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1070. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

L’essence de la comédie antique et de la comédie moderne est, dans la première, la satire des vices publics, dans la seconde, la dérision des ridicules particuliers. […] Qui d’entre les souverains modernes souffrirait que la force arrachât de son palais ou sa femme ou sa parente, sans invoquer autour de lui la plus éclatante vengeance ? […] Sans doute un peu de prévention en faveur de son Homère national, qu’il voulait placer au-dessus de tous les anciens et de tous les modernes, l’a jeté un moment dans l’erreur. […] C’est lui qui créa les harpies, les magiciennes, les monstres, dans l’antiquité ; et les fées, les nécromants, les hippogriffes, chez les modernes. […] En quoi le goût sage des modernes serait-il offensé de voir un héros descendre dans les enfers de sa religion, et en sortir ainsi que les héros fabuleux ?

1071. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

Cela, je l’avoue, est terriblement moderne, et même moderniste. […] Il n’a aucune des aspirations de l’esprit moderne. […] Et par là, par quelques césures, Chénier est moderne. […] Becq de Fouquières se résume l’action de Chénier sur la poésie moderne. […] Elle sera la femme moderne, le nouvel idéal.

1072. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

madame, toutes nos langues modernes sont sèches, pauvres et sans harmonie, en comparaison de celles qu’ont parlées nos premiers maîtres, les Grecs et les Romains. […] La Grèce moderne n’est pas l’Hellade antique. […] Chez Virgile, qui devait mourir d’une maladie de langueur, quelle mélancolie moderne ! […] La religion catholique se fit gloire d’être la mère de la peinture moderne. […] La vie antique était beaucoup plus favorable à la statuaire que la vie moderne.

1073. (1911) Nos directions

Ainsi, quelques sujets qu’ils traitent, présents, historiques ou légendaires, les nouveaux dramaturges pourront se prétendre, classiques et modernes, tout ensemble. […] Le monologue familier, naturel, l’afflux aux lèvres des simples pensées que l’esprit à part soi remue, le théâtre moderne ne l’admet point, dit-on ! […] quelle occasion de calembours modernes ! […] — dans celle aussi de nos plus modernes lyriques avec la discipline du vers libre… s’ils acceptaient toujours avec vaillance celle-ci ! […] Sur la querelle du classicisme, voir la Revue d’histoire littéraire de la France, Le classicisme des Modernes.

1074. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

Enfin, dans le roman, les Goncourt se consacrent à l’écriture artiste et effritent, pour de délicieux enjolivements de détails, la forme naissante de l’Épopée moderne. […] Cette différenciation de l’Artiste et de l’Homme aboutit aux pires conséquences, et là réside assurément l’origine de ces cas, trop fréquents et si modernes, de littérature artificielle. […] Cette complexité d’âme, le plus souvent, demeure une occasion d’indifférence et tels cas de spleen et de langueur dont furent assaillis plusieurs modernes, en sont la conséquence. […] Mais qu’importent les erreurs d’une époque, puisque seules, les œuvres demeurent, et que Zola et Cézanne, Manet et Monet ont illustré les temps modernes d’une gloire impérissable. […] Ils ont distingué dans ces feuillets si prometteurs l’autobiographie sincère et transcendantale du jeune homme moderne tendre et exalté.

1075. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

Mais, dans l’antiquité, elle semble avoir échappé à tous les penseurs, et, chez les modernes, aucun des maîtres de la psychologie n’a su la décrire exactement et lui assigner son rang parmi les faits psychiques. […] Deux circonstances favorables, les usages de la religion chrétienne, et l’existence, désormais inoubliable, de la théorie nominaliste, nous paraissent expliquer cette clairvoyance plus grande des philosophes modernes. […] L’intimité des rapports du langage avec la pensée, son utilité pour penser, sa nécessité pour penser les idées générales, ce sont là dans la philosophie moderne de véritables lieux communs. […] Mais la psychologie moderne s’est toujours ressentie de ses origines : issue du problème de l’origine des idées, elle s’intéresse plus aux conditions invariables de la pensée qu’à l’allure ondoyante du devenir psychique : dans cette question du langage, des aphorismes nécessitaires, mal fondés en logique aussi bien que contraires aux faits, ont trop souvent remplacé les descriptions exactes et les explications vraiment scientifiques. […] Bossuet reste, en définitive, fidèle à l’axiome d’Aristote, et il l’emploie avec une grande pénétration psychologique à dissiper les illusions des modernes émules de Plotin.

1076. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

« On s’étonnera peut-être que je compare l’exil à la mort ; mais de grands hommes de l’antiquité et des temps modernes ont succombé à cette peine. […] Revenue à Coppet, en 1809, elle écrivit son livre de l’Allemagne, titre modeste sous lequel se cachait le plus beau commentaire du génie littéraire moderne en philosophie, en politique, en poésie ; Corinne était éclipsée par l’auteur de Corinne. […] Les modernes ne peuvent se passer d’une certaine profondeur d’idées dont une religion spiritualiste leur a donné l’habitude ; et si cependant cette profondeur n’était point revêtue d’images, ce ne serait pas de la poésie ; il faut donc que la nature grandisse aux yeux de l’homme pour qu’il puisse s’en servir comme de l’emblème de ses pensées. […] « Les Allemands n’ont pas plus que nous de poëme épique ; cette admirable composition ne paraît pas accordée aux modernes, et peut-être n’y a-t-il que l’Iliade qui réponde entièrement à l’idée qu’on se fait de ce genre d’ouvrage : il faut pour le poëme épique un concours singulier de circonstances qui ne s’est rencontré que chez les Grecs, l’imagination des temps héroïques et la perfection du langage des temps civilisés.

