

Et les plus grands inventeurs eux-mêmes qui aient vécu dans les temps modernes, c’est-à-dire à l’époque de la Critique par excellence : Goethe, Walter Scott, Chateaubriand, Balzac, n’ont pas dédaigné d’être des critiques ; et ils savaient qu’ils doublaient leur gloire en l’étant au même degré qu’ils avaient été des inventeurs ! […] A part encore la moralité, qui tient pourtant plus à l’intelligence que ne le croient des penseurs vulgaires, il faudrait que, dans un intérêt d’un autre ordre, Charles Monselet s’essuyât des marques laissées sur lui et sur la naïveté de son talent par ce siècle dans lequel il a cherché ses modèles, et avec lequel il a trop intimement vécu.

1379. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Le Comte de Gobineau »

Non, une telle bande ne mérite pas de vivre ; non, cette vermine croissante ne peut exister et laisser le monde vivre ordonné à côté d’elle.

1380. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre X. Des Romains ; de leurs éloges, du temps de la république ; de Cicéron. »

Il gouverna et sauva Rome, fut vertueux dans un siècle de crimes, défenseur des lois dans l’anarchie, républicain parmi des grands qui se disputaient le droit d’être oppresseurs ; il eut cette gloire, que tous les ennemis de l’État furent les siens ; il vécut dans les orages, les travaux, les succès et le malheur ; enfin, après avoir soixante ans défendu les particuliers et l’État, lutté contre les tyrans, cultivé au milieu des affaires la philosophie, l’éloquence et les lettres, il périt. […] La nature, il est vrai, ne nous donne que peu d’instants pour vivre, mais le souvenir d’une mort illustre est éternel : et si la gloire n’avait que la durée rapide et passagère de la vie, quel serait l’homme assez insensé pour l’acheter aux dépens de tant de périls et de travaux ?

1381. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

Entouré d’amis qui lui conseillaient de prendre le pouvoir, il avait refusé en disant : « C’est un beau pays que la royauté ; mais ce pays n’a pas d’issue. » Et plus tard, amusant son repos avec ce charme de la poésie dont il avait appuyé ses lois, il répétait : « Si j’ai épargné ma patrie, et n’ai pas voulu m’en rendre maître, ni m’élever par la force, en déshonorant la gloire que j’avais obtenue d’ailleurs, je n’ai honte ni repentir de cette modération : au contraire, c’est le côté par où j’ai surpassé les autres hommes. » Le législateur d’Athènes, celui dont les lois, dans quelques maximes éparses, offrent encore de mémorables leçons, résista jusqu’à la fin à la lente usurpation de Pisistrate, dénonça ses menées populaires, protesta contre sa garde, et, enhardi par la vieillesse, vécut libre, même sous un maître qu’il avait pressenti et bravé. […] Ainsi vécut et mourut ce sage, dont l’œuvre, étouffée de son vivant, devait revivre après lui dans la gloire, le patriotisme et le génie d’Athènes.

1382. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Les hommes vivent en commun, et ils ont des mœurs. […] On a souvent cité le mot de Talleyrand : « Qui n’a pas vécu avant 89 n’a pas connu la douceur de vivre. » On n’en a pas assez souligné la vérité profonde. […] Elles ne vivent que dans le présent et dans l’avenir. […] Nous vivons d’une ombre, du parfum d’un vase vide. […] Tout enfant, il l’a vécue.

1383. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « a propos de casanova de seingalt  » pp. 510-511

a propos de casanova de seingalt Il ne faut pas avoir beaucoup vécu et observé, pour savoir que, s’il est de nobles êtres en qui le sentiment moral domine aisément et règle la conduite, il y a une classe assez nombreuse d’individus qui en sont presque entièrement dénués et chez qui cette absence à peu près complète permet à toutes les facultés brillantes, rapides, entreprenantes, de se développer sans mesure et sans scrupule.

1384. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Ackermann, Louise (1813-1890) »

Elle appartient à cette école des grands désespérés, Chateaubriand, lord Byron, Shelley, Leopardi, à ces génies éternellement tristes et souffrant du mal de vivre qui ont pris pour inspiratrice la mélancolie.

1385. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 311-314

Des feux de mon bûcher, j’irai jusqu’en l’abîme Allumer dans ton cœur les remords de ton crime ; Et mon ombre par-tout te suivant pas à pas, Te montrera par-tout ton crime & ton trépas ; Et jusque dans l’Enfer faisant vivre ma haine, Mon ame, chez les Morts, jouira de ta peine, Ceux qui connoissent les vers Latins, verront qu’il seroit difficile de les rendre plus fidélement.

