Son passé, son ancienne élévation ministérielle, ses relations de monde et d’école, son titre littéraire d’académicien, tout, jusqu’à sa position de vaincu politique, — car, en France, c’est parfois une assez belle position que celle-là, — facilite merveilleusement la diffusion actuelle de ses idées et de ses écrits. […] M. de Rémusat a beau nous dire, avec une intention qui ne trompe personne : « Descartes ne serait pas aisément convenu que saint Anselme fut un de ses maîtres. » Tout ce qui s’occupe de philosophie n’en sait pas moins que l’argument de saint Anselme, sur l’existence de Dieu (et l’existence de Dieu, c’est toutes les questions de la philosophie dans une seule), est le même dans le Monologium que dans les Méditations. […] Seulement, pour tous ceux qui ont touché à ces questions dévorantes, on sera suffisamment fondé à affirmer que Ce n’est pas la métaphysique, qu’elle s’appelle des plus beaux noms que le génie ait eus dans l’histoire, qui peut combler l’abîme existant entre l’homme et Dieu, et tracer pour l’homme un chemin, au-dessus de ce gouffre.
telle est la vie qu’il faut couler dans ce beau moule de l’art oratoire, si l’on ne veut pas qu’à la longue il se brise comme un plâtre creux. […] je connais vos maux par les miens. » Massillon, qui avait lu dans son âme ses deux beaux et touchants sermons sur la Madeleine, a quelquefois de ces traits sur les passions qui étonnent la paix du sanctuaire. […] « Le repentir est plus beau que l’innocence », disait Bossuet.
Seulement, sur la masse, l’auteur en a détaché trois, qu’il a relevés en bosse : Et quand tu vois ce beau carrosse Où tant d’or se relève en bosse ! […] Ces soixante pages, d’une beauté rare, et certainement les plus belles du livre, ont une froideur mélancolique du plus poignant effet, et que le livre n’a plus, quand il arrive à Renan, Taine et Vacherot, les représentants, selon Caro, chacun à sa manière, de ces idées qui marqueront la philosophie de cette minute du xixe siècle d’une si profonde insanité. […] Il a beau mettre des applications de charité tardive et de baume samaritain sur les blessures qu’il ne craint pas de faire à la vanité sophistique, il ne les y met que parce qu’il a donné ce coup de pointe inconnu à Caro, qui reste l’accent grave, quand sa politesse n’en fait pas l’accent circonflexe.
Il l’a gardée dans un de ces vases « à corsage bleu » dont il nous parle en ses sonnets : J’ai cueilli des sonnets, — belles fleurs de Tantale, — J’ai fait luire une perle à leur triple pétale, Mis à leur gorgerette un anneau de saphir. […] » — La cloche du vieux mont lui répond : — « C’est ici. » — Par les beaux soirs d’été, quand le soleil abîme Ses rayons enflammés dans l’outremer du ciel, De cette autre Sion, de ce nouveau Carmel, Regardez à vos pieds l’horizon, — c’est sublime ; Les champs, les prés, les bois, le fleuve et le ravin Sont inondés de rose et teintés de lumière. […] Physiquement, au point de vue de sa construction métrique et rythmique, le vers de Saint-Maur est irréprochable, mais ce qu’il verse dans cette coupe ciselée et incrustée est encore plus beau que sa forme.
De très belles eaux-fortes de Pille, plus pittoresques et plus espagnoles que le livre même, l’ornent et font mieux que de l’interpréter : elles lui donnent plus de caractère qu’il n’en a. […] Pour ma part, je ne fais que mon simple métier d’éditeur en éditant Le Sage et en donnant à la Critique une belle occasion de faire le sien. » Et elle le fera ; et ce sera probablement inutile qu’elle le fasse ; mais, n’importe ! […] Boileau, qu’il appelle « un vieux critique » qui ne comprenait rien aux talents de la belle jeunesse, jeta le livre par la fenêtre et menaça son valet de le mettre à la porte.
Ils n’avaient pas ce qui doit se retrouver au fond de toute œuvre non pour qu’elle soit plus utile, mais pour qu’elle soit plus belle, car l’idéal dans les arts (si vous creusez bien), c’est la plus grande somme de moralité. […] Il reprend son ouvrage en sous-œuvre et il le refait dans le fondement même… Et de ce qui était faible de langage et immoral de sentiment et de tendance, il tire un livre parsemé d’aperçus, vivant de drame, abondant, familier, terrible, à pleine main dans l’observation et dans la vie, profond lorsqu’il paraît trivial, sévèrement écrit, d’un style pur, et pourtant ardent, comme du fer passé dans la flamme ; beau livre, enfin, moral et chrétien, comme Diderot aurait pu l’écrire, s’il n’eût pas été l’athée Diderot ! […] Tout à coup, 1830 éclata, et quelques jours après qu’on eut bu à cette coupe de Circé révolutionnaire, le journaliste Brucker, transformé en… farouche et en garde national, demandait, à Vincennes, la tête de M. de Peyronnet, avec lequel, par parenthèse, il s’est lié plus tard ; cette tête poétique qui fait de beaux vers et qui, en envoyant son portrait à son ennemi mortel devenu son ami jusqu’à la mort, écrivait ce quatrain tourné avec la grâce qui n’empêche pas d’être un homme d’État, en terre de France : J’entends encor l’hymne infernal, (Il faut bien dire que c’était La Marseillaise pour ceux qui ne la reconnaîtraient pas à l’épithète).
Il a ce don terrible de facilité qui peut perdre les plus beaux génies, et ses succès ont été presque aussi faciles que ses œuvres. […] Elle résoudra avec son monstre de sœur, femme de chambre, d’empoisonner la belle phthisique, et, pour exécuter ce dessein, elles choisiront un forçat libéré qu’elles introduiront dans la domesticité du comte de La Villanera, par le duc de La Tour-d’Embleuse, devenu le baron Hulot de La Marneffe de M. […] Les femmes entretenues doivent le trouver beau, comme les bourgeois le trouvent spirituel.
Mais dès son précédent séjour il s’est fait des amis, des amies : il a trente ans, l’œil ardent, la figure intéressante ; il aura beau dire plus tard, les sympathies vont à lui. […] On l’a nié, ce sens moral de Jean-Jacques : et l’on a eu beau jeu à le nier. […] L’Emile, avec toutes les corrections de détail qu’il nécessite, est le plus beau, le plus complet, le plus suggestif traité d’éducation qu’on ait écrit. […] Cependant, dans l’ensemble, son éloquence est sincère et chaude ; son style est d’une matière solide et d’un beau timbre. […] Il ne s’est pas élevé jusqu’aux glaciers : il a l’âme tendre et douce : il aime la belle, non l’effrayante nature, il aime surtout la nature que son âme peut absorber ou contenir, celle qui la réjouit et ne l’écrase pas.
Il y a dans Charles XII un bel exemple du respect de Voltaire pour la vérité. […] L’histoire moderne n’a pas de plus beau récit. […] Il n’est pas impossible, d’ailleurs, qu’en parlant des bureaux d’esprit il ait songé au salon de la marquise de Lambert : la page a dû être écrite vers 1742, au plus beau moment du retour au précieux. […] Comme l’abeille, Rollin va droit aux plus belles fleurs de l’art. […] Le dix-septième siècle avait dit : Bien n’est beau que le vrai, le vrai seul est aimable.
Si quelqu’un pensait que discourir comme Alceste et Philinte n’est pas causer, et que les belles tirades sentent trop la thèse, il n’avait qu’à venir au Molière du lendemain. […] Le beau mérite ! […] Elle le doit à « l’esprit et aux beaux vers » qu’il a le bon goût d’y louer lui-même, et ensuite à Molière. […] Il y manque aussi les « beaux vers » de la Métromanie. […] La belle invention, vraiment !