1077. (1857) Cours familier de littérature. III « XIVe entretien. Racine. — Athalie (suite) » pp. 81-159

J’aime la nature, et je me sens meilleur quand je suis dans mes bois. » Puis, reprenant la question de ma tragédie à jouer : « Voyez, me dit-il, c’est très bien. « Si nous étions au siècle de Louis XIV, où la tragédie française, fille de la tragédie grecque et latine, n’était qu’une sublime conversation, un dialogue des morts en action sur la scène, je n’hésiterais pas à vous jouer demain et à vous garantir un grand applaudissement au théâtre ; mais entre Corneille, Racine et ce siècle-ci, il est né une autre tragédie, d’un homme de génie moderne, antérieure à eux, nommée Shakespeare (connaissez-vous Shakespeare ?). […] Il n’y a point de parallèle, selon nous, possible entre Athalie et aucun des drames antiques ou modernes d’aucun théâtre profane. […] Le style n’est ni prose, ni vers, ni récitatif, ni mélodie : c’est de la pensée fondue au feu du sanctuaire d’un seul jet avec la forme ; c’est le métal de Corinthe de la langue moderne. […] Nous vous parlerons bientôt de Shakespeare, et nous en parlerons avec l’étonnement sublime qu’on éprouve à l’aspect du géant du drame moderne.

1078. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

Nisard contre les femmes de lettres. — George Sand oubliée. — Le drame moderne. […] Donc, je dis comme vous : le drame moderne est mauvais. […] Parce que le Louvre est tout rempli de tableaux modernes. […] Il a donné à la sculpture moderne un caractère sérieux et monumental, pour lequel la sculpture moderne n’avait guère de penchant, tant elle était encore éprise des déesses païennes et des amours de la mythologie antique. Les plus grands poètes de l’Europe moderne, Goethe et M. de Chateaubriand, ont posé devant M. 

1079. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le Roman de Renart. Histoire littéraire de la France, t. XXII. (Fin.) » pp. 308-324

Les modernes ont eu souvent sur ce canevas ou sur un canevas analogue des fables agréables et bien tournées : ainsi Florian dans sa fable L’Écureuil, le Chien et le Renard ; ainsi Le Bailly surtout dans L’Écureuil et le Renard. […] Mais la différence qu’il y a entre ces modernes, ceux même qui sont plus exclusivement et plus uniquement fabulistes que La Fontaine, et les anciens trouvères, c’est que ceux-ci se complaisent beaucoup plus aux détails domestiques et familiers, à tout ce qui est du monde et des mœurs des animaux, et qu’ils ne craignent ni de déroger, ni d’ennuyer en y insistant.

1080. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Nouveaux voyages en zigzag, par Töpffer. (1853.) » pp. 413-430

Le sentiment du charme particulier qui s’attache à la reproduction des scènes de la nature par le pinceau est une jouissance toute moderne. […] Aussi trouvé-je toujours du plaisir à m’entretenir avec eux des choses qui sont à leur portée. » De cette observation attentive du langage campagnard et paysanesque, combinée avec beaucoup de lecture, de littérature tant ancienne que moderne, tant française que grecque76, est résulté chez Töpffer ce style composite et individuel que nous goûtons sans nous en dissimuler les imperfections et les aspérités, mais qui plaît par cela même qu’il est naturel en lui et plein de saveur.

1081. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

Mais, même dans ces besognes obligatoires que la nécessité lui imposait, une fois la plume à la main, que ce soit la grande compilation de l’Histoire générale des voyages qu’il entreprenne (1746) que ce soit un simple Manuel lexique ou Dictionnaire portatif des mots français obscurs et douteux (1750), un de ces vocabulaires comme Charles Nodier en fera plus tard par les mêmes motifs ; que ce soit le Journal étranger, ce répertoire varié de toutes les littératures modernes, dont il devienne le rédacteur en chef (1755) ; de quelque nature de travail qu’il demeure chargé, remarquez le tour noble et facile, l’air d’aisance et de développement qu’il donne à tout ; il y met je ne sais quoi de sa façon agréable et de cet esprit de liaison qui est en lui. […] [NdA] Essai sur la typographie, au tome XXVI de l’Encyclopédie moderne, p. 836.

1082. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

Il le sera encore plus lorsqu’au lieu de la traduction de Du Cange, trop longue et traînante, on en aura fait une plus courte et plus nette qui, mise en regard du texte, en sera l’exact équivalent et permettra de lire à la fois et presque indifféremment l’original et la transcription plus moderne. […] [NdA] Combien il serait à désirer que M. de Wailly fît pour Villehardouin ce qu’il a fait pour Joinville, une traduction moderne exacte, qui nous tirât des à-peu-près et qui nous épargnât les petits faux sens !