1386. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 69-73

Ne vaut-il donc pas mieux, dans votre liberté, Dans cette oisiveté, vivre comme vous faites ?

1387. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 16, de quelques tragedies dont le sujet est mal choisi » pp. 120-123

Ne faites jamais chausser le cothurne à des hommes inferieurs à plusieurs de ceux avec qui nous vivons : autrement vous serez aussi blamable que si vous aviez fait ce que Quintilien appelle : donner le rôle d’Hercule à jouer à un enfant.

1388. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Conteurs ayant collaboré au présent recueil »

Fe FATIMATA OAZI — Dyerma, — (ayant vécu longtemps chez les Haoussa) femme de l’interprète Samako Niembelé.

1389. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Il fallait vivre. […] Barthélémy Saint-Hilaire, ami de ses fils, et qui avait vécu dans sa maison sous la même discipline, lui dédiât sa Politique d’Aristote (1837), et en des termes qui se gravent et ne s’effacent plus ; voici en partie cette dédicace qui prouve quelle idée, quelle empreinte ce père de M.  […] Il a vécu avec Socrate, Phidias, Sophocle, Euripide, Thucydide, Aristophane, et il n’a pas été indigne de cette haute société. […] Une personne de haut esprit et de grand cœur63 qui a eu occasion de vivre près de lui dans une de ces courtes vacances d’été, m’écrit : « Ne négligez pas de dire combien il est bon, simple, charitable. […] Trop pressé, dans l’un de ces cas d’honorable sollicitation, par sa mère qu’on avait gagnée, il lui dit pour dernière raison : « Si mon père vivait, me conseillerait-il d’accepter ?

1390. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIe entretien. Ossian fils de Fingal, (suite) »

Je n’étais pas triste dans mes fêtes, quand mes guerriers vivaient. » XIII Le dernier des chants originaux d’Ossian est celui intitulé Berrathon, et on le nomme, en Écosse, le Dernier Hymne d’Ossian. […] Vos noms vivront dans les chants des bardes ; ils toucheront à votre gloire leurs harpes harmonieuses : les filles de Selma les entendront, et votre renommée s’étendra dans les contrées lointaines. […] Durant tout ce temps, l’homme de douleur a vécu seul dans sa caverne. […] Qu’il ait vécu et qu’il soit mort sous le nom et pour la gloire d’Ossian, et que cet homme religieux et probe ait laissé en expirant, par testament, des sommes considérables pour éditer et confirmer mensongèrement sa découverte littéraire ? […] Le vaillant Colgar et la charmante Anyra vivent sous tes yeux.

1391. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

Il est sur la terre ; il a vécu dans un lieu et dans un temps ; les hommes l’ont vu et entendu. […] Elle est vraie de lui, cette parole du Christ à ses disciples : « Je demeure en vous, et vous demeurez en moi. » Dieu, le Christ, la Vierge, les saints, c’était là sa compagnie durant ces longues années de retraite où il vécut abîmé dans les Ecritures et les Pères, s’en rendant tous les personnages présents par la puissance de l’imagination et de la foi. […] Il faudrait trembler alors, car je ne sais pas quelle force spirituelle ferait vivre et prospérer une société où l’on ne croirait plus qu’à ces deux choses : la fin de la morale chrétienne et l’impossibilité de la remplacer ! […] Si le plus jeune eût vécu, qu’elle eût été son influence sur l’aîné ? […] Suffisait-il que Vauvenargues vécût quelques années de plus, pour que le dix-huitième siècle, ce temps des liaisons intéressées, et fragiles, où les amis ressemblent à des partisans enrôlés sous un chef, vît un exemple nouveau de ces amitiés littéraires dont la gloire aimable s’ajoute à toutes celles qui ont valu au dix-septième siècle son nom de grand ?

1392. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

La formation de la légende de Jésus et tous les faits primitifs du christianisme seraient inexplicables dans le milieu où nous vivons. […] L’Orient a toujours vécu dans cet état psychologique où naissent les mythes. […] Il est vrai à la lettre qu’aucune grande religion n’est morte jusqu’ici et que les plus maltraitées, parsisme, samaritanisme, etc., vivent encore dans la croyance de quelque tribu ou reléguées dans quelque coin du globe. […] Ceux-là peuvent comprendre le Christ qui y ont cru ; de même, pour comprendre, dans toute leur portée, ces sublimes créations, il faudrait y avoir cru, ou plutôt (car le mot croire n’a pas de sens dans ce monde de la fantaisie) il faudrait avoir vécu avec elles. […] Comment saisir la physionomie et l’originalité des littératures primitives, si on ne pénètre la vie morale et intime de la nation, si on ne se place au point même de l’humanité qu’elle occupa, afin de voir et de sentir comme elle, si on ne la regarde vivre, ou plutôt si on ne vit un instant avec elle ?

