Si les philosophes du salon de madame Necker reconnaissaient, un soir, « qu’un caractère est toujours simple quand une seule chose l’intéresse », comment un missionnaire, qui n’a que l’idée fixe de sa foi à propager, pourrait-il manquer, quoi qu’il fasse, de cette simplicité qui est la plus haute expression humaine dans l’ordre de l’intelligence ou de la vie ? […] Or, c’est une de ces laideurs-là qu’a la Chine, et, pour les amateurs du Bizarre, la décadence qui la disloque ne manquera pas d’y ajouter !
Il est des esprits bien autrement exquis que celui du capitaine d’Arpentigny (celui de Joubert, par exemple), qui manquent profondément de fécondité. […] L’explication qu’à son tour il essaie de donner de l’homme manque nécessairement de rigueur scientifique, et son livre, avortant au système, n’a plus que la valeur flottante d’un aperçu.
Les anecdotes n’ont jamais manqué sur Buloz, tout à la fois grotesques et déplorables pour la littérature et pour lui. Il y en a comme celle de Pierre Leroux, apportant un article sur Dieu à Buloz qui le rejette : « Dieu, — dit-il, — ça manque d’actualité !
La Critique, le sens critique manquait absolument à Lamartine. […] Son brillant manque de solidité.
« La conduite de Henri III, dit-il, ne devait pas manquer, s’il y persévérait, d’avoir pour résultat la ruine de la religion catholique… Le double meurtre qu’il avait commis (l’assassinat des Guise) ne faisait qu’aggraver sa situation en soulevant contre lui chaque jour quelque ville nouvelle. » M. de Chalambert prétend que la déchéance de Henri III, prononcée en 1589, fut simplement comminatoire, et il a raison quant au fait en soi-même. […] La vie manque sous les traits dispersés.
Gaston Boissier ne manque pas d’insister sur les antiques influences des Juifs dans la vieille société romaine. […] Je l’affirme avec sécurité, l’histoire du Christianisme écrite par un homme qui n’a pas dans la tête la raison métaphysique de la nécessité du surnaturel pour expliquer le monde, sera toujours manquée, — avec plus ou moins d’éclat, s’il a du talent.
Eh bien, au cas où la question contre les jésuites, qui n’est que la question contre Rome, et la question contre Rome, qui n’est que la question contre les gouvernements, serait encore une fois posée par les éternels ennemis des gouvernements et de Rome, ces derniers, dont nous connaissons la tactique, ne manqueraient point certainement, soit pour prévenir l’Opinion, soit pour persuader la Faiblesse, soit pour couper court aux hésitations, de s’appuyer sur le livre du P. […] En vérité, il faut avouer que s’il n’a pas eu un autre dessein que de relever Clément XIV dans le respect de la catholicité qui l’accuse, il n’aura pas assez réussi pour que, du haut de ses deux immenses volumes, piédestal épais d’une gloire manquée, il fasse répéter à l’histoire le mot d’ordre qu’il vient lui donner !
On ne lit plus Desportes, qui eut dans son temps beaucoup plus de talent que Banville ; on ne lit plus Ronsard, cet Homère manqué de l’imitation archaïque. […] La nature et ses grands spectacles, — car pour les poètes qui manquent de cœur il y a encore la nature, — la nature et ses grands spectacles : la mer, le ciel, les paysages, n’arrivent à la perception de Banville que de seconde main, par l’intermédiaire de quelque peintre dont il a vu les toiles ou de quelque poète dont il a lu et admiré les vers.
La grandeur de cet empire, qui s’étend sans cesse ; cette ville qui engloutissait tout, qui appelait tous les rois, tous les peuples ; ces généraux et ces soldats qui allaient conquérir ou gouverner les provinces, et parcouraient sans cesse l’Asie, l’Europe et l’Afrique ; tout cela était autant d’obstacles à ce que la langue romaine prît ou conservât une certaine unité de caractère ; peut-être même la facilité qu’eurent les Romains de puiser chez les Grecs tout ce qui manquait au système de leur langue ou de leurs idées, retarda leur industrie, et contribua à n’en faire qu’un peuple imitateur : ils traitèrent la langue et les arts comme un objet de conquête, usurpant tout sans rien créer. […] Avec cette vigueur de caractère, il devait avoir une éloquence pleine de hauteur et de force ; aussi trouvait-il que Cicéron manquait de reins , pour me servir de son expression13.
« — L’Empereur ne manque pas une de ces fêtes, répondit l’homme. […] Les offres tentantes ne lui ont pas manqué ; mais il ne voulait devoir à la poésie que l’aisance modeste qui assure l’indépendance. […] Ces confessions, variées en apparence, se réduisent toutes au manque de pain, de gîte, d’éducation morale, de croyance, aux mauvais contacts. […] Je ne veux pourtant pas manquer à mes habitudes et je citerai la fin de la nouvelle intitulée : Baraterie, un drame poignant écrit en quelques pages. […] Il me semble que je lui manque, en étant autrement, que je lui dérobe quelque chose de ce qui lui revient.
Oui, l’unité d’objet manque, mais une autre unité se dégage, celle de la personne. […] Mais à la peinture de Vallès il manque cette poésie que M. […] Un je ne sais quoi manque à leurs créations les plus réussies. […] Trop évidemment l’esthéticisme égotiste de d’Albert manque de simple et large humanité. […] Si Virgile et Racine avaient professé cette esthétique, combien de leurs vers nous manqueraient !
ou bien n’est-ce qu’avec elle que ce joli garçon manque d’esprit ? […] Car, si je ne réponds pas, on ne manquera pas de dire : « Il est collé ! […] Faguet ne manque donc point de clairvoyance ni de pénétration. […] Au reste, le temps manque pour réfléchir. […] Il y manquait quelque chose.
