Avec ces trois conditions essentielles à un critique, il eût dit ce qu’il pensoit, & l’eût dit en moins de volumes. […] Mais la promptitude du dénouement ne doit pas nuire à sa vraissemblance, ni sa vraissemblance à son incertitude ; conditions faciles à remplir séparément, mais difficiles à concilier. […] Sur le principe déja posé que l’églogue est le tableau d’une condition digne d’envie, tous les traits qu’elle présente doivent concourir à former ce tableau. […] qu’auroit fait par exemple, l’auteur des discours sur l’égalité des conditions, & sur la modération dans les desirs ? […] A ces conditions on ne peut trop multiplier les morceaux dramatiques dans l’épopée ; ils y répandent la chaleur & la vie.
Dire que la race, le milieu et le moment sont des influences notables, ou, si l’on veut, des « conditions », ce n’est point assez au gré de ce déterministe. […] Les Grecs ne sont pas le seul peuple qui ait vécu dans des conditions favorables de climat. […] Il a décrit bien des conditions diverses, bien des catégories de gens, bien des sortes de lieux, les mauvais surtout, avec des haltes complaisantes dans les pires. […] Qu’ils sont vrais, ses paysans de tout âge et de toute condition, propriétaires, fermiers et valets ! […] Les phénomènes physico-chimiques en sont les conditions nécessaires, non suffisantes.
Il représente l’art dans sa conception la plus haute, la plus pure, la plus affranchie de toutes conditions temporelles. […] Les conditions vitales de son œuvre c’est lui seul à nouveau qui les détermine. […] Le temps passé où l’œuvre fut pour la première fois jouée, dans de très spéciales conditions, il faut qu’elle demeure « œuvre d’art absolu » aussi absolue qu’un poème. […] Dans ces pauvres conditions, quel intérêt viendront présenter les conflits ? […] Certes il nous paraîtra atteindre dans ce jeu à une adresse véritable, mais à condition que nous jugions ses coups de loin.
Elle n’est nulle part plus complète et plus frappante que dans Hamlet, car les deux conditions du grand effet dramatique s’y trouvent, l’unité dans la variété ; une seule impression constante, dominante ; et cette même impression diversifiée selon le caractère, le tour d’esprit, la condition des divers personnages dans lesquels elle se reproduit. […] Cette intention de satire se remarque surtout dans le choix des caractères, qu’on pourrait appeler une véritable critique du cœur de l’homme eu général dans toutes les conditions de la vie. […] La situation lui a paru posséder les conditions d’une grande scène dramatique ; le fait l’a frappé comme un cadre heureux où pouvait venir se placer la vie. […] Dans la nouvelle de ser Giovanni, la dame de Belmont n’est point une jeune fille forcée de soumettre son choix aux conditions prescrites par le singulier testament de son père, mais une jeune veuve qui, de sa propre volonté, impose une condition beaucoup plus singulière à ceux que le hasard ou le choix fait aborder dans son port. […] Mais épuisé par les précédentes entreprises, il est obligé pour celle-là d’emprunter à un juif la somme de dix mille ducats, aux mêmes conditions que celles qu’impose Shylock à Antonio.
Nous ne pouvons concevoir la vertu sans la liberté de l’homme, ni la vie éternelle sans la vertu ; cette chaîne, dont le premier anneau nous est tout à la fois incompréhensible et indispensable, doit être considérée comme la condition de notre être. […] La vieillesse et la mort devraient mettre tous les hommes au désespoir bien plus que leurs chagrins particuliers ; mais on se soumet facilement à la condition universelle, et l’on se révolte contre son propre partage, sans réfléchir, que la condition universelle se retrouve dans chaque lot, et que les différences sont plus apparentes que réelles. […] Dans un tel système l’on se considère comme uniquement au service de soi-même et libre de se quitter dès qu’on n’est plus content des conditions du sort.
Cette faute de mon Raphaël fut la faute de votre Volupté : l’homme est double, mais ce n’est pas dans le même moment ; la passion n’est vraie qu’à la condition d’être simple. […] « Je crois être dans le vrai en insistant sur cette médiocrité de fortune et de condition rurale dans laquelle était né Virgile, médiocrité, ai-je dit, qui rend tout mieux senti et plus cher, parce qu’on y touche à chaque instant la limite, parce qu’on y a toujours présent le moment où l’on a acquis et celui où l’on peut tout perdre : non que je veuille prétendre que les grands et les riches ne tiennent pas également à leurs vastes propriétés, à leurs forêts, leurs chasses, leurs parcs et châteaux ; mais ils y tiennent moins tendrement, en quelque sorte, que le pauvre ou le modeste possesseur d’un enclos où il a mis de ses sueurs, et qui y a compté les ceps et les pommiers ; qui a presque compté à l’avance, à chaque récolte, ses pommes, ses grappes de raisin bientôt mûres, et qui sait le nombre de ses essaims. […] Sur ce conseil ou cet ordre amical donné par Mécène à Virgile, et dont lui seul pouvait dignement embrasser et conduire le difficile labeur, l’un des hommes qui savaient le mieux la chose romaine, Gibbon, a eu une vue très ingénieuse, une vue élevée : selon lui, Mécène aurait eu l’idée, par ce grand poème rural, tout à fait dans le goût des Romains, de donner aux vétérans, mis en possession des terres (ce qui était une habitude depuis Sylla), le goût de leur nouvelle condition et de l’agriculture. […] Vous examinez ensuite quelles sont les conditions du poème épique.