1393. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

Il resterait à se demander combien de temps une littérature peut se passer de clarté et vivre dans des régions crépusculaires. […] Tel d’entre eux se continue pendant plus de cent ans et change de nature sur la route ; il commence par la gaieté, par la joie de vivre, et finit par l’amertume et la raillerie mordante. […] Vivent le plein cintre et la coupole ! […] Si elle n’est pas chateaubrianisée, c’est-à-dire lasse de la vie avant d’avoir vécu, désenchantée, pénétrée du néant des choses, elle adorera Lamartine, elle rêvera d’être une Elvire et de mourir poitrinaire. […] Les frères de Goncourt ont écrit : « Un temps dont on n’a pas un échantillon de robe, l’histoire ne le voit pas vivre », et Renan a quelque part défini la coquetterie « le plus charmant de tous les arts ».

1394. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

Là je vivrais dans des idées d’or, le cœur réchauffé, l’esprit ensoleillé, dans une grande paix doucement chantante… C’est étrange comme, à mesure qu’on vieillit, le soleil vous devient cher et nécessaire, et l’on meurt en faisant ouvrir la fenêtre, pour qu’il vous ferme les yeux. […] Ceux qui imaginent ne doivent pas vivre. […] Les gens qui se dépensent trop dans la passion ou dans le tressautement d’une existence nerveuse, ne feront pas d’œuvres et auront épuisé leur vie à vivre. […] Ce captif dans ce trou, ce grand méconnu, parfois se console, en racontant que les derniers Clermont-Tonnerre, réfugiés dans un petit bois qui leur reste près de Saint-Mihiel, ont là, dépouillé le noble, presque l’homme, et que ces Clermont-Tonnerre, dont un aïeul, au dire de Mme de Sévigné, vendait cinq millions une terre de vingt-deux villages, aujourd’hui vêtus de peaux de bêtes, vivent dans ce bois, peuplent avec des bûcheronnes, — en train de revenir une race sauvage au xixe  siècle, et parlant déjà une langue à eux, une langue qui recule au patois, au bégayement des peuples. […] * * * — De la confusion des langues à la tour de Babel, sont nés : Pierrot qui s’en joue, et les traducteurs qui en vivent.

1395. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

Cette douleur a été réservée à ceux qui vivent longtemps, que leur foyer, sans cesse décimé par de nouveaux trépas, condamne à vieillir dans une perpétuelle tristesse et sous des noirs vêtements de deuil ! […] Vivez contents de ces cabanes et de ces collines agrestes ! […] Tandis que j’ai vécu, l’on m’a vu hautement Aux badauds effarés dire mon sentiment ; Je veux le dire encor dans les royaumes sombres : S’ils ont des préjugés j’en guérirai les ombres ! […] Dans les temps bien heureux du monde en son enfance, Chacun mettait sa gloire en sa seule innocence, Chacun vivait content et sous d’égales lois ; Le mérite y faisait la noblesse et les rois, Et, sans chercher l’appui d’une naissance illustre, Un héros de soi-même empruntait tout son lustre ; Mais enfin par le temps le mérite avili Vit l’honneur en roture et le vice ennobli, Et l’orgueil, d’un faux titre appuyant sa faiblesse, Maîtrisa les humains sous le nom de noblesse. […] — On n’en peut trop avoir, et pour en amasser Il ne faut épargner ni crime ni parjure, Il faut souffrir la faim et coucher sur la dure, Avoir plus de trésors que n’en perdit Galet, N’avoir dans sa maison ni meubles ni valet, Parmi des tas de blé vivre de seigle et d’orge, De peur de perdre un liard souffrir qu’on vous égorge.