Parvenu à ce point de gloire, que lui manque-t-il ? […] Voltaire, notamment, n’y a pas manqué. […] Ne reprochez point à mon confrère de manquer de respect. […] … Le sol manque !… manque !
Nous manquons enfin d’un ouvrage, indispensable aussi lui pourtant, analogue à celui de M. […] Oui, sans doute, il maltraite outrageusement ses ennemis personnels ; il parle des Latins et des Grecs sans assez les connaître ; et sa critique, en général — qui ne manque pas au moins de vivacité ni d’émotion. — manque d’esprit, manque de largeur, manque de portée. […] Beaucoup de choses y manquent encore. […] Il me suffit qu’elle y soit, qu’elle ne pût pas manquer de frapper les esprits, et qu’elle fût d’ailleurs féconde en applications ultérieures. […] Mais, en attendant, si vous considérez que la science des religions, par exemple, est sortie tout entière des travaux relatifs au bouddhisme, avant lesquels elle manquait de base, parce qu’elle manquait de terme de comparaison, vous ne méconnaîtrez pas qu’il a vu juste, en somme, et qu’il ne s’est pas entièrement trompé.
Et cependant il lui manque encore quelque chose pour être complet : il lui manque une histoire. Mais lui manque-t-elle tant que cela ? […] Si ces vers n’ont pas rempli Persès du sentiment de son indignité, Hésiode a manqué son but. […] Elle ne lui a jamais manqué, et il ne s’est jamais plaint. […] Son organisation spirituelle avait l’unité qui manquait à ses bâtiments.
L'auteur n’a manqué aucun des heureux motifs indiqués et les a développés avec un talent que tous, je crois, salueront. — Par malheur, la pièce sera mal jouée à l’Odéon.
L'originalité, à mon sens, serait qu’il fût épique ou dramatique, c’est-à-dire qu’il portàt la main là où on a manqué !
— Voilà cinq mois environ que ce que la Revue Suisse a appelé le dada de la quinzaine manque ici.
Ampère celui des littératures comparées, l’homme, enfin, qui a su inspirer tant d’illustres amitiés et coopérer par ses conseils à tant de monuments aujourd’hui célèbres, ne peut manquer de laisser des regrets profonds dans tous ceux qui ont eu l’honneur de le pratiquer. » 42.
Mais en fait, d’après la loi de l’infirmité et de la lâcheté humaine, dans le manque d’éducation forte et de croyance régnante, ce sont les instincts naturels qui décident en dernier ressort et qui font l’homme.
Son talent, si élevé déjà, ne peut manquer d’acquérir encore plus de certitude et d’éclat, à mesure qu’il illustrera d’images vivantes et colorées la ferme substance de ses vers.
Le défaut d’une œuvre dramatique ainsi conçue peut-être de manquer de mouvement : quand, dans un drame, on néglige le mouvement extérieur, il faut, nous semble-t-il, montrer, presque à chaque réplique, que croissent ou diminuent les passions des personnages ; ainsi le drame reste vivant, d’un mouvement passionnel.
Les temps redevenant plus rudes, l’orage et le bruit de la rue forçant chacun de grossir sa voix, et, en même temps, une expérience récente rendant plus vif à chaque esprit le sentiment du bien et du mal, du juste et de l’injuste, j’ai cru qu’il y avait moyen d’oser plus, sans manquer aux convenances, et de dire enfin nettement ce qui me semblait la vérité sur les ouvrages et sur les auteurs.
Mais, de nos jours, quand les monastères, ou la vertu qui y conduit, ont manqué à ces âmes ardentes, elles se sont trouvées étrangères au milieu des hommes.
En général pour tous les livres de droit civil & canonique, il faut donner la préférence aux éditions récentes, parce que les anciennes, quoique mieux exécutées, manquent de bien de choses qu’on a ajouté aux nouvelles.
J’avais juré de ne décrire aucun mauvais tableau, je ne sais pourquoi je manque à ma parole en faveur de M.
Les tableaux de l’école lombarde sont admirez, bien que les peintres s’y soïent bornez souvent à flater les yeux par la richesse et par la verité de leurs couleurs, sans penser peut-être que leur art fût capable de nous attendrir : mais leurs partisans les plus zelez tombent d’accord qu’il manque une grande beauté aux tableaux de cette école, et que ceux du Titien, par exemple, seroient encore bien plus précieux s’il avoit traité toujours des sujets touchans, et s’il eut joint plus souvent les talens de son école aux talens de l’école romaine.