Mais par là même il échappe à la condition passagère des luttes d’église et de parti ; la postérité l’écoute encore, et ce qui fut un obstacle à sa fortune est le fondement de sa gloire. […] Swift se retrouva donc dans cette « terre d’exil », et bien que sa condition y fût très supportable, la perte de toute influence politique, la nécessité de renoncer à toute ambition, l’éloignement offensant que lui montrait la population protestante, animée contre les Tories et contre les Stuarts, rendirent très pénibles les premiers moments de sa chute. […] Les conditions de Goliath pour son combat sont celles que nous fait M. […] Mais s’il arrive que je triomphe de lui, je renonce à l’avantage que me fait cette condition ; il ne sera jamais mon serviteur ; je ne crois pas bon de lui confier la boutique d’aucun honnête homme. » Cependant le gouvernement anglais persistait.
Les ouvrages théoriques de Richard Wagner, depuis le Projet pour l’organisation d’un théâtre national allemand dans le royaume de Saxe, écrit en 1849, jusque le traité sur la Religion et l’Art, publié dans le journal de Bayreuth, en 1880, peuvent être considérés, dans leur ordre chronologique, comme des réponses successives à trois questions : 1° Quelle doit être l’œuvre d’art idéale ; 2° Quelles doivent être les conditions idéales de sa représentation ; 3° A quel public se doit elle adresser10. […] Villot, écrite dans des conditions spéciales, Wagner ne revient plus guère sur cette définition théorique de l’œuvre d’art. L’œuvre d’art qu’il rêvait, il l’a maintenant réalisée en Tristan et Isolde, en sa Tétralogie du Nibelung ; il songe désormais aux détails techniques de ses créations, surtout aux conditions où elles pourront être exécutées. […] Puis, après la révolution, jusqu’en 1880, des écrits de fond répondent à trois questions : la nature de l’œuvre d’art idéale, les conditions idéales de sa représentation, son public.
Ainsi, nous reconnûmes que, pour toute chose, il faut un génie et une vraie vocation, conditions que, dans ce cas, nous accordions de plein cœur à M. […] La conception dite pessimiste du monde ne doit nous sembler ici justifiée qu’à condition que nous supposions qu’elle se fende sur la critique de l’homme historique ; et elle subirait certainement de nombreuses modifications, si nous connaissions l’homme préhistorique suffisamment pour conclure des éléments de sa nature primitive à la décadence dans laquelle il est tombé par la suite, décadence qui ne résultait pas nécessairement de sa nature même. […] Mais il condamne plus discrètement l’inégalité des conditions humaines. […] de cette condition, presque constamment, est une impossibilité !
Béranger, au commencement, s’est choisi un auditoire restreint, un auditoire borné, non seulement par les frontières de la nation que le chansonnier célèbre, mais par la condition sociale et par les opinions partielles de cette fraction du pays. […] La vérité même ne devient française qu’à la condition d’avoir le sourire sur la bouche. […] Je ne pense jamais sans m’attendrir aux bontés de cette femme accomplie pour moi ; à ses conseils, qui sont devenus mes proverbes ; aux soins qu’elle se donnait pour me procurer, à Péronne, l’éducation et l’instruction les plus propres à faire de moi, un jour, ou un artisan supérieur à sa condition, ou un homme distingué dans les professions libérales, vers lesquelles elle se complaisait à me diriger. » On peut lire à cet égard de très intéressants détails justificatifs de mon opinion dans le Petit Évangile de la jeunesse de Béranger, selon un artisan son disciple, M. […] Une laborieuse et fidèle domesticité ne l’aurait pas, à mes yeux, subalternisé moralement davantage ; mais il faut appeler les choses par leur nom : le petit Béranger n’était pas garçon d’auberge ; il était le neveu et le pupille chéri d’une tante aisée, pieuse, lettrée pour sa condition, qui lui prêtait sa maison, sa bourse et son cœur pour l’élever, par une éducation vigilante, à une honorable profession dans la société.
Telle est l’utilité vraie ou prétendue que les gens de lettres croient retirer pour leur réputation du commerce des grands : j’entends par ce mot tous ceux qui sont parvenus, soit par leurs ancêtres, soit par eux-mêmes, à jouir dans la société d’une existence considérable ; car la puissance du prince qui dans un État aussi monarchique que le nôtre est proprement le seul grand seigneur, a confondu bien des états ; l’opulence, ce gage de l’indépendance et du crédit, se place volontiers de sa propre autorité à côté de la haute naissance, et je ne sais si on a tort de le souffrir ; il semble même que les états inférieurs qui sont privés de l’un et de l’autre de ces avantages, cherchent à les mettre sur la même ligne, pour diminuer sans doute le nombre des classes d’hommes qui sont au-dessus de la leur, et rapprocher les différentes conditions de cette égalité si naturelle vers laquelle on tend toujours même sans y penser. […] Je sais que la plupart des grands se récrieront contre un tel reproche ; mais qu’ils interrogent leur conscience, qu’ils nous laissent même examiner leurs discours, et nous demeurerons convaincus que le nom d’homme de lettres est regardé par eux comme un titre subalterne qui ne peut être le partage que d’un État inférieur ; comme si l’art d’instruire et d’éclairer les hommes n’était pas, après l’art si rare de bien gouverner, le plus noble apanage de la condition humaine. […] Si on croit devoir laisser un libre cours aux libelles et aux satires, en ce cas que toutes les conditions et tous les états en puissent être indifféremment l’objet. […] Ce n’est qu’à ce prix qu’on mérite de l’être ; mais combien peu voudraient d’un pareil titre à de pareilles conditions ?
