Appelleront-ils cet historien, qui n’a pas une minute de poésie, de passion et d’éloquence, l’appelleront-ils « un gueuloir », ce mot ignoble de Flaubert contre Chateaubriand ? […] Le talent n’existe pas sans la passion, et la passion, qui lui donne son élan, lui donne son entraînement aussi… Or, le mâle et simple auteur des Origines de la France contemporaine n’a voulu entraîner personne.
Il aurait pu très bien nous donner un autre genre de roman, — un roman, par exemple, de sentiment ou de passion, car Balzac, qui se lève et qu’on aperçoit à tous les horizons des mœurs modernes, n’a pas embrassé et ne pouvait pas embrasser toute l’âme humaine comme il a embrassé toute une société. […] Après Balzac, l’auteur du Nabab pouvait nous creuser ou nous dramatiser une passion ; — il pouvait nous analyser un sentiment et découvrir dans le cœur humain la mine d’or d’une originalité souveraine. […] Alphonse Daudet n’a pas donné au sien une passion qui fût en désaccord avec son type, qui en accentuât le relief ou qui en agitât convulsivement le jeu.
Elle ne paraît pas avoir été faite pour ce qu’on appelle les passions ; elle le dit elle-même quelque part : Je ne puis tirer grande gloire de ma vertu. […] Pourtant cet attachement conjugal n’a pas le caractère d’une passion ; c’est plutôt son amitié avec son frère qui aurait pris ce caractère et qui serait devenue un culte, si Frédéric n’y avait porté atteinte plus d’une fois par ses inégalités et ses rudesses involontaires.
Mignet, « ce grand homme, qui savait commander à ses passions, ne savait pas contenir ses appétits ; il était maître de son âme dans les diverses extrémités de la fortune, il ne l’était pas de son estomac à table ». […] Le reste des mets n’était que des accessoires. » Quel contraste de ce grand empereur intempérant, et d’ailleurs si sage, avec ceux qui, sobres en tout le reste, n’ont de passion et d’intempérance que celle de l’esprit, de l’intellect, et du cerveau !
Dans Ingres, c’est l’idéal et le style, c’est la beauté absolue et en quelque sorte abstraite ; — chez Delacroix, c’est la couleur non moins absolue, le mouvement et la passion, qu’il s’attache à démontrer en chaque toile par une reproduction des plus fidèles. […] Jeune, il a aimé à la passion l’époque de Louis XIII ; il l’a fort étudiée, et son volume des Grotesques (1844) renferme une suite de portraits originaux et singuliers de ce temps-là.
Il a presque quitté le plaisir de la chasse, qui était sa passion dominante. Il affecte en enfant d’être au-dessus des passions ; il a beaucoup d’ostentation dans ce qu’il dit et dans ce qu’il fait.
Je livre aux admirateurs-connaisseurs de Shakespeare son explication particulière de ce génie et de la faculté maîtresse qu’il lui reconnaît, « l’imagination ou la passion pure ». […] Sa complexité morale, son unité, les contradictions qu’il assemble et qu’il coordonne en lui, sa stabilité d’âme et de génie, tout cela est peint, analysé, reproduit en plus de cent pages qui sont des plus belles par la pensée comme par le ton, et tout à fait à la hauteur de leur objet ; j’en détache quelques traits décisifs : « La science immense, la logique serrée et la passion grandiose, voilà son fond.
Saint-Simon aime à dire la vérité ; il croit la dire, il la cherche et se donne toutes les peines du monde pour la trouver ; mais ses informations peuvent l’abuser, sa passion l’emporte, son feu de coloriste s’en mêle : de là des excès de pinceau et des erreurs matérielles comme en contiennent nécessairement tous les Mémoires qui ne sont pas faits sur pièces et qui s’écrivent d’après des impressions ou sur des on dit. […] Si, dans cette circonstance, Saint-Simon eut des ridicules aux yeux des autres ; si, quand il prit la parole pour protester au nom des ducs, on n’entendit qu’une petite voix dont quelques-uns dans l’assistance se moquèrent ; s’il y eut du plaisant pour quelques spectateurs dans l’incident, il est certain que, plein de son objet et de sa passion, il ne s’en apercevait pas lui-même : mais, en revanche, si vous lui passez ce travers, ce tic nobiliaire (pour l’appeler par son nom), que ne distinguait-il pas sur tous ces bancs autour de lui, dans les plis de ces fronts et de ces visages, dans cette multitude de masques où la nature lui avait accordé de lire !
Mais ses passions généreuses ne s’appuient pas sur des doctrines bien méditées. […] Jasmin a du feu, de l’entraînement sans doute ; il a besoin de la passion actuelle pour arriver au bien : mais il travaille, il travaille opiniâtrement, dit-on ; il lime ses vers, il rejette, il choisit, il a un art de style enfin.
En un mot, il y aurait eu, il y aurait pour un esprit qui, dans sa jeunesse, aurait aimé de passion Chénier, et qui arriverait ensuite aux Anciens, à démontrer de plus en plus ce rejeton imprévu, le dernier et non pas le moins désirable des Alexandrins, ou encore, si l’on veut, un délicieux poëte qui a su marier le xviiie siècle de la Grèce au xviiie siècle de notre France, et qui a trouvé en cette greffe savante de singuliers et d’heureux effets de rajeunissement. […] illemain, qui a consacré une leçon à ce poëte d’étude et de passion, à cet ingénieux passionné, comme il le qualifiait ; M.
Eux, ayant entendu la lecture de ces divers poèmes, et les jugeant sans passion, sans esprit de rivalité, n’écoutant que l’intérêt de la vérité, et ne considérant que la convenance de l’art, déclarèrent unanimement que la compilation d’Aristarque et celle de Zénodote étaient les meilleures ; enfin, jugeant entre les deux, celle d’Aristarque eut la préférence. […] Il lui apprend ensuite la gloire, cette passion de l’estime mutuelle et de l’estime éternelle, donnée aux hommes comme l’instinct le plus rapproché de la vertu.
On connaît la qualité d’une passion à deux moments principaux : lorsqu’elle commence, et lorsqu’elle finit. […] La vanité d’inspirer une passion, la bonne mine du passionné, les contradictions de l’entourage mènent Araminte de l’inclination à l’amour.
Le Figaro l’abandonne, et lui ne s’indigne pas ; il comprend : « J’admets très bien, pour un journal, la nécessité de compter avec les habitudes et les passions de sa clientèle. » Quoi, même lorsqu’il s’agit de ce qui apparaît à tes yeux naïfs la grande bataille de ton siècle, tu admets qu’on sacrifie la justice à un intérêt personnel et que, s’étant jeté volontairement dans la lutte, on s’enfuie à la pensée du risque, abandonnant sans armes ses compagnons de combat. […] La phrase romantique se gonfle de passion, s’agite en violences, éclate de couleurs ; mais toujours, même lorsqu’elle hurle les pires souffrances ou rugit les plus extrêmes colères, ses harmoniques disent la joie de ne point parler bourgeoisement.
M. de Saint-Pierre a donné à la matière une beauté qui ne lui appartient pas ; Chateaubriand a donné aux passions une innocence qu’elles n’ont pas, ou qu’elles n’ont qu’une fois. Dans Atala, les passions sont couvertes de longs voiles blancs.
Que si l’on passe ensuite de l’étude à la pratique, on est tenté d’oublier dans le présent qu’on a sans cesse à compter avec les passions et les sottises, avec l’inconséquence humaine. […] Dès que sa passion pourtant était en jeu, dans ses articles de polémique, dans ses brochures, il avait bien du trait et de l’acéré.
Il avait le goût, la passion des œuvres de l’art, peinture, sculpture, antiques ameublements. […] N’avait-il pas respiré ce charme universel de pureté et comme de santé, ces courants d’air salubre qui y circulent, même à travers le conflit des passions humaines ?
Quand on dépouille sa personne de toutes ces drôleries anecdotiques qui sont le régal des esprits légers, et qu’on va droit à l’homme et au caractère, on s’arrête avec admiration, avec respect ; on reconnaît dès le premier instant, et à chaque pas qu’on fait avec lui ; un supérieur et un maître, ferme, sensé, pratique, actif et infatigable, inventif au fur et à mesure des besoins, pénétrant, jamais dupe, trompant le moins possible, constant dans toutes les fortunes, dominant ses affections particulières et ses passions par le sentiment patriotique et par le zèle pour la grandeur et l’utilité de sa nation ; amoureux de la gloire en la jugeant ; soigneux avec vigilance et jaloux de l’amélioration, de l’honneur et du bien-être des populations qui lui sont confiées, alors même qu’il estime peu les hommes. […] Ce héros goguenard est l’ami le plus tendre et le plus fidèle, et l’on sait que sa passion pour son pays était telle, qu’il se privait de tout pour avoir de quoi soulager les misères de ses sujets ou doter la Prusse d’institutions utiles. » 18.
Enfin, cette fête de nuit en l’honneur de Mlle Clairon se termine, dans le récit de Florian, par une très belle description de l’aurore, par un lever de soleil sur les cimes des Alpes, qui a frappé son imagination d’enfant : c’est le signal d’un sentiment tout nouveau, plein de fraîcheur, l’amour de la nature, qui va être la passion et presque l’engouement des générations naissantes. […] Sa passion pour la pastorale ne l’empêcha à aucun moment de savoir comment on réussit et l’on fait son chemin dans la littérature et dans la société.
Payen, sentent en gens d’esprit et admirent si bien Montaigne, daignent se souvenir, jusque dans leur passion, des conseils du sage et du maître : Il y a plus à faire, disait Montaigne en parlant des commentateurs de son temps, à interpréter les interprétations qu’à interpréter les choses ; et plus de livres sur les livres que sur autre sujet : nous ne faisons que nous entregloser. […] Marié après trente ans à une femme estimable qui fut vingt-huit années sa compagne, il paraît n’avoir porté de passion que dans l’amitié.
La critique, à chaque renouvellement de régime, peut essayer et combiner des programmes qu’elle croit utiles ; elle peut proposer et recomposer ses plans d’une littérature studieuse et réparatrice, c’est son droit comme son devoir ; mais l’imagination, la fleur, l’inspiration de la passion et du sentiment, lui échappent ; cela naît et recommence comme il plaît à Dieu, et ne se conseille pas. […] Des poètes sérieux, consciencieux, élevés, y travaillent, et, si le public n’est pas familiarisé avec leurs noms, c’est qu’en France ce n’est que par le sentiment et la passion dramatique, et aussi par un coin d’esprit qu’on y mêle, que le public peut accepter, j’ai presque dit, peut pardonner la poésie : à l’état pur, elle n’existe guère que pour les poètes entre eux.
Mme de Coulanges, en apprenant cette nouvelle, et tout en estimant Mme des Ursins très digne de son emploi, trouvait qu’à cet âge il n’y avait plus rien à imaginer d’agréable dans la vie : c’est qu’elle n’était que femme, et ne concevait de son sexe que les passions aimables et tendres. […] Louville, son rival et son ennemi, homme de talent et d’ardeur, mais de passion, nous la présente comme la plus méchante femme de la terre, bonne à chasser au plus tôt, « sordide et voleuse, que c’est merveille ».
Les scènes mélodramatiques de la fin et les airs de mélancolie, répandus çà et là dans l’ouvrage, sont la marque du temps ; ce qui est bien déjà à Mme Gay, c’est le style net, courant et généralement pur, quelques remarques fines du premier volume ; par exemple, lorsque Laure dit qu’en se retirant du monde pour vivre à la campagne, partagée entre les familles des deux châteaux voisins, elle avait cru se soustraire aux soins, aux tracas, aux passions, et qu’elle ajoute : « Eh bien ! […] La Duchesse de Châteauroux, particulièrement, obtint du succès dans le public ; ce n’est que nous autres critiques qui nous sommes dit que c’est un de ces romans trop voisins de l’histoire pour intéresser véritablement les esprits amis du vrai en matière de faits ou en matière de sentiment et de passion.
La passion que Marguerite avait pour ce frère dominait tout. […] Ne lui demandez rien de ces éclairs de talent et de passion qu’on rencontre chez sa jeune contemporaine Louise Labé, la Belle Cordière.
Nul, maintenant qu’Émile Augier est mort, ne tentera plus de raconter les douleurs, les joies, les défaillances, les passions et les préjugés d’une classe, d’une caste qui disparaîtra un jour dans l’affairement compliqué, le fracas et l’instabilité de nos sociétés modernes. […] Il rit comme Rabelais et Molière, et a des emportements de passion lyrique qui le rangent parmi les meilleurs romantiques.
Il a la passion, l’expression, la palpitation du poète. […] Les pauvres des champs, quels que soient leur bassesse, leurs passions, leurs vices mêmes, sont autrement poétiques que les atroces voyous de Paris, ces excréments de capitale et de civilisation, qui souillent l’aumône en la recevant… Et, d’ailleurs, ils sont placés plus loin de nous, dans une perspective qui est une poésie de plus.
Même en me bornant, comme je viens de faire, aux citations pour croix de guerre avec palme, pour médaille militaire et pour légion d’honneur, ces preuves rempliraient un volume… Ces textes officiels, d’ailleurs, sont immobiles comme des pierres tombales, et c’est dans leur passion et leur frémissement que nous voudrions saisir ces prêtres animateurs. […] Des dunes du Nord aux Vosges, partout, leur imagination dresse les deux montagnes saintes, celle des Oliviers, qui est la montagne de la résignation où l’on dit : « Non ma volonté, mais la vôtre », et celle du Calvaire, qui est la montagne du sacrifice, où l’on dit : « Je remets mon esprit entre vos mains. » Pour les chrétiens, chaque jour de nos tranchées renouvelle la passion du Christ.
Il se passionne et il montre sa passion. […] S’il a quelque passion, c’est le désir d’opérer beaucoup, avec précision, et sur des objets inconnus.
Elle l’a faite même plus jeune fille et plus timide encore en commençant ; mais bientôt la passion éclate.
Saint-Marc Girardin ne semble pas avoir eu beaucoup de jeunesse, ni avoir ressenti bien vivement aucune des passions qui agitent d’ordinaire cet âge et qui ont particulièrement secoué le nôtre.
Tout un roman de cœur traverse ce volume, une passion çà et là voilée, mais bientôt plus forte et ne se contenant pas.
Mais ici, le philosophe, par une psychologie moins abstraite et moins exclusivement rationnelle, aborde l’homme du côté des penchants actifs, des passions et instincts qui sont les mobiles réels des facultés de l’intelligence ; il marche davantage sur les traces d’Adam Smith, et nous donne sa théorie des sentiments moraux.
Il y a une page (450, 460) sur la passion du poète, amant de la courtisane, sur son amour qui vole, bondit, rampe ; et cette page me résume et me figure tout ce style même, qui ressemble souvent au mouvement brisé d’une orgie, à la danse continuelle et énervée d’un prêtre de Cybèle.
À leur tête, le roi, qui a fait la France en se dévouant à elle comme à sa chose propre, finit par user d’elle comme de sa chose propre ; l’argent public est son argent de poche, et des passions, des vanités, des faiblesses personnelles, des habitudes de luxe, des préoccupations de famille, des intrigues de maîtresse, des caprices d’épouse gouvernent un État de vingt-six millions d’hommes avec un arbitraire, une incurie, une prodigalité, une maladresse, un manque de suite qu’on excuserait à peine dans la conduite d’un domaine privé Roi et privilégiés, ils n’excellent qu’en un point, le savoir-vivre, le bon goût, le bon ton, le talent de représenter et de recevoir, le don de causer avec grâce, finesse et gaieté, l’art de transformer la vie en une fête ingénieuse et brillante, comme si le monde était un salon d’oisifs délicats où il suffit d’être spirituel et aimable, tandis qu’il est un cirque où il faut être fort pour combattre, et un laboratoire où il faut travailler pour être utile Par cette habitude, cette perfection et cet ascendant de la conversation polie, ils ont imprimé à l’esprit français la forme classique, qui, combinée avec le nouvel acquis scientifique, produit la philosophie du dix-huitième siècle, le discrédit de la tradition, la prétention de refondre toutes les institutions humaines d’après la raison seule, l’application des méthodes mathématiques à la politique et à la morale, le catéchisme des droits de l’homme, et tous les dogmes anarchiques et despotiques du Contrat social Une fois que la chimère est née, ils la recueillent chez eux comme un passe-temps de salon ; ils jouent avec le monstre tout petit, encore innocent, enrubanné comme un mouton d’églogue ; ils n’imaginent pas qu’il puisse jamais devenir une bête enragée et formidable ; ils le nourrissent, ils le flattent, puis, de leur hôtel, ils le laissent descendre dans la rue Là, chez une bourgeoisie que le gouvernement indispose en compromettant sa fortune, que les privilèges heurtent en comprimant ses ambitions, que l’inégalité blesse en froissant son amour-propre, la théorie révolutionnaire prend des accroissements rapides, une âpreté soudaine, et, au bout de quelques années, se trouve la maîtresse incontestée de l’opinion À ce moment et sur son appel, surgit un autre colosse, un monstre aux millions de têtes, une brute effarouchée et aveugle, tout un peuple pressuré, exaspéré et subitement déchaîné contre le gouvernement dont les exactions le dépouillent, contre les privilégiés dont les droits l’affament, sans que, dans ces campagnes désertées par leurs patrons naturels, il se rencontre une autorité survivante, sans que, dans ces provinces pliées à la centralisation mécanique, il reste un groupe indépendant, sans que, dans cette société désagrégée par le despotisme, il puisse se former des centres d’initiative et de résistance, sans que, dans cette haute classe désarmée par son humanité même, il se trouve un politique exempt d’illusion et capable d’action, sans que tant de bonnes volontés et de belles intelligences puissent se défendre contre les deux ennemis de toute liberté et de tout ordre, contre la contagion du rêve démocratique qui trouble les meilleures têtes et contre les irruptions de la brutalité populacière qui pervertit les meilleures lois.
De là ces expressions si fort à la mode, qui sont aussi des dispenses de penser : étonnant, merveilleux, délicieux, superbe, inouï, prodigieux, adorable, divin ; c’est un bijou ; c’est une merveille ; c’est une passion ; j’en raffole, et, par contre, exécrable, affreux, horrible, atroce, dégoûtant, assommant, abominable ; c’est une horreur ; je ne peux pas le sentir.
… Et cependant l’ennui et l’inquiétude, et les passions désordonnées qui naissent de ce malaise de l’âme, envahissent les maisons royales.
Qu’un admirable poète, Saint-Pol-Roux, ait inventé cette image et fait, autour, bondir les passions d’une tragédie, c’est un espoir d’humanité rêveuse.
Pour trouver l’une, comme pour trouver l’autre, il faut s’efforcer d’affranchir complètement son âme du préjugé et de la passion, il faut atteindre à l’absolue sincérité.
Soit qu’elle voulut éveiller les passions du jeune roi, soit qu’elle voulût satisfaire son propre penchant, et peut-être faciliter son commerce avec Mazarin, qui, dans les règles d’une bienséance sévère, aurait pu paraître trop intime, elle autorisa dans les bals de la cour une liberté dont s’étonnaient les personnes habituées au sérieux et au cérémonial rigide qui avaient régné à la cour de Louis XIII.
Racine était courtisan quand Titus, se séparant de Bérénice, retraçait à Louis XIV le courage qu’il avait montré, l’empire qu’il avait eu sur lui-même, en éloignant Marie Mancini, dont il était fort amoureux et qu’il avait en la fantaisie l’épouser ; mais par cet acte de courtisan, il remplissait habilement un devoir de citoyen, et concourait avec Bossuet à dégager le jeune prince des chaînes de madame de Montespan, et à l’armer de sa propre vertu contre une passion désordonnée.
On veut que, sous le nom d’Alexis, il ait désigné deux objets de sa passion effrénée.
On connoît la passion de Néron pour les spectacles ; il montoit lui-même sur le théâtre, y représentoit en habit d’actrice, n’avoir d’affection que pour les comédiens & sur-tout pour un nommé Paris.
Après l’amour de la gloire & de cette vaine fumée ordinaire aux poëtes, sa passion dominante étoit la liberté.
Albalat pourrait avantageusement prendre place dans la collection des Manuels Roret Malheureusement, de même que le fond ne saurait être distrait de la forme, (démonstration qui constitue l’un des meilleurs chapitres de l’ouvrage), de même on ne saurait faire agir le cerveau en vue d’écrire, s’il n’est d’avance sollicité par l’éveil de quelque passion, au sens pur du mot. » Voilà bien des railleries inutiles !
Et, en effet, qu’est-ce que cet Henri Estienne dont Feugère se fait aujourd’hui l’éditeur et le biographe, si ce n’est pas essentiellement l’homme de la Renaissance, ayant toutes les opinions, les erreurs, les passions, les amours et les haines de cette Renaissance, qui disait « Raca !
Excepté la Delphine de Mme de Staël, qui est un vrai roman, d’un développement très-étendu, de caractères très-variés et de passion très-scrutée, nous n’eûmes, jusque dans les commencements du xixe siècle, que la très-petite monnaie de Mme de Lafayette, les Genlis, les Souza, les Montolieu, les Duras.
Quoi qu’il en soit, Charles Perrault était lié avec un parent de Colbert, qui avait occupé plusieurs places importantes, mais dont les places ne faisaient pas tout le mérite : il avait encore celui d’aimer les arts avec passion, de s’intéresser à leurs progrès, comme un courtisan s’intéresse à sa fortune ; et surtout il avait l’enthousiasme de son siècle et de sa nation.
Que de passion ! […] Il était toujours dans la passion, mais la passion la plus variée : quelques-unes de ses audaces, d’autres les corrigeaient. […] Le drame où ils font leur partie excite en eux une nouvelle intensité de passion. […] Mais tout ce qu’il a vu de fausseté par le monde lui a donné le goût très vif et la passion de la vérité. Son art de conteur est marqué de cette passion.
Mais d’autres, dont la passion pour « la mécanique spirituelle » est plus agissante, ne limitent pas ainsi leur curiosité et tentent au contraire de mesurer leurs réactions parmi des expériences étrangères ; et comme le remarque M. […] Léon Bérard a toujours eu la passion des médecins. […] Chez deux êtres pourtant tout envahis par l’amour, la passion des idées justifie une pareille attitude… Ayant fait parler Lamartine, Maurois fera parler Shelley, un autre « inadapté ». […] Simon, je le vois, je l’entends, crie sa passion comme l’un des Mounet ! Ne vous fiez donc pas à cette illustration extravagante : ouvrez le livre et vous vivrez dans le monde le plus tendre et le plus silencieux, où la colère, où l’envie, où la méchanceté, où les passions violentes sont mortes sur le seuil.
On a l’impression qu’il subordonne tranquillement ses conjectures ethnographiques à ses passions ou à ses caprices. […] Il est vrai qu’il professait à la fois l’amour de la vertu et celui de la passion. […] Dans aucun cas, on n’accomplit une grande œuvre sans passion. Ce peut être une passion intellectuelle, un amour des idées ou du beau, non des créatures vivantes. […] La première partie du nouveau recueil s’intitule : les Passions ; c’est à savoir les passions de l’amour, comme eût dit Pascal.
A défaut de passion proprement dite, un pathétique discret et doucement profond s’y mêle à la vérité railleuse, au ton naïf des personnages, à la vie familière et de petite ville, prise sur le fait. […] Mistriss Henley, personne romanesque et tendre, épouse un mari parfait, mais froid, sensé, sans passion, un Grandisson insupportable, lequel, sans s’en douter et à force de riens, la laisse mourir. […] — Quand la passion aveugle, égare, dit Théobald en baissant les yeux, qu’est-ce que l’on est ? […] monsieur, dit Constance, vos passions vous maîtrisent à ce point !
Composé, on le voit, en vue d’un patron, comme la plupart de ses autres écrits, celui-ci du moins nous traduit la plus chère des pensées de l’auteur, sa véritable et intime passion. […] Sa passion à lui, son idéal, ce fut la bibliothèque, une certaine bibliothèque comme il n’en existait pas alors, du moins en France. […] La passion des livres, qui semble devoir être une des plus nobles, est une de celles qui touchent de plus près à la manie ; elle atteint toutes sortes de degrés, elle présente toutes les variétés de forme et se subdivise en mille singularités comme son objet même. […] Mais nous sommes loin de tous ces vices et de ces raffinements avec Naudé, qui a la passion dans sa noblesse, dans sa vérité première et dans sa franchise.
Autrement, la servitude militaire serait bien promptement déplacée, et, pour n’avoir pas voulu de l’esclavage momentané et discipliné de l’armée, nous aurions à perpétuité l’esclavage cent fois pire du prolétaire, l’armée des factions, des passions, des insurrections, le mal sans remède, la fin turbulente des sociétés, le désordre à domicile. […] « L’Honneur, c’est la conscience, mais la conscience exaltée. — C’est le respect de soi-même et de la beauté de sa vie porté jusqu’à la passion la plus ardente. […] Le joueur a la sienne, l’estime sacrée, et la garde ; dans le désordre des passions, elle est donnée, reçue, et, toute profane qu’elle est, on la tient saintement. […] vous voilà arrivé, quoique plus jeune que moi, devant Celui qui nous crée et qui nous juge, dans ce monde où toutes nos petites passions meurent avant nous, où nous ne serons appréciés ni par nos amis ni par nos ennemis, mais sur le type éternel du bien ou du mal que nous avons fait !
Je me garderai bien de ranimer les querelles des romantiques et des classiques, tout en reconnaissant volontiers et en regrettant ce qu’avaient d’honorable et d’élevé ces passions intellectuelles, remplacées par de moins dignes et de moins innocentes. […] Les passions de l’âme, Aristote le remarque avec toute raison, sont toujours accompagnées de certaines modifications du corps ; et de cette observation, qui est vraie et qu’eût approuvée Descartes, mais qui est incomplète, puisqu’il y a dans l’âme autre chose que des passions, que conclut Aristote ? […] Les besoins du corps, ses passions, ses faiblesses, ses plaisirs et ses douleurs sont comme autant de clous par lesquels l’âme lui est rivée ; c’est par le corps qu’elle est entraînée dans ces régions inférieures et obscures où elle est en proie au vice et à l’erreur.
Les régions de l’amour, de la haine, de l’espérance, du désespoir, toutes les nuances de toutes les passions de l’âme, voilà ce dont la connaissance est innée chez le poète, voilà ce qu’il sait peindre. […] C’est là toujours l’avantage d’une passion, elle nous fait pénétrer le fond des choses. […] Ces hommes pensent, agissent et sentent presque tout à fait comme nous, et l’on se sent bien vite leur égal ; seulement chez eux tout est plus clair, plus pur, plus moral ; tout est raisonnable, bourgeois, sans grande passion et sans hardis élans poétiques, ce qui fait ressembler ce roman à mon Hermann et Dorothée et aux œuvres de Richardson. […] Je redescends vite, et je me mets à errer dans les rues, qui alors n’étaient pas éclairées. — Plein de passion et de colère, je marchai à travers la ville pendant une heure environ, repassant sans cesse devant la maison de ma bien-aimée et souffrant d’un désir ardent de la voir.
Il a pris pour symboles les miracles que l’art chrétien doit interpréter : Incarnation et Immaculée Conception ; Passion, Résurrection. […] Le souvenir de son excellente attitude est certainement l’un des meilleurs que j’aie emportés de Bruxelles ; il raffermit ma foi dans un art que j’aime avec passion, et me donne la certitude que les temps sont proches où l’œuvre de Wagner triomphera en France, comme elle vient de triompher en Belgique. […] Par suite, l’influence de l’auteur de la sublime Passion et de tant d’autres immortels chefs-d’œuvre sera toute puissante, car en eux se trouvera résumé l’esprit propre de la nation dans toute son essence. […] La musique de la Passion, par exemple, reflète les sentiments les plus profonds de l’âme ; n’évoque-t-elle pas en même temps des visions d’un ordre supérieur à tout ce que peut nous donner le théâtre contemporain, ce théâtre qui a pour but principal la distraction ?
Éloignons-nous des passions mondaines : « constatons l’unité de tous les êtres vivants, et comment notre perception sensible nous égare, nous représentant cette unité comme une pluralité insaisissable et comme une variété multiple. » Beethoven est le Mage Divin, parce qu’il a vu l’Unité profonde de l’Être sous la diversité des apparences. […] Il ignorera la passion des droits électoraux ou civiques, des droits judiciaires, et les mairies et les préfectures. […] Il semble dire : « Évitez les vaines affections, stériles ; faites le bien, à tous le bien ; livrez vos actes, sans fatigue, sans haine, sans colère, — et sans amour ; travaillez à Tous, mais ne chargez pas vos âmes de passions. […] Aimer les hommes, c’est absorber leurs âmes en la nôtre, la grandir de toutes les passions : c’est partager de leurs besoins, souffrir leurs souffrances.
Or, dans les matières de goût et de belles-lettres, elle ne consiste que dans une espèce d’estime, toujours un peu arbitraire, sinon dans la totalité, du moins dans une certaine portion que la négligence, les passions, ou le caprice se donnent la liberté de resserrer ou d’étendre. […] Mais pour que cette satisfaction soit aussi pure et aussi entière qu’il est possible, il est important pour nous d’avoir affaire à des juges assez désintéressés pour ne point nous déprimer par des motifs de rivalité ou de passion, assez éclairés pour que nous puissions supposer qu’ils ne prononcent pas sans examen, et en même temps assez superficiels pour que nous n’ayons point à craindre de leur part un jugement trop sévère. […] Au bout d’un petit nombre d’années, quand la fureur de la cabale et l’esprit de parti auraient fait place à la décision des sages, ces juges aussi ignorants que sévères se trouveraient en contradiction ou avec eux-mêmes ou avec le public ; car, malgré toutes les injures que l’on dit si souvent au public (et qu’il mérite quelquefois), il en est un qui décide avec connaissance et avec équité ; il est vrai que ce public qui juge, c’est-à-dire qui pense, n’est pas composé de tous ceux qui prononcent ni même de tous ceux qui lisent ; ses arrêts ne sont pas tumultueux, souvent il examine encore lorsque la passion ou la prévention croient avoir déjà décidé, et ses oracles mis en dépôt chez un petit nombre d’hommes éclairés, prescrivent enfin à la multitude ce qu’elle doit croire. […] Devenus en quelque manière compatriotes, ils en adoptent les passions, parce qu’ils en ont les intérêts ; l’extrême supériorité ne peut entièrement étouffer la voix de l’envie ; et il faut attendre qu’on ne soit plus, pour recevoir sa récompense de cette postérité réelle, devant laquelle la jalousie s’éclipse, et tous les petits objets disparaissent.
« Où les passions jetteraient-elles en effet de plus nombreuses, de plus vivaces, de plus tenaces racines ? […] Empereurs ou rois, qui n’ont plus rien à désirer du côté de la fortune, n’y trouvent rien aussi qui gêne leurs plaisirs, et nés, et destinés à mourir dans leur pourpre, rien ne traverse, ni ne partage, ni ne rompt leur passions, si ce n’est les obstacles qu’elles se créent à elles-mêmes en courant à leur satisfaction. […] C’est pourquoi dans la plupart des hommes, tandis qu’on ne peut guère étudier que la psychologie des passions, au contraire, dans les personnes souveraines, c’est proprement la pathologie qui s’en offre à nous d’elle-même. […] Et que dire du drame intime de Hamlet qui n’est certainement pas celui de la passion en pleine liberté ?
Rendant hommage aux poètes français du xvie siècle, à ceux que Malherbe avait eu le tort de trop dépriser, et leur faisant jusqu’à un certain point réparation, Godeau, dans le discours qui servait de préface à la première édition de Malherbe, ajoutait pourtant : « La passion qu’ils avaient pour les anciens était cause qu’ils pillaient leurs pensées plutôt qu’ils ne les choisissaient. » Et il fait sentir que la méthode habile et combinée, cette méthode d’abeille par laquelle Horace imitait les Grecs, a succédé en France, grâce à Malherbe, à l’imitation confuse, à l’importation trop directe et trop entière des originaux grecs eux-mêmes. […] Roi de ses passions, il a ce qu’il désire : Son fertile domaine est son petit empire, Sa cabane est son Louvre et son Fontainebleau ; Ses champs et ses jardins sont autant de provinces Et, sans porter envie à la pompe des princes, Se contente chez lui de les voir en tableau.
Il nous le décrit à la ronde, semant sa course plus libre de mille impressions qui tiennent soit aux accidents agrestes du terrain, soit aux sons qu’il entend et auxquels il est des plus sensibles, soit à la couleur variée des arbres qu’il distingue et spécifie par toutes leurs nuances ; la vie, l’intérêt, une passion tendre et profonde se fait sentir sous toutes ces descriptions desquelles on ne peut pas dire qu’il s’y amuse, mais bien plutôt qu’il en jouit. […] Rousseau est certainement l’écrivain qui, en France, au xviiie siècle, a le premier senti et propagé avec passion cet amour de la campagne et de la nature que Cowper, de son côté, a si tendrement partagé : à cet égard, nous aurions peu à envier à nos voisins.
Le sujet est une passion pour une vestale, et l’auteur, qui appelle cette pièce un accident de l’amour, avait dû y peindre quelque ardeur réelle qu’il éprouvait alors, et à travers peut-être une grille de couvent. Il écrivait des années après à Horace Walpole, qui lui avait fait la galanterie de lui demander cette tragédie pour l’imprimer à son château de Strawborry-HiII : Elle fut assez bien reçue (ou plutôt assez mal reçue), et j’eus du moins la sagesse de ne la pas faire imprimer : cependant j’y pensais souvent, comme on fait à une première passion.
Quelques hommes qui avaient assez de sagesse et de fermeté de raison pour l’entendre et en devancer de loin les solutions, parlaient à des sourds, et quand ils essayaient, comme L’Hôpital, d’introduire publiquement la modération par des édits, ils ne faisaient que prêter des armes immédiates aux passions. […] Faisons ici la part de la passion, et dégageons la pensée à travers l’injure.