Ajoutons que, tout en faisant la guerre à Théocrite contre ceux qu’il appelait les savants, et qui, dans ce cas-ci, n’étaient pas autres que les gens de goût, Fontenelle lui-même semble reconnaître son impuissance, et il rend les armes lorsqu’il dit : « Quoi qu’il en soit, je vois que toute leur faveur est pour Théocrite, et qu’ils ont résolu qu’il serait le prince des poëtes bucoliques. » Ils l’ont résolu en effet, et, comme quiconque remonte sincèrement à la source est aussitôt de leur sentiment, l’arrêt toujours rajeuni ne saurait manquer de vivre1. […] A cette époque déjà on ne manquait pas (lui-même nous l’apprend) de gens de mauvaise humeur et occupés d’intérêts positifs, qui disaient que c’était bien assez pour tous d’un seul Homère. […] Cet homme d’esprit, qui manquait de plusieurs sens, se croyait fort en état de juger des diverses sortes de peintures, et en particulier de celles de l’amour : « Les anciens, dit-il dans son discours sur l’Églogue, n’ont guère traité l’amour que par ce qu’il a de physique et de grossier ; ils n’y ont presque vu qu’un besoin animal qu’ils ont daigné rarement déguiser sous les couleurs d’une tendresse délicate. Je n’impute pas aux poëtes cette grossièreté ; les hommes apparemment n’étaient pas alors plus avancés en matière d’amour, et les poëtes de ce temps n’auraient pas plu si le goût général avait été plus délicat que le leur. » Puis, prenant à partie l’ode célèbre de Sapho, traduite par Boileau, le spirituel critique, en infirme qu’il est, n’y voit que l’image de convulsions qui ne passent pas le jeu des organes : « L’amour n’y paraît, ajoute-t-il, que comme une fièvre ardente dont les symptômes sont palpables ; il semble qu’il n’y avait qu’à tâter le pouls aux amants de ce temps-là, comme Érasistrate fit au prince Antiochus quand il devina sa passion pour Stratonice. » Poussant jusqu’au bout les conséquences de son idée, La Motte en vient à déclarer sa préférence pour Ovide, qui déjà laissait bien loin derrière lui Théocrite et Virgile sur le fait de la galanterie ; mais Ovide n’était rien encore en comparaison des modernes et de d’Urfé, qui a comme découvert le monde du cœur dans tous ses plis et replis : « C’est une espèce de prodige, remarque La Motte, que l’abondance de ces sortes de sentiments répandus dans Cyrus et dans Cléopâtre, comparée à la disette où se trouvent là-dessus les anciens. » Et quant au fameux exemple de la Phèdre de Racine, qui remet en spectacle ce même amour reproché par lui aux anciens, le critique s’en tire habilement : « Ce qui est chez eux un manque de choix, dit-il, devient ici le chef-d’œuvre de l’art. […] On sait qu’en guise de houlette elle lui fit un jour cadeau d’une canne à pomme d’or ; il n’y manquait que la tabatière.
Supposez cette représentation très intense, on est près d’une hallucination ; elle devient hallucination complète, si le sommeil approche ; en effet, c’est là son terme naturel ; on a vu que, si elle avorte, c’est grâce à une répression ou rectification qui survient et manquait au premier instant. […] Or, limite signifie cessation ; la surface, la ligne, le point et les figures qui en dérivent ne sont donc que des points de vue de la solidité, des manières diverses de considérer sa cessation et son manque, c’est-à-dire le manque et la cessation de la sensation de résistance. — Reste l’étendue elle-même. […] « Quand ce point a été atteint, les possibilités permanentes en question ont pris un aspect et un rôle par rapport à nous si différents du rôle et de l’aspect que revêtent nos sensations, qu’elles ne peuvent manquer, et cela par le jeu naturel de notre constitution mentale, d’être conçues et crues comme au moins aussi différentes de nos sensations qu’une sensation l’est d’une autre. […] Rien de plus en lui ; il n’a pas le langage, il lui manque le moyen de discerner et d’isoler les caractères de son image. — Nous avons ce moyen, et nous nous en servons.
Dans cette région de la vieille France située entre le midi et l’ouest, derrière le Périgord, près de la Charente, non loin de l’Océan, s’étend un pays d’habitudes, de traditions, de pauvres cultures, de familles incrustées comme le grès dans la terre, nobles par consentement commun, parce que le château n’est que la première masure du village, et que tout le monde y vient, comme chez soi, chercher ce qui lui manque : bonne amitié, vieilles idées, semailles, aliments, soins, outils, conseils, médicaments. […] « Puisque tu le veux, mon cher Maurice, je vais donc continuer ce petit journal que tu aimais tant ; mais, comme le papier me manque, je me sers d’un papier cousu. » Pauvre fille ! […] À tout moment, je vois, je sens qu’elle me manque, surtout la nuit où j’ai l’habitude de l’entendre respirer à mon oreille. […] C’est bien long pour moi, qui aime si peu le vide ; mais le temps m’a manqué pour m’asseoir. […] Il n’y manquait que le chant du grillon et toi, pour compléter le charme.
C’était, si vous voulez, une lubie nationale (bien que l’étoffe ne manque pas pour les grands hommes dans ce pays de toutes les grandeurs) ; c’était un caprice héroïque et poétique : mais le caprice était universel et sincère, par conséquent jusqu’à un certain point respectable. […] IX Il s’aperçut alors que deux choses lui manquaient seulement pour être un Sophocle : un génie et une langue. […] Cet appui, au contraire, venait-il à me manquer, et à me laisser, pour ainsi dire, seul au monde, me regardant comme un être inutile à tous, et qui n’était aimé de personne, je tombais alors dans de tels accès de mélancolie, de désenchantement et de dégoût sur toute chose, et ces accès se renouvelaient si fréquemment que je passais des journées entières, et même des semaines, sans vouloir, sans pouvoir toucher un livre ou une plume. […] Il habite place des Saints-Apôtres, dans un vaste logement… Les troupes du pape y montent la garde comme à Monte-Cavallo, et l’accompagnent lorsqu’il sort… Il ne manque pas de dignité dans ses manières. […] Ce ne fut pas toutefois sans des appréhensions très vives : on savait la fureur du comte, on connaissait la violence de son caractère, et il fallait bien avouer qu’il ne manquait pas de bonnes raisons en ce moment pour se faire justice à lui-même.