Cette différence est d’ailleurs la condition même de cette identité. […] Dans ces conditions, le Temps de Paul est cent fois plus lent que celui de Pierre. […] Il convient d’appeler successives les indications concordantes d’horloges qui auront été réglées l’une sur l’autre dans les conditions où il aperçoit le système S′ — je veux dire réglées de telle manière qu’un observateur extérieur au système n’attribue pas le même trajet au signal optique pour l’aller et pour le retour. […] Or, à ses yeux, la lumière se meut avec une vitesse moindre pour le système S′ (les conditions de l’expérience étant celles que nous avons indiquées plus haut) ; mais aussi, les horloges en S′ ayant été réglées de manière à marquer des simultanéités là où il aperçoit des successions, les choses vont s’arranger de telle sorte que l’expérience réelle en S et l’expérience simplement imaginée en S′ donneront le même nombre pour la vitesse de la lumière.
Pendant des années, Bernis supporta avec insouciance et gaieté cette condition de gêne, ce contraste entre ses goûts et sa situation, entre tout ce qu’il voyait et ce qu’il n’avait pas : il avait « l’âme courageuse et douce ». […] Mais Boyer, chargé de la feuille des bénéfices, résistait aux instances des protecteurs, même les plus puissants, de Bernis ; il mettait une condition (qui d’ailleurs nous semble aujourd’hui assez raisonnable) aux grâces ecclésiastiques qu’on sollicitait pour lui : il exigeait que Bernis s’engageât sérieusement à son état, qu’il cessât d’être abbé seulement de nom, et qu’il devînt un prêtre.
Ainsi, dans son audace première il voulait d’abord en tout et partout le triomphe du principe électif ; il voulait l’élection des juges, celle des dépositaires du Trésor et du corps même des finances : ces dépositaires du Trésor eussent été nommés par l’Assemblée et responsables devant elle ; il voulait que l’armée fût assermentée à la nation, toutes conditions reconnues depuis incompatibles avec la Constitution monarchique. […] Dans la discussion au sujet du marc d’argent qu’on imposait pour condition aux éligibles, et que Roederer eût trouvé plus juste d’imposer aux électeurs, M. de Talleyrand lui écrivait : « Vos réflexions, monsieur, sont excellentes ; elles appartiennent à un homme qui médite avec l’esprit le plus et le mieux philosophique. » Après l’Assemblée constituante, Roederer nommé par le collège électoral de la Seine procureur général syndic de ce département se trouva, comme administrateur, à même de sentir la faiblesse de l’instrument que l’autorité avait en main contre l’anarchie ou plutôt contre la démocratie organisée.
Elle représenta au roi, après une visite qu’il avait faite à Noisy et dont il avait été fort content, que « la plupart des familles nobles de son royaume étaient réduites à un pitoyable état par les dépenses que leurs chefs avaient été obligés de faire à son service ; que leurs enfants avaient besoin d’être soutenus pour ne pas tomber tout à fait dans l’abaissement ; que ce serait une œuvre digne de sa piété et de sa grandeur, de faire un établissement solide qui fût l’asile des pauvres demoiselles de son royaume, et où elles fussent élevées dans la piété et dans tous les devoirs de leur condition. » Le père de La Chaise appuyait le projet ; Louvois se récriait sur la dépense. […] Elle voulait que les Dames parlaient hardiment à leurs élèves de l’état de mariage, et leur montrassent le monde et ses conditions diverses telles qu’elles sont : « La plupart des religieuses, disait-elle, n’osent pas prononcer le nom de mariage ; saint Paul n’avait pas cette fausse délicatesse, car il en parle très ouvertement. » Et elle était la première à en parler comme d’un état honnête, nécessaire, hasardeux : Quand vos demoiselles auront passé par le mariage, elles verront qu’il n’y a pas de quoi rire.
On s’en moquera tant que l’on voudra ; le reste de la vie n’est que de la galanterie, de la convenance, des traités, dont la condition secrète est de songer à se quitter au moment que l’on se choisit, comme l’on dit que l’on parle de mort dans les contrats de mariage. […] Moyennant toutes ces conditions, et « un peu de cette hardiesse et de cette liberté anglaise qui nous manque », Voltaire promettait au François II de valoir mieux que toutes les pièces de Shakespeare : c’était là une pure gaieté.
Elle compatit aux pauvres gens et aux affligés que frappe cette banqueroute ; elle en donne les détails et les chiffres précis à Senac de Meilhan, son correspondant très cher ; et, voyant la superbe famille de Rohan si humiliée et par cette catastrophe et par d’autres accidents qui bientôt suivirent, elle en revient aux réflexions morales ; elle se félicite au moins de ne tenir à rien, et de ne point prêter à ces revers subits du faste et à ces chutes de l’ambition ; elle se rejette dans la médiocrité, comme disait La Bruyère : Ô obscurité, s’écrie-t-elle avec un sentiment moral qui ferait honneur à toutes les conditions, tu es la sauvegarde du repos, et par conséquent du bonheur ; car qui peut dire ce qu’on serait en voulant des places, des biens, des titres, des rangs au-dessus des autres, où on arrive par l’intrigue, où on se maintient par la bassesse, et dont on sort avec confusion souvent, et toujours avec douleur ? […] Le nom de la marquise de Créqui se présenta avec toutes sortes d’avantages et comme réunissant le plus de conditions : point de descendant ni d’héritier, une vie longue et qu’avec un peu d’adresse on pouvait étendre jusqu’à la durée d’un siècle, un souvenir déjà vague d’une personne de beaucoup d’esprit et mordante.