1396. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

Je vivrais mille ans que je n’oublierais pas certaines heures du soir où, m’échappant pendant la récréation des élèves jouant dans la cour, j’entrais par une petite porte secrète dans l’église déjà assombrie par la nuit et à peine éclairée au fond du chœur par la lampe suspendue du sanctuaire ; je me cachais sous l’ombre plus épaisse d’un pilier ; je m’enveloppais tout entier de mon manteau comme dans un linceul ; j’appuyais mon front contre le marbre froid d’une balustrade, et, plongé, pendant des minutes que je ne comptais plus, dans une muette, mais intarissable adoration, je ne sentais plus la terre sous mes genoux ou sous mes pieds, et je m’abîmais en Dieu, comme l’atome flottant dans la chaleur d’un jour d’été s’élève, se noie, se perd dans l’atmosphère, et, devenu transparent comme l’éther, paraît aussi aérien que l’air lui-même et aussi lumineux que la lumière. […] Il ne vivait réellement pas sur la terre ; sa conversation, comme disent les mystiques, était toute avec les anges ; mais c’étaient des anges sévères, qui ne souriaient jamais aux charmes terrestres de la création. […] Quelques mois après, son neveu m’écrivit de nouveau pour m’apprendre la mort de son oncle ; il avait vécu, ou plutôt il avait pensé et prié jusqu’au-delà de quatre-vingts ans ; pur esprit qui ne laissait pas une pensée à la terre : elle n’avait été pour lui qu’un marchepied de son autel. […] Le divers langage des hôtes du désert nous paraît calculé sur la grandeur ou le charme du lieu où ils vivent et sur l’heure du jour à laquelle ils se montrent. […] Enfin presque tous les animaux qui vivent de sang ont un cri particulier, qui ressemble à celui de leurs victimes.

1397. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre II. De la multiplicité des états de conscience. L’idée de durée »

La durée toute pure est la forme que prend la succession de nos états de conscience quand notre moi se laisse vivre, quand il s’abstient d’établir une séparation entre l’état présent et les états antérieurs. […] Nous verrons plus loin que lorsque l’astronome prédit une éclipse, par exemple, il se livre précisément à une opération de ce genre : il réduit infiniment les intervalles de durée, lesquels ne comptent pas pour la science, et aperçoit ainsi dans un temps très court — quelques secondes tout au plus — une succession de simultanéités qui occupera plusieurs siècles pour la conscience concrète, obligée d’en vivre les intervalles. […] Il semble que ces objets, continuellement perçus par moi et se peignant sans cesse dans mon esprit, aient fini par m’emprunter quelque chose de mon existence consciente ; comme moi ils ont vécu, et comme moi vieilli. […] Si chacun de nous vivait d’une vie purement individuelle, s’il n’y avait ni société ni langage, notre conscience saisirait-elle sous cette forme indistincte la série des états internes ? […] La tendance en vertu de laquelle nous nous figurons nettement cette extériorité des choses et cette homogénéité de leur milieu est la même qui nous porte à vivre en commun et à parler.

1398. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

L’homme ne vit qu’un jour ; mais, à l’habituer à ne vivre par la pensée que ce jour même, on rend ce jour plus court encore et plus vide. […] Ils naissent, vivent, s’amusent ou pleurent, à côté, tout à fait à côté. […] À le prendre ainsi, nous sommes sur un terrain solide : Hugo vivra autant que notre langue. — Et ses derniers critiques vivront aussi, quoique peut-être moins longtemps, mais non pas seulement quelques jours. […] Sous eux, ou derrière eux, en quelque sorte, il y a un groupe et même une foule d’âmes qui pensent, qui sentent, qui vivent. […] Le dualisme a vécu, l’unité commence.

1399. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

La vie vaut-elle dès lors la peine d’être vécue ? […] Vivre n’en vaut pas la peine, dit-il. […] Lorsque cette harmonie n’existe pas, l’être n’est pas apte à vivre. […] L’animal ne mange que par instinct, non pour vivre. […] Il devait vivre pour lui seul.

1400. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

Les rois qui vivaient sur de plus beaux rivages, qui cultivaient des terres plus fécondes, qui dormaient dans de plus riches palais, ne comprenaient guère que le prudent Ulysse s’obstinât à chercher ainsi, malgré la destinée, son pauvre royaume. […] que j’aime mieux retourner vivre sous nos peupliers, auprès de vous ! […] En admirant Virgile, il sait combien celui-ci, pour être tout entier lui-même, a dû se rapprocher de la Grèce, y vivre d’aussi près que possible, se tenir constamment en présence d’Homère. […] Plus on vit sous ce ciel d’Athènes, plus on a besoin d’y vivre. […] Beulé, en partant, laissait Gandar aux soins d’un jeune et nouveau membre de l’École, dont le coup d’essai brillant, le premier exploit signalé datera également de la Grèce, mais dans un genre bien différent : « Beulé parti, écrivait Gandar, je vivrai en tête à tête avec un de nos jeunes collègues né à Dieuze et garçon d’esprit, M. 

