Tu pourras alors laisser le meurtrier, ses membres libres, aller et venir de sa loge dans la chapelle de la prison, au fond de la cour, sous le cloître, entendre les offices des morts qu’on lui récitera tous les jours, et jouir enfin de toutes les douceurs compatibles avec sa réclusion. […] Les pauvres prisonniers me disaient de même : — Au moins notre oreille est libre quand notre âme suit dans l’air les sons qui chantent ou qui prient avec ton instrument. […] Il ajouta que, même après le jugement, on avait encore le recours en grâce auprès de monseigneur le duc et que, dans tous les cas, le condamné avait encore un sursis de quatre semaines et de quatre jours entre l’arrêt suprême et l’exécution ; enfin que, pendant ces quatre semaines et ces quatre soleils de sursis, le condamné, soulagé de toutes ses chaînes derrière sa grille, ne subissait plus le secret, mais qu’il était libre de recevoir dans sa prison ses parents, les prêtres, les moines charitables et tous les chefs des confréries pieuses de la ville et des montagnes, tels que frères de la Miséricorde, frères de la Sainte-Mort, pénitents noirs et pénitents blancs, dont l’œuvre est de secourir les prisonniers, de sanctifier leur peines et même leur supplice.
Ils portaient des outils, de grands ciseaux et des charbons rouges, comme s’ils avaient voulu supplicier un saint Sébastien ; mais ce n’était pas cela, au contraire ; le bourreau coupa l’anneau de fer qu’il avait rivé les premiers jours à la chaîne scellée dans le mur ; il fit fondre le plomb qui rivait le clou des menottes aux poignets et les entraves aux pieds ; il laissa le prisonnier libre de tous ses membres ; il ouvrit la deuxième grille de fer qui rétrécissait de la moitié son cachot ; il ouvrit de même une petite porte basse toute en plaque de tôle qui donnait accès par un corridor souterrain, étroit, surbaissé et sombre, dans la petite chapelle des condamnés à mort. […] Dès demain, il faut achever de scier un barreau de fer de la lucarne derrière l’autel de la chapelle des prisonniers, de manière à ce qu’il ne tienne plus en place que par un fil, et laisser la lime à côté, pour qu’un coup ou deux de lime lui permette de le faire tomber en dehors dans le verger de la prison, et qu’à l’aide de l’égout qui ouvre dans ce verger, au pied de la lucarne, et qui traverse les fortifications de la ville, Hyeronimo se trouve hors des murs, libre dans la campagne… Et toi, pourquoi ne le suivrais-tu pas ? […] — Quand il sera libre, continua la voix, tu revêtiras le froc et le capuchon des pénitents noirs qu’il aura laissés tomber de la fenêtre en s’enfuyant, et tu reviendras dans son cachot, avant le jour, prendre sa place, pour que les sbires te mènent au supplice, en croyant que c’est lui qu’ils vont fusiller pour venger le capitaine ; tu marcheras en silence devant eux, suivie des pénitents noirs ou blancs de toute la ville qui prieront pour toi ; et quand tu seras arrivée au lieu du supplice, tu mourras en prononçant son nom, heureuse de mourir pour qu’il vive !
Ainsi amendée par Voltaire, la poétique de la tragédie du dix-septième siècle est celle que nous tenons pour la seule vraie, après tous les exemples des Grecs, après ceux du dix-septième siècle, après les beautés supérieures d’un théâtre plus libre, celui de Shakspeare. […] Pour ajouter à la vraisemblance par plus de spectacle, il fallait une scène entièrement libre, d’où l’on vît venir les acteurs de loin ; assez vaste pour rendre les aparté vraisemblables : il fallait qu’on pût voir dans le fond de la scène des rochers, des précipices ; à l’horizon, des tentes, et « Julie dans l’enfoncement, couchée entre des rochers44. » Ce point gagné, il fallait plus de richesse dans les costumes, des décorations souvent renouvelées, des bûchers, des flammes d’alcool, du tonnerre, des éclairs, des comparses pour représenter les foules. […] Leur solidité s’explique par le choix libre et savant de leurs sujets.
Et, s’il survit, il régnera comme auparavant sur cette terre. » — Trait profond et savamment aiguisé : sous la mère alarmée et qui allait attendrir, Eschyle laisse percer l’arrogance de la royauté asiatique ; il lui fait prononcer des mots odieux aux âmes et aux oreilles libres : la pitié s’éteint à peine excitée. […] De vers en vers, trait par trait, une figure se forme et s’élance, révélant à la reine barbare la fière beauté d’une race libre. […] C’est dans le palais même du Grand Roi, au milieu de son sénat avili, en face des colosses monstrueux qui divinisent sa puissance, qu’Eschyle dresse l’image d’Athènes invincible et libre.
Elle l’aimera donc, mais à une condition : c’est qu’il la laissera libre de sa vie, et qu’elle n’aura jamais de comptes à lui rendre. […] Maximilien qu’elle a donné rendez-vous dans ce pied-à-terre ; non, c’est à l’Inconnu, et, à peine arrivée, la voilà qui le cherche, et qui brûle, et qui tâte les murs… Il faut la voir se glisser, insinuante et libre, dans cette chambre de jeune homme, tout imprégnée du parfum des libres amours, pareille à une couleuvre qui circule parmi les œufs et les nids d’un colombier vide.