» — Telle était déjà la France, au sortir des mains de Louis XIV ; l’entreprenant Écossais nous louait là d’une qualité qui est bien souvent notre défaut, de la condition de célérité et de vigueur qui est aussi notre péril, mais qui tant de fois aussi a fait de l’action française un prodige. […] Il avait écrit là-dessus un premier, puis un second mémoire, dans lesquels il proposait un plan de partage et concluait à l’établissement d’un équilibre italique dont la première condition était l’entière expulsion des Allemands.
Sur cette simple définition du critique, se demander si M. de Pontmartin en remplit les conditions, c’est déjà avoir répondu. […] Cette jeune enfant de dix à onze ains, amenée un matin au pensionnat par une mère belle, superbe, au front de génie et à la démarche orageuse ; le peu d’empressement de la maîtresse de pension à la recevoir, la froide réserve de celle-ci envers la mère, son changement de ton et de sentiment quand elle a jeté les yeux sur le front candide de la jeune enfant, les conditions qu’elle impose ; puis les premières années de pension de la jeune fille, ses tendres amitiés avec ses compagnes, toujours commencées vivement, mais bientôt refroidies et abandonnées sans qu’il y ait de sa faute et sans qu’elle se rende compte du mystère ; l’amitié plus durable avec une seule plus âgée qu’elle et qui a dans le caractère et dans l’esprit plus d’indépendance que les autres ; tout cela est bien touché, pas trop appuyé, d’une grande finesse d’analyse.
Nous l’avons vu dans les assemblées du Parlement être l’oracle des opinions ; s’est-il agi de rédiger les avis, prendre la plume et, au milieu de cent cinquante personnes, aussi recueilli que dans son cabinet, nous lire des résumés qui ont été adoptés unanimement : aussi est-il la passion du Parlement, et il les a bien servis, et peut-être trop bien, lorsqu’il les a fait revenir de leur exil (1754) sans aucunes conditions qui auraient peut-être été nécessaires pour le maintien de l’autorité royale. […] On doit s’attendre que des hommes dans sa condition ne seront pas poussés à agir par des mobiles privés… Il pourrait faire sans doute un pas extraordinaire en considération d’un mérite extraordinaire… Mais, s’il ne le fait point, aurait-on bonne grâce à s’en plaindre et à en concevoir le moindre ressentiment ?
Le jeune prince avait passé quelque temps chez elle à Auteuil, à la condition qu’elle lui rendrait sa visite à Stockholm. […] Quand on a eu une vraie distinction, on ne meurt jamais entièrement au sein de la société et du régime dont on a été, qui vous a produit et qui vous survit, et où se transmettent tant bien que mal les souvenirs ; mais là où on court le risque à peu-près certain de périr et d’être abîmé tout entier, c’est quand le déluge fatal qui survient tôt ou tard, le tremblement ou le déplacement des idées et des conditions humaines envahit et emporte l’ordre de choses même et tout le quartier de société et de culture qui vous a porté.
Il se maria donc en septembre 90, à l’âge de vingt ans ; et, dès ce jour, les devoirs nouveaux, qu’il acceptait par des motifs louables, ne cessèrent d’une manière ou d’une autre, quoique toujours noblement, de peser sur sa condition. […] Il continue donc, sans faire la moindre allusion à l’expérience flagrante, de poursuivre le Discours sur l’Inégalité des Conditions et l’Émile, de vouloir ramener l’homme au centre primitif des affections simples et naturelles.
Des Préaux s’y connaît en vers mieux que moi. » Aujourd’hui que ce genre de déférence et de patronage va peu à nos idées, que dans les conditions actuelles il courrait risque d’être peu accepté des hommes de talent, que tout poëte dirait volontiers tout d’abord au maître, s’il y en avait un : « Je m’y connais en matière d’État mieux que toi ; » et que, de leur côté, des gouvernants illustres, et en général capables sur tout sujet, vaquent à beaucoup de choses qu’ils croient plus essentielles que le soin des phrases, lesquelles ils manient eux-mêmes à merveille, qu’arrive-t-il et que voit-on ? […] La vie du talent a d’autres conditions ; l’égalité, s’il est permis de le dire, l’égalité toute flatteuse en si bon lieu, est peu son fait et son but définitif : il aspire à plus, à autre chose, à être discerné et apprécié en lui-même.
Celui-ci, s’il peut gagner passablement sa vie par une occupation quelconque, s’apercevra à peine qu’il a changé de condition ; tandis que celui-là, d’un ordre supérieur, regardera comme le plus grand des maux de se voir obligé de renoncer aux facultés de son âme, de faire sa compagnie de manœuvres, dont les idées sont confinées autour du bloc qu’ils scient, ou de passer ses jours, dans l’âge de la raison et de la pensée, à faire répéter des mots aux stupides enfants de son voisin. […] Essayerai-je de montrer le parti qu’on peut tirer de la condition la plus misérable ?
Ainsi les lois d’un peuple ne sont ni le produit logique de la raison pure, ni l’institution arbitraire d’un législateur : elles sont le résultat d’une foule de conditions physiques, météorologiques, sociales, historiques. […] Le titre de l’ouvrage accuse suffisamment cette étrange inconséquence : De l’esprit des lois, ou du rapport que les lois doivent avoir avec la constitution de chaque gouvernement. les mœurs, le climat, la religion, le commerce, etc. : comme si mœurs, gouvernement, religion, commerce n’étaient pas déterminés plus ou moins par les conditions primitives d’existence, au premier rang desquelles est le climat.