Et voici que ces mêmes gens, ont aujourd’hui l’esprit tellement faussé par tout ce qui se dit sur Wagner et le goût tellement dépravé par ce qui se passe dans les salles de concert, qu’ils battent des mains et trouvent cela beau ! […] Toute la belle scène de Kundry doit, à ce point de vue être analysée note à note. […] Le plus grand succès est dû à cette belle tentative. […] Wilder a « vulgarisé » la Walküre de Wagner, mais dans le sens anglais de ce verbe ; il a fait de ce beau drame une chose vulgaire, et banale, et bête. — Maintenant, peut-être est-ce de cela qu’on le félicite si unanimement. […] Webet du Temps n’ont cessé de protester contre ces profanations de belles œuvres.
Homère est un des génies qui résolvent ce beau problème de l’art, le plus beau de tous peut-être, la peinture vraie de l’humanité obtenue par le grandissement de l’homme, c’est-à-dire la génération du réel dans l’idéal. […] En dehors de la légende, la vie de Jean est belle. […] Plusieurs des œuvres de Paul sont rejetées canoniquement ; ce sont les plus belles ; et entre autres son épître aux laodicéens, et surtout son Apocalypse, raturée par le concile de Rome sous Gélase. […] C’est une belle humeur de gentilhomme après cette jovialité de curé. […] Il est beau d’être attaquable.
Dans la Saint-Barthélemy de ce catholique presque infidèle à sa cause par scrupule d’impartialité, les protestants ont le beau rôle, poétiquement parlant. […] Comme certains peintres plastiques qui flattent en peignant exactement tous les traits, il peint en beau Luther, Charles-Quint, Léon X ; Léon X surtout, pour lequel il témoigne une incroyable tendresse. Or peindre en beau n’est pas permis au peintre d’histoire. […] Il aime le beau jusqu’à l’enfantillage, et son imagination est trop bonne. […] La timidité des âmes délicates, qui est aux plus beaux sentiments ce que la mousse est aux plus belles roses, qu’elle préserve en les voilant, l’éloigna des coteries, des sociétés retentissantes, de toutes les farandoles de vanité qui se donnent la main, et le retint entre sa famille, quelques amis, et plus tard, — quand ceux qui aiment l’Église surent le bon soldat que l’Église avait en sa personne, — quelques nobles et grandes relations qui lui restèrent toujours fidèles.
Il avait depuis peu (novembre 1787) assuré son bonheur domestique en épousant une femme qui avait eu autrefois une grande beauté, qui en gardait quelque chose, veuve, ayant déjà passé les belles années de la jeunesse, mais qui avait été l’amie intime de sa mère : il la voyait telle encore qu’il l’avait vue au premier jour. […] Au reste, il aurait fallu à Bailly un fonds d’humeur bien morose et un grain de misanthropie bien prononcée pour ne pas voir tout en beau en ces premiers mois où tout lui souriait, et où la publique estime lui apportait à chaque mouvement de l’opinion une surprise flatteuse et une récompense. […] Pitra, et un vainqueur de la Bastille, de grande et belle taille, Hullin, le trouvent sur l’escalier de l’Hôtel de Ville, assez en peine de s’orienter et de se conduire dans ces flots de peuple ; ils lui offrent leurs bras : cet accompagnement le désigne de plus en plus à l’attention publique : les cris de Vive Bailly ! […] Les beaux jours de Bailly sont passés, il n’aura plus désormais que des instants ; il le reconnaît lui-même, du moment qu’il est nommé maire et premier magistrat de la capitale, « ce jour-là, mon bonheur a fini ».
Cette dernière nouvelle et celle de la prise de Privas, avec les rigueurs qui y furent exercées sur les vaincus, commencèrent seulement à lui abaisser les cornes, dit Richelieu ; et alors, prévoyant le terme prochain de la lutte, il déploya toutes ses ressources et ses expédients, il redoubla d’activité et multiplia les belles escarmouches pour finir au moins décemment, pour être compté jusqu’au bout et obtenir le plus de garanties qu’il pourrait à la généralité du parti. […] Ce dernier combat de Morbegno, le plus glorieux des quatre que Rohan avait eu à livrer, et qui a déjà je ne sais quel brillant et comme un éclair des combats d’Italie, couronnait à son honneur cette belle campagne de 1635, où, grâce à lui, les armes du roi, moins heureuses partout ailleurs, avaient eu dans la Valteline un succès constant. […] En cela le duc de Rohan payait encore la peine de son passé : il avait beau s’être conduit dans les dernières années avec tout l’éclat et toute la loyauté possible, il n’avait pas la conscience nette ni la mémoire libre ; il supposait aux autres des desseins que ces soupçons de sa part leur auraient suggérés peut-être, et il ne revoyait de loin la France qu’avec une sombre perspective de procès, de Bastille et d’échafaud. […] Toutefois, c’est incontestablement un grand personnage ; négociateur dans les camps, homme d’épée dans les conseils, homme de plume et de belle parole.
C’est son plus beau moment, où sa générosité, sa fierté d’âme, son courage et ses ressources d’esprit se déploient avec bien de l’avantage, et tournent au bien public comme à son honneur. « Laissez faire, disait quelque temps auparavant un spirituel étranger54 aux nobles Espagnols irrités contre elle ; si l’on touche à l’Espagne, elle sera plus Espagnole qu’aucun de vous. » Elle justifia ce pronostic. […] qu’avant de se décider à écrire sur quelque portion de ce beau siècle, on devrait bien s’y être préparé de longue main, et, pour cela, dès la jeunesse, dès l’enfance, avoir insensiblement reçu une première couche générale de connaissance classique française, de bon et juste langage, comme du temps de Fontanes et de la jeunesse de M. Villemain, avoir lu Le Siècle de Louis XIV de Voltaire ; avoir su par cœur tant de belles pages citées dans les cours, dans les leçons de littérature, et qui honorent le goût ! […] La galanterie, qui ne quitte guère jamais ces sortes de femmes, n’est que sur le second plan, et reste subordonnée ou même subalterne : la grande comédienne et la belle joueuse sont seules toujours en avant.
Faire des chansons, voilà mon métier… » Et quelque temps après, quand ces folies et ces fureurs amènent la répression, mais aux dépens des journaux qu’on censure, il y voit un nouvel à-propos, une occasion qui lui est offerte de plus belle : « La presse est esclave, il nous faut des chansons. » — C’en est donc fait, arrière les longs poëmes ! […] L’homme de lettres, s’il avait été un moment primé par l’homme de passion et de combat, se réveilla alors en lui avec toutes ses inquiétudes, et il essaya de donner un dernier témoignage de soi, de ses idées et de son talent dans une production suprême ; il y réussit en 1833 par quelques pièces fort belles du Recueil qu’il publia, et qui, moins populaire que les précédents, eut un succès poétique et littéraire. […] Non-seulement il ne devait plus jamais retrouver sa belle, comme on dit, mais il rencontrait : à tout coup le contraire ; pour prix d’un heureux et magnifique moment, il semblait voué au guignon, au contre-temps perpétuel ; il portait malheur à tout ce qu’il touchait. […] David d’Angers avait fait de lui un beau médaillon en marbre, et on le mit en loterie à 20 francs le billet ; la loterie, bien entendu, était toute au bénéfice du pauvre rapsode : « Si nous plaçons promptement ces billets, lui dit Béranger, vous aurez enfin de quoi renouveler cette maudite garde-robe qui s’en va toujours trop vite pour nous autres pauvres diables ; car je me rappelle le temps où je n’avais qu’un pantalon, que je veillais avec un soin tout paternel, et qui ne m’en jouait pas moins les tours les plus perfides.