Sans doute dans l’ancienne Grèce la gloire avait plus d’appareil, et les talens plus d’éclat ; le citoyen qui ne voyait au dessus de lui que les lois, et qui pouvait porter son suffrage à la place publique, était libre de n’accorder d’hommages qu’au mérite qui les arrache, et alors l’admiration était toujours près de l’enthousiasme. […] Racine avait lutté dans Bérénice contre un sujet qu’il n’avait pas choisi, et il était sorti triomphant de cette épreuve si dangereuse pour le talent qui veut toujours être libre dans sa marche, et se tracer à lui-même la route qu’il doit tenir. […] Ne laisse pas le champ libre à tes ennemis.
Les hommes de 1660 sont en réaction contre le premier romantisme français, qui est, non pas de 1830, mais de 1630 ; ils sont en réaction contre l’école de la fantaisie, de l’imagination libre et un peu désordonnée, aussi de la littérature burlesque, c’est-à-dire de la littérature qui pousse l’imagination et la fantaisie jusqu’à cet extrême désordre et cet extrême abandonnement… Et qu’est-ce qu’ils sont en eux-mêmes ? […] Bouillon, et à peu près à la même époque une traduction libre, du Joconde de l’Arioste par M. de La Fontaine, et il y eut, comme pour les sonnets de Job et d’Uranie, comme il y a eu toujours à cette époque-là, une discussion, une querelle littéraire remplissant les salons et les cabinets des libraires, il y a eu une querelle littéraire sur la supériorité de M. […] Ailleurs, il le félicitera de sa grâce à manier le vers facile, le vers libre, le vers irrégulier, de sa grâce souveraine dans ses vers.
Il n’a pas même été libre de choisir l’état social, car la société lui a été imposée comme les autres conditions de son existence. […] L’homme est un être libre ; et il lui fallait un sens qui lui permît l’exercice de sa liberté, un sens au moyen duquel il pût dominer ses organes par la pensée. […] Les animaux restent et doivent rester emprisonnés dans leurs instincts divers : l’homme, perfectible sous le rapport de ses facultés comme sous le rapport du sentiment moral ; l’homme, à qui il est donné de savoir et de connaître ; l’homme, qui peut choisir le bien ou préférer le mal, l’homme est un être libre, et ce n’est que dans l’état social qu’il trouve à la fois et les attributs et les limites de sa liberté : alors il peut en abuser, au point de renoncer à la société elle-même, au point de faire le sacrifice de sa vie ou de s’en dépouiller de sa propre main.
Mais, bientôt vaincu par la constance du jeune homme et assuré de la solidité de sa vocation, il le laissa libre d’entrer dans une Société, où lui-même autrefois il avait pensé à s’engager dans sa jeunesse. […] Peu de morceaux, peu de couplets chez Bourdaloue qui se puissent détacher ; il en a pourtant, et, dans son premier point Sur la pensée de la mort, quel beau passage que celui où, par contraste avec l’effet de cette pensée présente, il montre que, si l’homme était sûr de ne point mourir et de jouir dès ici-bas d’une destinée immortelle, il n’y aurait plus de remède ni de raison à opposer au libre débordement de sa passion !
Moi, je ne m’en suis pas mêlé, si ce n’est par un certain tour d’esprit qui me montre les choses du bon côté, quand il me serait permis de les regarder autrement. » Ce bonheur ne le quitta pas même tout à fait dans les circonstances les plus contraires : arrêté quand il allait sortir de France, en juillet 1789, il fut sauvé, par le plus grand des hasards, de la fureur populaire ; enfin, acquitté devant le tribunal du Châtelet, et redevenu libre à la veille de la ruine totale de l’ancienne société, il eut l’opportunité d’une mort naturelle et tranquille. […] Cependant ses manières avec elles étaient trop libres, et sa galanterie était de mauvais ton.
I En l’année 1580, Montaigne qui, depuis neuf ans déjà, s’était affranchi des devoirs d’une bien grave profession et s’était retiré dans son manoir champêtre pour s’y vouer tout entier au culte des doctes Sœurs, se voyant plus libre que jamais par la publication de la première édition de ses Essais, qui est de cette année même, entreprit un long voyage et voulut faire son tour d’Allemagne, de Suisse et d’Italie. […] Dans cette succession rapide de vues et de mœurs si diverses et si contraires, un préjugé réfute et chasse l’autre, et ne lui laisse pas le temps de faire le fier ; et le philosophe libre, sans aucun effort de lutte ni de contradiction, y trouve son compte, en même temps que le curieux son plaisir.
D’autres, voyageurs libres, sont restés sur la lisière : je les vois, encore les mêmes, qui vont et viennent, passent et repassent comme autrefois. […] Je sais que les esprits généreux aiment à avoir à faire et à lutter ; il se forme aujourd’hui, dans la libre et studieuse jeunesse, bien des intelligences.
est-elle libre ? […] Rêvez, rêvez alors… » Mais voici un dernier passage qui sort du ton sentimental et tendre, et qui, ce me semble, est éloquent, élevé, poétique à la fois et philosophique, tout un jet brillant de hardiesse et de libre fantaisie.