Et, par exemple, il y a des livres qui sont d’un artiste incomplet, où il serait facile de signaler des fautes et des lacunes, et qui plaisent néanmoins par la sincérité avec laquelle ils laissent transparaître l’homme qui les a composés, son caractère, son tour d’esprit, ses habitudes, sa condition sociale. […] M. de Glouvet a eu cette fois la chance rare de dresser en pied une figure humaine qui représente un sentiment très général et très beau sous une forme concrète et dans des conditions très particulières et très pittoresques.
Nisard du génie de la France), et c’est de là qu’il a déduit les conditions et le milieu où les œuvres proprement anglaises pouvaient se produire. […] Ce qui rend une femme de cet ordre parfaitement inintelligible à un libertin, c’est qu’il s’est habitué, lui, à séparer les choses du plaisir des choses du cœur et à goûter le plaisir dans des conditions avilissantes ; au lieu que la femme romanesque, et qui aime, n’ayant connu le plaisir qu’associé à la plus noble exaltation, reporte sur ses jouissances le culte qu’elle a pour ses émotions morales.
Et, d’autre part, historien averti par l’étude des réalités, il comprit que l’enseignement doit être quelque chose de souple et de varié dans ses formes et qui s’applique aux catégories les plus diverses d’aptitudes, de besoins ou de conditions. […] Un certain optimisme n’est qu’une forme ou une condition même du courage et de l’activité.
La Philosophie étudie les conditions de l’être ; elle scrute sans répit le rapport du sujet à l’objet et tâche à trouver la raison de ce rapport, le générateur et la commune mesure de ses deux termes. […] Condition invisible et sacrée de ces mouvements, elle se révèle mystérieusement avec notre désir lorsqu’entre les images par nous comparées jaillit un nécessaire rapport.
La logique nous invite à déterminer la condition de l’œuvre d’art, ensuite à distinguer le cas particulier de l’art dramatique ; en termes de l’école : à définir par le genre prochain et par la différence spécifique. […] La formule de la condition du théâtre analytiquement établie, vérifions sa justesse par le contrôle de l’histoire, avant de la requérir pour nous expliquer le présent et nous pronostiquer l’avenir.
Il s’agit ici, en effet, de ces questions sur lesquelles la providence (j’entends par ces mots l’ensemble des conditions fondamentales de la marche de l’univers) a voulu qu’il planât un absolu mystère. […] La condition du prophète est devenue de nos jours singulièrement difficile.
Ainsi quand on voit, dans notre moyen âge, nos chansons de geste se former comme les poèmes homériques, puis les trois grands genres littéraires, (épique, lyrique, dramatique) se succéder dans le même ordre que dans la Grèce ancienne, comme il est impossible d’attribuer à l’ignorance de nos ancêtres une imitation voulue ou même inconsciente de la civilisation hellénique, il faut bien convenir que la marche de l’évolution en France a dû être déterminée par une similitude des conditions ambiantes ou par une loi générale gouvernant le développement intellectuel des nations dans leur âge primitif. […] Certaines conditions de vie, certaines coutumes, certains besoins n’ont-ils pas une coexistence internationale ?
Une espèce vivante, animale ou végétale, à mesure qu’elle se répand et occupe une aire plus étendue, se trouve exposée à des conditions fort différentes de climat, de sol, de lumière, de chaleur ; aussi la voit-on donner naissance à des variétés nombreuses. […] L’évolution repose sur trois lois essentielles : 1° L’instabilité de l’homogène : dans tout corps, l’homogénéité est une condition d’équilibre instable.
De ce caractère fondamental de notre drame, qui le distingue, comme on voit, si radicalement du théâtre grec (et même du théâtre anglais, le système de Shakespeare étant encore tout différent), de ce caractère naissent toutes les conditions particulières de notre théâtre : d’abord sa noblesse, son caractère idéal et héroïque. […] Ce n’est pas qu’il faille dédaigner l’Art poétique de Boileau ; les conditions saines et solides de toute poésie y sont vivement exprimées ; mais j’ai besoin, après l’avoir lu, et pour ne pas oublier que la poésie est chose divine et légère, de relire la Lettre à l’Académie française de Fénelon.
. — Dans quelles conditions ces contes ont été recueillis. — Leur utilité pour l’étude de la psychologie indigène. — Nécessité de les transcrire avant qu’ils aient perdu leur caractère pré-islamique. — De quelle façon la forme a été respectée. — Justification d’un titre, en apparence, un peu trop général […] Quant au titre principal : Aux lueurs des feux de veillée, il s’explique par les conditions dans lesquelles se racontent généralement ces récits.
A la condition de ne pas voir dans cette assimilation de l’organisme ou plutôt de l’hyper-organisme social, à l’organisme naturel, une identité formelle, mais une simple analogie, il semble assuré désormais que la conception sociale organique, malgré les énergiques objections qu’elle a suscitées, demeurera dans ses grandes lignes, la conception de l’avenir, et que les hypothèses bio-sociologiques d’aujourd’hui contiennent en germe la vérité de demain. « Cette assertion…, pouvons-nous répéter avec les auteurs d’un livre récent45, ne contrÉdit qu’en apparence ceux qui protestent justement contre des assimilations exagérées et hâtives entre les organismes sociaux et les organismes végétaux ou animaux. […] » L’inter-nationalisme n’est autre chose pour la cité que le complément de sa vie intra-organique, sa nécessaire vie extérieure, c’est-à-dire la condition de sa pleine existence.
