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945. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Rathery »

Mais aussi pourquoi étrangler sa pensée dans un pareil nœud coulant quand on a assez de talent pour avoir besoin d’indépendance, quand on est fait pour nous donner un livre étoffé et corsé au lieu des maigreurs d’un Mémoire, — fût-il même couronné par l’Académie ?

946. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

D’une autre idole que ta gloire Je faisais mon cher entretien : Un nom qui n’était pas le tien T’avait distrait de ma mémoire. […] Ces vers purs, charmants en effet, et d’une douceur presque racinienne, se retrouvent dans notre mémoire, à nous qui les entendîmes alors, et font partie de nos classiques réminiscences : …….. […] Lebrun, dans ses vers, rendit aux rivages célèbres quelque chose de leur naturelle et sauvage verdeur ; on sentit l’homme qui avait visité ce pays de renaissante mémoire, avant de le chanter. […] On lit au tome III des Mémoires d’Ouvrard : « Au mois de septembre 1826, Talma se trouvant à dîner à la Conciergerie avec plusieurs personnes, à la fin du dîner la conversation tomba sur le théâtre. — Que pensez-vous du romantique ?

947. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

Dans les correspondances et les mémoires, on les suit à la trace, de salon en salon, de château en château, Voltaire à Cirey chez Mme du Châtelet, puis chez lui à Ferney, où il a un théâtre et reçoit toute l’Europe, Rousseau chez Mme d’Epinay et chez M. de Luxembourg, l’abbé Barthélemy chez la duchesse de Choiseul, Thomas, Marmontel et Gibbon chez Mme Necker, les encyclopédistes aux amples dîners de d’Holbach, aux sages et discrets dîners de Mme Geoffrin, dans le petit salon de Mlle de Lespinasse, tous dans le grand salon officiel et central, je veux dire à l’Académie française, où chaque élu nouveau vient faire parade de style et recevoir de la société polie son brevet de maître dans l’art de discourir  Un tel public impose à un auteur l’obligation d’être écrivain encore plus que philosophe. […] Non seulement les vues sur le monde et sur l’homme, les idées générales de toute espèce y abondent, mais encore les renseignements positifs et même techniques y fourmillent, petits faits semés par milliers, détails multipliés et précis sur l’astronomie, la physique, la géographie, la physiologie, la statistique, l’histoire de tous les peuples, expériences innombrables et personnelles d’un homme qui par lui-même a lu les textes, manié les instruments, visité les pays, touché les industries, pratiqué les hommes, et qui, par la netteté de sa merveilleuse mémoire, par la vivacité de son imagination toujours flambante, revoit ou voit, comme avec les yeux de la tête, tout ce qu’il dit à mesure qu’il le dit. […] Au bout de quinze jours, il lui apporta Les bijoux indiscrets et cinquante louis. » (Mémoires sur Diderot par sa fille.) — La Religieuse a une origine semblable ; il s’agissait de mystifier M. de Croismare. […] Nouvelle Héloïse , passim, et notamment la lettre extraordinaire de Julie, Deuxième Partie, n° 15. — Émile, discours du précepteur à Émile et à Sophie, le lendemain de leur mariage. — Lettre de la comtesse de Boufflers à Gustave III, publiée par Geffroy (Gustave III et la cour de France). « Je charge, quoique avec répugnance, le baron de Cederhielm de vous porter un livre qui vient de paraître : ce sont les infâmes mémoires de Rousseau, intitulés Confessions.

948. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

En ce bel hymne, œuvre la plus parfaite je crois au point de vue de la forme, se trouvent des passages mélodieux comme celui-ci : Je t’aimai d’un amour de musique Au luth enguirlandé de jasmin, D’un amour de fidèle et de prêtre Qui s’éperd en cantique Dès hier jusqu’en demain ; Et tant je t’ai doucement nommée Que d’un amour un autre vint à naître, Que mon amour et toi n’étiez qu’un être Et la chanson d’amour se fit l’aimée ; J’ai péché pour t’avoir trop doucement nommée… Il s’accumule en nos mémoires mornes Trop de verbeuses, vaines chansons mortes : Nous avons lu la route à trop de bornes, Demandé le chemin à trop de portes ; Je veux la rose, ô Reine dont tu t’ornes, Je veux le lys, que dans ta main tu portes. […] Mais aujourd’hui le folklore a remis dans toutes les mémoires les mélodies du peuple ; les chants grégoriens, depuis les savantes dissertations de dom Pothier, sont étudiés tels qu’ils doivent l’être et, (avec la nuance d’une interprétation qu’on ne peut ici discuter), la congrégation bénédictine de Maredzous s’est vouée à leur exécution intégrale. […] », mais il lui est permis de protéger les lettres, les arts et l’industrie, d’envoyer des ambassadeurs, de s’entourer d’une noblesse encore jalouse de pur renom, de dissoudre au besoin une chambre des députés turbulente ; et dans l’apparat glacé des cérémonies officielles, lorsque musiques et discours célèbrent les fastes de la nation, la séculaire mémoire de sa race et sa hautaine stature imposent encore par leur grandeur. […] Bien plus, nulle technique n’est plus propre à développer les accents divers de la parole que celle qui fait alterner les mouvements naturels de la voix avec la fixe arcature d’un mètre logique — reposant sur les syllabes tonales — ou même, comme c’est ici le cas, avec les lignes infrangibles du vers héroïque conservées dans notre mémoire.

949. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, le 8 décembre 1885. »

la mémoire des souffrances, et des angoisses, et des lamentations, et des forfaitures, aussi des châtiments, et des cris de la Concupiscence : « ô Christ, ta lamentation déjà me résonne… Non ! […] C’est le péché. — Car il a péché contre la Grâce du Seigneur ; l’élu d’entre les purs est devenu entre les purs l’unique pécheur : ô châtiment de l’offensé riche de Grâces… … Saint des Saints, ô mémoire du Saint ! […] ô mémoire des saluts de bénédiction ! mémoire du Divin !

950. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

L’enfouissement à fond de cale de l’aventureux marin, la bataille contre les mutins, l’île de Tsalal, l’éboulement, l’explosion du navire, la fuite des blancs, se passent dans des lieux visibles, s’incrustent dans la mémoire comme des actes commis ou subis. […] De même que chaque artiste aperçoit plus vivement et conserve plus obstinément dans la mémoire, certaines formes, certains êtres, certains ensembles, et, de ces spectacles, un caractère spécifique et abstrait, que Michel-Ange avait l’âme pleine de torsions de muscles, Rembrandt de dégradations de lumières, Beethoven de rythmes héroïques, Poe dut accumuler en lui tous les objets de l’épouvante humaine. […] Analysée en ses éléments, l’idée d’originalité se résout en l’accolement de deux ou plusieurs images qui ne se présentent pas d’ordinaire consécutivement, qui ne s’associent pas dans l’expérience ou la mémoire. […] Il semble que l’artiste pour son écrit le plus bref ou le plus étendu, avant ressenti, puis envisagé un effet émotionnel à produire, s’étant calmé même de la sorte d’excitation purement intellectuelle que lui a causée l’invention des moyens, s’est mis à l’œuvre la tête aussi libre qu’un mathématicien notant une belle démonstration, ou un biologiste sur le point d’écrire un mémoire concluant.

951. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

Au moins les traducteurs nous donneront-ils ce que nous n’avions pas encore, ce n’est point parce qu’un auteur prend un sujet nouveau qu’il fait une tragédie neuve ; si les caractères, les situations et le style n’en sont point innovés, s’il a mis à contribution vingt ouvrages nationaux pour composer le sien ; si la mémoire des spectateurs retrouve à tout moment Mithridate ou Alzire sous des habits et des noms supposés, si, presqu’à chaque vers on se souvient du vers suivant, en croyant le deviner, certes, une telle œuvre ne peut point raisonnablement passer pour une œuvre d’imagination. […] La première pensée du ministre de l’intérieur a été pour Pichat mourant ; son premier soin a été de délivrer Guillaume Tell des chaînes de l’ancienne censure qui l’opprimait comme un autre Gessler ; pour la première fois, depuis bien longtemps, on a vu le pouvoir aller au-devant du talent : les Muses sont filles de mémoire, elles ne l’oublieront pas. […] Ils dépensent tout ce qu’ils ont de poésie dans leur mémoire pour faire raconter un détail vulgaire, par un personnage subalterne, et lorsqu’arrivent les scènes de passion, ils n’ont plus que des lieux communs à nous débiter dans un style éteint, comme cet avocat des Plaideurs, Qui dit fort longuement ce dont on n’a que faire, et qui glisse sans qu’on s’en aperçoive sur le point essentiel. […] Chênedollé, mais que les beaux et grands vers du Génie de l’homme sont restés dans la mémoire des gens de goût ; enfin, nous dirons avec tout Paris, qu’on ne fait pas des vers plus colorés, ni plus fortement trempés que ceux de MM. 

952. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Crétineau-Joly »

… Ne serait-il pas mieux et plus digne d’elle de laisser dormir, dans la mémoire des hommes de nos temps de faiblesse et d’inimitié, des faits qui se réveilleront un jour ou l’autre dans la mémoire d’une postérité plus calme, et qui ne manqueront jamais de leur jugement ? […] C’est que l’Europe du xviiie  siècle est une chose à part dans la mémoire des hommes. […] En homme qui sait la force de certaines conséquences, il n’oublie pas, avant de terminer ce livre, qui restera, sur bien des mémoires, comme un écriteau, de constater l’effet produit par l’abolition sur l’Ordre même.

953. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Lettres de la mère Agnès Arnauld, abbesse de Port-Royal, publiées sur les textes authentiques avec une introduction par M. P. Faugère » pp. 148-162

On avait essayé dans le temps de recueillir toutes les lettres de la mère Agnès comme on avait fait pour celles de sa sœur publiées en 1742-1744 ; mais l’entreprise était restée en chemin, soit qu’on n’eût pas réussi à réunir tout ce qu’on espérait, soit que le public qui s’intéressait à ce genre d’ouvrages eût fort diminué à mesure qu’on avançait dans le xviiie  siècle. « Il y a lieu surtout d’être étonné, remarquait dom Clémencet au sujet de ces mêmes lettres, que nous en ayons si peu de celles qu’elle a écrites à la reine de Pologne, avec laquelle les mémoires de Port-Royal nous apprennent que la mère Agnès continua la relation qu’avait eue la mère Angélique durant les sept années que cette reine survécut. » C’est qu’on avait eu, dès le principe, moins de précautions dans un cas que dans l’autre pour s’assurer de ne rien perdre. […] La persévérance toutefois, qui fait le caractère du petit troupeau janséniste, n’avait pas cessé son effort après tant d’années, et l’on n’avait pas renoncé à payer cette dette d’une publication tardive à une mémoire des plus honorées.

954. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — II » pp. 161-173

Je n’ai pour cela qu’à profiter des documents mêmes que me fournit la publication nouvelle, en tirant un peu moins du côté de l’éloge que ne l’a dû faire naturellement l’estimable biographe (tout biographe devient aisément un apologiste ou un panégyriste), et en me tenant d’ailleurs dans les lignes exactes du récit de Napoléon, le premier des juges, ainsi que dans les termes des meilleurs témoins, auteurs de mémoires. […] [NdA] Napoléon a fait non seulement unr écit, mais de plus un examen critique de la bataille de Rivoli, une suite d’observalions sur les principaux mouvements qui s’y rapportent (Mémoires, tome ii, pages 69-80 ; et tome iv, pages 27-34 et 52-70).

955. (1904) La foi nouvelle du poète et sa doctrine. L’intégralisme (manifeste de la Revue bleue) pp. 83-87

Ses sens et sa mémoire les enregistreront automatiquement, son intelligence ne sera plus sollicitée ; il n’y aura plus curiosité, et la poésie, phénomène en soi, disparaîtra. […] La poésie intervient au sein même de toutes ces correspondances mystérieuses qui sollicitent notre activité intellectuelle, notre mémoire, nos aspirations, notre moi tout entier, et constituent cet état de conscience où, semble-t-il, nous communions dans l’infini.

956. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXII. La comtesse Guiccioli »

Mais dans ces mœurs de cristal, — non par la pureté, mais par la transparence, qui font à présent une espèce d’aquarium de Paris, — personne n’ignora que la main, — beaucoup trop et vainement gantée, — qui avait écrit ce livre sur Byron, était, puisque la main de Byron est glacée, celle de toutes les mains qui avait le plus le droit de récrire, pour être restée dans la sienne… Si les femmes que nous avons aimées deviennent une part de nous-mêmes, c’était une part de Byron, — encore vivante ici-bas, — qui allait continuer les Mémoires et dire leur vérité dernière. […] Et qui la forçait en effet à sortir d’un silence de plus de trente années pour venir toucher à cette retentissante mémoire, si elle n’avait pas à ajouter quelque grand accord à cet immense retentissement ?

957. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VIII. Du mysticisme et de Saint-Martin »

De son vivant, il aimait à s’appeler le Philosophe inconnu, et il a bien manqué de sombrer sous ce nom-là dans la mémoire des hommes, puni justement d’ailleurs, par l’obscurité, de tous ces petits mystères de secte dans lesquels il avait comme entortillé sa pensée. Sans le mot enthousiaste de Mme de Staël dans son Allemagne, un autre mot plus grave et mieux, pesé de J. de Maistre dans ses Soirées de Saint-Pétersbourg, l’image de Joubert qui en fait un aigle avec des ailes de chauve-souris, et quelques lignes impertinentes de Chateaubriand dans ses Mémoires d’outre-tombe, qui donc, dans le monde du dix-neuvième siècle, connaîtrait de vue Saint-Martin, sinon les curieux qui lisent tout et qui se font des bibliothèques de folies ?

958. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Le père Augustin Theiner »

En vain le nouvel historien parlera-t-il de calomnies et de la nécessité d’en purifier une grande mémoire. […] Selon nous, en dehors de toutes les discussions, la mémoire de Clément XIV est assez flétrie par l’abolition qu’il consentit ou qu’il voulut, puisqu’il la signa, pour que Crétineau-Joly n’ait besoin de rien ajouter à cette flétrissure, et pour que le P. 

959. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Théodore de Banville »

Or, cette œuvre qu’hier le poète dressait devant la postérité, comme son exegi monumentum, avec une piété sincère à sa mémoire, est-elle réellement digne, si rien de nouveau et de différent ne vient s’y ajouter, du regard qu’elle provoque et qu’elle veut captiver pour des siècles ? […] La délicatesse dans l’expression dont nous avons parlé plus haut, cet enfantillage sans naïveté, mais d’une mignardise assez suave, qui a enluminé cette jolie vignette, par exemple : La Nuit de Printemps : C’était la veille de Mai, Un soir souriant de fête… ne sont pas des qualités assez fortes pour sauver de l’oubli ce qui s’évapore le plus vite de la mémoire des hommes, — des sons et des mots !

960. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Le Comte de Gobineau »

— qui n’avait que des monosyllabes quand il parlait, n’écrivait pas de son vivant, et ce fut sa gloire et presque son esprit… Il avait des secrétaires, même pour ses billets du matin ; et si ses Mémoires ne sont pas une mystification dernière, qu’on se rappelle qu’il leur infligea diplomatiquement trente ans de silence avant de paraître. […] Qu’il écrive même, s’il veut, comme Talleyrand, ses Mémoires ; mais qu’il ne mette pas, comme Talleyrand, trente années à les publier.

961. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Il avait une mémoire surprenante. […] Il n’y en avait pas une à qui vous n’eussiez bien voulu dire ce compliment d’un galant du temps de Néron… Et l’ancien élève de Nicole et de Lancelot place ici et transcrit de mémoire une citation de Pétrone ! […] Louis Racine dit de lui dans ses Mémoires : Autant il était aimable par la douceur du caractère, autant il l’était peu par les agréments de la société. […] Je ne vous analyserai point l’action d’Andromaque, mais je vous en rappellerai l’essentiel, juste ce qu’il faut pour vous en remettre en mémoire la composition si simple et si liée. […] En effet, l’idée de Narcisse, d’Agrippine et de Néron, l’idée, dis-je, si noire et si horrible qu’on se faisait de leurs crimes ne saurait s’effacer de la mémoire du spectateur, et, quelque effort qu’il fasse pour se défaire de la pensée de leur cruauté, l’horreur qu’il s’en forme détruit en quelque manière la pièce.

962. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

Il s’agit d’avoir de la mémoire ou de prendre des notes. […] Certain visage en détresse au coin d’une rue m’a bouleversé l’âme et ne sortira jamais de ma mémoire. […] Aussi les souvenirs de sa jeunesse étaient-ils restés vivaces dans sa mémoire. […] Ceux qui l’ont connu garderont fidèlement le culte de sa mémoire. […] Son souvenir ne s’effacera jamais de ma mémoire.

963. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « IX » pp. 33-36

Nos vieux académiciens qui n’ont plus de mémoire ne se doutent pas de cela, et en applaudissant le jeune auteur, ils se donnent une demi-paire de gants romantiques.

964. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Sur les Jeune France. (Se rapporte à l’article Théophile Gautier, page 280.) »

Elles se perdent et disparaissent aujourd’hui dans l’ensemble du mouvement ; elles sont déjà oubliées de ceux même qui y assistèrent, et il faut, pour les y ramener avec précision, qu’une page d’une lettre toute jaunie, retrouvée entre deux feuillets d’un livre, vienne avertir et réveiller du plus loin leur mémoire.

965. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 368-371

Le Mémoire pour servir à l’Histoire des Cacouacs, est une Production vraiment originale.

966. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 555-559

On peut assurer néanmoins que les Mémoires d’un Homme de qualité, l’Histoire de Cléveland, le Doyen de Killerine, seront toujours regardés, par les Connoisseurs, comme les fruits d’une imagination étonnante par la diversité des tableaux qu’elle y présente, par les contrastes qu’elle y ménage, par la chaleur qu’elle y souffle, par les passions qu’elle y remue, & par les mouvemens que ces passions produisent.

967. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre V. Suite du Père. — Lusignan. »

j’ai combattu soixante ans pour ta gloire ; J’ai vu tomber ton temple et périr ta mémoire ; Dans un cachot affreux abandonné vingt ans, Mes larmes t’imploroient pour mes tristes enfants : Et lorsque ma famille est par toi réunie, Quand je trouve une fille, elle est ton ennemie !

968. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XIII. Des Livres de Médecine, de Botanique, de Chymie, d’Anatomie, de Chirurgie, &c. » pp. 325-328

Les Mémoires de l’Académie de Chirurgie de Paris : collection beaucoup plus utile que tous les recueils de prose traînante & de vers boursouflés, dont d’insipides compilateurs ont inondé le public depuis quelques années.

969. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

Ce costume, dans lequel elle resta pour jamais dans sa mémoire, ainsi que tous les traits de son visage et tous les détails de sa figure, recomposent çà et là le portrait de cette personne dans les odes et dans les sonnets de son poète. […] Cette adoration multipliait sous toutes les formes ses hommages : Laure était passée à l’état de divinité dans l’âme de son amant ; ce culte avait cependant l’onction, la dévotion, le mysticisme de tout autre culte ; il avait ses reliques et ses stations ; il consacrait la mémoire des jours où il était né, des événements qui le nourrissaient, et bientôt, hélas ! […] qui m’appelles des profondeurs du ciel, par la mémoire de ta mort si amère, oh ! […] » XXX Encore un et je finis, mais je ne finis que pour finir ; car je voudrais lire, et relire sans fin avec vous de telles tristesses ; et si vous pouviez les lire dans ces vers trempés de larmes, et dans cette langue divine inventée au déclin des langues par des amoureux et par des saints pour prier, aimer, désirer, attendre, vous ne vous arrêteriez qu’après les avoir incorporés en vous par votre mémoire. […] Ce sont les mêmes sentiments et presque les mêmes images que j’ai exprimés moi-même dans une forme plus large et infiniment moins parfaite que celle de Pétrarque, en écrivant l’ode élégiaque intitulée le Lac, dont quelques strophes sont restées dans la mémoire et dans le cœur de mon temps.

970. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M.  […] La persécution et l’emprisonnement que j’avais autrefois subis par ordre du gouvernement républicain, à l’occasion de la chute du pouvoir temporel de Pie VI, alors que l’on m’avait cru exécuteur ou tout au moins complice de la mort du général Duphot, étaient si récents qu’ils vivaient encore dans la mémoire de tous. […] Consalvi, sur sa demande, résuma, dans un mémoire rapide, les points sur lesquels on était d’accord, ceux sur lesquels on différait. « Ce mémoire, dit le prince de Talleyrand, fait reculer la négociation beaucoup plus loin que tous les écrits précédents. » Après vingt-cinq jours on tomba d’accord, le rendez-vous pour la signature fut assigné chez Joseph Bonaparte. […] « À cette cause », dit le cardinal dans ses Mémoires, « s’en joignit une autre que je ne puis passer sous silence.

971. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

Après la mort de Goethe, resté uniquement fidèle à sa mémoire, tout occupé de le représenter et de le transmettre à la postérité sous ses traits véritables et tel qu’il le portait dans son cœur, il continua de jouir à Weimar de l’affection de tous et de l’estime de la Cour ; revêtu avec les années du lustre croissant que jetait sur lui son amitié avec Goethe, il finit même par avoir le titre envié de conseiller aulique, et mourut entouré de considération, le 3 décembre 1854. […] Il a écrit ses mémoires ; il fut constamment heureux. […] Thiers, à propos du drame imité de Shakespeare, « qui mêle la tragédie à la comédie, le terrible au burlesque », il dit à Goethe : « — Je suis étonné qu’un grand esprit comme vous n’aime pas les genres tranchés. » « On affirme que les Mémoires de M. de Talleyrand donneront encore des détails sur cette entrevue historique. » 14. […] « Il est remarquable que la partie la plus intéressante, la plus détaillée des Mémoires écrits sur eux-mêmes par les personnages célèbres, soit toujours la première. […] Rousseau, des Mémoires de Chateaubriand, de G. 

972. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxve entretien. Histoire d’un conscrit de 1813. Par Erckmann Chatrian »

J’avoue même que moi, qui vivais, qui pensais et qui sentais déjà en ce temps-là, moi qui partageais les angoisses du peuple pauvre et sacrifié à la noblesse des barons d’empire, je retrouve dans ce livre la mémoire minutieuse de cette époque de la grandeur d’un homme de guerre et de la servitude d’un peuple ébloui de ses chaînes : il n’y a pas de plus grande leçon de dédain pour l’opinion de l’humanité que celle que l’humanité donne elle-même en divinisant quarante ans après le maître qui faisait de l’héroïsme avec le sang inutilement versé de quelques millions de ses pareils. Toutes les fois que je passe sur la place Vendôme et que je vois ces couronnes d’immortelles déposées là comme des trophées d’amour par les enfants de ce peuple à contre-sens, je détourne les yeux et je me dis tout bas : « Grand homme, si tu es aussi grand que cette colonne te fait, combien tu dois avoir pitié de ceux qui t’élèvent. » J’ai souvent senti aussi que cette fidélité de mémoire et cette exactitude de détails n’étaient pas possibles à d’autres qu’à des témoins oculaires et que les pères de MM.  […] Ces pages de mémoires militaires leur appartiennent. […] Et quand on lit cet évangile du pauvre peuple en 1814, et qu’on voit les enfants de ce peuple vaniteux épris d’un nom, qu’il a grandi, tantôt avec raison, plus souvent avec démence, oublier tant de misères pour ne se souvenir que de quelques grands jours marqués d’un bulletin menteur dans sa mémoire, proclamer qu’il n’a jamais été battu et qu’il a marché de triomphe en triomphe de Moscou, de Rome, de Madrid, de Lisbonne à Paris et à Fontainebleau ; niant Moscou, niant Eylau, niant Ulm, niant Leipzig, niant Salamanque, Vittoria et Abrantès, niant Montmartre, niant Waterloo, niant à peu près autant de mémorables revers qu’il a proclamé de victoires ; on est tenté de déchirer ces pages d’histoire falsifiée par des écrivains trompés ou trompeurs, et de ne reconnaître pour historiens vrais que deux noms et un romancier Erckmann Chatrian. […] Voulez-vous, après tant d’adulation, verser une goutte de vérité populaire dans la mémoire de vos enfants ?

973. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

et que ta mémoire S’enfonce avec la vie au cœur de cette eau noire ! […] Quel homme fut jamais si grand, qu’il se pût croire Certain, ayant vécu, d’avoir une mémoire Où son souvenir, jeune et bravant le trépas, Pût revivre une vie, et ne s’éteindre pas ? […] Avez-vous de ce temps conservé la mémoire, Lamartine, et ces vers au prince des proscrits, Vous souvient-il encor qui les avait écrits ? […]     Si vous oubliez votre histoire,     Vos jeunes filles, sûrement,     Ont mieux gardé notre mémoire ; Elles nous ont versé votre petit vin blanc, etc. […] Je jetai ces vers ébauchés dans un tiroir de ma table pour les achever le lendemain ; mais il n’y eut point de lendemain ; un événement politique inattendu me rappela soudainement à Paris ; le courant des affaires et des discussions de tribune emporta ces pensées avec mille autres ; les beaux vers d’Alfred de Musset restèrent sans réponse et s’effacèrent de ma mémoire.

974. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Avec tout ce qu’elle traîne de maux après elle, la vie n’est pas à leurs yeux si mauvaise ; et quand ils repassent la leur en mémoire, ils disent qu’ils la recommenceraient volontiers. […] Tel quel, et avec les manques ou les défauts qu’on y pourrait aisément noter, c’est au moins l’une des œuvres qui honoreront le plus dans l’avenir la mémoire de M.  […] Ai-je besoin de rappeler ici tant de poèmes qui sont dans toutes les mémoires ? […] La différence qui paraît entre eux et leurs contemporains, voilà ce qui consacre et ce qui fait durer leur mémoire. […] Quand, en effet, ce ne serait pas mal servir sa mémoire, ce serait encore fourvoyer la légion de ses imitateurs.

975. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

Je ne pouvais me détacher de ce spectacle ; j’aurais voulu graver cette impression dans ma mémoire et la rendre éternelle. […] Depuis six semaines, je fais ce que je désespérais d’oser jamais, je monte en chaire sans aucunes notes, et parle un peu de mémoire, un peu d’inspiration. […] Me voici engagé dans un parallèle de l’auteur de Werther et de Vérité et Poésie avec l’auteur de René et des Mémoires d’outre-tombe. […] L’Université, cette autre famille, conservera sa mémoire : oui, tant qu’il y aura une Université en France, on y citera avec honneur le nom de Gandar. […] Les Andelys et Nicolas Poussin, tirage à part extrait des Mémoires de l’Académie de Caen et de la Gazette des Beaux-Arts (mars 1860).

976. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

Et longtemps, il nous décrit le pays avec une mémoire qui a le souvenir du jour, du vent, du nuage : une mémoire locale inouïe, mettant avec la couleur de sa parole, sous nos yeux, les tournants du Nil, les aspects des pylônes, les silhouettes des petits villages, les lignes cahotées de la chaîne Libyque — comme s’il nous en montrait les esquisses. […] j’ai une mémoire tout à fait particulière, je ne prends pas de notes, il m’arrive même quelquefois, dans la fatigue du voyage, de fermer les yeux, de sommeiller à demi, et je suis tout à fait de mauvaise humeur contre moi, me disant : « Tu perds ça !  […] Mais l’attirant de ce monde neuf, qui a quelque chose de la séduction d’une terre non explorée, pour un voyageur, puis la tension des sens, la multiplicité des observations et des remarques, l’effort de la mémoire, le jeu des perceptions, le travail hâtif et courant d’un cerveau qui moucharde la vérité, grisent le sang-froid de l’observateur, et lui font oublier, dans une sorte de fièvre, les duretés et les dégoûts de son observation. […] De ces eaux-fortes pour lesquelles les manieurs de la pointe n’avaient pas, de son vivant, assez d’encouragement décourageant, de sourires ironiquement bienveillants, de mépris enfin, l’auteur, le pauvre, enfant, ne se doutait pas que bien peu d’années après sa mort, on en ferait un des plus beaux livres, publiés à la mémoire d’un aquafortiste. […] Hugo se met à dire, qu’il vient de lire les vrais mémoires de d’Artagnan.

977. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Sa mémoire devient une chose sainte, il est défendu d’y toucher. […] Elle était la fille d’Antonin ; il aurait craint, en la répudiant, d’offenser la mémoire de son bienfaiteur. […] Les Mémoires du temps enregistrent sur la même page ces excès divers. […] Les mémoires du temps nous ont transmis le martyrologe de Marie-Louise d’Orléans. […] Peuple sans tradition, composé d’individus sans mémoire !

978. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bonnières, Robert de (1850-1905) »

Bonnières, Robert de (1850-1905) [Bibliographie] Mémoires d’aujourd’hui (1885). — Le Baiser de Maïna (1886). — Jeanne Avril (1887). — Contes dorés (1887). — Contes à la Reine (1892). — Lord Hyland, histoire véritable (1895).

979. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Glatigny, Albert (1839-1873) »

L’œuvre de ce poète a son prix et sa valeur, et la municipalité de Lilleboune a été bien inspirée en honorant la mémoire de son enfant qui fut pauvre et qui, dans sa vie innocente, oublia tous ses maux en chantant des chansons.

980. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 234-238

Il avoit une mémoire prodigieuse, une érudition vaste, une pénétration active, le tact de l’esprit subtil, une adresse merveilleuse à présenter ses idées, & par-dessus tout une dextérité de discussion propre à séduire quiconque ne seroit pas en garde contre ses prestiges.

981. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 497-500

Pour moi, je ne suis point la dupe de la Gloire ; Je vous cede ma place au Temple de Mémoire, &c.

982. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 236-239

On met tout cela sur le compte d’un Religieux dont les Poésies sont consacrées par l’usage que quelques Eglises en font dans les Prieres publiques, & dont la mémoire ne devoit pas être flétrie par un Libelle ».

983. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 448-452

Il ne s’est jamais permis le moindre trait contre la Religion ; mais ce qui honore bien davantage la mémoire de ce véritable Bel-Esprit, comme l’a fort bien remarqué M. l’Evêque de Senlis*, « c’est que pouvant monter facilement aux premieres dignités de l’Eglise qui vinrent le chercher de bonne heure, il résista par probité aux offres les plus flatteuses.

984. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

Ennui, agaçant, nerveux, d’une répétition, où les rôles ne sont pas sus, et où la mémoire des acteurs et des actrices, à tout moment, trébuche sur votre prose. […] Je l’ai connu, fréquenté à ce qu’il paraît, au moment de nos débuts littéraires, mais il m’était complètement sorti de la mémoire. […] Quelqu’un fait entendre, que l’Élysée a poussé à l’énormité de la célébration, pour diminuer, effacer dans la mémoire populaire, le souvenir des funérailles de Gambetta. […] Chez moi, cette mémoire n’a rien du ressouvenir des choses réellement vues, c’est plutôt comme la réminiscence de choses rêvées. […] Ziem, qui est mon voisin de table, me raconte qu’il a commencé ses Mémoires, mais qu’il les a laissés, ne se sentant pas outillé pour écrire.

985. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Janin…… Le marquis de La Carte vit toujours ; on m’a assuré qu’il envoie quelquefois les mémoires de ses fournisseurs chez sa femme. […] Je n’ose, en vérité, vous parler de Mme la duchesse d’Abrantès, l’auteur de tant de mémoires. […] Lamothe-Langon possède une prodigieuse mémoire ; il n’y a rien au monde : arts, sciences, langues, histoire, dont il ne sache beaucoup ou au moins quelque chose. […] désirez-vous des mémoires sur les hommes de la Convention Nationale, ou plutôt voulez-vous que je vous invente la Maîtresse d’un conventionnel, dont les mémoires diront tout ce que nous voudrons dire ? — Les mémoires sur 93 sont bien usés !

986. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

On peut dire qu’il n’y a pour les comédiens de ce monde, qu’une seule et même façon de retenir dans leur mémoire, la prose ou le vers. […] Plus elles vieillissent et plus elles font tache dans ces mémoires obstinées. […] Ce qui veut dire : — Voilà un moine qui a bien lu les mémoires que se prépare à écrire le duc de Saint-Simon. […] Toutes les manières sont bonnes à Don Juan » : Mallefille, Mémoires de Don Juan. […] » Les Mémoires de Don Juan.

987. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Véron.] » pp. 530-531

On voulut bien remarquer en particulier que, lié comme je l’étais avec lui et même lui ayant dû la première idée et la mise en train de ces Causeries du lundi, je ne lui en avais jamais consacré une seule comme à un écrivain de quelque valeur, à un auteur de mémoires.

988. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « [« Pages extraites d’un cahier de notes et anecdotes »] » pp. 439-440

Je veux noter ici, chemin faisant, mille petits détails que ma mémoire perdrait et qui me plairont un jour comme souvenirs. » Ces premières notes sont presque toutes relatives au monde de Mme Récamier et aux personnages que j’y voyais ou qu’elle avait connus.

989. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Nodier, Charles (1780-1844) »

La postérité, dont il ne s’est point assez occupé, conservera sa mémoire ; la faveur qui, de nos jours, accueillit ses ouvrages ne les abandonnera pas : le moyen d’être sévère pour celui qu’on ne peut lire sans l’aimer !

990. (1887) Discours et conférences « Discours à la conférence Scientia : Banquet en l’honneur de M. Berthelot »

Dilater le pomœrium, c’est-à-dire reculer l’enceinte de la ville, était, à Rome, l’acte de mémoire le plus envié.

991. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — [Note.] » pp. 83-84

Et Garat, dans ses Mémoires sur la vie de Suard, a montré Montesquieu dans son domaine de La Brède, « parmi les pelouses, les fontaines et les forêts dessinées à l’anglaise, courant du matin au soir, un bonnet de coton blanc sur la tête, un long échalas de vigne sur l’épaule : ceux qui venaient lui présenter les hommages de l’Europe lui demandèrent plus d’une fois, en le tutoyant comme un vigneron, si c’était là le château de Montesquieu ».

992. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XX. Des Livres de facéties, des recueils d’anecdotes & de bons mots. » pp. 381-385

Les Mémoires de l’Académie de Troyes, la Rue du bois, sont des badinages ingénieux & plaisans.

993. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Édouard Fleury »

Les faits que ces volumes exposent ne sont pas, d’ailleurs, de ces faits déjà connus, déflorés et cités dans des publications à la portée de toutes les mains ; ce sont des faits pour la première fois recueillis, — ce qui constitue le vrai mérite de l’érudition de détail à laquelle Fleury paraît voué, — ce sont des documents saisis à la double source de la tradition écrite et de la tradition orale, la meilleure des traditions lorsque l’histoire est toute fraîche encore et qu’elle semble saigner dans toutes les mémoires.

994. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Car aux troubles de la mémoire sont liées les intermittences du cœur. […] Autrement dit, je ne sais si vous avez en mémoire en ce moment la théorie d’Auguste Comte sur les trois états successifs de l’esprit humain, — autrement dit l’homme sincère est animé, dans l’étude de lui-même, par l’esprit métaphysique. […] Swann s’y reportait comme à une conception de l’amour et du bonheur dont immédiatement il savait aussi bien en quoi elle était particulière,  qu’il le savait pour la « Princesse de Clèves », ou pour « René », quand leur nom se présentait à sa mémoire. […] D’ailleurs, dans sa prodigieuse mémoire, rien jamais ne se perdait et il était capable de vous répéter, à des années de distance, une phrase que vous lui aviez dite et dont aucun souvenir ne vous était resté. […] Swann s’y reportait comme à une conception de l’amour et du bonheur dont immédiatement il savait aussi bien en quoi elle était particulière, qu’il le savait pour la « Princesse de Clèves », ou pour « René », quand leur nom se présentait à sa mémoire.

995. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

Chacun des membres présents a lu un mémoire d’une grande beauté et de plusieurs kilomètres. […] — Décembre, janvier et février, sont des mois coupe-bourses, qui, au lieu de poignards et d’espingoles, — viennent vous mettre dans la gorge des totaux de mémoires, et contre lesquels la résistance est inutile. […] Si un défaut passager de mémoire ne lui fait pas trouver à temps la citation dont il a besoin, M.  […] Pour unique mise de fonds, il apporte l’aplomb, qui est l’audace des sots, et la mémoire, qui est la science des ignorants ; non pas, grand Dieu ! […] Deux passagers qui se racontaient des histoires curieuses, afin de se distraire, — manquent mutuellement de mémoire. — Peu à peu leur récit devient pâle ; — eux aussi.

996. (1896) Études et portraits littéraires

Le duc et pair des Mémoires eut au moins à son gré de la noblesse dans le régicide. […] Dès lors, l’image intense se grava dans sa mémoire d’un seul coup, pour jamais. […] Les mémoires authentiques, qui forment une littérature, finissent de pousser dans le sens du vrai. […] En décembre dernier, l’Académie dépouillait trente-sept mémoires dont il était le sujet. […] Ce créole a gardé dans un pli de sa mémoire une image dont il est hanté.

997. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

L’abîme n’est pas seulement dans le langage articulé et la mémoire héréditaire, renforcée de la mémoire individuelle (voir le Monde des Images et l’Hérédo). […] Soit dit sans offenser la mémoire de Claude Bernard, ni la fameuse Introduction à la médecine expérimentale. […] De même que certains mots dérivent de la mémoire individuelle, certaines racines verbales de la mémoire héréditaire, et que certains termes participent de la mémoire individuelle et de la mémoire héréditaire. […] L’hérédité m’apparaît aujourd’hui, après trente ans de réflexion, d’observation sur l’homme, et de lectures, comme un attribut, constant et permanent, de la vie, comme la principale force qui meut les êtres animés, et comme la génératrice de cette grande mémoire congénitale ; dont la mémoire individuelle n’est qu’une subdivision. On pourrait dire, sans trop d’hyperbole, que l’hérédité c’est la mémoire.

998. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

Voici notre dialogue, aussi fidèlement que ma mémoire me le rappelle :   — Mais enfin, me dit Zola avec un peu d’impatience, que me reproche-t-on de nouveau, et en quoi la Terre a-t-elle pu effaroucher tant de pudeurs à la fois ? […] » Étrangement surpris de l’ingrate mémoire de ce joyeux quidam en habit indigo, je lui tournai les talons et m’acheminai vers la toiture qu’il m’avait désignée et sous laquelle je fus on ne peut mieux accueilli par un vieillard des plus amènes, ex-rédacteur des Débats, où Jules Janin l’avait casé jadis, et de qui je regrette fort d’avoir égaré la carte qu’il me remit là. « Monsieur, ou plutôt, si vous permettez que je vous appelle ainsi, mon cher confrère, êtes-vous bien sûr, bourdonna-t-il après que nous eûmes échangé quelques paroles relatives à l’objet de ma demande, êtes-vous bien sûr que le magicien ès lettres (il connaissait évidemment la dédicace de mon maître à cet autre maître, Théophile Gautier) ait été inhumé dans ce lieu ?  […] Le vent venu des prés est nué d’éphémères… Les rouets sans repos chantent aux seuils des portes Vibrants et doux et comme en mémoire d’abeilles, Et les métiers subtils de soie ourdie moquent Les blancs vols prisonniers dont ils captent les ailes ; Le vent s’irrite et rit en les manteaux troués Par le vieux mal de vivre aux destins de misères. […] Et la banalité un peu romanesque de suivre cette jeune fille tandis qu’elle allait faire la charité, — sujet médiocre de quelque keepsake, — charmait Évelin ; je ne sais quel souvenir de poème élégiaque et bourgeois lui chanta dans la mémoire. […] Et, en écoutant cette explication, ma mémoire, méchamment, me rappelait que tous ces balbutiements avaient été résumés, sous Louis XIV, en un seul vers dont la haute majesté me parut alors encore plus imposante : Soleil, je te viens voir pour la dernière fois !

999. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre premier. » pp. 15-203

Sa mémoire était prodigieuse : il pouvait répéter jusqu’à deux mille mots, dans le même ordre13 qu’il les avait entendus. […] IV) les statues de cet empereur, et ne souffre pas que sa mémoire soit flétrie41. […] Ceux d’entre les gens du monde qui jugent sans partialité, ont dit : Les mémoires secrets dont il est question n’existentils pas ? […] On veut laisser une mémoire honorée ; on le veut pour les siens, pour ses amis, et même peut-être pour les indifférents. […] Lorsque cet historien cherche à diffamer Sénèque, il est un complice de ces courtisans, mais plus cruel qu’eux : ils n’en voulaient qu’à sa vie, Dion en veut à sa mémoire.

1000. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

Que représentent, dans l’ensemble des développements de la vie humaine, les choses « dignes de mémoire » ? […] Leur vie fut, en somme, innocente, et leur mémoire est de bon conseil. […] Elle avait la mémoire du cœur et des sens, cette pauvre femme, condamnée dès ce moment à ne vivre que de souvenirs. […] Les instituteurs d’autrefois voulaient, avec raison, qu’on ménageât la mémoire des enfants. […] Et ceux qui l’avaient raillé de son ignorance honorèrent sa mémoire comme celle d’un saint.

1001. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Je m’engage là bien témérairement, et je crains que ma mémoire ne me fasse défaut. […] Mais, si j’ai bonne mémoire, Béatrice ne portait plus alors le nom de Portinari, que vous lui donnez. […] Ils veulent que son objet soit connu, aimé, admiré de tous ; ils le veulent exalté dans la mémoire des hommes. […] Ma mémoire y trouvera un peu d’aide, et mes explications vous paraîtront moins obscures. […] Accorderiez-vous aux Mémoires de Gœthe une confiance entière ?

1002. (1894) Études littéraires : seizième siècle

Il parle de cette mésaventure en ses Mémoires avec la négligence la plus philosophique. […] Il écrit des Mémoires. Des mémoires sont une dernière conversation d’homme qui a vu sur ce qu’il a vu ; ce sont des relations de voyage. […] Le jeune homme s’aperçut qu’il était né savant, c’est-à-dire curieux et pourvu d’une mémoire exorbitante. […] Il parlait bien, discutait avec verve et répandait à flots les trésors d’une mémoire miraculeuse.