La peinture anglaise, à l’état d’école libre et individuelle, produisit sur lui dès l’abord une très-grande impression, et il a été des premiers en 1855 à lui rendre justice, tout en luttant de lustre et d’éclat avec elle, dans une série d’articles de son meilleur et de son plus neuf vocabulaire. […] Dans cette espèce d’Élysée bizarre et bachique qu’on se figure aisément pour ces libres et un peu folâtres esprits d’avant Louis XIV, il me semble d’ici les voir, à cette heure de réveil, à cette nouvelle d’un regain si inattendu : l’Ombre du joyeux Saint-Amant a tressailli ; le poète Théophile se tient pour consolé et vengé dorénavant de ses disgrâces ; Scarron a bondi d’aise sur son escabeau, et Cyrano enfin, retroussant sa moustache, passe et repasse en idée, plus fier que jamais, sur ce Pont-Neuf populeux où une double haie de bourgeois et de marauds ébahis l’admire.
Elle avait compté toujours que son fils partirait pour le Portugal et que, lui laissant désormais le champ libre, il irait accomplir ce mariage si désiré d’elle, si craint et abhorré des Piémontais. […] Il n’était pas assez libre de position et d’allure pour se livrer à sa haine.
M. de Noirmont est un personnage bien vrai, et qui nous rappelle plus d’un profil connu : « Né avant 89, d’une ancienne maison, mais abandonné à lui-même dès l’enfance, libre par conséquent de préjugés traditionnels, il a assisté avec indifférence, presque avec joie, à la chute de la vieille société. […] Puis, arrivant à une autre régence, au début d’un autre règne, on saurait à quoi s’en tenir également sur ces festins mystérieux des Bussy et de ses libres compagnons : ici la satire politique et personnelle, l’épigramme frondeuse se mêlaient très-probablement à des gaîtés plus fines qu’innocentes.
À voir, cependant, chez elle l’emploi de ce patois si libre, si naïf, si coloré, je me suis rappelé une remarque du comte Jaubert, qui se trouve des mieux justifiées : « On peut soutenir sans paradoxe, dit-il dans la savante Introduction au Glossaire du centre de la France, que les patois déploient généralement un luxe de tropes à étonner Dumarsais lui-même, une originalité, une sorte de génie propre, capable non seulement d’intéresser, mais même d’offrir certaines ressources au grand art d’écrire. » Il y faut seulement, pour ce dernier point, du choix et de la sobriété. […] Elle prend plus à cœur les beautés de l’exil ; dans cette grande et libre nature qui l’environne, elle se sent à tout moment en plein Éden, elle s’y livre en toute jouissance à des ébats turbulents, innocents ; et quand l’idée du pèlerinage lui revient — un peu tard, — si elle est franche, elle conviendra qu’elle l’avait oublié.
Le « monde » apparaîtrait, à quelque puritain qui aurait de l’imagination, comme un libre harem, inavoué, inachevé et épars. […] D’un côté, leur sensualité s’éveille et s’aiguise ; point d’ignorance ; peu de pudeur ; le langage libre ; l’allure risquée.
. — L’intégration ainsi entendue rend-elle les individus plus libres et plus heureux ? […] « S’il est une vérité que la sociologie a fermement établie, c’est que la société a sur l’individu une supériorité qui n’est pas simplement physique, mais intellectuelle et morale, qu’elle n’a rien à craindre du libre examen, pourvu qu’il en soit fait un juste emploi105. » — La discipline sociale dans son ensemble, y compris les croyances sociales, est « fondée en raison et en vérité ».
Dans le cadavre lui répète, la pensée devient une morte et on n’enseigne point le rythme libre de la vie. […] Il donne à qui sait lire la joie du plus merveilleux des spectacles : l’allure libre d’une de ces âmes philosophiques qui — dit à peu près Platon — savent porter avec grâce leur manteau de lumière.
j’étais libre. […] J’admire ma chatte qui va faire ses petits, et je suis éternellement votre fidèle esclave ; sans travailler, libre d’aller où je veux et n’allant nulle part.
Remettant en honneur les dons naturels et les affections primitives, et leur laissant leur libre jeu, il s’oppose à l’excès de raisonnement et d’analyse qui voudrait tout réduire à un amour de soi égoïste et cupide : « Le corps a ses grâces, l’esprit ses talents : le cœur n’aurait-il que des vices ? […] Quelles qu’aient pu être antérieurement les opinions par lesquelles il avait passé, Vauvenargues, à cette date de 1746 et jusqu’à sa mort, était donc et demeura dans des sentiments religieux, élevés, mais philosophiques et libres.
Avant 1815, on a un autre Courier, qui a devancé l’autre et qui l’explique, mais qui n’a rien encore de l’homme de parti ; soldat déjà trop peu discipliné sous la République, devenu incompatible et tout à fait récalcitrant sous l’Empire, mais curieux de l’étude, amateur du beau en tout ; un Grec, un Napolitain, un Italien des beaux temps, le moins Gaulois possible ; s’abandonnant tant qu’il peut à tous les caprices de sa libre vocation ; indépendant avec délices ; délicat et quinteux ; misanthrope et pourtant heureux ; jouissant des beautés de la nature, adorant les anciens, méprisant les hommes, ne croyant surtout pas aux grands hommes, faisant son choix de très peu d’amis. […] On sait peu de choses de ses premières années et des circonstances de sa première éducation, sinon qu’elle fut toute libre, agreste et assez irrégulière.