Rigault débuta dans la critique proprement dite par des articles de la Revue de l’Instruction publique, fort belle feuille spéciale, publiée chez M. […] Chargé en 1848 de conférences de rhétorique à Louis-le-Grand et ayant à expliquer un auteur français, il avait pris pour texte Victor Hugo, rien que lui, et, dans ses œuvres, rien que ses drames ; il s’était mis à y relever les fautes, les exagérations : il se faisait la partie belle et s’en amusait ; il triompha ainsi pendant près d’une année à huis clos. […] Énumérons un peu : il avait à louer tout ce qui était de la Sorbonne ancienne et nouvelle, tout ce qui était de l’Université, tout ce qui était du Journal des Débats, presque tout ce qui était de l’Académie : et remarquez qu’en général ce ne sont pas gens à prendre du galon à demi quand ils en prennent ; il faut les louanger bel et bien, et largement, sur toutes les coutures. […] Cet autre article dans lequel il est question de Robert Emmet, roman anonyme d’une belle dame37, et où l’on a le pour et le contre sur le sexe probable de l’auteur, est-il assez tourmenté, assez tiré par les cheveux !
Je ne saurais l’admettre, et en reconnaissant à ce beau xviie siècle la supériorité du goût, je persiste à croire que le xviiie , avec et nonobstant ses erreurs, était plus éclairé. […] On a beau être né marin, il n’est rien de tel que de voir une tempête ; soldat, que de voir une bataille. […] La leçon pratique, Mme de Motteville nous l’a montrée : on se range avec d’autant plus d’empressement à Louis XIV après tant de désordre et de misères ; on remercie Dieu, on s’humilie en vieillissant, et un beau jour on se réveille dévot et confit en pouvoir absolu. […] Bossuet avait déjà fait usage de cette argutie théologique dans un de ses sermons de jeunesse (sermon pour le neuvième dimanche après la Pentecôte), et il y essayait d’une manière encore enveloppée la pensée qu’il devait reprendre plus tard et placer, comme on l’a vu, en si belle occasion, et en l’offrant sous un jour si spécieux.
C’est un bel exemple. […] Montrant un jour à Eckermann deux de ses poésies dont l’intention était très-morale, mais où le détail offrait par places trop de naturel et de vérité, il se proposait bien de les garder en portefeuille, disait-il, de peur de scandaliser : « Si l’intelligence, si une haute culture d’esprit, remarquait-il à ce propos, étaient des biens communs à tous les hommes, le poëte aurait beau jeu ; il pourrait être entièrement vrai et n’éprouverait pas de crainte pour dire les meilleures choses. […] Ce qui vous fera plaisir, c’est qu’il croit à l’amour du Tasse et à celui de la princesse ; mais toujours à distance, toujours romanesque et sans ces absurdes propositions d’épouser qu’on trouve chez nous dans un drame récent… » N’oublions pas que la lettre est adressée à Mme Récamier, favorable à tous les beaux cas d’amour et de délicate passion. […] David le sculpteur, qui avait fait le voyage de Weimar vers ce temps et tout exprès pour en rapporter le majestueux portrait et le buste, envoya bientôt à Gœthe (mars 1830) une caisse contenant sa collection de médaillons en bronze ou en plâtre, avec des livres de nous tous d’alors, fiers et heureux que nous étions de rendre hommage au patriarche de la poésie et de la critique : « David, disait Gœthe (14 mars), m’a, par cet envoi, préparé de belles journées.
En fait, les théâtres littéraires étaient, il y avait beau jour, fermés au xe siècle. […] Comme cela les accoutumait à ne jamais séparer en idée le beau et le tendre du saint ! […] Dieu tout d’abord parle à Adam en ces termes : « Écoute, Adam, et entends ma raison. — Je t’ai formé ; maintenant, je te donnerai tels dons : — toujours tu peux vivre, si tu tiens mon sermon, — et tu seras sain et ne sentiras pas le frisson (la fièvre) ; — tu n’auras faim, par besoin ne boiras ; — tu n’auras froid, ni chaud ne sentiras. — Tu seras en joie, et jamais ne te lasseras, — et en déduit, ni douleur ne sauras. — Je te le dis à toi, et je veux qu’Ève l’entende ; — si elle ne l’écoute, elle s’afoloie (elle fait folie). — De toute terre avez la seigneurie, — d’oiseaux, de bêtes et de toute la maisnie. — Peu vous souciez de qui vous porte envie, — car tout le monde vous sera enclin et soumis. — En votre corps (votre personne) je mets le bien et le mal ; — qui a tel don n’est pas lié à un pal (à un pieu, — c’est-à-dire est libre), etc., etc… » On le voit, Dieu parle d’une manière bien enfantine : nous voilà tombés dans la rue et dans le populaire ; adieu la belle liturgie ! […] Et alors, « sans pouvoir être vu du peuple » il dépouille les beaux habits, qu’il avait, eus jusque-là, et il revêt de pauvres vêtements tissés de feuillages, commençant ses lamentations et ses hélas !
Ils sont imprégnés à la fois d’antiquité et de christianisme : Rabelais feuillette tour à tour les beaux livres de Platon et la Sainte Écriture ; il associe dans sa révérence les grands païens philosophes et les « prêcheurs évangéliques ». […] Rabelais aime la vie, non par système et abstraitement, mais d’instinct, par tous ses sens et toute son âme, non une idée de la vie, non certaines formes de la vie, mais la vie concrète et sensible, la vie des vivants, la vie de la chair et la vie de l’esprit, toutes les formes, belles ou laides, tous les actes, nobles ou vulgaires, où s’exprime la vie. […] quel paysan « vrai » est plus « comme dans la vie » que « le vieil bonhomme Grandgousier, qui après souper se chauffe à un beau clair et grand feu, et, attendant griller des châtaignes, écrit au foyer avec un bâton brûlé d’un bout, dont on écharbotte le feu, faisant à sa femme et famille de beaux contes du temps jadis » ?
Dans ce mélange, la part de Rousseau est belle. […] Le siècle tournera à l’idylle : notre beau monde traduira en sentiments et en pittoresque d’opéra-comique le goût de l’innocence rustique et de la belle nature que lui aura inoculé Rousseau. […] Mais il ne faut pas s’y tromper : cette verve de Beaumarchais n’est pas un jet naturel de belle humeur ; le jet est réglé, dirigé, dispersé, ramassé, par une réflexion très consciente qui calcule l’effet.
Mais les chevaliers bourguignons, qui se sont fait précéder de leurs archers, n’ont pas la patience d’attendre l’effet de cette manœuvre, et, emportés par un beau zèle, ils culbutent ces archers mêmes, « la fleur et l’espérance de leur armée », et passent par-dessus sans leur donner loisir de tirer un seul coup de flèche. […] Le Te Deum de l’historien ressemble assez à dire : Nous l’avons échappé belle ; et il en conclut, somme toute, que l’on se comporta en cette affaire « comme hommes, et non point comme anges ». […] Ce fut quand Charles eut la preuve qu’au même moment où le roi venait pour le leurrer de belles paroles et le faire revenir sur les conditions onéreuses du traité juré, il excitait sous main les Liégeois révoltés contre lui. […] Il convient, pour rester au vrai point de vue, de ne pas oublier que l’idée de patrie n’était pas alors ce qu’elle est aujourd’hui : les liens qui obligeaient un gentilhomme envers son souverain étaient surtout personnels ; et Charles, par ses fureurs, par ses mauvais procédés, par sa déraison croissante, avait tout fait pour délier un conseiller de la trempe de Commynes, de même que Louis XI, en belles paroles et en bons effets, n’avait rien négligé pour se l’attacher.