La vraie Mme de Créqui est pleine de raison, de sens, et n’est surtout pas une marquise à préventions, à passions politiques, telles que le fabricateur des mémoires les aime et comme il s’en vit plus d’une dans un noble faubourg après 1815 ou après 1830. […] Elle n’eut rien, quant aux mœurs, de ce qu’on est convenu d’attribuer en propre au xviiie siècle, et M. de Meilhan qui s’y connaissait, dans le portrait presque enthousiaste qu’il a tracé d’elle sous le nom d’Arsène, a pu dire en toute vérité : La jeunesse d’Arsène n’a point été troublée par les passions ; c’est dans le temps des erreurs et de la dissipation qu’elle a cultivé son esprit et exercé son courage par les privations et sa patience par les contrariétés.
. — Elle a répliqué qu’un homme d’esprit, de quelque passion qu’il fût animé, conservait encore un sens interne qui jugeait sa conduite ; que toutes les fois qu’elle avait aimé, elle avait senti en elle deux êtres dont l’un se moquait de l’autre. — J’ai ri, mais j’ai senti que cela était vrai… » C’est là de la bonne foi, et c’est cette entière bonne foi, cette disposition naïve, italienne ou allemande comme on voudra l’appeler, mais à coup sûr peu française, qui, jointe à un grand sens et aux meilleurs sentiments, est faite pour charmer dans le Journal et dans la correspondance de Sismondi. — Et comment finit le roman d’amour ? […] Revenu de tout cela, il n’a de sensibilité que celle des passions ; il fait tout avec de l’esprit, il en a infiniment ; mais ce qu’on appelle de l’âme, il n’en a point… » A la veille du voyage d’Italie, que Sismondi devait faire avec Mme de Staël (1804-1805), et au moment où il allait être tout à fait de sa suite et de sa cour, sa prudente mère lui écrivait encore : « Ah çà !
Feuillet de Conches a, depuis des années, réuni avec une ardeur, avec une passion qui n’a d’égale que son obligeance, des raretés sans nombre, depuis les pièces qui sont le plus faites pour éclairer l’histoire jusqu’à celles qui ne sont que des amusements, des singularités biographiques et morales. […] Ce n’est pas qu’on ne puisse et qu’on ne doive même se sacrifier au besoin, une fois s’il le faut, à l’occasion et dans quelque grande circonstance ; mais habituellement, non : « Je ne veux pas qu’on refuse aux charges qu’on prend l’attention, les pas, les paroles et la sueur, et le sang au besoin… : mais c’est par emprunt et accidentellement ; l’esprit se tenant toujours en repos et en santé, non pas sans action, mais sans vexation, sans passion. » Cet équilibre intérieur, cette possession de soi est ce que Montaigne a à cœur plus que tout le reste.
Vous connaissez la passion de la princesse pour les chevaux gris ; elle en a trouvé deux ici qu’elle a bien vite arrêtés pour le temps qu’elle passerait à Bourbon. […] En vieillissant, quand les passions sont amorties ou impuissantes, quand on n’a plus à commettre ses fautes ou ses crimes, on redevient bon ou on a l’air de l’être ; on a même l’air de l’avoir toujours été.
On trouverait, en cherchant bien, d’autres témoignages qui donneraient l’idée la plus favorable de son talent dans les rôles de mélancolie ou de passion. […] Elle avait joué très jeune, en même temps que l’excellente actrice Mme Gontier, qui avait jadis inspiré une passion à M. de Florian, et qui surtout en avait ressenti une très vive pour ce brillant capitaine de dragons, auteur de jolies arlequinades.
Notez que cette belle passion, qui éclate à certains moments chez quelques poètes anciens, s’est tue pendant des siècles et des siècles. […] Ce mystère répandu dans tout le livre enveloppe un drame simple et violent, un drame de rapacité villageoise ; et ainsi M. de Glouvet a su donner pour ressorts à son âpre poème le sentiment le plus profond et la passion la plus forte des hommes qui vivent de la terre : la superstition et l’avarice ; l’une effarée jusqu’à l’hallucination l’autre exaspérée jusqu’au meurtre.
Maurice Maeterlinck, admirable certes, mais non point par son expression allégorique : Ô les passions en allées Et les rires et les sanglots ! […] En l’impuissance de leur rêve Et languides sous la langueur De leur ciel morne et sans couleur, Elles regarderont sans trêve Les brebis des tentations S’éloigner lentes, une à une, En l’immobile clair de lune Mes immobiles passions.
Mais on se lasse de voir Lauzun, à peine sorti d’une passion et d’un malheur, recourir si vite à une distraction quelconque. […] Toutes les fois qu’il veut exprimer un sentiment un peu profond et vrai, il est puni, la passion et la poésie manquent à son langage.
» toute la passion et la prévention de M. […] Napoléon (on n’a pas tous les jours des feuilletonistes de ce calibre-là), entrant dans l’analyse de la pièce, remarque qu’en restant dans les données de l’histoire et de la tradition, l’auteur aurait pu imprimer à sa tragédie une force et une couleur dramatique qui lui manquent entièrement : Le caractère de Philippe le Bel, pense-t-il, prince violent, impétueux, emporté dans toutes ses passions, absolu dans toutes ses volontés, implacable dans ses ressentiments et jaloux jusqu’à l’excès de son autorité, pouvait être théâtral, et ce caractère eût été conforme à l’histoire.
Fiévée croit qu’il aurait fait surtout des romans, et qu’il aurait eu assez d’imagination pour cela, mais que la Révolution, en y substituant en lui les passions de l’esprit et le goût des réflexions qu’elles font naître, changea par là même sa destination. […] Il montre le royalisme tel qu’il était dès lors dans cette société de plus en plus positive : De nos jours, le royalisme n’est ni une passion, ni un enthousiasme, moins encore un fanatisme : c’est une opinion ; et les hommes qui n’agissent qu’en conséquence d’une opinion torturée par toutes les crises dont nous avons été acteurs et victimes, ne sacrifient pas la tranquillité de leur vie à des projets dont ils sentent que l’exécution est au-dessus de leur pouvoir.
Il m’y aidera, si j’ose dire, lui-même, car plus d’une de ses paroles, par lesquelles il juge les autres, peut, en se retournant sur lui, montrer où fut le trop de passion et la dureté. […] Ici, on entend le cri instinctif de cette âme pleine de courage et de vertu, qui fut patriotique et française avant tout dans son ambition, et qui confondra ses passions personnelles dans la grandeur de la chose publique.
Entrer en passion pour le bon, pour le vrai, pour le juste ; souffrir dans les souffrants ; tous les coups frappés par tous les bourreaux sur la chair humaine, les sentir sur son âme ; être flagellé dans le Christ et fustigé dans le nègre ; s’affermir et se lamenter ; escalader, titan, cette cime farouche où Pierre et César font fraterniser leurs glaives, gladium gladio copulemus ; entasser dans cette escalade l’Ossa de l’idéal sur le Pélion du réel ; faire une vaste répartition d’espérance ; profiter de l’ubiquité du livre pour être partout à la fois avec une pensée de consolation ; pousser pêle-mêle hommes, femmes, enfants, blancs, noirs, peuples, bourreaux, tyrans, victimes, imposteurs, ignorants, prolétaires, serfs, esclaves, maîtres, vers l’avenir, précipice aux uns, délivrance aux autres ; aller, éveiller, hâter, marcher, courir, penser, vouloir, à la bonne heure, voilà qui est bien. […] Les olympiens ne sont que passion.
Mme de Staël, dans son livre d’un sensualisme noir, intitulé de l’Influence des passions sur le bonheur, a aussi un chapitre sur la séparation par la mort, et Mme de Staël est aussi une grande âme et une enivrée de ses larmes ; mais comparez ce cruel chapitre aux pages adorables de Mme de Gasparin, et vous aurez mesuré la distance qui sépare la femme pieuse de la philosophe, même pour le bien qu’elles font à l’âme avec un livre, toutes les deux ! […] X Je l’ai déjà dit une première, fois, à propos des Horizons prochains, la femme qui écrivait ces choses où l’amour de Dieu s’élevait déjà à une passion inconnue, à tant d’âmes qui croient l’aimer pourtant, appartient de toute éternité, à nous autres catholiques, qui avons la vraie religion de l’amour !
… Le temps a passé depuis ces « Tableaux de la Révolution » qui en peignirent si bien l’affreuse aurore, et qui allumèrent contre elle l’imagination du grand Burke, un des hommes qui l’ont le plus haïe et méprisée, et ces « Tableaux », qui n’ont pas perdu une nuance de leur horrible fraîcheur première, sont restés de l’histoire, — de la définitive, ineffaçable et incorruptible histoire, — quand tout est fini des exaltations et des passions contemporaines d’un journalisme qui n’est plus ! […] Et je n’ai rien vu de plus beau, je l’avoue, que cette martingale de bon sens politique mise à l’hippogriffe de l’imagination, et qui est plus forte que l’imagination et les passions d’un homme, qui avait de l‘une comme un poète, et des autres comme un homme de parti.
Cet intelligent pays est trop mûr d’idées et trop jeune d’actes pour n’avoir pas les besoins, les passions et les volontés des peuples qui croient à un avenir prochain. […] L’épouvante qu’il dut ressentir en voyant l’unité menacée, la connaissance de ces hommes aux muscles épais et durs, aux passions tenaces, que la parole ne pénétrait pas aisément et redressait peu quand ils avaient dévié une fois, l’engagèrent dans la croisade.
Je constate qu’il est mené uniquement par les sentiments et les passions. […] Leurs domaines imaginaires furent submergés par un flot d’émotion qui leur monta du cœur ; ils se livrèrent, dans le vaste océan, à la commune passion, Où sont les cénacles de la Revue Indépendante, de la Revue Blanche ?
Il faut un aliment à ces âmes ardentes, et leur passion ne se rassasie que dans la contemplation anxieuse du devoir et de l’éternité. […] « Quand cet être si fort, si fier, si plein de lui-même, si exclusivement préoccupé de ses intérêts dans l’enceinte des cités et parmi la foule de ses semblables, se trouve par hasard jeté au milieu d’une immense nature, qu’il se trouve seul en face de ce ciel sans fin, en face de cet horizon qui s’étend au loin et au-delà duquel il y a d’autres horizons encore, au milieu de ces grandes productions de la nature qui l’écrasent, sinon par leur intelligence, du moins par leur masse ; lorsque, voyant à ses pieds, du haut d’une montagne et sous la lumière des astres, de petits villages se perdre dans de petites forêts, qui se perdent elles-mêmes dans l’étendue de la perspective, il songe que ces villages sont peuplés d’êtres infirmes comme lui, qu’il compare ces êtres et leurs misérables habitations avec la nature qui les environne, cette nature elle-même avec notre monde sur la surface duquel elle n’est qu’un point, et ce monde à son tour avec les mille autres mondes qui flottent dans les airs et auprès desquels il n’est rien : à la vue de ce spectacle, l’homme prend en pitié ses misérables passions toujours contrariées, ses misérables bonheurs qui aboutissent invariablement au dégoût. » Il se demande si la vie est bonne à quelque chose, et ce qu’il est venu faire dans le petit coin où il est perdu.
— La vraie originalité de Musset est d’avoir ramené l’esprit dans la poésie, en y mêlant la passion ; son tort grave est d’avoir relâché et presque dissous la forme.
Mais ce Bossuet déserté dans sa chaire est une invention, une exagération du commentateur, l’abbé de Vauxcelles ; et voici, au contraire, comment l’abbé Ledieu nous montre Bossuet en chaire, une des dernières fois qu’il prêcha dans sa cathédrale : « Le 2 d’avril (1702), dimanche de la Passion, M. de Meaux a assisté à la grand’messe pour commencer le jubilé, et sur les deux heures il a fait un grand sermon dans sa cathédrale, qui n’a été que l’abrégé de la doctrine de ses deux Méditations, et il a tout réduit à ce principe : Cui minus dimittitur minus diligit ; que plus l’Église était indulgente, plus on devait s’exciter à l’amour pour mériter ses grâces et parvenir à la vraie conversion.
Dans les pièces même telles que L’Avare, Le Tartufe, Le Misanthrope, qui peignent la nature humaine de tous les pays, il y a des plaisanteries délicates, des nuances d’amour-propre, que les Anglais ne remarqueraient seulement pas ; ils ne s’y reconnaîtraient point, quelque naturelles qu’elles soient ; ils ne se savent pas eux-mêmes avec tant de détails ; les passions profondes et les occupations importantes leur ont fait prendre la vie plus en masse.
Ces forces sont la situation, les passions, les idées, les volontés de chaque groupe, et nous pouvons les démêler, presque les mesurer.
Quant aux figures dépensées, ou figures de passion, d’imagination, de raisonnement, elles ont été en général constituées par des grammairiens et des rhéteurs, qui, regardant le discours par le dehors, ont pris pour adresse de langage ce qui était le mouvement naturel de l’intelligence et de l’âme.
De plus en plus il paraît compatir aux objets de ses peintures, et de plus en plus il semble se plaire à nous décrire des passions et des sentiments de telle espèce, que, de les comprendre et de les aimer comme il le fait, cela seul prouverait qu’il a dépassé sans trop savoir d’ailleurs où il va, — ce naturalisme rudimentaire par où il avait débuté si tranquillement.
. — Les Fleurs de la Passion (1900)
La récompense de ces modestes travailleurs ne sera pas la gloire ; mais il est des natures douces et calmes, peu agitées de passions et de désirs, peu tourmentées de besoins philosophiques (gardez-vous de croire qu’elles soient pour cela froides et sèches ; au contraire, elles ont souvent une grande concentration et une sensibilité très délicate), qui se contenteraient de cette paisible vie, et qui, au sein d’une honnête aisance et d’une heureuse famille, trouveraient l’atmosphère qu’il faut pour les modestes travaux.
Pour leurs admirateurs : verbalisme ; tous les caractères du mot ; plus faible somme d’idées non verbales, ou spécialement chez le peuple, présence de passions humanitaires et socialistes verbales encore, et impratiques.
Sa passion dominante étoit de donner des loix à la république des lettres.
Fœtus né du corps impur de la femme, au-dessous des animaux pour l’instinct, poudre comme eux, et retournant comme eux en poudre, n’ayant point de passion, mais des appétits, n’obéissant point à des lois morales, mais à des ressorts physiques, voyant devant lui, pour toute fin, le sépulcre et des vers : tel est cet être qui se disait animé d’un souffle immortel !
Les années ne m’avaient laissé aucune de ces passions qui tourmentent, rien de l’ennui qui leur succède : j’avais perdu le goût de ces frivolités auxquelles l’espoir d’en jouir longtemps donne tant d’importance.
Il rêve, il se promène, il se rappelle ou les modèles qu’il a vus, ou les phénomènes de la nature, ou les passions du cœur humain, en un mot les expériences qu’il a faites, c’est-à-dire qu’il devient savant.
Il y a dans l’art, comme dans la société, les fausses grâces, la minauderie, l’afféterie, le précieux, l’ignoble, la fausse dignité ou la morgue, la fausse gravité ou la pédanterie, la fausse douleur, la fausse piété ; on fait grimacer tous les vices, toutes les vertus, toutes les passions ; ces grimaces sont quelquefois dans la nature ; mais elles déplaisent toujours dans l’imitation ; nous exigeons qu’on soit homme, même au milieu des plus violents supplices.
Il ne doit les emploïer que pour faire parler Chrémes , lorsque ce personnage entre pour un moment dans une passion tragique.
En un mot, il faut connoître à fond le genre humain, et sçavoir la langue de toutes les passions, de tous les âges, et de toutes les conditions.
Pour qu’il tombe de plus haut et qu’il se brise mieux, il l’élève ; puis, quand il l’a mis au plus haut de ses facultés exagérées, il le précipite dans cette conclusion (page 129) : « Il est le modèle achevé, pour ainsi dire idéal, de ces riches et pauvres natures, communes à toutes les époques, mais qu’il était donné à notre xixe siècle de mettre en pleine lumière… qui sont à la fois sincères et fausses, aptes et inaptes à tout, font le bien avec ardeur, le mal avec passion, aiment l’idée pour l’idée, l’art pour l’art, et, sublimes égoïstes, se prêtent toujours pour ne se donner jamais.
Aucun des ouvrages de l’auteur de la Vie de Jésus ne me semble aussi parfaitement étranger au sentiment catholique, voire au sentiment religieux, que cette correspondance où éclate d’ailleurs une admirable passion de l’étude.
Le bon Walckenaer avait eu pour Mme de Sévigné une passion jaseuse, empressée et devenue proverbiale ; mais on ne possède pas Mme de Sévigné, on ne la conquiert pas ; elle n’a jamais été entièrement qu’à sa fille, et depuis ce temps-là elle appartient à tous et n’est à personnez. […] Saint-Marc Girardin, lui aussi, à qui d’ordinaire ce mot de passion semble faire peur, ou qui du moins aime à se jouer en en parlant, a compris que c’était là ou jamais le cas de se déclarer, que c’était une passion par raison, tout pour le bon motif et pour l’ordre, pour l’étroite morale et la juste discipline : dans une suite de charmants articles il a pris rang à son tour parmi ceux qui occupent en propre un de ces beaux noms de femmes d’autrefois, qui s’en emparent et portent désormais couleurs et bannière de chevaliers. — Et vous donc qui parlez, me dira quelqu’un, où avez-vous planté votre drapeau ?
Ils veulent que leur civilisation dure comme un monument : ils savent que rien ne dure dans les mobiles démocraties, gouvernements des passions et des caprices du peuple ; la hiérarchie est en tout la forme de l’ordre et la condition de la durée. […] Entre la France et l’Angleterre, il y aura donc toujours, et organiquement, trois grandes choses : la mer d’abord, l’influence continentale ensuite, enfin la passion, troisième élément plus indomptable encore que les deux autres ; la passion de la rivalité, qu’une grande nécessité peut faire taire un moment, mais qui ne mourra jamais entre ces deux jumeaux, qui se combattent dans le sein de leur mère, l’Europe.
XXVI « La reine est folle, écrit, à la même époque, un des témoins de ces scandales de passion, tout ce qui est infâme domine maintenant à cette cour, que Dieu nous sauve ! […] Cette reine, grande par le génie, mesquine par le cœur, cruelle par la politique et encore plus par ses jalousies féminines, était la digne fille d’Henri VIII, dont chaque passion s’assouvissait dans le sang. […] Elle fut jugée par les passions, c’est-à-dire qu’elle ne l’est pas encore et qu’elle ne le sera jamais.
Ce n’était ni la belle imagination qui assure une valeur durable à certaines œuvres de Lacordaire et de Montalembert, ni la profonde passion de Lamennais ; l’humanisme, la bonne éducation, étaient ici le but, la fin, le terme de toute chose ; la faveur des gens du monde bien élevés devenait le suprême critérium du bien. […] Plus tard, je le trouvai passé à des idées politiques très exaltées ; la passion vive, qui faisait le fond de son caractère, s’était tournée vers la démocratie ; il rêvait la justice, il en parlait d’une manière sombre et irritée ; il pensait à l’Amérique, et je crois qu’il doit y être. […] Il gâta par la passion des qualités supérieures.
Littré par sa passion concentrée et par l’originalité de ses allures. […] Mais ma passion l’emporta. […] Gosselin me prit à part et, après un long préambule, me dit qu’il avait pensé, pour mes lectures, à un livre que certaines personnes trouvaient dangereux, qui l’était peut-être en effet pour quelques-uns, à cause de la vivacité avec laquelle la passion y est exprimée ; toutefois il me croyait capable de porter cette lecture.
Il y a différents degrés dans cet art : le sauvage, en effet, dominé par la passion, ne connaît dans sa danse que le mouvement violent ou le repos apathique. […] « Nous reconnûmes bientôt la nécessité, dit-il, de relever les mouvements plastiques en leur donnant un rythme. » Comme le grand éloignement qui se trouve entre l’acteur et le spectateur est supprimé dans le théâtre de Bayreuth (voir plus haut), le premier peut exprimer les mouvements expressifs des émotions intérieures, qui sont alors visibles pour le spectateur. — Aux gestes exagérés des bras, qu’il reprochait à l’instant aux acteurs, Wagner oppose des mouvements plus modérés : « Nous pensâmes, dit-il, qu’une simple élévation du bras ou un mouvement caractéristique de la main ou de la tête, suffirait à exprimer les émotions de l’acteur. » A cette immobilité contre nature du chanteur, à cette situation étrange où se trouvent les acteurs, dans les ensembles des opéras, a cette nécessité enfin de parler devant le public ou de se dérober aux trois-quarts à sa vue, Wagner remédie par une simple attitude, basée sur l’observation de la nature : « Nous tirâmes, dit-il, de la passion même du dialogue le changement de poses que nous cherchions : nous avions observé que les accents les plus pathétiques de la fin d’une phrase donnaient lieu naturellement à un mouvement de la part du chanteur. « En effet, la force de l’expression se porte toujours à la fin d’une phrase, et, même dans la conversation ordinaire, nous faisons involontairement un geste pour ponctuer en quelque sorte le sens de notre discours (tome X, 389 et sq.) « Ce mouvement fait faire à l’acteur un pas en avant et, en attendant la réponse, il tourne à demi le dos au public ; ce mouvement le montre en plein à son partenaire : celui-ci, en commençant sa réponse, fait aussi un pas en avant, et, sans être détourné du public, il se trouve face à face avec le premier. » Ce jeu de scène paraîtra bien simple et indigne d’explication à nos critiques qui n’y verront « qu’un truc » comme un autre. […] Nous avons montré dans le premier acte cette émotion intérieure que l’innocent éprouvait devant la passion du Gral, cette douleur compatissante qui le frappait au cœur.
Les Grandes Déesses ont leur « Passion » figurée par le renversement des moissons et la désolation de l’hiver, Bacchus à la sienne plus tragique encore. […] Sa physionomie exotique que l’art des poètes n’avait pu voiler, l’odeur de myrrhe qu’il exhalait, irritaient encore la passion des femmes. […] Des Phallophories effrénées entrent à sa suite dans le sanctuaire pollué ; des représentations obscènes et sanglantes, qui miment la « passion » et les amours incestueux du dieu, s’y étalent.
On la rencontre toujours irritée ou animée par quelque passion de l’âme, en bas, en haut, dans les coins, — cela donnant au regard un caractère fiévreusement étrange. […] » Mercredi 12 avril Je suis tellement souffrant, en cette fin de mars et ce commencement d’avril, je me sens si près de mourir, tous les ans, pendant la semaine sainte, que parfois je me demande si la mort du Christ n’est pas une allégorie, et si la Passion, avec ses racontars légendaires, n’est pas une personnification, à la manière antique, de l’influence homicide du vent du Nord-Est, sur le renouveau des corps et des êtres. […] Me voici donc, comme un chirurgien, qu’on arracherait à d’aimables curiosités, obligé de reprendre la cruelle autopsie moderne, la brutale prose, le travail qui fait mal, et dont tout mon système nerveux souffre, tout le temps que le volume se pense et s’écrit… * * * — Il s’élève, à l’heure qu’il est, une génération de jeunes liseurs de bouquins, aux yeux ne connaissant que le noir de l’imprimé, une génération de petits lettrés, sans passion, sans tempérament, les yeux fermés aux femmes, aux fleurs, aux objets d’art, à tout le beau de la nature, et qui croient qu’ils feront des livres.
La sagesse voluptueuse, pacifique et souriante de l’Hellas parle aux chemins des ombres, mais malgré son scepticisme doux, il a connu le doute et la douleur et la voix qui conseillait tout à l’heure le renoncement évoque aussi la tendresse et la passion. […] Sur sa secrète douleur, sur sa passion profonde, le poète a poussé les volets. […] Jusqu’à présent les femmes avaient considéré la passion, la vie, la morale, au point de vue imposé par le mâle.
Le Paradis du Dante élève un ordre d’allégories au-dessus de l’Enfer qui est un ordre de passions. […] Il ne manque pas de curés qui font servir leur église à des projections cinématographiques, Jérusalem ou scènes de la Passion. […] La passion n’est introduite dans le roman de l’action que comme élément de détente ou de comique. […] Les symbolistes se proposaient volontiers d’écrire des « idéologies passionnées », où rien ne manquait plus que la passion. […] En réalité il est tenu par la passion installée dans sa maison, la passion du silence, comme Grandet l’est par l’avarice ou Hulot par la luxure : passion du silence, c’est-à-dire passion de la vie secrète, qui porte comme toute passion sa puissance de vie et sa puissance de mort.
Marie-Antoinette avait la passion de cette sorte de divertissement. […] C’est ici que paraît avec évidence la sincérité de sa passion. […] D’autres ont la passion, l’enthousiasme, la poésie, le sentiment, les couleurs ; M. […] Victor Hugo est trop de son siècle pour qu’il lui soit possible d’épouser avec beaucoup d’ardeur une passion aussi surannée ou aussi récente que la haine nationale. […] Les passions véhémentes de l’âme, la haine, la colère, l’indignation, le mépris, ne semblent être là, pour ainsi dire, que comme la palette du peintre et la gamme du musicien.
La noble passion qui a embelli la vie, déjà longue, du poète Édouard Grenier a été souvent récompensée. […] Il envia ses camarades qui pouvaient, malgré les passions populaires et les combinaisons des politiciens, continuer, sous le drapeau national, de servir la France. […] C’est très bien d’étudier les avantages respectifs du dolman et de la tunique, de disserter sur les basanes et de se prendre de passion pour le képi « semi-rigide ». […] Une grande passion est une rosée d’eau lustrale. […] Toutes les passions humaines peuvent s’enclore entre les quatre murs d’une maison.
Votre passion est de n’en avoir aucune, pour vous livrer sans réserve à l’étude de l’éloquence, de cet art qui facilite l’accès à tous les autres, et qui instruit ceux mêmes qu’il ne s’attache pas. […] Un fameux pantomime, appelé Mnester, devient en même temps la passion de Messaline et de Poppée. […] J’ai la passion de connaître, et j’observe la nature : pour me délasser d’occupations sérieuses, je passe à des études légères. » Il ajoute une observation singulière ; c’est que, malgré l’horreur du lieu (Id. ibid. […] « Et comment supposer que Sénèque n’ait pas approuvé la passion du prince ? […] Savez-vous, seigneur, qu’elle fait trophée de sa passion ?
Tout frémissant de la passion présente, l’art est le même ; il frémissait déjà et s’apprêtait à frémir davantage. […] Voici plus d’un siècle qu’avec une docile exactitude il reflète les goûts furtifs, les passions, les velléités sages ou folles de ce pays. […] Ses papiers, tels que désormais nous les connaissons, prouvent la merveilleuse activité de son génie, sa fougue, sa passion de liberté. […] Les mœurs sont d’une belle liberté : on ne connaît que le tout ou rien, la vie des passions ou la vie de renoncement. […] Il la désire avec passion… » Et la gauche proteste… « mais avec honneur !
Laissons donc de côté les parades et les intrigues d’en haut, les scrupules et les passions de Henri VIII331, les complaisances et les adresses de Cranmer, les variations et les bassesses du Parlement, les oscillations et les lenteurs de la Réforme, commencée, puis arrêtée, puis poussée en avant, puis d’un coup violemment refoulée, enfin épandue sur toute la nation, et endiguée dans un établissement légal, établissement singulier, bâti de pièces disparates, mais solide pourtant et qui a duré. […] Alors William jeta tout droit son psautier dans la main de son frère, qui dit : William, pense à la sainte Passion du Christ, et n’aie pas peur de la mort. — Et William répondit : Je n’ai pas peur. — Puis il leva ses mains vers le ciel, et dit : Seigneur ! […] « Éternel Dieu381, tout-puissant père des hommes et des anges, par le soin et la providence de qui je suis conservé et gardé, soutenu et assisté, je te demande humblement de pardonner les péchés et les folies de cette journée, la faiblesse de mon service et la force de mes passions, la témérité de mes paroles, la vanité et le mal de mes actions. […] Then William cast his psalter right into his brother’s hand, who said, ‘William, think on the holy Passion of Christ, and be not afraid of death.’ […] Eternal God, Almighty Father of thousand angels, by whose care and providence I am preserved and blessed, comforted and assisted, I humbly beg of thee to pardon the sins and follies of this day, the weakness of my services, and the strength of my passions, the rashness of my words, and the vanity and evil of my actions.
Il n’est pas seulement attendri ; il est tendre, et que de passion, et que de sensualité, mais si délicate ! […] Un tel art, outre qu’il a l’inconvénient de répugner au peuple des lecteurs (qui veut qu’on lui conte des histoires et qui alors les demande au premier venu), est le signe d’une évidente et trop dédaigneuse absence de passion : or le dramaturge est un passionné, un amoureux fou de la vie, et de la vie présente, non des choses d’hier, des représentations mortes dont on retrouve les décors fanés dans les cercueils de plomb, mais des êtres d’aujourd’hui avec toutes leurs beautés et leurs laideurs animales, leurs âmes obscures, leur vrai sang qui va jaillir d’un cœur et pas d’une vessie gonflée, si on les poignarde au cinquième acte. […] Ses sympathies sont multiples et très diverses ; il aime tout. « Nourrissez-vous de tout ce qui a vie. » Obéissant à la parole biblique, il se fortifie à tous les repas que le monde lui offre ; il s’assimile la tendre ou la dure sauvagerie des paysans ou des marins avec autant de certitude que la psychologie la plus déliée et la plus hypocrite des créatures ivres de civilisation, l’inquiétante infamie des amours excentriques et la noblesse des passions dévouées, le jeu brutal des lourdes mœurs populaires et la perversion délicate de certaines âmes adolescentes. […] Jouant un peu sur le mot, je l’ai appelé « dramaturge », au mépris des étymologies et de l’usage, quoiqu’il n’ait jamais écrit pour le théâtre ; mais à la façon dont ses récits sont machinés et comme équilibrés à miracle sur le revirement, sur le retour à leur vraie nature des caractères d’abord affolés par la passion, on devine un génie essentiellement dramatique. […] Si la sincérité est un mérite, ce n’est pas sans doute un mérite littéraire absolu ; l’art s’accommode fort bien du mensonge et nul n’est tenu de confesser ni ses « communions », ni ses répulsions ; mais j’entends ici par sincérité cette sorte de désintéressement artistique qui fait que l’écrivain, n’ayant peur ni de terrifier le cerveau moyen ni de contrister tels amis ou tels maîtres, déshabille sa pensée selon la calme impudeur de l’innocence extrême du vice parfait, — ou de la passion.
Ce n’est pas arbitrairement que la tragédie borne l’action à vingt-quatre heures : c’est qu’elle prend les passions à leur maximum, à leur plus haut degré d’intensité, à ce point où il ne leur est possible ni de souffrir de distraction ni de supporter une longue durée. […] Il voyait dans l’amour qu’on avait pour elles une des passions dominantes, une des vertus sociales du Français.
Est-il bien vrai que la langue française ne suffise pas à rendre parfaitement les grandes idées, les hauts sentiments, les passions héroïques, les vivacités galantes, les saillies satiriques, les naïvetés fines ? […] Voilà la contradiction nettement posée, Rivarol se chargera de confirmer et de mettre en relief la pensée de l’abbé de Pons quand il dira dans son Discours sur l’universalité de la langue française : Le français, par un privilège unique, est seul resté fidèle à l’ordre direct, comme s’il était tout raison ; et on a beau, par les mouvements les plus variés et toutes les ressources du style, déguiser cet ordre, il faut toujours qu’il existe ; et c’est en vain que les passions nous bouleversent et nous sollicitent de suivre l’ordre des sensations, la syntaxe française est incorruptible.
En traversant le midi de la France, il y rencontre la réaction dans tout son feu : Les terroristes et les thermidoriens se disputaient le pouvoir ; les royalistes, malgré la paix de Bâle et les désastres de Quiberon, conservaient leurs espérances ; chaque parti se plaignait de l’armée parce qu’elle restait étrangère aux passions et aux intérêts de tous ; elle commençait à jouer son rôle : elle restait froide au milieu de ce brouhaha politique. […] toujours des passions publiques, et jamais d’esprit public.
Moi-même il m’est arrivé de l’appeler en un endroit « le Talleyrand de l’art », voulant indiquer par là qu’il tirait à temps son épingle du jeu et qu’il était homme à tricher quelquefois avec les passions mêmes qu’il exprimait. […] « Je protestai, dit Gœthe, et le personnage fut écarté. » Mérimée qui, entre nos auteurs français du jour, était le favori de Gœthe, était bien pourtant un peu entaché lui-même de cruauté ou du moins de dureté dans ses scènes de passion, dans l’exposé et le récit de certaines horreurs (se rappeler surtout la Guzla) ; mais là encore il se contenait, il ne se laissait jamais entraîner en racontant, et il retraçait ces choses horribles avec sobriété et un parfait sang-froid, comme quelqu’un de neutre et d’impassible ; ce dont Gœthe lui savait gré.
Toutes ces passions, toutes ces libres liaisons se mêlaient, s’entrecroisaient, et à ciel découvert. […] je ne voudrais pas encore une fois m’enfermer sans retour dans ces îles enchantées, dans ces cercles où tout l’homme ne saurait penser et vivre, où la femme elle-même n’était pas nécessairement plus aimable qu’on ne la rencontre, sans trop la chercher, en dehors de là : éternelle nature féminine qui recommence toujours, qui devine si tôt ce qui est bien, ce qui est mieux comme ce qui est pire, en même temps que ce qui est décent, et qui le rapprend sans enseigne et sans affiche à quiconque lui veut plaire ; devant qui la passion, la verve, la poésie, le naturel aujourd’hui avec tous ses risques et tous ses avantages peuvent oser plus que jamais se déployer !