Il y est traité dans une libre et large manière : l’ample perruque de rigueur est noblement jetée sur son front et ne le surcharge pas ; il a l’attitude ferme et même fière, le port de tête assuré ; un demi-sourire moqueur erre sur ses lèvres ; le pli du nez un peu relevé, et celui de la bouche, indiquent l’habitude railleuse, rieuse et même mordante ; la lèvre pourtant est bonne et franche, entrouverte et parlante ; elle ne sait pas retenir le trait. […] Les quatre premiers chants du Lutrin nous expriment bien la veine, l’esprit de Boileau dans tout son honnête loisir, dans sa sérénité et son plus libre jeu, dans l’agrément rassis et le premier entrain de son après-dînée.
Pourtant, vu dans son jour et à sa mesure, Jordan a son prix ; c’est un disciple de La Mothe Le Vayer, de Gabriel Naudé et de ces honnêtes gens qui mêlent des pensées assez libres et nullement pédantesques à des études innocentes. […] Telle était sa disposition sincère après sa première conquête, après ce premier beau morceau d’histoire ; il aspirait à en rester là, et, l’épisode terminé, à rentrer dans ses propres voies, c’est-à-dire une bonne administration, une libre et gaie philosophie, l’amitié et les beaux-arts.
Or, le besoin de lire étant une traînée de poudre, une fois allumé il ne s’arrêtera plus, et, ceci combiné avec la simplification du travail matériel par les machines et l’augmentation du loisir de l’homme, le corps moins fatigué laissant l’intelligence plus libre, de vastes appétits de pensée s’éveilleront dans tous les cerveaux ; l’insatiable soif de connaître et de méditer deviendra de plus en plus la préoccupation humaine ; les lieux bas seront désertés pour les lieux hauts, ascension naturelle de toute intelligence grandissante ; on quittera Faublas et on lira l’Orestie ; là on goûtera au grand, et, une fois qu’on y aura goûté, on ne s’en rassasiera plus ; on dévorera le beau, parce que la délicatesse des esprits augmente en proportion de leur force ; et un jour viendra où, le plein de la civilisation se faisant, ces sommets presque déserts pendant des siècles, et hantés seulement par l’élite, Lucrèce, Dante, Shakespeare, seront couverts d’âmes venant chercher leur nourriture sur les cimes. […] Insistons d’ailleurs sur ceci, car l’émulation des esprits c’est la vie du beau, ô poètes, le premier rang est toujours libre.
Cet air exterieur les détruit aussitôt qu’elles redeviennent exposées à son action, au lieu qu’il n’endommage les peintures enterrées en des lieux où il avoit conservé un libre accès, que comme il endommage tous les tableaux peints à fresque. […] L’air exterieur s’étoit conservé un libre accès dans les tombeaux dont elles ornoient les murailles ; mais par la faute du proprietaire elles ne subsisterent pas long-temps.
Cependant il semble résulter des contes que, loin de refuser aux fils, nés de captifs et d’hommes libres, l’intelligence et les qualités de cœur, on les oppose souvent, et à leur avantage, aux enfants issus de parents libres l’un et l’autre.
Les uns auraient attaqué la propriété, la religion, la famille ; les autres auraient ridiculisé le mariage et préconisé l’union libre ; d’autres eussent vanté les bienfaits du cosmopolitisme et de l’association universelle. […] Mazel, George Bonnamour, Nathanson, Pierre Louÿs, Bernard Lazare, Romain Coolus, Petrus Ivanoff (de Kiev), Georges Vanor, Mme Jeanne Loiseau, Mlle Hélène Vacaresco, lauréate de l’Académie française, Fernand Clerget, Gustave Canqueteau, Jacques Ferny (du Chat noir), Mme Marie Krysinska, l’inventeur du vers libre sans rythme ni rime.
L’utilitarisme anglais, la politique anglaise, l’action anglaise, s’emparèrent de lui et nuisirent à un épanouissement de facultés qui eût été splendide, s’il avait été libre et dégagé de toute influence extérieure. […] C’est la plus libre et la plus noble des formes que la Critique puisse revêtir.
L’indignation même que l’on éprouve contre le mensonge, est utile ; elle affermit dans l’heureuse habitude d’être libre, et dans le besoin d’être vrai. […] L’esclave même veut donner de la dignité à ses fers ; à plus forte raison le sujet libre, et qui obéit aux lois sous un monarque.
On sait en effet qu’attaché de bonne heure à Mme de Staël par un sentiment plus vif encore et plus tendre que l’admiration, il avait voulu, à une certaine heure et quand elle fut libre, l’épouser, lui donner son nom et qu’elle s’y refusa absolument : il lui aurait semblé, à elle, en y consentant, déroger à quelques égards, faire tort à sa gloire, et, comme elle le disait gaiement, désorienter l’Europe.
Autour des trois ou quatre points de droit qui constituaient la jurisprudence gallicane, il s’était formé, à l’abri des parlements et de l’ancienne Université, une sorte d’esprit religieux modéré, assez libre, tout à fait tempéré, dans lequel de beaux génies avaient pu vivre et qui convenait aux raisons droites et modestes.
Voilà le cadre à la fois composé et vrai, où depuis qu’elle a laissé sa première manière d’élégie libre, pour se soucier de plus d’art, Mme Valmore nous semble réussir le mieux.
Thiers, analysé cette masse confuse de faits, si effrayante à tous égards ; il y pénètre, sans être arrêté par l’horreur ; car son esprit est libre de préoccupation et pur die souvenirs.