Les mêmes conditions historiques ne pouvant se reproduire, le même fait historique ne saurait reparaître ; et comme une loi exprime nécessairement qu’à certaines causes, toujours les mêmes, correspondra un effet toujours le même aussi, l’histoire proprement dite ne porte pas sur des lois, mais sur des faits particuliers et sur les circonstances, non moins particulières, où ils se sont accomplis. […] Un point est en tout cas incontestable, c’est que, si la télépathie est réelle, elle est naturelle, et que, le jour où nous en connaîtrions les conditions, il ne nous serait pas plus nécessaire, pour avoir un effet télépathique, d’attendre un « fantôme de vivant », que nous n’avons besoin aujourd’hui, pour voir l’étincelle électrique, d’attendre comme autrefois le bon vouloir du ciel et le spectacle d’une scène d’orage.
Bossuet, déserté dans sa chaire, me paraît une des plus grandes injures qu’on ait faites à l’éloquence. » Je ne crois pas que Bossuet ait jamais oublié de se représenter devant qui il parlait, ce qui est la première condition et, pour ainsi dire, le premier tact de l’orateur.
Et puis cet examen des brouillons, de ce qui est censé de la main de la reine et des surcharges attribuées à Vermond, ne saurait se faire utilement que dans des conditions différentes, non point par portions congrues, non point par parcelles choisies, mais tout à fait cartes sur table et par-devant de vrais experts contradictoirement entendus.
Il n’y a qu’eux pour nous faire voir en détail et de près la condition des hommes, l’intérieur d’un presbytère, d’un couvent, d’un conseil de ville, le salaire d’un ouvrier, le produit d’un champ, les impositions d’un paysan, le métier d’un collecteur, les dépenses d’un seigneur ou d’un prélat, le budget, le train et le cérémonial d’une cour.
De l’emploi des figures et de la condition qui les rend légitimes : la nécessité Si l’on me demandait de marquer quand doivent s’employer les figures, pour toute règle je répondrais volontiers : Jamais.
Mais Buffon seul a donné au sentiment de la nature toute sa profondeur ; il en a fait une émotion philosophique où l’impression des apparences s’accompagne d’une intuition de la force invisible, éternelle, qui s’y manifeste selon des lois immuables, où le spectacle de l’ordre actuel évoque par un mélancolique retour les vagues et troublantes images des époques lointaines dont le débris et la ruine ont été la condition de notre existence.
Quelle étrange condition !
En étudiant les origines de chaque science, on trouverait que les premiers pas ont été presque toujours faits sans une conscience bien distincte, et que les études philologiques entre autres doivent une extrême reconnaissance à des esprits très médiocres, qui, les premiers, en ont posé les conditions matérielles.
Si obscur et si insuffisant qu’il soit, on ne peut lui interdire, en présence des pures et éternelles conditions de la gloire, cette contemplation qui est sa vie.
Une des choses les plus fortes que Rousseau ait hasardées en politique, se lit dans le Discours sur l’inégalité des conditions : « Le premier, dit-il, qui, ayant clos un terrain, s’avisa de dire : Ceci est à moi, fut le vrai fondateur de la société civile. » Or, c’est presque mot pour mot l’effrayante idée que le solitaire de Port-Royal exprime avec une tout autre énergie : « Ce chien est à moi, disaient ces pauvres enfants ; c’est ma place au soleil : voilà le commencement et l’image de l’usurpation de toute la terre. » Et voilà une de ces pensées qui font trembler pour Pascal.
Je me moque de ces conditions ; cependant, quand elles se rencontrent dans un morceau de peinture par hasard, sans que le peintre ait eu la pensée de les y introduire, sans qu’il leur ait rien sacrifié, elles me plaisent.
C’est que toute incorrection n’est pas vicieuse ; c’est qu’il y a des difformités d’âge et de condition.
On peut aussi la considerer du côté de la fortune et de la condition dans laquelle ils naissent comme membres d’une certaine societé.
Et cela suffit pour nous acheminer vers un certain scepticisme, un scepticisme relatif. » Nous admettons ce scepticisme, à condition qu’on le tienne, en effet, pour tout ce qu’il y a de plus relatif, un peu de doute, si l’on veut, ce que les théologiens appellent une tentation contre la foi.
Cette correspondance pose avec une ingénuité émouvante le problème d’un jeune garçon du peuple, empêché par sa condition précaire et par des complications familiales, qui veut assurer son développement intellectuel.
Elle nous montre, dans la faculté de comprendre, une annexe de la faculté d’agir, une adaptation de plus en plus précise, de plus en plus complexe et souple, de la conscience des êtres vivants aux conditions d’existence qui leur sont faites.
Cet obsequium avec les charges qui en étaient la suite, fut vers la fin la condition des affranchis, liberti, qui restaient à l’égard de leur patron dans une sorte de dépendance ; mais il avait commencé avec Rome même, puisque l’institution fondamentale de cette cité fut le patronage, c’est-à-dire, la protection des malheureux qui s’étaient réfugiés dans l’asile de Romulus, et qui cultivaient, comme journaliers, les terres des patriciens.