Et parmi ceux-là, quel plus beau nom, quelle plus belle renommée à choisir d’abord que celle de Portalis, l’oracle du Conseil d’État de 1800 et l’une des lumières civiles du Consulat ! […] Il ne se laisse point prendre au beau langage de Rousseau, ni à ses fastueux dehors qui affichent la vertu : selon lui, « cet étrange alliage de bien et de mal rend le mal plus dangereux en le déguisant ». […] Ce n’était pas seulement l’esprit d’humanité, c’était aussi l’esprit de parti qui s’emparait à l’instant de ces belles paroles de Portalis.
Il y joignait dans la jeunesse un extérieur agréable, une belle taille qu’il eut toujours, une physionomie heureuse et prévenante. […] Étienne est dans le caractère qu’il a donné aux deux gendres : de l’un, il a fait un vaniteux actif et brillant, un ambitieux politique qui vise au ministère ; de l’autre, un fade et faux philanthrope du moment et dont on peut dire : Il s’est fait bienfaisant pour être quelque chose ; grand auteur de brochures, grand orateur de comités, et franc égoïste sous ces beaux semblants de bienfaisance : Il a poussé si loin l’ardeur philanthropique. […] Étienne qui, dans la plupart de ses articles, de ses préfaces ou de ses notices, à tout propos, fait des appels à la liberté de la presse, des allusions aux ciseaux des censeurs, avait tenu lui-même sans bruit ces ciseaux au temps de sa belle jeunesse. […] Ce serait là un beau champ pour entamer un parallèle de lui à La Fontaine ; mais, quoique le bonhomme et M.
Il sait qu’il y a des belles choses et des choses laides, et il ne sait que cela. […] C’est là, dans ce pouvoir d’exaltation devant le Beau, que l’on pourrait trouver la marque propre du poète. […] Tout ce qui est souverainement beau ravit à la fois et torture, exalte et accable. […] Ce que ces classiques recherchent par-dessus tout, c’est la belle ordonnance régulière et nette. […] C’est au moraliste et à l’esthéticien que le jugement du bien et du mal, du beau et du laid est réservé.
Sa Jobbie, par exemple, est une jolie et svelte Écossaise, qu’on dirait la sœur d’Ariel : on la croit légère, elle ne l’est pas ; on la croit une enfant, mais elle a vu passer le noble et beau seigneur, elle se l’est choisi tout bas, et lorsqu’il se marie à la fière Lucy, au sortir de cette noce à laquelle elle a assisté parée et comme riante, elle arrache les fleurs de sa tête, et cache sous ses mains sa pâleur de statue ; mais nul ne saura jamais son secret : Oui, qu’on te croie heureuse, ô ma Jobbie ! […] La rosée est si belle au matin sur les fleurs !
La discussion a été belle, mais, comme tant de belles choses, elle a duré trop longtemps : chaque orateur a parlé un peu trop, et on a eu le temps d’arriver à la fatigue avant la fin.
Nous reviendrons aujourd’hui, quoiqu’un peu tard, sur ce bel ouvrage que tout le monde a lu ; et sans chercher à en donner une sèche et inutile analyse, nous en causerons un instant avec nos lecteurs, comme d’une ancienne connaissance dont on aime de part et d’autre à se ressouvenir. […] Depuis l’instant où il entre comme capitaine à bord de la Caroline jusqu’à celui où il revient à bord du Dauphin, toute l’action porte sur lui, et il la soutient admirablement : c’est la plus belle partie du livre.
Léopold, pour jouer son rôle d’héritier opulent et faire impression sur la belle et jeune voyageuse, ne parle que de dépenses folles, de plaisirs ruineux, et s’attire de la part de la dame, qui d’abord n’avait pas l’air d’écouter, la plus juste et la plus piquante leçon de morale sur l’emploi des richesses. […] Cet anneau, on le devine, sera bientôt l’anneau nuptial, et la tutrice, en devenant la femme de son pupille, lui rend de si beaux comptes de tutelle, qu’on voit bien que nous sommes dans un vieux château d’Allemagne.
Si votre lecteur ignore le sens du mot dont vous vous servez, si ce mot n’évoque pas en autrui l’idée qui pour vous lui tient par un rapport nécessaire et universel, la propriété de votre expression ne lui donne pas la clarté, et dans ce cas, trop de justesse nuit : on se fait mieux entendre en parlant improprement, Ovide exilé parmi les Scythes disait : « C’est moi qui suis le barbare ici, puisque je ne me fais pas comprendre. » La plus belle harangue en beau langage latin ne valait pas alors pour lui trois mots de jargon scythe tant bien que mal assemblés, plus ou moins écorchés.
Or, ce serait dommage, un corps humain de proportions normales étant nécessairement ce que nous connaissons de plus beau. […] La démocratie a aidé à cette évolution, en supprimant, surtout pour les hommes, les différences de costume entre les classes. — Aujourd’hui, il n’y a plus que les femmes qui se parent de « jabots », de « petites oies », de rubans, de dentelles et de fanfreluches, et qui arborent de beaux tissus aux couleurs éclatantes.
C’est que ce sentiment sublime, chauffé selon certaines conditions, transformera sous vos yeux la créature dégradée ; c’est que l’être petit deviendra grand ; c’est que l’être difforme deviendra beau. […] Prenez la difformité morale la plus hideuse, la plus repoussante, la plus complète ; placez-la là où elle ressort le mieux, dans le cœur d’une femme, avec toutes les conditions de beauté physique et de la grandeur royale, qui donnent de la saillie au crime, et maintenant mêlez à toute cette difformité morale un sentiment pur, le plus pur que la femme puisse éprouver, le sentiment maternel ; dans votre monstre mettez une mère ; et le monstre intéressera, et le monstre fera pleurer, et cette créature qui faisait peur fera pitié, et cette âme difforme deviendra presque belle à vos yeux.
Les taureaux, la voyant débarrassée, se mirent à la recherche de son petit, mais ils eurent beau fouiller les broussailles, ils ne trouvèrent rien et rentrèrent tristement au parc en se disant que le veau avait sans doute été dévoré par quelque fauve. […] Un jour un boucher vint demander à la vieille de lui vendre son taureau mais elle s’y refusa formellement « Takisé, dit-elle (elle avait donné ce nom à son nourrisson), « Takisé n’est pas à vendre. » Le boucher, mécontent du refus, alla trouver le sartyi134 et lui dit : « Il y a chez la vieille Zeynêbou un « gros taureau qui ne doit être mangé que « par toi tant il est beau. » Le sartyi envoya le boucher et 6 autres avec lui sous le commandement d’un de ses dansama135, chercher le taureau de la vieille.
. — La femme a beau lui demander pardon et insister pour qu’il se prête à son désir. — « Non, dit-il, je ne le veux pas ». […] Il appelle sa femme et lui dit : « Mon bengala avait beau être gros, il n’y en avait pas assez pour toi.
Voilà pourquoi nous avons si souvent proclamé le respect que nous inspirait une œuvre contre laquelle nous avons, d’ailleurs, deux objections très graves… Or, un jour que nous avions ici même exprimé nos regrets d’une belle œuvre interrompue par la mort, nous avons reçu (d’une source sûre, mais qu’il importe peu d’indiquer) les notes que Taine avait rédigées sur « l’Association » et qui devaient se placer immédiatement à la suite de son tome II du Régime moderne. […] » A ces tissus, il impose une forme et prescrit une œuvre ; par suite, sur chaque organe, il applique du dehors et d’en haut ses ligatures, ses appareils mécaniques de direction et de compression, de beaux cadres systématiques et rigides ; tous ces cadres prohibitifs et préventifs, il les maintient en place ; partant, sous prétexte de conduire le travail organique, il le dévie ou l’enraye ; à force d’ingérence, de refoulements et de tiraillements, il parvient à fabriquer des organes artificiels et médiocres qui tiennent la place des bons et empêchent les bons de repousser.