1401. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mademoiselle Aïssé »

« Pour parler de la vie que je mène, et dont vous avez la bonté, écrit-elle à son amie69, de me demander des détails, je vous dirai que la maîtresse de cette maison est bien plus difficile à vivre que le pauvre ambassadeur. » Parlerait-elle sur ce ton de quelqu’un qui lui rappellerait décidément une faute odieuse, avilissante ? […] C’est un mouvement naturel chez les hommes de se prévaloir de la faiblesse des autres : je ne saurais me servir de cette sorte d’art ; je ne connais que celui de rendre la vie si douce à ce que j’aime, qu’il ne trouve rien de préférable ; je veux le retenir à moi par la seule douceur de vivre avec moi. […] Je ne vous en aimerois peut-être pas moins (ma passion fait partie de mon âme et je ne puis la perdre qu’en cessant de vivre), mais vous seriez moins aimable aux yeux des autres, et ce seroit dommage. […] Dans le portrait tel qu’il a été imprimé en 1809, cette phrase sur Rousseau est supprimée, et l’on y a mis l’observation sur Fontenelle au passé : On a dit de M. de Fontenelle qu’il avait… Il résulte, au contraire, de notre version plus exacte et plus complète, que Fontenelle vivait encore quand Mme du Deffand traçait ce portrait. […] Jeune, partant pour Paris en 1784, il fut conduit par son père à Mayac, où vivait encore l’abbé d’Aydie, frère du chevalier, et plus qu’octogénaire ; il reçut du spirituel vieillard des conseils.

1402. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

Onze jours, j’ai vécu sans fermer l’œil, et toujours me remuant et toujours parlant, avec la conscience toutefois que je déraisonnais, mais ne pouvant m’en empêcher. […] Cette recherche de la petite bête abêtit les mieux doués, les détourne, — occupés qu’ils sont de la sertissure à la loupe d’une phrase — de toutes les fortes, les grandes, les chaleureuses choses, qui font vivre un livre. […] Et cet homme et cette bossue, dans leur petit logement de 200 francs, ne dépensant rien que pour la gueule, n’existant que pour elle, vivaient dans une continuelle réplétion des plus succulentes et des plus chères choses. […] Ils sont sans ressources, et tombés à Paris, avec de quoi vivre quelques jours. […] J’ai rarement éprouvé une jouissance pareille à celle, que j’ai à vivre dans cette harmonie somptueuse, à vivre dans ce monde d’objets d’art si peu bourgeois, en ce choix et cette haute fantaisie de formes et de couleur.

1403. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

Me prend-il fantaisie, à cette heure où tout chante la joie de vivre, de célébrer le bois magnifique, de magnifier en des stances lyriques la ferveur des arbres séculaires, d’exalter les profondeurs calmes et palpitantes de mystère que mon esprit suppose par-delà les houles de ce sylvestre océan, — alors deux procédés me sollicitent. […] Comment donc vous ai-je inoculé la violence de ma passion au point qu’à présent vous la vivez ? […] » Pourtant devant qui vous prierait, par cet exemple vécu, de faire tenir ma vie en une définition, vous demeureriez muet. […] À mille lieues de l’ignorant et dans une toute autre planète que le savant, vivent le métaphysicien et l’artiste, — je ne parle ici que de ceux qui méritent vraiment l’une ou l’autre de ces appellations. […] Ce temps est encore loin, mais la cause du retard apporté dans les rapports de sympathie entre l’artiste et le gros public tient aux conditions actuelles où le poète se trouve obligé de vivre.

1404. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

C’est au bord du Sybaris ou de l’Anapos que vivent les bergers de Théocrite, et les lignes de l’Etna et de la mer de Sicile bornent nettement leur horizon. […] À force de vivre avec les anciens, ils se pénétrèrent de leur esprit, ils se laissèrent infuser par eux l’amour de la vie naturelle. […] Alors l’art ne vit plus que par la convention, mais il n’en peut vivre longtemps. […] Faut-il pas que mes chevaux vivent ? […] Il relègue le paysan dans le lointain des rudes campagnes qu’explorent par nécessité les nobles, contraints de vivre sur leur domaine, et par vocation les moralistes curieux, comme La Bruyère.

1405. (1887) Discours et conférences « Préface »

Une nation, c’est pour nous une âme, un esprit, une famille spirituelle, résultant, dans le passé, de souvenirs, de sacrifices, de gloires, souvent de deuils et de regrets communs ; dans le présent, du désir de continuer à vivre ensemble.

1406. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre III. Des Ruines en général. — Qu’il y en a de deux espèces. »

Il s’y joint, en outre, une idée qui console notre petitesse, en voyant que des peuples entiers, des hommes quelquefois si fameux, n’ont pu vivre cependant au-delà du peu de jours assignés à notre obscurité.