Un jeune homme qui n’admirerait pas le Cid serait bien malheureux ; il manquerait à la passion et à la vocation de son âge. […] Dans cette scène pourtant, Chimène soutient le dialogue ; elle dit encore de belles choses, et qui sont bien dans le sens de sa passion.
C’est le devoir de quiconque touche sur quelque point à l’histoire de s’appliquer à dégager des mauvais actes, des mauvaises paroles, des emportements et des égarements de passion ou des erreurs de système, les services rendus à cette chose durable et sacrée qui s’appelle la Patrie ou l’État. […] Il y voit à nu et y éprouve la bassesse, la cupidité humaine, les plus viles passions, telles qu’elles se montrent sans pudeur et sans honte lorsqu’elles ne sont corrigées et averties par rien, ni par l’honneur, ni par les lois.
Cette grande actrice, qui dans la seconde partie de sa carrière, et quand il était déjà tard, avait trouvé tout son talent et le cri vrai de la passion, ne ressemblait guère d’ailleurs aux deux tendres amies qui, jusque dans leur sensibilité la plus épanchée, étaient toute crainte, toute alarme et tout scrupule, toute discrétion et pudeur. […] » Emportée elle-même par son sort, par les nécessités de chaque heure, par la violence de son talent ou de ses passions, qui ne faisaient qu’un, Mme Dorval en son naufrage avait-elle le temps de montrer aux deux discrètes et silencieuses amies les nuances de sentiment qu’il aurait fallu et les grâces du cœur ?
On était très bien placé en 1820, quand on avait un bon esprit, et libre de passions, pour juger des hommes et des choses de notre grande Révolution, dont tant de témoins et d’acteurs principaux étaient encore vivants. […] Pour arriver à saisir cette vérité, on avait, en 1820, à se dégager de ses impressions partiales, à se mettre au-dessus des passions intéressées et personnelles ; on a aujourd’hui à percer tout un voile de préjugés et de partis pris théoriques : c’est une autre forme d’illusions.
Mais ce qui, chez son père, n’avait été qu’une distraction de jeunesse et un goût délassant, devint chez le fils une passion principale, entraînante, une verve durable et continuelle. […] En le lisant je me suis surpris plus d’une fois à penser que rien n’est beau comme le bon sens, lorsqu’il triomphe de la passion qu’on y sent subsister, qu’on y voit s’abaisser et frémir d’un air de noble coursier sous le frein.
Sa jeunesse dut être celle d’alors : « Mon âme habite un lieu par où les passions ont passé, et je les ai toutes connues », nous dit-il plus tard ; et encore : « Le temps que je perdais autrefois dans les plaisirs, je le perds aujourd’hui dans les souffrances. » Les idées philosophiques l’entraînèrent très-loin : à l’âge du retour, il disait : « Mes découvertes (et chacun a les siennes) m’ont ramené aux préjugés. » Ce qu’on appelle aujourd’hui le panthéisme était très-familier, on a lieu de le croire, à cette jeunesse de M. Joubert ; il l’embrassait dans toute sa profondeur, et, je dirai, dans sa plus séduisante beauté : sans avoir besoin de le poursuivre sur les nuages de l’Allemagne, son imagination antique le concevait naturellement revêtu de tout ce premier brillant que lui donna la Grèce : « Je n’aime la philosophie et surtout la métaphysique, ni quadrupède, ni bipède : je la veux ailée et chantante. » En littérature, les enthousiasmes, les passions, les jugements de M.
Le moment était arrivé où dans ce déchaînement de passions violentes et de préventions aveugles, il n’y avait certes aucun déshonneur pour les hommes sages, pour les esprits modérés, à se sentir inhabiles, et impuissants. […] Placé à son point de vue modéré et purement constitutionnel de 91, l’auteur eut le mérite d’exposer les faits intérieurs et de faire ressortir ses vues sans trop irriter les passions rivales.
Télémaque, pendant ce long voyage, tantôt heureux, tantôt traversé par le destin, aborde ou échoue sur mille rivages, assiste à des civilisations diverses, expliquées par son maître Mentor, court des dangers, éprouve des passions, est exposé à des piéges d’orgueil, de gloire, de volupté, en triomphe avec l’aide de cette Sagesse invisible qui le conseille et le protége, se mûrit par les années, se corrige par l’expérience, devient un prince accompli, et voyant régner, dans les contrées qu’il parcourt, tantôt de bons rois, tantôt des républiques, tantôt des tyrannies, reçoit, par l’exemple, des leçons de gouvernement qu’il appliquera ensuite à ses peuples. […] La duchesse de Bourgogne, les délices de la cour et la passion de son mari, inopinément frappée, entraîna son mari au tombeau.
Un nez démesuré ; de grands yeux qui devaient être beaux, mais à fleur de tête ; pas déjoués : deux profils collés ; une bouche vilaine, soulevée par les dents obliques ; en somme, un nez et deux yeux, et presque rien avec ; une laideur puissante, fascinatrice si l’on veut, qui devait s’illuminer et devenir superbe dans les moments de passion ou dans l’ivresse des batailles. […] Homme de guerre autant qu’on peut l’être, n’ayant rien du courtisan ni de passion que pour son métier, également prompt à la repartie et à l’action, on ne rencontre guère de figure plus originale… Depuis le 10 décembre 1641, il était mestre de camp général de la cavalerie avec autorité sur les autres maréchaux de camp.
Rien de si délicat, de si nuancé n’avait été écrit sur la fragilité de notre vertu, sur les illusions de nos passions, sur l’ardeur inconsidérée de la jeunesse, sur l’imprudence des parents, sur les effets des bons et des mauvais sentiments. […] Les grandes passions, soit romanesques et rêveuses, comme dans le Nord, soit furieuses et sensuelles, comme dans le Midi sont rares parmi nous : la galanterie, c’est-à-dire beaucoup d’esprit avec un peu d’amour, est la mesure du plus grand nombre.
On sait en revanche à quelles catastrophes aboutissent dans nos drames modernes et dans nos romans de passion les défaillances de la fidélité conjugale et les complications causées dans le ménage par l’intrusion d’un tiers trop aimé. […] Sous Napoléon III, plagiaire de son oncle, elle ne put durant dix ans retentir qu’à l’Institut ou dans les églises où elle ne risque pas de soulever des orages de passion ; puis elle commença à reparaître dans les assemblées délibérantes, dans des conférences dûment autorisées, dans des réunions publiques strictement surveillées.
Il n’attache en effet d’importance qu’à la pensée ; il laisse presque tout à fait à l’écart la sensibilité et il la traite assez mal : les sens nous trompent ; l’imagination est, comme dit Pascal, une maîtresse d’erreur et de fausseté ; les passions sont des guides déplorables qui nous détournent de la vertu et de la vérité, etc. […] A côté des auteurs dramatiques qui font jouer devant le public le mécanisme secret des passions, il est des analystes qui préfèrent le démonter.
Le maître qui renvoie Gil Blas ne lui en veut pas ; il compatit au tort qu’il lui fait, et lui ménage même une bonne condition ; et Gil Blas renvoyé ne maudit pas le vieillard ; il nous le montre tel qu’il est avec sa passion sénile, amoureux, ridicule, mais bonhomme encore, et tâchant de concilier un reste de justice avec sa faiblesse. […] Nous n’avons fait que changer d’étage, mais les mobiles, les intérêts, les passions de la coulisse sont toujours les mêmes.
Et pourtant cette même Mlle de Fontanges, cette beauté si vaine et si sotte, donna un jour une leçon à Mme de Maintenon, qui l’exhortait avec sa rectitude sèche à se guérir d’une passion qui ne pouvait faire son bonheur : « Vous me parlez, lui répondit-elle, de quitter une passion comme on parle de quitter un habit. » Cette fille sans esprit était dans ce moment éclairée par son cœur.
Il avait étudié les belles-lettres de bonne heure, et ç’avait été sa passion toujours nourrie à travers ses devoirs. […] Il avait coutume de dire qu’au fond ce qui sépare l’homme de la vérité suprême, c’est l’intérêt que chacun met à sa passion : « Croyez-moi, mon cher ami, entre l’homme et Dieu il n’y a que l’orgueil.
Il y avait pourtant quelque chose qui tenait plus avant au cœur de La Harpe converti que l’amour des belles dames et que le goût de la bonne chère, c’était la passion littéraire proprement dite, la démangeaison du critique, et il n’y put jamais résister. […] Il semblait, en effet, que, comme cet empereur romain qui voulait mourir debout, La Harpe se fût dit dans sa passion littéraire : « Il convient qu’un critique (même converti) meure en jugeant. » Depuis une quinzaine de jours que je vis avec La Harpe, je me suis demandé (à part les bonnes parties du Cours de littérature qui sont toujours utiles à lire dans la jeunesse) quelles pages de lui on pourrait aujourd’hui offrir à ses amis comme à ses ennemis, quel échantillon incontestable de son talent de causeur, d’écrivain, d’homme qui avait au moins, en professant, un certain secret dramatique, et qui savait attacher.
Il dit qu’il a vu les hommes sous les diverses religions rester les mêmes et obéir à leurs intérêts, à leurs passions : il ne se demande pas si les hommes ne s’y abandonneraient pas bien davantage en étant absolument destitués de cet ordre de lois. […] Se reportant aux jours affreux de la veille et ne prévoyant guère de jours sereins pour le lendemain, il abjure en quelque sorte cette doctrine de perfectibilité dont il s’était fait un moment l’apôtre : Ainsi, dit-il en terminant, ainsi, sous des noms divers, un même fanatisme ravage les nations ; les acteurs changent sur la scène, les passions ne changent pas, et l’histoire n’est que la rotation d’un même cercle de calamités et d’erreurs.
Or, comme l’art préfère en général jouer des passions les plus fortes de l’âme humaine, qui sont les instinctives, les primitives, il tend à maintenir l’homme dans la pratique de ces inclinations ataviques, et s’oppose ainsi dans une mesure assez forte, croyons-nous, au progrès moral, au développement de tendances nouvelles mieux en relation avec l’état social actuel. […] L’esthopsychologie, la science des œuvres d’art considérées comme signes, accompagnée de la synthèse biographique et historique que nous venons d’esquisser, dépeint des hommes réels, des hommes de fortune médiocre ou élevée, ayant vraiment vécu dans un entourage véritable, ayant coudoyé d’autres hommes en chair et en os, étant enfin des créatures humaines, avec, pour parler comme Shylock, des yeux, des mains, des organes, des dimensions, des sens, des affections., des passions, tout comme les vivants que l’on rencontre aujourd’hui sous nos yeux.
La comédie éclate dans les larmes, le sanglot naît du rire, les figures se mêlent et se heurtent, des formes massives, presque des bêtes, passent lourdement, des larves, femmes peut-être, peut-être fumée, ondoient ; les âmes, libellules de l’ombre, mouches crépusculaires, frissonnent dans tous ces roseaux noirs que nous appelons passions et événements. […] Cette école met sous clef les passions, les sentiments, le cœur humain, la réalité, l’idéal, la vie.
D’autres Adams, créés par les poètes, incarnent, celui-ci la passion, celui-là le devoir, celui-là la raison, celui-là la conscience, celui-là la chute, celui-là l’ascension. […] Une sorte de parti pris gigantesque, la mesure habituelle dépassée, le grand partout, ce qui est l’effarement des intelligences médiocres, le vrai démontré au besoin par l’invraisemblable, le procès fait à la destinée, à la société, à la loi, à la religion, au nom de l’Inconnu, abîme du mystérieux équilibre ; l’événement traité comme un rôle joué et, dans l’occasion, reproché à la Fatalité ou à la Providence ; la passion, personnage terrible, allant et venant chez l’homme ; l’audace et quelquefois l’insolence de la raison, les formes fières d’un style à l’aise dans tous les extrêmes, et en même temps une sagesse profonde, une douceur de géant, une bonté de monstre attendri, une aube ineffable dont on ne peut se rendre compte et qui éclaire tout ; tels sont les signes de ces œuvres suprêmes.
Il craint de croire et, pourtant, il parle des poètes avec passion. […] Quand donc, l’homme qui pense aura sacrifié les commodités et les plaisirs qu’il pourrait acheter à la passion de l’ordre et de la patrie, non seulement il aura bien mérité de ses dieux, mais il sera honoré devant les autres hommes, il aura relevé son titre et sa condition.
C’est dans les mêmes écoles qu’on étudie encore aujourd’hui, sous le nom de belles-lettres, deux langues mortes qui ne sont utiles qu’à un très-petit nombre de citoyens ; c’est là qu’on les étudie pendant six à sept ans sans les apprendre ; que, sous le nom de rhétorique, on enseigne l’art de parler avant l’art de penser, et celui de bien dire avant que d’avoir des idées ; que, sous le nom de logique, on se remplit la tête des subtilités d’Aristote et de sa très-sublime et très-inutile théorie du syllogisme, et qu’on délaye en cent pages obscures ce qu’on pourrait exposer clairement en quatre ; que, sous le nom de morale, je ne sais ce qu’on dit, mais je sais qu’on ne dit pas un mot ni des qualités de l’esprit, ni de celles du cœur, ni des passions, ni des vices, ni des vertus, ni des devoirs, ni des lois, ni des contrats, et que si l’on demandait à l’élève, au sortir de sa classe, qu’est-ce que la vertu ? […] Peut-on être un grand poëte sans la connaissance des devoirs de l’homme et du citoyen, de tout ce qui tient aux lois des sociétés entre elles, aux religions, aux différents gouvernements, aux mœurs et aux usages des nations, à la société dont on est membre, aux passions, aux vices, aux vertus, aux caractères et à toute la morale ?
La poésie est éminemment allégorique ; et l’allégorie n’est autre chose que l’unité dans le but moral, ou l’expression d’une pensée universelle : son attribut essentiel consiste dans la faculté d’individualiser, c’est-à-dire de personnifier les sentiments et les passions de l’homme, la direction des idées et des esprits dans un siècle, à un âge de l’esprit humain. […] La poésie transporte dans un monde idéal, c’est-à-dire dans un monde où les limites de la liberté de l’homme, de ses facultés, de ses prérogatives, de son intelligence, sont moins restreintes par l’état de déchéance ; dans un ordre de choses où la pureté des formes et de l’expression a moins été altérée par les passions et les sentiments mauvais.
), l’impulsion d’Attila, l’impulsion de tous ceux qui veulent brûler des Rome est toujours l’idée effroyable et naturelle d’un Communisme, éternel comme les passions de l’humanité, c’est toujours la pensée qui se cache perpétuellement dans les bas-fonds pour remonter aux surfaces de l’histoire ; qu’un jour arrive où chacun peut prendre tout ! […] Elle n’a plus dans ses toutes-puissantes faibles mains l’humble quenouille de la Légende, mais c’est encore une sainte et héroïque fille du temps « qui avait la passion des austérités et de la retraite ».
Il est bien clair que si, sachant le résultat et l’issue, les hommes avaient à parcourir exactement le même chemin, à repasser par les mêmes épreuves, quelques-uns, les plus sages au moins, éviteraient les écueils où ils ont touché, les excès de passion ou de système par où ils ont péri.
La régularité sévère, la facture savante d’une œuvre d’art n’est qu’au regard superficiel le signe d’un équilibre imperturbable de l’âme ; les plus passionnés sont quelquefois les plus austères, et la force qui règle peut avoir le même principe que la passion qui entraîne et que l’enthousiasme qui crée. »— Si M.
Cette fois, ils pourraient rencontrer la gloire et mériter la reconnaissance du public : car, il ne faut pas s’y tromper, malgré ses goûts positifs et ses dédains apparents, le public a besoin et surtout avant peu de temps aura besoin de poésie ; rassasié de réalités historiques, il reviendra à l’idéal avec passion ; las de ses excursions éternelles à travers tous les siècles et tous les pays, il aimera à se reposer, quelques instants du moins, pour reprendre haleine, dans la région aujourd’hui délaissée des rêves, et à s’asseoir en voyageur aux fêtes où le conviera l’imagination.
Par quelle série d’événements et quelle adresse de tactique Marillac et Gerfaut se trouvent-ils naturellement introduits au château, accueillis du baron, et pouvant s’y livrer en toute aisance, Marillac à l’art, comme il dit toujours, Gerfaut à sa passion ?
La flatterie qui sert à l’ambition exige beaucoup plus d’esprit et d’art que celle qui ne s’adresse qu’aux femmes : ce sont toutes les passions des hommes et tous leurs genres de vanité qu’il faut savoir ménager, lorsque la combinaison du gouvernement et des mœurs est telle, que les succès des hommes entre eux dépendent de leur talent mutuel de se plaire, et que ce talent est le seul moyen d’obtenir les places éminentes du pouvoir.
On tâchera de se surveiller soi-même à tout moment, de se prendre sur le fait dans les accès de passion et de vive sensibilité, de voir où l’on est, où l’on va dans ses emportements : en un mot de se dédoubler, et d’être le spectateur infatigable et impartial de soi-même.
La raison domine dans toute cette production versifiée, et la raison d’un siècle analyseur, abstracteur, argumenteur et critique ; on ne rencontre pas un éclat de passion, pas une impression, pas une image : aucune trace fraîche enfin de la nature ou de la vie.
Il s’en servit pour révéler une préoccupation de l’esprit, un état de l’âme, un sentiment, une passion ; pour faire éclater un caractère du premier mot et du premier geste.
« Mais au lieu de s’expliquer et de se connaître, on se juge sur prévention, on se fâche, on s’enflamme, et l’humeur, comme la passion, continue à gouverner le monde.
Cette énergie de l’esprit, qui enfantait une langue, s’exprimait en même temps par une passion de savoir qui, s’exerçait dans tous les sens.
Ici se présente une objection d’une autre espèce : — Sans contredit, dans le moment même le plus critique d’une crise politique, un pur ouvrage d’art peut apparaître à l’horizon ; mais toutes les passions, toutes les attentions, toutes les intelligences ne seront-elles pas trop absorbées par l’œuvre sociale qu’elles élaborent en commun, pour que le lever de cette sereine étoile de poésie fasse tourner les yeux à la foule ?
Descartes et Malebranche se servaient de ces corpuscules ou esprits pour expliquer non-seulement les mouvements musculaires, ce qui se comprendrait aisément, mais la mémoire, l’imagination, les passions.
N’aurait-on pas fait de la science des conditions, des caractères, des passions, des organisations diverses, une petite affaire de règle et de compas ?
Revoir les lieux autrefois visités, les amis autrefois fréquentés, les livres lus jadis, est une des passions du déclin.
Sans passion, comme Walter Scott, et comme lui de cette moralité naturelle qui parfume les écrits de tous les deux, il n’était point, assurément, par les facultés, l’égal de l’incomparable Écossais ; mais ils avaient tous deux la faculté de peindre avec des tableaux, des sujets et des procédés différents, et tous deux ils traduisirent la réalité avec une vigueur inouïe et un sentiment qui est à cette réalité qu’ils ont peinte, ce qu’aux objets est le soleil.
… Il nous reste une foule de gens d’esprit, assez forts pour mettre chez toutes les nations de l’Europe la carte de la France, comme celle de la nation la plus spirituelle ; mais, à cela près, — à cela près de ce qu’il peut tenir d’esprit sur une carte de visite, nous n’avons rien, ni œuvres, ni hommes, parce que les grands sentiments qui font naître les grandes œuvres, et les croyances générales qui font naître les grandes passions, ne subsistent plus.
le docteur Véron n’a rien de ces passions ardentes et blessées, de ces regrets d’une ambition qui n’a plus sa place sous le soleil.
Belmontet a plusieurs des grandes qualités qui font le poète : il a le souflle, le mouvement, la passion vraie, l’amertume, la griffe irritée, la familiarité saisissante, qui semble s’élever en descendant… Son rhythme même (cette chose sans laquelle maintenant il n’est plus possible d’être poète), son rhythme a de puissantes articulations qui jouent avec souplesse sous sa pensée.
Trop de passions se combattent pour espérer une pareille réunion. […] Attend-elle quelqu’objet de sa passion ? […] Lorsque les excès se multiplient jusqu’à un certain point, le torrent entraîne, & l’on ne peut résister au cours des passions. […] Ils n’auroient pas besoin d’étudier, ils seroient exempts de passions, ils ne prendroient point d’argent ; mais pour notre consolation il y a des hommes qui ont ces qualités. […] Leur état ne les affranchit ni des passions, ni des petites préventions attachées à l’humanité.
Pascal a le langage de toutes les passions. […] Ici, la passion tamise l’esprit, là l’esprit la passion. […] Aussi sa passion est-elle de l’héroïsme, vraiment. […] Il a la science avec la passion du beau, la fougue avec la juste mesure. […] — Oui, mais la constance dans la passion conserve.
— Les trois caractères de tout lyrisme : la simplicité, le sensualisme, la passion. […] Le troisième caractère de la poésie, suivant Milton, est la passion. […] Ces trois caractères : simplicité, idée sensible au cœur, passion, délimitent les frontières du lyrisme contemporain. […] Les psychologues prouvent la marche et le retour des passions au moyen de curieuses ondulations qui se propagent. […] Ce lyrisme a la passion du mouvement, la haine de l’anecdotique, le souci de la fusion parfaite entre l’idée et l’image, la soif de l’idéalisme, d’un idéalisme sensibilisé et ami de la vie.
Les tentations ne sont jamais pour les hommes que dans le sens de leurs passions : on n’est pas tenté de ce qu'on n’aime pas. […] Après sa retraite de la Cour, il venait quelquefois à Paris, et allait en visite chez la duchesse de La Vallière ou la duchesse de Mancini (toutes deux Noailles) : là, on raconte que, par une liberté de vieillard et de grand seigneur devenu campagnard, et pour se mettre plus à l’aise, il posait sa perruque sur un fauteuil, et sa tête fumait. — On se figure bien en effet cette tête à vue d’œil fumante, que tant de passions échauffaient. […] Il se livrait à toutes ses passions intellectuelles et à ses aversions morales sans scrupule, et sauf à se mettre en règle à de certains temps réguliers et à s’en purger la conscience, prêt à recommencer aussitôt après.
Dès la première saillie de l’invention originale, son œuvre manifeste l’énergie tragique, la passion intense et informe, le dédain de la régularité, la connaissance du réel, le sentiment des choses intérieures, la mélancolie naturelle, la divination anxieuse de l’obscur au-delà, tous les instincts qui, repliant l’homme sur lui-même et concentrant l’homme en lui-même, le préparent au protestantisme et au combat. […] Leurs idées n’éclatent pas d’abord en passions, en gestes, en actions. […] Point de pays où l’on soit plus exigeant à cet endroit. « Notre vice, me disait un d’eux, c’est la passion exagérée de toutes les choses bonnes et commodes ; nous avons trop de besoins, nous dépensons trop ; nos paysans, sitôt qu’ils ont un peu d’argent, au lieu d’acquérir un bout de terre, achètent le meilleur sherry, les meilleurs habits1328. » À mesure qu’on monte vers les hautes classes, ce goût devient plus fort.
Il passionne l’homme peu intelligent pour l’impossible : la plus terrible et la plus meurtrière des passions à donner aux masses, c’est la passion de l’impossible ! […] Que la société, sans cesse pénétrée de l’esprit divin, qui est un esprit de paix et non de guerre, s’interroge sans cesse elle-même pour savoir ce qu’elle peut introduire d’améliorations pratiques dans ses formes et dans ses lois sans faire écrouler l’édifice, qu’elle s’appelle tour à tour oligarchie, aristocratie, monarchie, démocratie, république, selon que la force des choses, la tradition, l’innovation, lui indique dans quelle région de la hiérarchie humaine se trouve le plus de droit, de force conservatrice, d’autorité nécessaire, de lumière législative, de responsabilité et de passion du bien général.
Il faut qu’il se conduise, et cependant il est un être borné, il est sujet à l’ignorance et à l’erreur, comme toutes les intelligences finies ; les faibles connaissances qu’il a, il les perd encore ; comme créature sensible, il devient sujet à mille passions. […] « Approchez des pays du Midi, vous croirez vous éloigner de la morale même ; des passions plus vives multiplieront les crimes ; chacun cherchera à prendre sur les autres tous les avantages qui peuvent favoriser ces mêmes passions.
Dans cette espèce de phraséologie, l’esprit apparaît souvent comme une sorte de champ dans lequel la perception, la mémoire, l’imagination, la raison, la volonté, la conscience, les passions produisent leurs opérations, comme autant de puissances alliées entre elles ou en hostilité. […] L’expression naturelle des passions, la variété des langues et des événements de l’histoire sont autant de faits qui permettent de remonter jusqu’aux causes mentales qui les ont produits : les dérangements morbides de l’organisme qui entraînent des désordres intellectuels ; les anomalies, les monstres dans l’ordre psychologique, sont pour nous comme des expériences préparées par la nature et d’autant plus précieuses qu’ici l’expérimentation est plus rare. L’étude des instincts, passions et habitudes des divers animaux nous fournit des faits dont l’interprétation (souvent difficile) permet, par induction, déduction ou analogie, de reconstruire un mode d’existence psychologique.
La conception des états mentaux comme représentations est au fond assez enfantine : à vrai dire, ma sensation du soleil ne représente pas le soleil et n’en est ni la copie ni le portrait ; elle est un moyen de passion et de réaction par rapport au soleil, elle est la conscience d’un effet subi et d’une énergie déployée : la traiter comme une simple ressemblance avec le soleil, ou comme une simple différence, c’est mettre des spéculations de métaphysicien à la place de la vie pratique. […] Ce qui est certain, c’est que l’objectivité, nous l’avons vu plus haut, est un rapport ultérieurement conçu ; la représentation ne représente que par son rapport à autre chose qu’elle ; primitivement, il n’y a que des modes de conscience, agréables ou pénibles, acceptés ou repoussés, par conséquent des passions et réactions. […] Dans la passion de la colère, par exemple, il y a des symptômes sensoriels, dont la perception offre une grande analogie avec la perception externe.
Ainsi ce sont deux passions toutes différentes qui sont l’objet fondamental de la signification commune des mots de chacun de ces deux ordres : mais ces deux passions portent l’une & l’autre sur un sentiment de bienveillance, comme sur une tige commune. Si nous les mettons maintenant en parallele, nous verrons de nouvelles idées accessoires & analogues modifier l’une ou l’autre de ces deux idées fondamentales : les mots amant & ami expriment les sujets en qui se trouve l’une ou l’autre de ces deux passions. Amour & amitié expriment ces passions mêmes d’une maniere abstraite, & comme des êtres réels ; les mots amoureux & amical servent à qualifier le sujet qui est affecté par l’une ou par l’autre de ces passions : les mots amoureusement, amicalement, servent à modifier la signification d’un autre mot, par l’idée de cette qualification. […] Ce seroit apparemment par une raison contraire qu’ils auroient rapporté au genre féminin les noms abstraits des passions, des vertus, des vices, des maladies, des sciences, &c. […] De tuer ils ont fait tu-er, & ont allongé de même la prononciation de ruine, violence, pieux, étudier, passion, diadème, jouer, avouer, &c.
Malherbe, le premier, a introduit la greffe, l’art de greffer dans notre poésie : Miraturque novas frondes et non sua poma… « Les autres avant lui, a dit Godeau, dans leur excès de passion pour les Anciens, pillaient les pensées plus qu’ils ne les choisissaient. » Malherbe a su choisir. […] Il s’y attache avec une passion, si j’ose le dire, tellement déréglée, que le préjudice visible qu’il fait à sa constitution extrêmement délicate n’est pas capable de l’en séparer. […] C’est chose que tout autre eût demandée avec passion, et néanmoins vous ne sauriez croire la peine qu’il a eue à y condescendre146… Il a été assez généreux pour n’y consentir qu’à la condition d’entretenir ces soldats à ses dépens. […] A chacun son rôle et sa passion : cet empereur veut mourir debout ; ce soldat veut mourir en s’enveloppant dans les plis de son drapeau ; Paillet veut qu’on l’enterre dans sa robe d’avocat.
Il est dans cet âge où une grande passion peut donner alternativement et toute l’énergie d’un jeune homme fortement épris, et tous les ridicules d’un vieillard sottement amoureux ; d’après cela, comment Chrisalde croit-il pouvoir donner impunément à Arnolphe, en scène avec lui, dix ans de plus ou de moins ? […] Il me paraît, jusque dans sa prose, ne parler point assez simplement pour exprimer toutes les passions… Je répondis à mon collègue, que le meilleur écrivain pouvait se laisser entraîner trop loin, lorsqu’il voulait en rabaisser un autre ; et je continuai. […] Oui ; mais si intéressante qu’elle demande un acteur de feu, puisque Molière s’y peint lui-même, et que, toujours plein de l’image de son ingrate épouse et de sa passion pour elle, il y pousse la délicatesse jusqu’au point d’embellir les défauts de son visage, et d’excuser les torts de son esprit. […] La fable du Phormion, comme toutes celles de Térence, a une double action, et l’intérêt est partagé par la passion de Phédria et celle d’Antiphon. […] Il n’avait pas alors fait Armide, il ne s’était pas encore familiarisé avec l’art de traiter les passions, et celui de donner à ses vers la cadence harmonieuse que demande plus particulièrement la poésie lyrique.
Ce qui est la passion plus ou moins cachée de beaucoup se trouve représenté assez au naïf et sous forme de manie dans les écrits d’un homme de Lettres célèbre de ce temps.
Il s’étonne de l’indifférence de ses compagnons, qui chantent la beauté des femmes, chassent le jaguar et s’enivrent tour à tour ; sa passion l’a tout d’un coup civilisé ; elle lui a révélé l’isolement de son existence, et, pour la première fois, les forêts lui ont paru solitaires.
… Voyons, tout à fait entre nous, vous n’avez jamais eu de ces aimables écarts qui embellissent l’existence d’une locomotive à l’âge des passions ?
Les caractères, les passions, les nuances des sensibilités, non seulement il les méprise, mais il les ignore.
Je me trompe, elle aurait désiré de plus qu’il n’y eût point de passion dans celui qui serait fait à madame de Montespan, le désir fut trompé, elle partit pour Barèges.
La Description du Démoniaque, peint par Raphaël, est encore une leçon aux Peintres, pour leur apprendre l’art de rendre avec énergie les passions fortes & impétueuses, & c.
J’y ai vu ce que peu de livres laissent transparaître : le souci de l’avenir des races, l’intérêt de leur ordre et de leur force, la passion d’un art plus humain et plus réel, le solennel amour de la vie harmonieuse, la pitié et la charité à toutes les pages.
. — Il faut tenir pour un geste de pure passion intellectuelle ce coup de pied impérial par lequel prit fin une discussion où s’obstinaient l’idéologisme religieux du philosophe et son défaut de scepticisme.
La réponse de la jeune veuve est un mot qui appartient encore à la passion ou du moins le paraît.
À cette consommation du crime, rien ne s’altère encore dans la nature : les passions seulement font gronder leurs premiers orages dans le cœur du couple malheureux.
Le poète a su lever d’une main chaste le voile qui couvre ailleurs les plaisirs de cette passion.
Mais l’humeur & la passion ont souvent conduit sa plume.
Celui qui admire trahit par le feu de ses regards, par l’intelligente curiosité de son attitude, par son silence même la noble passion qui préside à tous ses travaux pour les rehausser et les ennoblir.
Les passions, avec leur mot haineux de « châtiment de la Providence », les poètes, avec leur mot trop employé de « météore », avaient égaré l’opinion.
Est-ce l’État résistant par un Cromwell ou un Bonaparte, ou l’État devenu le valet des utopies en vogue, des expédients transitoires, des passions armées et triomphantes aujourd’hui, mais qui seront vaincues demain ?
Mais c’est que Byron n’était pas Hébreu, avec une passion d’Hébreu dans le cœur, comme Louis Wihl.
La passion, qui fait les romans, troublait cet équilibre et aliénait la liberté de l’homme, mais elle ne la supprimait pas.
Extrême en toutes ses passions, il la tua dans un mouvement de colère, la pleura, se détesta lui-même, la fit embaumer avec les plus riches parfums de l’Europe et de l’Asie, et prononça en grand deuil son oraison funèbre sur la tribune romaine.
Marie-Joseph, dont le cœur valait mieux que les passions, et qui avait des retours généreux après ses colères, reconnut-il jamais son tort envers celui avec qui il se rencontra plus tard dans la résistance à l’Empire ? […] Elle m’a dit des vers d’une énergie remarquable comme un bouquet à Iris ; c’est gracieux à regarder ; mais il me semble que, pour aimer, il faut peut-être ce visage, mais sûrement un autre esprit. — Je range donc cette passion de vous avec celle de Mlle Hulot. […] 2° l’ouvrage a-t-il pour but de réveiller les passions, de former des factions ou de semer des troubles dans l’intérieur ? […] enfin quand on consacre son existence à servir les petites haines, les petites passions des cœurs, en foulant aux pieds les âmes d’une nature relevée ? […] Sous la Restauration, il essayait de même de demander à la Charte tout ce qu’elle contenait, et d’en faire découler les conséquences naturelles ; il s’indignait surtout qu’on la faussât, qu’on la torturât dans un mauvais sens, au gré des passions, au détriment de la monarchie comme du peuple.
Lebrun, par un heureux mélange de naturel et de passion, et aussi grâce au pathétique du sujet, réussissait avec éclat dans sa Marie Stuart, et cependant il ne pouvait faire agréer son second ouvrage, le Cid d’Andalousie, bien qu’il nous semble à quelques égards supérieur au premier76. […] Rien de plus naturel en effet, si on les prend chacun en soi : l’un adonné tout entier avec une passion exclusive à la grande littérature française du xviie siècle ou à la littérature latine cicéronienne, ne louant, ne connaissant que ses chers classiques et bouchant volontiers ses oreilles à tout le reste ; l’autre, toujours à la découverte, par voies et par chemins, toujours ailleurs, soucieux et amoureux avant tout de ce qui était nouveau et différent. […] Ce qui n’empêche pas, au jugement de quelques bons esprits, que cette Histoire romaine ne soit ce qu’Ampère a laissé de mieux et de plus original dans sa vivacité même, une ample étude faite sérieusement et avec passion, et très-estimable malgré les fautes. […] Ampère a pour les recherches purement scientifiques une passion qu’il tient de son père, passion qui chez lui rivalise perpétuellement avec la vocation littéraire, qui l’agrandit et l’élève, mais en même temps la traverse et la refroidit parfois.