Massillon, Fléchier, hasardaient quelques principes indépendants à l’abri de saintes erreurs ; Pascal vivait dans le monde intellectuel des sciences et de la métaphysique religieuse ; La Rochefoucauld, La Bruyère, peignaient les hommes dans le cercle des sociétés particulières, avec une prodigieuse sagacité : mais comme il n’y avait point encore de nation, les grands traits des caractères politiques, qui ne sont formés que par les institutions libres, ne pouvaient y être dessinés.
S’il est une passion destructive du bonheur et de l’existence des pays libres, c’est la vengeance ; l’enthousiasme qu’inspire la liberté, l’ambition qu’elle excite, met les hommes dans un plus grand mouvement, fait naître plus d’occasions d’être opposés les uns aux autres.
C’est pour la conservation et l’honneur de cette caste que leur enfance se passe de caresses, et qu’elles ignoreront les libres fiançailles amoureuses.
Georges Pioch Parce qu’il participe de la vie par cet amour qui souffre et jouit d’homme à femme, parce qu’il la surpasse en bonté et la domine par le pardon, ce livre (Les Quatre Saisons), qui nous vient avec le printemps, peut-il être admiré et chéri comme le commentaire généreux d’une année ; mieux même : de l’Année… Le goût littéraire y cueille des joies rares : celles qu’un art hautain et délicat procure et que fortifie le rayonnement d’une libre pensée ; celles, aussi, d’une surprise.
. — Grisélidis, comédie en 3 actes, en vers libres, avec Eugène Morand (1891)
Quelques libres esprits se refusent à un tel abandon.
Libres de s’exercer dans la sphere des combinaisons, ils ne se sont point élancés dans le Monde poétique, où ils auroient paru étrangers ; ils se sont bornés aux plaisirs arides & immenses du calcul, sans songer à venir ravager les campagnes fleuries qu’arrose le Permesse.
Mais rentré à Athènes, retrempé dans son air énergique et libre, le petit satrape devint un grand citoyen.
Le poëte est libre.
Tous ces beaux génies vivoient dans la douceur d’un commerce libre & philosophique ; ils s’entr’aidoient à porter le fardeau de la vie, à se consoler des sottises humaines, à conserver sur la terre cette raison saine, ce feu pur & céleste, le partage de quelques ames privilégiées.
Quoique libre dans la peinture qu’il fait des vices, il avoit des mœurs austères.
On croiroit que l’amour fut une passion gaie à oüir les gentillesses que ces galands disent aux personnes qu’ils aiment ; ils ornent leurs discours enjouez de ces traits ingenieux, de ces métaphores brillantes, enfin de toutes les expressions fleuries qui ne sçauroient naître que dans une imagination libre.
c’est ce Contrat, l’emphytéose du xixe siècle, hors duquel il n’y a de salut philosophique pour personne parmi ceux qui s’appellent de la libre pensée, mais que nous appelons, nous, de la très servile ; c’est ce Contrat social que nous demandons la permission d’analyser en quelques mots.
Seulement, voici qui est particulier et par où le philosophe se distingue du pur artiste : si Taine considère que tous ces gens qu’il croise dans ses tournées sont asservis à une telle conception de la vie qu’il ne peut collaborer avec eux, il ne peut pourtant pas en prendre son parti et, comme un Gautier, un Flaubert, un Leconte de Lisle, déclarer : « Je ne connais pas ces bourgeois ; je me désintéresse de tout ce qui les préoccupe » ; en tant que sociologue, il faut bien qu’il envisage les destinées de son pays, et dans cet esprit doué si merveilleusement d’imagination philosophique et historique, cette horreur du « bourgeois », du « philistin », aboutira à cette déclaration que le type du fonctionnaire français, que l’esprit fonctionnaire (qui ne se trouve pas seulement dans les administrations, mais qui a peu à peu pénétré même les professions libres) doit déterminer la mort de l’énergie française et, par conséquent, la décadence de notre patrie.
La faveur qu’il trouvait chez ces princes, la conserva-t-il au même degré dans les villes libres de la Grèce et parmi ses propres concitoyens ?
S’il ne les dompte pas, aura-t-il des remords, signe qu’il était libre et se sentait libre de les dompter ? […] Jeudy, qui ne donnait pas une traduction, mais une imitation libre, j’aurais abrégé et resserré, beaucoup resserré. […] Il n’est que d’être dominée par un pédant pour se croire une « femme libre » et rêver de la liberté des femmes. […] Hermione est libre de placer son cœur où elle l’entend ; Andromaque ne l’est pas. […] Elle lui garde une fidélité absolue tant qu’elle le croit vivant, renfermant douloureusement son secret dans son cœur. — Elle le croit mort, elle se sent libre. — Il revient, elle obéira. — Mais il abuse de sa loyauté, elle se sent libre de nouveau à l’égard de qui n’est pas digne d’elle, mais libre, non pour s’unir à qui elle aime, ce serait répondre au traître par une trahison, libre pour emporter dans sa tombe sa loyauté sans défaillance, sa fidélité sans faiblesse, son honneur sans tache, son amour sans impureté.
Notre esprit peut toujours rester libre de les accepter ou de les discuter. […] Le géomètre n’est pas libre de mettre en doute si les trois angles d’un triangle sont égaux ou non à deux droits ; par conséquent, il n’est pas libre de rejeter les conséquences logiques qui se déduisent de ce principe. […] La méthode expérimentale, méthode du libre penseur, ne cherche que la vérité scientifique. […] Dans tous les cas, la perfection de la machine consistera à être de plus en plus libre et indépendante, de façon à subir de moins en moins les influences du milieu extérieur. […] C’est ce qu’on observe quand on met un petit animal sous la machine pneumatique. ; ses poumons sont obstrués par les gaz devenus libres dans le sang.