C’est bien en le lisant qu’on peut sentir ce que dit quelque part Pline le Jeune dans une belle parole : « Quanta potestas, quanta dignitas, quanta majestas, quantum denique numen sit historiæ74… » Le caractère élevé, auguste et, pour ainsi dire, sacré de l’histoire est gravé dans tout ce qu’il écrit. […] Cette destinée grave et sereine, toute studieuse, sans écart, me fait l’effet d’une belle et droite avenue dont les arbres sont peut-être plus hauts et mieux fournis en avançant : tout à l’extrémité, j’aime à y revoir ces premières stations plus riantes, sous le soleil. […] C’est en soi, si l’on peut ainsi parler, un beau livre d’histoire. […] Le mémoire lu en 1839, sur la Conversion de la Germanie au Christianisme et à la Civilisation pendant les viiie et ixe siècles, offre une des plus légitimes, des plus belles applications de la méthode scientifique, telle que l’esprit de l’auteur se plaît à la déployer et à la gouverner au sein des masses de l’histoire. […] Voilà les défauts qui disparaissent le plus habituellement dans la fermeté, l’énergie, l’éclat ou la propriété de l’expression, et qui ne se remarquent plus du tout dans les beaux récits de M.Mignet, tels que celui des événements de Hollande sous les frères de Witt ; nous osons lui proposer à lui-même ce parfait exemple pour son histoire future de la Réformation.
Ces inquiétudes étaient justifiées, à quelques égards, par les infirmités qui affligèrent Pierre pendant le petit nombre d’années qu’il fut à la tête du gouvernement de la république ; mais les talents de Laurent dissipèrent bientôt ces nuages d’un moment, et élevèrent sa famille à un degré d’illustration et d’éclat dont il est probable que Côme lui-même avait eu peine à se former l’idée. » VIII Bien qu’il fût âgé de soixante et quinze ans, sa taille élevée, la majesté de ses traits, la grâce de son visage, si conforme au titre de Père de la patrie que les Florentins avaient d’eux-mêmes ajouté à son nom, la bienveillance de son accueil, la cordialité de son amitié le rendaient aussi agréable que dans sa belle jeunesse. […] ) Dans ses traits enchanteurs la mort paraissait belle. […] Il se fit une fête publique à Florence, et tout ce qu’il y avait de noble et de beau dans la ville s’y trouvait. […] Cette circonstance singulière, comparée avec la preuve que l’on peut tirer d’une des épigrammes de Politien, nous autorise à croire que cette dame était la maîtresse de Julien, la belle Simonetta, dont nous avons déjà parlé. […] Le sonnet suivant exprime bien tous ces sentiments: Cherchi chi vuol le pompe, e gli alti onori, Le piazze, e tempi, e gli edifici magni, Le delicie, il tesor qual accompagni Mille duri pensier, mille dolori: Un verde praticel, pien di bei fiori, Un rivolo che l’herba intorno bagni, Un angeletto che d’amor si lagni, Acqueta molto meglio i nostri ardori: L’ombrose selve, i sassi, e gli alti monti, Gli antri oscuri, e le fere fuggitive, Qualche leggiadra ninfa paurosa ; Quivi veggo io con pensier vaghi e pronti, Le belle luci, come fossin vive.
Au temps où les croisés venaient de prendre Jérusalem, quand tout l’Occident frémissait au bruit des merveilles qui s’étaient accomplies en Terre Sainte, quand on écoutait avidement toutes les rumeurs des combats d’outre-mer, un trouvère lettré, et tout brûlant lui-même des passions de son temps, s’avisa que ce serait une belle chanson à réciter devant les nobles et les bourgeois, que celle où tous les exploits de Godefroy de Bouillon seraient relatés au vrai : il compila dans les chroniques latines la Chanson d’Antioche, quelque vingt-cinq ans après les événements. […] On passe de.Mahomet à Mélusine, de l’empereur Constant au roi Richard Cœur de Lion ; à côté du merveilleux Partenopeus de Blois de Denis Pyramus, qui nous conte en son style enjolivé les amours d’un beau chevalier et d’une fée inconnue (c’est Psyché, où les rôles seraient renversés), on rencontre la très simple et dramatique histoire de la châtelaine de Vergy, qui n’est que le récit d’une très humaine passion située en pleine réalité contemporaine, ou l’aimable chante-fable d’Aucassin et Nicolette, récit, en prose coupée de laisses chantées, des amours de deux enfants qui finissent par se rejoindre et s’épouser. […] Ou bien cet autre : Tristan, banni de la cour du roi March, apprend qu’Yseult doit traverser la forêt où il s’est retiré : il jette sur le passage de la reine une branche de coudrier autour de laquelle est roulé un brin de chèvrefeuille ; et sur l’écorce il a gravé ces mots : Belle amie, ainsi va de nous : Ni vous sans moi, ni moi sans vous : La reine voit, comprend, entre sous bois. […] Il versait, disait-on, « le beau français à pleines mains », Au reste, c’était un adroit faiseur sans conviction, sans gravité, qui ne se faisait pas scrupule, au besoin, de fabriquer des contrefaçons de légendes arthuriennes, pourvues de noms de fantaisie vaguement celtiques et de la plus invraisemblable géographie. […] C’est pour leur plaire, et à tout le beau monde, qu’il prodigue les détails de mœurs délicates, les peintures de la vie aristocratique.
Il y a là encore des portraits, ceux de nos pères par l’esprit, de ces beaux génies qui, selon les paroles de Voltaire, « ont préparé des plaisirs purs et durables aux hommes qui ne sont point encore nés. » Rien n’a vieilli des jugements sommaires et pourtant si pleins qu’il en a portés ; la critique la plus profonde ne réussit qu’à nous en donner les motifs. […] Parlant du voyage de guerre que fit ce prince, en 1670, en Flandre pour y préparer la ruine de la Hollande, le carrosse à glaces, d’invention récente, où est assise à côté du roi et de la reine Mme de Montespan, les plus beaux meubles de la couronne, portés dans les villes où le roi devait coucher, les tables envoyées en avant et servies, à chaque étape, comme à Saint-Germain, les présents aux dames, les bals parés ou masqués, les feux d’artifice, tout cela dérobe à Voltaire l’indignité de la maîtresse en titre, étalée, à l’armée et à l’Europe, « et pour qui sont tous les honneurs, dit-il, excepté ce que le devoir donnait à la reine », comme si le moins que dût Louis XIV à sa femme n’était pas tout d’abord le renvoi de sa maîtresse. […] Il reste indifférent et railleur devant les belles morts chrétiennes de ce temps-là, et ces fins de vie édifiantes par lesquelles on s’y préparait. Mme de Montespan, expiant sa faveur et ses fautes par les macérations, les ceintures à pointes de fer, et, ce qui est moins mêlé d’imagination, par la douceur et la bienfaisance ; travaillant, de ses mains restées si belles, à des ouvrages grossiers pour les pauvres ; si humble après tant de hauteur ; « mourant, dit Saint-Simon, sans regret et uniquement occupée à rendre son sacrifice plus agréable à Dieu » ; une vaincue si résignée n’est pour Voltaire qu’« une vieille maîtresse disgraciée qui s’amuse à doter des jeunes filles » ; et si elle ne va pas, comme la Vallière, aux Carmélites, « c’est, dit-il, qu’elle n’est plus dans l’âge où l’imagination y envoie. » Cette impossibilité de voir le bien où il faudrait en faire honneur au christianisme, ôte toute autorité aux chapitres sur les affaires ecclésiastiques et les querelles religieuses au dix-septième siècle. […] Insensiblement le beau projet d’une histoire universelle des mœurs et de l’esprit des nations tourne à ce qu’il appelle lui-même un tableau des sottises humaines.
