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729. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre II. Le lyrisme bourgeois »

Il aimait beaucoup les écoliers : il ne le fut peut-être jamais. […] Toutes femmes, pour ta figure, Doit-on aimer. Il aime et révère l’Église, il hait les vices qui l’obscurcissent. Il aime les pauvres curés qui vivent de peu dans les villages en prêchant l’Évangile. […] Un trait de Rutebeuf que j’ai déjà signalé, c’est qu’il aime les idées générales : ce sont lieux communs aujourd’hui, ce ne l’étaient pas alors.

730. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « José-Maria de Heredia.. »

Lorsque je pus lire ses Erreurs amoureuses, ma déception fut grande : pourtant je continuai d’aimer Ponthus pour le noble esprit qui paraît çà et là dans ses méchants vers et surtout pour la sonorité de son nom. […] Et nous lui dirons tous avec Théophile Gautier : — Heredia, je t’aime parce que tu portes un nom exotique et sonore et parce que tu fais des vers qui se recourbent comme des lambrequins héraldiques. […] Il descend de ces conquistadores qu’il aime tant, et dont la vie a été comme un rêve sublime. […] Ces conquistadores, nous les aimons surtout parce qu’ils diffèrent de nous, parce que leur fureur d’action amuse notre doute et notre mollesse ; mais M. de Heredia les aime parce qu’il leur ressemble un peu, parce qu’il sent encore tressaillir en lui quelque chose de leur âme.

731. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Ernest Renan, le Prêtre de Némi. »

. — Au moins, dit la jeune fille, aimez-moi un peu. La femme ne fera jamais le bien que par l’amour d’un homme  Sœur dans le devoir et le martyre, je t’aime », dit Antistius en la baisant tristement au front. […] » Même après que l’étroitesse d’esprit et la grossièreté de ses compatriotes l’ont dépouillé de ses illusions, il croit encore : « Ne serait-il pas mieux de les laisser suivre leur sort et de les abandonner aux erreurs qu’ils aiment ? […] L’ami de la raison doit aimer l’humanité, puisque la raison ne se réalise que par l’humanité… Ô univers, ô raison des choses, je sais qu’en cherchant le bien et le vrai je travaille pour toi. » Il croit à l’obligation de se sacrifier pour les fins de l’univers, telles qu’il nous a été donné de les concevoir. […] Ô lumière, qui m’as induit à t’aimer, sois maudite !

732. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XI. Le royaume de Dieu conçu comme l’événement des pauvres. »

Chacune des pierres, chacune des briques qui les composent est un péché 513. » Le nom de « pauvre » (ébion) était devenu synonyme de « saint », d’« ami de Dieu. » C’était le nom que les disciples galiléens de Jésus aimaient à se donner ; ce fut longtemps le nom des chrétiens judaïsants de la Batanée et du Hauran (Nazaréens, Hébreux), restés fidèles à la langue comme aux enseignements primitifs de Jésus, et qui se vantaient de posséder parmi eux les descendants de sa famille 514. […] Méprisant ces misérables aberrations du sentiment religieux, Jésus aimait à dîner chez ceux qui en étaient les victimes 520 ; on voyait à table à côté de lui des personnes que l’on disait de mauvaise vie, peut-être pour cela seul, il est vrai, qu’elles ne partageaient pas les ridicules des faux dévots. […] Jésus aimait cet aspect gai et animé, et tirait de là des paraboles 528. […] Ses disciples les repoussaient parfois comme importunes ; mais Jésus, qui aimait les usages antiques et tout ce qui indique la simplicité du cœur, réparait le mal fait par ses amis trop zélés. […] Luc, qui aime à relever tout ce qui se rapporte au pardon des pécheurs (comp.

733. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VIII. Quelques étrangères »

Mais à chaque instant sa maîtresse sentait qu’il « n’aimait personne, ni elle, ni Donatella, mais qu’il les considérait l’une et l’autre comme de purs instruments de l’art, comme des forces à employer, des arcs à tendre ». […] Il adore sa « chère âme » vide comme une idole, et les idoles aimèrent toujours l’odeur infâme des sacrifices humains. […] Suzanne a rencontré Jude et s’est fait aimer de lui. […] La nouvelle la blesse et l’irrite ; par dépit et par vengeance, par besoin aussi de se précipiter douloureuse en un refuge, Suzanne épouse un homme qu’elle n’aime point et qui est beaucoup plus âgé qu’elle. […] Il faut s’évader, il le comprend, « des moules sociaux où la civilisation nous enferme », car ils « n’ont pas avec nos formes réelles une plus exacte relation que les figures conventionnelles des constellations avec la véritable carte stellaire ». — Triomphe moins vraisemblable et qui paraît la victoire définitive de la thèse : Phillotson, le vieux mari de Suzanne, et qui aime Suzanne, est persuadé par les arguments de sa femme.

734. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre premier. Mme de Staël »

Mais dans ses romans, elle se raconte elle-même : elle est sa Corinne ou sa Delphine, l’une après l’autre ; mais en histoire et en politique, elle n’a guère que l’opinion des hommes qu’elle aime, ou son père, ou Benjamin Constant, ou Narbonne, ou tout autre, et elle dit même quelque part que la femme, dont elle juge d’ailleurs très bien la destinée, ne doit pas avoir d’autre opinion que celle-là ! […] un style plein de couleur et de mélodie, et le mot, plus rare que le style, qui le diamante et le couronne, le mot qu’elle recherche et qu’elle aime, la parure de sa phrase de femme, aux mêmes contours qu’elle, mais qui n’a ni les attaches, ni les articulations, ni les manières de marcher, animalement puissantes, de la phrase des hommes de génie. […] la femme dans Mme de Staël, la femme qu’on voulait chasser de son génie et que j’y ramène et que je voudrais y faire pour toujours retrouver… Certes, oui, je l’aimerais et l’admirerais bien moins, si elle était plus homme ! […] Elles sentent le besoin d’appui, et ne se révoltent point contre la supériorité de l’homme qu’elles aiment, au nom de la leur qu’elles aiment encore davantage.

735. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Jacques Cœur et Charles VII »

« J’aime mieux — disait madame de Staël — qu’on m’apprenne tout simplement la couleur de la voiture de monsieur un tel, que de me débiter solennellement des généralités sans puissance. » Madame de Staël avait raison. […] Il aime mieux la creuser dans un espace resserré, d’un point à un autre, que de l’embrasser à vaste et pleine ceinture, par conséquent de la mal étreindre. […] L’Angleterre, ce pays pratique avant tout, aime cette manière de concevoir l’histoire et de récrire. […] Nous, que l’histoire comme on l’écrit depuis vingt ans13 a lassés et un peu blasés sur les généralisations à perte de vue qui s’y mêlent, nous aimons cette saveur étrange, parce qu’elle est pure et vraie, que nous donne l’histoire écrite ainsi, et nous pensons que la voilà, impartiale et sincère, autant, du moins, qu’il est permis à la pauvre main humaine de la tracer. […] Eux seuls sont les vrais serviteurs de l’Histoire, et qui aime le passé, qui croit avec Leibnitz que le passé contient l’avenir du monde, doit applaudir à leurs efforts.

736. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 201-216

II Il ne s’agit pas, d’ailleurs, aujourd’hui, dans ce chapitre, des romans de MM. de Goncourt, mais d’une de leurs biographies ; car ces historiens, qui ont bien le droit de s’appeler « les historiens du xviiie  siècle », n’ont écrit l’histoire qu’à coups de biographies, et, pour ma part, j’aime cette manière individuelle de l’écrire. […] Ils avaient l’aptitude historique… Mais ils aimaient peut-être trop le siècle qu’ils ont raconté. […] Ils l’aimaient, hommes et choses, dans toutes ses manifestations. […] Louis XV, dégoûté de Marie Lecsinska, aimée (si on peut prostituer ce mot sacré) comme la femelle l’est, une minute, de son mâle, et laissée là, sans que cette vertueuse Maladroite de l’amour conjugal ait eu la puissance de le retenir et de le captiver, Louis XV, — il faut bien dire le mot, — l’empêtré Louis XV, malgré sa beauté et la royauté qui s’ajoutait à cette beauté pour la rendre irrésistible, fit attendre un moment le règne des maîtresses, et c’est alors qu’on vit la France tout entière lutter presque de proxénétisme empressé avec les grands seigneurs et les valets de cour qui le poussaient à l’adultère ! […] Nattier aimait à la peindre aussi avec une peau de tigre autour des reins, — tandis que sa sœur, la duchesse de Châteauroux, était le tigre, sans la peau !

737. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXI. Sainte Térèse »

Quel critique enfin a signalé au public, d’une façon quelconque, l’existence d’une traduction qui met à sa portée une œuvre littéraire, comptée au premier rang dans la littérature espagnole, et qui de plus lui fait connaître une de ces prodigieuses individualités, comme on dit maintenant, d’autant plus curieuse qu’elle est inexplicable à la sagacité purement humaine de l’Histoire, mais dont, pour cette raison peut-être, l’Histoire aime peu à s’occuper. […] On lui a pardonné d’aimer Dieu, en faveur de l’amour ! […] C’est ainsi que la Philosophie, si elle n’est pas charmée, est au moins gênée devant les yeux baissés de l’immaculée Carmélite qui n’est pas seulement la gloire de l’Espagne, mais de la Chrétienté et de l’âme humaine, et aussi de l’esprit humain, et c’est pourquoi, sans aucun doute, dans l’embarras où tant de gloire la jette, elle aime mieux se taire que parler ! […] Légère comme la robe qu’elle portait, et dont elle aimait l’éclat ou la grâce, vaine comme les romans qu’elle lisait, heureuse de plaire, inclinant, comme la fleur au vent, aux conversations frivoles, elle avait les défauts de son sexe, ces défauts presque impersonnels, mais dont elle s’accuse dans sa Vie comme s’ils n’appartenaient qu’à elle seule ! […] Elle devint, cette fille coquette, innocemment coquette, qui aimait le monde et les propos du monde, elle devint une épouse ardemment chaste et tendrement austère de Notre-Seigneur Jésus-Christ, une carmélite incomparable, qui, ne trouvant pas son ordre assez sévère, le réforma et le mit pieds nus.

738. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « E. Caro »

Il y a, en effet, entre Caro, qui a fait ce livre que j’aime, et moi qui viens vous en parler, bien des différences de manière de sentir, de penser et d’être. […] quand on les mérite, j’ai la faiblesse de les aimer, et qu’au contraire il y traite les gens, dont bien évidemment il méprise les doctrines ou l’intelligence, avec cette incroyable politesse qui, à la réflexion, fait comprendre, après tout, que ce qui est le plus coupant dans le langage, comme sur les glaives, c’est ce qui est le plus poli ! […] dans l’état actuel d’une société qui aime le sucre comme une vieille perruche et qui ne voit qu’une chose : conserver de bonnes relations avec tout le monde, à tout prix, convenons-en ! […] J’aime la charité du prêtre dans l’abbé Gratry, comme j’aime la politesse du philosophe dans Caro.

739. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Stendhal et Balzac » pp. 1-16

précisément parce qu’ils ne jouaient pas en aveugles obstinés à cette stupide et éternelle martingale des mêmes noms et des mêmes œuvres, aimés de la foule, et qu’on use, sous le nombre des éditions, comme on crève les meilleurs chevaux de poste sous les aiguillons et sous le fouet, ils gagnaient davantage, — disons le mot, puisque c’est gagner qui est l’important !  […] Critique fin comme un lynx, — trop fin peut-être, — ayant ce ton détaché qui est à cent lieues en l’air du pédantisme et que Beyle aurait aimé plus que personne, spirituel, incisif, pénétrant, mais pénétrant comme une pointe, ayant sous chaque mot dont il se sert une aiguille d’or qu’il enfonce délicatement dans la tête des sots, Paulin Limayrac devait comprendre ce mélange de dandy, d’officier, d’artiste, d’homme du monde, de penseur original, d’humoriste, de touriste, d’excentrique et d’ironique que fut cette Chimère fabuleuse qui répondait au nom de Beyle… ou plutôt qui n’y répondait pas. […] Le livre de l’Amour, — ce chef-d’œuvre de pointillé dans l’observation et de grâce inattendue dans le bien dire, que Sterne aurait admiré, et où les nuances, qui ondoient, chatoient, se fondent et s’évanouissent comme des lueurs d’opale dans le merveilleux observateur du Sentimental Journey, sont nettement fixées sous le regard par un procédé supérieur d’analyse sans rien perdre de leur ténuité et de leurs qualités presque immatérielles, — ce livre d’un agrafeur de nuances (ces mots-là sont faits pour lui seul), ce livre qui a tout dit et fait le tour du cœur, de ce muscle qui renferme l’infini, comme on fait le tour de la terre, de cette misérable petite chose que Voltaire appelait « un globule terraqué », nous ne croyons pas que Paulin Limayrac l’admire et l’aime mieux que nous. […] Ce grand linguiste, qui aimait la langue française comme on aime une personne, et qui, dans les moules vidés de Rabelais, de Montaigne, de Régnier, versait son jeune sang tout bouillant de génie et transfusait sa sève inspirée ; cet artiste désintéressé de tout, excepté de la Beauté possible, de la Beauté cherchée, après laquelle il courait, un flambeau dans la main, comme le Coureur antique, eut la douleur de voir sa perle roulée dans un oubli qui est la fange pour les œuvres de l’esprit humain, sous l’ignoble groin des pourceaux.

740. (1922) Gustave Flaubert

Elle paraît l’avoir aimé avec emportement. […] Et comme il y a chez Flaubert, avec la force de se passionner, une certaine impuissance d’aimer, il se dérobe. « Ne m’aime pas tant, tu me fais mal ! […] Elle est faite pour aimer l’amour, aimer le plaisir, aimer la vie, beaucoup plus que pour aimer un homme, faite pour avoir des amants plus que pour avoir un amant. […] D’abord son devoir était de l’aimer. […] J’aime à les voir et à les toucher de temps à autre.

741. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Aimés surtout. […] La leçon qu’il en tire est bien simple, c’est qu’il faut aimer, et puis aimer encore. […] Ils la sentent comme ils l’aiment, profondément. […] « Comme ils s’aimaient ! Comme ils s’aimaient bien !

742. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Appendice » pp. 453-463

C’est dans ces limites, chères aux esprits d’élite et aux âmes modérées, qu’il circonscrit ses vues, et qu’il aime à tracer le cercle où il voudrait retenir le plus habituellement, ou faire rentrer le plus tôt possible, l’homme de lettres même de l’avenir. […] Il est si doux, si beau, de s’être fait soi-même, De devoir tout à soi, tout aux beaux-arts qu’on aime, a dit André Chénier : mais encore faut-il que ce soit possible, et que l’organisation de la chose littéraire s’y prête. Ici se rencontre une question forcément matérielle, et que les esprits mêmes qui aimeraient le moins à s’occuper de ce côté de la vie ne peuvent éviter. […] Ces questions complexes étaient peut-être contenues dans votre programme : elles resteront longtemps encore proposées ; nous aimons à espérer qu’elles se résoudront peu à peu, et dans un sens qui ne sera pas défavorable, en définitive, à l’honneur des lettres, ni à l’émancipation de l’esprit. […] Il est de ceux qui aiment à croire à un grand avenir, à une ère décidément nouvelle, et qui mettent l’âge d’or en avant : s’il y a quelque système en ceci et quelque illusion (et il en paraît convenir vers la fin), il anime ses tableaux du moins par un enthousiasme sincère et par des traits d’une imagination grandiose ; mais ce qui est mieux, il y met des tons de cordialité franche et de mâles effusions de tendresse.

743. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

J’aime mieux (et je crois que presque tous seront comme moi) M.  […] Il est toujours furieux, et jusqu’à : Je vous aime, il dit tout aigrement. […] Un jour qu’il était de loisir et qu’il se trouvait aubord de la mer, rêveur par aventure et en quête d’unsujet de fantaisie, il eut l’idée de définir en vers (car il a plus d’une sorte de talent) la prose telle qu’il l’aime et telle qu’il la manie. […] J’aime mieux finir par louer M.  […] Est-ce à moi qu’on a dit, en me pressant la main : « Pour t’aimer j’ai deux cœurs ; je porte en moi deux âmes ! 

744. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

Le caractère de Madeleine se peint dans ses paroles, non pas tout à fait tel qu’on aime à se le figurer d’après la tradition ordinaire, non pas celui d’une femme tendre, passionnée et abandonnée. […] Et aussi, une fois convertie, elle aimera Jésus comme pas une ; elle sera la sainte amante. […] vous prétendez aimer votre Hippolyte, ô chaste déesse, et vous ne savez pleurer, vous ne pouvez pleurer ? […] À quoi sert d’être aimé d’un tel Dieu ? […] On aime à les avoir pour soi, et à se retrancher derrière eux au besoin.

745. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Pourquoi de vaillants essais (moi qui les aime en tout genre), de consciencieuses et fermes études de M.  […] Tel est le public : quand il est à bout d’une veine, il aime à en changer, et il adopte vite l’auteur à qui il est redevable d’une série de sensations nouvelles. […] Clotilde est belle, de sa pleine et entière beauté, jeune encore, trente-quatre ans et demi, pas davantage ; elle est dans l’âge de la crise, mais le danger n’est pas le même pour elle que pour l’épouse précédente ; car elle, elle aime son mari, son Fernand ; elle fait, il est vrai, ménage on étage à part depuis huit ou dix ans, mais elle guette le moment de le reconquérir. […] Déjà, dans Rédemption, que décidément je n’aime pas, M.  […] Elle est certainement la première à souffrir de cette exécution cruelle : « Mais je devais, se dit-elle, ce sacrifice à ma foi outragée, à ma piété. » Cette bonne dame qui chasse de sa maison le docteur, son ami platonique, parce qu’il a déclaré en vouloir au bon Dieu, ressemble fort dans son genre à Sibylle repoussant impitoyablement, pour pareil méfait, le jeune homme qu’elle aime et qui l’adore ; et comme elle aussi, mais plus à temps, par ce parti héroïque elle amène à résipiscence le récalcitrant et elle le convertit.

746. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre V. La Fontaine »

Aucun devoir ne le retient, quand il n’aime pas : aucun intérêt, quand il aime. Parce que cela lui fait plaisir, il aime ses amis ; il leur est dévoué, tendrement, délicatement, à Fouquet, à Mme de la Sablière, à M. d’Hervart. […] Aussi se fait-il aimer, comme il aime. […] J’aime le jeu, l’amour, les livres, la musique, La ville et la campagne, enfin tout : il n’est rien Qui ne me soit souverain bien, Jusqu’aux sombres plaisirs d’un cœur mélancolique.

747. (1894) Propos de littérature « Chapitre III » pp. 50-68

Vielé-Griffin nous présente plus souvent son idée sans la parer de ce manteau magique : c’est une conséquence de l’état d’esprit qui lui fait aimer l’expression directe. […]   Il faut aimer les midis sur la mer et l’été dans les champs, il faut aimer l’instant ébloui où, à travers notre humide septentrion, tous les rayons unissent leurs triomphales merveilles, pour goûter ensuite leurs dégradations perdues et faire vibrer les sensations du plein air. […] J’aimerais aussi le rapprocher, à ce point de vue, de tel peintre de la Renaissance, comme Ghirlandajo qui fit naître sous son pinceau des femmes grandes et pures. […] Ce poète eût beaucoup perdu sans doute à ce changement de vision si, — comme le font les sculpteurs, — en rendant plus flottantes les lignes de ses figures, il n’avait préservé sous la vague étoffe la fermeté pure des contours, et s’il n’avait acquis pour elles un lointain favorable au songe qui les fait aimer par-dessus tout. […] La Forêt en sa masse mystérieuse, ou vaste et triste et sœur du Songe par la solitude, est particulièrement aimée de M. de Régnier.

748. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Il y a l’homme d’esprit sur tous les points, le causeur de salon, celui qui, nonchalamment assis, dans un cercle pas trop nombreux, agite, soulève, anime toutes les questions et aime à les laisser indécises en se levant. […] En tous les lieux où il allait, sa belle et douce figure, sa physionomie vénérable et tendre, et comme doucement rayonnante, le faisaient aimer : des disciples chéris s’attachaient à lui et ne le quittaient plus. […] Nous le verrons ainsi entrer en lutte avec la royauté qu’il respecte et qu’il aime, et s’exposer en toute humilité à jouer un rôle historique. […] Tant il est vrai que, là comme ailleurs, l’esprit humain naturellement aime encore mieux la poursuite que la possession, la chasse que la prise, a dit Pascal. […] Quoi qu’il en soit, voici un rôle que j’aime à concevoir pour l’un de ces hommes à la fois politiques et littéraires qu’a frappés la dernière tourmente, et qui ne se sentent coupables que d’avoir voulu sauver la France à leur manière, d’une manière qui s’est trouvée insuffisante et fragile en face d’une autre méthode plus héroïque et plus souveraine.

749. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VI : M. Cousin philosophe »

Cousin n’aime pas Voltaire et méprise beaucoup Condillac. […] Il aime la science pure, et ne s’occupe pas de la vie pratique ; il ne songe pas à réformer le genre humain. […] Un orateur aime le bon style. […] Un orateur aime à parler sur la vertu, et fait volontiers la leçon aux hommes. […] Si vous aimez la liberté et la patrie, fuyez ce qui les a perdues.

750. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

Cette peau avait dansé, soupé et aimé avant d’aboutir à cette terrine. […] Vraiment, aucun de ces gens-là n’avait jamais aimé. […] Il l’aime. […] Là, nous nous dirons que nous nous aimons, et nous nous aimerons… Nous passerons un siècle entier sans que notre attente en soit jamais trompée !  […] la raison puissante pour s’aimer !

