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897. (1888) La critique scientifique « Appendice — Plan d’une étude complète d’esthopsychologie »

c) Moments : La nuit, le soir, l’ombre les crises, le trouble ; mêmes caractères communs.

898. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre V. Que l’incrédulité est la principale cause de la décadence du goût et du génie. »

L’abîme n’est qu’un peu d’eau bitumineuse ; les montagnes sont des protubérances de pierres calcaires ou vitrescibles ; et le ciel, où le jour prépare une immense solitude, comme pour servir de camp à l’armée des astres que la nuit y amène en silence ; le ciel, disons-nous, n’est plus qu’une étroite voûte momentanément suspendue par la main capricieuse du Hasard.

899. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lépicié » pp. 275-278

Lépicié veut placer ces trois tableaux en enseigne à sa porte, je lui garantis la pratique de tous ces gens qui chantent dans les rues, montés sur des escabeaux, la baguette à la main, à côté d’une longue pancarte attachée à un grand bâton, et montrant comment le diable lui apparut pendant la nuit, comment il se leva et s’en alla dans la chambre de sa femme qui dormait.

900. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre III. Des éloges chez tous les premiers peuples. »

Ces chants ou ces éloges étaient la principale ambition de ces peuples ; c’était un malheur de mourir sans les avoir obtenus, et l’on croyait qu’alors ces ombres guerrières apparaissaient aux yeux du barde pour solliciter ses chants, ou qu’il était averti par le bruit de sa harpe, qui retentissait seule et à travers le silence de la nuit.

901. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIe entretien. Biographie de Voltaire »

La composition de tragédies, de comédies, de romans philosophiques, tels que Candide, Zadig, et d’épîtres, de satires, de contes plus chastes et plus spirituels que ceux de Boccace et de La Fontaine, enfin une correspondance immense et qui s’étendait à tous les sujets et à toute l’Europe, remplissaient les jours et les nuits de travail, d’amusements, de bruit, d’amitié et de félicité. […] Qu’on lise cette page sur l’essence du mot religion, mot impliquant à la fois la croyance et la morale : « Cette nuit je méditais ; j’étais absorbé dans la contemplation de la nature, j’admirais l’immensité, le cours, les rapports de ces globes lumineux infinis, que le vulgaire ne sait pas admirer. […] Un peuple entier le reconduisit jusqu’à sa maison, et assourdit pendant toute une nuit les deux rives de la Seine de ses applaudissements.

902. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

Que de fois, la nuit, couché avec mon frère, la bougie enveloppée d’un cornet en gros papier, de peur que la lumière ne nous trahit, j’ai veillé jusqu’au blanc de l’aube pour lire Victor Hugo. « Dormirez-vous à la fin ! […] Si j’ai plus souvent relu les Contemplations, c’est que, pendant les heures longues d’une veillée de mars au chevet d’une enfant adorée, les fenêtres ouvrant sur une nuit étoilée, j’ai reçu des Contemplations le soulagement à la plus déchirante parmi les douleurs humaines. […] Dont l’acier clair et les éclairs Foudroient la nuit impure ; Doux chevalier pour les très doux enfants Dont vous baisiez les têtes De cette bouche au loin tonnante aux ouragans Et aux tempêtes ; Noir chevalier songeur par les soirs merveilleux Dont les feux immobiles Brûlaient dans la parole et dans les yeux Des soudaines Sybilles ; Clair chevalier et moissonneur d’azur Tantôt sur terre ou bien là-bas parmi les nues Où vous glaniez des phrases inconnues Pour définir te Dieu futur ; De par ton œuvre ouverte ainsi qu’une arche Devant l’humanité tragique ou triomphante, Poète en qui songeait l’hiérophante, Tu fus le rêve autour d’un monde en marche… [La Plume (1898).]

903. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Dans un des plus émouvants chapitres du livre, Léopold Baillard, seul, la nuit, en la cuisine d’une maison endormie, parle aux esprits qui le hantent. […] Bourget la résonance infinie qu’elle laisse après elle, et, dans noire nuit actuelle, la durable phosphorescence de son symbole. […] Je ne cache pas que, sur le fruit exquis de Saâda, j’aimerais mieux trouver la pelure ou l’écorce des Mille et Une Nuits que celle du père Dumas, mais cela est un détail. […] Mais la destinée de cette Pénélope est de dissocier la nuit les idées qu’elle associe le jour, et ce double travail, qui satisfait un double intérêt, n’est ni contradictoire ni inutile. […] Et il faut beaucoup de bonne volonté pour trouver dans Les Mille et Une Nuits traduites par M. 

904. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

Mais on reproche aux Poëtes de l’heure actuelle je ne sais quelle spéciale obscurité, un goût hors nature pour la nuit du style. […] Ils eussent aussitôt cessé d’être les Français du xviiie  siècle s’ils avaient vraiment aimé et compris Hamlet et le Songe d’une nuit d’été. […] Lord Byron, alors jeune et entreprenant, gagna les affections d’une dame florentine : le mari découvrit leur amour et tua sa femme ; mais l’assassin fut trouvé mort la même nuit, dans la rue, et les soupçons ne purent se fixer sur personne. […] Il y a des heures de nuit où le Boulevart est mystique. […] Cela ne l’empêche pas d’être, à d’autres heures, frénétiquement gai, plus tard dans la nuit.