Barbey d’Aurevilly, dans les Émaux et Camées (titre par parenthèse qu’il trouve mauvais, en proposant celui de Perles fondues), un pas vers l’émotion et la passion du poète de la Comédie de la mort ! […] J’aime aussi beaucoup la morale… en action, en littérature moins, parce qu’elle s’y trouve être un élément étranger et troublant qui ne peut que donner à l’œuvre une allure empesée, roide et gauche, de même du reste que la politique, la passion et l’émotion, toutes choses très-bonnes… à leurs places respectives. […] Théophile Gautier a imités dans ce roman sans vie et sans passion réelle, etc… » À la bonne heure ! […] La passion ! Pour une œuvre d’archéologie et de curiosité comme le Capitaine Fracasse, c’est bien de la vie et de la passion qu’il faut !
Mais, quand elle exprime la passion, son mouvement heurté devient naturel et parfois on ne songe plus au ridicule de la forme parce qu’on est ému. […] D’héroïques phtisiques, condamnés par le docteur à choisir entre quelques jours d’amour ou beaucoup d’années d’ennui, optent pour la passion, et nous assistons à leurs baisers et à leurs crachats. […] Leur seul intérêt est de montrer deux intelligences d’hommes d’affaires qui essayent de parler passion et héroïsme et qui balbutient ridiculement ces langues étrangères. […] Mais ces herbes mauvaises s’agitent sous un grand vent de passion, parmi d’admirables fleurs. […] Car c’est seulement à la surface de son âme âpre que se jouaient ses passions brusques, mêlées, amours qui s’exaspèrent en haines et que font oublier bientôt d’autres amours haineuses.
Madame de Staël a parlé de l’enthousiasme avec l’éloquence éperdue des soixante-dix-sept passions brûlantes qu’elle portait en elle. […] Ce n’est plus la donnée théologique du Péché épousant la Mort, comme dans Milton, c’est le concubinage sacrilège de la Passion humaine et d’une des formes les plus sacrées de la Passion divine ! […] Ce roman est le déshonneur voulu de la passion, cette usurière infernale qui nous fait payer de toute notre vie et de toutes nos facultés, l’atome de volupté qu’elle nous prête pour un atome de temps. […] D’ailleurs, j’ai surtout en vue l’armée française qu’on outrage impunément et que j’aime avec passion, comme l’une des plus grandes écoles du sacrifice qui se soient vues sur cette planète où la guerre est d’institution divine. […] Descendu pour un instant des hauteurs inaccessibles de son sacerdoce familial en vue d’arracher le jeune homme à une passion subversive, le vieux sot débite pendant un quart d’heure les boniments vertueux de Dumas.
Ils auront ce goût propre qui est en même temps une gourmandise et une passion profonde, à nulle autre pareille. Une passion d’un certain goût propre sur lequel, et sur laquelle rien ne peut tromper. Une passion qui comme un vice rassemble, et du plus loin, les êtres apparemment les plus hétéroclites ; et les plus hétérodoxes. […] Et de l’autre côté ce n’est pas la passion, cette faiblesse. […] Il dit qu’il a fait le conflit du devoir et de la passion.
Guy de Maupassant n’a pas eu besoin d’avoir recours à de telles extrémités, et c’est d’une plume, je dirai chaste, qu’il nous a décrit toutes les phases de ces deux passions pour la même femme en deux créatures. […] C’est le récit de la vie très simple d’un curé de campagne, qui adore les oiseaux et à qui cette passion occasionne mille tribulations. La scène entre le brave abbé et l’évêque qui lui reproche sa passion est absolument charmante ; j’en transcris une partie : — Ah ! […] » Mais la politique ne joue aucun rôle dans le roman, tout d’action, tout de passion et l’un des meilleurs de M. […] De là, la passion, pour ou contre, des lecteurs.
Effrayé du débordement de passions égoïstes que la Renaissance et la Réforme avaient favorisé, l’on s’efforçait de toutes parts à constituer, pour ainsi dire — aux dépens de quelques-uns, mais dans l’intérêt de tous, — une manière de penser et de sentir communes. […] « C’est la nature qui communique et l’esprit vindicatif, et l’esprit de vanité et les passions impudiques ; et je suis sûr, indépendamment des relations de voyages, que ces désordres se voient dans tous les peuples du monde. […] File s’en consola en affichant une passion indécente pour le comédien Baron, et c’est elle que La Bruyère a peinte sous le nom de Césonie. […] Il en était résulté que, tandis qu’ailleurs, en Allemagne ou en Angleterre, la réforme avait surtout agité des passions politiques ou idéologiques, sa propagande, en France, avait pris surtout un caractère moral, et la minorité protestante s’était ainsi formée, groupée, serrée autour de l’idée de la rénovation des mœurs. […] « Petite, point belle, mais les yeux vifs et fins, et une conversation si charmante qu’on ne pouvait la quitter », elle avait eu pourtant son heure, et, quand Marais la connut, aux environs de 1706, « elle gardait dans le cœur une passion pour un homme qui avait été tué à la guerre ».
Avoir tout vu de la vie, en savoir tous les courants et tous les écueils, s’y être brisé, puis s’en être relevé, connaître les hommes par leurs passions et savoir s’en servir, avoir appris à ses dépens à toucher en eux les cordes qui résistent et celles qui répondent, avoir conservé au milieu de toutes ses traverses, et jusque dans les désastres où l’on est tombé par sa faute, son sang-froid, sa gaieté, son entrain, ses ressources d’esprit, sa bonne mine, son courage, son espérance surtout, cette vertu et cette moralité essentielle de l’homme ; quelle préparation meilleure, quand le ressort principal n’a point fléchi, quand le principe d’honneur a gardé toute sa sensibilité ! […] Je le suis, je l’examine sans passion, et chaque jour je lui découvre de nouvelles qualités ; mais il a bien les défauts de ses qualités. […] Tout compte fait, et malgré les chances de guerre en Europe, il aime mieux l’Afrique pour le quart d’heure, bien assuré que, si l’on se bat en Europe, tout le monde en sera : « Ici, je sers mon pays, et je m’éloigne des mauvaises passions. » Le maréchal Bugeaud, rappelé dès ce temps-là à des commandements importants et consulté par le prince président de la République, dut lui donner les premières impressions avantageuses sur Saint-Arnaud comme officier général de grand avenir et comme homme de nerf à employer dans l’occasion : sa mort soudaine arrache à Saint-Arnaud des témoignages bien dus de regret et de profonde douleur.
Noble faculté qui, à ce degré de développement, appelle et subordonne à elle toutes les passions de l’être et ses autres puissances ! […] Il est résulté aussi de cela qu’à côté de sa pensée si grande et de sa science irrassasiable, il y a, grâce à cette vocation imposée, à cette direction impérieuse qu’il subit et ne se donne pas, il y a tous les instincts primitifs et les passions de cœur conservées, la sensibilité que s’était de bonne heure trop retranchée la froideur des autres, restée chez lui entière, les croyances morales toujours émues, la naïveté, et de plus en plus jusqu’au bout, à travers les fortes spéculations, une inexpérience craintive, une enfance, qui ne semblent point de notre temps, et toutes sortes de contrastes. […] Vous ne savez pas encore ce que c’est que de résister à vos penchants, et c’est ainsi que vous vous exposez à les faire devenir de véritables passions.
Que le moraliste aille en droite ligne vers la conclusion, et abrège le récit pour s’arrêter dans la maxime ; le poëte suivra avec complaisance la ligne onduleuse de la passion, et développera le récit en s’attardant autour des détails vrais. […] Avez-vous vu comme tout d’un coup, au milieu du vers, l’accent a changé, comme le sérieux, la passion y sont entrés par une irruption subite, comme la dernière image toute corporelle enfonce l’émotion dans le coeur des assistants ? […] Il ne se ménage pas, il ne ménage pas les autres ; il combat et il se livre ; il suit sa passion sans égard pour les règles ; il ploie le discours, il casse en deux ses phrases, il s’arrête net au milieu d’un vers ; il change d’accent à chaque minute ; voici que, pour la première fois, dans cette curie où les élèves de Quintilien modulaient adroitement les doubles trochées de leurs périodes, les voûtes renvoient les mugissements, les accents brisés et toutes les clameurs du désespoir et du combat.
Évidemment ce n’est pas dans un jeune homme : l’absence de toute passion ne s’y ferait pas remarquer ; le ressentiment, la rancune contre tant d’injustice, y éclaterait en dépit de l’écrivain ; l’Évangile lui-même se permet l’injure contre les Pharisiens, les sépulcres blanchis ; l’injure sacrée elle-même s’élève jusqu’à la colère et s’arme du fouet de la satire contre les marchands profanateurs du Temple, chassés violemment du sanctuaire. […] Car dans la vérité vous n’êtes qu’un pécheur, sujet à beaucoup de passions et engagé dans leurs liens. […] Délivrez-moi des passions mauvaises, et retranchez de mon cœur toutes ses affections déréglées, afin que, guéri et purifié intérieurement, je devienne propre à vous aimer, fort pour souffrir, ferme pour persévérer.
XXXIII Elle parut se résigner néanmoins à la seule célébrité littéraire par la publication du roman de Delphine, celle de ses œuvres qui respire le plus de passion. […] L’accusation n’avait ni fondement, ni prétexte : le livre triompha de l’opposition, et madame de Staël, qui n’avait signalé jusque-là que son génie de controverse et d’éloquence, signala sa puissance dans l’expression de la passion. […] « Un homme d’un esprit supérieur disait que la prose était factice, et la poésie naturelle : en effet les nations peu civilisées commencent toujours par la poésie, et dès qu’une passion forte agite l’âme, les hommes les plus vulgaires se servent, à leur insu d’images et de métaphores ; ils appellent à leur secours la nature extérieure pour exprimer ce qui se passe en eux d’inexprimable.
Chante, écouter… Entendre au pied du saule où l’eau murmure L’eau murmurer ; Ne pas sentir, tant que ce rêve dure, Le temps durer ; Mais n’apportant de passion profonde Qu’à s’adorer, Sans nul souci des querelles du monde, Les ignorer ; Et seuls, heureux devant tout ce qui lasse, Sans se lasser, Sentir l’amour, devant tout ce qui passe, Ne point passer240 ! […] Aux Grecs il a emprunté la conception d’une sorte de monde des formes et des idées qui est le monde même de l’art ; bannissant la passion et l’émotion humaines, on dirait qu’il voit toutes choses, comme Spinoza, sous l’aspect de l’éternité. […] Joie immense de s’abandonner, de se laisser aller, de se sentir emporté comme par un flot, de sentir monter en soi la passion comme un océan !
La logique est l’art de penser juste, ou de faire un usage légitime de ses sens et de sa raison, de s’assurer de la vérité des connaissances qu’on a reçues, de bien conduire son esprit dans la recherche de la vérité, et de démêler les erreurs de l’ignorance ou les sophismes de l’intérêt et des passions : art sans lequel toutes les connaissances sont peut-être plus nuisibles qu’utiles à l’homme, qui en devient ridicule, sot ou méchant. […] S’il célèbre la puissance de l’harmonie, il s’élève dans les cieux où elle apaisera le courroux des dieux ; il descend sur la terre où elle tempérera les passions des hommes ; il se précipite aux enfers où elle accroîtra le supplice des méchants. […] De l’harmonie imitative ou relative aux passions de l’homme et aux phénomènes de la nature, harmonie qui contredit quelquefois l’harmonie de l’oreille et qui la blesse avec succès.
Le traducteur qui l’a racontée dans la passion ou la pitié qu’il a pour son poète, a fait de l’histoire et de cette mort d’Edgar Poe une accusation terrible, une imprécation contre l’Amérique tout entière ! […] On n’a jamais, que je sache (et même Émile Hennequin, qui s’est si généreusement croisé pour la justification de sa mémoire), assez insisté sur le spiritualisme d’Edgar Poe, de ce poète suprêmement idéal et pur, condamné par le sort de sa naissance et de sa vie à des besognes américaines indignes de la hauteur et de la beauté de sa pensée, qu’il eût dû garder inviolée et qui ne le fut pas toujours… On est bien obligé de le reconnaître, en présence de ses œuvres : Edgar Poe a trop souvent ployé et abaissé son propre génie sous le despotisme du génie américain, lequel n’a de goût et de passion que pour ce qui l’étonne, et qui préfère à tous les sentiments de l’âme, dans les choses de l’esprit, la force presque musculaire de la difficulté vaincue et de la contorsion réussie. […] Soit bizarrerie de caractère, soit passions prématurées de la part de ce génie sombrement passionné, des dissentiments sur la nature desquels on n’a que des notions incertaines et confuses séparèrent, à deux reprises, Edgar Poe de son bienfaiteur, et il dut s’arracher, non sans déchirement, de la maison où il avait été recueilli et où il avait reçu une éducation intellectuelle assez forte pour armer son génie contre la société qu’il allait trouver devant lui, et qui devait le vaincre dans le terrible combat d’un seul contre tous… Ce fut à ce moment qu’il entra dans cette vie littéraire qu’on pourrait bien appeler la mort littéraire.
Vous avez trop bonne opinion de la nation pour ne pas croire qu’elle puisse produire des gens qui, soutenus uniquement par leur zèle, osent penser noblement… Trop heureux s’ils peuvent être bien connus, et si des ministres éclairés, attentifs, justes, sans humeur et sans passion (avis à Chamillart !) […] Ce mariage compte dans sa vie, même militaire et publique, parce qu’on prétendit qu’il était amoureux et jaloux au point de déranger quelquefois ses opérations de guerre en vue de sa passion et dans ses inquiétudes d’homme de cinquante ans pour sa jeune femme.
Ces ingénieux écrits n’eurent qu’un demi-succès, parce qu’ils ne rentraient dans aucune des écoles régnantes et qu’ils n’étaient pas de force à en fonder une ; avec du vague dans l’ensemble, ils renferment bien de précieux détails, de fines observations sur les âges, sur les passions, sur la conversation, sur l’ennui, sur le bonheur…, et ils tendent en général à faire valoir le sentiment, trop sacrifié par les idéologues. […] C’est dans la vieillesse que l’empreinte fixée des passions vicieuses trahit et conserve la honte de la vie, tandis que la belle expression de la vertu devient l’honorable prix d’une carrière consacrée au bien de l’humanité.
Comme vous, comme tous les hommes, je sens en dedans de moi une passion ardente qui m’entraîne vers un bonheur sans limite, et me fait considérer l’absence de ce bonheur comme la plus grande infortune. Mais c’est là, soyez-en sûr, une passion folle qu’il faut combattre.
Entièrement émancipé désormais, grâce à la confiance ou à l’insouciance paternelle, ayant sous la main toutes les ressources de dépenses à l’âge des passions et dans une époque licencieuse, il se rend ce témoignage de n’en avoir jamais abusé. […] À partir du Dieu des Bonnes Gens, toutes ses facultés, toutes ses passions tendres ou généreuses, se versèrent dans ce genre unique, qui ne lui avait semblé d’abord qu’une diversion et presque une dérogation à son talent.
Faugère en son Introduction, nous croyons avoir surmonté ces difficultés autant qu’il était possible de le faire ; du moins nous y avons travaillé, non-seulement avec patience, c’eût été trop peu pour une pareille tâche, mais avec l’infatigable passion qu’inspire aisément la mémoire d’un écrivain en qui se rencontrent dans une merveilleuse alliance la beauté de l’âme et la grandeur du génie. » Connu déjà par l’Éloge de Gerson et par celui de Pascal que l’Académie française avait tous deux couronnés, M. […] Faugère nous a peint son vieil ami en une page touchante : « Dans cet homme affaibli par l’âge, dit-il, quel zèle et quelle passion quand il parlait de monsieur Pascal ou de la sœur Jacqueline de Sainte-Euphémie, de M. de Saint-Cyran ou de la mère Angélique !
La chose est à peine croyable, quoique certaine ; on ne peut l’expliquer que par le caractère du paysan français, par sa sobriété, sa ténacité, sa dureté pour lui-même, sa dissimulation, sa passion héréditaire pour la propriété et pour la terre. […] En 1772, à propos du vingtième qui se perçoit sur le revenu net des immeubles, l’intendant de Caen, ayant fait le relevé de ses cotes, estime que, sur cent cinquante mille, « il y en a peut-être cinquante mille dont l’objet n’excède pas cinq sous et peut-être encore autant qui n’excèdent pas vingt sous654. » Des observateurs contemporains constatent cette passion du paysan pour la propriété foncière. « Toutes les épargnes des basses classes, qui ailleurs sont placées sur des particuliers et dans les fonds publics, sont destinées en France à l’achat des terres. » — « Aussi le nombre des petites propriétés rurales va toujours croissant.
La politique est la mère des phrases vides, de la déclamation, des idées troubles, du mauvais style et des passions injustes : or, M. […] Il veut voir se rencontrer les personnages qui s’aiment ou se haïssent, qui sont séparés ou unis par des intérêts, des passions, des devoirs, et qui ont évidemment quelque chose à se dire.
— Le critique est un homme, il a des goûts, des passions, un tempérament, des préjugés, voire des maux d’estomac, et tout cela, qu’il le sache ou non, constitue son esthétique. […] Pas de grands poètes, pas de grand critique qui ne soit patriote ; avec passion et générosité !
Aucun grief conjugal, aucune passion rallumée ne peuvent l’excuser. […] Il sait que sa femme est restée pure ; il excuse, par sa propre conduite, la passion qui l’a ressaisie, mais il espère l’effacer en elle par son repentir.
Elle aimait le roi pour lui-même, comme le plus bel homme de son royaume, comme celui qui lui était apparu le plus aimable ; elle l’aimait sincèrement, sentimentalement, sinon avec une passion profonde. […] Ce ne sont là que des singularités, dira-t-on ; mais elles attestent le goût et la passion des lettres chez cette femme « qui aurait aimé François Ier ».
À part cette idée de gouvernement fort, dont il abuse et qu’il pervertit au gré de ses sophismes et de sa passion ; toute la doctrine politique de Saint-Just n’est qu’un délire. […] Comme tous les fanatiques, Saint-Just confondait le triomphe de ses passions avec celui de ses idées, et avec le règne de la vérité absolue.
., nous demandons que dès à présent, dans toutes les affaires capitales, le président soit tenu de poser au jury cette question : L’accusé a-t-il agi par passion ou par intérêt ? et que, dans le cas où le jury répondrait : L’accusé a agi par passion, il n’y ait pas condamnation à mort.
L’indiscret stoïcien veut couper radicalement, en leurs racines, toutes passions humaines. […] Il faut rectifier les passions humaines et les émonder comme on émonde un arbre, et non pas autre chose. » C’est un exemple frappant — et je l’ai choisi exprès — mais il n’est pas le seul, de l’anti-stoïcisme de La Fontaine.
Ce n’est pas, à coup sûr, la traduction des sentiments, des passions, des variantes de ces passions et de ces sentiments ; ce n’est pas non plus la représentation de grandes scènes historiques (malgré ses beautés italiennes, trop italiennes, le tableau du Saint Symphorien, italianisé jusqu’à l’empilement des figures, ne révèle certainement pas la sublimité d’une victime chrétienne, ni la bestialité féroce et indifférente à la fois des païens conservateurs).
C’est déjà la pleine lumière de ce bel âge de la Grèce qui commence à Eschyle et que couronne Platon, âge où le sublime, soit de la passion, soit même de la réflexion, a toujours la forme et l’accent de la poésie. […] Pindare ne divinise pas ces maîtres, dont il aime le stable pouvoir ; il n’adore pas leurs passions, mais la paix de leur règne et cette magnificence qui fait de l’éclat du trône la splendeur du peuple.
Sous la Restauration, cette école, on le conçoit, dut avoir une bien insensible influence là où elle s’adressait ; les engagements étaient pris, les intérêts et les passions en jeu ; au milieu de ces clameurs aigres et retentissantes du parti, de ces voix de vieillards incurables et fanatiques, il y avait peu de place pour les calmes conseils de quelques jeunes hommes.
Il y a quatre ans que vous me parûtes belle ; aujourd’hui je vous trouve plus belle encore ; c’est la magie de la constance, la plus difficile et la plus rare de nos vertus… Mon amie, tout peut s’altérer au monde ; tout, sans vous excepter ; tout, excepté la passion que j’ai pour vous. » « Oh !
Une foule de pensées justes et d’observations frappantes ressortent de cette Correspondance et augmentent le trésor du lecteur : « Je ne crois pas avec les La Rochefoucauld et les Montaigne que les quatorze quinzièmes des hommes soient des fripons : je crois que cette proportion doit être singulièrement restreinte en faveur de l’honnêteté commune ; mais j’ai toujours reconnu que les fripons abondent à la surface, et je ne crois pas que la proportion soit trop forte pour les classes supérieures et pour ceux qui, s’élevant au-dessus d’une multitude ignorante et abrutie, trouvent toujours moyen de se nicher dans les positions où il y a du pouvoir et du profit à acquérir. » L’expression, en maint endroit, s’anime de bonhomie et de grâce : « Cela, dit-il, en parlant de l’incandescence politique, cela peut convenir aux jeunes gens, pour qui les passions sont des jouissances ; la tranquillité est le lait des vieillards. » Le portrait que Jefferson a tracé de Washington est digne de tous deux : la beauté morale reluit dans ces lignes calmes et précises, dans cette touche solide.
La sensibilité chez eux fait de même : elle se concentre au point voulu, à l’état de passion sombre, et elle disparaît partout autre part.
Lerminier, qui voulait surtout envisager l’influence générale des idées sur les lois, la communication lumineuse, atmosphérique, à distance, des unes et des autres, et l’ensemble du siècle sur place, avec ses contrastes, ses passions et ses grands hommes.
Le romantisme d’abord le révolte : il démasque dans Gabrielle (1849) la fausseté de l’idéal romantique, le danger de la passion effrénée et souveraine.
Nous remarquons, en lisant les tragédies de Racine, que tous ses personnages ont toujours un langage noble ; qu’ils gardent, même dans la passion, un sentiment profond des bienséances ; qu’Achille en fureur, que Néron prêt au crime, enveloppent de politesse leur colère et leurs desseins de meurtre ; que Mithridate expire avec une majesté théâtrale ; qu’un enfant comme Joas, qu’une nourrice comme Œnone, parlent en termes choisis où ne détonne aucune expression basse ou vulgaire ; que, en dépit d’une amitié restée proverbiale, Pylade ne tutoie pas Oreste (par lequel il est tutoyé), parce que l’un est simple citoyen, et l’autre héritier du trône d’Agamemnon.
La subtilité, voilà la passion de notre contradicteur.
… Sans la marquise de Sévigné et sa passion incompréhensiblement folle pour sa maussade fille, qui donc se douterait seulement de l’existence de ce Grignan, qui ne fut qu’une bouture assez mal venue de sa mère, et dont la possession d’État — comme on dit en droit — vient de deux femmes, deux cents ans avant que ce bâtard de Girardin demandât que la femme fît la possession d’État de l’enfant légitime !
Avant les Césars, Rome et la Judée aurait été un essai comme un autre, d’un esprit inconnu qui eût abordé l’histoire avec plus ou moins d’aptitude ou de passion ; mais, après les Césars, ce n’est pas seulement une déception, c’est une décadence.
Parmi ces brochures parurent, séparés les uns des autres, les portraits des Orateurs qu’il avait coudoyés presque tous de plain-pied dans cette Chambre dont il avait fait longtemps partie ; et ce furent là peut-être ceux qu’il aimait le plus de ses pamphlets, parce qu’il y était question d’art oratoire, sa passion malheureuse, et qu’il pouvait y attaquer des rivaux heureux.
On avait cru jusqu’ici à quelque grande passion, dans l’éloquence de son égarement, dans l’espèce de beauté que l’amour, quand il est absolu, donne parfois à des sentiments coupables ; il ne fut rien de cela, ou du moins elle n’en dit pas un seul mot.
En effet, qu’y a-t-il de commun entre un grand tableau à la détrempe, vrai de couleur, de dessin et de perspective comme une enseigne, fait pour les myopes ou les organes grossiers, et les petits chefs-d’œuvre à la sanguine, grands comme l’ongle, où le sentiment, malgré l’exiguïté du cadre, a une puissance infinie, et qui rappellent ces noyaux de pêche que Properzia di Rossi a ciselés avec tant de passion dans la fantaisie et tant de précision dans la main !
Il n’a été que cela, en effet, cet homme qu’on a voulu bâtir de plusieurs hommes, dans lequel on s’est acharné à supposer toutes les facultés humaines réunies dans je ne sais quel chimérique et éblouissant faisceau ; il n’a été qu’un poète : mais c’est suffisant pour la gloire, un poète, cette prodigieuse anomalie entre la vie et la pensée, mené par ses passions comme tous les poètes, et dont l’existence fut d’une tristesse et d’une misère à faire pitié.
La conséquence d’une telle théorie, c’est de mettre la combinaison, le machiavélisme, la rouerie de l’effet, à la place du mouvement, de la passion, de l’impétuosité, de l’abandon naïf et facile, et en effet, M.
C’est le rôle de la poésie, de rendre à notre vision sa véridique ingénuité, de restituer aux bois, aux champs, à toute la Nature et enfin au cœur de l’homme, à ses passions, à ses mélancolies et à ses allégresses, leur immédiate et si éphémère vérité. […] Déjà s’éveillent en lui des passions et des instincts destructeurs de toute impassibilité, des révoltes, des velléités d’anarchisme intellectuel et moral. […] Il eut la passion de la vie intérieure, du repliement sur soi-même. […] L’ardente passion, souvent exaltée et farouche, des Chansons d’Amant, s’est adoucie en une suave tendresse. […] Il estime, d’ailleurs, que l’Art est la seule fin de tout, et il n’attribue au Cosmos d’autre raison d’être ni d’autre but que d’aboutir « au chef-d’œuvre authentique où doivent converger toutes nos passions ».
Personne ne met plus de passion à rassembler, autour de lui, la matière historique et à la critiquer. […] Cent fois elle s’est appliquée et elle a réussi, ce qui est prodigieux, à convertir une passion violente en amitié douce et même pure et élevée. […] La passion de plaire mène à l’impuissance de diriger, à l’habitude de ne diriger point et à une sorte de douce résignation à cet égard. […] Lueur purifiée, mais ardente encore, d’un brasier de passions éteintes seulement parce qu’elles ne flambent pas. […] Quelquefois, simplement, il se sent aimé, vraiment, profondément ; et la passion est contagieuse.
Il semble que cet arrêt, vraiment trop sommaire, soit en voie d’être revisé, grâce à l’étude des hommes et des événements retardés de près par des historiens sans préjugés, lesquels ne se laissent plus duper par la rhétorique des passions de partis. […] Mais Racine met en scène une princesse, habituée par son rang et par le souvenir de sa naissance à tout oser, et cette belle-mère n’hésite pas à déclarer sa passion au fils de son mari. […] Regarder et comprendre les passions, c’est en démêler et les conséquences et les causes intimes. […] Ces malades ne donnent de satisfaction qu’à l’autopsie. » Mot professionnel également s’il en fut, et qui résumait les deux passions qui dominaient le généreux clinicien de Montpellier : soulager et savoir. […] A peine si quelques phrases méprisantes sur un Bethmann-Hollweg, par exemple, décèlent une passion latente de l’homme d’État évincé qui voit dans ce successeur un des artisans de la ruine de son pays.
Dans les belles âmes, une divine indulgence se mêle à la passion la plus furieuse. […] La vérité est qu’il n’eut qu’une passion, la littérature. […] Il était touché au cœur, et il ne trahissait sa souffrance, qu’en parlant de la passion des autres. […] Mérimée fut toujours sincèrement convaincu de la légitimité des passions. […] Il ne reconnut jamais pour vertus que les énergies ni pour devoirs que les passions.
. — Narrations prosaïques, manque de coloris et de passion, facilité et bavardage. — Logique et clarté naturelle, sobriété, grâce et délicatesse, finesse et moquerie. — L’ordre et l’agrément. — Quel genre de beauté et quelle sorte d’idées les Français ont apportés dans le monde. […] La nouvelle passion qu’ils y font entrer, c’est la vanité et la galanterie ; Guy de Warwick désarçonne tous les chevaliers de l’Europe pour mériter la main de la sévère et dédaigneuse Félice. Le tournoi lui-même n’est qu’une cérémonie, un peu brutale, à la vérité, puisqu’il s’agit de casser des bras et des jambes, mais brillante et française ; faire parade d’adresse et de courage, étaler la magnificence de ses habits et de ses armes, être applaudi et plaire aux dames, de tels sentiments indiquent des hommes plus sociables, plus soumis à l’opinion, moins concentrés dans la passion personnelle, exempts de l’inspiration lyrique et de l’exaltation sauvage, doués d’un autre génie, puisqu’ils sont enclins à d’autres plaisirs. […] C’est à ce moment, comme aussi en France sous Louis d’Orléans et les ducs de Bourgogne, que s’épanouit la plus élégante fleur de cette civilisation romanesque, dépourvue de bon sens, livrée à la passion, tournée vers le plaisir, immorale et brillante, et qui, comme ses voisines d’Italie et de Provence, faute de sérieux, ne put durer. […] Les brutales et méchantes passions humaines, déchaînées d’abord par la rage religieuse, puis livrées à elles-mêmes, et, sous un appareil de courtoisie extérieure, aussi mauvaises qu’auparavant.
Et pour ceux de nos lecteurs qui ne se seraient pas initiés à « la surprise de style » de l’aimable poétesse, nous citerons ce sans doute gracieux petit fol Caprice, des Joies errantes : Une petite Folle Qui d’elle-même se rit Comme une folle ; Une petite folle aux clochettes de passion, Folle pour de bon ; Une façon plutôt bête de jouer son cœur À pigeon vole, Car, je vous demande, comment tout cela Pourrait devenir du bonheur. […] De l’élégant, aimable et parnassien auteur de l’Âme nue, Seul (poésies en livres), de Shylock, la Passion, Héro et Léandre (pièce, mystère et drame en poésies) cette lettre d’un croyant-sceptique : Contrexéville, juillet 95. […] — d’inédite et non connue improvisation, que nous donna, pour en illustrer un tableau, le poète qui chanta Isis et Dieu en strophes irrégulières, en bizarres ballades dont l’intermittence des rimes, le déhanchement du rythme, dénote toute l’impétuosité des passions qui peuvent agiter, en secret, un cœur mystique. […] Ce capitaine-poète dont le nom sonne comme une fanfare du xviiie siècle écrivit des poèmes d’amour, des poèmes militaires aussi ; dans ses Idoles ou ses Tubéreuses comme en son D’Estoc ou de Taille, c’est toujours la même passion fringante, la même exubérance bien gauloise avec, dans sa dernière œuvre poétique, le Pardon (de Kain), un voulu de farouche révolte s’apaisant dans l’immuable et mâle (c’est son mot préféré) chanson des baisers. […] — Je pense que les églises, chapelles et sectes littéraires — et artistiques aussi — par leurs divisions mêmes et par la passion que chacune d’elles apporte à la défense de ses doctrines, constituent la plus parfaite représentation de l’instant pathétique où notre civilisation latine, de toutes part entamée par les influences de l’Est et du Nord, en arrive. — Qui a tout à fait raison ?
De là un nouveau sens possible de la Κάθαρσις d’Aristote, de la « purification des passions par l’art » ; l’art est un excitant des passions, mais cette excitation est trop générale pour qu’on ne puisse substituer une passion à une autre et traduire en un acte particulier, fort louable, l’émotion générale inspirée par tel sentiment esthétique de l’origine la moins pure. […] Spencer l’a fort bien montré, il n’est qu’un développement de l’accent ; c’est la voix humaine modulant au contact de la passion. […] Spencer, un développement de l’accent que la voix prend sous l’influence de la passion ; or, ces variations de ton, ces modulations naturelles à la voix humaine peuvent aller se raffinant à mesure que le système nerveux augmentera de délicatesse. […] D’abord la passion ne permet pas les longues séries de déductions savamment enchaînées : elle ne supprime pas pour cela le raisonnement, comme le croit M. de Banville, mais elle le raccourcit67. […] Dans le poème hébreu, l’ardente passion physique n’est affinée par aucune arrière-pensée de pudeur moderne : « Qu’il me baise des baisers de sa bouche, … car je suis malade d’amour.
Tascher de La Pagerie, sucrier aux Antilles, se ruina dans des spéculations malheureuses auxquelles il ajouta la passion du jeu et le goût des mulâtresses. […] Ce petit Corse, qui est tantôt taciturne avec profondeur, tantôt loquace avec passion. « Pas le plus petit mot pour rire, ce Bonaparte ! […] Cette créole, indolente et frivole, plus disposée au caprice qu’à la passion, était insensible aux sublimités de l’épopée. […] On ne résiste point à une passion si impérieuse. […] Les passions de l’amour ne s’épurent et ne s’affinent qu’au contact du christianisme.