Dans la Chanson de Roland, sa fiancée, la belle Aude, apparaît à peine et c’est pour mourir subitement en apprenant la mort du vaillant capitaine. […] Corneille nous représente fréquemment l’amour noble, élevé, austère, inspirateur des beaux sentiments et des grandes actions. […] Une fois la guerre civile apaisée, elles se jettent tête baissée dans les querelles religieuses ; ces belles guerrières se font théologiennes ; elles sont jansénistes ou orthodoxes avec la même frénésie et la même légèreté qu’elles ont été frondeuses ou mazarines. […] Polyeucte, le futur martyr, s’écrie : Sur mes pareils, Néarque, un bel œil est bien fort. […] M. de Montausier, avant que la belle Julie d’Angennes daigne se rendre à ses désirs et l’accepter pour époux, doit faire quatorze ans bien comptés le siège de ce cœur récalcitrant : le siège de Troie avait duré quatre ans de moins.
Ils ont beau être moribonds : les restes de leur vigueur sont encore effrayants. […] L’une soutient que la littérature, ayant pour but unique le beau et ainsi sa fin en elle-même, n’a rien à voir avec la morale, n’a nullement à se soucier de savoir si elle pousse au bien ou au mal. Il y a des œuvres belles et des œuvres laides ; il n’y en a point de saines et de malsaines. […] Mais ailleurs117 Rousseau qualifie les personnages qu’il a créés de « bonnes gens », de « belles âmes » ; il s’applaudit de leur avoir donné l’existence et l’on a pu soutenir, sans paradoxe, que l’ouvrage condamné en Suisse comme corrupteur fut en France le symptôme et l’auxiliaire d’une véritable renaissance morale. — Jugements contradictoires et parfaitement conciliables ! […] On n’a pas oublié la fièvre de maternité qui fit éruption dans le beau monde de Paris, quand Rousseau eut dénoncé comme de mauvaises mères les femmes qui livraient leurs enfants à des nourrices ; jusque dans les couloirs de l’Opéra, on put rencontrer des enfants à la mamelle que leurs jeunes et pimpantes mamans venaient allaiter durant les entr’actes.
Si, pour dernier si [car les si ne finiroient point], je demandois une audience à un Monarque précisément pour lui faire ce beau compliment : Tout homme à qui le Peuple veut donner la couronne par voie d’élection, la possede à plus juste titre que celui qui la possede par les droits de sa naissance Œuv de M. de V taire, to XI, pag. 10. […] Jusqu’à présent on avoit regardé la guerre comme un mal souvent nécessaire ; jusqu’à présent les belles Ames avoient été touchées de cette maxime célébrée chez tous les Peuples policés : Il est beau de mourir pour la Patrie. […] Il est beau, nous dit-on, de mourir pour la Patrie ; mais est-ce mourir pour la Patrie, que de verser son sang pour celui qui, pour de vils intérêts, conduit ses Citoyens au carnage ? […] Je dirai plus : j’ai souvent regretté que le plan de mon Ouvrage ne me permît pas de donner plus d’étendue à mes censures & aux raisons qui les appuyoient ; mais on aura beau faire, tous ces aveux ne tendent nullement à me convaincre de partialité.
Dimanche 5 octobre Beaucoup de gens meurent très bien, mais bien peu de personnes ont la belle résignation de la mort, tant que la condamnation définitive n’est pas prononcée. […] Un cabaret dans un terrain vague de Vaugirard, à l’entrée des carrières, devenues des champignonnières, et tout étincelant de beaux cuivres, de reflets de bouteilles aux formes trapues, d’un tas de vieilleries bien luisantes, qui semblaient le mobilier retrouvé d’une auberge de l’ancienne France… Là-dedans, un cuisinier, qui faisait un poulet sauté, une matelote, un certain plat de champignons, comme nul cuisinier au monde, et qui, vous apportait à voir des aquarelles de gazons émaillés de fleurettes, naïves et précieuses, comme ces tapis de fleurs que les Primitifs étalent sous les pieds de leurs martyres, et puis qui, tirant un orgue d’un vieux bahut, servait aux gens appréciant sa cuisine, des airs séraphiques. […] Maspero, lui, raconte la fin de Jacques, qui tombé malade, comme mineur, et recueilli par des naturels du pays, avait épousé une fille très belle, mais une vraie guanche, qui ne savait que monter à cheval. […] Mais là, un beau jour, il fut rattrapé par sa femme, se remit à boire, et finalement mourut d’une seconde attaque de delirium tremens . […] Là-dessus, envoi par le mandarin d’une lettre de son plus beau pinceau sur papier rouge, et le lendemain, le Français était introduit dans une petite maison, meublée de jolies choses, et toute remplie de fleurs.
Ainsi, dans la tragédie des Phrygiens, une belle conception d’Homère, l’isolement de Priam au milieu du camp des Grecs, son tête-à-tête avec Achille, pour racheter des mains du vainqueur le corps même d’Hector, était remplacé par la présence d’un chœur de Troyens suivants du vieux roi, ou déjà captifs de ses ennemis : la conjecture des savants a varié sur ce point. […] Il n’y eut que la Grèce pour offrir au génie cette éducation de la gloire assaillant les âmes, et ce spectacle du beau qui partout les environne. […] Artémis, la plus belle des vierges qui dans le vaste Olympe habitent la cour paternelle, le palais d’or du roi des dieux. […] « Salut, ô la plus belle des vierges de l’Olympe, Artémis ! […] ‘Enfin, l’attrait de cette poésie ne régna pas seulement sur la Grèce et sur ses colonies d’Europe et d’Afrique ; elle pénétra plus loin chez les barbares : elle leur parut le plus bel ornement de cette civilisation que saisissaient, comme une proie, les cours voluptueuses des Syriens et des Parthes.
Là, au milieu d’une continuelle alternative de joie et de souffrance, éclot la mélancolie qui est aussi l’aspiration vers le beau, le désir (Sehnsucht ?). […] « Rien de certain parmi les anciens, rien de beau parmi les modernes. » Il rentre enfin dans sa patrie, mais le grand siècle n’est plus. […] Arnold, lui a rendu hommage en de belles stances. […] Rappelons Schubert et ses mélodies, surtout son beau chant de l’Adieu, celui de l’Éloge des larmes, si pénétré de mélancolie. […] L’occasion était belle pour les classiques si malmenés de prendre une revanche sur leurs adversaires, et ce fut M.
Et les Burgraves ne sont un drame si impossible que parce qu’ils sont un beau fragment épique. […] Un bel enterrement est beau. […] Les Burgraves tout entiers y feraient belle figure à côté d’Éviradnus. […] Que le « jeune homme d’un très beau passé ». […] Cela nous suffit, notre dessein n’étant que de ruiner le préjugé qui fait du crime passionnel un « beau crime ».
Il a une femme jeune, belle, ambitieuse aussi, lady Macbeth. […] Belle et noble lady, nous serons votre hôte pour cette nuit. […] Sortons et amusons-les par les plus beaux dehors : la trahison du visage doit cacher les secrets du cœur d’un traître. […] Nous avons manqué la plus belle moitié de notre coup. […] C’est Macbeth, la plus belle des tragédies.