905. (1896) Les Jeunes, études et portraits

Puis c’est le long séjour à l’hôpital, les nuits d’angoisse passées aux prises avec la mort, la guérison, la lente convalescence. […] Il écrit : « Cette nuit il y a eu deux assassinats. […] Le mari offensé ne lève pas le bras sur sa femme, et ses cheveux ne blanchissent pas en une nuit. […] Aux dernières étoiles de la nuit finissante, venue d’un navire qu’on ne voit pas, on entend la voix du veilleur qui signale des sirènes sur là mer. […] Golaud l’envoie rechercher cet anneau tout de suite et bien qu’il soit nuit noire ; il l’envoie avec Pelléas.

906. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Werther lui a été uniquement inspiré par les Nuits d’Young. […] Déjà Young, précurseur et prophète de cette révolution, avait prévenu les secrets instincts du siècle en écrivant les Nuits. […] Je n’en veux recueillir ici qu’une seule, qui prouve, une fois de plus, combien l’histoire ressemble à un conte des Mille et une Nuits. […] La poésie du panthéisme — et la poésie est encore ce qu’il y a de plus philosophique en lui — ressemble à ces vapeurs à demi transparentes qu’on voit s’élever à la campagne par une belle nuit d’été, sur la lisière des bois. […] Un peu de variété ne nuit pas, même dans l’insulte, et je prends la liberté de recommander à l’auteur anonyme le procédé de son compatriote, M. 

907. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Le sonnet Ses purs ongles est une copie — d’une technique très curieuse — de son salon la nuit. […] , la concentration des Figures dans la Nuit. […] (C’est le poignard de Théophile) ou la « goutte d’encre, apparentée à la nuit sublime ». […] Sans heurt, silencieusement, par l’acte même de sa nature, le rêve, en passant à la vie, se dépose en tristesse, comme une nuit froide et pure en rosée. […] Œuvres relues, longs rayons sans chaleur d’un été polaire avant l’interminable nuit !

908. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Il va se promener la nuit pour empoisonner les puits, ou achever les malades qui gémissent sous les murailles. […] On la marie à un autre, lisez vous-même l’admirable et horrible scène qui représente la nuit de noces. […] « Pour passer le temps, je dirai à Votre Grâce un rêve que j’ai fait la nuit dernière. […] Là, pendant une nuit d’été, selon l’usage du temps105, les jeunes hommes et les jeunes filles vont cueillir des fleurs et échanger des promesses ; Amoret avec Périgot, « Amoret, plus belle que la chaste aube rougissante, ou que cette belle étoile qui guide le marin errant à travers l’abîme », pudique comme une vierge et tendre comme une épouse. « Je te crois, dit-elle à Périgot ; cher ami, il me serait dur de te tenir pour infidèle, plus dur qu’à toi de me tenir pour impure. » Si fortes que soient les épreuves, ce cœur donné ne se retirera jamais. […] Voyez pareillement la Vie de Bohême et les Nuits d’hiver, de Murger ; la Confession d’un enfant du siècle, par de Musset.

909. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

« Jusqu’à seize ans, dit Burns, la tristesse morne d’un ermite avec le labeur incessant d’un galérien, voilà ma vie1138. » Ses épaules se voûtèrent, la mélancolie arriva ; presque tous les soirs, sa tête était douloureuse et lourde ; plus tard les palpitations vinrent, et la nuit, dans son lit, il suffoquait et manquait de s’évanouir. « L’angoisse d’esprit que nous ressentions, dit son frère, était très-grande. » Le père vieillissait ; sa tête grise, son front soucieux, ses tempes amaigries, sa grande taille courbée, témoignaient des chagrins et du travail qui l’avaient usé. […] Avec nos tours et nos bourdes prêtes, —  nous rôdons çà et là tout le jour, —  et la nuit dans la grange ou l’étable — nous embrassons nos luronnes sur le foin. […] Une nuit, ayant trop bu, il s’assit et s’endormit dans la rue. […] personne de nous ne s’est mis au lit cette nuit ; rien n’a dormi, excepté ma goutte. » En France, on vendit de ces romans quatorze cent mille volumes, et on en vend toujours. […] Quelqu’un a-t-il peint aussi magnifiquement le nuage qui veille la nuit dans le ciel, enveloppant dans son filet l’essaim d’abeilles dorées, qui sont les étoiles, et « le matin rouge avec ses yeux de météore et ses flamboyantes ailes étendues qui saute, comme un aigle, sur la croupe de la nue voguante1234 ? 

910. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

Il attribue le sang-froid et la sérénité dont il jouit alors, et qui ne lui venait point de sa nature physique, à ses bonnes lectures spirituelles et à de vives prières qu’il avait faites pendant toute la nuit du 10. […] Dans le cours de cette même année (1795), Saint-Martin publia sa Lettre à un ami, ou Considérations politiques, philosophiques et religieuses sur la Révolution française, avec cette épigraphe tirée des Nuits d’Young : « Le ciel dispose toutes choses pour le plus grand bien de l’homme. » Cette brochure fut peu lue ; mais, éclairée pour nous aujourd’hui par le livre des Considérations de M. de Maistre, elle a une grande valeur comme indication et comme présage ; il n’en faut point séparer l’Éclair sur l’association humaine, qui parut deux ans après (1797).

911. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Villars, malgré son vif désir, n’osa prendre sur lui l’événement contre l’avis de ses officiers généraux, qui, la plupart, lui firent et pour la seconde fois, au moment même de commencer l’attaque, dans la nuit du 23 avril (1703), de très fortes et obstinées représentations. […] Villars y était tout disposé, lorsque, dans la nuit du 16 au 17 juin, treize jours après son arrivée, Marlborough leva le camp sans bruit, et, par une retraite précipitée, fit repasser à son armée la Sarre et la Moselle.

912. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

Toujours, au milieu du festin, au sein de l’ivresse, et quand le poète enflammé exhalera l’ardeur de ses chants entre les bras de Théone ou de Cinthie, la Mort se lèvera tout à coup et apparaîtra devant ses yeux, non la Mort des anciens dont l’idée ne faisait qu’aiguiser plutôt et raviver le sentiment du plaisir, mais la Mort de la Danse macabre, avec son ricanement féroce, et qui vous met et vous laisse au cœur une certaine petite crainte a l’Hamlet que la nuit funèbre ne soit pas le long sommeil, mais le rêve, et que tout ne soit pas fini après la vie : La mort ne serait plus le remède suprême ; L’homme, contre le sort, dans la tombe elle-même   N’aurait pas de recours, Et l’on ne pourrait plus se consoler de vivre, Par l’espoir tant fêté du calme qui doit suivre   L’orage de nos jours ! […] Plus tard, le roman ou la légende de Venise, avec l’accompagnement des Lettres d’un Voyageur, n’a certes pas nui au triomphe des Nuits.

913. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français et de la question des Anciens et des Modernes »

Tout d’abord ce sont deux musiciennes, Mélo et Satyra, qui dédient et consacrent les instruments de leur art aux Muses : « Mélo et Satyra, arrivées à un grand âge, filles d’Antigénide, les dociles des servantes des Muses (ont fait ces offrandes) : Mélo consacre aux Muses de Pimplée ces flûtes que la lèvre rapide effleure ; et l’étui en buis qui les renferme ; Satyra, amie des amours, consacre cette syrinx dont elle-même a réuni les tuyaux avec de la cire, douce flûte, nocturne compagne des buveurs, avec laquelle après toute une nuit elle a vu bien souvent se lever l’aurore battant la mesure aux portes des cours et des maisons4. » Ces deux demoiselles étaient des musiciennes un peu ambulantes qu’on louait, surtout la seconde, pour des sérénades. […] C’est ce que je te recommande, moi, Priape, le gardien des ports, pour que tu ailles partout où le commerce t’appelle. » Léonidas n’eut pas seulement affaire aux pauvres gens et à ceux du commun ; nul n’a exprimé mieux que lui la délicatesse de cœur et d’esprit du parfait galant homme ; lisez plutôt cette Épitaphe d’Aristocratès, de l’homme aimable par excellence : « Ô Tombeau, de quel mortel tu couvres ici les ossements dans ta nuit !

914. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

Mais le soir au théâtre, le rencontrant et l’allant saluer dans sa loge, il n’y resta qu’un instant et parut vouloir sortir ; le maréchal lui demandant pourquoi il partait si tôt : « J’ai mon rapport à faire et à envoyer cette nuit même à Paris », répondit Jean-Bon. […] Le mobilier de son cabinet consistait dans un bureau formé de quatre planches de sapin solidement unies, de six chaises de bois et de la lampe devant laquelle il passait souvent des nuits.

915. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. »

Il montre que l’éditeur est seul coupable des divisions, des sous-titres prétentieux et de l’appareil scientifique dont on a affublé un écrit dicté à quelque aide de camp ou secrétaire durant treize nuits d’insomnie. […] L’on veut de la franchise, de la gaîté, un air naturel et ouvert ; sans cela, personne ne vous parle, et tout le monde est sur ses gardes. » Et encore, dans une lettre au comte de Bruhl (16 septembre 1741) : « Je dois avertir Votre Excellence que M. de Loss n’est pas l’homme propre à traiter avec le Cardinal et les Français ; il a de cette finesse allemande que l’on voit du premier coup d’œil et qui n’inspire que de la méfiance, ce qui nuit plus que chose du monde aux affaires.

916. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

Elle me dit que je lui faisais plaisir, et je ne l’ai quittée et ne lui ai souhaité la bonne nuit que lorsque ses femmes eurent refermé les rideaux et que la foule fut sortie. […] Un voyage en Allemagne où il vit, dans une pointe à Berlin, le grand Frédéric, et où ils causèrent ensemble pendant plusieurs soirs bien avant dans la nuit, dut être une de ses fêtes, et la plus digne d’être remémorée.

917. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite et fin.) »

Malouet, plus que suspect, signalé depuis longtemps pour ses liaisons avec la Cour, dénoncé comme membre du comité autrichien, sortit de sa maison, rue d’Enfer, dans la nuit du 10 août, pour n’y plus rentrer. […] Il dit à cet endroit de ses Mémoires : « A Boulogne, j’allai descendre hors la ville, dans la maison de campagne d’un de mes collègues, M. du Blaisel, qui me fit entrer la nuit dans sa voiture et me déposa dans une auberge, où il me recommanda. » Il s’agit bien en effet (et je n’en fais la remarque que parce qu’on a élevé une difficulté sur ce point) de M. du Blaisel du Rieu, qui avait été suppléant du duc de Villequier, député du Boulonnais aux États-généraux.

918. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

Il n’y a pas de nuit où je ne retrouve mes petits enfants dans mes bras, sur mes genoux. […] «  Avant-hier, dans la nuit, j’ai eu le bonheur de rêver à toi et de t’embrasser avec une effusion d’amitié et de joie si vive, que je m’en suis réveillée. — Nous allions au-devant l’une de l’autre les bras ouverts.

919. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Pierre Corneille »

Le grand vieillard expira dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre 1684, rue d’Argenteuil, où il logeait. […] Le même cours des planètes Règle nos jours et nos nuits : On m’a vu ce que vous êtes, Vous serez ce que je suis.

920. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

On le voit mourant, enveloppé dans sa robe de chambre, coiffé de son bonnet de nuit, l’instant d’après se démenant, criant, se disputant avec sa nièce la grosse Mme Denis, s’emportant contre Jean-Jacques ou le président de Brosses qu’un maladroit a nommés, se moquant du Père Adam, un Jésuite qu’il a recueilli, disant des douceurs aux dames, à condition qu’elles soient parées et spirituelles, toujours capricieux et inégal comme un enfant, toujours plein d’humeur et de saillies, causant avec cet esprit étincelant qui enivrait le prince de Ligne. […] Pendant trois mois, Voltaire se rassasia de sa gloire : c’était trop pour son âge ; l’émotion, la fatigue, le travail le brisèrent ; il mourut dans la nuit du 30 au 31 mai.

921. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Mais, Hippias étant revenu, elle ne peut plus résister à son amour : ils fuiront tous deux, ou plutôt ils iront se jeter aux pieds de Kallista et la fléchiront… Kallista survient et chasse le jeune homme avec des imprécations ; mais Daphné le rejoint, la nuit, au tombeau des aïeux et meurt dans ses bras, car elle a pris du poison et l’évêque Théognis vient trop tard la délier du vœu de sa mère. […] Pareil au chat divin qui combattit les impies dans Héliopolis pendant la nuit du grand combat, tu défends contre de vils rongeurs les livres que le vieux savant acquit au prix d’un modique pécule et d’un zèle infatigable.

922. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

si tu veux la nuit douce, rends les Étoiles ! […] La nuit nous berce en songes vains Sur des lits de noyaux de pêche.

923. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

C’étaient le Chaos et la Nuit, Gaïa, la terre au vaste sein, Ouranos, l’espace étoilé, Cronos, l’ogre divin qui dévorait ses enfants ; et, dans une profondeur plus lointaine encore, Moira, la Parque suprême, l’inéluctable Destin. […] Até, Adrastée, les Érynnies, les Imprécations, le glaive dans une main, la torche dans l’autre, font des rondes de nuit autour de sa scène.

924. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

On accusait Chabot d’être allé, dans la nuit du 19 au 20 juin, ameuter le peuple du faubourg Saint-Antoine : « M.  […] Condorcet, proscrit avec les Girondins, mourut à Bourg-la-Reine, dans la nuit du 7 au 8 avril 1794 ; il s’empoisonna lui-même en se voyant arrêté.

925. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

« Ils étaient convenus plusieurs fois, dit Mme de La Fayette, que, quelque brouillerie qu’ils eussent ensemble, ils ne s’endormiraient jamais sans se raccommoder et sans s’écrire. » La nuit se passa sans nouvelles et sans message ; le matin, Mme de La Vallière, croyant tout perdu, sortit des Tuileries au désespoir et s’en alla se cacher dans un couvent, non de Chaillot cette fois, mais de Saint-Cloud. […] Ceux qui ont écrit le récit de sa vie pénitente se sont plu à en citer des exemples singuliers, qui nous toucheraient trop peu aujourd’hui ; mais le principe qui les lui inspirait, et le but dont elle s’approchait par ces moyens, sont à jamais dignes de respect dans tous les temps, et de quelque point de vue qu’on les envisage : « J’espère, je crois et j’aime, disait-elle ; c’est à Dieu à perfectionner ses dons. » — « Espérer et croire, ce sont deux grandes vertus ; mais qui n’a point la charité n’a rien : il est comme une plante stérile que le soleil n’éclaire point. » Cette belle âme, réalisant désormais en elle les qualités de l’amour divin, se considéra jusqu’à la fin comme l’une des dernières devant Dieu : Je ne lui demande pas, disait-elle, de ces grands dons qui ne sont faits que pour les grandes âmes qu’il a mises dans le monde pour l’éclairer, je ne pourrais pas les contenir ; mais je lui demande qu’il incline mon cœur, selon sa parole, à rechercher sa loi, à la méditer nuit et jour.

926. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — II. (Suite.) » pp. 23-46

Dans la nuit du 31 mars au 1er avril, il va trouver l’Empereur à Fontainebleau et lui rendre compte des derniers événements. […] Les détails et les anxiétés de cette nuit mémorable du 4 au 5 avril sont dans les histoires.

927. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

Mais comment peindrai-je la nuit qui succéda à cette belle soirée, lorsqu’après le crépuscule la lune, brillant seule dans le ciel, versait les flots de sa lumière argentée sur la vaste enceinte des neiges et des rochers qui entouraient notre cabane ? Combien ces neiges et ces glaces, dont l’aspect est insoutenable à la lumière du soleil, formaient un étonnant et délicieux spectacle à la douce clarté du flambeau de la nuit !

928. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Car c’est la nuit, ou bien ce clair de lune éternel mélancolique d’avoir touché tant de fronts polis par la sottise — per amica silentia lunæ ! […] Pour comprendre Balzac, il faut 1° le considérer comme un historien, soucieux avant tout d’être exact, et de bien expliquer la vie ; 2° en référer à sa méthode de travail : « En travaillant trois jours et trois nuits, j’ai fait un volume in-18 intitulé : Le Médecin de Campagne.

929. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

À chaque mot, l’image ; à chaque mot, le contraste ; à chaque mot, le jour et la nuit. […] L’anglais, langue peu faite, tantôt lui sert, tantôt lui nuit, mais partout la profonde âme perce et transparaît.

930. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre I. Après la mort — Shakespeare — L’Angleterre »

Sans doute les aristocraties dirigeantes, qui mettent la nuit sur les yeux des masses, sont les premières coupables, mais, en somme, la conscience existe pour un peuple comme pour un individu, l’ignorance n’est qu’une circonstance atténuante, et quand ces dénis de justice durent des siècles, ils restent la faute des gouvernements, mais deviennent la faute des nations. […] Quelle lune jettera à cet édifice une lumière plus mystérieuse que le Songe d’une nuit d’été ?

931. (1860) Ceci n’est pas un livre « Hors barrières » pp. 241-298

Une fois directeur, je passerai un pourpoint moyen-âge que je ne quitterai plus… Et je vaguerai béatement, jour et nuit, sous les arceaux dentelés, lisant Ronsard et fumant des londrès odorants. […] en songeant que je paye, à Luchon, ma chambre 6 francs par nuit.

932. (1920) Action, n° 4, juillet 1920, Extraits

Cette caresse et cette subtilité auxquelles on ne s’attend plus si l’on a vu trop de visages et lu trop de livres brillent et raisonnent dans la nuit de ma fatigue comme des lueurs persuasives et de câlins accents auxquels le pire des entêtements ne peut se dérober. […] Sur les innombrables spectateurs couchés, les aéroplanes bariolés ou camouflés danseront le jour dans les zones colorées, formées par les poussières qu’ils auront répandues et composeront durant la nuit, de mobiles constellations et des danses, dans les gerbes éclatantes des projecteurs.

933. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

Là commençait l’angoisse, le problème torturant où il achevait de sombrer, lui prêtre, avec ses vœux d’homme chaste et de ministre de l’absurde, mis à l’écart des autres hommes96. » Mais l’aube va poindre enfin dans la nuit de son être, car il est parvenu à l’extrême misère spirituelle, aux portes du néant et c’est alors que la délivrance est proche, dont le premier frisson va le faire tressaillir. […] Les causeries d’un vieux docteur sagace, un séjour à Paris achèvent le sourd travail qui s’opérait depuis des années au fond de son être douloureux : et après une nuit de méditation suprême, l’homme enfin, transfiguré, sort victorieux du prêtre

934. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres mises en ordre par M. J. Sabbatier. (Tome II, 1844.) » pp. 144-153

Il lui arriva un peu ce qui arrive à de certaines jeunes filles qui épousent des vieillards : en très-peu de temps leur fraîcheur se perd on ne sait pourquoi, et le voisinage attiédissant leur nuit plus que ne feraient les libres orages d’une existence passionnée : Je crois que la vieillesse arrive par les yeux, Et qu’on vieillit plus vite à voir toujours les vieux, a dit Victor Hugo.

935. (1874) Premiers lundis. Tome I « Madame de Maintenon et la Princesse des Ursins — I »

A peine madame des Ursins eut-elle paru devant la nouvelle reine pour la complimenter, qu’elle fut chassée de sa présence, jetée dans un carrosse à six chevaux, et entraînée, jour et nuit, par un hiver rigoureux, sans autre linge ni vêtements que ce qu’elle avait sur elle, à l’âge de soixante-six ans.

936. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — II »

Les nuages et la nuit couvrent presque tout le ciel ; il n’y a plus qu’à l’occident, à l’endroit où le soleil vient de sombrer dans la mer, une seule porte éclatante, une arche de feu où tout se précipite et va s’engloutir, jour, nuées, aquilons, poussière, écume, et l’âme du poète.

937. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre I. La poésie »

En compensation, La Motte prête à Homère l’esprit galant et les pointes : il nous donne un Achille fait à souhait pour les Nuits blanches de Sceaux.

938. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVII. Conclusion » pp. 339-351

Ainsi, lorsque les personnages se cherchent à tâtons dans la nuit noire, se prennent les uns pour les autres, et que Lubin, croyant avoir affaire à Claudine, révèle à George Dandin la trahison d’Angélique, nous sommes en plein sur le terrain de la comédie italienne ; ces jeux nocturnes, ces échanges, ces méprises abondent dans les canevas des Gelosi.

939. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre V. Le mouvement régionaliste. Les jeunes en province » pp. 221-231

Seul le soleil, tentant quelque suprême assaut, Ensanglante à présent la Lice et Saint-Nazaire ; Où les cerviers du Nord tous en vain s’écrasèrent, Des femmes lentement rêvent près des berceaux… Douce monte une nuit orientale et chaude… Montfort, ton œuvre est morte et sa cendre est à l’Aude, Les midis à leur tour ont chassé tes effrois… Et, — la lune courbée en profil de tartane, — Tout le ciel étoilé tend un blason d’orfrois Qui figure l’orgueil de la Terre occitane !

940. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Tout ce que j’ai compris de ma vie du clair-obscur » pp. 26-33

Que celui qui n’a pas étudié et senti les effets de la lumière et de l’ombre dans les campagnes, au fond des forêts, sur les maisons des hameaux, sur les toits des villes, le jour, la nuit, laisse là les pinceaux, surtout qu’il ne s’avise pas d’être paysagiste.

941. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Satire contre le luxe, à la manière de Perse » pp. 122-126

Pourquoi votre lampe a-t-elle brûlé toute la nuit ?

942. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « IV »

Jamais, en somme, l’originalité du style ne fut plus nette qu’à cette époque. » Rien de plus vrai, et c’est en propres termes ce que nous disons, et c’est précisément ce qui prouve que l’originalité se forme par l’imitation ou, tout au moins, que l’imitation ne nuit pas à l’originalité.

943. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Docteur Véron »

Les quatre ans du règne de Napoléon III, rappelés en quelques pages, ne sont là que comme un prétexte pour parler d’un autre règne au Constitutionnel, la grande époque de Véron, quand cette forte tête gouvernementale passait des jours sans repos et des nuits sans sommeil : … On  ne dort pas quand on a tant d’esprit !

944. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Comte de Gramont »

Alors il passe dans la manière du poète un phénomène d’expression colorée, brûlante et sensuelle, que les vers qui suivent traduisent et peignent : Ne me demandez pas si sa prunelle est peinte Ou du céleste azur ou du bleu de la nuit ; Quelle nuance d’or, de jaspe ou d’hyacinthe A ses tempes se joue, en sa tresse reluit ; D’albâtre ou d’incarnat si sa joue est empreinte ; Si c’est grâce chez elle ou beauté qui séduit ; Ne me demandez pas quel espoir, quelle crainte, Se mêlant à mes feux, me guide ou me poursuit !

945. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Belmontet »

pas une main sans force qui a écrit : Une Scène de nuit à Schœnbrunn, La Popularité des grands Noms, Les Impérialistes, La Mort de l’Empereur, et la plupart des odes de ce recueil.

946. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Erckmann-Chatrian » pp. 95-105

Il faut qu’il renonce à prendre ce bel oiseau bleu des Nuits, encore plus farouche et plus difficile à saisir que le bel oiseau bleu des Jours.

947. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IX. »

va dire à Lacédémone que nous sommes morts ici, en obéissant à ses lois. » Ailleurs c’est encore la même pensée, avec des formes plus poétiques, cette première résistance sur le seuil de la Grèce étant comme l’exemple toujours présent à la nation102 : « Ces hommes, en donnant à leur patrie une gloire ineffaçable, se sont plongés eux-mêmes dans la nuit du trépas ; mais dans la mort ils ne mouraient pas, puisque du séjour d’Adès leur vertu triomphante les ramène au grand jour. » Ou bien encore : « La terre glorieuse a couvert, ô Léonidas !

948. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Il y a un an, à peine, qu’à cette même heure de la nuit, et sous la même constellation funeste, j’ai évoqué un monstre pire que toi, un abominable démon venu du fond de l’abîme, le démon de l’hypocrisie, et je l’ai terrassé, et je l’ai maintenu dans mon cercle de feu ! […] » Lauzun (à part) : Je crois que mes créanciers se réjouiront de l’aventure de cette nuit. […] Acte III. — Intérieur d’une chapelle, le tonnerre, les éclairs, la nuit, etc. […] Voici le glas de la nuit ; langage du temps nous ordonnant de méditer ces paroles : Au lit ! […] Ce n’est pas celui-là qui passerait des nuits et des jours à la porte de la maison où repose la femme qu’il lui faut absolument, seule entre toutes les femmes de la création28 !

949. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

Le roi, qui avait déjà franchi les ports1, retourna en toute hâte sur ses pas ; mais la nuit tombait quand il parvint au lieu du désastre : les montagnards s’étaient dispersés, et on ne pouvait même savoir où les poursuivre. […] Quand on les a passés, on arrive sur « une petite placette carrée », devant deux portes de métal qui « jour et nuit battent sans cesse », si bien qu’il semble qu’on n’y pourrait passer sans être saisi et mis en morceaux. […] Pendant ce temps, l’écuyer « ne cessait jour et nuit de regretter les grands biens qu’il avait laissés », et s’efforçait de décider son maître à retourner au « paradis » perdu. […] La nuit sera glaciale et la journée enveloppée d’un épais brouillard. […] Notre ami, alpiniste aguerri, finit pourtant par décider un jeune homme à l’accompagner, et part à pied au milieu de la nuit.

950. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

Telle cette description d’une nuit dans les mers équatoriales : Les nuits mêmes étaient lumineuses, Quand tout s’était endormi dans des immobilités lourdes, dans des silences morts, les étoiles apparaissaient en haut plus éclatantes que dans aucune autre région du monde. […] Il n’a pas de nuits à la Jouffroy. […] L’hymne de la vie chantait dans son sein… Une nuit la température s’abaisse, et voilà tout anéanti. » Je cite de mémoire. […] Le Père en veut surtout aux riches qui passent la nuit à sabler le champagne et dépensent au jeu des sommes considérables. […] Sur cet autel l’astre, qui de son disque argenté éclaire nos nuits, brillait pareil à une immenso hostie.

951. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Vous savez que la nuit on les voit tout lumineux, entourés d’une auréole comme l’auréole des saints. […] Le premier, Marcel en fit la remarque : — La nuit vient, dit-il en s’arrêtant brusquement. […] Chaque soir il place sous son chevet un poignard ; dans les ténèbres de la nuit, il en essaye à son cœur la pointe acérée. […] Nous la voyons par masses, dans une lumière vague, un peu triste, ainsi que l’on voit à Rome, par une belle nuit, éclairées des rayons de la lune, les majestueuses ruines du Colisée. […] Il cherche l’ombre épaisse des forêts ; il gravit les cimes désertes ; il descend dans la nuit des mineurs.

952. (1894) Études littéraires : seizième siècle

En cette nuit le Dieu d’amour réveille Ses serviteurs, et leur va commandant De ne dormir, mais rire, cependant Que Faux-Dangier, Maubec et Jalousie Sont endormis au lit de Fantaisie. Ô nuit heureuse ! ô douce noire nuit ! […] Un être infini existe et un être parfait, c’est-à-dire un être qui n’est pas séparé de là terre et de l’homme par une différence de degré, si immense qu’on la fasse, mais par une différence de tout à néant, un être tel que comparé à lui le monde n’est rien, l’homme nul, la vertu humaine crime, la plus grande splendeur terrestre nuit. […] Il leur crie : « Que pensent donc faire ces reblanchisseurs de murailles qui jour et nuit se rompent la tête à imiter, que dis-je imiter ?

953. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

Déjà pèse sur toi la sombre nuit des Mânes et s’avance sur tes pas l’ombre des vides demeures de Pluton, où, une fois entré, tu ne pourras plus tirer au sort la royauté des festins, ni admirer les grâces de ce tendre enfant Lycidas (sans doute son fils) que toute la jeunesse romaine envie, et qui, bientôt, fera palpiter le cœur ému des jeunes vierges. […] » Là une terrible et saisissante description prophétique de tous les ennuis qui poursuivent le criminel ; puis ce vers plus terrible qui pétille comme l’incendie d’une ville prise d’assaut dans la nuit : « La flamme des Grecs dévore déjà les toits des palais d’Ilion !  […] Déjà la nuit tombante commençait à déployer l’ombre sur les campagnes et à semer les campagnes du firmament de ses étoiles.

954. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIe entretien. Phidias, par Louis de Ronchaud (2e partie) » pp. 241-331

La sculpture, enchaînée au pilier gothique, ne prit un peu de vie pour rompre ses liens qu’après avoir été visitée par un rayon venu de l’antiquité dans la nuit des cloîtres et des cathédrales. […] Un coup de vent nous jeta avant la nuit dans le port ; des chevaux de Thessalie nous emportèrent vers la ville. […] LIV Je m’assis là, seul et pensif, et j’y restai jusqu’à la nuit presque close, ranimant sans efforts toute cette histoire, la plus belle, la plus pressée, la plus bouillonnante de toutes les histoires d’hommes qui aient remué le glaive ou la parole.

955. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre III. La poésie romantique »

Les Nuits : l’élégie lyrique. — 6. […] Il y aurait trouvé même ses chefs-d’œuvre, si la grande souffrance de sa vie n’avait tiré de lui les Nuits : Musset est un grand poète dans l’élégie lyrique. […] Voilant dans un lointain délicieusement embrumé toutes les formes de la réalité qui l’a blessé, il prend pour matière de poésie la souffrance qu’il a ressentie d’avoir aimé : toutes les nuances et toutes les phases de la douleur se distribuent entre ces pathétiques Nuits de mai, de décembre, d’août, d’octobre, que complète le Souvenir où se repose son cœur encore endolori.

956. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre quatrième. Les émotions proprement dites. L’appétit comme origine des émotions et de leurs signes expressifs. »

Le soleil empêche de discerner les rayons des étoiles, mais ne les empêche ni d’exister ni de produire leur effet propre dans la lumière du jour ; cet effet, toujours le même, devient manifeste dans la nuit. […] Entre le timbre de la flûte et le bleu des nuits tièdes d’été, il y a autre chose qu’une affinité de hasard. […] En tout cas, jamais il ne viendra à la pensée d’un Mozart de symboliser le calme des nuits bleues autrement que par le son de la flûte, ou d’un Weber, de rappeler les résonances lointaines de la forêt autrement que par le son du cor.

957. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

Et qu’est-ce que la pensée elle-même, étrangère aux sens et jaillissant des sens comme l’étincelle du caillou pour illuminer la nuit ? […] XXXIII La tribune politique, où je montai à mon tour pendant quinze ans de ma vie, redoubla pour moi le sentiment des lettres ; j’étudiai nuit et jour, sans relâche, pendant ces quinze années, les modèles morts ou vivants de la parole, pour me rendre moins indigne de parler après eux ou à côté d’eux. […] si je dormais mes nuits pleines ou si une maladie (que Dieu me l’épargne avant l’heure !)

958. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

Le vent à l’haleine embaumée se joue dans les plis ondoyants de sa robe, qui surpasse en blancheur et en transparence les rayons de l’astre pâle de la nuit. […] Le soleil et la lune, le feu et le vent, la terre et le firmament, et la vaste étendue des eaux, le jour et la nuit, les deux crépuscules du matin et du soir, tous les éléments sont les témoins des actions les plus secrètes de l’homme : s’il n’a point agi contre la voix intérieure de sa conscience, le juge incorruptible le fait jouir d’une félicité éternelle ; mais si en étouffant cette voix il s’adonne au crime, il est condamné aux plus terribles châtiments. » Un tel discours, dans un tel moment, est déplacé ; on voit que dans ces poèmes les situations les plus pathétiques servent moins au développement des passions qu’au développement de la haute morale qui domine dans l’âme des poètes les passions elles-mêmes. […] Douchmanta et Sacountala se séparent au chant de l’oiseau du soir, qui annonce la nuit à la forêt.

959. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

Voyez », ajouta-t-il en empruntant au règne végétal de ces climats une de ses plus conjugales images : « Voyez : l’astre des nuits se contente de faire épanouir de sa douce lumière la fleur odorante du conmonda, sans toucher de ses rayons le lotus azuré, que l’astre du jour seul réveille à son lever par la chaleur de ses regards. […] C’est en vain qu’il cherche le repos sur sa couche tourmentée, où, durant la nuit entière, il ne peut goûter un seul instant les douceurs du sommeil. […] C’est ainsi qu’au sortir d’une profonde éclipse, l’astre brillant des nuits retrouve de nouveau sa chère Rohini, et qu’ils confondent ensemble leurs rayons argentés.

960. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

Moi-même, si on me demandait : « Aimez-vous le chuchotement des peupliers dans la nuit sombre ?  […] Connaissez-vous les songes de leurs nuits ? […] La nuit. […] … Tu vois bien que tu m’as perdue, puisque laissant la maison, je viens vers toi, la nuit ! […] … Et pas un être au monde ne savait ta pensée… Et dans cette nuit terrible des Oliviers, oh !

961. (1888) Études sur le XIXe siècle

Taine, qui a vu cette toile sans le secours d’aucune explication, l’appelle tout bonnement13 : Un Christ la nuit avec une lanterne. […] Ainsi dans la Légende des Siècles, le magnifique morceau intitulé Booz Endormi, qui n’est en somme que la description du calme d’une nuit d’Orient. […] Au fond, ce n’est pas, je crois, une conviction raisonnée, c’est une affaire de tempérament : tout ce qui nuit à faction et à la rapidité de l’action est funeste : une fois décidé, il faut agir, tout est là. […] Il en rêve toutes les nuits : « Je pourrais faire un volume si je voulais décrire tous les villages fantastiques, merveilleux, impossibles que j’ai vus dans mes songes. » Enfin le moment est arrivé ou son plan de voyage lui permet de partir pour Broek. […] » On lui répond : « Vous y êtes. » Vous croyez qu’après s’être attendu à des merveilles, il éprouve un instant de déception en trouvant simplement un joujou de Nuremberg à la place du village des Mille et une Nuits ?

962. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLIXe Entretien. L’histoire, ou Hérodote »

Une nuit, il crut la voir en songe répandre une si grande quantité d’eau, que non-seulement elle inondait la ville où il faisait son séjour, mais qu’il lui sembla même que toute l’Asie en était couverte. […] Ils se lavent deux fois le jour dans l’eau froide et deux fois la nuit. […] Ils se rendirent une nuit au palais, trouvèrent la pierre qui leur avait été indiquée dans le bâtiment du trésor, la déplacèrent sans peine, et emportèrent avec eux une grande quantité d’argent. […] Tandis qu’ils étaient plongés dans le sommeil, le jeune homme détacha, au milieu de la nuit, le corps de son frère, et après avoir, par dérision, rasé la joue droite de chacun des soldats, il mit le cadavre sur un de ses ânes et le porta chez lui, ayant ainsi exécuté les ordres de sa mère.

963. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

Comme jadis je suis prêt à organiser encore des pèlerinages en l’honneur de l’auteur de Lucie, du Souvenir, des Nuits… Fernand Caussy. […] Les poètes que vous citez et qui ont écrit Éloa, Les Confidences, Les Nuits, Les Fleurs du. […] La Fin de Satan est le plus beau poème de la langue française ; dans les Nuits, de Musset, le cœur humain palpite avec une intensité merveilleuse ; et pourtant s’il me fallait à tout prix énoncer une préférence, je désignerais Verlaine. […] Moi qui l’enfouissais en moi comme un trésor, J’irai cueillir l’écume en fleur des Pacifiques, Et le givre nouveau sur des sommets magiques, Et la poussière en feu sur le brasier des bois, Et les rubis de lave aux antres de l’effroi, Puis quand le jour doré fond dans la nuit d’opale, Mêlant tous ces joyaux aux premières étoilés Sur le fronton d’argent du ciel immaculé.

/ 1823