— Il ne te manque plus que de boire ! […] Et pendant ce, la vie augmente, double, triple, décuple, les matières premières de l’alimentation manquent ou se détériorent, la mort même à la guerre ne progresse pas, — on l’a bien vu à Sébastopol, — et le bon marché est toujours le plus mauvais marché du monde. […] Sur cent personnes qui liront votre Venise, à peine deux se douteront de ce que vous avez voulu faire. » Ici, Edouard Houssaye et Aubryet sont enragés contre l’article… Et cela tient à une chose, c’est que le sens artiste manque à une infinité de gens, même à des gens d’esprit. […] Tu sais ça, toi Adèle, c’est la semaine suivante… Après dîner, Quidant fait sur le piano l’imitation du carillon d’un coucou, auquel il manque une note. […] Voici le dehors, quant au dedans, un grand esprit enterré vif dans un village, nourri de moelle spirituelle par la réflexion solitaire et une constante lecture, familier avec tous les hauts livres, un moment foudroyé par la mort d’un fils de onze ans, mais en train de reprendre son parti de la vie, « un cauchemar entre deux néants », un causeur à la parole espacée de mots qui font réfléchir, et jugeant à vol d’aigle, et allant au sommet des plus grandes questions, et enfermant sa pensée dans une formule nette, à arêtes coupantes, comme le métal d’une médaille ; un cœur tendre, mais un politique aux principes inflexibles, un génie dantonien auquel le théâtre et les circonstances ont manqué, le seul homme que j’aie vu préparé à tout et digne de tout9.
Dante ne pouvait manquer de retrouver dans l’autre monde ceux dont la triste aventure l’avait si fortement ému dans celui-ci. […] Il ne manque là que la mère ou le souvenir de la mère absente ; mais le poète a senti avec un merveilleux instinct qu’il fallait écarter la mère de ce groupe ; sans quoi on n’aurait pas pu achever la lecture : le cœur se serait brisé à son premier sanglot ou seulement à sa première mémoire. […] » reprend Béatrice encore impitoyable dans ses reproches, « jamais la nature ou l’art ne t’offrit un attrait comparable à l’attrait de cette forme mortelle dans laquelle je fus incarnée, et qui maintenant n’est que poussière ; et si cet attrait te manqua lorsque je mourus, quelle autre forme mortelle devait désormais t’attirer par un tel désir ? […] La tête du poète se trouble, les paroles lui manquent ; il compare lui-même l’anéantissement de son esprit : « À la neige qui fond et se distille au soleil, au vent qui expire dans les feuilles légères et immobiles, aux oracles de la sibylle qui se perdent dans leur obscurité. […] Un mot est un bloc taillé en statue, d’un seul geste, par ce sculpteur de paroles ; un coup de pinceau est un tableau vivant, où rien ne manque, parce que l’image frappe, vit et remue sur la toile de ce coloriste d’idées ; chaque pensée tombe proverbe de chaque vers en sortant de cet esprit ou de ce cœur dont le contrecoup, aussi puissant que le coup du balancier sur le métal, frappe en monnaie ou en médaille tout ce qui passe par sa pensée d’airain.
Elle ne manque pas d’expression. […] Greuze n’y auroit pas manqué. […] Ils ne manquent pas d’expression, surtout la philosophie dont les accessoires, les livres, le bureau et le reste sont encore prétieusement finis. […] Placez debout à son côté Vénus, mais Vénus nue, grande, divine, voluptueuse ; jettez mollement un de ses bras autour des épaules de son amant, et qu’en lui souriant d’un souris enchanteur elle lui montre la seule pièce de son armure qui lui manque, son casque dans lequel les pigeons ont fait leur nid. […] Quand on en manqua, il fallut en imposer par les apparences et faire croire qu’on en avait.
Il manque de simplicité, il est enclin à embellir, à corriger. […] Renan a peints sur nature, ne manquent ni de richesse ni d’éclat. […] Ce n’est point que cette délicate Cléopâtre manquât par elle-même du sentiment de la mesure et de l’harmonie. […] C’est une suite d’aventures burlesques ou tragiques, auxquelles manque l’agrément avec la vraisemblance. […] Joseph Bertrand ne pouvait manquer d’intéresser.
Ainsi, d’un article non signe des « Débats » : « Sans attendre l’avis des exégètes qui ne manqueront pas à l’œuvre de M. […] Je demandai, au surplus, le nom de l’auteur quand il manquait, et la liste de ses ouvrages quand ce nom était trop outrecuidamment inconnu. […] C’est une politesse à laquelle ils ne manquent guère. […] René Ghil ne manquent ni d’énormité, ni de mystère. […] Mais, tout naturellement, il manque, lui, de cet art d’admirable équilibre, produit d’un long essai, d’une longue patience.
Rendons-nous bien compte en quoi la poésie de Malherbe, l’Ode restaurée et inaugurée par lui, et en général cultivée par les Modernes, pèche essentiellement, je veux dire par le manque de vie et de motif en naissant. […] L’agora manquait ; il n’y avait pas de jeux Olympiques. Ce n’est pas tant le poète qui a fait défaut, que le cadre qui a manqué au poète. […] — « Monsieur, monsieur, repartit Malherbe, cela ne vous doit pas affliger : ne vous souciez que de bien servir, vous ne manquerez jamais de maître. » Les odes de Malherbe, qui sont inspirées de l’esprit de Henri IV et, en quelque sorte, marquées à son empreinte, à l’effigie de sa politique, sont les plus belles, les plus durables, en ce qu’elles ont été aussi les plus Françaises ; j’y comprends des odes même composées après la mort du grand roi. […] Et puis, pour louer cet admirable Prélat, on ne saurait manquer de matière ; il ne faut avoir soin que de la forme.