1083. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

Toutefois, n’oublions pas qu’on est ici avec Napoléon, non seulement le plus grand guerrier et héros des temps modernes, mais un des hommes qui ont le plus traduit et livré leur propre nature par des paroles. […] Mais aussi il y a un historien des plus heureusement doués dont le procédé est autre : il lit, il étudie, il se pénètre pendant des mois et quelquefois des années d’un sujet, il en parcourt avec étendue et curiosité toutes les parties même les plus techniques, il le traverse en tous sens, s’attachant aux moindres endroits, aux plus minutieuses circonstances ; il en parle pendant ce temps avec enthousiasme, il en est plein et vous en entretient constamment, il se le répète à lui-même et aux autres ; ce trop de couleur dont il ne veut pas, il le dissipe de la sorte, il le prodigue en paroles, en saillies et en images mêmes qui vaudraient souvent la peine d’être recueillies, car, plume en main, il ne les retrouvera plus : et ce premier feu jeté, quand le moment d’écrire ou de dicter est venu, il épanche une dernière fois et tout d’une haleine son récit facile, naturel, explicatif, développé, imposant de masse et d’ensemble, où il y a bien des négligences sans doute, bien des longueurs, mais des grâces ; où rien ne saurait précisément se citer comme bien écrit, mais où il y a des choses merveilleusement dites, et où, si la brièveté et la haute concision du moraliste font défaut par moments, si l’expression surtout prend un certain air de lieu commun là où elle cesse d’être simple et où elle veut s’élever, les grandes parties positives d’administration, de guerre, sont si amplement et si largement traitées, si lumineusement rapportées et déduites, et la marche générale des choses de l’État si bien suivie, que cela suffit pour lui constituer entre les historiens modernes un mérite unique, et pour faire de son livre un monument.

1084. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Guillaume Favre de Genève ou l’étude pour l’étude » pp. 231-248

Même dans nos conditions toutes modernes, on peut observer à l’égard du dernier grand homme de cet ordre, la facilité et la propension naturelle à ce qu’il en soit ainsi : la transfiguration populaire s’opère malgré tout et à la face de l’histoire. […] Entre ce procédé de moderne bénédictin et celui de Pline, ou, si l’on veut, de l’ancien Balzac qui ne lisait que pour trouver de belles sentences et de belles expressions à recueillir et à enchâsser, il y a, ce semble, un milieu qui est le bon, qui est celui de Montaigne, qui est l’union de la pensée et de la forme, la lecture vivifiée par l’esprit, le suc et la fleur.

1085. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

En m’aidant de ces exemples modernes, je ne m’écarte pas du principal objet de la discussion. […] Les traductions qu’il insère chemin faisant dans son texte, quand il s’agit d’un auteur de l’Antiquité ou d’un écrivain moderne appartenant à une littérature étrangère, sont des modèles d’exactitude et d’art.

1086. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

Je parlais il y a peu de temps et ici même de Joseph de Maistre, et j’en parlais d’après les jugements d’un esprit exact et rigoureux, d’un savant moderne, M.  […] De Maistre ne put jamais s’y faire ; mais il faut lui rendre cette justice que, tout en résistant à la solution moderne qui, au fond, n’est autre que l’ancienne, sauf qu'elle est moins revêtue de mystère, il s’est toujours posé le problème.

1087. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Essais de politique et de littérature. Par M. Prevost-Paradol. »

S’imagine-t-on bien le caractère original et tout moderne de ce nouvel Empire, qui, sincèrement, ne repousse pas la liberté, qui possède la gloire, et en qui la tradition, dans sa chaîne auguste, se renoue déjà ? […] Je laisse de côté sa vocation politique active que j’admets en effet qu’il manque, je lui trouve deux talents de second plan, deux pis aller qui seraient de nature à satisfaire de moins difficiles : talent d’écrivain politique qui trouvera toujours moyen de dire ce qu’il pense, et qui a même intérêt à être gêné un peu ; car il y gagne le tour, et avec le tour l’agrément, ce qui cesse quand il écrit dans les journaux où il ne se gêne pas ; — talent de critique ou de discoureur littéraire des plus sérieux et des plus aimables, qui peut se jouer sur tous sujets anciens ou modernes, et s’exercer même sur des matières de religion, d’un ton de philosophe respectueux à la fois et sceptique.

1088. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

L’intelligence humaine en possession des méthodes modernes, de ces méthodes précises et graduelles « qui lui donnent non des ailes pour l’égarer, mais des rênes qui la dirigent, » y reçoit des hommages qui ne sont, à les bien prendre, qu’un juste et fier encouragement. […] On y voit se développer ce caractère ondoyant et complexe « avec toute la progression de ses sentiments, depuis les premiers mouvements d’une bonté naturelle jusqu’aux tristes jouissances d’un égoïsme raisonné. » Le sceptique y est combattu par de bonnes raisons, et les seules dignes d’un philosophe moderne.

1089. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Sainte-Hélène, par M. Thiers »

Il représente bien la société moderne elle-même telle qu’il l’a refaite, dans sa mesure un peu vague et flottante, mais toutefois persistante, de disposition morale et religieuse : à défaut de la foi, il a le respect. […] Qu’on veuille songer à ce qu’on doit de reconnaissance à celui qui, dans une publication continue de vingt années, nous a initiés à ce degré, tous tant que nous sommes, à l’esprit et au détail politique, administratif, militaire, de la plus grande époque et la plus invoquée dans les entretiens de chaque jour ; qui, sans que nous soyons hommes d’État ni politiques de métier, nous a fait assister, par le dépouillement des pièces les plus secrètes et les plus sûres, aux conseils et aux débats diplomatiques d’où sont sorties les destinées de l’Europe et de la France pendant l’ère la plus mémorable ; qui, sans que nous soyons financiers, nous permet, avec un peu d’attention, de nous rendre compte des belles et simples créations modernes en ce genre ; sans que nous soyons administrateurs, nous montre par le dedans ce que c’est que le mécanisme et les rouages de tout cet ordre civil et social où nous vivons ; sans que nous soyons militaires, nous fait comprendre la série des mouvements les mieux combinés, et par où ils ont réussi, et par où ils ont échoué en venant se briser à des causes morales et générales plus fortes.