Le droit romain, et toutes ses maximes de pouvoir absolu, avait déjà pris peu à peu la place du droit public des libres nations d’origine germanique. […] Il était libre à chacun de trouver grande et poétique la guerre de Troie, mais admirer les Croisades eût été une chose inouïe. […] Cet armistice de deux partis qui trouvent leur avantage à rester en présence, sans combattre, constituerait les états à la fois libres et heureux. […] On se souciait peu de savoir ce que d’autres avaient pensé ou senti sur les faits : chacun voulait les avoir à sa libre disposition, afin de bâtir sur cette base un édifice de raisonnement tout nouveau. […] Une fois, on se crut plus libre, et une bannière fut trouvée flottant au-dessus de sa sépulture.
Tel est le sens contenu dans les vers d’Horace : Segnius irritant animos demissa per aurem Quam quæ sunt oculis subjecta fidelibus278, vers dont une traduction libre peut seule mettre en lumière la signification psychologique : ils veulent dire que la parole, entendue ou lue, réveille imparfaitement les idées dans les esprits, s’il ne s’y joint une représentation visible des choses qu’elle décrit. […] V, § 7] s’impose en pareil cas, la parole ou la remémoration muette étant comme une machine toute montée qui marche seule, en laissant nos facultés libres de s’attacher pendant ce temps à un autre objet, et sans pouvoir même les retenir à surveiller son fonctionnement. […] Toute libre invention qui n’a pas été préparée de longue date et réglée dans sa forme générale par de longs efforts d’assimilation patiente et d’examen méthodique, est condamnée d’avance à manquer le but qu’elle poursuivra. […] Il est d’ailleurs à peu près impossible que la réflexion, chez l’esprit le mieux fait et le plus ouvert, s’exerce également dans toutes les directions ; la plupart des inventeurs des esprits critiques, des libres penseurs de toute nature ont chacun leur domaine propre, hors duquel la personnalité de l’esprit fait place à une docilité plus ou moins complète à l’égard des idées reçues. Souvent aussi, ce qui s’intitule libre pensée n’est que la soumission aux idées d’une petite secte, indépendante à coup sûr par rapport aux groupes sociaux plus vastes qui l’entourent, mais hostile à tout individualisme, à toute indépendance intérieure ; la liberté de l’esprit ne s’est alors exercée qu’une fois, et sur une seule question, le choix d’une autorité.
Morillot, des impressions plus vives et plus libres que celles qu’il lui était permis de rendre. […] On faisait chez lui des soupers où chacun apportait son plat ; on y était plus libre qu’ailleurs. […] Plus libres sur d’autres points, nous sommes, nous, plus retenus sur celui-là. […] Elle arrive, gaie, moqueuse, la parole libre et hardie. […] Et ce mot de Clotilde : « Vous êtes un libre penseur !
» Il va lui-même au-devant des objections que soulève le didactique en pareille matière, lorsqu’il dit : « En tous les exercices, comme la danse, faire des armes, voltiger, ou monter à cheval, on connoît les excellents maîtres du métier à je ne sais quoi de libre et d’aisé qui plaît toujours, mais qu’on ne peut guère acquérir sans une grande pratique ; ce n’est pas encore assez de s’y être longtemps exercé, à moins que d’en avoir pris les meilleures voies. […] Il remarque finement que les choses qu’on ne prononce jamais et qui ne sont faites que pour être lues des yeux, comme une histoire ou quelque composition d’un genre rassis, ne doivent pas s’écrire comme l’on ferait un conte en conversation ; l’histoire est plus noble et plus sévère, la conversation est plus libre et plus négligée. […] On entrevoit dans ses Lettres tout un groupe plus naturel que lui, plus hardi et plus libre, toute une délicieuse bande qui précède en date et qui présage le groupe des Du Deffand, des Hénault et des Desalleurs, de ces contemporains de la jeunesse de Voltaire. […] Chez nous, Mme de Sévigné l’a écrasé d’un mot, pour avoir osé critiquer Voiture : « Corbinelli, dit-elle59, abandonne le chevalier de Méré et son chien de style, et la ridicule critique qu’il fait, en collet-monté, d’un esprit libre, badin et charmant comme Voiture : tant pis pour ceux qui ne l’entendent pas !
de l’esclave de la foi qui s’émerveillait d’avoir douté ; cette figure du libre penseur prisonnier de Dieu ; ce masque imprévu, si absolument divers, frivole et profond, travaillé par la fièvre du savoir, mais tout pénétré de sérénités naïves, qui m’a fait si souvent, si souvent, penser et pleurer… « Il est là, le vieil homme que j’aimais, — véritablement homme, pétri d’humilité et de dédains, de charité et de cruautés ; amalgame de douceur, d’amertumes, d’obéissance, de murmures, d’imprudence et de sagesse, et bon, loyal et généreux ! […] Si ce talent robuste, à une époque de talents fins, et qui n’a pas laissé de renommée en proportion avec la force samsonienne que ses œuvres affirment, s’était donné à la Libre Pensée comme il s’est donné au Catholicisme, quelle gloire ne lui auraient pas faite les tapageurs qui ont fait celles de Renan et de Proudhon ! […] Selon la lâcheté traditionnelle, les Muets de la Libre Pensée (de bavards, ils l’étaient devenus !) […] Les gens de la Libre Pensée pouvaient nous railler et nous dire : « Vous avez pour vous la vérité ; vous pouvez vous passer du reste. » Eh bien, messieurs, nous ne nous en passerons pas !