J’ai manqué mourir. […] Au fond, cet art du xviiie siècle est un peu le classicisme du joli, il lui manque l’originalité et la grandeur. […] Aujourd’hui, Flaubert souffrant manque, il est au lit. […] Et tout en causant des raisons littéraires, qui sont la cause de cet état, et qui nous tuent les uns après les autres, nous nous étonnions du manque de rayonnement autour de cet homme célèbre. […] Puis il s’étend sur les Orléanistes, accuse leur manque de caractère, de décision, leur peur de se compromettre au grand jour.
Les écrits qui manquent de ce vrai style ressemblent à ces pianos mécaniques qui nous laissent froids, même lorsqu’ils répètent de beaux airs, parce que nous ne sentons point venir jusqu’à nous l’émotion et la vie d’une main humaine vibrant sur leurs cordes et les faisant vibrer elles-mêmes. […] En réalité, une exercerait métaphore qui trop l’intelligence pourrait charmer un sophiste antique, mais manquerait absolument son but et affaiblirait nos représentations des objets, au lieu d’en accroître la force. […] Nos rimeurs contemporains veulent ainsi « faire un sort » à toutes leurs rimes ; de douze syllabes en douze syllabes, on s’attend si bien au petit ou grand effet, que l’effet est manqué. […] Car, que vous l’ayez ou non remarquée, elle ne manque jamais, cette consonne ; ce qui manque à ces beaux vers, c’est la variété du rythme, c’est la nouveauté des images, c’est l’inspiration sans effort, c’est l’accent, c’est le nescio quid. […] La vie nous manquera, comme un faux ami au milieu de nos entreprises.
» Et sa reconnaissance ira d’instinct vers la modeste amie qui possède ce qui manque aux déesses, même non dépourvues de tête et de bras : une physionomie ; dans les paupières cillées, des prunelles. […] Nulle corde n’a manqué à la lyre de celui qui, à la veille de mourir, put, devant la France entière, être salué, à l’antique façon romaine, du nom vénérable de Père ! […] Sa mise en œuvre exclusive des idées de la Révolution dont la banqueroute est prochaine, son manque de sensibilité, son optimisme têtu l’éloignent de plus en plus des jeunes esprits que travaillent les inquiétudes de l’heure présente et qui se montrent davantage hospitaliers aux poèmes d’un Laforgue, d’un Verlaine, d’un Corbière, d’un Rimbaud dont la blague fiévreuse ou l’apaisement triste, par leur outrance délicieuse, ont préparé les voies à une renaissance classique. […] Mais il manque, même à Mistral, d’être mort pour qu’on soit libre de le proclamer immortel. […] — Que Victor Hugo, l’emporte sur tous ses rivaux du xixe siècle c’est, selon moi, incontestable, et l’expression me manque pour définir, sans longueur, l’exceptionnel esprit qui n’a cessé de répandre avec une profusion miraculeuse, pendant plus de soixante ans, les plus magnifiques joyaux dont se soit jamais enrichi notre art français.
Shakespeare, qu’il faut toujours avoir devant soi quand on regarde Gœthe, parce qu’il l’éclaire bien, mais d’une terrible lumière, Shakespeare, sans lequel, au théâtre, Gœthe n’aurait jamais existé, a, je l’ai dit déjà, le grave défaut de manquer de cohésion dans la structure de ses drames : c’est la tache au soleil dans ce soleil. […] l’enthousiasme, c’est ce qui a toujours le plus manqué à Gœthe, à cette nature d’antiquaire qui fut plus heureuse de voir Rome que de voir la mer, à cette âme sans passion, meublée de manies, qu’il arrangeait comme une chambre et époussetait comme un musée ; à cette âme qu’il tenait d’un père baguenaudeur comme lui en art et en littérature, et d’une mère affectée, douce égoïste, qui ne voulait pas qu’on lui parlât de son fils quand, enfant, il était malade, parce que (textuel) « cela faisait mal à ses sentiments… » Deux âmes qui n’étaient pas capables d’en faire une troisième, et qui, aussi, ne firent que Gœthe. […] Du reste, si le peintre manque aux Mémoires de Gœthe, le fond des mémoires manque au peintre. […] Mais à partir de sa théorie contre Newton, il fut ridicule ; malheureusement, ce fut dans un cercle où les connaisseurs en ridicule n’étaient pas nombreux et manquaient de gaîté. […] Sa maison, à ce poète, manquait profondément de poésie.
Donnay produit l’impression d’une revue manquée.
Il en eut la première révélation en voyant jouer des comédiens de campagne ; il les suivit, joua avec eux à la diable des mélodrames et des vaudevilles, et, sans y songer, apprit ainsi ce mécanisme de la scène et cet art matériel du théâtre, qui si souvent manquent aux poètes lyriques.
Je dis que Pigmalion se lèverait lentement ; si les mouvements de la surprise sont prompts et rapides, ils sont ici contenus et tempérés par la crainte, ou de se tromper, ou de mille accidents qui pourraient faire manquer le miracle.
La verve comique y manquait, c’était de l’imagination plus que du ridicule ; le Français ne l’aime pas. […] Les comédiens de l’hôtel de Bourgogne n’en avaient manqué aucune, et ils n’étaient pas moins surpris du jeune acteur que l’était le public, surtout la Duparc, qui le prit tout d’un coup en amitié, et qui bien sérieusement avait fait de grands préparatifs pour lui donner à souper ce jour-là. […] C’était un maître et un oracle quand il parlait : et ces comédiens avaient tant de déférence pour lui, que Baron n’osa lui dire qu’il était retenu ; et la Duparc n’avait garde de trouver mauvais que le jeune homme lui manquât de parole. […] Ce fut cette fâcheuse situation qui toucha Molière ; il s’applaudit d’être en état de faire du bien à un jeune homme qui paraissait avoir toutes les qualités nécessaires pour profiter du soin qu’il voulait prendre de lui ; il n’avait garde d’ailleurs, à le prendre du côté du bon esprit, de manquer une occasion si favorable d’assurer sa troupe en y faisant entrer le petit Baron. […] Racine avait manqué de sincérité en Molière, qui cessa de l’estimer tout en l’admirant.