1090. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

Voilà ce qui n’est dans aucun des anciens sages et moralistes, ni chez Hésiode, ni dans les gnomiques de la Grèce, pas plus que dans Confucius ; ce qui n’est ni dans Cicéron, ni dans Aristote, ni même dans Socrate, pas plus que dans le moderne Franklin. […] Darenbert, qui a donné ses soins à la correction de ce texte même, a paru regretter que pour les dessins, au lieu de s’adresser à des artistes, et quelques-uns très distingués, qui ont traduit l’auteur sacré dans des formes plus ou moins modernes, on ne se soit pas reporté aux anciennes peintures qui se voient encore dans les Catacombes.

1091. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

Dans les villes mêmes, à peine entrés et sans se donner un instant de repos, on s’égarait çà et là ; évitant de parti pris les élégances modernes, fuyant les larges quais, les grandes rues, on cherchait tout exprès les plus vieux quartiers, les plus étroites ruelles ; on s’arrêtait à chaque vieille pierre ornée et ciselée, à chaque petit hôtel ayant sa marque de fin de xve  siècle ou de Renaissance ; on entrait sans façon dans les cours. […] Viollet-Le-Duc, qui démontrera et justifiera dans le détail cette manière de juger et de considérer l’art romain, nous offre, en maint endroit de ses Entretiens, des passages frappants qui font portrait : « Le Romain est avant tout politique et administrateur, il a fondé la civilisation moderne ; est-il artiste comme l’étaient les Grecs ?

1092. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

La gravure qui est en tête et qui représente le poète mourant couché dans un lit à longs rideaux, entouré de ses amis vêtus encore à la mode de 1811, et lui-même, dans cette chambre à coucher d’un ameublement moderne, tenant à la main sa lyre, — une vraie lyre (barbiton) ; — la vignette du titre où une femme, une muse en costume d’Empire, apprend l’art de pincer du luth à un petit Amour à la Prudhon ; les bouts-rimés et les quatrains qui s’entremêlent dans le volume aux pièces sérieuses, tout cela retarde et montre que le nouveau goût qui va naître et qui signalera proprement l’ère de la Restauration n’en est encore qu’à de vagues et craintifs essais. […] Dans une fort bonne Étude, extraite de la Revue moderne, sous ce titre : Un libéral en 1820 ; Charles Loyson, M. 

1093. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LE COMTE MOLÉ (Réception à l’Académie.) » pp. 190-210

Presque tous les styles modernes sont dans ce cas, plus ou moins gravés. […] Perrault, qui mettait les modernes si fort au-dessus des anciens, comptait parmi les plus beaux avantages de son siècle cette cérémonie académique dont il était le premier auteur : « On peut assurer, dit-il, que l’Académie changea de face à ce moment : de peu connue qu’elle étoit, elle devint si célèbre qu’elle faisoit le sujet des conversations ordinaires. » Les Grecs avaient les jeux olympiques, les Espagnols ont les combats de taureaux, la société française a les réceptions académiques.

1094. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

Une foule d’historiens en Italie, et même les deux meilleurs, Guichardin et Fra-Paolo, ne peuvent, en aucune manière, être comparés, ni à ceux de l’antiquité, ni, parmi les modernes, aux historiens anglais. […] L’Arioste est le premier peintre, et par conséquent peut-être le plus grand poète moderne : mais l’un des caractères d’originalité de son ouvrage, c’est l’art de faire sortir la plaisanterie du sérieux même de l’exagération.

1095. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre III. Trois ouvriers du classicisme »

Il ne parle que de bon sens, de raison, de jugement, et il ne parle que des règles, qu’il a trouvées dans les anciens, et qu’il impose aux modernes. […] Plus large encore est la portée du Discours de la méthode ; ici, Descartes ne représente plus sa génération : il représente son siècle, à certains égards même les temps modernes.

1096. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre V. Premiers aphorismes de Jésus. — Ses idées d’un Dieu Père et d’une religion pure  Premiers disciples. »

Les chétives discussions de la scolastique, la sécheresse d’esprit de Descartes, l’irréligion profonde du XVIIIe siècle, en rapetissant Dieu, et en le limitant en quelque sorte par l’exclusion de tout ce qui n’est pas lui, ont étouffé au sein du rationalisme moderne tout sentiment fécond de la divinité. […] D’autres étaient des pensées de sages plus modernes, surtout d’Antigone de Soco, de Jésus fils de Sirach, et de Hillel, qui étaient arrivées jusqu’à lui, non par suite d’études savantes, mais comme des proverbes souvent répétés.