Enfin, personne n’ignore que le paysan russe se fait remarquer aussi par une véritable passion pour la musique. […] Pour ma part, j’avais rarement entendu une voix plus touchante ; elle était, il est vrai, un peu fêlée, et je lui trouvai même une langueur maladive, mais elle exprimait en même temps la passion, l’insouciance de la jeunesse et une vigueur mêlée de tendresse dont l’effet était irrésistible. […] Sa voix ne tremblait plus ; elle n’accusait plus que l’émotion de la passion, cette émotion qui se communique si rapidement aux auditeurs. […] Votre cœur se met à battre soudainement avec force ; vous vous élancez avec passion vers l’avenir ou vous vous perdez entièrement dans le passé.
rien qui m’engage, rien qui soit définitif, mais seulement les tâtonnements de ma pensée, les boutades de ma passion, les fantaisies de mon imagination. […] Alors que le personnage est accablé par la lettre anonyme lui apprenant les amours de sa femme et de Julien, il finit par être un instant absorbé et consolé par l’idée de la magnificence de son château de Vergy : « telle est l’intervention des idées involontaires qui rompent le mouvement de la passion et lui ôtent l’éloquence pour lui donner le naturel. […] Comme la passion n’est qu’une idée douloureuse sans cesse traversée par d’autres, les mots associés aux idées doivent surgir aussi à l’improviste et jeter la maladie morale dans des accès inattendus » (Nous soulignons). […] Primitivement, un homme entêté, c’est un homme ivre ; puis on est entêté de ou par une odeur, une passion, une idée ; puis entêté est pris absolument et devient le synonyme de têtu. — Têtu semble dériver de tête pris dans la vingt-septième acception, laquelle, on le voit, rejoint peu à peu la sixième. — L’étymologie des significations est pour le psychologue une mine de renseignements précieux.
Eh bien, ce tour de force, le magicien Soulary l’accomplit, et il vous met en quatorze vers symétriquement contournés et strangulés des mondes de pensées, de passions et de boutades ; le tout dans une stricte et parfaite mesure.
La politique et le souffle enflammé des passions régnantes l’enlevèrent trop tôt à ce culte exclusif des lettres ; mais dans la dernière partie de sa vie il avait cherché une consolation dans l’amour des arts proprement dits, et il était devenu un connaisseur fin en peinture.
Les talents surtout sont jamais été plus nombreux ; c’est un devoir de la critique de ne pas se lasser à les compter, et d’en tirer avec soin et plaisir tout ce qui s’y distingue et qui s’en détache… Romantisme, humanitarisme, ce sont là des formes de passions et comme de maladies, que les jeunes talents doivent presque nécessairement traverser ; ils deviennent d’autant plus mûrs qu’ils s’en dégagent plus complétement.
Ces races héroïques et musicales qui faisaient de si grandes choses, restaient sensibles jusqu’au plus fort de leurs passions publiques à la moindre note du poëte ou de l’orateur, et l’applaudissement soudain n’éclatait que là où la pensée tombait d’accord avec le nombre, là où l’oreille était satisfaite comme le cœur.
« La vieillesse des rois est un malheur public parce qu’elle les isole ; les passions de leur jeunesse les mettent du moins en communication avec les idées de leur temps.
Tout ce tableau qu’on nous donne du xviiie siècle est faux, chargé, noirci par la passion politique, et tendant à faire ressortir notre enfer actuel, qui, selon l’auteur, en est venu.
On nous apprend à aimer le beau, l’agréable, à avoir de la gentillesse en vers latins, en compositions latines et françaises, à priser avant tout le style, le talent, l’esprit frappé en médailles, en beaux mots, ou jaillissant en traits vifs, la passion s’épanchant du cœur en accents brûlants ou se retraçant en de nobles peintures ; et l’on veut qu’au sortir de ce régime excitant, après des succès flatteurs pour l’amour-propre et qui nous ont mis en vue entre tous nos condisciples, après nous être longtemps nourris de la fleur des choses, nous allions, du jour au lendemain, renoncer à ces charmants exercices et nous confiner à des titres de Code, à des dossiers, à des discussions d’intérêt ou d’affaires, ou nous livrer à de longues études anatomiques, à l’autopsie cadavérique ou à l’autopsie physiologique (comme l’appelle l’illustre Claude Bernard) !
Tous ses tableaux sont pleins d’imagination ; et ses harangues sont, comme celles de Tite-Live, de la plus belle éloquence : lorsqu’il raconte les malheurs attachés aux troubles civils, il jette de grandes lumières sur les passions politiques, et doit paraître supérieur aux écrivains modernes qui n’ont que l’histoire des guerres et des rois à raconter.
Et bien qu’il soit le barde qui tressa le poème harmonieux d’Aréthuse et qui inscrivit, en exergue, au-dessus des treize portes de la Ville, les routes différentes des passions, il est aussi le faune naïf qui éveilla, sous ses doigts inspirés, les voix des Roseaux de la flûte et de la Corbeille des heures.
Pour l’amour de la passion de Notre-Seigneur Jésus !
Ainsi, tout ce qui se rattache à la vie supérieure de l’homme, à cette vie par laquelle il se distingue de l’animal, tout cela est sacré, tout cela est digne de la passion des belles âmes.
Nier l’immortalité de l’ame, ôter tout frein aux passions, confondre les notions du bien & du mal, réduire tout à l’amour de soi-même, exterminer toutes les vertus, rompre tous les liens, attaquer les Loix, renverser les principes, ne faire, en un mot, de la vie humaine qu’un tissu de motifs arbitraires, d’intérêts personnels, d’appétits sensuels & déréglés, d’actions animales* ; la terminer par un anéantissement entier, ou préconiser un suicide aveugle qui, par foiblesse ou par désespoir, en abrege le cours : n’étoit-ce pas en insulter les membres, & leur porter les coups les plus funestes ?
Les ouvrages qu’il nous a laissés, dans la langue des Romains, comme son Poëme sur la Passion divisé en douze chants, & un autre sur la Verrerie, sont pleins de chaleur & de beautés, & valent du moins, quant à l’imagination, ce qu’il a fait en François.
., & celui des Passions & des vices, en deux vol.
Guizot ; vingt fois agité depuis au gré des aspirations libérales ou des passions rétrogrades de tel parti, il a donné lieu aux systèmes les plus opposés. » Voilà tout ce qu’il sait du Moyen Âge !
Mais il n’a ni la colère, ni les dépits, ni les ressentiments des esprits absolus trompés, ni aucune des passions plus ou moins impuissantes, mais aussi plus ou moins éloquentes, des hommes de parti, vaincus par la sottise humaine ou la force des événements.
Il a peut-être aussi, comme Saint-Simon, écrit son livre jour par jour, page par page, le condensant, le cristallisant au souffle de chaque événement ; mais il n’y a pas dégorgé de passion personnelle.
Camille Desmoulins, cet homme du talent le plus vif peut-être qu’on ait vu depuis Beaumarchais et Voltaire, ne pouvait pas plus échapper qu’un autre à la loi qui régit ces écrits d’un jour, qui nous donnent, sans monter plus haut pour les juger, la passion du moment et ses illusions, son enthousiasme et ses badauderies.
Seulement, si Bouchor est pur de Gœthe, dans le détail d’un poème puisé aux mêmes sources que le poème de Gœthe, il est moins pur de Marlowe, qui avait, lui, le génie enflammé d’un homme mort, à trente ans, de ses passions.
Enfin, il y a un admirable artiste encore dans beaucoup de Poèmes antiques ou modernes du recueil publié aujourd’hui, par exemple, Dolorida, poème byronien, un bas-relief pour la netteté avec des personnages modernes pour la passion et pour le geste ; Suzanne au Bain et la Toilette d’une Dame romaine, intailles qu’on eût crues gravées par André Chénier ; Le Cor, la ballade de Roncevaux, où se trouvent de ces vers jaillis comme l’eau, d’une source, et quoi que deviennent les littératures décadentes qui se tordent dans leur convulsive agonie, éternellement limpides, jaillissants et frais : Oh !
Il n’y apportait pas de passion malsaine.
La Révolution la consacra, et Anacharsis Cloots, le gentilhomme prussien qui se prit d’une si forte passion pour la France révolutionnaire, la rendit éclatante.
Je vais tâcher d’en donner une idée ; mais il faut se souvenir que ce n’est ici qu’un extrait, c’est-à-dire, une copie faible et par lambeaux, dans une langue qui n’a ni la richesse et l’harmonie de la langue grecque, ni la mélodie des accents, ni l’heureuse composition des mots, ni cette foule de liaisons qui enchaînent les idées, ni cette liberté des inversions qui met tant de variété dans la marche, et qui permet à la langue de suivre avec souplesse, et de dessiner, pour ainsi dire, tous les mouvements de l’âme et des passions.
Son mérite fut d’avoir la passion des lettres et des antiquités, comme d’autres ont l’ambition de la fortune ou des grandeurs.
Tant ces patriciens, des premiers siècles, étaient passionnés pour la gloire de leur nom ; passion qui les enflammait encore pour la gloire du nom romain !
C’était éloquent à entendre, émouvant à voir ; mais il faut ajouter que c’était maladif, vaniteux, douloureux : de la souffrance au lieu de passion. […] Quant à M. de Vigny, dès cette époque et depuis, il ne me parut plus le même que ce poète que nous avions connu dans les dernières années de la Restauration, homme du monde, aimable, élevé, solitaire, vivant en dehors des petites passions du jour, et s’envolant à certaines heures dans sa voie lactée : le militaire et le gentilhomme avaient fait place à l’homme de lettres solennel qui se croyait investi à demeure d’un ministère sacré ; il avait en lui, je le répète, du pontife. […] L’illusion de sa part dura des années : on avait beau se dire dans ce monde des poètes que la passion explique tout, excuse tout, purifie tout, le contraste ici était trop frappant, et plus d’un ancien admirateur d’Éloa ne pouvait s’empêcher de murmurer dans son cœur : « Sur quel sein cette larme de Jésus-Christ est-elle allée tomber !
Paul S’il y a des passions, la justice en est une et des plus déréglées, disait Moréas. […] Paul Admiration juste, mais passion juvénile ! […] Maurice Rouzaud, qu’il n’a que des passions, des amitiés et des haines, avec une extrême difficulté à comprendre.
Il n’a pas la mauvaise honte qui gêne ses voisins du Nord, ni les passions fortes qui absorbent ses voisins du Midi. […] L’indécence qui est dans les choses n’est jamais dans les mots, et le langage des convenances s’impose, non seulement aux éclats de la passion, mais encore aux grossièretés de l’instinct Ainsi les sentiments les plus naturellement âpres ont perdu leurs pointes et leurs épines ; de leurs restes ornés et polis, on a fait des jouets de salon que des mains blanches lancent, se renvoient et laissent tomber comme un joli volant. […] Un peu plus tard, Beaumarchais, lisant chez la maréchale de Richelieu son Mariage de Figaro, non expurgé, bien plus vert et bien plus cru qu’aujourd’hui, a pour auditeurs des évêques et des archevêques, et ceux-ci, dit-il, « après s’en être infiniment amusés, m’ont fait l’honneur de m’assurer qu’ils publieraient qu’il n’y avait pas un seul mot dont les bonnes mœurs pussent être blessées285 » : c’est ainsi que la pièce passa, contre la raison d’État, contre la volonté du roi, par la complicité de tous, même des plus intéressés à la supprimer. « Il y a quelque chose de plus fou que ma pièce, disait l’auteur lui-même, c’est son succès. » L’attrait était trop fort ; des gens de plaisir ne pouvaient renoncer à la comédie la plus gaie du siècle ; ils vinrent applaudir leur propre satire ; bien mieux, ils la jouèrent eux-mêmes Quand un goût est régnant, il aboutit, comme une grande passion, à des extrémités qui sont des folies ; à tout prix, il lui faut la jouissance offerte.
« C’était à vous de nous expliquer le génie, devancier et dominateur des autres génies, le premier de ces révélateurs des passions de l’âme, et le plus parfait de ces consolateurs de l’infortune, à qui fut donnée la mission sublime de rappeler le genre humain à l’exécution des lois, car les poètes des premiers âges en étaient les hérauts publics comme les plus habiles interprètes. […] — Il ne faut pas que cela vous étonne, me dit-il, nous autres Provençaux, nous mêlons Dieu à tout, surtout à nos passions et à nos tendresses. […] l’homme, ajoutait-il en élevant ses deux longs bras au niveau de sa belle tête, c’est bien méchant, cela vit de meurtre ; mais l’enfant, c’est bien plus cruel, puisque cela a tous les instincts méchants de l’homme, toutes ses passions féroces sans avoir encore la raison qui les modère, ou les éclaire.
Il existe une corrélation étroite entre ces thèmes et les passions ou émotions qui dominent les personnages du drame. […] Et lorsque, dans les crises de grandes passions, il lui faut les exclamations les plus violentes, les plus pathétiques, il prend toujours les mêmes trois ou quatre mois : « selig, brunstig, heilig »… les termes génériques dans leur plus simple expression, parce que ceux-ci seuls siéent aux héros de son poème. « L’homme vivant et vrai, dit Wagner, ne décrit pas ce qu’il veut et ce qu’il aime : il aime et il veut… La poésie ne faisait plus que décrire… elle vous donnait le catalogue d’une galerie de peintures, mais pas les tableaux… elle était forcée de devenir platement prolixe… J’ai dû éliminer tout ce qui était superflu, fortuit, indécis, retrancher tout ce qui dénature les vrais sentiments des hommes… je n’ai gardé que le noyau… et je l’ai exprimé dans une langue concise, eu serrant autant que possible les accents de la phrase… » La langue est donc très forte, très concise, abrupte, « quintessenciée ». […] Nous voulons qu’ils étudient les écrits de Wagner ; qu’ils apprennent à voir en lui plus qu’un simple musicien, un profond penseur ; qu’ils subissent ainsi l’influence de cet homme dont l’effort principal (quoique peu connu) a été de montrer que l’art est la chose la plus sainte, et le théâtre un lieu où peuvent vivre de la vie intense de l’art les plus profondes passions et les émotions les plus cachées, Y a-t-il au monde quoi que ce soit qui puisse influencer plus salutairement un artiste que le spectacle de cette vie virile tout entière vouée à un idéal, et de ce prodigieux effort vers la réalisation de cet idéal ?
« Les passions sont bien moins répandues dans la population saine et simple des campagnes que chez les habitants très civilisés des grandes villes. […] La passion de la chasse et celle de la guerre chez les hommes d’aujourd’hui semblent, selon Spencer, un reste des instincts du sauvage. […] Ici donc le plaisir se révèle directement et uniquement comme action, la peine comme résistance et passion.
Homère, c’est la guerre et c’est le voyage, les deux modes primitifs de la rencontre des hommes ; la tente attaque la tour, le navire sonde l’inconnu, ce qui est aussi une attaque ; autour de la guerre, toutes les passions ; autour du voyage, toutes les aventures ; deux groupes gigantesques : le premier, sanglant, se nomme l’Iliade ; le deuxième, lumineux, se nomme l’Odyssée. […] § VII L’autre, Juvénal, a tout ce qui manque à Lucrèce, la passion, l’émotion, la fièvre, la flamme tragique, l’emportement vers l’honnêteté, le rire vengeur, la personnalité, l’humanité. […] Cervantes, comme poëte, a les trois dons souverains : la création, qui produit les types, et qui recouvre de chair et d’os les idées ; l’invention, qui heurte les passions contre les événements, fait étinceler l’homme sur le destin, et produit le drame ; l’imagination, qui, soleil, met le clair-obscur partout, et, donnant le relief, fait vivre.
Cependant il avait cru que son bonheur serait plus vif et plus sensible s’il le partageait avec une femme ; il voulut remplir la passion que les charmes naissants de la fille de la Béjart avaient nourrie dans son cœur, à mesure qu’elle avait crû. […] C’est qu’il l’aimait, il l’aimait de toute la passion d’un homme plus âgé pour une jeune fille séduisante, irrésistible. […] Nous poussons parfois un peu trop loin le goût des comparaisons et volontiers nous faisons crédit à nos aïeux des passions qui nous agitent. […] N’allez pas non plus trop scier l’air en long et en large, avec votre main, comme cela ; mais usez de tout sobrement, car dans le torrent, dans l’orage de votre passion, vous devez encore garder une modération qui puisse lui donner une certaine douceur. […] Et, au-dessus de leurs passions et de leurs vices, de leurs faiblesses et de leurs vertus, il semble qu’il ait proclamé avant tout cette vérité suprême : N’aime que le vrai, le simple, le bon, la clarté et le bon sens, tout ce qui fait la force et la vertu de notre vieille humeur française !
Ce que Daudet a voulu peindre, c’est plutôt, selon nous, une passion d’imagination. […] L’Empire était proclamé, je ne saurais dire fondé ; le titulaire en sapait la base lui-même en montant sur ce pavois souillé que lui tendaient les mauvaises passions. […] C’est l’histoire charmante d’un brave savant qui, au bout de sa vie, s’est mis à écrire le récit de son unique passion ; passion chaste s’il en fût, et dont les étapes forment une suite d’idylles au sein de Paris. […] Séverine allait ainsi jusqu’aux dernières limites de l’amour et du pardon ; le prince, jusqu’aux dernières limites de la passion et de l’aveuglement. […] Vous m’épouvantez quand je vous vois jouer avec les passions populaires ; autant vaudrait manier la dynamite.
Daudet eut la passion de l’altruisme, comme d’autres ont le culte de l’égoïsme. […] Son exemple condamnait péremptoirement les apologistes qui prétendent que les passions empêchent d’avoir la foi. […] Sa passion pour l’intelligere avait détruit chez lui les autres mesquines passions qui sont l’apanage du commun des hommes. « Il ressemblait aussi peu que possible à son ami Brunetière, dont l’humeur pourfendeuse excita, plus d’une fois, sa causticité. […] Nous avions encore une passion commune : l’exégèse religieuse — Moi aussi, me dit-il, je suis toqué d’exégèse. […] Mlle Read eut toute sa vie la passion des chats.
On sait quelle fut sa passion pour la Reine Blanche de Castille, mere de Louis IX. […] Il ne l’eût pas vaincu dans la peinture des passions, qu’Abailard traçait d’après son cœur. […] Sa passion mixte pour la Pucelle, n’intéresse ni n’occupe le lecteur. […] L’origine de cette passion est exprimée par le Poëte avec plus de douceur qu’on ne pourrait le présumer. […] Il est plutôt fait pour combattre les passions que pour les peindre.
Une passion couve sous celle algèbre. […] La passion l’aura fait oublier à Walter Pater. […] Ces adolescents avaient la passion de la science et des beaux discours, mais (et c’est, dit M. […] Sa haine des guelfes, de la France et des papes s’explique par ses passions de partisan, et par ses rancunes de vaincu. […] Il y met trop d’ardeur et de passion pour n’avoir pas trouvé quelque agrément à les écrire.
Plus la figure littéraire est simple, douce, pure, élégante, sensible sans grande passion, plus il devient précieux d’en étudier de près l’originalité au sein même de cette ressemblance. […] S’il ne montrait d’ordinaire que de la sensibilité dans le talent, il portait de la passion dans le goût. […] Vous aimez la gloire, et cette passion ne s’accommode pas de petites intrigues, et du rôle d’un conspirateur subalterne auquel on voudrait vous réduire. […] » La passion, enlevait ainsi le vieux critique au-dessus de ses propres théories ; sa personnalité pourtant, son moi revenait à travers tout, et perçait dans sa trompette. […] Chaque passion, chaque parti, peuvent produire de longs écrits pour égarer l’opinion ; mais un ouvrage tel que Velly, tel que l’Abrégé chronologique du président Hénault, ne doit avoir qu’un seul continuateur.
Un méridional, un Grec, est naturellement vif d’esprit, bon et beau parleur ; les lois ne se sont pas encore multipliées, enchevêtrées en un Code et en un fatras ; il les sait en gros ; les plaideurs les lui citent ; d’ailleurs, l’usage lui permet d’écouter son instinct, son bon sens, son émotion, ses passions, au moins autant que le droit strict et les arguments légaux. — S’il est riche, il est imprésario. […] Nous n’avons pas besoin de nous forcer et de nous exalter pour retrouver en nous les sentiments qu’il exprime, ni pour imaginer le monde qu’il peint, combats, voyages, festins, discours publics, entretiens privés, toutes les scènes de la vie réelle, amitié, amour paternel et conjugal, besoin de gloire et d’action, colères, apaisements, goût, des fêtes, plaisir de vivre, toutes les émotions et toutes les passions de l’homme naturel. […] A cet esprit les arts plastiques ne suffisent plus ; ce qui l’intéresse dans une figure, ce ne sont pas les membres, le tronc, toute la charpente vivante : c’est la tête expressive, c’est la physionomie mobile, c’est l’âme transparente manifestée par le geste, c’est la passion ou la pensée incorporelles, toutes palpitantes et débordantes à travers la forme et le dehors ; s’il aime la belle forme sculpturale, c’est par éducation, après une longue culture préalable, par un goût réfléchi de dilettante. […] La tête n’est point significative, elle ne contient pas comme les nôtres un monde d’idées nuancées, de passions agitées, de sentiments enchevêtrés ; le visage n’est point creusé, affiné, tourmenté ; il n’a pas beaucoup de traits, il n’a presque pas d’expression, il est presque toujours immobile ; c’est pour cela qu’il convient à la statuaire ; tel que nous le voyons et le faisons aujourd’hui, son importance serait disproportionnée, il tuerait le reste ; nous cesserions de regarder le tronc et les membres ou nous serions tentés de les habiller. […] Des citoyens choisis, quelquefois, comme à Sparte, la cité tout entière41, formaient des chœurs devant les dieux ; chaque ville importante avait ses poëtes qui faisaient la musique et les vers, ordonnaient les groupes et les évolutions, enseignaient les poses, instruisaient longuement les acteurs, réglaient les costumes ; pour nous figurer une telle cérémonie, nous n’avons guère qu’un exemple contemporain, celui des représentations qui se donnent encore aujourd’hui, tous les dix ans, à Oberammergau, en Bavière, où, depuis le moyen âge, tous les habitants de la bourgade, cinq ou six cents personnes, préparés dès l’enfance, jouent solennellement la Passion du Christ.
Quand je songe que, dans l’âge voisin de la vieillesse et de ses infirmités, me voilà seul sur la terre, comme un célibataire débauché ou un homme personnel qui n’a vu que lui dans la nature ; que le sein sur lequel je m’appuie doucement, pour y chercher la consolation, est le sein d’une bonne mère de soixante-quinze ans ; que les objets qui devaient vivre avec moi et auprès de moi m’ont précédé si jeunes dans le tombeau ; quand je parcours tout cet espace qu’on appelle la vie, et que j’embrasse d’un coup d’œil cette longue chaîne de besoins, de désirs, de craintes, de peines, d’erreurs, de passions, de troubles et de misères de toute sorte, je rends grâces à Dieu de n’avoir plus à sortir du port où il m’a conduit ; je le remercie de la tendre mère qu’il me laisse, et des amis qu’il m’a donnés, et surtout de pouvoir descendre dans mon cœur, sans le trouver méchant et corrompu. […] « J’ai besoin, disait-il, de porter sur ce point mille mouvements d’indignation qu’excitent en moi les passions cruelles que je vois se montrer de tous côtés avec impudence. » Après le 10 août, le ministre de l’Intérieur, Paré, voulut faire de lui le conservateur de la Bibliothèque nationale : il refusa, au nom de ce Corneille même, dont il avait embrassé la carrière, et avec qui il avait surtout de commun, disait-il, « une impropriété absolue pour tout ce qui demande les soins de la plus simple administration. » Il n’était point hostile à la Révolution en elle-même : elle l’avait séduit et enlevé plus qu’on ne l’a dit, par ce qu’elle avait de magnanime.
Pour ne pas appuyer plus longtemps sur des souvenirs pleins de charmes pour moi, mais trop longs pour vous, je joins ici la Maison de ma mère 86, où mon cœur a essayé de répandre cette passion malheureuse et charmante du pays natal, quitté violemment à dix ans pour ne jamais le revoir… J’ai peur de cela. […] En reprenant les lettres par elle écrites à son frère de Douai à la date où je les ai laissées, nous retrouvons les gênes obscures, les humbles misères consolées, et tout d’abord cette modique pension qu’elle touchait auparavant avec une sorte de pudeur, mais qu’elle appelle maintenant comme un bienfait : « (26 octobre 1847)… Il y a deux jours enfin, j’ai reçu le trimestre qui me semblait autrefois si pénible à recevoir, par des fiertés longtemps invincibles, et que j’ai vu arriver depuis d’autres temps comme si le Ciel s’ouvrait sur notre infortune… « Ne nous laissons pas abattre pourtant, il faut moins pour se résigner à l’indigence quand on sent avec passion la vue du soleil, des arbres, de la douce lumière, et la croyance profonde de revoir les aimés que l’on pleure… « En ce moment, je n’obtiendrais pas vingt francs d’un volume : la musique, la politique, le commerce, l’effroyable misère et l’effroyable luxe absorbent tout… « Mon bon mari te demande de prier pour lui au nom des pontons d’Écosse.
Bien lui a pris cette fois de ne pas lutter de sublime avec Ronsard et de ne le vouloir suivre que quand celui-ci se lasse et se rabaisse : en se contentant « d’écrire simplement ce que la passion seulement lui fait dire », il a trouvé le secret de nous intéresser. […] Je ne puis continuer plus longuement ce propos sans larmes, je dis les plus vraies larmes que je pleurai jamais : et vous prie m’excuser si je me suis laissé transporter si avant à mes passions, qui me sont, comme je m’assure, communes avecques vous et avecques tous ceux qui sont comme nous admirateurs de cette bonne et vertueuse princesse, et qui véritablement se ressentent du regret que son absence doit apporter à tous amateurs de la vertu.
S’il restaurait dans Avignon le tombeau de Laure, il semblait en tout s’être inspiré de la passion de Pétrarque, le grand précurseur, pour le triomphe des sciences illustres. […] Il faut ajouter qu’il porta dans ses tergiversations et toute sa discussion sur Marguerite une passion singulière et cette humeur acariâtre qui lui était habituelle.
Mais ses sentences rédigées avec une patience laborieuse, et ses mots aiguisés de sang-froid, indiquaient bien la passion de l’opposition. […] La faute première en est à Euripide, grand ennemi des femmes : pour moi, je m’attache à sa jeunesse, à son unique amour, à sa primitive innocence ; sa passion m’attendrit beaucoup plus que celle de Phèdre, car elle est bien moins coupable.
Dans tous les deux je remarque un jugement plus ferme et plus sûr qu’étendu ; un esprit net et droit plutôt que vaste ; trop peu de cette sensibilité qui vient d‘une âme que les passions ont remuée, mais beaucoup de facilité à prendre feu sur les ouvrages de l’esprit. […] C’est l’écrivain qu’il met en regard de « cette perfection du bien dire, laquelle consiste plus en la rondeur, en la netteté et en la simplicité du langage, avec quelque ornement, quand la matière l’exige, que non pas en ces sottes et ridicules affectations d’hyperboles extravagantes, de manières recherchées de s’expliquer, qui sont nouvelles parce qu’elles sont sauvages et monstrueuses. » Il y poursuit et y signale avec une sagacité qu’éclaire un vrai savoir, et que la passion rend cruelle, toutes les formes qu’affecte cette éloquence sans sujet, sans chaire, sans tribune, sans barreau.
L’ironie comporte une certaine supériorité de l’âme par rapport à ses idées, à ses passions, à ses préoccupations du moment. […] Elle empêche cette sorte, d’idolâtrie, qui n’est que trop commune, pour l’idée du moment et la passion actuellement en jeu.
Il avait dix-huit ans, et déjà l’esprit philosophique, l’ardeur concentrée, la passion du vrai, la sagacité d’invention, qui plus tard devaient rendre son nom célèbre, étaient visibles pour ceux qui le connaissaient ; je veux parler de M. […] Nous passions une partie des nuits à cherche, à travailler ensemble.
Ici, point de grandes passions, tout est à un diapason modéré, et tout, très naturellement, vient se grouper autour de la femme, c’est la créature faible qui, quoiqu’énigmatique, se ressemble toujours, et que tous connaissent. […] Pas de combats avec les éléments, comme dans le Hollandais Volant, ni de grands cris de passion, comme dans Tannhaeuser ; sur le tout et à travers toutes les situations plane une douce et rêveuse mélancolie.
Mais sa passion s’allie à cette puissance malfaisante, elle entre dans sa fureur et elle la seconde ; le condamné s’accorde avec le bourreau pour accélérer sa marche au supplice. […] diras-tu : Une place au tombeau de leurs pères. » La Bible a de cruels jeux de mots ; Hamlet, au cimetière d’Elseneur, lorsqu’il frappe du doigt sur les crânes vides de leurs convoitises et de leurs passions, a des sarcasmes qui font frissonner : — aucun plus terrible que ce dernier trait : « Leur haine a cessé, leurs vies se sont mêlées sur la terre.
Puis il s’est mis à confesser, avec une exaltation que je n’avais plus l’habitude de trouver chez lui, sa passion pour l’art de l’extrême Orient. […] ce n’était plus la tristesse de ces jours derniers avec cette teinte d’implacabilité qui glaçait un peu ma tendresse, c’était l’immense tristesse abattue, navrée, infinie, d’une âme qui a sa passion, la tristesse de la défaillance d’un jardin des Oliviers.
L’homme est peut-être le seul animal qui ait la passion des liqueurs fortes. […] Mais la passion des liqueurs fortes, chez l’homme, est universelle.
Tout homme de notre âge, dont la vie n’a pas été celle d’une jeune fille de province, tout homme que ses passions ou les circonstances ont mêlé aux diverses classes de notre civilisation si vantée, et qui ne les a pas envisagées, comme trop souvent, avec des yeux cupides et un cœur endurci, celui-là sait fort bien ce qu’il y a de trop misérablement vrai au fond de cette lie où M.
En usant alors à la hâte ce surplus des passions dont le milieu de la vie se trouve souvent comme embarrassé, il se préparait à cette indifférence du sage, à cette bienveillance finale, inaltérable, à peine aiguisée d’une légère ironie.
Le roman suit dans la vie d’un homme la trace de causes multiples, extérieures ou intimes, immédiates ou lointaines, et fait voir dans les passions, les vices et les misères de l’individu les effets que doit donner, dans un certain milieu, un tempérament préparé de longue date par des ancêtres, qui furent eux-mêmes le produit fatal de la combinaison d’autres tempéraments avec d’autres milieux.
Des personnages symboliques, à noms typiques, baron Sinaï, Madame de Transpor, Madame de Fryleuse, les Granton, s’agitent en des schèmes de passions, ne montrent que des projections d’aventures, planes, sans émotion, mais en une déformation systématique, saccadée et briseuse.
La passion, qui était au fond de son caractère, l’entraînait aux plus vives invectives.
Les synoptiques paraissent peu renseignés sur la période de la vie de Jésus qui précède la Passion.
Les yeux qui veillaient pour éclairer la reine n’étaient pas plus pénétrants que ceux du marquis de Montespan depuis que sa femme, enivrée de la passion du roi, était devenue dédaigneuse et insolente pour ce mari jaloux.
Ni toute cette malheureuse et vaine littérature qu’elle avait d’abord absorbée avec une voracité d’engoulevent, dans le temps où elle avait ses trois professeurs allemands à la suite qui la chargeaient de notions inutiles ou de connaissances ridicules, comme on charge de poudre, à l’en faire crever, une pauvre pièce d’artillerie, ni le grand amour de Dieu qui l’atteignit plus tard, cette mâle passion des âmes fortifiées, ne purent lui faire perdre le sexe de ses facultés qui ne furent jamais, Dieu en soit béni !
Les mœurs nouvelles et les passions de ce peuple qui renversait ses coutumes, les engoûments, les soulèvements, les déchirements et les résistances de l’opinion, à cette époque de bouleversement suprême, ils ont pensé, avec raison, que toutes ces choses sombres et terribles entraient dans le programme de leur histoire.
Ce n’était plus ici de la courtisanerie ou de l’étiquette, ce n’était même point passion malheureuse de fidélité, non !
Il mourut de ses travaux et de ses passions, jeune encore, mais exténué par les affaires et par les plaisirs, ce robuste, taillé pour tous les excès, « consumé d’une flamme qui brûlait sous sa peau amincie et pâle », dit un ambassadeur, frappé de la consomption d’un tel homme.
Comme tous les hommes qui sont, du reste, plus des rhéteurs que des écrivains, Paradol ne se soucie point du mot nuancé qui exprime la vérité des choses, et il fausse celui qu’il emploie en croyant le rendre plus fort… L’écrivain sincèrement passionné s’y prend de tout autre manière, car il a la mesure de sa passion même, tandis que ceux-là qui travaillent à froid et n’ont rien, comme disait Diderot, sous la mamelle gauche, craignent de manquer leur coup, et le manquent de peur de le manquer.
Taine a parlé de Carlyle avec une passion qu’il n’a plus au même degré quand il parle de Mill et qu’il expose les idées froides (j’allais presque dire les humeurs froides) de ce matérialiste froid.
C’est un homme de peu de passion historique.
Le blafard Grimm, Duclos le sanguin, et le bilieux Chamfort, en sont, eux : ils en ont les idées, les passions, les mœurs, le goût et le ton.
… Mais, en revanche de toutes ces méconnaissances, Doudan, qui vante Rousseau comme on le vantait au xviiie siècle et comme s’il était lui-même du xviiie siècle, Doudan, qui aime le docteur Chalmers comme tous les benêts du xixe , Doudan, cet esprit trop frais, trop léger et trop badin pour n’être pas révolté par les beautés logiques du Dante, finit par avouer sa passion pour Edgar Quinet, et voilà tous les autres vengés !
Pour les âmes circoncises qui habitent la thébaïde des monastères, ce qui est dit dans l’Imitation de l’amour et des autres passions humaines peut sembler des découvertes terribles et le cœur humain montré jusque dans ses fondements, mais qui a passé par les vieilles civilisations, qui a lu les moralistes modernes n’est ni révolté ni surpris de cette balbutie.
Tout homme qui pense, — tout moraliste, — tout physiologiste, — se sentira saisi d‘une ardente curiosité devant le phénomène de cette existence mise en dehors de l’humanité par l’énergique volonté et la passion religieuse d’un homme, et voudra la scruter et s’en rendre compte philosophiquement… Voilà pour la science et pour la pensée !