Sachons le voir comme il est, avec sa belle énergie et son infatigable activité, son bon sens ferme et fin, ses instincts généreux, humains, bienfaisants. […] Né près du peuple, absent de Paris pendant douze années, il est resté à l’écart du travail que faisait la société polie sur la langue ; et quand il revient, en 1638, il garde son franc et ferme style nourri d’archaïsmes, de locutions italiennes ou espagnoles, de façons de parler et de métaphores populaires ou provinciales, un style substantiel et savoureux, plus chaud que fin, plus coloré que pur, brusque en son allure et assez indépendant des règles savantes ou du bel usage. […] Ce serait fort bien, s’il n’avait pris parfois mot pour mot des scènes entières : ainsi au Pédant joué de Cyrano de Bergerac, à la Belle plaideuse de Boisrobert. […] Voici la noblesse provinciale : les Sottenville, fiers du nom et de la race, gourmés, solennels, insolents pour tout ce qui n’est pas né ; leur fille Angélique, une coquette de province qui n’est qu’une coquine ; M. de Pourceaugnac, vaniteux, lourd et sot ; la comtesse d’Escarbagnas, folle du bel air, et qui singe grotesquement les manières de la cour et de Paris. […] Rotrou, la Bague de l’oubli, Diane ; d’Ouville, l’Esprit follet ; Boisrobert, l’Inconnue, la Belle invisible ; Scarron, Jodelet ou le Maître valet ; Don Japhet d’Arménie, L’Ecolier de Salamanque ; Th.
Il en donnait les premières marques vers le temps où Descartes, dans son Discours de la méthode, faisait voir les plus beaux fruits du sien. […] Le beau morceau sur Epictète et Montaigne, qu’on sait être l’extrait d’une conversation de Pascal avec M. de Sacy, n’est pas une première impression à la suite d’une lecture récente. […] Eût-il été plus beau que Pascal lâchât pied, ou que, s’éblouissant de sa propre raison, il la mît au-dessus du mystère qu’il essayait d’expliquer par elle ? […] Si, de plus, on entend la méthode dans le sens cartésien, où trouver une plus belle application de cet art de chercher la vérité, dont Descartes avait donné les règles ? […] Quelquefois l’interlocuteur feint de trouver qu’une si belle morale aurait dû penser à tout, et il lui fait un tort de certains cas auxquels elle n’a point pourvu.
Prenons le bon et le beau partout où il est, même et surtout en Allemagne ; je ne crois pas présentement à d’autre revanche. […] Ce sont là de belles théories qui frisent l’idéal, mais la réalité nous montre l’humanité faite de passions, et plus elles sont injustes, moins il est facile de les détruire. […] L’important n’est pas de savoir s’il aimait la France, mais s’il a écrit de belles pages qui peuvent nous réjouir, nous autres Français, bien qu’elles n’aient pas été composées à notre intention. […] Je tiens à entendre une belle œuvre, parce qu’elle m’est agréable à entendre et que je ne vois pas pourquoi l’on viendrait me déranger dans mon plaisir. […] Des concerts aux Italiens, où les beaux morceaux du Lohengrin étaient détachés et où l’ensemble ne fut pas imposé à des oreilles françaises, eurent du succès.
S'étant attaché à la belle et célèbre tragédienne, mademoiselle Georges, il a exploité avec habileté divers théâtres, et pendant quinze ans on l’a vu toujours aventureux, toujours debout, ressemblant à un général qui, le plus souvent battu et sans troupes, trouve moyen de tenir le pays et de subsister par prodige. […] J'ai tort, peut-être, de dire assez, car c’est beaucoup avec un homme comme lui, et après tout ce qu’il m’a dit du prince ; il m’en a fait un bel éloge… C'est l’homme du temps, a-t-il dit, c’est le véritable Roi de l’époque… Il a tout ce qu’il faut pour réussir… Les obstacles sont grands ; mais s’il y a une circonstance favorable, elle est certainement pour Henri V… Maintenant, lui ai-je dit, il faudrait faire fructifier ce voyage par une publication, comme autrefois le Conservateur.
Joubert, l’ami intime, l’ami du cœur et du génie de M. de Chateaubriand, écrivait à madame de Beaumont, inquiète et craintive, à la veille de la publication d’Atala (mars 1801), cette lettre qui est restée le jugement définitif et qu’enregistre la postérité : « Je ne partage point vos errantes, car ce qui est beau ne peut manquer de plaire ; et il y a dans cet ouvrage une Vénus, céleste pour les uns, terrestre pour les autres, mais se faisant sentir à tous. […] L’auteur a cherché, sous ces beaux noms étrangers et chevaleresques, à consacrer et à immortaliser une flamme rapide de passion qu’il avait lui-même ressentie et exhalée à son passage dans ce délicieux Alhambra.
Au reste la critique de notre siècle a fait une rude guerre il toutes ces belles paroles ; elle nous a appris qu’il fallait les imputer plus souvent à l’homme d’esprit qui racontait, qu’à homme de cœur qui avait senti. […] Encore un prêtre, d’esprit délicat, de foi ardente, un roi, brave et d’humeur chevaleresque, eussent-ils pu trouver ces belles paroles.
Les grands praticiens d’autrefois, obligés d’opérer rapidement et sur une chair sensible, torturée, révoltée, hurlante, avaient une extrême habileté de main, une belle énergie, un imperturbable sang-froid. […] * * * Puisque j’ai dû au docteur Eugène Doyen quelques-unes de mes émotions les plus rares — émotions artistiques, car le bon sorcier était beau à voir ; il respirait la force et la joie dans sa fonction salutaire et sanglante, et je sentais le « drame » conduit par une main délicate et forte, et cette main elle-même dirigée par une intelligence audacieuse et inventive ; — puisque, d’autre part, ce poète du scalpel m’apparaît comme un des hommes les plus évidemment prédestinés à diminuer parmi nous la somme du mal physique, pourquoi ne vous le dirais-je pas ?
Victor Hugo Quoique la faculté du beau et de l’idéal fût développée à un rare degré chez M. […] Eugène Lintilhac Le Paria (1829), dont les chœurs sont fort beaux et annoncent la poésie des Poèmes antiques d’Alfred de Vigny ; Marino Faliero (30 mai 1829), dont les audaces sont antérieures à celles d’Hernani, et en sont toutes voisines, puisque le poète s’y affranchit de l’unité de lieu et admet le mélange du comique dans le dialogue… ; Louis XI, d’un effet si sûr à la scène ; les Enfants d’Édouard, si adroitement découpés dans Shakespeare… [Précis historique et critique de la littérature française (1895).]
Je suis le descendant des pages chevelus Qui, sveltes, se levaient après les vidrecomes, À la fin des repas — poètes gentilshommes Dont la couronne avait des baisers pour fleurons, Et qui, l’épée au flanc, coupe en main, fleurs aux fronts, Parmi l’or héraldique et fin des marjolaines, Chantaient le hennin blanc des hautes châtelaines… — Et quoique le fil des beaux siècles soit rompu, J’ai gardé de leur race autant que je l’ai pu3. Là, et dans ses sonnets de couleur, il faisait montre d’une belle virtuosité où l’on retrouvait à la fois Banville et Coppée, mais il exagérait dans ses vers d’amour, lorsqu’il affectait les langueurs d’un amant éconduit, accablé de sa disgrâce, et quand, pour apitoyer les âmes sensibles il présageait sa fin prochaine : Et je ne vivrai pas du reste bien longtemps.
Énée et Turnus ne sont beaux que dans deux ou trois moments ; Mézence seul est fièrement dessiné. Cependant dans les peintures douces et tendres, Virgile retrouve son génie : Évandre, ce vieux roi d’Arcadie, qui vit sous le chaume, et que défendent deux chiens de berger, au même lieu où les Césars, entourés de prétoriens, habiteront un jour leurs palais ; le jeune Pallas, le beau Lausus, Nisus et Euryale, sont des personnages divins.