Elles sont, en un mot, les truchements de l’intelligence qui nous distingue des brutes, dont la grossièreté muette manque de signes comme d’idées. […] par la lecture assidue des bons auteurs : elle supplée en nous à ce qui nous manque de force ou d’instruction. […] Ce manque de proportion est l’indice qu’il n’eut pas de plan fixe, et qu’une juste ordonnance des matières n’était pas antérieurement dans sa tête. […] Ils avoueront que, saisis des beautés qu’ils y trouvaient, loin de se sentir choqués, à peine s’apercevaient-ils qu’elles manquassent de régularité, tant ils furent emportés et séduits par elles. […] Les pièces de Crébillon et de Voltaire sur ce dernier sujet sont mal combinées ; car les moyens qui concourent à l’énormité de la catastrophe manquent de vérité.
Que manque-t-il donc à cette tragédie ? […] Que manque-t-il donc à Bérénice pour mériter le nom et le titre de tragédie, puisque ses amis et ses ennemis conviennent également qu’elle excite la pitié ? Il lui manque, selon Voltaire, des fureurs, des folies, du sang, des crimes. […] Son exemple doit faire sentir l’importance d’une bonne éducation : il manqua la place de sous-précepteur du dauphin, et le titre d’académicien français, parce qu’il ne savait pas le latin. […] Peut-être le grave Pothier, qui craignait l’influence du Tartufe sur la religion, n’était-il pas fâché d’encourager une farce sans conséquence, pour faire diversion ; et en cela s’il manquait de goût, il ne manquait pas de politique.
Le parti-pris, car c’en est un, venait du manque de conscience du principe auquel obéissait le réalisme. […] Les ressources ne lui manquent pas. […] Mais ce qui lui manque n’enlève rien à la véritable signification qu’elle a pour nous, au rôle que lui commandait l’esprit du haut de ses vues humanitaires. […] Les tribunes ne manquent pas aux orateurs. […] Ils se croient assez savants pour résoudre les problèmes les plus compliqués des relations individuelles et mondiales — et ils n’y manquent pas.
. — Narrations prosaïques, manque de coloris et de passion, facilité et bavardage. — Logique et clarté naturelle, sobriété, grâce et délicatesse, finesse et moquerie. — L’ordre et l’agrément. — Quel genre de beauté et quelle sorte d’idées les Français ont apportés dans le monde. […] Il n’est ému qu’à fleur de peau ; la grande sympathie lui manque ; il ne sent pas l’objet tel qu’il est, complexe et d’ensemble, mais par portions, avec une connaissance discursive et superficielle. […] Ce n’est pas le nombre qui manque : la chanson de Roland, Garin le Loherain, Ogier le Danois, Berthe aux grands pieds, il y en a une bibliothèque ; bien plus, alors les mœurs sont héroïques et les âmes sont neuves ; ils ont de l’invention, ils content des événements grandioses ; et malgré tout cela, leurs récits sont aussi ternes que ceux des bavards chroniqueurs normands. […] Ailleurs la grâce ne manque pas, la douceur non plus. […] Ainsi protégées, les communes d’Angleterre ne peuvent manquer d’être florissantes.
La Révolution française, qui, en aucune de ses crises, n’a manqué de grands hommes, a eu aussi ses femmes héroïques ou brillantes, dont le nom s’approprie au caractère de chacune des phases successives. […] J’ajouterais :… Vous paraissez n’être pas heureuse ; vous vous plaignez souvent dans votre ouvrage de manquer de cœurs qui vous entendent. […] Rien, au dire des témoins, n’était éblouissant et supérieur comme leur conversation engagée dans ce cercle choisi, eux deux tenant la raquette magique du discours et se renvoyant, durant des heures, sans manquer jamais, le volant de mille pensées entre-croisées. […] L’influence conciliante, expansive, irrésistible, qui serait résultée de sa présence, a bien manqué, en plus d’une rencontre, au parti politique qui, pour ainsi dire, émane d’elle, et qui eût continué d’être le sien. […] Je m’en irai bientôt au milieu de la fête, Sans que rien manque au Monde immense et radieux.
Il y a dans la philosophie allemande une hauteur et une grandeur qui manquent entièrement à la philosophie de Condillac et de Cabanis. […] Cette révolution n’a jamais manqué, et elle ne manquera pas plus dans l’avenir que dans le passé. […] Le second point sur lequel cette école me paraît manquer d’esprit philosophique est sa négation absolue et exclusive de toute métaphysique. […] Non, sans doute, car il lui manquera toujours deux grands procédés de vérification, l’expérience et le calcul. […] Reconnaissons de bonne foi ce qui nous manquait.
Il blâme, dès les premiers vers de son auteur, ces métaphores redoublées, selon lesquelles l’homme est tour à tour un labyrinthe, un jardin, un champ, un désert, et n’y voit que manque de goût, de précision et de clarté. […] Je crois bien que votre conduite n’est pas conforme aux règles d’une morale très-sévère ; mais l’héroïsme a ses licences : et Voltaire ne manquerait pas de vous dire que vous faites votre métier d’illustre brigand comme Alexandre et comme Charlemagne. […] Pureté, sentiment, discrétion, tout en fait un petit chef-d’œuvre, à qui il ne manque que de nous être arrivé par l’antiquité. […] Il est vrai que Fontanes, Grand-Maître, n’écrivit pas de gros traités sur l’Eucharistie, et qu’il lui manque, pour plus de rapport avec Du Perron, d’avoir été cardinal comme l’abbé Maury. […] Diverses sortes d’égards et de hauts témoignages, le titre de ministre d’État et d’autres ne lui manquèrent pas.