1097. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre I : Sensations et idées. »

Les logiciens, en fait, en traitant ce sujet, n’ont jamais considéré que le grec, le latin et les langues modernes littéraires de l’Europe. […] « Les phénomènes classés sous ce titre sont expliqués par les philosophes modernes d’après les principes de l’Association. » Dugald Stewart a donné au mot imagination un sens technique, sans qu’on en puisse retirer aucun avantage ; il le restreint au cas où l’esprit crée, forme de nouvelles combinaisons.

1098. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « La Religieuse de Toulouse, par M. Jules Janin. (2 vol. in-8º.) » pp. 103-120

Parmi les modernes en français, je lui cherche des antécédents, des prédécesseurs, et j’ai peine à en trouver. […] Janin n’est pas et n’a pas voulu être un tableau sévère ; c’est une fraîche et moderne peinture, décorée de noms d’autrefois, animée des couleurs d’aujourd’hui, une trame mobile où se croisent des fils brillants, où se détachent de jeunes figures, où s’est jouée en tout honneur une amoureuse fantaisie.

1099. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « J. K. Huysmans » pp. 186-212

Il a acquis à cette connaissance de la vie, la dose de véracité qui est indispensable au roman moderne, la force, la précision, la richesse et le pittoresque du style, les moyens, en somme, l’outil lui permettant d’élaborer et de ; réaliser sa conception particulière de l’âme et de la destinée humaine. […] Ce livre avec lequel on pourra toujours restituer la physionomie exacte du Paris actuel, nous donne l’aspect intime de la rue le matin quand les cafés s’ouvrent sur le passage des ouvriers et des filles découchées la nuit au moment des rentrées tardives, le soir à l’heure discrète ou des messieurs bien mis enboitent le pas d’ouvrières en cheveux, au crépuscule, où déserte et morte, elle sèche d’une averse sous la flambée jaune du soleil couchant ; il nous donne les boutiques, les ateliers, le garni d’un peintre, les brasseries, les restaurants, l’appartement d’une fille, celui d’un employé, tout le dedans et le dehors de la capitale du monde moderne.

1100. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

Ley, voilà un livre bien moderne, un livre précieux, un coup de pioche et de hache à la fois sur les vieux bouquins de rhétorique, de littérature, de logique, sur les procédés surannés de dressage littéraire, sur toute la fantasmagorie des figures du style et autres anicroches qui ont fait suer du sang ; un coup de pied aux grands analyseurs grammaticaux ; un coup de massue aux pédants, le coup de mort pour nos chers programmes… Car, il n’y a pas à dire, M.  […] Ley, voilà un livre bien moderne, un livre précieux, un coup de pioche et de hache à la fois sur les vieux bouquins de rhétorique, de littérature, de logique, sur les procédés surannés de dressage littéraire, sur toute la fantasmagorie des figures du style et autres anicroches qui ont fait suer du sang ; un coup de pied aux grands analyseurs grammaticaux ; un coup de massue aux pédants, le coup de mort pour nos chers programmes… Car, il n’y a pas à dire, M. 

1101. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

Le Tasse, qui parmi les poètes modernes a fait la seule épopée dont la conception se rapproche de l’épopée ancienne ; le Tasse vient ici nous offrir l’appui de son témoignage. […] Le roi de France gouverne donc un peuple qui fut et qui sera toujours le chef des peuples modernes.

1102. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VII. Le cerveau et la pensée : une illusion philosophique »

L’idée d’une équivalence entre l’état psychique et l’état cérébral correspondant pénètre une bonne partie de la philosophie moderne. […] On peut l’exprimer à la moderne, la traduire dans le langage de la science actuelle, y rattacher un nombre toujours croissant de faits observés (où l’on a été conduit par elle) et lui attribuer alors des origines expérimentales : la partie effectivement mesurable du réel n’en reste pas moins limitée, et la loi, envisagée comme absolue, conserve le caractère d’une hypothèse métaphysique, qu’elle avait déjà au temps de Descartes.

1103. (1874) Premiers lundis. Tome I « Œuvres de Rabaut-Saint-Étienne. précédées d’une notice sur sa vie, par M. Collin de Plancy. »

On reproche à notre jeune siècle d’être irrespectueux envers le passé, de ne rendre hommage qu’aux gloires modernes, et de jeter à peine quelques regards en arrière sur les hommes honorables et utiles qui ont fait sa destinée.

1104. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Gilbert Augustin-Thierry »

La Tresse blonde, par Gilbert Augustin-Thierry  Librairie moderne.

1105. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bornier, Henri de (1825-1901) »

. — À la suite de ces poésies lyriques, parmi lesquelles se détache encore l’hymne éclatant à la mémoire de Paul de Saint-Victor, se placent des poèmes philosophiques qui ont aussi leur grande valeur, d’un symbolisme profond et d’une émotion communicative ; quelques-uns m’ont rappelé, avec une langue plus moderne, certaines inspirations très heureuses d’Émile Deschamps, qui présente quelques analogies avec notre poète, ne serait-ce que par un caractère commun dans leur talent, caractère de conciliation et de transaction.

1106. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dupont, Pierre (1821-1870) »

C’est en le lisant que nous comprenons, nous autres serfs de l’existence moderne et prisonniers des villes, à quel point notre existence est un long crime contre la nature.