Il est bon, il est beau, quoi qu’on en dise, que toutes nos actions soient pleines de Dieu, et que nous soyons sans cesse environnés de ses miracles. […] Ainsi la religion avait fait partager à l’amitié le beau privilège que Dieu a de donner une éternité de bonheur.
Il était très capable de trouver du premier coup les choses les plus sublimes ; mais, ses ratures nous le démontrent, il en a trouvé d’aussi belles par le procédé, le travail, le métier, les combinaisons de l’exécution. […] Voilà une belle page ; elle paraît écrite sans peine ; tout y est coulant, nulle trace de travail ; point de rhétorique ; netteté, limpidité, tour, nuance, saillie, rien n’y manque.
On peut admirer certes le catholicisme de François d’Assise et celui de sainte Thérèse, et en même temps trouver que, dans l’ensemble, la plus belle et la plus saine tradition du catholicisme est en France. […] Des écrits plus anciens, remontant comme certains chapitres d’Anthinea à 1896 et 1898, font de même observer qu’« au bel instant où elle n’a été qu’elle-même, Athènes fut le genre humain. »
Ne sont-ce pas peut-être aussi de beaux sujets de thèse ? […] Car, ici, j’ai beau lire et relire les chapitres, d’ailleurs très intéressants, que M. […] et, dans notre temps même, aux beaux jours du romantisme, d’Hernani et de Ruy Blas, de la Périchole ou de Carmen ? […] Ceux-ci, en particulier, « savent, la plupart, de fort belles humanités, savent parler en beau latin, savent nommer en grec toutes les maladies, les définir et les diviser ». […] Si ce beau système « a été trouvé dans les bois », c’est dans les villes qu’il se pratique, et si l’on le voulait, ce serait à Paris tout aussi bien qu’à Londres.
Platon, Aristote, Plotin, Abélard, Spinoza, Kant, furent l’objet des plus beaux travaux. […] Elle a soutenu les idées absolues du vrai, du beau et du bien parce que c’est moral, l’existence de Dieu parce que c’est moral, la volonté libre parce que c’est le fondement de la morale. […] Les stoïciens l’avaient déjà dit en appelant le principe de l’univers « un feu artiste », belle formule qui résume merveilleusement la doctrine de M. […] Socrate a eu beau vouloir circonscrire la science dans le « connais-toi toi-même », Platon et Aristote eurent l’un et l’autre leur philosophie de la nature. […] Fénelon a exprimé cette doctrine dans l’une des phrases les plus belles et les plus profondes du Traité de l’existence de Dieu.
Dans une démocratie qui vit de liberté, et que féconde la variété des inspirations individuelles, le gouvernement n’a rien à édicter, rien à diriger, rien à entraver ; il n’a qu’à remplir, s’il le peut, et comme il le peut, un rôle discret d’amateur clairvoyant, respectueux des talents sincères, des belles passions et des volontés généreuses. […] Là-dessus Montesquiou me présente aux belles dames du noble faubourg et d’ailleurs, qu’il traîne à sa suite, à la duchesse de Rohan, à la comtesse Potocka. […] D’épais sourcils, de ces arcades sourcilières profondes, comme il y en a dans les bustes antiques, avec au fond, des yeux d’un gris d’aigle : les beaux traits d’un prélat romain. […] En sorte, que la malheureuse Mme Adam est emprisonnée dans sa bonne aventure : ce qui fait dire à l’un de nous, qu’il y aurait à faire une belle chose littéraire d’un homme ou d’une femme, dont toutes les actions seraient sues d’avance, sans que cet homme ou cette femme puissent se dérober à leur fatalité. […] Et l’un des grands banquiers de Paris, auquel mon cousin reprochait amicalement sa bêtise, lui répondait : « Nous sommes tous des c… et ce qu’il y a de beau, c’est que dans toutes les circonstances, c’est toujours comme cela !
L’ambassadeur américain455, homme pratique, explique à Washington avec une ironie grave la jolie parade académique et littéraire qui précède le tournoi politique et public. « Les discours sont lus d’avance dans une petite société de jeunes gens et de femmes, au nombre desquelles se trouve ordinairement la belle amie de l’orateur ou la belle dont il désire faire son amie ; et la société accorde très poliment son approbation, à moins que la dame qui donne le ton au petit cercle ne trouve à blâmer quelque chose, ce qui naturellement conduit l’auteur à remanier son œuvre, je ne dis pas l’améliorer. » Rien d’étonnant si, parmi de pareilles mœurs, les philosophes de profession deviennent des hommes du monde. […] Il a beau s’égarer ou se salir ; il n’en convient que mieux à son auditoire, et ses défauts lui servent autant que ses qualités. — Après une première génération d’esprits sains, voici la seconde, où l’équilibre mental n’est plus exact. […] Le titre est la Folle journée, et en effet c’est une soirée de folie, un après-souper comme il y en avait alors dans le beau monde, une mascarade de Français en habits d’Espagnols, avec un défilé de costumes, des décors changeants, des couplets, un ballet, un village qui danse et qui chante, une bigarrure de personnages, gentilshommes, domestiques, duègnes, juges, greffiers, avocats, maîtres de musique, jardiniers, pâtoureaux, bref un spectacle pour les oreilles, pour les yeux, pour tous les sens, le contraire de la comédie régnante, où trois personnages de carton, assis sur des fauteuils classiques, échangent des raisonnements didactiques dans un salon abstrait. […] Joignez à cela un double sens perpétuel, l’auteur caché derrière ses personnages, la vérité mise dans la bouche d’un grotesque, des malices enveloppées dans des naïvetés, le maître dupé, mais sauvé du ridicule par ses belles façons, le valet révolté, mais préservé de l’aigreur par sa gaieté, et vous comprendrez comment Beaumarchais a pu jouer l’ancien régime devant les chefs de l’ancien régime, mettre sur la scène la satire politique et sociale, attacher publiquement sous chaque abus un mot qui devient proverbe et qui fait pétard491, ramasser en quelques traits toute la polémique des philosophes contre les prisons d’État, contre la censure des écrits, contre la vénalité des charges, contre les privilèges de naissance, contre l’arbitraire des ministres, contre l’incapacité des gens en place, bien mieux, résumer en un seul personnage toutes les réclamations publiques, donner le premier rôle à un plébéien, bâtard, bohème et valet, qui, à force de dextérité, de courage et de bonne humeur, se soutient, surnage, remonte le courant, file en avant sur sa petite barque, esquive le choc des gros vaisseaux, et devance même celui de son maître en lançant à chaque coup de rames une pluie de bons mots sur tous ses rivaux Après tout, en France du moins, l’esprit est la première puissance. […] L’une des plus belles strophes de Souvenir est presque transcrite (involontairement, je suppose) du dialogue sur Otaïti.
Le cou, gros et court, se rattachait par des muscles vigoureux à de belles épaules. […] Necker devait bientôt y écrire les plus beaux livres de sa maturité, et lord Byron les plus beaux chants de son Child Harold, cette odyssée de l’âme d’un poëte incomparable. […] « Elle était vêtue, comme la sibylle du Dominiquin, d’un châle des Indes, tourné autour de sa tête, et ses cheveux, du plus beau noir, étaient entremêlés avec ce châle ; sa robe était blanche ; une draperie bleue se rattachait au-dessous de son sein ; son costume était très-pittoresque, sans s’écarter cependant assez des usages reçus pour que l’on pût y trouver de l’affectation. […] Le jeune et beau comte Louis de Narbonne, ministre de la guerre avant Dumouriez, puisait ses inspirations dans les pensées de madame de Staël et sa récompense dans son amitié. […] Ces sentiments m’ont été transmis comme un héritage, et je les ai adoptés dès que j’ai pu réfléchir sur les hautes pensées dont ils dérivent et sur belles actions qu’ils inspirent.