751. (1874) Premiers lundis. Tome I « Charles »

Toujours l’auteur se prépare à la composition par la solitude ; il s’y exalte longuement de ses souvenirs, de ses espérances, et de tout ce qui a prise sur son âme ; il se crée un monde selon son cœur, et le peuple d’êtres chéris ; le nombre en est petit ; il leur prête toutes les perfections qu’il admire, tous les défauts qu’il aime ; il les fait charmants pour lui : mais trop souvent, si son imagination insatiable ne s’arrête à temps, s’élevant à force de passion à des calculs subtils, et raisonnant sans nn sur les plus minces sentiments, il n’enfantera aux yeux des autres que des êtres fantastiques dans lesquels on ne reconnaîtra rien de réel que cet état de folle rêverie où il s’est jeté pour les produire. […] Quant à Charles, il ne s’aperçoit pas d’abord de Léonide : son père, qui est un Grec et un vrai Grec du siècle de Miltiade, a fait de lui un Romain, comme dit Morzande ; notre Romain est fou de gloire, de liberté, de littérature même, et la pauvre Léonide a besoin de lui découvrir son amour avant qu’il songe à l’aimer. […] Charles ne commence à se dessiner et à se faire homme que du moment qu’il aime ; encore la monotonie et la généralité de ses transports accusent toujours ce qui lui manque de qualités positives et d’habitude de la vie.

752. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — I. La Thébaïde des grèves, Reflets de Bretagne, par Hyppolyte Morvonnais. »

Le volume qu’il publie contient ses propres impressions et les cantiques de son cœur dans la solitude d’un veuvage que remplit un souvenir aimé. […] De mon humeur fantasque on craignait les courroux ; Et j’aurais, en jouant, toujours aimé de tous,     Brisé glaces et pierreries. […] J’ai la vieille Bretagne avec ses bruits si beaux, Ses maisons du Seigneur, au milieu des tombeaux,     Comme des mères de familles Assises au milieu de leurs enfants aimés, Au soir d’un de ces jours où les cieux allumés     Ont chauffé le fer des faucilles.

753. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre VIII. Bossuet historien. »

« Le fond d’un Romain, pour ainsi parler, était l’amour de sa liberté et de sa patrie ; une de ces choses lui faisait aimer l’autre ; car, parce qu’il aimait sa liberté, il aimait aussi sa patrie comme une mère qui le nourrissait dans des sentiments également généreux et libres.

754. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

Il aime que les États s’établissent par prudence, par ordre, par or. […] Rosny désirait la paix de Vervins ; dès qu’il la croit possible, il la conseille à son maître : les ministres des finances aiment en général la paix. […] Adieu, mon ami que j’aime bien ; continuez à me bien servir, mais non pas à faire le fol et le simple soldat. […] Sire, répliqua celui-ci, je ne la voudrais faire pour tous vos trésors. » Henri IV disait, et avec raison, à Sully : « Dès l’heure que vous ne me contredirez plus aux choses que je sais bien qui ne sont pas selon votre humeur, je croirai que vous ne m’aimerez plus. » Il a jugé son ministre dans la dernière année (1609) sans complaisance, sans faveur, et d’une voix qui est déjà celle de la postérité. […] Il n’est pas homme à retenir et à accumuler, à la manière d’un trésorier et d’un bon économe, les gouvernements et les charges, il aime mieux les distribuer aux autres.

755. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

Mézeray, qui aime le vrai avant tout, ne sacrifie point au dramatique. […] Il aimait à mêler sa causticité à ses définitions. […] Il aimait à le visiter, goûtait fort sa compagnie, et vantait à chacun son genre d’esprit naïf et son gros sel qui l’amusait extrêmement. […] Il n’est pas mal, après un temps de vogue et de renom, de s’écouler dans la foule, d’être de ceux qui aiment à vivre et à mourir aussi près de terre que possible. […] Elle n’a d’autre intérêt que de bien fixer l’état de Mézeray sous Mazarin : il n’avait pas alors cette pension de 4 000 livres qu’il eut et qu’il perdit plus tard, et que, par une confusion intéressée, dans le but de la rendre plus inviolable, il aimait à faire remonter jusqu’au temps de Mazarin.

756. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire. »

Il était secrétaire de M. de Montazet ; je l’aimais beaucoup. […] Ducis, avec qui il avait quelque parenté de talent et d’origine, a dit dans un portrait qu’il a donné de lui : « Il aimait passionnément Molière, Montaigne et Shakespeare ; il y trouvait ce fonds immense de naturel, de raison,  de force, de grâce, de variété, de profondeur et de naïveté qui caractérise ces grands hommes ; aussi, était-il né avec un sens exquis et une âme excellente : c’était tout naturellement qu’il voyait juste, comme c’était tout bonnement qu’il était bon. » On est sous Louis XVI, aux premières et belles années, sous un jeune roi plein de mœurs et de bon sens. […] C’est un bien qui appartient à votre femme, à vos enfants, à moi, à tous ceux qui vous aiment. […] Dites-lui que j’aime mieux le voir ranger ses tonneaux que ses livres, et végéter comme un peuplier des bords de son ruisseau que pâlir sur son Juvénal ou son Tacite. […] Le cœur jouit, la tête se repose ; on ne définit plus, on goûte. » Ce mot nous rappelle involontairement celui de La Bruyère sur l’amitié : « Être avec les gens qu’on aime, cela suffit : rêver, leur parler, ne leur parler point, penser à eux, penser à des choses plus indifférentes, mais auprès d’eux, tout est égal. » L’un et l’autre mot sont aussi beaux que du La Fontaine.

757. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

Ce n’est pas un de ces secrétaires et familiers qui, le dos tourné, ne disent que du mal ou qui disent indifféremment le bien et le mal, comme l’abbé Ledieu pour Bossuet : l’abbé Legendre admire son prélat ; il l’aime et lui est demeuré reconnaissant. […] Il y a, au Cabinet des Estampes, jusqu’à trente portraits gravés de ce prélat, qui évidemment aimait à se contempler et à se voir reproduit dans sa noblesse et dans ses grâces ; il y est représenté à tous les âges, sous toutes les formes, abbé, docteur, archevêque de Rouen, archevêque de Paris, à tous les degrés de sa vie ou de ses dignités. […] Il aimait plus tard à raconter gaiement comment il avait dû, à cette époque, emprunter plus d’une fois à des amis. […] Son eau bénite de Cour opéra souvent des merveilles : c’était au point qu’on aimait mieux être refusé par lui qu’agréé par un autre. […] Il aimait ces sortes de gageures ; il se montrait supérieur encore dans l’improvisation à ce qu’il était dans le discours étudié.

758. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat. »

Notre siècle, un peu revenu depuis quelque temps du goût des révolutions en politique, a reporté cette passion assez innocemment dans l’histoire littéraire : il n’aime rien tant en ce genre que de défaire et de refaire, de détruire ou de créer ; il a un goût décidé pour déterrer ou réhabiliter des inconnus de la veille, et pour renverser de grands noms, des noms consacrés. […] Au lieu d’introduire, en l’interprétant, le renseignement nouveau, de le combiner avec les anciens et de rectifier les erreurs, s’il y a lieu, de réparer ou de combler les lacunes, on aime mieux jeter à bas et reprendre à neuf dès la base la statue, le monument. […] Pour mon compte, je respecte la tradition, et j’aime aussi la nouveauté : je ne suis jamais plus heureux que quand je parviens à les accorder et réconcilier ensemble. […] Tout considéré, et sauf quelques ombres, quelques grains plus marqués çà et là dans la physionomie, nous verrons le même Catinat, le vrai Catinat déjà connu, le plus vertueux des hommes de guerre de son temps, obéissant pourtant à sa consigne, et docile de point en point à Louis XIV, à Louvois ; puis, le guerrier une fois quitte de son service, nous aurons le philosophe et le sage, non pas absolument celui qu’on a arrangé au xviiie  siècle, et sur lequel on avait répandu une légère teinte de liberté de pensée, mais enfin un modèle de modestie, de raison, de piété morale, et un bon citoyen, celui qui disait ; « J’aime mon maître et j’aime ma patrie. ». […] Catinat, enfant de Paris, élevé dans une obscure maison de la rue de Sorbonne, aimait sa ville natale, son quartier, l’approbation de ses voisins et proches ; nourri dans ces besoins et ces habitudes d’estime, il porta au milieu des camps un principe d’honnêteté, de rectitude et de scrupule que rien n’altéra jamais.

759. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

Jasmin, en étant de ce métier cher à Gil Blas et à Figaro, n’y déroge point par la tournure même de son esprit, de son talent ; c’est un Français du Midi, qui est de la pure et bonne race des Villon, des Marot, et dans la boutique de qui Molière aurait aimé à s’asseoir de longues heures, comme il faisait chez le barbier de Pézenas. […] Le discours simple et naïf où se déroule son tendre ennui, finit en ces mots : « On dit qu’on aime mieux quand on est dans la peine ; et quand on est aveugle, donc !  […] La vieille lui dit : « Ma fille, tu l’aimes trop, je te blâme. […] Va, crois-moi, prie Dieu de ne pas tant l’aimer. » — « Jeanne, répond l’aveugle, plus je prie Dieu, plus je l’aime ! […] Il aime, dit-on, la louange ; tous les poëtes l’aiment, et ceux de son pays plus encore que d’autres.

760. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

Anacréon dit qu’il y a un petit signe auquel on reconnaît les amants ; il y a aussi un petit signe, un je ne sais quoi auquel se reconnaissent d’abord ceux qui ont un parti pris de ne pas aimer. […] André Chénier, en effet, à le prendre comme un de nos contemporains, selon la fiction qu’on aime, serait du groupe de Béranger, Victor Hugo et Lamartine ; c’est un des quatre, si l’on veut, et à ce titre il ne représenterait qu’un des côtés de la poésie de notre époque, ce qui est tout différent. […] C’est-à-dire : Qu’à bien aimer tous deux mes chansons les excitent, Qu’ils s’adressent mes vers, qu’ensemble ils les récitent ! […] La jeunesse l’aime, elle lui sourit ; cette vogue, qui passe si vite pour les auteurs, se renouvelle pour lui depuis déjà bien des printemps ; l’heure de réaction que vous appelez, et contre laquelle nul autre en nos jours n’est garanti, n’a pas encore sonné, ne vous en déplaise. […] mile Augier, la Ciguë, en entendant sur les lèvres de sa décente Hippolyte le tendre soupir : Si Clinias aimait, il ne mourrait donc pas !

761. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Alphonse Daudet, l’Immortel. »

J’aimerais que l’éreintement se fît uniquement par le récit et les tableaux, et que la morale s’en dégageât d’elle-même. […] Il n’aime pas l’argent. […] Si la fière duchesse n’aime plus son architecte, pourquoi l’épouse-t-elle ? […] Ou bien si, tout en le jugeant, elle l’aime encore, il est bien singulier qu’elle ait perdu subitement tout souci de lui plaire… Je ne dis point que tout cela soit inexplicable ; je voudrais que tout cela me expliqué. […] Donc, pour tout le reste, je ne veux plus qu’aimer et admirer.

762. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. » pp. 432-452

J’aime mieux dire que, dans le cadre flatteur et sous le demi-jour enchanté où l’on nous dévoilait alors par degrés ces pages naissantes, nos impressions, les miennes comme celles de beaucoup d’autres, étaient jusqu’à un certain point commandées et adoucies par une influence aimable, à laquelle on n’était pas accoutumé de résister. […] Je ne veux pas dire par là qu’il soit immoral, mais je n’y trouve pas cette bonne grosse moralité qu’on aime à lire même au bout d’une fable ou d’un conte de fées. […] L’âme y manque, et moi qui ai tant aimé l’auteur, je me désole de ne pouvoir aimer l’homme. […] On ne sait pas s’il a jamais aimé quelque chose ou quelqu’un, tant son âme se fait vide avec affectation ! […] J’aurais aimé à parler de l’épisode de Charlotte et du Chateaubriand romanesque : le Chateaubriand politique demanderait aussi une étude à part.

763. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

C’est, en effet, une de ces têtes comme je les respecte et les aime… insoucieuses de tout, excepté de faire le mieux possible ce qu’elles font. […] Du Méril s’est donné à la science en pur don, comme on se donne à tout ce qu’on aime, et la science, ingrate comme tout ce qu’on aime, ne lui a pas même rendu de la gloire. […] Le seul homme peut-être qui depuis vingt ans ait parlé avec un respect sympathique des grandes facultés scientifiques d’Édelestand du Méril et de ses travaux, c’est Philarète Chasles, un chercheur de truffes intellectuelles, qui les aime et qui sait les trouver, mais un fantaisiste, comme disent les savants, et dont, pour eux, la voix ne pèse pas une once ! […] Derrière et au-dessus de tous ces textes, fauchés, empilés, amoncelés dans ces terribles notes montantes, il était évident qu’il y avait un homme qui en valait plusieurs, — qu’il y avait un philosophe, un écrivain, et peut-être un poète dramatique ; car, pour aimer tellement l’histoire de la Comédie, il faut aimer la Comédie elle-même… L’auteur la prenait, dans une introduction d’une étreignante généralité, au plus profond de ses origines, c’est-à-dire dans la nature même de l’esprit humain, se manifestant toujours esthétiquement de la même manière : par la Poésie lyrique, l’Épopée, le Conte et le Drame. […] Ceux qui le lurent furent surtout saisis, comme d’une charmante nouveauté, de la manière dont du Méril avait envisagé, pénétré et même peint la société chinoise, et ceux-là qui aiment toutes les formes de l’histoire convinrent qu’il avait mis la main sur la plus difficile et la plus piquante.

764. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Il aime vivre au hasard. […] Mais certainement il l’aime. […] J’aime mieux les expier que les excuser. […] Julie aime son mari parce qu’elle est sa femme et qu’elle veut l’aimer. […] Il aimait enseigner.

765. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Or de tels tempéraments sont rares et valent que nous les aimions. […] Se rencontrer mille pour aimer une fouine ! […] (Vous « m’aimiez » autrefois, dans vos lettres. […] Leurs œuvres ne nous ont pas appris à aimer la Nature. […] Qu’ils aiment et qu’ils soient purs.

766. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

Elle se plut à cet amour plutôt à cause de l’amour qu’à cause de son amoureux, elle l’aima de l’aimer, elle l’aima surtout de la désennuyer dans une vie sentimentale que l’homme d’affaires qu’elle avait épousé eût rendue à lui seul bien plate. […] Presque tout le monde l’a rencontrée, estimée ou aimée. […] Ce qu’elle aime en Dominique ce n’est pas Dominique, c’est l’homme qui l’aime : un homme peut brûler d’amour et détester l’amour, mais toute femme, qu’elle vive sans amour ou qu’elle meure d’amour, aime l’amour. […] Si vous saviez combien je vous aime ! […] Amiel n’a pas pu exclure, agir, vouloir, aimer virilement.