1107. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Ponsard, François (1814-1867) »

L’originalité et la gloire de son œuvre est justement d’avoir ramené vers les vérités fortes et salubres nos esprits égarés dans l’invraisemblable, le paradoxal et l’impossible, d’avoir exprimé ces vérités immortelles dans un style ferme, net, franc, de bonne école et de bonne race, d’avoir fait circuler dans les veines de la comédie moderne, après tant de fièvres et de langueurs, un reste de ce sang vigoureux et pur qui semblait tari depuis les maîtres, et de n’avoir pas craint de nous paraître banal pour être plus sûr d’être vrai.

1108. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Une petite revue ésotérique » pp. 111-116

Je lis dans l’avertissement : « Ce que veut être Psyché, le dessin de son frontispice l’indique : Sur les flancs du taureau ailé, elle va des mystères antiques aux mystères modernes, vers l’île de la Seine élue pour contenir la fatidique “Arche d’Isis”.

1109. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre IX » pp. 77-82

La nomenclature que nous venons de parcourir, suffirait pour repousser les atteintes du ridicule que nos éditeurs modernes s’efforcent de jeter sur cette maison de Rambouillet.

1110. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 40-47

Ses Ouvrages conserveront sans altération la vive expression de son génie & du caractere de son ame, c’est-à-dire qu’ils retraceront le tableau de ces Edifices antiques, majestueux, solides, qui, malgré quelques irrégularités, n’en font pas moins sentir la petitesse de cette Architecture moderne, où l’ornement & la symétrie s’efforcent en vain de suppléer à la noblesse & à la magnificence.

1111. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 79-87

Le Grec moderne est interdit par toutes ces questions.

1112. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « La course à la mort » pp. 214-219

La course à la mort Vie moderne, 25 juillet 1851.

1113. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Panurge » pp. 222-228

Nos cervaux sont surmenés par l’enchevêtrement des sciences modernes, la complexité de nos sensations.

1114. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Guarini, et Jason de Nores. » pp. 130-138

Chacun voulut avoir la pastorale : on en tira des copies ; & c’est sur ces copies, la plupart fautives, que de Nores déclama contre le goût des pièces modernes.

1115. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre IV. De quelques poèmes français et étrangers. »

Mais enfin il faut se rappeler que ce poète fut le premier poète épique moderne, qu’il vivait dans un siècle barbare, qu’il y a des choses touchantes2, et quelquefois sublimes dans ses vers, et qu’après tout, il fut le plus infortuné des mortels.

1116. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVIII. Des Livres sur l’Art Militaire & sur les sciences qui y ont rapport. » pp. 370-378

L’Architecture moderne, ou l’art de bien bâtir pour toutes sortes de personnes, tant pour les maisons des particuliers que pour les palais, deux volumes in-4°. 1728.

1117. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 25, des personnages et des actions allegoriques, par rapport à la poësie » pp. 213-220

Ces divinitez sont même des personnages historiques dans les poëmes des écrivains modernes qui choisissent leur scene et leurs acteurs dans les tems du paganisme.

1118. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 19, qu’il faut attribuer aux variations de l’air dans le même païs la difference qui s’y remarque entre le génie de ses habitans en des siecles differens » pp. 305-312

toute la question de la préeminence entre les anciens et les modernes, dit le grand défenseur des derniers, étant une fois bien entenduë… etc. .

1119. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Bathild Bouniol »

L’image, qui presque partout (et même en philosophie) a culbuté l’idée, l’image, dans ce poète dépaysé, n’a ni la puissance ni l’imprévu qui nous enlèvent ; on la connaît, on l’a déjà vue… Enfin, ce rhythme dont nous parlions tout à l’heure, et qui est d’un travail si agencé et si merveilleux sous la plume de Gramont, cette guirlande flexible et forte que tout poète moderne semble tenu d’enlacer et de sertir autour de sa pensée, tant les travaux sur le rhythme et la langue du mètre ont été multipliés en ces derniers temps, Bouniol, s’il ne le dédaigne, semble l’oublier ; et c’est ainsi qu’il se présente tout d’abord, modeste et hardi, dans son livre, dénué des trois forces de la poésie telle que l’Imagination l’aime et la veut au xixe  siècle.

1120. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Charles Barbara » pp. 183-188

Nous parlions plus haut de l’énorme place qu’occupe déjà le roman dans la littérature moderne et de la difficulté de l’écrire d’une manière nouvelle et piquante.

1121. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — III »

Hallays, savait bien quelle loge de concierge est devenue notre société moderne.

1122. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

ce rôle d’invention toute moderne n’a pris son complet développement que depuis que les faits et gestes de ce qu’on appelle la société parisienne ne valent plus guère la peine d’être notés. […] Nos amoureux modernes se complaisent, en attendant l’heure d’un rendez-vous, dans l’inventaire de leur splendide mobilier, et nos prodigues comptent leur argent en le jetant par la fenêtre. […] Ce jeune paria de la famille moderne est peu vulnérable du côté de la tendresse. […] Doré d’avoir consacré à cette tâche toutes les ressources de l’art moderne. […] Connaissez-vous beaucoup de drames, anciens ou modernes, où la fatalité ait joué un plus grand rôle ?