Et cette sympathie se produit en particulier quand la nature nous présente des êtres aux proportions normales, tels que notre attention se divise également entre toutes les parties de la figure sans se fixer sur aucune d’elles : notre faculté de percevoir se trouvant alors bercée par cette espèce d’harmonie, rien n’arrête plus le libre essor de la sensibilité, qui n’attend jamais que la chute de l’obstacle pour être émue sympathiquement. — Il résulte de cette analyse que le sentiment du beau n’est pas un sentiment spécial, mais que tout sentiment éprouvé par nous revêtira un caractère esthétique, pourvu qu’il ait été suggéré, et non pas causé. […] C’est que là où l’émotion se donne libre carrière, la conscience ne s’arrête pas au détail des mouvements concomitants : elle s’y arrête au contraire, elle se concentre sur eux quand elle vise à les dissimuler. […] Il faut remarquer en outre qu’on s’élève par degrés insensibles des mouvements automatiques aux mouvements libres, et que ces derniers diffèrent surtout des précédents en ce qu’ils nous présentent, entre l’action extérieure qui en est l’occasion et la réaction voulue qui s’ensuit, une sensation affective intercalée. […] L’intensité des sensations affectives ne serait donc que la conscience que nous prenons des mouvements involontaires qui commencent, qui se dessinent en quelque sorte dans ces états, et qui auraient suivi leur libre cours si la nature eût fait de nous des automates, et non des êtres conscients.
L’importance des chœurs, le petit nombre des personnages, leur dialogue antithétique, leur qualité sociale, l’usage même du vers, tout cela s’explique, non point par un libre choix de la volonté, mais par la genèse de la tragédie. […] La vérité psychologique, dans la libre création, avec ou sans histoire, voilà la seule exigence possible. […] On pourrait aisément retourner toute l’argumentation de Brunetière et prouver que les souverains sont moins libres que leurs sujets ; les bonnes fortunes leur sont faciles, l’amour-passion leur est interdit, et ils n’ont pas l’air d’en souffrir beaucoup. […] — Et les principes directeurs offrent une probabilité du même genre : le christianisme, qui fut un élément essentiel du moyen Âge, semble étranger au principe de la Renaissance et à celui de la Révolution ; en théorie, oui ; dans la pratique, il a gardé une importance considérable, non seulement en ce qu’il a d’éternellement vrai, mais aussi en ce que ses dogmes ont de suranné et d’inhumain : l’Église romaine commande encore à des millions de consciences ; la notion chrétienne du Mal trouble encore notre morale et même notre droit pénal ; bien plus : l’intolérance haineuse des « libres penseurs » est elle-même une action du christianisme qui entrave ainsi l’évolution de cette humanité qu’il avait jadis délivrée.
Une idée politique se mêlait aux inquiétudes et aux angoisses croissantes de Bernis : M. de Choiseul n’était point engagé aussi directement que lui dans la politique de l’alliance, et, à son entrée, on était libre de rompre ou de modifier ce qui avait été réglé par d’autres. […] Je l’aiderai de tous mes moyens, et j’aurai la tête plus libre dès que je cesserai de manquer à ma parole.
C’est, on le voit, un Français qui n’est pas tout à fait du Centre ni de l’Île-de-France, mais qui se sent des frontières et qui a ses origines et ses alliances du côté des Villes libres. […] Metz et la province des Trois-Évêchés, de même que l’Alsace et la Lorraine, malgré leur réunion politique au royaume, étaient restés assimilés à l’étranger en ce qui était du commerce ; de telle sorte que leurs communications, libres du côté de l’Allemagne, étaient aussi entravées que celles des Allemands mêmes du côté de la France.
Lavallée a eu soin de placer aussi un portrait de l’illustre fondatrice, où revit cette grâce si réelle, si sobre, si indéfinissable, et qui, sujette à disparaître de loin, ne doit jamais s’oublier quand par moments la figure nous paraît un peu sèche ; il l’emprunte aux Dames de Saint-Cyr dont la plume, par sa vivacité et ses couleurs, est digne cette fois d’une Caylus ou d’une Sévigné : Elle avait (vers l’âge de cinquante ans), disent ces Dames, le son de voix le plus agréable, un ton affectueux, un front ouvert et riant, le geste naturel de la plus belle main, des yeux de feu, les mouvements d’une taille libre si affectueuse et si régulière qu’elle effaçait les plus belles de la Cour… Le premier coup d’œil était imposant et comme voilé de sévérité : le sourire et la voix ouvraient le nuage… Saint-Cyr, dans son idée complète, ne fut pas seulement un pensionnat, puis un couvent de filles nobles, une bonne œuvre en même temps qu’un délassement de Mme de Maintenon : ce fut quelque chose de plus hautement conçu, une fondation digne en tout de Louis XIV et de son siècle. […] Elle demande partout aux Dames qu’elle a formées le talent de la récréation autant que celui de la classe : « Rendez vos récréations gaies et libres ; on y viendra. » Louis XIV, à Saint-Cyr, apparaît plein de charme, de noblesse toujours, et parfois d’une certaine bonhomie qu’il n’eut que là.