Il manquait « de toute grandeur ». […] Sainte-Beuve manqua parfois de chevalerie. […] Les nourrissons de mon régent y trouveront leur joie, sans que les délicats manquent, pour cela, d’y trouver leur compte. […] L’unité n’y manque point cependant ; unité de sentiment, unité d’atmosphère musicale. […] Il ne manquerait pas de le faire un de ces très prochains jours.
Jeune homme, qui vous destinez aux lettres et qui en attendez douceur et honneur, écoutez de la bouche de quelqu’un qui les connaît bien et qui les a pratiquées et aimées depuis près de cinquante ans, — écoutez et retenez en votre cœur ces conseils et cette moralité : Soyez appliqué dès votre tendre enfance aux livres et aux études ; passez votre tendre jeunesse dans l’etude encore et dans la mélancolie de rêves à demi-étouffés ; adonnez-vous dans la solitude à exprimer naïvement et hardiment ce que vous ressentez, et ambitionnez, au prix de votre douleur, de doter, s’il se peut, la poésie de votre pays de quelque veine intime, encore inexplorée ; — recherchez les plus nobles amitiés, et portez-y la bienveillance et la sincérité d’une âme ouverte et désireuse avant tout d’admirer ; versez dans la critique, émule et sœur de votre poésie, vos effusions, votre sympathie et le plus pur de votre substance ; louez, servez de votre parole, déjà écoutée, les talents nouveaux, d’abord si combattus, et ne commencez à vous retirer d’eux que du jour où eux-mêmes se retirent de la droite voie et manquent à leurs promesses ; restez alors modéré et réservé envers eux ; mettez une distance convenable, respectueuse, des années entières de réflexion et d’intervalle entre vos jeunes espérances et vos derniers regrets ; — variez sans cesse vos études, cultivez en tous sens votre intelligence, ne la cantonnez ni dans un parti, ni dans une école, ni dans une seule idée ; ouvrez-lui des jours sur tous les horizons ; portez-vous avec une sorte d’inquiétude amicale et généreuse vers tout ce qui est moins connu, vers tout ce qui mérite de l’être, et consacrez-y une curiosité exacte et en même temps émue ; — ayez de la conscience et du sérieux en tout ; évitez la vanterie et jusqu’à l’ombre du charlatanisme ; — devant les grands amours-propres tyranniques et dévorants qui croient que tout leur est dû, gardez constamment la seconde ligne : maintenez votre indépendance et votre humble dignité ; prêtez-vous pour un temps, s’il le faut, mais ne vous aliénez pas ; — n’approchez des personnages le plus en renom et le plus en crédit de votre temps, de ceux qui ont en main le pouvoir, qu’avec une modestie décente et digne ; acceptez peu, ne demandez rien ; tenez-vous à votre place, content d’observer ; mais payez quelquefois par les bonnes grâces de l’esprit ce que la fortune injuste vous a refusé de rendre sous une autre forme plus commode et moins délicate ; — voyez la société et ce qu’on appelle le monde pour en faire profiter les lettres ; cultivez les lettres en vue du monde, et en tâchant de leur donner le tour et l’agrément sans lequel elles ne vivent pas ; cédez parfois, si le cœur vous en dit, si une douce violence vous y oblige, à une complaisance aimable et de bon goût, jamais à l’intérêt ni au grossier trafic des amours-propres ; restez judicieux et clairvoyant jusque dans vos faiblesses, et si vous ne dites pas tout le vrai, n’écrivez jamais le faux ; — que la fatigue n’aille à aucun moment vous saisir ; ne vous croyez jamais arrivé ; à l’âge où d’autres se reposent, redoublez de courage et d’ardeur ; recommencez comme un débutant, courez une seconde et une troisième carrière, renouvelez-vous ; donnez au public, jour par jour, le résultat clair et manifeste de vos lectures, de vos comparaisons amassées, de vos jugements plus mûris et plus vrais ; faites que la vérité elle-même profite de la perte de vos illusions ; ne craignez pas de vous prodiguer ainsi et de livrer la mesure de votre force aux confrères du même métier qui savent le poids continu d’une œuvre fréquente, en apparence si légère… Et tout cela pour qu’approchant du terme, du but final où l’estime publique est la seule couronne, les jours où l’on parlera de vous avec le moins de passion et de haine, et où l’on se croira très clément et indulgent, dans une feuille tirée à des milliers d’exemplaires et qui s’adresse à tout un peuple de lecteurs qui ne vous ont pas lu, qui ne vous liront jamais, qui ne vous connaissent que de nom, vous serviez à défrayer les gaietés et, pour dire le mot, les gamineries d’un loustic libéral appelé Taxile Delord.
Le roi et toute la famille, y compris le petit comte de Paris (il n’y avait d’absents que la duchesse d’Orléans et Madame Adélaïde) ont manqué être renversés de la voiture où ils étaient, dans l’écluse.
Cette économie a manqué peut-être à Nodier : esclave du caprice, pressé souvent par la nécessité, il travaillait au jour le jour, cédant sans cesse aux sollicitations des libraires, qui osent tout demander à un homme dont la bonté ne savait rien refuser.
ces jardins, dont le seul défaut est d’être trop enchantés ; ces amours, qui ne manquent que d’un voile, ne sont pas assurément des tableaux si sévères.
Cela va devenir plus clair ; si les termes me manquent, les choses y suppléeront.