1407. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

Aimé Martin sentit, à partir de ce moment, que sa vie devait changer comme ses devoirs, et qu’il fallait vivre, penser, travailler pour deux. […] Mais aux ombres du crime on prête aisément foi, Et ce n’est pas assez de bien vivre pour soi. […] Cependant, ce ne fut pas sans se faire une grande violence que Molière résolut de vivre avec elle dans cette indifférence. […] Je pris, dès lors, la résolution de vivre avec elle comme un honnête homme qui a une femme coquette, et qui est bien persuadé, quoi qu’on puisse dire, que sa réputation ne dépend point de la méchante conduite de son épouse ; mais j’eus le chagrin de voir qu’une personne sans beauté, qui doit le peu d’esprit qu’on lui trouve à l’éducation que je lui ai donnée, détruisait en un moment toute ma philosophie. […] Je me suis donc déterminé à vivre avec elle comme si elle n’était pas ma femme: mais si vous saviez ce que je souffre, vous auriez pitié de moi.

1408. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

. — Puis il y a les conventions ; le théâtre ne saurait vivre sans elles ; mais elles sont fort diverses selon les temps. […] Marié à Fribourg, avec la Merceret, il y aurait vécu en petit bourgeois fantasque et grognon ; Paris lui a révélé son génie. […] De cette crise prochaine se dégagera le principe nouveau que notre myopie ne distingue pas aujourd’hui, la foi dont l’homme a besoin pour vivre. — Notre époque est intéressante : pour celui qui pense, la vie actuelle est une belle douleur. […] La France a déjà vécu trois ères, les a vécues jusqu’au bout, et tout permet d’espérer que, surmontant la crise actuelle, elle entrera bientôt dans une ère nouvelle. […] Je ne vois pas chez lui une seule idée, valable pour nous, que notre moyen âge n’ait déjà vécue et que nous ne portions pas dans le sang.

1409. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

Ce n’est plus du pensé, c’est du vécu. […] Pourtant C’est le long de ce fil que se transmet, jusqu’à la plus petite parcelle du monde OÙ nous vivons, la durée immanente au tout de l’univers. […] Pour que l’individualité fût parfaite, il faudrait qu’aucune partie détachée de l’organisme ne pût vivre séparément. […] Mais nous le vivons, parce que la vie déborde l’intelligence. […] Elle naîtrait de l’effort même de l’être vivant pour s’adapter aux conditions où il doit vivre.

1410. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Il débuta par être commis de libraire, tout en faisant des vers, avec le produit desquels il s’était figuré, en quittant Marseille, pouvoir vivre à Paris. […] Il est déjà vieux et a beaucoup vécu ; il a traversé toutes les phases de la République et de l’Empire ; il a de l’esprit et crée l’anecdote avec un naturel infini. […] Bohain, l’Europe littéraire vécut six mois et mourut entre les mains de M.  […] On le dit un cœur sec et égoïste ; des hommes qui ont beaucoup vécu avec lui s’en plaignent amèrement. […] Mais combien d’autres choses encore j’ai vues, j’ai devinées, j’ai apprises, dans cette atmosphère agitée où j’ai vécu deux mois !

1411. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Riposte à Taxile Delord » pp. 401-403