Mais elle tenait à son pays, à sa souche allemande, à son Rhin allemand, par d’autres souvenirs que par celui des mets et de la cuisine nationale : elle aimait la nature, la campagne, la vie libre, un peu sauvage ; ses impressions d’enfance lui revenaient avec des bouffées de fraîcheur. […] Elle n’était pas si inférieure à ce roi qu’on le croirait, ou plutôt elle ne lui était inférieure qu’en politesse, en mesure, en esprit de suite et de précision : mais, à certains égards, elle le jugeait avec bien de l’intelligence et avec un bon sens plus libre et plus étendu qu’il n’osait se le permettre pour son propre compte ; elle le trouvait ignorant sur une foule de points, et elle avait raison.
Il était bien dans son droit : il n’avait écrit sa dissertation latine sur Voiture qu’à la demande de Balzac, il n’avait jamais songé à l’imprimer ; c’était Costar qui avait publié la réfutation avant la pièce même à laquelle il répondait, et qui ensuite avait donné au public la dissertation elle-même : J’entre, disait Girac en commençant, dans un combat que je n’ai pu éviter, y étant provoqué de la plus pressante manière qu’on le puisse être ; car, quelque ennemi que je sois de toute sorte de contestation, le défi qu’on m’a fait étant public, et mon adversaire se présentant comme en triomphe à la vue du peuple, il ne m’a pas été libre de demeurer sans lui repartir. […] On n’y voit point la grandeur, la majesté, la magnificence et la pompe de votre style, cette rapidité impétueuse semblable aux torrents… M. de Voiture a fait judicieusement de vous laisser toute libre cette large et vaste carrière du genre sublime, ayant reconnu que vous en aviez remporté le prix, et qu’il ne restait plus d’honneur à y acquérir après vous.
Sentant que La Rochelle, ce boulevard des protestants, était de plus en plus bloquée par le fort Louis et du côté des îles de Ré et d’Oléron, et qu’elle étouffait si l’on n’avait la libre communication de la mer, Soubise alla se saisir à Blavet (ou Port-Louis) de vaisseaux de haut bord qui s’y équipaient, et, après des hasards divers, il parvint à sortir avec sa prise. […] En revanche, Rohan se plaît fort à célébrer une action héroïque de sept soldats de Foix qui, s’enfermant dans une bicoque auprès de Carlat, arrêtèrent le maréchal et toute son armée deux jours entiers, et, après lui avoir tué plus de quarante hommes, se sauvèrent au nombre de quatre ; trois sur les sept, trois proches parents, voulurent demeurer et se sacrifier, parce que l’un était blessé et hors d’état de sortir : « Ainsi les quatre autres, dit Rohan, à la sollicitation de ceux-ci et à la faveur de la nuit, après s’être embrassés, se sauvent, et ces trois-ci se mettent à la porte, chargent leurs arquebuses, attendent patiemment la venue du jour, et reçoivent courageusement les ennemis, desquels en ayant tué plusieurs, meurent libres. » Ce sont là les seuls éclairs du récit chez Rohan, qui voudrait bien assurer aux noms de ces braves soldats une immortalité dont il n’est pas le dispensateur : il fallait de certains échos particuliers, et qui ne se retrouvent pas deux fois, pour nous renvoyer les glorieux noms qui ont illustré les Thermopyles.
Il rassemblait non seulement tout ce qui peut contribuer au charme des oreilles, une élocution noble et coulante, une prononciation animée, je ne sais quoi d’insinuant et d’aimable dans la voix, mais encore tout ce qui peut fixer agréablement les yeux, une physionomie solaire, un grand air de majesté, un geste libre et régulier. » Cette physionomie solaire, qui était à l’ordre du jour sous Louis XIV et à l’instar du maître, répond bien aux beaux portraits peints ou gravés qu’on a de M. de Harlay : je veux parler surtout de ceux de Nanteuil, de Van Schuppen et de Champagne. […] L’abbé Legendre, malgré le titre qu’on lui donne ou qu’il prend en tête des Mémoires, n’était pas proprement le secrétaire du prélat ou, si l’on veut, ce n’était qu’un secrétaire libre et détaché, qu’il employait aux recherches et qu’il envoyait à la découverte.
L’histoire sévère se détend un peu et se diversifie, la libre curiosité commence dans les recherches que je vois faire depuis quelque temps au comte Hector de Laferrière : il trouve ou on lui communique, par exemple, un livre de dépenses de Marguerite, reine de Navarre, la sœur de François Ier, et il en profite pour nous donner une Étude ingénieuse et plus précise qu’on ne l’avait fait encore sur les dernières années de cette bonne et estimable princesse44. […] Et de même que, conseiller au Parlement de Bordeaux, il faisait toutes les remarques que le bon sens et l’humanité pouvaient suggérer à un aussi excellent et aussi libre esprit, témoin des chicanes, des procédures sans fin, des misères et des horreurs, des géhennes et des tourments, mais sans s’attacher toutefois à une réforme, sans la prendre à cœur et s’y vouer par zèle pour l’humanité et la justice, comme il appartenait à l’âme d’un L’Hôpital ; de même, en qualité de maire et de chef d’une cité, il n’avait rien d’un Eustache de Saint-Pierre, ou d’un Guiton, maire de la Rochelle, de ceux qui se sacrifient et s’immolent volontiers pour un peuple ou pour une cause.