1123. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

L’art d’Athènes a, de ses doigts légers, et d’une seule et frêle ligne, ainsi qu’à la paroi d’un vase, tracé cette figure sacrée ; et elle fait la seule des figures antiques qu’une délicatesse secrète défendit à l’art classique français, à tout l’art moderne, de s’essayer à reproduire. […] Bertrand prétendait écrire le roman de l’Algérie moderne, et qui s’appelle La Cina. […] Don Quichotte, qui est le premier roman moderne de génie, l’est contre les Amadis. […] Si Rousseau fait entrer dans le monde supérieur du style et de la vie ce romanesque demeuré jusqu’à lui dans le terreau de la littérature, il ne donnera après lui aucun chef-d’œuvre, et Madame Bovary sera au romanesque moderne ce que Don Quichotte était au romanesques du moyen âge. […] Le naufrage de tant d’œuvres grecques et latines nous paraît annoncer un destin pareil à nos littératures modernes ; l’usure du papier, les révolutions futures, le dégoût possible de la lecture et de l’écriture, nous sont représentés, par nos bibliothécaires, bibliophiles, bibliomanes, bibliophages ou bibliophobes, comme des périls vraisemblables.

1124. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Par-dessus la procession des scolastiques encapuchonnés et des disputeurs crasseux, les deux âges adultes et pensants se rejoignent, et l’homme moderne, faisant taire les voix enfantines ou nasillardes du moyen âge, ne daigne plus s’entretenir qu’avec la noble antiquité. […] Nul moderne n’est plus semblable à Homère. […] Il n’est point encore assis et enfermé dans cette espèce de bon sens exact qui va fonder et rétrécir toute la civilisation moderne. […] Elles parurent telles, et les derniers représentants de la science antique, comme les premiers représentants de la science moderne, furent exilés ou enfermés, assassinés ou brûlés. […] Bacon décrit et prédit ici la science et l’industrie moderne, leur correspondance, leur méthode, leurs ressources, leur principe, et après plus de deux siècles, c’est encore chez lui que nous allons chercher aujourd’hui la théorie de ce que nous tentons et de ce que nous faisons.

1125. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

Ce penchant trop longtemps gardé est un signe de petit esprit, je l’avoue ; on ne doit pas passer tant de temps à inventer des centons ; Addison eût mieux fait d’élargir sa connaissance, d’étudier les prosateurs romains, les lettres grecques, l’antiquité chrétienne, l’Italie moderne, qu’il ne sait guère. […] Ainsi s’est formé l’écrivain achevé, au contact de l’urbanité antique et moderne, étrangère et nationale, par le spectacle des beaux-arts, la pratique du monde et l’étude du style, par le choix continu et délicat de tout ce qu’il y a d’agréable dans les choses et dans les hommes, dans la vie et dans l’art. […] En Angleterre, il fut extraordinaire, égal à celui des plus heureux romanciers modernes. […] Par exemple, Addison raconte en manière de rêve la dissection du cerveau d’un élégant937 : « La glande pinéale, que plusieurs de nos philosophes modernes considèrent comme le siége de l’âme, exhalait une très-forte odeur de parfums et de fleur d’oranger. […] Addison revient vingt fois sur son vieux chevalier, découvrant toujours quelque nouvel aspect de son caractère, observateur désintéressé de la nature humaine, curieusement assidu et perspicace, véritablement créateur, n’ayant plus qu’un pas à faire pour se lancer, comme Richardson et Fielding, dans la grande œuvre des lettres modernes, qui est le roman de mœurs.

1126. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

Voltaire seul, dans les temps modernes, a autant écrit ; mais Voltaire, maître, pendant une longue vie, de ses heureux loisirs, n’était ni orateur dans les causes privées, ni orateur dans les causes publiques, ni proconsul, ni général d’armée, ni consul, ni lieutenant de Pompée, ni négociateur avec César, ni accusateur de Catilina, ni sauveur de la patrie, ni proscrit, ni victime des triumvirs. […] Rien, dans nos assemblées ou dans nos tribunes modernes, ne peut donner l’idée de ces conditions de l’éloquence antique. […] Tel est ce morceau sur l’orateur Crassus, son modèle et son maître, dont il raconte la mort en descendant de la tribune, mort sur le champ de triomphe, semblable à celle du plus grand des orateurs modernes, lord Chatham, le père de Pitt : « C’est alors que Crassus, poussé à bout, dit-on, par le consul qui l’accusait, parla ainsi, comme un dieu : “Penses-tu que je te traiterai en consul, quand tu ne me traites pas en consulaire ? […] … » XIX La suite de cette argumentation de la raison contre le scepticisme est d’une force et d’une évidence qu’aucune philosophie et qu’aucune logique moderne n’ont surpassées. […] Ce mélange de la vie publique et de la vie méditative, cette alternative de l’éloquence et de la philosophie dans la vie du même homme d’État, qui allait mourir sous le glaive des sicaires d’Antoine après avoir combattu les sicaires de Clodius, ne se retrouve dans aucun de nos grands hommes de tribune moderne au même degré.