Jeune homme, qui vous destinez aux lettres et qui en attendez douceur et honneur, écoutez de la bouche de quelqu’un qui les connaît bien et qui les a pratiquées et aimées depuis près de cinquante ans, — écoutez et retenez en votre cœur ces conseils et cette moralité : Soyez appliqué dès votre tendre enfance aux livres et aux études ; passez votre tendre jeunesse dans l’etude encore et dans la mélancolie de rêves à demi-étouffés ; adonnez-vous dans la solitude à exprimer naïvement et hardiment ce que vous ressentez, et ambitionnez, au prix de votre douleur, de doter, s’il se peut, la poésie de votre pays de quelque veine intime, encore inexplorée ; — recherchez les plus nobles amitiés, et portez-y la bienveillance et la sincérité d’une âme ouverte et désireuse avant tout d’admirer ; versez dans la critique, émule et sœur de votre poésie, vos effusions, votre sympathie et le plus pur de votre substance ; louez, servez de votre parole, déjà écoutée, les talents nouveaux, d’abord si combattus, et ne commencez à vous retirer d’eux que du jour où eux-mêmes se retirent de la droite voie et manquent à leurs promesses ; restez alors modéré et réservé envers eux ; mettez une distance convenable, respectueuse, des années entières de réflexion et d’intervalle entre vos jeunes espérances et vos derniers regrets ; — variez sans cesse vos études, cultivez en tous sens votre intelligence, ne la cantonnez ni dans un parti, ni dans une école, ni dans une seule idée ; ouvrez-lui des jours sur tous les horizons ; portez-vous avec une sorte d’inquiétude amicale et généreuse vers tout ce qui est moins connu, vers tout ce qui mérite de l’être, et consacrez-y une curiosité exacte et en même temps émue ; — ayez de la conscience et du sérieux en tout ; évitez la vanterie et jusqu’à l’ombre du charlatanisme ; — devant les grands amours-propres tyranniques et dévorants qui croient que tout leur est dû, gardez constamment la seconde ligne : maintenez votre indépendance et votre humble dignité ; prêtez-vous pour un temps, s’il le faut, mais ne vous aliénez pas ; — n’approchez des personnages le plus en renom et le plus en crédit de votre temps, de ceux qui ont en main le pouvoir, qu’avec une modestie décente et digne ; acceptez peu, ne demandez rien ; tenez-vous à votre place, content d’observer ; mais payez quelquefois par les bonnes grâces de l’esprit ce que la fortune injuste vous a refusé de rendre sous une autre forme plus commode et moins délicate ; — voyez la société et ce qu’on appelle le monde pour en faire profiter les lettres ; cultivez les lettres en vue du monde, et en tâchant de leur donner le tour et l’agrément sans lequel elles ne vivent pas ; cédez parfois, si le cœur vous en dit, si une douce violence vous y oblige, à une complaisance aimable et de bon goût, jamais à l’intérêt ni au grossier trafic des amours-propres ; restez judicieux et clairvoyant jusque dans vos faiblesses, et si vous ne dites pas tout le vrai, n’écrivez jamais le faux ; — que la fatigue n’aille à aucun moment vous saisir ; ne vous croyez jamais arrivé ; à l’âge où d’autres se reposent, redoublez de courage et d’ardeur ; recommencez comme un débutant, courez une seconde et une troisième carrière, renouvelez-vous ; donnez au public, jour par jour, le résultat clair et manifeste de vos lectures, de vos comparaisons amassées, de vos jugements plus mûris et plus vrais ; faites que la vérité elle-même profite de la perte de vos illusions ; ne craignez pas de vous prodiguer ainsi et de livrer la mesure de votre force aux confrères du même métier qui savent le poids continu d’une œuvre fréquente, en apparence si légère… Et tout cela pour qu’approchant du terme, du but final où l’estime publique est la seule couronne, les jours où l’on parlera de vous avec le moins de passion et de haine, et où l’on se croira très clément et indulgent, dans une feuille tirée à des milliers d’exemplaires et qui s’adresse à tout un peuple de lecteurs qui ne vous ont pas lu, qui ne vous liront jamais, qui ne vous connaissent que de nom, vous serviez à défrayer les gaietés et, pour dire le mot, les gamineries d’un loustic libéral appelé Taxile Delord.

1412. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Franc-Nohain (1873-1934) »

il chante les nostalgies de la petite éponge qui s’étiole parmi les objets de toilette et songe à sa jeunesse vécue sur un libre rocher couvert d’algues vertes, en pleine mer, dans la familiarité sauvage des crabes, des homards et des crevettes… Les fables de Franc-Nohain, ingénues, falotes et charmantes, sont certes d’une puissante gaîté.

1413. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre IV. Pourquoi le génie d’Homère dans la poésie héroïque ne peut jamais être égalé. Observations sur la comédie et la tragédie » pp. 264-267

Observations sur la comédie et la tragédie L’absence de toute philosophie que nous avons remarquée dans Homère, et nos découvertes sur sa patrie et sur l’âge où il a vécu, nous font soupçonner fortement qu’il pourrait bien n’avoir été qu’un homme tout à fait vulgaire.

1414. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Non, non, je veux qu’il ait vécu parmi les morts. […] Renan lui-même, avoir pénétré et vécu tout près du sanctuaire. […] Sur des talents ordinaires on peut chercher l’influence du milieu où ils ont vécu et qu’ils reflètent ; mais des hommes de génie comme ceux-là, ils sont eux-mêmes et c’est tout dire. […] Anatole France ; seulement, comme il ne suffit pas de douter, comme il faut vivre aussi, il a dû se faire tant bien que mal une règle de conduite. […] Aussi, vivent les écrivains qui embellissent la vie, qui en voilent les tristesses, qui en cachent les laideurs !

1415. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Une plante végète, et c’est sa façon de vivre. […] Les habitants y vivent de la culture de leurs oliviers et de leurs figuiers. […] Roméo et Juliette eux-mêmes ont-ils vécu réellement ? […] J’avais seize ans, j’étais fort, pressé de vivre. […] Il n’est pas croyable, malgré ma simplicité et la retraite où j’avais vécu.

1416. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Il vivait à leur table. […] Ils ont vécu comme mari et femme, assez longtemps pour mettre au monde deux enfants. […] L’armée, habituée à vivre en pays conquis, est désormais incapable de supporter la paix. […] Pour lui, vivre c’est trembler. […] On y vivait innocemment, comme dans les primitives oasis du paradis terrestre.