Bernardin de Saint-Pierre Le sentiment qu’on a de la nature physique extérieure et de tout le spectacle de la création appartient sans doute à une certaine organisation particulière et à une sensibilité individuelle ; mais il dépend aussi beaucoup de la manière générale d’envisager la nature et la création elle-même, de l’envisager comme création ou comme forme variable d’un fonds éternel ; d’apprécier sa condition par rapport au bien et au mal ; si elle est pleine de pièges pour l’homme, ou si elle n’est animée que d’attraits bienfaisants ; si elle est, sous la main d’une Providence vigilante, un voile transparent que l’esprit soulève, ou si elle est un abîme infini d’où nous sortons et où nous rentrerons. […] Bien qu’aucune doctrine philosophique ou religieuse (excepté celles qui mortifient absolument et retranchent) ne soit contraire au sentiment et à l’amour de la nature ; bien qu’on ait dans ce grand temple, d’où Zenon, Calvin et Saint-Cyran s’excluent d’eux-mêmes, beaucoup d’adorateurs de tous bords, Platon, Lucrèce, saint Basile du fond de son ermitage du Pont, Luther du fond de son jardin de Wittemberg ou de Zeilsdorf, Fénelon, le Vicaire Savoyard et Oberman, il est vrai de dire que la première condition de ce culte de la nature paraît être une certaine facilité, un certain abandon confiant vers elle, de la croire bonne ou du moins pacifiée désormais et épurée, de la croire salutaire et divine, ou du moins voisine de Dieu dans les inspirations qu’elle exhale, légitime dans ses amours, sacrée dans ses hymens : chez Homère, le premier de tous les peintres, c’est quand Jupiter et Junon se sont voilés du nuage d’or sur l’Ida, que la terre au-dessous fleurit, et que naissent hyacinthes et roses. […] Dans les descriptions, les odeurs se mêlent à propos aux couleurs, signe de délicatesse et de sensibilité qu’on ne trouve guère, ce me semble, chez un poëte moderne le plus prodigue d’éclat63. — Des groupes dignes de Virgile peignant son Andromaque dans l’exil d’Épire ; des fonds clairs comme ceux de Raphaël dans ses horizons d’Idumée ; la réminiscence classique, en ce qu’elle a d’immortel, mariée adorablement à la plus vierge nature ; dès le début un entrelacement de conditions nobles et roturières, sans affectation aucune, et faisant berceau au seuil du tableau ; dans le style, bien des noms nouveaux, étranges même, devenus jumeaux des anciens, et, comme il est dit, mille appellations charmantes ; sur chaque point une mesure, une discrétion, une distribution accomplie, conciliant toutes les touches convenantes et tous les accords !
. — Conditions de cette répugnance. — Exemple en Angleterre. […] Les conditions contraires se rencontrent en France. — Désœuvrement de la haute classe. — La philosophie semble un exercice d’esprit. — De plus, elle est l’aliment de la conversation. — La conversation philosophique au XVIIIe siècle […] » (Sénac de Meilhan, Du gouvernement, des mœurs et des conditions en France .)
Puis il passe à la catégorie capitale des gardiens de l’État, les soldats, et, dans la vue de former cette catégorie de défenseurs de l’État avec toutes les conditions et les vertus de la profession, il se jette dans des utopies presque aussi révoltantes et aussi absurdes que les utopies des blasphémateurs de la propriété, des destructeurs de la famille et des expropriateurs de nos jours. […] « Voilà ce que j’hésitais depuis longtemps à dire, prévoyant bien que je révolterais par ces paroles l’opinion commune ; en effet, il est difficile de concevoir que le bonheur public et particulier tienne à cette condition. […] « Par conséquent un pareil gouvernement doit offrir, plus qu’aucun autre, un mélange d’hommes de toute condition.
Cette sensibilité exquise, qui est la première condition de toute supériorité dans les beaux-arts, est aussi le tourment de ceux qui la possèdent. […] XII Cette sœur du Tasse, Cornélia, objet, comme on l’a vu, de tant de sollicitude de son père et de son frère, avait été mariée malgré eux, par ses oncles avides, à un gentilhomme de Sorrente, nommé Mazio Sersale, qui l’aimait, à condition qu’il ne réclamerait jamais la fortune de sa femme dans la dot de leur sœur Porcia, femme de Bernardo Tasso. […] Comment aurait-il mis des conditions si sensées et si bien stipulées d’avance à ce retour ?
L’impartialité est la condition essentielle de l’histoire et de l’homme d’État. […] Le sentiment élève souvent la femme jusqu’à l’héroïsme, jamais jusqu’à l’impassibilité, cette sérénité supérieure de l’esprit, condition de la politique et de l’industrie. […] Cela est affreux. » D’autres paroles, plus abandonnées, exprimaient, dit-on, avec une lucidité étonnante dans un pareil trouble public et privé, toutes les conditions de mécontentement intraitables, de secrètes hostilités, de défections cachées sous l’alliance dont Napoléon allait être entraîné de toutes parts à l’intérieur avec les périls et les démonstrations implacables du dehors.
Ainsi, avant qu’aucun modèle eût paru, on savait à quelles conditions un écrit est un modèle. […] Mais l’originalité d’un écrivain qui, différant des autres hommes par le caractère, l’humeur, la condition, ne fait attention qu’aux points qui le rendent semblable à tout le monde, et fonde la vérité sur cette ressemblance, me paraît d’un ordre plus élevé. […] Nos conditions, pour la plupart dépendantes, nous rendent cette conduite difficile ; une certaine retraite en soi-même n’est impossible à personne.
Il reconnaît « qu’une œuvre d’art n’est belle qu’à condition d’être vivante » ; mais la vie ne lui suffit pas. […] « Il n’y a d’autres règles que les lois générales de la nature qui planent sur l’art tout entier, et les lois spéciales qui, pour chaque composition, résultent des conditions d’existence propres à chaque sujet25. » C’était presque la phrase de Montesquieu : « Les lois sont les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des êtres26. » Mais si nos préfaces parlent toujours ainsi, qui lira nos préfaces ? […] La revue théâtrale a conservé provisoirement ses droits, à condition d’en user d’une main très légère ; mais l’écrivain qui doit juger les livres ose rarement, timidement lancer quelque appréciation enveloppée de mille plaisanteries préparatoires.