Dumas une partie de son talent et de sa distinction native, et elles ne lui ont pas donné que leur logique, mais leurs passions ignorantes et basses et si dégradantes pour un esprit comme le sien !
Rien, en effet, ne peut, que la lecture seule de ces pages, donner une idée de cette intensité de passion, de sentiment et de langage.
disait un jour une pauvre femme toute en larmes devant une grossière enluminure qui représentait la Passion de Notre-Seigneur.
C’est un de ces nègres vulgaires, comme tant d’autres chefs d’un instant de la barbarie noire, et qui n’a dû son élévation qu’à de chétives circonstances de taille avec sa petitesse, et, depuis, aux passions qui, comme celles des masses, ont une manière de faire des chefs de certains hommes qu’elles poussent devant elles en attendant qu’elles leur passent par-dessus.
Jusqu’à la Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ exclusivement, tout se passe, en réalité, dans cette partie du Livre Sacré, en prédications et en miracles, et, groupes individuels ou foules immenses, c’est toujours l’attention — l’attention, avec la gamme de toutes ses nuances, — qui fait le fond de ces tableaux, et un tel fond est vite épuisé.
Eugène Sue n’a pas créé les goûts, les erreurs, les passions du dix-neuvième siècle.
La femme de chambre du Monsieur ou de la Madame de lettres anonyme, qui n’a ni la grâce, ni la griffe, ni la vanité féroce, ni la passion, ni l’astuce, ni le sang-froid de l’espèce de femme que l’un ou l’autre a cru singer, a fait quatre conditions, comme on dit dans le langage des domestiques, chez trois lorettes et chez une princesse russe, laquelle équivaut à une quatrième lorette, puisqu’elle est une princesse pire que les trois premières !
Le traducteur qui l’a racontée dans la passion ou la pitié qu’il a pour son poëte, a fait de l’histoire et de cette mort d’Edgar Poe une accusation terrible, une imprécation contre l’Amérique toute entière !
Il ne m’est guères permis, à moi, d’écrire le mot d’idiot45, mais je crois bien que c’est ce mot-là qu’il faudrait ici, en parlant de ces trois énormes volumes sans couleur, sans passion, sans esprit, sans gaîté, et que les éditeurs belges ont pu seuls nous donner comme un grand coup porté à l’Église dans le pays de Voltaire, où il faut de la verve et de la gaîté même aux camouflets du voyou.
Ou bien, ce sera le mari, dont la fantaisie fait boule de neige, avec les passions que fait naître sa femme, et qui, prenant l’amant de celle-ci à part, — lui dira avec ce sourire d’un mari sûr de sa proie : — Voyez donc, mon cher, comme ma femme est en beauté ce soir ! […] … *** En ce temps-là mademoiselle *** avait allumé une passion romanesque dans le cœur d’un jeune premier… connu pour l’ordre qu’il apporte dans tous les actes de sa vie. […] Son grand geste sculptural, ses fières allures, ses hautaines attitudes, cet organe sonore, plein, l’un des plus magnifiques instruments qui eussent depuis longtemps exprimé la passion, firent dissonnance avec les petites phrases, alternées de petits couplets, de ce petit drame. — L’actrice n’eut qu’un succès d’estime. […] Cette passion comprimée, presque inavouée, éclate tout à coup. […] C’est une rage, une fureur, une passion comme les Parisiens seuls savent en avoir pour les choses ridicules
Des femmes pareillement (et des hommes aussi) sont rajeunies par un nouvel amour et trouvent en des passions presque ininterrompues le principe même de leur activité vitale. […] Inutilisée à créer, sa sensibilité demeure abondante ; et d’ailleurs il n’en répand que des parcelles autour des mots qu’il veut embaumer ; il lui en restera pour la vie, pour l’amour, pour toutes les passions. […] Le sentiment profond de l’amour, qui était en lui, n’a passé que dans les actes de ses personnages ; ils expriment des passions extrêmes en un style abstrait, glacé et diplomatique. […] Tout l’intérêt est dans la broderie, puisque le canevas est immuable, et connu une fois pour toutes par tous les hommes dès qu’ils sont des hommes et qui exercent les passions élémentaires. […] Le désaccord est moindre entre la peinture et la poésie, du moins une certaine poésie descriptive et même les paysages de passion et de rêve.
Elle n’avait pas de place pour les passions et les folies. […] Ils voulaient que la fantaisie culbutât la raison et lui mit le pied sur la gorge, et ils proclamèrent le droit martial de la passion contre la procédure circonspecte de la discipline et de la morale. […] Par contre, on confessera difficilement ceci : « Je suis pris de passion pour la Sainte-Trinité et la Sainte Vierge, parce que je suis un dégénéré et que mon cerveau est incapable d’attention et de pensée claire ». […] Francis Poictevin, nous enseigne, dans Derniers songes, à connaître les sentiments qui répondent aux couleurs : « Le bleu va, — sans plus de passion, — de l’amour à la mort, ou mieux il est d’extrémité perdue. […] Il n’est pas, dans toute la littérature de l’humanité, une seule œuvre reconnue comme remarquable qui ne soit symbolique en ce sens, dont les personnages, leurs passions et leurs destins, n’aient une signification typique dépassant de beaucoup leur cas particulier.
C’est vraiment de par lui, au théâtre, une très intelligente et très littéraire mise en scène de l’intime et de l’abscons des passions. […] Lundi 2 mars Avant de me lever, au petit jour, je réfléchissais dans mon lit, au sujet d’Henriette Maréchal, que si je continuais à faire du théâtre, je voudrais le balayer de tout le faux lyrisme des anciennes écoles, et remplacer ce lyrisme par la langue nature de la passion. […] Jeudi 10 septembre Sur ce que j’apprenais aujourd’hui à Ganderax, que Daudet ne pouvait plus dormir qu’à l’aide du chloral, il me disait que le chloral faisait des passionnés, qui, pour satisfaire leur passion, devenaient des menteurs, des voleurs même. […] Lorrain qui se trouvait dans une avant-scène, et avait autour de lui les femmes les plus connues de la grande société, parle de l’impression des dindes du monde, surtout choquées des ululements de la passion, dans la scène de rupture : — toutes ces femmes, dont l’explosion des sentiments est toujours comprimée par le chic, et quelques-unes avouant même tout haut, que leurs ruptures avaient été beaucoup plus calmes, beaucoup plus comme il faut, que ça.
Et elle ajoute qu’elle n’est pas attirée par le livre, mais bien par le théâtre, déclarant, du haut d’une vue assez profonde de l’époque, que dans ce moment, où tout se précipite, il est besoin du succès immédiat, qu’il n’y a pas pour les gens de l’heure présente, à attendre les revanches, que des oseurs, comme mon frère et moi, ont obtenues, que du reste, elle trouve, que le théâtre est un meilleur metteur en scène de la passion que le livre. […] Je la revois enfin, ma pauvre mère, au château de Magny, sur son lit de mort, au moment où le bruit des gros souliers du curé de campagne, qui venait de lui apporter l’extrême-onction, s’entendait encore dans le grand escalier, je la revois, sans la force de parler, me mettant dans la main la main de mon frère, avec ce regard inoubliable d’un visage de mère, crucifié par l’anxiété de ce que deviendra le tout jeune homme, laissé à l’entrée de la vie, maître de ses passions, et non encore entré dans le chemin d’une carrière. […] Plus de publication de livres, plus de critique dans les journaux, et, si par hasard il est parlé de votre personne, c’est fait sans application, sans passion, sans animosité… Dimanche 11 septembre À la suite d’une violente colique hépatique, j’étais dans mon lit, toute la journée de dimanche, et j’avais la fièvre, et ma pensée s’amusait de la fabrication à vide d’un article cocasse. […] Jamais on n’a joué l’amour comme cela, et il y a une telle passion dans son jeu, que Mme Daudet a peur d’amener Lucien, à la première.
Il n’y a proprement que lui, parmi les historiens qui ayent éminemment l’art d’exciter les passions & de remuer les ressorts du cœur les plus cachés. […] Il creuse avec une rare sagacité jusqu’au fond du cœur humain ; il saisit les moindres nuances des passions, les petits ressorts des grands desseins, le manége sourd des Cours, & le véritable objet de leurs démarches. […] On a réuni les faits dans cette histoire, & on les a dépouillés de tout ce que la passion ou l’ignorance y avoient mêlé. […] On prétend qu’elle n’a pas dit tout ce qui regardoit les passions de son cœur.
Voici quelques notes de plus à ajouter à ces accents de la passion, ou plaintifs, ou déchirants. — Et la plainte d’abord : Trop tard Il a parlé.
Quelle que soit l’abondance de saillies de l’écrivain humouriste, son ironie prolongée, dans l’absence de toute passion, ne saurait défrayer un volume et n’y sauve pas la froideur, en même temp que l’excessif ragoût du style engendre vite le dégoût.
Prenons Malherbe dans ses bonnes pièces, dans ses odes historiques et ses stances religieuses : ce sont des œuvres fortes et simples, où il y a, en vertu même des sujets, plus de conviction que de passion, plus de raisonnement que d’effusion ; le mouvement, la chaleur viennent surtout de l’intelligence.
Beyle nous dit lui-même : « Je m’arrêtais trop à jouir de ce que je sentais… Je connais si fort le jeu des passions… que je ne suis jamais sûr de rien, à force de voir tous les possibles ».
Il a la passion, l’expression, la palpitation du poète… Quand, après la Chanson des gueux, M.
Henri écornifle le bonheur des ménages où il pénètre ; ni par passion, ni par sensualité, mais par la force des choses, par crainte d’être impoli.
Le même ton devra se retrouver et pareillement s’excuser chez l’érudit exclusif et absorbé, qui creuse sa mine avec passion, surtout si un puissant esprit ne vient pas animer ses patientes recherches, et si la simplicité de sa vie extérieure le réduit à n’être jamais qu’érudit.
La Poésie n’a jamais été & ne sauroit être regardée que comme une imitation de la Nature, la peinture des objets & des passions : le but du Poëte doit donc être de peindre.
Si des passions de parti, si des animosités de coterie tachent çà et là les récits de ce gazetier à la petite semaine, elles n’animent jamais sa curiosité qui reste badaude, et ne lui donnent même pas l’aiguillon du taon que la haine, quand elle est vive, sait mettre dans la médisance.
et quelquefois elle oblige aux fausses sympathies, en vue des plus mauvaises passions !
Torpilles caressantes de la langue qu’elles ont engourdie, elles l’alanguissent sous prétexte de tendresse, elles la pâlissent sous prétexte de distinction, et si elles avaient pu lui soutirer tout le sang de ses veines, à cette langue généreuse qui venait de bouillonner avec les passions de deux siècles, elles l’eussent remplacé comme on remplace le sang des morts, par des infusions de parfums.
En effet, avec tout ce qui fausse ou entrave en toute chose le jugement des hommes, avec tout ce qui cache à leurs faibles yeux la pointe de la vérité, avec tous les impedimenta de l’histoire, et les passions, et les partis, et les dauphins, et leurs précepteurs, et les bourgeois qui ont remplacé les dauphins, et les Martin qui ont remplacé les Bossuet, ce n’est pas qu’il y ait dans l’histoire quelques déplacements d’anecdotes, quelques reflets des autres temps, quelques inventions, quelques préjugés, quelques misères, qui doit étonner, mais c’est plutôt qu’il n’y en ait pas beaucoup plus !
La reine fut, en effet, ce qu’elle dut être, Autrichienne et Française à la fois, ce qui, sans les passions du temps, aurait fait la force de son double pays et de sa double maison.
Dans ces journaux, qui prennent aux événements leur contour, leur passion, leur être, il n’y a plus rien qui se voie quand le soleil de la circonstance est couché !
Il en a fait un homme politique, un de ces cuisiniers de révolutions et de gouvernements impossibles, qui empoisonnent la France depuis près d’un siècle… Le journalisme, qui, si l’on n’y prend garde, donne de si mauvaises habitudes à la pensée, a donné à Pelletan tous les défauts qui sautent aux yeux dans son nouveau livre : l’inconsistance, la frivolité, les passions de parti et leurs faux jugements et leurs injustices, et surtout cette terrible et misérable faculté de se monter la tête, de suer à froid, comme disait Beaumarchais, en parlant des avocats, ces journalistes du bec comme les journalistes sont les avocats de la plume, et de se faire illusion à soi-même pour mieux faire illusion aux autres.
L’éditeur, qui brouillait en lui les temps comme il brouillait les sexes, a pu mêler à ces Souvenirs, recueillis dans des chiffonnières dont il avait volé ou emprunté la clef, les langages et les passions d’une autre époque.
Toute sa vie, cet homme, qui n’avait que des opinions et qui eut très peu de métaphores pour les exprimer (dans cette correspondance de deux volumes je n’en ai compté qu’une seule, c’est quand, après l’insurrection Indienne, il compare l’Angleterre à un gros homard qui a perdu son écaille), toute sa vie, cet écrivain, qui trouva hardie l’expression, pour dire la république, « d’une servitude agitée », eut la prétention d’être la passion en personne, — un dévorant, un dévoré par elle, et peut-être crut-il en être un.
Il a décliné la discussion elle-même ; il s’est fait, avec une passion singulière, et dont nous dirons le mot tout à l’heure, le caudataire du soi-disant génie d’Hoffmann, et il l’a suivi ou précédé modestement dans de petites notes, attachées aux documents qu’il a recueillis.
Comme Byron, Georges Lawrence a le rire gastralgique et saccadé dans lequel tombent les larmes et qui les dévore, et cette passion infinie qui fait trembler le feu de l’esprit dans des plaisanteries désespérées et qui ressemble à une pâmoison de la flamme !
Nous n’avons voulu que soulever un coin de ce masque, sous lequel se cache un génie virginal de pureté et de tendresse au milieu des terribles passions qu’il exprime, comme sous les affectations de dandy il y avait en Byron le plus magnanime des enfants de la nature.
Jamais il n’en fut de plus tragique, de plus amer, de plus angoissé, de plus méprisant, quand, du pied de la Croix, cette grande âme qui souffre la passion de la raison humaine se retourne vers le monde, et aussi de plus humble, quand, du monde, au contraire, elle se retourne vers la Croix !
Destiné à un bonheur immuable, aux pompes triomphantes et joyeuses de Versailles et de Saint-Germain, Bossuet, cet homme à la vertu robuste, qui ne devait connaître ni nos passions ni nos douleurs, ce cœur vierge qui n’avait soif et convoitise que du salut des âmes, ce front pur à force de hauteur, cet œil d’aigle qui ne voyait que Dieu dans les choses humaines, s’accomplissait alors jusque dans le fond le plus intime de son génie.
Mais pour ceux qui sentent en eux-mêmes cet impérieux besoin de conclusion, qui est, après tout, la passion la plus spontanée et la plus profonde de l’intelligence humaine, le livre des Esprits doit avoir une bien autre portée que celle d’un livre d’histoire.
Il s’est plaint, avec la passion d’une âme enfermée sous une écorce, de ces choses de Dieu qui nous écrasent : l’immobilité et l’éternité.
Lui, c’est un artiste en histoire bien plus qu’un historien, et il faut être précis dans le maintien de cette distinction… Les historiens ont des jugements, et des passions, et des convictions, et des partis pris et des polémiques… Ils font incessamment acte de cerveau, à chaque minute de la durée ; mais le coloriste que voici ne fait, lui, qu’acte de pinceau.
… La passion lui planta-t-elle ses flèches dans l’âme ?
Mais quand le génie, cette intensité immortelle, se joint à la passion du moment, cette chose périssable mais qui est aussi une intensité, de cette rencontre, comme de deux nuages électriques, il jaillit tout à coup des tonnerres, et on sait si l’auteur des Iambes fit le sien !
Hugo, c’est l’emphase et c’est l’antithèse, — ce qui n’est pas très gai, — et de Musset, c’est la passion et c’est la finesse, qui ne fait pas rire, mais qui fait sourire, comme faisait sourire Marivaux et la délicieuse mademoiselle Mars, née pour ajouter à ce sourire !
Lamartine, un sentimental souvent faux, à travers quelques inspirations d’une passion sublime.
Georges Lawrence a le rire gastralgique et saccadé dans lequel tombent les larmes et qui les dévore, et cette passion infinie qui fait trembler le feu de l’esprit dans des plaisanteries désespérées et qui ressemble à une pâmoison de la flamme !
C’est, enfin, la lâcheté, sublime ou abjecte, d’une passion qui ressemble à une maladie dont les rechutes seraient éternelles !
Ce besoin d’indépendance reparaît sous une autre forme, celle de la passion débridée, lâchée, emportée, dans les Caresses. […] La critique hostile flatte si sûrement nos petites passions ! […] Tout à coup, il se détourne du chemin qu’il suivait et où il avançait d’un pas rapide : avec un dévouement tout exclusif, avec une ardeur de passion que l’on n’admirera jamais assez, il se fait simplement le serviteur des écoliers, l’instituteur, le lecteur attitré des groupes populaires. […] Sa timidité est celle des orgueilleux qui n’ont pas toujours le courage de leur orgueil… Sa passion pour sa terre et pour ses traditions est très noble. […] L’impassibilité souveraine du maître d’Émaux et Camées est tenue pour un peu suspecte, comme l’aurait été, chez les durs jansénistes, la passion de Racine et de ses pareils.
Et celle-là au moins nous pouvons, comme les dieux de l’Olympe, en contempler les phases librement et sans passion. […] Les critiques moins ambitieux, plus indécis, plus ondoyants, que ne tourmente point comme Perrin Dandin la passion de juger, seraient tentés de remplacer ce verbe et cette habitude par ce mot : goûter. […] Mais les bons et louables esprits sont ceux qui ont dans le passé un goût bien net… Ce sont ceux enfin qui osent avoir une passion, une admiration, et qui la suivent ». […] Stendhal, ayant réalisé dans Julien Sorel un être à la fois ambitieux et haineux, Faguet reproche à Stendhal de ne l’avoir pas fait persévérer jusqu’au bout dans la voie de l’ambition, de nous le montrer perdu par une passion de vengeance, comme Tartufe hypocrite était, au scandale de La Bruyère, perdu par la passion de la chair. […] Balzac crée volontiers, au contraire de Stendhal et de Flaubert, des personnes animés par une seule passion, absorbés, comme des caractères de La Bruyère, dans une formule unique, mais vivante et puissante.
Il y a du romanesque dans l’assiduité des grands philologues : leur passion n’est pas apaisée facilement ; et, quand les autres hommes auront fini par être de plus en plus pareils, ils seront les derniers originaux. […] Et il a écrit, dans Le Pour et Contre : « la passion violente qui rend la raison inutile… » Cette passion violente, « n’étant pas capable d’étouffer entièrement dans le cœur les sentiments de la vertu, empêche de la pratiquer… » Il aime la vertu. […] Il y a, dans les volumes de Voisenon, de Gentil-Bernard, de Grécourt et de Moncrif, le plaisir d’amour, non la véritable passion. C’est la passion véritable, que Rousseau a tenté de peindre dans sa Nouvelle Héloïse. […] Un personnage de L’École des indifférents, Jacques l’égoïste, dit : « J’avais la passion de tout ce qui est lointain, caressant, imprécis.
La passion de faire des progrès rapides dans toutes sortes de sciences, lui fit mener un genre de vie qui eut effrayé plusieurs austères Anachoretes. […] Celles des amours des patriarches, de la passion effrénée de la femme de Putiphar, de la coquetterie de Judith & des propositions brusques que lui fait Holopherne, du crime épouvantable d’Onan, de la facilité avec laquelle Rachel cède à Lia Jacob pour une nuit, y sont relevées comme étant toutes des écueils pour l’innocence & la pudeur. […] Ils nous assurent que le compositeur excitoit toutes les passions ; qu’il rendoit, à son gré, tel homme doux ou furieux, ingénieux ou hébété, chaste ou impudique. […] Personne n’a mieux entendu que Parrhasius la partie du dessein, l’art d’exprimer les passions de l’ame. […] Outre la passion naturelles, aux Allemands, pour les voyages, il en avoit une toute particulière, & qui pensa même lui être funeste.
Je possède ce recueil et je vais vous en ouvrir quelques chapitres qui, je crois, ne vous laisseront pas libres de ne pas lire tout, si vous avez comme moi le goût du vrai, le sentiment du fin et la passion de l’originalité. […] Nous devons dire en outre que ni l’un ni l’autre n’avaient aucune passion dominante, aucun penchant, ni aucun lien particulier. […] Abandonné de trop bonne heure à lui-même, sans direction, déjà il était entré dans la série des passions funestes. […] Ce même maître buvait démesurément, et avait également la passion des femmes. […] Une année encore s’écoula, une année pendant laquelle l’incorrigible Klimof s’abandonna tellement à sa passion pour les spiritueux, qu’il fut condamné à quitter la maison et envoyé avec sa femme dans des propriétés lointaines de la baruinia.
Ce que fut la vraie Antigone, nous ne le saurons donc jamais, ni la Passion de Gréban, ni Othello, ni Phèdre, ni le Misanthrope. […] Même en comptant le Miracle de Théophile au premier temps et la grande Passion de Gréban et de Jean Michel aux derniers, je ne vois pas qu’il nous ait laissé de chefs-d’œuvre. […] Flattant les passions du jour — elle est bourrée d’allusions politiques — elle garde encore un semblant de vie. […] « Un tréteau, deux bâtons et deux passions » comme dit, je crois, Calderon ; définition essentielle et suffisante de l’art scénique qu’a prise à son compte Copeau. […] Question de sujet : les passions de l’amour ne sont pas les seules bonnes à peindre… Et l’art vit de contraintes.
. — César étoit né avec deux passions violentes : la gloire et l’amour, qui l’entraînoient comme deux torrents42… » Quant à Pétrone, il était fort à la mode en ce moment. […] Ménage, dans l’Épître dédicatoire de ses Observations sur la Langue françoise, disait à M. de Méré : « Je vous prie de vous souvenir que, lorsque nous fesions notre cour ensemble à une dame de grande qualité et de grand mérite, quelque passion que j’eusse pour cette illustre personne, je souffrois volontiers qu’elle vous aimât plus que moi, parce que je vous aimois aussi plus que moi-même. » C’est sur cette seule phrase que porte la supposition ; on n’a pas mis en doute qu’il ne fût question de Mme de Sévigné, comme si Ménage ne connaissait pas d’autres grandes dames à qui il eut l’honneur de faire sa cour avec passion (style du temps).
Mais, avant de le suivre à la cour de François Ier , ce prince que la triple passion de la guerre, des arts et de l’amour égalait à Henri IV, à Louis XIV et aux Valois, racontons par sa bouche une anecdote qui semble donner la clef de quelques-uns de ses goûts secrets, très communs en ce temps-là dans cette corruption de la Grèce et de l’Italie. […] Ils peignent avec exactitude l’enthousiasme pour tous les arts de la main qui renaissaient sous Léon X, le culte du génie, la liberté des passions individuelles, à qui les crimes même étaient pardonnés en faveur d’un chef-d’œuvre de peinture et de sculpture, et enfin ce mélange bizarre de dévotion sincère et d’attentats atroces que l’absolution du pontife effaçait de la main même de l’assassin. […] Il y a plusieurs exemples de ces guérisons subites, causées par la joie ou une passion forte.
On t’a mal nommé en t’appelant Prométhée (Prévoyant), car c’est un Prométhée qu’il te faudrait pour briser tes chaînes. » — La Passion du Titan a été souvent comparée par les docteurs mêmes de l’Église, à celle de Jésus. […] En dehors de la ressemblance des supplices également subis pour les hommes, l’imagination chrétienne rêva des concordances mystérieuses entre la Passion du Titan et celle de Jésus. […] Leur couronnement était l’arc-en-ciel d’un accord sublime entre les passions et les haines en lutte sur les premiers plans de la scène.
À notre entrée le bruit terrestrement céleste d’un orgue-mélodium, dont joue l’artiste, et pendant qu’il vient à notre rencontre, les regards soudainement attirés par un trou illuminé, devant lequel est une aquarelle commencée ; un trou fait dans l’ouverture d’une étoffe jouant la toile levée d’un théâtre d’enfant, et dans lequel se voit figurée par de petites maquettes, une scène de la Passion, éclairée par une lumière semblable aux lueurs rougeoyantes éclairant un Saint-Sépulcre, le soir du Vendredi Saint. […] » Ce froid doctrinaire, ce diseur de mots féroces, ce dur à cuire semblant fermé à toute tendresse, aurait été pris sur ses quatre-vingts ans, d’une sorte de passion amoureuse pour la duchesse de Dino, à laquelle il écrivait tous les jours ; passion dont la duchesse aurait chauffé l’innocente flamme, flattée de la grande importance politique de l’amoureux.
Mais ceci même échappe aux complaisances de situation comme aux démentis intéressés : l’histoire interrogée sans passion et sans réticences, et de plus près qu’elle ne l’a encore été jusqu’ici, l’histoire seule répondra. […] Villemain, je conçois très bien, par les sentiments et les passions quasi légitimes qui régnaient alors dans toute une partie de la société et de la nation, qu’il ait fait son fameux compliment à l’empereur Alexandre.
Mais il y avait une élite qui, sortant de ce niveau de bon sens, de préjugés et de passions, s’inquiétait du fond des choses et du terme, aspirait à fonder, à achever avec quelque élément nouveau ce que nos pères n’avaient pu qu’entreprendre avec l’inexpérience des commencements. […] Le héros, l’amant, flotterait de la passion à la philosophie, et on le suivrait pas à pas dans ses défaillances touchantes et dans ses reprises généreuses.
Je ne désirais pas même que mon petit essai problématique de poésie nouvelle parût si tôt ; je sollicitais ardemment du gouvernement de la Restauration un emploi diplomatique qui m’ouvrît l’accès à la haute politique, ma véritable et constante passion. […] Cela doit être d’autant plus poétique que la poésie a négligé davantage jusqu’ici ces trésors de descriptions, de sensibilité, de naturel, de passions douces, enfouis à notre insu sous la pierre du foyer domestique, dans le jardin, dans le verger, dans la prairie, dans la vigne, dans la montagne qui borne le court horizon, dans le coin de ciel en vue de la fenêtre où se couche le soleil, où se lève l’étoile, dans l’enfant à la mamelle, dans la mère souriante, dans le père sérieux, dans l’aïeul prévoyant, dans le fils docile, dans la jeune fille rêveuse, dans la servante attachée à l’âtre, seconde mère des enfants, et jusque dans le chien nourri d’affection, qui cherche aussi souvent la tendresse dans les yeux que le pain sous la table.
XXXVII Quelle tragédie feinte de poète est comparable à ce quatorzième livre des Annales où Néron, en proie aux trois plus fortes passions de l’homme, l’amour, l’ambition de régner et la peur d’être prévenu dans le crime, se précipite, les yeux fermés, dans le parricide pour y trouver à la fois sa maîtresse, le trône et la vie ? […] LVI Est-ce de la passion ?
L’amour est comme toutes les passions, il a des retours inattendus. […] Ainsi nous irons jusqu’à la mort : Dieu nous a unies. » IX Vient ensuite un long récit de l’agonie et de la mort de son frère, touchant comme une passion de l’amitié ; nous le retranchons, car il faudrait le lire tout entier.
« Je me sens saisi devant tes œuvres, non-seulement de ce tressaillement sacré qui m’écrase d’enthousiasme devant tes immensités et tes perfections réunies, mais encore de la passion de te rendre gloire dans tes ouvrages, comme un insecte qui, ayant vu la trace du pied d’un géant imprimée sur le sable, s’arrête épouvanté d’admiration, la mesure, l’adore et la baise, comme une mesure de la grandeur de l’Être inconnu, — avant de la décrire pour lui et pour les autres. […] Elle est diversifiée, agitée, charmée, ennuyée par une foule d’autres passions, parmi lesquelles l’amour est la plus impérieuse et la plus brûlante, l’amour qui est le premier et le dernier mot de la nature, l’amour, image terrestre de ce suprême amour qui aspire à créer, qui jouit de créer, et qui sans savoir ce qu’il veut éprouve, en créant, quelque chose d’analogue au plaisir que la création divine donne à celui qui crée, — l’attrait divin, le plaisir de Dieu en créant l’homme et les mondes ; — attrait tel que l’homme y sacrifierait mille fois sa courte vie.
Par son tempérament, par ses instincts, par ses facultés, par son imagination, par ses passions, par sa morale, il semble fondu dans un moule à part, composé d’un autre métal que ses contemporains. […] La force, qui chez lui coordonne, dirige et maîtrise des passions si vives, c’est un instinct d’une profondeur et d’une âpreté extraordinaires, l’instinct de se faire centre et de rapporter tout à soi, un égoïsme prodigieusement actif et envahissant, développé par les leçons que lui donnent la vie sociale en Corse, puis l’anarchie française pendant la Révolution.
La passion même excite la sagacité et, pendant que les admirateurs s’exagèrent les beaux côtés, les ennemis voient les défauts d’un œil d’autant plus sûr qu’il est plus intéressé. […] Ses fautes seront toujours un utile objet d’étude ; sa passion pour l’antiquité, qui devait lui coûter si cher, a été d’un bon exemple.
Je suis assuré qu’il ne faisait rien que par passion et volupté, si bien que tout sincère idéaliste qu’il se décelait, ses cinq sens étaient les plus grands amis de sa tête. […] Où s’impose d’urgence un dialogue haletant, on place un duo amplifié par périodes, des mélodies coupées, des ensembles, des reprises, tout un appareil de symétrie incompatible avec la poussée d’une action vraie et la mise en jeu des passions.
C’est une figure toute moderne et d’une ressemblance spirituelle que celle de ce jeune homme mûr et froid jusque dans ses passions et dans ses caprices. […] La réflexion lui fera saisir le lien qui rattache la hausse de la Bourse à l’accès de passion du fourbe ; le mépris tuera son amour ; de toutes façons, le tour est manqué.
Il peut subsister au sein de la conscience des actions et passions latentes, des états confus de plaisir ou de peine, des appétitions plus ou moins vagues, enfin des représentations obscures et confondues dans la masse ; quand tout cet ensemble se trouve réaliser actuellement un ensemble analogue à tel état passé de l’esprit et à telle aperception passée, la même idée doit renaître en vertu des mêmes conditions à la fois mentales et physiques, comme la même illumination de la mer sous les mêmes rayons solaires, et elle est de nouveau aperçue ; mais nous ne croyons pas que l’idée, comme acte intellectuel, comme pensée, puisse subsister d’une manière inconsciente. […] Ces hypermnésies sont causées tantôt par une circulation fébrile du sang, qui donne une activité anormale à certaines portions du cerveau ou à certains systèmes de réflexes, tantôt par une régression qui, ayant détruit les souvenirs plus récents, ramène à la lumière des couches profondes et oubliées : par exemple des impressions et passions de la jeunesse, des croyances anciennes auxquelles il semble qu’on revient par une sorte de conversion.
Tout est souvenir historique en cet endroit : la maison de Lireux et les dîners du dimanche, la maison de Odilon Barrot et le kiosque aux rêveries constitutionnelles, la maison blanche bâtie par Charpentier où est mort Pradier, la maison de Pelletan, et un tas de maisons qui vous racontent de grandes passions et des histoires dramatiques de femmes connues. […] Le vieux bac où nous passions et repassions, n’est plus.
» Une passion, des passions à la fois de toute la tête, de tout le cœur, de tous les sens, et où se mêlaient toutes les maladies de la misérable fille, la phtisie qui apporte de la fureur à la jouissance, l’hystérie, un commencement de folie.
Nittis a eu, dès l’enfance, une sorte de passion pour les ciels, il me parlait un autre jour, des longs temps qu’il passait à regarder les gros nuages blancs de son pays, qui ne sont pas informes, comme ceux de chez nous, mais qui se modèlent dans le ciel, sous d’innombrables facettes. […] J’obtiens de faire remplacer : « Remettez le cadavre », lorsque la reine parle de la couronne aux faux diamants, par cette phrase : « Remettez ça, là. » Ce « cadavre » doit paraître du sublime à quelques-uns, qui ne se doutent pas, que dans les situations dramatiques, il faut que toujours l’expression soit simple, qui ne savent pas que la passion emploie toujours l’expression commune, et au grand jamais, l’image.
Je cachais mon visage dans mes deux mains ; je regardais furtivement entre mes doigts les tours, le balcon, le jardin, le verger, la fumée sur le toit, les bois derrière bordés de chaumières connues, la prairie, la rivière, les saules sur le bord de l’étang ; et, recevant de chacun de ces objets un souvenir, une image, un son de voix, une personne, une voix à l’oreille, une vision dans les yeux, un coup au cœur, je fondis en eau, et je m’abîmai dans l’impossible passion de ce qui n’est plus ! […] J’ai relu, pour ainsi dire, ma vie tout entière sur ce livre de pierre composé de trois sépulcres : enfance, jeunesse, aubes de la pensée, années en fleurs, années en fruits, années en chaume ou en cendres, joies innocentes, piétés saintes, attachements naturels, études ardentes, égarements pardonnés d’adolescence, passions naissantes, attachements sérieux, voyages, fautes, repentirs, bonheurs ensevelis, chaînes brisées, chaînes renouées de la vie, peines, efforts, labeurs, agitations, périls, combats, victoires, élévations et écroulements de l’âge mûr sur les grandes vagues de l’océan des révolutions, pour faire avancer d’un degré de plus l’esprit humain dans sa navigation vers l’infini !
Bouillant de verve et de pensée, Et fort de ses expressions, L’orateur, sur la foule, autour de lui pressée, Promenoit à son gré toutes les passions. […] Aussi n’y en a-t-il point qui ait la même passion que moi pour votre avancement et pour votre bien.” » Saint Chrysostome ne put résister à un discours si touchant ; et, quelque sollicitation que Basyle son ami continuât toujours à lui faire, il ne put se résoudre à quitter une mère si pleine de tendresse pour lui, et si digne d’être aimée.