767. (1923) Nouvelles études et autres figures

Aima-t-il Harriet ? Il l’a certainement aimée comme toutes celles qu’il aima ; mais aucune ne remplissait sa pensée. […] Mais l’aima-t-elle vraiment ? […] Quand a-t-elle commencé à aimer Dominique ? L’aimait-elle déjà lorsqu’elle a épousé M. de Nièvres ?

768. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIV. Moralistes à succès : Dumas, Bourget, Prévost » pp. 170-180

« Rien ne peut faire que je n’aie pas aimé, cherché et dit la vérité. » Vous entendez : la vérité. […] Ce qu’on peut contester, aimer ou n’aimer point, c’en est l’exécution. […] Et il y a une incontestable pose dans le goût des femmes qui prétendent n’aimer plus Bourget.

769. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Avellaneda »

Il l’aime. Si on jugeait, on n’aimerait peut-être plus ! […] Pour bien traduire comme pour bien aimer, il faut la préoccupation, l’enthousiasme, la foi dans la valeur de ce qu’on traduit et de ce qu’on aime, et M. de Lavigne a tout cela.

770. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XI. Des éloges funèbres sous les empereurs, et de quelques éloges de particuliers. »

Cette institution était conforme à l’esprit républicain ; mais quand le gouvernement vint à changer, quand le monde entier fut dans la main d’un empereur, et que cet empereur qui n’était presque jamais appelé au trône par droit de succession, craignant à chaque instant ou des rivaux ou des rebelles, eut l’intérêt funeste de tout écraser ; quand on vint à redouter les talents, quand la renommée fut un crime, et qu’il fallut cacher sa gloire, comme dans d’autres temps on cachait sa honte, on sent bien qu’alors il ne s’agissait pas de louer les citoyens : les grandes familles aimaient mieux la sûreté et l’oubli, que l’éclat et le danger. […] Germanicus, le modèle des princes ; Germanicus qui eut le tort d’être vertueux dans une cour corrompue, et sous Tibère le tort bien plus grand d’être adoré du peuple et de l’aimer, empoisonné en Asie, n’obtint pas d’éloge funèbre dans Rome ; mais aussi la mémoire de Tibère ne manqua point d’être célébrée ; l’éloge de Tibère fut prononcé par Caligula : c’était dignement commencer un règne qui devait finir par tant de crimes ; et le panégyriste et le héros étaient dignes l’un de l’autre. […] Enfin, il vint à parler de sa rare prudence et de sa profonde sagesse, c’est-à-dire, de la profonde sagesse d’un empereur qui n’avait ni une idée dans la tête, ni un sentiment dans le cœur ; qui ne sut jamais ni vouloir, ni aimer, ni haïr ; toujours prêt à obéir à qui daignait lui commander, jouet de ses courtisans, esclave de ses esclaves même, et si stupide qu’il inspirait encore plus de pitié que de mépris. […] Nous ajouterons, pour l’honneur de l’éloquence et des lettres, qu’il eût mieux valu imiter Papinien, qui cent cinquante ans après, pressé par Caracalla de lui composer un discours pour justifier devant le sénat de Rome le meurtre de son frère, dit pour toute réponse : Il est plus aisé de commettre un parricide que de l’excuser  ; et aima mieux mourir que de se déshonorer.

771. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

Il inspira plus d’un dévouement de femme, sans parler de la sienne (car il était marié, et à une femme de mérite, ce qu’il cachait aussi tant qu’il pouvait) ; il se fit plus d’une fois aimer. […] Je recommande la pièce intitulée Rupture et qui commence ainsi : « Brisons des nœuds dont l’étreinte vous blesse… » ; mais j’aime mieux citer la pièce qu’il a appelée Dernière élégie. […] Le héros aimait une jeune femme, en était aimé, et il s’éloignait pourtant, bien qu’elle fut libre. […] Qui n’aime à errer, fût-ce déchu d’une meilleure fortune et tristement inconnu, autour de l’enclos dont on a été le jeune et orgueilleux possesseur ? […] Où trouvera-t-il quelqu’un pour le plaindre, pour le comprendre, si ce n’est encore parmi ceux qui aime et passionnément les mêmes choses dont il a souffert et par où il a péri ?

772. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

Est-ce que ça m’empêche de l’aimer ?  […] Je les connaissais tous, les pauvres chers esprits, je les aimais, je les aime encore. […] Mais je l’aimais malgré cela, je l’aimais pour cela. Je n’aimais qu’elle. […] je l’aime.

773. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

Je n’en parlai point quand elle parut, et pourtant j’étais déjà attaché au joug superbe de la Critique ; mais un roman de MM. de Goncourt — Les Hommes de lettres — avait trompé mon espérance, et je les boudais comme on boude ceux qu’on aime. […] on ne m’accusera pas d’aimer beaucoup et de surfaire la bourgeoisie, mais Renée Mauperin, qui dit : « Zut !  […] Elle passe dans ce roman, qui est son histoire, comme ces natures supérieures qui ne savent pas aimer au-dessous d’elles, et qui s’en vont de ce monde sans donner leur main à un de ces êtres misérables que les femmes qui n’ont dégoût de rien, même de ce qu’elles méprisent, se résignent souvent à épouser. […] En effet, ni Rome ni Byzance n’ont eu, dans leurs littératures, un homme de talent quelconque — un Goncourt — qui ait fait un roman avec les cochers bleus et verts du Cirque, avec les mimes ou les joueurs de flûte aimés des jeunes Romaines… Mais l’objection ne me touche point. […] Il fallait qu’il dégustât, goutte par goutte, le regret et l’angoisse du spectacle de sa gloire perdue ; il fallait qu’il revînt, chaque soir, boire à cet affreux calice ; car il est des supplices qui tuent et qu’on aime.

774. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

Il aime étonner et il aime irriter : le paradoxe est merveilleux pour cela. […] Les Grecs aimaient à penser individuellement. […] Il appartient bien au temps qui n’a pas aimé les Grecs. […] Necker, elle n’aimait pas. […] Il ne l’aimerait pas en amoureux s’il pouvait la peindre.

775. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

— Moi, je n’aime plus qu’à me rouler dans les créatures. […] Elle a, à ce qu’il paraît, une toilette pour chacun de ses amants, aux couleurs qu’il aime. […] J’aime l’habitude d’ignorer l’auberge et de descendre chez un ami. […] La conversation est celle-ci : « Sais-tu toi pourquoi les jeunes filles n’aiment pas l’architecture gothique ? […] — C’est parce qu’elles n’aiment pas les vitraux… Qu’on devine l’ordure.

776. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

Beaucoup de bibliophiles aiment les livres, dans de médiocres reliures. Moi j’aime les dessins très bien montés et encadrés dans du vieux chêne sculpté ! J’aime les livres dont la reliure coûte très cher. […] Il y trouve tout ce qu’il aime, la coloration, la mer, le meublant pittoresque de la marine. […] Je n’aime pas savoir Ricord au chevet d’un malade.

777. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

On peut faire fi de tout autre luxe, et aimer celui-là avec passion. […] » Alors le père, pleurant de joie : « Fils de mon âme, j’aime ta colère, c’est toi, qui vas me venger !  […] Je suis un peu plus de ce monde qu’Héliodore, qui aima mieux perdre son évêché que son livre31 ; et j’aime mieux les bonnes grâces de mon maître que toutes les réputations de la terre. […] Vous connaissez l’humeur de nos Français : ils aiment la nouveauté… » Cependant il ajoute et fait voir, par des citations latines, que les Grecs et les Romains l’aimaient aussi. […] Au deuxième, on entrevoit que la Reine aime Carlos, peut-être sans se l’avouer à elle-même, mais sûrement sans vouloir laisser paraître cet amour ; et que, d’autre part, Done Elvire, princesse d’Aragon, l’aime aussi, — à peu près comme, dans le Cid, Chimène d’un côté, l’Infante de l’autre, aiment Rodrigue également.

778. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Comtesse Merlin. Souvenirs d’un créole. »

Les lecteurs tout à fait contemporains de l’écrivain de Souvenirs aiment à refeuilleter avec lui au hasard quelques années de leur vie ; ceux qui sont venus plus tard, s’ils ont l’esprit curieux, ouvert, un peu oisif, pas trop échauffé à sa propre destinée, apprennent beaucoup de détails à ces causeries familières et devinent toute une société légèrement antérieure, au sein de laquelle ils s’imaginent volontiers avoir vécu. […] Je me figurais bien la jeune femme artiste, non moins chose légère que l’abbé Delille, d’une joyeuse abondance de talent, active à tout peindre, les personnes, les cascades, l’arc-en-ciel de Tivoli, ses grâces au pinceau, au pastel, la draperie mythologique qu’elle savait jeter sur chaque objet ; j’assistais à l’inspiration mondaine et riante de l’art d’alors, et les Souvenirs me commenaient quelques-uns de ces portraits durables qu’on aime à revoir. […] Née dans des climats brillants où la terre est pétrie d’une meilleure argile, développée d’abord et grandie en liberté, un peu sauvage, comme elle dit, ayant puisé ses premières idées sur l’hiver dans les romans, nous la voyons, dans le cours de ces volumes, fidèle à ce culte de l’été de la vie, de la jeunesse, de la beauté dont elle aime à couronner en toute occasion ses louanges.

779. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

En vérité, j’aimerais autant qu’il en eût écarté la règle des partis. […] Le Sage n’a jamais aimé Marivaux, ni Marivaux jamais Prévost. […] Aimer, c’était aimer, l’on n’y cherchait guère d’autres raffinements, et la plus diverse de toutes les passions était ainsi traitée comme la plus semblable à elle-même. […] Si, selon Marivaux, le lecteur « n’aime pas les licences extrêmes », cependant, selon Marivaux toujours, « il ne laisse pas d’aimer les licences ». […] La vue est charmante, les jardins tels que je les aime.

780. (1892) Les idées morales du temps présent (3e éd.)

Aimer Dieu, ce sera « aimer ce qui est beau et bon, connaître ce qui est vrai ». […] Renan, et surtout des nombreuses sentences dont il aime à les parsemer. […] Renan, il aime les petits, les simples. […] celle-là un mari qu’elle ne peut aimer ? […] Ce que nous aimons chez les écrivains, c’est leur ressemblance avec nous-mêmes.

781. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Il aimait les soldats. Il en était aimé. […] Elle aime les plaisirs simples. […] Il avait beaucoup aimé les femmes. […] Il aimait ce pays.

782. (1813) Réflexions sur le suicide

Tous les genres d’enthousiasme ayant subi l’atteinte de l’incrédulité moqueuse, les romans ont maintenu le prestige du sentiment dans quelques contrées du monde où la bonne foi s’est retirée ; mais de tous les malheurs de l’amour il n’en est qu’un, ce me semble, contre lequel la force de l’âme puisse se briser : c’est la mort de l’objet qu’on aime et dont on est aimé. […] En effet, dans le malheur que cause l’infidélité de ce qu’on aime, c’est bien le cœur qui reçoit la blessure, mais l’amour-propre y verse ses poisons. […] Ils nous maintiennent en rapport avec la nature ; on peut l’aimer sans le secours de ces médiateurs aimables, mais ils apprennent cependant à la mieux goûter. […] Aimer et penser ne nous soulagent et ne nous exaltent qu’en nous arrachant aux impressions égoïstes. […] Écrivain célèbre, il aimait ces occupations intellectuelles qui remplissent toutes les heures d’un intérêt toujours croissant.

783. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

Je le regardais toujours sans questionner, n’ayant jamais aimé la bavarde indiscrétion assez fréquente parmi nous. […] C’est que c’était vraiment plaisant de les voir s’aimer comme ça ! […] J’aime le silence et l’ordre, moi. […] Crois-tu que, pour t’avoir appartenu si peu, je t’aie moins aimé ? […] Elle connaissait toutes ses vertus, elle l’adorait : il l’aimait lui-même comme un enfant infirme.

784. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

Ils ont tous l’air de ne pas s’aimer beaucoup. […] C’est un homme que nous croyons pouvoir aimer en sûreté de conscience. […] Il a osé écrire qu’il aimait le livre et la manière, et l’auteur quand même. […] Dans une âme vraie tout se tient ; ce qu’elle aime dans le style, elle l’aime dans la vie. […] Lorsque notre mal consiste à ne pas aimer, le remède ne peut consister à nous dire : Aimons.

785. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Vénus répond à son fils en le consolant, et lui dit qu’il ne faut pas désespérer à ce point du rebelle Alcandre : Plus ses vœux sont tardifs, plus ils seront constants ; Il diffère d’aimer pour aimer plus longtemps, Et sa chaîne, mon fils, qu’il traîne de la sorte, En sera quelque jour plus durable et plus forte ; Relève ton espoir, et choisis seulement Une parfaite amante à ce parfait amant. […] Je croyais n’avoir plus de goût que pour les soins de l’épiscopat et pour les règles de la discipline de l’Église ; mais j’ai senti que j’aimais encore les sonnets, les stances et les idylles, et qu’au milieu des occupations les plus sérieuses j’étais encore capable d’amusement. […] Un peu de jeunesse et un peu d’amour-propre leur fait aimer ce qu’elles mépriseront un jour, mais elles aiment déjà ce qu’elles aimeront un jour davantage. […] Le compliment guindé que lui adressent les précieuses du lieu en l’abordant ; L’Art d’aimer, traduit par le président Nicole, qu’elles trouvent sur sa table, et qu’il leur prête avec le regret de ne pouvoir en même temps les rendre plus aimables ; la demande d’un sermon à faire, qui lui arrive précisément ce jour-là, tout cet ensemble compose un petit tableau malin, moqueur, assorti pourtant, et où rien ne jure. […] Les jours de grande exécution, Fléchier aimerait à sortir de la ville et à se tenir à l’écart, par un sentiment d’humanité, qui se confond chez lui avec la bienséance.

786. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

n’était-il que cette satiété, cette lassitude incurable qui sort de toute chose humaine où l’on a touché le fond, quelque chose de pareil au medio de fonte leporum , admirable cri de ce Lucrèce tant aimé de notre ami ? […] Pourquoi ceux qui ne se font de la littérature qu’un instrument, et qui ne l’aiment pas en elle-même, y regarderaient-ils de si près ? […] Notre ami avait toujours ce grand passé littéraire devant les yeux ; il aimait ces choses désintéressées en elles-mêmes et s’y absorbait avec oubli. […] On en aimera la sincérité parfaite du ton, rien d’exagéré, une tristesse tempérée, si j’ose dire, de bonne humeur et de résignation : à vingt-six ans, cette tristesse-là compte plus que bien des violents désespoirs à vingt. […] que du moins les Lettres qu’il a tant aimées le sauvent !

787. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

Il aimait le linge blanc et fin, et il en faisait faire d’amples provisions ; mais il le portait sans lacet et sans broderie. Pour ses aliments, il n’aimait que les choses légères, douces, sucrées ; il avait une invincible répugnance à tout ce qui était fort ou amer ; il ne buvait que de l’eau légèrement coupée des vins liquoreux de Grèce et de Chypre ; tout était tempéré dans ses goûts comme dans son âme. […] On n’osait aimer une beauté transfigurée en angélique apparition, au milieu d’une cour galante et souvent licencieuse d’Italie. […] La Fontaine est un charmant enfant, que j’aime de tout mon cœur ; mais laissez-moi en extase devant messer Ludovico, qui d’ailleurs a fait des épîtres comparables à celles d’Horace. […] La princesse Marguerite, sœur de Charles IX, était la maîtresse du duc de Guise et elle espérait l’épouser un jour ; on la donna malgré elle à Henri IV, roi de Navarre, qu’elle n’aimait pas.

788. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 385-448

— Oui, dis hardiment tout, répondit la mère ; il n’y a point de honte à s’aimer quand on s’aime honnêtement comme toi et lui. […] Pour savoir si on aime quelqu’un, il faut comparer ce qu’on éprouve pour celui-là avec ce qu’on ressent pour un autre. […] Je me disais : « Est-ce que je ne l’aime pas ? […] » Ou bien : « Est-ce qu’il ne m’aime pas ? […] Être plaint, être regardé seulement par qui vous aime, c’est être à demi déchargé.

789. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

C’est moi, c’est ta sœur, c’est mon père et ma tante, c’est tout ce qui t’aime entré avec moi dans ton sépulcre pour t’arracher à la mort au prix de leur propre vie, s’il le faut, ou du moins pour mourir avec toi si tu meurs. […] Et cette fois, malgré notre silence et notre ignorance de nous-mêmes jusque-là, nous n’avions pas pu nous cacher que nous nous aimions, non seulement de naissance, mais d’amour, et que l’absence ou la mort de l’un serait la mort de l’autre. […] Je présume que le paradis sera quelque chose comme l’éternelle surprise et l’éternel aveu d’un premier amour, entre ceux qui s’aimaient et qui ne se l’étaient jamais dit ! […] Je ne sais pas où je les prenais, mais le bonheur de savoir qu’il m’aimait et le soulagement que j’éprouvais de lui avoir osé dire enfin : « Je t’aime !  […] — C’est bien, me dit-il, mon garçon, j’aime que ma prison soit gaie et que mes prisonniers aient de bons moments que Dieu leur permette de prendre, même en leur donnant tant de mauvais jours.

790. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

Le mal n’est pas qu’il aime les formes curieuses et parfaites ; mais il les estime seulement selon l’effort et contorsion d’esprit qu’elles nécessitent. […] Il aimait leur entretien, tandis que par des bourgeois il administrait le royaume, que par Clisson et Du Gueselin, ces soldats si avisés et si peu féodaux, il chassait les Anglais et écartait les Compagnies de ses provinces. […] Il aimait la liberté, et il aimait l’argent : il louait ceux qui mangent chez eux « du potage et des choux », et il restait à la cour, en maugréant, pour attraper quelque bon morceau : et il maugréait d’autant plus qu’il n’attrapait rien, qu’il se voyait en sa vieillesse moqué, dépouillé, cassé aux gages. […] Il a aimé la France et le peuple dans le roi Charles V : et c’est un sentiment national qui lui faisait réclamer Calais ou pleurer Du Gueselin. […] Aimez-vous mieux la poésie profane, le galant Ovide et ses Métamorphoses, prenez Ovide moralisé à l’usage de la chaire.

791. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre V. Le Séminaire Saint-Sulpice (1882) »

Carbon est un des hommes que j’ai le plus aimés. […] Ce catholicisme, je l’ai aimé, je le respecte encore ; l’ayant trouvé inadmissible, je me suis séparé de lui. […] J’aimerais mieux mourir que de lui causer une minute de peine. […] Je te la recommande ; elle aime beaucoup tes attentions ; c’est le plus grand service que tu puisses me rendre. […] pourvu que ceux qui m’aiment consentent à me plaindre et à me garder leur amitié.

792. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre IV. Shakespeare l’ancien »

Une femme qu’il avait aimée, Planesia, sœur de Chrysilla, maîtresse de Périclès, s’est déshonorée devant l’avenir par les outrages qu’elle adressa à Eschyle publiquement. […] Il aimait le Caucase. […] Ce sphinx a été une muse, la grande muse pontificale et lascive du rut universel, et Aristophane l’aimait. […] Ces simplifications déplaisent aux fanatismes ; les dogmes n’aiment pas être tamisés. […] Eschyle aimait le peuple, et le peuple l’adorait.

793. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Alphonse Daudet »

On peut aimer davantage autre chose, et même critiquer cela, mais il n’y a pas moyen de nier l’accent de nature qui est là ! […] Comme tous les vicieux, Bixiou aime le vice qui le tue. […] j’aimerais mieux qu’elle ne relevât de personne, mais le moyen de ne pas relever de Balzac, quand on fait une étude de mœurs, et de mœurs parisiennes encore ? […] Le génie de Balzac ressemble au Pantagruel et au Gargantua de ce Rabelais qu’il aimait, et qu’il avait raison d’aimer, comme un fils aime son père, il a la grandeur presque monstrueuse et la puissance dévorante de ces êtres qui sont des chimères, tandis que lui, Balzac, est une réalité ! […] L’histoire est cruelle pour ceux qui aiment encore la royauté.

794. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

Je l’aime ainsi : je l’aime tombant à genoux, se cachant les yeux à deux mains et criant : Je crois, presque au même moment où il lâche d’autres paroles qui feraient craindre le contraire. […] Je renvoie à sa profession de foi 66 qui commence par ces mots : « J’aime la pauvreté, parce que Jésus-Christ l’a aimée. J’aime les biens, parce qu’ils donnent les moyens d’en assister les misérables….. » Que ce christianisme vrai et de source vient en démenti aux idées des plus sages païens ! […] Nous aurions pu, en nous appuyant au travail de M augère, nous étendre sur d’autres points qu’il discute lui-même dans son Introduction, mais nous avons mieux aimé aller au principal. […] Sainte-Beuve aimait à opposer, par contraste avec la morgue pédante de certains hommes d’État du jour, ministres ou présidents du Sénat, la lettre suivante qu’il avait reçue de M e chancelier Pasquier.

795. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

Ô vilaines âmes, qu’il fait nuit en vous, que vous aimez peu de chose ! […] J’aime la foi simple du paysan, la conviction sérieuse du prêtre. […] J’aime mieux l’affectation de l’élevé que le banal. […] Il y a des natures qui aiment à se torturer à plaisir et à se proposer l’insoluble. […] On aime mieux passer pour leste et dégagé que pour un honnête nigaud, et, du moment que l’on associe à la morale quelque idée de pesanteur d’esprit, c’est assez pour qu’on la tienne en suspicion.

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