1127. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

L’Immaculée Conception, et tous les miracles modernes, et la Salette, et Lourdes, il dévore tout. […] Car sans doute il se peut que cette théorie des Indulgences heurte la conception de la justice qui a prévalu dans la Révolution et dans la philosophie moderne, et que la mise en commun des mérites et des grâces soit traitée avec dérision par ceux mêmes qui appellent la mise en commun des biens matériels : mais les philosophes qui, comme Proudhon, voient dans le catholicisme la religion de l’injustice, ne prennent pas garde que l’injustice disparaît par le seul fait du consentement et du sacrifice volontaire de ceux qui ont mérité davantage en faveur de ceux qui ont moins mérité ; qu’ainsi c’est l’amour et le renoncement du fidèle qui crée la justice de son Dieu, et que, si la matière, ici, est obscure, la pensée est belle et toute formée de charité. […] VI Étant l’espèce de catholique que j’ai dit, le rôle de Veuillot dans la société moderne, telle qu’elle est, ne pouvait être que ce qu’il a été : un rôle de combat. […] Contre le régime de centralisation à outrance issu de la Révolution et de l’Empire, contre l’esprit jacobin, la tyrannie de l’État, la bureaucratie, les chinoiseries administratives, et contre ce qu’il y a, dans l’individualisme moderne, de funeste à la démocratie même, il abonde en magnanimes fureurs et en sarcasmes clairvoyants. […] Hugo a été « l’homme moderne » plus qu’aucun autre contemporain.

1128. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

Faire des métaphores naturelles, empruntées au milieu où nous vivons habituellement (milieu qui va s’élargissant tous les jours pour l’homme des sociétés modernes), ce n’est pas sortir du simple. […] Pour leur donner ce caractère, il n’est besoin d’introduire dans le style ni l’allégorie précise des anciens, ni le vague de certains modernes qui croient qu’il suffit de tout obscurcir pour tout poétiser, ou de supprimer les idées pour avoir des symboles. […] » Flaubert dit encore ailleurs : « Tout ce qui était beau, le scintillement des étoiles, certains airs de musique, l’allure d’une phrase, un contour, l’amenaient à sa pensée d’une façon brusque et insensible260. » Parmi les procédés chers aux modernes, les « transpositions » méritent examen, précisément parce que ce sont des effets d’induction sympathique. […] Or, les sociétés modernes sont soumises à une loi de complication progressive qui se retrouve dans toutes les manifestations sociales, y compris l’art. Les sentiments modernes, transformés par les idées scientifiques et philosophiques, sont de plus en plus complexes, l’expression des sentiments doit donc elle-même avoir besoin de moyens plus nombreux et plus variés.

1129. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

Les modernes sont plus reservés sur ces morceaux oratoires. […] Nous ne nous arrêterons point aux élégies modernes. […] des vérités modernes Ne pouvons-nous user aussi dans nos besoins ? […] Ce genre n’a pas été inventé par les modernes, il étoit à la mode du tems de Vitruve, & voici comme il en fait le détail & la critique. […] L’histoire ancienne est celle des hommes, l’histoire moderne est celle de deux ou trois hommes : un roi, un ministre, un général.

1130. (1874) Premiers lundis. Tome I « Bonaparte et les Grecs, par Madame Louise SW.-Belloc. »

Mais il semble d’abord qu’à part cette juxtaposition chronologique, tout autre rapprochement entre cet homme et ce peuple doive être plus ingénieux que réel, plus académique qu’historique, l’apparition et la fortune de Bonaparte, en effet, se rattachent à des causes toutes modernes et très générales, à la Révolution française, à la disposition de l’Europe.

1131. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 4. Physionomie générale du moyen âge. »

Elles rendent impossible la saine conception de l’histoire : et il est notable que dans l’âge moderne l’esprit français, substituant une conception philosophique à la conception théologique de l’univers, n’arrivera pas encore sans grande peine à l’intelligence historique, comme si sa nature répugnait secrètement à la considération du contingent, du relatif, de ce qui passe dans les choses qui passent.

1132. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Signoret, Emmanuel (1872-1900) »

À ceux qui comprennent l’importance des suprêmes œuvres d’art au point de vue de l’évolution, je conseille, en attendant Jacinthus, d’étudier avec moi les richesses si variées et si pures que contient cette œuvre nouvelle du plus grand poète des temps modernes et peut-être de tous les temps.

1133. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XII. Mort d’Edmond de Goncourt » pp. 157-163

Mort d’Edmond de Goncourt J’ai vingt raisons d’admirer Sainte-Beuve, mais celle-ci me frappe aujourd’hui qu’il excellait au moindre prétexte, volume paru, décès survenu, anniversaire ou édition, à donner, à brûle-pourpoint, sur un moderne ou sur un ancien, une étude à peu près définitive.

1134. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Tréguier »

Votre place est marquée dans l’exécution de ces grandes œuvres modernes ; car, en même temps que vous êtes du présent, vous tenez fortement au passé.

1135. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — Q. — article » pp. 572-580

Quinault, dont on a quinze ou seize tant Tragédies que Comédies, & treize Opéra, continua jusqu’à sa mort, avec une régularité scrupuleuse & un courage inoui, les fonctions monotones de sa Charge d’Auditeur des Comptes, comme s’il n’eût jamais connu d’occupation plus intéressante pour son esprit & pour son cœur ; effet admirable & cependant naturel de cet amour du devoir, la base de toute société, l’idole de nos bons aïeux, & que, pour le malheur de notre âge, a éteint dans presque tou les cœurs l’esprit de systême & d’égoïsme, digne fruit des tristes lumieres de la moderne Philosophie.

1136. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre premier. Que la Mythologie rapetissait la nature ; que les Anciens n’avaient point de Poésie proprement dite descriptive. »

Ils nous ont sans doute laissé d’admirables peintures des travaux, des mœurs et du bonheur de la vie rustique ; mais, quant à ces tableaux des campagnes, des saisons, des accidents du ciel, qui ont enrichi la muse moderne, on en trouve à peine quelques traits dans leurs écrits.

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