On les emploie couramment et avec assurance comme s’ils correspondaient à des choses bien connues et définies, alors qu’ils ne réveillent en nous que des notions confuses, mélanges indistincts d’impressions vagues, de préjugés et de passions. […] On ne peut pas admettre qu’elle soit vraie ; on lui oppose une fin de non-recevoir, et la passion, pour se justifier, n’a pas de peine à suggérer des raisons qu’on trouve facilement décisives.
Quelles imprécations Ne mérites-tu point, cruelle maladie, Qui ne peux voir qu’avec envie Le sujet de nos passions » Suivent des imprécations, en effet, très éloquentes, à l’adresse de la petite vérole. […] Du reste, ne m’en demandez rien de particulier, car, pour parler franchement, je l’entretins peu, et de choses indifférentes ; bien résolu, si nous eussions fait un plus long séjour à Châtellerault, de la tourner de tant de côtés que j’aurais découvert ce qu’elle a dans l’âme, et si elle est capable d’une passion secrète.
Il est ensuite dans la circonstance piquante et exemplaire d’un homme, de révolution par les passions générales de son livre, par le tour d’esprit, par l’athéisme, frappant à coups redoublés le parti de la révolution et ses idées les plus chères, n’étant pas de la force de Samson et animé de l’esprit de Dieu, comme Samson ; mais n’en abattant pas moins la maison sur lui et les autres révolutionnaires. […] Seule, elle dispense les caractères, les passions, l’énergie qui enchaînent la fortune… » Certes, M.
Si la raison l’écrase et l’avilit, le sentiment intérieur le relève et l’honore… Quoiqu’il en soit, nous sentons au moins en nous-même une voix qui nous défend de nous mépriser ; la raison rampe, mais l’âme est élevée. » Sans discuter ici cette distinction si absolue entre la raison et l’âme, distinction qu’il ne maintiendra pas toujours à ce degré, il est clair que Rousseau, au lendemain de ses peines et de ses sacrifices dans la tendre passion qu’il ressentait, ne veut chercher de bonheur ou de consolation que dans la paix du cœur et dans la voix de sa conscience.
Ce premier petit roman nous met en goût et en confiance avec Fléchier ; on sent qu’on a affaire, non-seulement à un écrivain singulièrement poli, mais à un esprit observateur et délié qui s’entend aux beaux sentiments, aux grandes passions, qui en sourit tout bas en les exposant, et les décrit à plaisir sans s’y prendre.
Soumet, il était et il restait poëte en toute chose ; cette noble passion des beaux vers, qu’on a si bien caractérisée en lui, ne le quittait jamais ; elle faisait son enchantement au réveil, son entretien favori durant le jour, elle embellissait jusqu’à ses songes, et on aurait pu appliquer à cette vie toute charmée et enorgueillie des seules muses le vers de Stace, comme sa devise la plus fidèle : Pieriosque dies et amantes carmina somnos.
Aujourd’hui que la victoire semble décidée et que bientôt la sécurité va naître, la politique et l’art se sépareront sans s’isoler ; l’art, retiré du tourbillon, jeune encore et déjà mûr d’expérience, tracera dans la solitude son œuvre pacifique, qu’il animera de toutes les couleurs de la vie, de toutes les passions de l’humanité.
Avant de quitter Lucrèce, rendons hommage à l’actrice qui l’a si tragiquement réalisée : mademoiselle Georges, sans déroger à l’idéal effrayant, au diadème de bronze qui couronne ce rôle d’horreur, a trouvé des accents de nature, des cris de passion familière, la vérité dans la majesté.
Il s’est délassé, cette fois, de la passion sérieuse en persiflant méchamment les pauvres amoureux qui s’éprennent de fantastiques beautés brunes, aux yeux verts et transparents, aux lèvres minces, fines et pâles, aux rares paroles, au profil mélancolique et sévère.
On peut, remarquer, sans aucune idée de comparaison profane, que ce cri n’est ici qu’un écho humain de cet autre cri qui résume à jamais en lui toutes les agonies et toutes les passions, lorsque Jésus, expirant sur la croix, profère son Eli, Eli, lamma sabachtani, c’est-à-dire : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné ?
D’où vient donc que ce système de la perfectibilité de l’espèce humaine déchaîne maintenant toutes les passions politiques ?
Le spectateur, quand il n’est pas un pédant, s’occupe uniquement des faits et des développements de passions que l’on met sous ses yeux.
Ils s’y développent, ils y agissent par leurs propres forces et d’eux-mêmes ; ils n’y sont point contraints par les passions ou les facultés qu’ils y rencontrent : ce sont des hôtes libres ; tout le soin du poëte est de ne point les gêner ; ils se remuent et il les regarde, ils parlent et il les écoute ; il est comme un étranger attentif et curieux devant le monde vivant qui s’est établi chez lui ; il n’y intervient qu’en lui fournissant les matériaux dont il a besoin pour s’achever et en écartant les obstacles qui l’empêcheraient de se former.
Il a tout pouvoir sur nos biens et sur nos vies ; mais la majesté de son trône a tout pouvoir sur ses caprices et sur ses passions.
Je n’ai pas cru impossible d’écarter toutes les passions du présent, et de goûter en chaque œuvre la puissance individuelle du talent, quelle que fût l’orthodoxie politique, religieuse, métaphysique, et même esthétique, qui s’y révélât.
Hommes, œuvres, genres, tout ce qui était pratique ou actuel, tout ce qui servait ou exprimait les intérêts ou les passions de circonstance, prit le dessus.
Les rêveries de Lamartine ou la passion de Musset, beaucoup de gens en sont capables, et Musset et Lamartine ne sont poètes que pour les avoir exprimées de la façon que l’on sait.
Ensuite le poète dit la Vie des morts, leur âme éparse dans les arbres, dans les broussailles, dans les sources qui sont leurs yeux, dans les nuages qui sont leur pensée inquiète, dans les astres où flambent leurs anciennes passions, dans la mer, « temple obscur des métamorphoses », dans les parfums, dans le chant nocturne des voix terrestres… Et cependant ce n’est pas tout ce qui reste des morts. « Ce que m’a pris le rêve, mes aspirations vers le juste et le beau, ce que j’ai dit tout bas à la nuit, ce que j’ai vu en fermant les yeux, Ma chair ne saurait plus l’entraîner au tombeau.
Ils étaient pleins de feu et de passion.
On conçoit, d’un autre côté, que ces âmes tendres, trouvant dans leur conversion à la secte un moyen de réhabilitation facile, s’attachaient à lui avec passion.
Quand le reste de ce groupe, riche en versificateurs et pauvre en poètes, sera effacé, deux resteront quelque temps reconnaissables : l’un, éclatant de force et de passion contenue, viril de puissance immobile, grand d’impassibilité apparente et de profondeur désespérée ; l’autre, triste, délicat et tendre ; l’un stoïquement beau d’une sévérité sans défaillance ; l’autre, charmant et un peu décevant comme un sourire de femme.
Madame Bovary est moins un roman réaliste qu’une parodie du romantisme, une longue raillerie de l’imagination et de la sensibilité, de la passion et du rêve, de toute la poésie.
Les parnassiens dépersonnalisèrent, objectivèrent l’inspiration ; ils interdirent à la Muse la passion, à leur gré trop tumultueuse pour les beaux plis de sa tunique, et l’enfermèrent, selon une formule depuis lors banalisée, dans la Tour d’Ivoire.
Il dut voir qu’il n’étoit pas plus initié dans le grand art d’exciter fortement les passions, que ne l’est, dans les secrets de l’architecture, un manœuvre servile & sans talent.
Comment les exprimer par des signes, représenter tous les changemens rapides des passions, observer toutes les proportions harmoniques ?
. — Sous l’empire d’une passion très-vive, on voit l’aphasique retrouver momentanément la parole. — M.
D’un côté, le besoin de trouver un point fixe dans la fluctuation universelle des croyances et des consciences rattache les esprits droits à une doctrine déterminée et fixe : d’un autre côté, le besoin de voir de plus en plus clair dans ses pensées, la passion du progrès, à laquelle personne de notre temps ne peut échapper absolument, entraîne plus ou moins les hommes sincères hors des voies réglementaires et consacrées.
On entend, par exemple, distinctement le passage où Suetone dit que Caligula aimoit avec tant de passion l’art du chant et l’art de la danse, que même dans les spectacles publics il ne s’abstenoit pas de chanter tout haut avec l’acteur qui parloit, ni de faire le même geste que l’acteur qui étoit chargé de la partie de la gesticulation, soit pour approuver ce geste, soit pour y changer quelque chose.
C’est toujours le même monsieur avec les mêmes passions épileptiques et les mêmes curiosités libertines.
Chamfort avait eu une jeunesse très orageuse ; sa pauvreté, ses passions, son goût exclusif pour les lettres, qui l’éloignait de toute occupation lucrative, donnèrent, à son entrée dans le monde un aspect qui put blesser des hommes austères ; et ceux qui l’avaient suivi de moins près depuis cette ancienne époque, pouvaient en avoir conservé de fâcheuses impressions.
Lamennais, dans lequel l’imagination de la femme qui le peignait allumait, sur les débris des croyances qui l’avaient fait si grand, la passion impie, qui arrache les âmes à leur Dieu !
pour toutes les femmes, même pour Mme de Staël, la plus intelligente de toutes, qui a écrit l’Influence des passions, ce livre qui veut être un livre philosophique, et qui n’est que le magnifique cri d’une magnifique sensibilité !
Il y a bien un chapitre spécial, mais vague comme l’est d’ordinaire la pensée de l’auteur, sur la séparation des classes, « qui a causé toutes les maladies dont l’ancien Régime est mort » ; un autre sur l’irréligion, « la passion dominante du xviiie siècle » ; un autre, enfin, sur les hommes de lettres devenant de fait les hommes politiques du moment.
Seul, le sublime écolier d’Harrow, dont la violente fantaisie avait bu l’ennui dans cette coupe correcte, et gardé en sa nature profonde l’impression et le ressentiment de cet ennui, puisé dans cette poésie sans âme, a osé dire le secret de beaucoup d’esprits qui se taisaient, — lâches comme toujours, devant deux mille ans de gloire consacrée et d’idolâtrie, — et sa vérité à lui, sur un poète, au fond, médiocre d’inspiration et de génie, mais adoré et gardé par tous les médiocres de la terre : et les médiocres d’imagination, et les médiocres de passion, et les médiocres de cœur.
Les fautes, les vices, les vertus, les passions de Shakespeare, nous ne les savons pas avec certitude.
Dans les chapitres de son livre, qui n’a que des chapitres et dont l’unité n’existe que dans la personnalité très particulière de l’auteur, ceux-là qui sont intitulés : La Lumière et la Foule, Les Ténèbres et la Foule, Les Sables mouvants, Les Préjugés, Les Caractères, Les Passions et les Âmes, La Charité intellectuelle, sont de ces choses qu’il est difficile dénommer, parce qu’elles n’ont pas d’analogue en littérature… Le côté que j’oserai appeler le côté divin de cette critique, échappera sans nul doute à ceux qui ont le mépris insolent et bestial du mysticisme de l’auteur.
Saint Augustin nous touche de plus près que les autres Pères de l’Église ; il semble que sa sainteté se détache et ressort mieux sur l’orage de ses passions.
j’aurais bien voulu le voir, lui qui se permet l’amphigouri de la passion sur elle, j’aurais bien voulu le voir à la place de Bussy, par exemple, ou bien encore de Gilles Ménage, et je suis bien sûr que notre amoureux d’Hippolyte aurait baissé de quelques tons les cordes de sa guitare d’aujourd’hui.
Charles 8 I Si jamais j’avais eu pour Gœthe la passion qu’ont certaines personnes, voici une publication qui me rendrait fort triste, car ce livre d’un innocent, qui ne se doutait guères de ce qu’il écrivait quand il écrivait, ôte, d’un seul coup, à Gœthe, pour les esprits de sang-froid et fermes, les grandes qualités à travers lesquelles on est accoutumé de le voir.
Mais il est, dans l’Histoire, de ces voix que les cris de la passion, du préjugé ou de l’ignorance ont couvertes, et qu’il faut aller chercher sous tous ces cris, pour les faire distinctes.
On y verra, du moins, qu’il n’était pas, comme homme, le violent d’âme et de passion égoïste comme on l’avait fait, et que, comme talent, il n’était pas non plus uniquement le violent de couleurs, de mouvement et d’idées, dans lequel on a vu trop exclusivement son génie.
Métaphysicien comme Mallebranche, avec la poésie d’expression au service de la métaphysique que Mallebranche, malgré son chapitre des Passions (admiration d’école !)
Dans ses ardeurs vers Dieu, le feu qui la consume, ce feu mystique, est blanc comme la neige à force d’être concentré, et voilà pourquoi les âmes accoutumées à la grossièreté de la terre et à l’expression violente et morbide de ses passions peuvent trouver sans couleur et sans fulgurance cette flamme divinisée en Dieu et qui a perdu l’écarlate de la flamme humaine !
Malheureux par la famille, et malgré les passions et les entraînements de sa vie, ayant gardé dans son cœur brisé, que les autres et lui-même peut-être déchirèrent, ce besoin primitif et inaliénable des saintes affections du foyer, le poète de Colombes et Couleuvres a répété le cri d’angoisse qu’avait jeté déjà lord Byron, et il ne l’a point énervé, en le répétant.
Quel est, dans le parcours de ces vingt-quatre chants qui ne chantent pas, le caractère ou la passion qu’il ait marquée de sa griffe de flamme créatrice et qui doive augmenter, d’une seule personnalité immortelle, le Décaméron de personnalités idéales, dues aux grands poètes de tous les temps ?
Il avait toutes les passions de son temps, tous les goûts de son temps, toutes les littératures : grecque, latine, hébraïque, de son temps, où les sciences elles-mêmes étaient poussées jusqu’à la fureur.
Il y a dans le recueil des poésies plus longues, d’un déroulement plus large, d’une passion plus irritée, où le poète est plus Spartacus contre Dieu, plus insolent et plus blasphématoire, plus digne du fer rouge que le doux Saint Louis faisait enfoncer dans la langue des blasphémateurs.
Limayrac s’est contenté d’être, en quelques lignes comme il sait les écrire, l’introducteur au public de l’auteur du livre de l’Amour : « Le livre de l’Amour — dit-il — est la physiologie complète de cette divine et infernale passion.
qui rendait, au moins pour un homme élevé et courageux, toute intimité impossible ; c’était le dégoût, l’inévitable dégoût quand il s’agit d’une femme qui, après tout, et quoique nos passions soient assez lâches pour changer les noms aux choses qui nous concernent, a versé d’un concubinage dans un autre.
Brucker, qui avait toutes les passions de son temps ajoutées aux siennes, se mêla à cette furieuse guerre faite à la Monarchie, qui, sans droit des gens comme sans pitié, mâchait ses balles et empoisonnait les rivières.
La vie, cette blonde fade, au grand jour si impudiquement découverte, est si laide qu’il ne nous faut pas faire avec tant de détail admirer les beautés de la mort, cette brune chastement voilée… On l’aimerait trop, et la passion nuit au devoir !
Elles ont quelque chose d’indéfini ou de vaste, où l’imagination se perd ; elles réveillent dans l’esprit une multitude innombrable d’idées ; elles portent l’âme à un recueillement austère qui lui fait mépriser les objets de ses passions, comme indignes d’elle, et semble la détacher de l’univers.
Sur le sommet des mâts un nuage s’est arrêté tout droit, signe de la tempête ; puis vient la terreur qui suit un danger subit. » Quelquefois encore, ces restes brisés de la couronne du poëte grec ne sont que des traits rapides et simples, une parole délicate et passionnée, un coup de pinceau qui ne s’oublie pas52 : La jeune fille triomphait, tenant à la main une branche de myrte et une fleur de rosier ; et ses cheveux épars lui couvraient le visage et le col » ; ou bien encore, avec moins de simplicité, cette autre peinture qui rappelle celle de Sapho : « Semblable passion d’amour, pénétrant au cœur, répandit un nuage épais sur les yeux et déroba l’âme attendrie. » Horace, dans sa vive étude des Grecs, avait sans doute gardé bien d’autres souvenirs d’Archiloque ; et quelques-unes de ses odes, son dithyrambe à Bacchus et d’autres, ne doivent être qu’une étude d’art et de goût substituée au tumulte des anciennes orgies, où le poëte de Paros se mêlait, en chantant : « Le cerveau foudroyé par le vin, je sais combien il est beau d’entonner le dithyrambe, mélodie du roi Bacchus. » Archiloque, s’il faisait des hymnes, devait être, ce semble, le poëte lyrique des Furies et non des Dieux.
Ou bien, et inversement, ayant d’abord observé sur lui-même les effets de la douleur ou de la passion, voici qu’en feuilletant son Plutarque ou son Tacite, il s’y reconnaît ; et ce qu’il vient d’apercevoir et de noter en lui, il s’étonne et il est heureux de voir que Cicéron, par exemple, ou Agricola l’ont éprouvé comme lui. […] 2º Les Auteurs et le développement de la tragédie. — L’arrêt du parlement de Paris [17 novembre 1548] portant interdiction aux confrères de la Passion de « jouer le Mystère de la Passion Notre Sauveur, ou autres Mystères Sacrés » ; — et si le Parlement., en rendant cet arrêt, a voulu sacrifier les Mystères « à l’enthousiasme païen des poètes de la Nouvelle École » ? […] 2º L’Homme et l’Écrivain. — Celui-ci aussi, comme Bodin déjà, et comme Palissy, quoique dans un autre genre, est un « observateur ». — Sa carrière militaire ; — mais qu’il ne faut pas prendre son surnom de Bras de fer pour un témoignage de son énergie ; — et qu’il y a eu du politique dans ce soldat. — Les scrupules de conscience d’un capitaine protestant ; — comparaison de Montluc et de La Noue ; — supériorité morale du second. — Les Discours politiques et militaires. — Ils sont l’ouvrage de ses prisons. — Curieux rapports entre Bodin, Palissy et La Noue. — Division des discours de La Noue : Discours militaires proprement dits [11, 13, 14, 15, 16, 17, 18]. — Comparez la manière dont il y parle de la guerre avec une page célèbre des Soirées de Saint-Pétersbourg. — Discours politiques [1, 4, 6, 12, 20, 21, 22] ; — Comparez les vues politiques de La Noue et le « grand dessein « d’Henri IV. — Mais les plus intéressants pour l’histoire des idées sont les Discours moraux [5, 3, 5, 6, 7, 10, 19, 23, 24, 25] et parmi ceux-ci, les Discours 23, sur la pierre philosophale ; 6, contre les Amadis ; et 24, contre les Épicuriens ; — La Noue précurseur de Bossuet [Maximes sur la comédie] dans son Discours contre les Amadis ; — et de Rousseau dans son Discours contre les Épicuriens. — C’est dire de lui qu’il est surtout un « moraliste ». — La composition dans les Discours de La Noue ; — le tour oratoire ; — la fermeté de la langue et du style ; — la passion patriotique. — Succès des Discours. — Quelques mots des Mémoires de La Noue. — Sa mort au siège de Lamballe.
De ces contes de Lorrain, je voudrais qu’on fît, un jour, un choix qui présenterait les meilleurs et les plus réussis, ceux dans lesquels il a donné toute sa mesure et où son réalisme aigu s’unit à une riche imagination, où il a exprimé une façon si particulière et si personnelle de sentir et de comprendre la vie de son temps, cette vie qui l’appelait impérieusement au spectacle de ses goûts, de ses passions, de ses excentricités, de ses misères, de ses beautés et de ses vices. […] « Les images notera-t-il plus tard dans ses Fusées, ma grande, ma primitive passion » Prédilection qui avait fait de lui un connaisseur averti et sachant tirer d’un tableau, d’un dessin, d’une gravure, non seulement un plaisir des yeux, mais en formuler un jugement ingénieux et juste et le rattacher à des idées d’esthétique générale très solidement et subtilement raisonnées. […] De là, l’intense, la poignante émotion qui s’en dégage à travers leur beauté verbale et rythmique, de là leur portée psychologique et leur accent de passion désespérée. […] Il ne songeait sans doute guère à autre chose qu’à les justifier, tout en satisfaisant au passage certaines rancunes certaines inimitiés, et ce fut ainsi qu’il traça le vivant récit des événements et des personnages de son temps, dont nous lisons encore aujourd’hui, avec passion, les pages fameuses et classiques. […] Elle seule fut la passion constante de sa vie.
Il a éduqué, dressé, excité de sa noble passion d’artiste, des centaines de musiciens. […] Pierre le Grand avait été animé, dit Saint-Simon, « d’une passion extrême de s’unir à nous ». […] Un faune robuste, en bronze, l’enivra de chaude passion. […] Et c’est l’image d’une âme apaisée qui, n’étant pas accaparée par quelque passion trop exclusive, s’épanouit. […] Ce n’est point une passion qui lui soit venue sur le tard.
« Il faut deux choses à des hommes d’État pour diriger les grands mouvements d’opinion auxquels ils participent : l’intelligence complète de ces mouvements, et la passion dont ces mouvements sont l’expression dans un peuple. […] L’insurrection de la commune, fomentée et dirigée par des passions perverses, fut présentée aux yeux des patriotes comme l’insurrection du salut public.
Guillaume était fait pour les éprouver ; son âme pleine de combustible était prête à l’incendie ; la première étincelle devait y allumer le feu des passions, et ces passions devaient y laisser la cendre féconde d’une précoce sagesse.
Dialogue à double entente, interprété par Prakriti pour une union en le sens de sa passion ; elle se précipite à terre effrayée et sanglottante, lorsqu’en fin elle entend qu’elle doit aussi porter le vœu de chasteté d’Ananda. […] De lui sortiront, comme on peut le voir sur notre tableau, les motifs d’Eva, de Sachs, du concours, de Nuremberg, des apprentis, de Beckmesser, et des maîtres eux-mêmes : ou, si l’on préfère, on le trouvera dans l’amour d’Eva, dans le renoncement tendre et généreux de Sachs, sa jeune poésie populaire et son ardent amour pour ce qui possède vie et passion, dans la mâle poésie de Walther, dans la hardie et saine volupté de son chant, auquel il devra Eva et le titre de maître, dans la joyeuse et bonne vie du peuple de Nuremberg qui décidera des prix et comprendra Walther, dans l’amoureuse sérénade de Beckmesser, dans la ronde des apprentis, dans la fête de la Saint-Jean, et de proche en proche dans la marche des Maîtres.
Ils blâment toutes ces inventions qui ont pour but de mieux faire ressembler le drame à la nature, l’emploi de l’anapeste pour le chœur, de l’ïambe pour le dialogue et du trochée pour la passion, de même qu’on a plus tard blâmé dans Shakespeare le passage de la poésie à la prose, et dans le théâtre du dix-neuvième siècle ce qu’on a appelé le vers brisé. […] Deux problèmes, en effet, sont en présence : en pleine lumière, le problème bruyant, tumultueux, orageux, tapageur, le vaste carrefour vital, toutes les directions offertes aux mille pieds de l’homme, les bouches contestant, les querelles, les passions avec leurs pourquoi ?
De sorte que l’on a une espèce de passion préconçue pour La Fontaine et qu’on veuille en faire, du moins pendant cette période de sa jeunesse, un homme sans défaut, un homme impeccable, on accuse naturellement MIIe de La Fontaine. […] Fouquet, pour les raisons que vous savez, pour des raisons très sérieuses, les historiens en sont sûrs, Fouquet tomba, cet homme que nous ne pouvons pas nous empêcher, non seulement de plaindre mais d’aimer ; car il était charmant, Fouquet ; il était tout à fait un Italien, un grand seigneur italien du seizième siècle : il aimait les arts, il aimait les lettres, il aimait les choses somptueuses, il aimait les grandes architectures, les appartements magnifiques, il aimait la conversation des femmes élégantes et distinguées, il aimait la conversation des poètes, tout ce qui était beauté était l’objet des amours et des passions de Fouquet.
Selon eux, par nécessité, Sans passion, sans volonté : L’animal se sent agité De mouvements que le vulgaire appelle Tristesse, joie, amour, plaisir, douleur cruelle, Ou quelque autre de ces états. […] Il est un classique supérieur et voilà tout ; car ma définition du classique est celle-ci : le classique est un homme qui a des qualités de romantique, car il lui faut de l’imagination, de la sensibilité ; qui a des qualités de réaliste, qui a l’observation du réel avec passion, avec une fidélité passionnée — et qui, avec cela, a du goût.
Sa passion ne l’empêche pas de rendre justice aux ennemis et adversaires quand ils tombent ; et celui qui s’est montré pamphlétaire envenimé dans la Confession de Sancy, implacable insulteur dans Les Tragiques, parle de Charles IX et de Henri III dans son Histoire en des termes qui ne sont que modérés : Voilà la fin de Henri troisième, dit-il après l’assassinat de Saint-Cloud, prince d’agréable conversation avec les siens, amateur des lettres, libéral par-delà tous les rois, courageux en jeunesse, et lors désiré de tous ; en vieillesse, aimé de peu ; qui avait de grandes parties de roi, souhaité pour l’être avant qu’il le fût, et digne du royaume s’il n’eût point régné : c’est ce qu’en peut dire un bon Français.
L’abbé de Saint-Pierre eut, une fois, une passion extraordinaire qui lui fit faire des folies ; mais pour qui ?
Mais ce sont là des formes de passions et comme de maladies, que les jeunes talents doivent presque nécessairement traverser ; ils deviennent d’autant plus mûrs qu’ils s’en dégagent plus complètement.
Fénelon accorde ensemble les sentiments doux et purs avec des images qui doivent leur appartenir ; Bossuet, les pensées philosophiques avec les tableaux imposants qui leur conviennent ; Rousseau, les passions du cœur avec les effets de la nature qui les rappellent ; Montesquieu est bien près, surtout dans le Dialogue d’Eucrate et de Sylla, de réunir toutes les qualités du style, l’enchaînement des idées, la profondeur des sentiments et la force des images.
Est-ce que nous avons allumé une de ces guerres révolutionnaires qui flattent un moment les passions militaires d’un peuple, mais qui font crier le sang des nations contre leurs auteurs longtemps après que ce sang est tari ?
Mais de plus, la littérature était le terme de toutes les pensées de Boileau, sa passion et sa vie.
La Grèce qu’il, aime, où il vit, c’est la Grèce aimable, légère, joyeuse de vivre, absorbant avidement de ses sens subtils tout ce que la nature a répandu de beautés et de plaisirs dans l’air, dans la lumière, dans les lignes des monts et la mobilité des îlots ; la Grèce des joies physiques et des passions naturelles, primitivement sensuelle ou voluptueuse avec raffinement, la Grèce homérique, alexandrine ou gréco-romaine, épique, idyllique, élégiaque.
Que Larroumet ait donné à son auteur un peu de cette sympathie complaisante à laquelle, quand on passe quatre ou cinq ans en tête à tête avec un écrivain, on n’échappe que par la haine et en concevant la passion de le démolir : c’est bien possible.
Seulement s’il a connu, jeune, l’adoration mystique de la ligne, il a eu aussi la folle passion de la couleur.
On voit que sur le théâtre des Gelosi et dans les comédies même, l’élément comique ne prévalait pas exclusivement ; le sentiment, la passion et le drame y tenaient une bonne place ; la bouffonnerie n’y était souvent qu’accessoire et épisodique, et ainsi mesurée elle n’en produisait sans doute qu’un plus grand effet.
Or un pareil personnage ne sait pas au juste lui-même si des passions altruistes l’animent ou si sa tentative n’est qu’un passe-temps décoratif et émouvant.
« Chacun, dit Nietzsche, se tient pour libre là où son sentiment de vivre est le plus fort ; partant, tantôt dans la passion, tantôt dans le devoir, tantôt dans la recherche scientifique, tantôt dans la fantaisie.
Entre les deux objectifs de la politique, grandeur des nations, bien-être des individus, on choisit par intérêt ou par passion.
Mais une passion, un sentiment, une émotion, comprennent le plus souvent des éléments très divers : d’abord des phénomènes physiologiques, variables selon l’organisation, le tempérament, le sexe, etc.., mais qui n’en jouent pas moins un rôle prépondérant ; ensuite un état de plaisir ou de douleur qui est l’élément affectif proprement dit ; enfin une idée, une connaissance ; car le phénomène sensible ne peut absolument point être séparé et détaché de toute connaissance : une douleur enveloppe l’idée de ce qui la cause, une émotion implique la connaissance de son objet.
Pas une sympathie ne lui manque ; elle a en elle tout le clavier, depuis la passion jusqu’à l’ironie, depuis le sarcasme jusqu’au sanglot.
Les dons fougueux du poète de Destruction et de la Conquête des Étoiles s’y épanchent avec une libéralité sans mesure, mais quel amphithéâtre suffirait à un tel déroulement symbolique et précis des passions de l’estomac universel.
Dans les scènes dramatiques, lorsque les passions sont émues, et que tous les miracles doivent sortir de l’âme, l’intervention d’une divinité refroidit l’action, donne aux sentiments l’air de la fable, et décèle le mensonge du poète, où l’on ne pensait trouver que la vérité.
Aussi voyez ce sujet que je vous ai fait dessiner exprès d’après un marbre antique ; Persée a l’air de donner la main à Andromède pour descendre ; Andromède, plus obligée aux dieux de sa délivrance qu’à Persée, qu’elle ne regarde pas, droite, presque sans action, sans passion, sans mouvement, les regards et les mains levés vers le ciel, touchée, en actions de grâces, est debout sur une petite éminence qui ne ressemble guère à un rocher, et ce méchant petit dragon mort n’est là que pour désigner le fait.
Les anciens ne doivent pas être plus responsables des puérilitez de ces commentateurs, qu’une belle femme doit être responsable des extravagances que la passion feroit faire à des adorateurs qu’elle ne connoîtroit pas.
Elle est tout entière dans l’analyse détaillée, dans le démontage, ressort par ressort, des passions humaines.
L’histrionisme, cette passion dernière des peuples futiles, qui ne vivent plus que par les yeux et veulent des distractions pour combler l’abîme de leur ennui et de leur vieillesse, l’histrionisme l’amour dépravé des bateleurs, règne, en Chine, comme il a régné à Rome et à Constantinople et comme il règne chez tous les perdus des civilisations excessives.
Jeté par ses folies de jeune homme et les passions d’une époque qui avait aussi ses folies sur le pavé de Paris, ce bitume d’enfer qui fond les fortunes, les caractères et les courages, Gaston de Raousset, même quand il fut le plus ce qu’on appelle un franc jeune homme, ivre de ce pauvre luxe dont il eut bientôt vu la fin, éprouva toujours ces virils tressaillements intérieurs qu’éprouvent les natures héroïques quand elles sentent que l’action leur manque, l’action pour laquelle elles sont faites !
il se jeta, avec la passion enivrée d’un poète, et qui coupa et barra le flot superbe dont il était la source.
Il ne voyait pas — tout Napoléon qu’il fût — le socialisme qu’elles portent, toutes, dans leurs flancs maudits, ce socialisme qui épouvante autant par les théories qu’il construit que par les passions qu’il déchaîne, — que dis-je ?
Gasner, Cagliostro, Mesmer, ces puissants jongleurs, se jouaient de l’imagination et des passions de l’Europe incrédule… folle d’un besoin de croire qu’elle avait voulu supprimer.
On a de moins les passions et les défaillances propres à toute action humaine, l’aveuglement et le tremblement de l’action même.
Le fond de son caractère est un composé de petites passions mesquines, de vanité blessée, d’ambition inassouvie ; et, pour finir ce portrait insolent pour la fille de France, qu’il calomnie en la peignant, par une insolence qui atteigne jusqu’au Carmel où elle va entrer et jusqu’à l’Église dont elle va devenir l’édification et la gloire, l’odieux singe de Michelet ajoute : « La dernière des filles de France à la cour, elle sera dans un monastère la première des carmélites de la chrétienté !
Il n’en est rien, d’ailleurs, et voici un reproche qui affectera plus Banville que tous ceux que jusqu’ici nous lui avons adressés… Quand on n’a rien « sous la mamelle gauche », — comme disait Diderot, un matérialiste, mais qui n’avait pas la conception de la poésie de Banville, — quand on ne pense qu’à la langue et qu’on ne se préoccupe, avec passion, que de la rime, on ne laisse pas subsister des vers comme ceux-ci dans l’écusson de ses œuvres complètes, et il y en a beaucoup de pareils : Comment dire ton nom, ton nom, géant Homère !
Mais dans les autres livres de Gozlan faits par l’imagination et les autres facultés de l’auteur, à chaque ligne ne se rencontre pas moins l’esprit, sa faculté première, et quelle que soit la page, — qu’elle soit chauffée par la passion ou noyée dans les larmes de la tristesse !
Je sais comme est écrit Gil Blas et même Candide ; mais j’avoue que je n’ai jamais rien vu de pareil au verre d’eau claire du style de Manon Lescaut, qui n’a jamais été chauffé, même au bain-marie, par la passion de son auteur.
Gobineau, qui pense, et avec juste raison, qu’on ne peut plus s’intéresser à l’histoire de la décrépitude et de l’avilissement continu des peuples actuels, et que le seul intérêt et le seul mérite appartiennent à quelques individualités supérieures, — étoiles (pour parler son langage) pointant encore dans un firmament dévas té, — nous a fait un livre à plusieurs héros, dont il a décrit les passions et développé les caractères.
combien la vanité littéraire, si démesurée que soit cette passion, me paraît dans l’espèce une explication insuffisante et superficielle ! […] Il témoigne, avec une vive passion de l’écrivain pour ses idées, un désir ambitieux d’imprimer sur celles-ci une marque profondément personnelle qui devienne son titre de propriété10. […] La simple passion de vivre, quelque naturelle et légitime qu’elle soit, ne saurait avoir la vertu d’un véritable idéal. […] La fameuse purgation des passions d’Aristote n’avait probablement pas un sens bien profond sous la plume de ce philosophe ; comme on ne sait pas ce qu’il a voulu dire, on a proposé de son énigme trente-deux explications différentes. […] Ce qui les a lancés dans une carrière où leur grandeur a pu se déployer, c’est simplement cet accident : que chacun d’eux est tombé sur une tâche vaste et brillante et asm conforme à la nature de son génie pour y faire converger toutes ses passions et ses facultés.