1003. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXVIII » pp. 113-116

A propos de cette sénilité fleurie, paterne et tout à fait romaine, voici quelques notes tirées de mon voyage à Rome : le discours de ce cardinal me les a tout à fait remises en mémoire comme très-exactes : notes d’un voyageur en 1839.

1004. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre VI. Utilité possible de la conversation »

Mais l’essentiel ici est de démêler ce qui, chez eux, est lieu commun, phrase apprise, provision de la mémoire, et ce qui est sentiment intime, émotion personnelle, éclosion spontanée de l’âme : ce qui est sifflé et ce qui est vécu.

1005. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guérin, Charles (1873-1907) »

Il excelle souvent à commencer un poème par des paroles à la fois musicales et songeuses et qui, le livre fermé, pleurent encore dans la mémoire : Ô mon ami, mon vieil ami, mon seul ami, Rappelle-toi nos soirs de tristesse parmi L’ombre tiède et l’odeur des roses du Musée.

1006. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Sarah Bernhardt » pp. 14-18

On sent que sa mémoire leur est chère et l’emprise sur les cerveaux de ce génie, encore si contesté, et que les symbolistes brandiront comme un drapeau, s’avère chaque jour grandissante.

1007. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 516-521

La multiplicité des Loix, leurs Commentateurs, souvent divisés d'opinions & d'intérêts, des prétentions opposées, multiplient à l'infini les difficultés dans l'étude du Droit public & de la constitution de cette partie de l'Europe : dans votre Ouvrage, tout rentre à sa place ; l'ordre qui en facilite les recherches, soulage la mémoire en fixant des époques, & prévient le dégoût presque inséparable de ces sortes d'études.

1008. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre III. Des Philosophes chrétiens. — Métaphysiciens. »

Dans le premier, il examine le cercle des sciences, classant chaque objet sous sa faculté ; facultés dont il reconnaît quatre : l’âme ou la sensation, la mémoire, l’imagination, l’entendement.

1009. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Charles Nisard »

Ils furent, il est vrai, les trois plus vigoureux hommes de peine que l’érudition et la philologie aient produits au xvie  siècle ; mais est-ce assez, au xixe  siècle, pour qu’on leur fasse une encadrure disproportionnée avec ce qu’ils furent en réalité et ce qu’ils sont aujourd’hui dans la mémoire des hommes ?

1010. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

Un homme de mérite, occupé de l’histoire comme d’une science, habitant dans le voisinage de Saint-Cyr, et à la source des meilleurs mémoires, M.  […] Ses fils, ces brillants et dissolus Conti, qui devaient répondre si étrangement à son vœu et aux espérances de leur éducation première, lui firent élever un monument dans l’église Saint-André-des-Arcs avec cette épitaphe où il n’y avait que la vérité : À la gloire de Dieu, et à l’éternelle mémoire d’Anne-Marie Martinozzi, princesse de Conti, qui, détrompée du monde dès l’âge de dix-neuf ans, vendit toutes ses pierreries pour nourrir, durant la famine de 1662, les pauvres de Berri, de Champagne et de Picardie ; pratiqua toutes les austérités que sa santé put souffrir ; demeura veuve à l’âge de vingt-neuf ans, consacra le reste de sa vie à élever en princes chrétiens les princes ses enfants, et à maintenir les lois temporelles et ecclésiastiques dans ses terres ; se réduisit à une dépense très modeste, restitua tous les biens dont l’acquisition lui était suspecte jusqu’à la somme de huit cent mille livres ; distribua toute son épargne aux pauvres dans ses terres et dans toutes les parties du monde, et passa soudainement à l’éternité, après seize ans de persévérance, le 4 février 1672, âgée de trente-cinq ans. […] Intemperans adolescentia effetum corpus tradit senectuti : le duc de Nivernais m’a remis en mémoire cette moralité, et c’est l’histoire de presque toute sa génération. […] [NdA] Mémoires de Daniel de Coenac. — La princesse de Conti s’y montre sous sa première forme, avant sa conversion ; elle n’y paraît pas sans quelques défauts.

1011. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

  M. de Châteaubriand, génie alors plus mélancolique et plus suave, mémoire harmonieuse et enchantée d’un passé dont nous foulions les cendres et dont nous retrouvions l’âme en lui ; imagination homérique jetée au milieu de nos convulsions sociales, semblable à ces belles colonnes de Palmyre, restées debout et éclatantes, sans brisure et sans tache, sur les tentes noires et déchirées des Arabes, pour faire comprendre, admirer et pleurer le monument qui n’est plus ! […] C’était en effet la merveille du désert, la fabuleuse Balbek qui sortait tout éclatante de son sépulcre inconnu pour nous raconter des âges dont l’histoire a perdu la mémoire. […]   Ces poésies auxquelles la soif ardente de cette époque a prêté souvent un prix, une saveur qu’elles n’avaient pas en elles-mêmes, sont bien loin de répondre à mes désirs et d’exprimer ce que j’ai senti ; elles sont très-imparfaites, très-négligées, très-incomplètes, et je ne pense pas qu’elles vivent bien longtemps dans la mémoire de ceux dont la poésie est la langue ; je ne me repens cependant pas de les avoir publiées ; elles ont été une note au moins de ce grand et magnifique concert d’intelligence que la terre exhale de siècle en siècle vers son auteur, que le souffle du temps laisse flotter harmonieusement quelques jours sur l’humanité, et qu’il emporte ensuite où vont plus ou moins vite toutes les choses mortelles. […] Une douleur que vos vers ont pu endormir un moment, un enthousiasme que vous avez allumé le premier dans un cœur jeune et pur, une prière confuse de l’âme à laquelle vous avez donné une parole et un accent, un soupir qui a répondu à un de vos soupirs, une larme d’émotion qui est tombée à votre voix de la paupière d’une jeune femme, un nom chéri, symbole de vos affections les plus intimes, et que vous avez consacré dans une langue moins fragile que la langue vulgaire, une mémoire de mère, de femme, d’amie, d’enfant, que vous avez embaumée pour les siècles dans une strophe de sentiment et de poésie !

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