Ces deux poëmes ne manquent d’aucune des conditions qu’on prétend essentielles à l’épopée. […] Ici les autoritez manquent à Me D. […] Combien de fois m’a-t-elle chanté poüille quand vous manquiez de litiere ? […] Selon cette idée, j’ose dire en général, qu’il manque à la poësie d’Homere d’être l’imitation d’une belle nature, et que lui-même est personnellement défectueux ; en ce qu’il manque souvent de dessein, ou que du moins il ne peint pas les objets d’une maniere conforme au dessein qu’il paroît avoir. […] Ce défaut de choix dans Homere se sent encore mieux dans les comparaisons qui manquent de ressemblance.
Nous devons aimer les lettrés belges comme des demi-frères, chez lesquels un sang différent du nôtre a donné des qualités qui nous manquent. […] S’ils manquent parfois de nerf et d’envergure, qu’ils embaument le terroir délicieusement ! […] Mais comme ils manquent de tempérament, de vie ! […] Mais l’idée ne manque jamais de noblesse qui met aux prises l’âme humaine impuissante avec la Fatalité. […] MM. le Roi et la Reine de Belgique ne manquent aucune occasion de leur témoigner une affectueuse sollicitude.
Et puis cela ne pourrait manquer de m’intéresser de rencontrer là Degas et Renoir. […] Il reproche à Lamartine de manquer parfois de caractère. […] Je sais maintenant qu’il ne manquera pas au rendez-vous. […] Ces appuis n’ont pas manqué à Balzac et il y eut un temps où les balzaciens eurent raison de lui vouer une admiration absolue et même parfois quelque peu puérile. […] La fortune lui avait manqué de toute la taille de son ambition, qui était haute en dépit de sa petite stature.
Elle ne manque pas d’une certaine originalité, et les Anglais l’ont traduite sous le titre de Timon amoureux. […] Les autres caractères de la pièce ne manquent pas de vérité. […] La pitié y manque souvent à l’indignation, et l’estime presque toujours à la pitié. […] Pour en avoir eu toujours, il lui a manqué de savoir ce que vaut un homme. […] La scène du procès de Richard, en particulier, manque tout entière dans cette édition, et se trouve pour la première fois dans celle de 1608.
L’« eau courante », où Turpin va puiser dans son heaume pour donner à boire à Roland, ne manque pas non plus dans la plaine. […] La surprise dont l’arrière-garde fut victime eut pour cause sans doute un certain manque de précautions : elle était restée trop éloignée du corps principal. […] On peut le croire, car il manque dans tous les récits italiens et aussi dans les plus anciens textes allemands. […] Une épopée du Juif Errant ne sera jamais qu’une série de tableaux historiques, auxquels manquera un lien réel. […] Elle manque dans le manuscrit ; mais l’ancienne édition la donne, sans doute assez fidèlement.
On lui demande de l’impartialité, et on lui reproche de manquer de chaleur et d’intérêt. […] Lui-même, à ce qu’on peut supposer, avait donc aperçu par où manquait toute sa métaphysique. […] Ce dernier caractère du génie, qui fait son charme éternel, lui manque, et Rousseau se trouve par là bien loin de l’éloquence de Bossuet. […] Ce but même était manqué, car on ne saurait retenir facilement ce qui n’intéresse pas. […] On ne pouvait rien demander au passé : il n’offrait que diversité et confusion ; pour parler le langage parlementaire, les précédents manquaient.
Mais divers schopenhaueriens, à qui manquaient de tels amusements, n’eurent pas l’entrain de continuer à vivre. […] L’on a dit que Jules Renard manquait d’idées. […] … On a dit encore qu’il manquait d’émotion. […] Un historien qui, même en faveur de bonnes intentions, chercherait autre chose que la vérité manquerait à son devoir. […] En ce temps-là, qui est le nôtre, nos compatriotes manquaient tous de mansuétude et, presque tous, de politesse.
de Soyecourt, déterminé chasseur : « Molière, un pareil original manque à ta pièce » ; et la scène indiquée, ou plutôt ordonnée, fut prête pour la représentation qui eut lieu le 27 du même mois, à Fontainebleau. […] À vous, surtout, comédiens qui, pour exciter le brouhaha, appuyez avec affectation sur le dernier vers… ; qui croiriez manquer aux règles de l’art, si, au lieu de parler humainement à votre capitaine des gardes, vous ne preniez pas un ton démoniaque. […] Dès ce moment, Molière regarda Baron comme son enfant, il l’avait sans cesse avec lui, et ne manquait pas une occasion de donner à son élève quelque leçon utile, témoin cette anecdote. […] Cher parterre, vous entendez souvent des Harpagon crier si fort, dès leur entrée, avec Laflèche, qu’ils s’épuisent, et qu’ils manquent de voix au moment où ils en ont le plus grand besoin. […] Voilà pourquoi les meilleurs ouvrages manquent d’ensemble et ne font plus illusion ; voilà enfin pourquoi les comédiens sont si rarement à leur place.
Edmond de Goncourt eut une forte émotion pendant le siège, le jour où il fut réduit par le manque de vivres à couper le cou d’une de ses poules avec un sabre japonais. […] Jusqu’en 1868, pendant un demi-siècle, il n’a jamais manqué à aucun de ses devoirs d’académicien, et son exactitude aux séances était proverbiale. […] Il ne manque jamais à l’appel des cymbales sacrées qui l’invitent à la prière ni au signal des trompes qui annoncent l’heure du sacrifice. […] Les uns vous reprochent de manquer d’agrément ; les autres vous accusent de donner aux hommes et aux choses du passé un déguisement de fantaisie. […] Que les travailleurs ne se plaignent pas, comme ils le font quelquefois, du manque de sujets !