1417. (1910) Rousseau contre Molière

» Cette très amusante première édition du fameux : « Je veux vivre !  […] Lui-même est au moins très partagé entre son désir de vivre toujours indépendant chez un grand seigneur et le désir plus raisonnable de vivre en homme du peuple, dans un petit logement, et d’un petit métier obscur et tranquille. […] Mais l’enseigne des vrais dévots est de n’en pas avoir, et pourvu qu’ils vivent bien, ils laissent les autres vivre à leur guise. […] Les leurs ne lisaient point ; mais elles vivaient bien. […] En France, les filles vivent dans des couvents et les femmes courent le monde.

1418. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Maintenant, ils vont vivre chacun de sa vie personnelle. […] vivent-ils enfin d’une vie qui leur soit propre ; et indépendante non seulement des besoins de la critique, mais du caprice même des écrivains ou des artistes ? […] Il y a tantôt deux mille ans que l’auteur des Satires est mort ; et, pour celui de l’Odyssée, qui pourra dire en quel temps il vivait ? […] Elle vivait ; elle marchait. […] Et la façon dont ils ont vécu, n’y regarderons-nous pas aussi ?

1419. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXVIII » pp. 113-116

Elle a semblé vivre à de certains moments sous de grands papes ; mais c’étaient des cabinets superposés : comme nation, elle n’a cessé d’être morte. » Et encore : « Rome est morte et bien morte.

1420. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 218-221

Il est sûr de vivre par là entre tous les poëtes ses contemporains ou quelque peu ses aînés.

1421. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre IV. Le développement général de l’esprit est nécessaire pour bien écrire, avant toute préparation particulière »

Si l’on a bien appris, si l’on a bien vécu, c’est-à-dire comme un être actif et conscient, toutes les connaissances et toutes les émotions antérieures concourront insensiblement dans tout ce qu’on écrira, et, sans qu’on puisse marquer précisément l’empreinte d’aucune, elles se mêleront dans toutes nos pensées et dans toutes nos paroles, comme on ne saurait dire quelle leçon de gymnastique ou quel aliment entre tous a donné au corps la force dont il fait preuve un certain jour au besoin.

1422. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre VI. Utilité possible de la conversation »

Mais l’essentiel ici est de démêler ce qui, chez eux, est lieu commun, phrase apprise, provision de la mémoire, et ce qui est sentiment intime, émotion personnelle, éclosion spontanée de l’âme : ce qui est sifflé et ce qui est vécu.

1423. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gregh, Fernand (1873-1960) »

. — La Beauté de vivre (1900).

1424. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guérin, Charles (1873-1907) »

André Theuriet Avec le Cœur solitaire nous nous élevons sur de plus hauts sommets et nous goûtons le charme d’une facture plus savante… Seulement, ici, il nous faut dire adieu à la joie de vivre… M. 

1425. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Schwob, Marcel (1867-1905) »

… La petite écolière des Crabes, qui vit déjà sournoisement comme elle vivra toujours ; la petite femme de Barbe-Bleue, qui méchamment griffe les pavots verts et qui attend le glaive dans le pressentiment adorable et complet de toutes les voluptés.

1426. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Van Lerberghe, Charles (1861-1907) »

Il a embelli son âme de toute la Beauté intérieure, et son âme a transformé en beauté tout ce qu’il lui a donné ; elle lui a fait trouver en lui-même « une possibilité particulière de vie supérieure dans l’humble et inévitable réalité quotidienne », et c’est cette vie profonde que le poète a vécu et dont il nous révèle la précieuse essence en ce beau livre de poèmes.

1427. (1913) Le bovarysme « Deuxième partie : Le Bovarysme de la vérité — II »

Si, après avoir mis en lumière l’universalité et la fatalité du mensonge bovaryque, on s’est gardé ici de formuler une évaluation pessimiste de la vie et de ses conditions, il faut reconnaître que cette même constatation de fait serait de nature à motiver un autre jugement chez l’immense foule des hommes qui vivent et assurent par leur confiance et leur ardeur les progrès de la vie.

1428. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Épilogue »

Jusqu’ici, les sociétés les plus avancées comme les plus sauvages avaient accepté ou subi les hiérarchies sans lesquelles les sociétés ne sauraient vivre, et maintenant on n’en supporte plus… C’est la gloire du Progrès !

1429. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Charles Nisard »

Or, quelle biographie utile, enseignante et féconde, y avait-il de possible quand il s’agit d’hommes qui, hors leurs écrits, ont à peine vécu ?

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