Est-il besoin d’ajouter que, si Marivaux a protesté contre « l’inégalité des conditions », c’est de la même manière inoffensive, pour ne pas dire inconsciente ? D’abord, parce que personne, à vrai dire, n’a protesté contre l’inégalité des conditions, mais, en tout temps, les uns ou les autres ont protesté contre l’inégalité de leur condition, quand ils la comparaient à celle de leur voisin. […] » Me sera-t-il permis, incidemment, de revenir ici sur ce qu’on nous disait plus haut d’un Marivaux « protestant contre l’inégalité des conditions » ? […] Donnez-leur l’histoire du cœur humain dans les grandes conditions, … mais ne leur parlez pas des états médiocres ; … laissez là le reste des hommes : qu’ils vivent, mais qu’il n’en soit plus question. […] Voilà ce que je ne comprends, pour ma part, que d’une manière vague et générale, à la condition que vous ne m’interrogiez pas, et voilà ce qu’il faudrait m’expliquer.
Louis Bertrand réunissait beaucoup de conditions pour parler avec compétence de Flaubert. […] Mais parler est encore secondaire si on le compare à cette condition primordiale qui s’appelle lire. […] Sur dix mille hommes, il y en a dix mille moins un qui n’appuient leur vie qu’à des certitudes, on ne saurait guère concevoir la condition humaine générale sur un autre type. […] Je veux bien que l’œuf reste cru, mais je constate que pour le cuire il faut réaliser certaines conditions, dissiper certaine réserve d’énergie. […] « Il suffit de considérer à quelles conditions, en France, on est écrivain, pour se convaincre que c’est une langue (le français) toute d’appropriation et de communication.
À ces conditions, on peut considérer comme définitif le livre que l’on quitte. […] L’empereur lui impose, pour le rachat de sa liberté, des conditions ignominieuses et inexécutables. […] Il ne reste plus qu’une condition à remplir pour atteindre le poète, une condition bien aisée à définir : voir avec les mêmes yeux que lui, c’est-à-dire avoir vécu comme lui avant de voir, ou, en d’autres termes, être lui avant de regarder. […] Le poète et le narrateur sont placés dans des conditions bien diverses. […] Dans quelle condition le clergé trouve-t-il à exercer le plus courageusement les vertus évangéliques ?
Sénèque y consent, à condition que Cestius déclarera juridiquement qu’il est moins éloquent que Cicéron ; aveu qu’on n’en put obtenir. […] C’étaient des combats et des courses à cheval où les enfants des grandes et des basses conditions, partagés en troupes opposées, se disputaient la victoire. […] Qu’on me dise si ces deux conditions se sont trouvées souvent réunies. […] Malheureuse condition des gens de bien qui vivent à côté d’un prince vicieux ! […] ce titre impose-t-il une force, une élévation d’âme, dont toutes les autres conditions sont dispensées ?
Le terme est juste, mais à condition qu’on l’entende au sens le plus large et même le plus vague. […] Leopardi et Schopenhauer lui enseignaient à réfléchir sur les conditions générales qui s’imposent à l’existence des hommes. […] Mais qu’est-ce qui dit que dans ces conditions-là on les lui impute là-haut, ses actes ? […] Tu lui as promis, sans conditions et sans réserves, de l’aider et de la protéger. […] telles sont les conditions que le journalisme nous a faites.
Il veut croire au ciel et à l’enfer, mais il appelle de ce nom les conditions successives plus ou moins heureuses que les âmes rencontreront dans les diverses planètes après leur mort. […] Les êtres imaginaires ne naissent, n’existent et n’agissent qu’aux mêmes conditions que les êtres réels. […] Que veut donc Charlemagne, et quelle condition si rude met-il à la paix, pour qu’un serviteur comme Renaud ne l’accepte pas ? […] Toute l’histoire de la condition et de la pensée de la race indienne y tient en raccourci. […] Il prit en pitié la condition humaine et, chercha un remède à de si grands maux.
Voltaire, quand il vit Bernis devenu cardinal, archevêque, et engagé dans les hautes dignités de l’Église, était disposé à toutes les coquetteries et à toutes les louanges à son égard, à condition d’y mêler plus d’une malice, et, si on le laissait faire, plus d’une impertinence religieuse. […] Il ne regrette point le ministère aux conditions où il l’a laissé, et il résume lui-même sa situation politique par un de ces mots décisifs qui sont à la fois un jugement très vrai, et un aveu honorable pour celui qui les prononce : « Je sens avec vous combien il est heureux pour moi de n’être plus en place ; je n’ai pas la capacité nécessaire pour tout rétablir, et je serais trop sensible aux malheurs de mon pays. » Et il essaye de se consoler de son mieux, de se recomposer, dans cette oisiveté, quoi qu’il en dise, un peu languissante, un idéal de vie philosophique et suffisamment heureuse : « La lecture, des réflexions sur le passé et sur l’avenir, un oubli volontaire du présent, des promenades, un peu de conversation, une vie frugale : voilà tout ce qui entre dans le plan de ma vie ; vos lettres en feront l’agrément. » Ce dernier point n’est pas de pure politesse : on ne peut mieux sentir que Bernis tout l’esprit et la supériorité de Voltaire là où il fait bien : « Écrivez-moi de temps en temps ; une lettre de vous embellit toute la journée, et je connais le prix d’un jour. » La manière dont Voltaire reçoit ses critiques littéraires et en tient compte enlève son applaudissement : « Vous avez tous les caractères d’un homme supérieur : vous faites bien, vous faites vite, et vous êtes docile. » Bernis n’a pas, en littérature, le goût si timide et si amolli qu’on le croirait d’après ses vers.