Pour différencier la passion et l’amour, Poe évoque les images de la Vénus Uranienne et de la Vénus Dionéenne. […] Elle est d’une tendresse, sans élans de paroles, profonde et victorieuse comme l’habitude, avec des ténacités d’héréditaires passions, des souplesses cachées de tiges de lierre sous l’épaisseur des feuillures. C’est une passionnée aux mains jointes, mais si ardente que les feuillets de l’Évangile lui apparaissent semés des lettres pourpres de l’amour, et sa logique extase la mène aux portes de fer rougi de la passion. […] S’il incarne un rêve plus élevé, plus près de la raison pure et de l’éternelle passion, ce sera Axel. […] En écartant comme un léger rideau les faits proches, on retrouve l’éternelle et infinie complexité des passions, qui sont tout l’homme, toute la nature et qui ne varient guère que de mode.
Il hérite aussi de papiers, parmi lesquels il y a des correspondances amoureuses de Gautier, de Saint-Victor, de Doré, et surtout tout un gros paquet de lettres d’About, qu’il déclare tout à fait charmantes de passion et d’esprit. […] Il parle avec passion de ces pays, qui apportent une espèce d’assoupissement à la nervosité parisienne. […] Puis, Sarah vient s’asseoir à côté de moi, me dit que la pièce est pleine de passion, que le dernier tableau lui paraît superbe, et me demande de lui laisser, pour lire le quatrième et le cinquième tableau, qui n’ont pas été lus.
» Jeudi 24 janvier Larousse m’apporte la vitrine pour la collection, que je m’amuse à faire des petits objets à l’usage de la femme du xviiie siècle, objets de toilette et de travail féminin, et quand la vitrine est à peu près garnie de Saxe, de Sèvres, de Saint-Cloud, de ces blanches porcelaines à fleurettes, montées en or ou en vermeil, de ces porcelaines si claires, si lumineuses, si riantes, et d’un pimpant coup d’œil sous les glaces de la vitrine, je me demande si ma passion du Japon n’a pas été une erreur, et je pense à quelle étonnante réunion de petites jolités européennes du siècle que j’aime, j’aurais pu faire, si j’y avais mis l’argent que j’ai mis à ma collection de l’Extrême-Orient. […] Et là-dessus Daudet s’élève contre la fausseté des femmes, représentées par le roman français contemporain, comme des possédées d’éréthisme, s’élève contre la fausseté des femmes françaises décrites par le romantisme, ces femmes rugissantes, ces femmes affolées par des passions tropicales, — et nous disons qu’il y aurait un intelligent et spirituel article à faire, pour remettre la femme française de la littérature, au point réel. […] C’est alors l’époque de cette grande passion qui l’improvise boursier, un boursier s’il vous plaît, gagnant douze mille francs par mois pour la femme qu’il aime, puis bientôt la cruelle déception, qui lui fait acheter, avec l’argent de sa dernière liquidation, un bateau de pêche en Bretagne, sur lequel, il mène pendant dix-huit mois la vie d’un matelot, dans l’horreur du contact avec les gens chic. […] Et je causais avec Alfred Lenoir, de l’âge où il s’était pris de passion pour la sculpture, et il me racontait qu’à l’âge de quatorze ans, ayant eu une fièvre cérébrale, ses études avaient été interrompues, et qu’il passait sa journée à vaguer dans l’École des Beaux-Arts, dont son père venait d’être nommé le Directeur.
En cela un peu féminin, il se donne sincèrement à des passions successives dont le sourire lui dérobe le reste du monde et il se couche aux pieds de l’idole qu’il renversera demain. […] Observer la vie un peu de loin, sans prendre part au combat des intérêts, comme s’il s’agissait d’une autre race, c’est la première règle de l’écrivain réaliste ; il ne doit mettre aucune passion dans ses peintures. […] L’emblème est une figure par laquelle on matérialise, mais sous leurs noms, les idées, les passions, les vertus des hommes, ainsi que les abstractions pures, et surtout l’âme qui alors se trouve dédoublée et jouant dans la vie son rôle d’âme vis-à-vis du corps qui joue son rôle de corps. […] Dans les pages parfaites, la pureté est délicieuse, nuancée comme un humide ciel flamand, transparente comme l’air du soir au-dessus des dunes et des canaux ; dans toutes, on a l’impression d’une constante recherche d’art, d’une passion charmante pour les nouvelles manières de dire l’éternelle vie. […] Confiant dans sa propre valeur, l’initié n’est aucunement exclusif ; il s’allie volontiers, initié d’un art, avec l’initié d’une science, et parfois, à ces fréquentations, il élargit assez son esprit pour que plusieurs passions intellectuelles s’y développent et parlent.
La sensibilité sera en équilibre instable, prête à s’exalter ou à se déprimer sous le moindre prétexte ; ce seront de brusques explosions d’enthousiasme, d’allégresse triomphante ou des désespoirs, des prostrations absolues ; toutes les passions prendront le ton lyrique. […] Il y a dans la vie, telle qu’elle est, un élément de poésie pure ; ce sont toutes les affections, toutes les tendresses, toutes les passions généreuses, toutes les nobles aspirations, dont seul un pessimisme injuste pourrait nier l’existence ; c’est toute la vie du cœur. […] Le drame demande du mouvement, de la passion, des conflits d’âme, non de la contemplation et du rêve. […] Tous les mouvements de la passion qu’il éprouve pour son compte ou qu’il prêle à son personnage imaginaire, élans ou prostrations, tensions et détentes, auront leur contrecoup dans le tracé de sa phrase mélodique ; ils s’y inscriront comme dans un graphique ; ils détermineront les intonations de ce chant intérieur, thème initial, toujours improvisé, qu’ensuite on développe à loisir. […] Le seul fait de composer un poème suppose un certain calme, une possession de soi, un souci d’art, incompatible avec les crises de la passion.
Les luttes de violence décèlent plutôt les impulsifs tourmentés, aux passions impétueuses, dont la personnalité est assez forte et assez socialisée cependant pour ne pas laisser ces passions déborder et s’étaler sans chercher à les contenir.
Ce n’est pas sans doute un hasard si avec ces plébéiens, qui ont lutté, peiné, souffert, apparaissent un langage plus rude, des passions plus ardentes, des instincts de révolte et des tendances égalitaires. […] Si l’on essaie de résumer l’effet produit sur l’esprit des écrivains par la tutelle des puissances établies, on peut dire qu’en général elle encourage l’art pour l’art, l’art élégant, aimable, soigné, occupé surtout à se parer, voilà pour la forme, et la pensée docile, réservée, soumise avec passion ou résignation, dénuée de hardiesse et fréquemment de franchise, voilà pour le fond des idées.
Le sacrifice que l’on fait à une courtisane, en s’excommuniant du monde avec elle, doit supposer une passion profonde, fatale, infinie. […] Comme si le fatal privilège des passions qu’allument « les yeux pleins d’adultères » dont parle saint Paul, n’était pas précisément d’anéantir pour longtemps, dans l’âme qu’elles foudroient, la possibilité des chastes amours.
Ce qui reste d’une théorie bruyante et ambitieuse, après les jours de passion et de lutte, c’est précisément l’idée juste et modeste qu’elle recelait dans ses fondations. […] Il est vrai que la passion littéraire n’était pas la seule qui animât Chénier contre Chateaubriand.
Les faces impassibles des Parisiens cachant des angoisses, des joies, des navrances devinables, tout ce luxe de passions et de choses le captive. […] pour une âme trop tanguée Des baisers sont des passions.
Cette scène, que j’accepterais sans bégueulerie si elle était passée aux flammes de la passion, purificatrices comme le feu, mais que j’accuse de la plus dégoûtante indécence, est surtout impossible par la raison que toute femme assez affolée pour, comme la femme de Putiphar, déchirer le manteau d’un homme, oublie tout, quand la terrible furie de ses sens l’emporte, ne songe point à parler alors, comme un vieux et froid faiseur d’éroticum, d’Amphitrite qui s’est livrée au cyclope, d’Urgèle qui s’est livrée à Bugryx, de Rhodope qui a aimé Phtah (l’homme à la tête de crocodile), de Penthésilée, d’Anne d’Autriche, de madame de Chevreuse, de madame de Longueville, et ne se livre pas, en ce moment décisif et décidé, au plaisir érudit de faire, qu’on me passe le mot ! […] Ce n’était pas, ce ne pouvait pas être le rire, et si, par une hypothèse que je n’accorde pas, cette douloureuse et cruelle hideur avait pu produire l’irrésistible rire, ce n’est pas du rire que peut naître jamais l’amour ni même le désir, et Josiane, sérieuse comme la passion et comme le vice, n’aurait jamais aimé Gwynplaine.
Quand le Christ dit dans sa Passion : « Mon Père, que votre volonté soit faite et non la mienne », ce n’est pas la volonté de l’âme qu’il oppose à celle de Dieu, c’est la volonté ou plutôt l’invincible instinct de la nature qui gémit et réclame. […] Pourquoi la morale se laisse-t-elle ramener, elle aussi, à une simple théorie mécanique des passions où il n’est plus question de liberté, de droit et de devoir ?
Pourquoi ne pas supposer que ces hommes sages et, ce me semblea, exempts de passion, avaient à cœur en effet de maintenir en France la religion de nos pères, et qu’ils estimaient le rétablissement en question un contrepoids utile à cette confédération formée et à cette petite république protestante qui subsistait au sein de l’État ?
Il porte dans son esprit je ne sais quelle vision apocalyptique qu’il promène devant lui et qu’il projette dans les différentes sphères d’idées et de passions qu’il traverse.
Les mondains spirituels et malins lui pardonnent peu cependant de s’être laissé duper par Louis XIV et Mme de Montespan, ou plutôt par la passion du cœur, et pour avoir vu les deux amants bien et dûment confessés, absous et admis à la réconciliation pendant un jubilé, de les avoir crus si solidement convertis qu’ils pussent ensuite se revoir à la Cour sans danger, devant témoins.
Jésus-Christ a changé le monde par l’Évangile ; quiconque n’écrit pas dans le sens de l’Évangile est l’ennemi de Dieu et des hommes, bien plus que la créature faible qui succombe à ses passions.
Ainsi nous avons ici affaire à un poëte de talent et de pensée, qui ne dit non ni à la science, ni à la philosophie, ni à l’industrie, ni à la passion, ni à la sensibilité, ni à la couleur, ni à la mélodie, ni à la liberté, ni à la civilisation moderne.
Peintre immortel de la passion, mais surtout peintre naïf, cette naïveté survivait sans doute chez lui aux autres traits et dominait dans sa personne.
Ce naturel est gaulois, trop gaulois, dira-t-on, c’est-à-dire peu moral, médiocrement digne, exempt de grandes passions et enclin au plaisir.
Donc la querelle, qui venait ensuite, si elle n’était plus une vive entrée en matière, devenait un coup de théâtre émouvant : intéressés à la passion des jeunes gens, nous sommes plus touchés de la dispute des pères ; mais voir entrer deux hommes, qu’on ne connaît pas, dont on ne sait rien, qui ne nous sont rien, et les entendre échanger des insolences et des injures, c’est vif, si l’on veut : mais d’effet dramatique, je n’en vois pas.
Mais les anciens leur apprirent du moins la valeur de la technique, et leur inspirèrent la passion de perfectionner l’instrument que la langue et l’usage mettaient à leur disposition.
La vie et la passion de Jésus, contées à sa façon par Blandine, — en un récit naïf, décousu et ardent, tout à fait convenable à la simplicité et à l’imagination passionnée d’une esclave ignorante, — décident instantanément le jeune Ponticus, ce pendant qu’Attale et Æmilia cèdent à la première exhortation de l’évêque Pothin.
Pour parler dignement de l’outil qui sert si bien cette passion du Beau, je veux dire de son style, il ne faudrait jouir de ressources pareilles, de cette connaissance de la langue qui n’est jamais en défaut, de ce magnifique dictionnaire dont les feuillets, remués par un souffle divin, s’ouvrent toujours juste pour laisser jaillir le mot propre, le mot unique, enfin de ce sentiment de l’ordre qui met chaque trait et chaque touche à sa place naturelle et n’omet aucune nuance.
Poncelet était l’un des esprits les plus intuitifs de ce siècle ; il l’était avec passion, presque avec ostentation ; il regardait le principe de continuité comme une de ses conceptions les plus hardies, et cependant ce principe ne reposait pas sur le témoignage des sens ; c’était plutôt contredire ce témoignage que d’assimiler l’hyperbole à l’ellipse.
Vers l’an 28 de notre ère (quinzième année du règne de Tibère), se répandit dans toute la Palestine la réputation d’un certain Iohanan ou Jean, jeune ascète plein de fougue et de passion.
Il s’y dépensait une somme énorme de passion.
La vérité matérielle a très peu de prix pour l’oriental ; il voit tout à travers ses idées, ses intérêts, ses passions.
C’était dans cette obscure région des phénomènes primitifs de la vie affective, qu’il fallait chercher les germes des plaisirs, douleurs, passions de toute sorte, que le jeu de la vie féconde, transforme, affine incessamment.
Et, disons-le ici en passant, le pouvoir, par un assez lâche calcul, s’était flatté d’avoir pour auxiliaires, dans cette occasion, jusque dans les rangs de l’opposition, les passions littéraires soulevées depuis si longtemps autour de l’auteur.
Et, comme de telles intelligences sont toujours complètes, on sent dans le drame un d’Eschyle se mouvoir toute la liberté de la passion, et dans le drame répandu de Shakespeare converger tous les rayons de la vie.
Le langage sans doute est un intermédiaire ; la sympathie et l’amour sont des liens, une multitude de consciences peuvent vibrer à l’unisson, comme il arrive dans l’enthousiasme et dans l’énergie des passions populaires ; enfin il y a entre tous les hommes un lien intime et secret, une essence commune, et, comme on l’a dit, une solidarité qu’il ne faut pas oublier ; mais, si intime que soit ce lien, il ne va pas, il ne peut aller jusqu’à effacer la limite qui sépare radicalement les esprits, à savoir ce caractère essentiel d’être présent à soi-même, ce qui implique que l’on ne peut être en autrui comme l’on est en soi.
J’aurai soin de m’éclaircir de la chose, et je vous en manderai le détail7. » Ménage, dont les lumières eussent été si utiles à l’Académie, et à qui elle préféra Bergeret, écrivit dans ses Anas (tome 1er, p. 97) : « L’Académie tout entière a été sacrifiée à la passion de quelques uns de son corps.
C’est ainsi que moi-même aujourd’hui je suis transfuge du ciel et voyageur errant. » Cette fiction cependant et bien des vers çà et là conservés par Aristote, sur la puissance des éléments et les passions allégoriques dont Empédocle anime la matière, ne nous permettraient pas de le ranger parmi ceux qu’on a nommés ingénieusement les prophètes de la science.
Je me sens traverser à nouveau avec des orgueils de lutte cette Aventure spontanée d’esprits comme en évasion et avides vers tous les points de la sensation ou de la connaissance, tendus en aspirations diverses mais, toutes, qui s’exaspèrent à pénétrer le Verbe de toute la passion de notre être. […] René Ghil était des plus inconnus, n’étant point des cénacles qui existaient alors à Montmartre et sur la Rive gauche… ». « Dès l’apparition de son livre, reprend-il, on le discuta avec passion ». […] Le nez s’accusait droit et mince, aux ailes sans passions. […] Je crois avoir éprouvé là toute l’âme sincère, illogique, mal coordonnée et, dirons-nous, un peu monstrueuse, de ce grand et inégal poète, qui, à travers ses erreurs et les sautes de passion de quelque Double qui le posséda occultement, aura été pourtant une aspiration douloureuse vers la pureté et l’ordre ! […] Lorsque tout le Parnasse tend au soin noble et précieux du mot et de l’image, en quoi d’ailleurs il perd contact avec la réalité et la vie, Baudelaire, lui, entre avec passion dans la vie qu’il veut étrange et pantelante.
L’homme l’aperçoit d’abord, mais il ne l’aperçoit que comme un éclair dans la nuit profonde des passions primitives ; il la voit sans cesse violée et à tout moment effacée par le désordre des passions et des intérêts contraires. Ce qu’il a plu d’appeler l’état de nature n’est qu’un état de guerre, où règne le droit du plus fort, et où l’idée de la justice n’intervient guère que pour être foulée aux pieds par la passion. […] Comme les deux autres, il est l’œuvre de l’intelligence et de la liberté de l’homme, travaillant, ici sur une nature rebelle et sur des passions effrénées, là sur des beautés grossières. […] Sans l’industrie, sans une certaine sécurité du côté du monde extérieur, sans l’État, sans l’assujettissement des passions au joug des lois, tout exercice régulier de la pensée est absolument impossible. […] Notre Corneille procède autrement94, parce qu’il se propose un but différent et ne veut peindre la nature humaine que dans sa grandeur, aux prises avec la passion et en triomphant.
J’ai donné ma pensée entière, avec passion peut-être mais en toute sincérité. […] Enfin sa malédiction flambe sur le mystère inane de l’hostie, se rue contre le Dieu qui exige qu’on réprime la chair et lance à la face du Galiléen toute la rancune des passions refoulées. […] Écrivain agréable, dilettante avec des retours de passion, il intéresse lorsqu’il se fâche. […] Je trouve ces préoccupations un peu puériles ; je pense même que les accessoires trop exacts détournent l’attention du spectateur du jeu des passions vers des objets nullement nécessaires au développement du drame et qu’il se préoccupe dès lors de vérifier. […] Pour lui, les poètes devraient faire des féeries, se confiner dans le rêve, ne pas tenter le rendu des passions.
La pauvreté n’est plus un idéal, peut-être parce que la liberté n’est plus une passion. […] Chateaubriand avait la passion d’écrire. […] Le langage des passions. — La Motte. […] Tourbillon des passions. — Le Batteux. […] Sauf quand la passion personnelle fut eu jeu.
Une passion commune de connaître la Perse et d’en faire de plus exactes et plus amples relations qu’on n’avait encore faites nous lia d’abord d’amitié, et nous convînmes, l’année suivante, de faire aussi, à frais et à soins communs, une description de la ville capitale, où rien ne fût omis de ce qui serait digne d’être su. […] Soixante années de bons services rendus à Votre Majesté et à ses prédécesseurs, et son extrême vieillesse, valent bien qu’on lui pardonne quelque faute ; toutefois, s’il en a fait de telle nature qu’elle exige punition, ôtez-lui sa charge, et laissez à la mort, qui est si proche de lui, à lui ôter la vie. » Le roi lui répondit: « Anâ kanum 18, duchesse, ma mère, son affaire est faite ; il vient de mourir. » Les femmes, dans tout l’Orient, surtout celles de qualité, ne s’étudient point à réprimer les passions, ce qui fait qu’elles en sont toujours agitées avec fureur. […] Vous ne pouvez donc pas sans injustice ou, pour mieux dire, sans une noire trahison, oublier l’aîné et le sacrifier et à vos passions et aux intérêts de son cadet.
La haine est reine dans la hiérarchie des sentiments littéraires ; la littérature est peut-être avec la religion la passion abstraite qui secoue le plus violemment les hommes. […] L’accord est plus facile avec des dieux qui furent des hommes ou qui, du moins, font figure d’hommes, par leur corps, même perfectionné, par leurs passions, leurs amours ; et presque toute la religion tourne autour de cet acte simple et moral, le contrat. […] Il n’y a pas d’amour qui ne désire l’amour et qui ne l’exige au fond de soi : sainte Thérèse veut être aimée alors même qu’elle sacrifie ses joies à sa passion. […] Cette permission leur est accordée, de crainte qu’ils ne satisfassent leurs passions par des moyens contre nature ; des maîtresses matrones et des maîtres vieillards pourvoient aux besoins charnels de ceux qu’un tempérament plus ardent stimule davantage. […] Quand on barre un fleuve, il déborde ; quand on comprime une passion, elle déraille.
Je l’ai ici dans un fidèle et charmant portrait de Mlle Stéphanie de Virieu, la sœur de notre ami commun, Aymon de Virieu, chez qui nous passions l’été en Dauphiné, au pied des monts de la Grande Chartreuse ; cette jeune personne, le Van Dyck à la sépia des femmes, fit son portrait pour moi, et le même pour lui aussi. […] Ses maîtres s’en défiaient ; ils le regardaient comme un redoutable génie qui tournerait en bien ou en mal suivant la passion qui le saisirait au passage.
Un penchant violent à la luxure, une gourmandise raffinée, une malheureuse passion pour la littérature ou la musique, un amour sans réciprocité peuvent susciter des désirs très vifs. […] Au point de vue de l’individu c’est sa passion dominante qui doit être satisfaite.
Saint-Marc Girardin, comparant l’Orphelin de la Chine de Voltaire à l’original chinois, a fort bien fait ressortir comment la passion et le pathé-tique disparaissent dans le système chinois, pour devenir calcul du devoir, comment la famille y disparaît comme affection en devenant institution 96. […] Le vrai sens des choses n’est possible que pour celui qui se place à la source même de la beauté, et, du centre de la nature humaine, contemple dans tous les sens, avec le ravissement de l’extase, ces éternelles productions dans leur infinie variété : temples, statues, poèmes, philosophies, religions, formes sociales, passions, vertus, souffrances, amour, et la nature elle-même qui n’aurait aucune valeur sans l’être conscient qui l’idéalise.
Avant de répondre à ces questions, rappelons-nous les moments où, à notre époque, la belle passion des lettres fut manifeste. […] Je vous ai parlé tout à l’heure de la hardiesse de votre esprit et de votre vive sensibilité à toutes les passions d’alentour.
Il y a dans le monde des brins d’herbe et des arbres, parmi les algues, parmi les nénuphars, parmi les palmiers, dans tout ce qui est, dans tout ce qui respire, dans tout ce qui s’épanouit sous le soleil, dans toute plante, dans tout métal, dans tout animal, il y a des amours, des antipathies, des passions, des affinités, en un mot, qui méritent qu’on les raconte et qui sont faites pour nous surprendre. […] Les héros de ces temps peu regrettables sont morts ; leurs passions, leurs mœurs, leurs religions sont mortes aussi.
Cela bien entendu, elle veut le vrai dans l’éducation dès le bas âge : « Point de contes aux enfants, point en faire accroire ; leur donner les choses pour ce qu’elles sont. » — « Ne leur faire jamais d’histoires dont il faille les désabuser quand elles ont de la raison, mais leur donner le vrai comme vrai, le faux comme faux. » — « Il faut parler à une fille de sept ans aussi raisonnablement qu’à une de vingt ans. » — « Il faut entrer dans les divertissements des enfants, mais il ne faut jamais s’accommoder à eux par un langage enfantin, ni par des manières puériles ; on doit, au contraire, les élever à soi en leur parlant toujours raisonnablement ; en un mot, on ne peut être ni trop ni trop tôt raisonnable. » — « Il n’y a que les moyens raisonnables qui réussissent. » — Elle le redit en cent façons : « Il ne leur faut donner que ce qui leur sera toujours bon, religion, raison, vérité. » Dans un siècle où sa jeunesse pauvre et souriante avait vu se jouer tant de folies, tant de passions et d’aventures, suivies d’éclatants désastres et de repentirs ; où les romans des Scudéry avaient occupé tous les loisirs et raffiné les sentiments, où les héros chevaleresques de Corneille avaient monté bien des têtes ; où les plus ravissantes beautés avaient fait leur idéal des guerres civiles, et où les plus sages rêvaient un parfait amour ; dans cet âge des Longueville, des La Vallière et des La Fayette (celle-ci, la plus raisonnable de toutes, créant sa Princesse de Clèves), Mme de Maintenon avait constamment résisté à ces embellissements de la vérité et à ces enchantements de la vie ; elle avait gardé son cœur net, sa raison saine, ou elle l’avait aussitôt purgée des influences passagères : il ne s’était point logé dans cette tête excellente un coin de roman. « Il faut leur apprendre à aimer raisonnablement, disait-elle de ses filles adoptives, comme on leur apprend autre chose. » Et de plus, cette ancienne amie de Ninon savait le mal et la corruption facile de la nature ; elle avait vu de bien près, dans un temps, ce qu’elle n’avait point partagé ; ou si elle avait été effleurée un moment, peu nous importe, elle n’en était restée que mieux avertie et plus sévère.
Nous assistons, grâce au journal de Le Dieu, aux derniers sermons de Bossuet, qu’il prêche à l’âge de soixante-quatorze et soixante-quinze ans : le 1er novembre 1701, jour de la Toussaint, « il recueille les restes de ses forces pour exciter les cœurs à l’amour de Dieu, dans un sermon de la béatitude éternelle. » Une autre fois, le 2 avril 1702, dimanche de la Passion, il fait un grand sermon dans sa cathédrale pour l’ouverture du jubilé : Il réduit tout à ce principe : Cui minus dimittitur, minus diligit, que plus l’Église était indulgente, plus on devait s’exciter à l’amour pour mériter ses grâces et parvenir à la vraie conversion.
La vie ne paraît qu’un instant auprès de l’éternité, et la félicité humaine, un songe ; et, s’il faut parler franchement, ce n’est pas seulement contre la mort qu’on peut tirer des forces de la foi ; elle nous est d’un grand secours dans toutes les misères humaines ; il n’y a point de disgrâces qu’elle n’adoucisse, point de larmes qu’elle n’essuie, point de pertes qu’elle ne répare ; elle console du mépris, de la pauvreté, de l’infortune, du défaut de santé, qui est la plus rude affliction que puissent éprouver les hommes, et il n’en est aucun de si humilié, de si abandonné, qui, dans son désespoir et son abattement, ne trouve en elle de l’appui, des espérances, du courage : mais cette même foi, qui est la consolation de misérables, est le supplice des heureux ; c’est elle qui empoisonne leurs plaisirs, qui trouble leur félicité présente, qui leur donne des regrets sur le passé, et des craintes sur l’avenir ; c’est elle, enfin, qui tyrannise leurs passions, et qui veut leur interdire les deux sources d’où la nature fait couler nos biens et nos maux, l’amour-propre et la volupté, c’est-à-dire tous les plaisirs des sens, et toutes les joies du cœur… Vauvenargues avait vingt-quatre ans quand il écrivait ces lignes.
il est poète, quoiqu’il n’ait pas la sainte fureur, ni cet aiguillon de désir et d’ennui, qui a été notre fureur à nous, le besoin inassouvi de sentir ; bienqu’il n’ait pas eu la rage de courir tout d’abord à toutesles fleurs et de mordre à tous les fruits ; — il l’est, bien qu’il ne fouille pas avec acharnement dans son propre cœur pour y aiguiser la vie, et qu’il ne s’ouvre pas les flancs (comme on l’a dit du pélican), pour y nourrir de son sang ses petits, les enfants de ses rêves ; — il l’est, bien qu’il n’ait jamais été emporté à corps perdu sur le cheval de Mazeppa, et qu’il n’ait jamais crié, au moment où le coursier sans frein changeait de route : « J’irai peut-être trop loin dans ce sens-là comme dans l’autre, mais n’importe, j’irai toujours. » — Il l’est, poète, bien qu’il n’ait jamais su passer comme vous, en un instant, ô Chantre aimable de Rolla et de Namouna, de la passion délirante à l’ironie moqueuse et légère ; il est, dis-je, poète à sa manière, parce qu’il est élevé, recueilli, ami de la solitude et de la nature, parce qu’il écoute l’écho des bois, la voix des monts agitateurs de feuilles, et qu’il l’interprète avec dignité, avec largeur et harmonie, bien qu’à la façon des oracles.
On peut dire que, sur cet échiquier hérissé, il faisait la guerre pour la guerre, avec passion, avec verve.
Cette passion qu’il eut d’abord pour la géométrie, M.
. — Trop empreint d’ailleurs du langage et des passions du temps, ce volume renferme quelques bons traits qui ne sont que là et qui portent leur cachet d’authenticité.
Bossuet apprécie dignement cette juste et forte proportion que portait en tout cette Grèce heureuse ; il loue chez elle la passion de la liberté et de la patrie comme s’il n’était pas l’auteur de la Politique sacrée.
Cette licence n’est pardonnable que dans la rapidité de la passion…, mais dans un discours médité, cet étranglement me révolte. » Même en vers et dans le sent ment vif, il ne faut pas abuser de l’étranglement.
Cette ironie sans trêve, sans passion et sans choix, c’est proprement la « blague ».
En un mot, c’est ici où cet incomparable Scaramouche, qui a été l’ornement du théâtre et le modèle des plus illustres comédiens de son temps qui avaient appris de lui cet art si difficile et si nécessaire aux personnes de leur caractère, de remuer les passions, et de les savoir bien peindre sur le visage (c’est une allusion à Molière) ; c’est ici, dis-je, où il faisait pâmer de rire pendant un gros quart d’heure dans une scène d’épouvante où il ne proférait pas un seul mot.
Mais dans Heredia lui-même nous trouvions tout à l’heure des vers de passion intense.
Les conjoints se promettent, à cet effet, d’être dorénavant « uns et communs en tous leurs désirs, actions, passions et intérêts généralement quelconques », le tout pour le plus grand bien de l’État et la conservation du roi et du royaume.
Walckenaer, frais, vif, rose et riant, peint par Greuze, menant de front les plaisirs et le travail, ardent à l’étude, au monde, à la société, sensible aux passions, présentant l’image d’une jeunesse à la fois sérieuse et amoureuse ; nous ne pouvons que le deviner, mais littérairement il se trahit, et toujours il gardera dans son style, dans sa manière de dire, même quand il voudra peindre le siècle de Louis XIV, quelque chose de ce qui caractérise l’époque de Louis XVI.
La pensée du moi, surtout du moi idéal, nous arrache à la fatalité de la passion et à son impulsion brutale ; elle étend notre vie au-delà des limites de l’heure présente et même de l’existence présente : elle nous permet d’agir sub specie æterni.
L’épuisement des grandes conceptions peut avoir jeté les esprits dans l’histoire ; mais ce n’est pas la passion de l’histoire qui appauvrit la puissance de l’invention.
Bersot : « Notre langue est bien française… elle mérite bien qu’on la recommande à ceux qui la parlent pour qu’ils l’aiment, la respectent et en soient fiers devant l’étranger… Elle est ce que l’écrivain la fait, ou plutôt elle est ce qu’il est, s’empreint de son génie et de sa passion ; elle est à la fois langue de Racine et de Corneille, de La Rochefoucauld et de La Fontaine, de Voltaire, de Rousseau, de Sévigné, de Fénelon, de Pascal, de Bossuet, ne résistant qu’à ceux qui risquent d’altérer sa clarté ou qui prétendent forcer son incomparable justesse.
C’est un très-bel usage en Allemagne que celui d’envoyer les pièces des procès les plus compliqués, les plus délicats, à quelque faculté de droit d’une université, en supprimant le nom des parties, et faisant ainsi juger le procès sous des noms supposés par la faculté ; c’est-à-dire par une assemblée de jurisconsultes, qui, ne connaissant aucun des intéressés, sont nécessairement exempts de tout soupçon de partialité, de tout parti, de toute passion quelconque qui se glisse quelquefois dans les jugements des hommes les plus intègres d’une manière imperceptible, et à eux-mêmes inconnue.
On comprend que, au xviie siècle, à l’époque où le goût du gros comique allait jusqu’à travestir la Passion de Notre-Seigneur en vers burlesques (1649), on se soit moqué de ces titres ridicules chers aux dévots.
Mais ne raisonnons point d’après ce qui se passe en Asie ; les passions humaines existent partout : là elles s’épuisent sur des individus, ailleurs c’est sur les choses ; toujours les hommes périssent.
Humouriste à teintes adoucies et pures, dans une contrée où l’humour a des tons criards et je ne sais quelle hagarde ivresse, il ne doit la transparence de son sourire et la limpidité de ses larmes qu’à la chasteté du sentiment chrétien qui ne l’abandonne jamais, et, sur les limites de la passion où parfois il glisse, se rappelle encore à lui par une rougeur… Ascète adorable, qui donnerait des charmes inattendus à l’Austérité et qui s’est peint en trois traits, lui et son talent, quand il a dit : « Que faut-il à « un homme pour être heureux ?
Rien de plus naturel que cette première passion.
Son idée de la passion, de l’énergie tenues pour valeurs suprêmes et fixées pour les sens par la nature italienne, il faut l’accepter pour une idée musicale, à la fois très intérieure à Stendhal et détachée de lui.
C’est une question immense, confuse, pleine d’obscurités, et que les passions vont obscurcir encore. […] dit Napoléon ; que vous connaissez peu les hommes et les passions ! […] Mais la passion a des droits éternels, qu’elle ne perd jamais. […] Au fond, ils sont troublés, l’orgueil les agite ; c’est une passion malheureuse, parce que tout au monde la contrarie. […] Aussi l’humanité ne s’attache-t-elle guère avec passion qu’aux œuvres d’art ou de poésie dont quelques parties sont obscures et susceptibles d’interprétations diverses.
Il avoit conçu pour Éléonore d’Est, sœur d’Alphonse, duc de Ferrare, une passion si violente, qu’elle alloit jusqu’à la démence. […] Elle se prit également pour lui de la passion la plus tendre : rien ne doit moins étonner. […] Le cours de ses études fini, à peine entre-t-il dans le monde, qu’il se livre à toutes les passions, & principalement à celle de l’amour. […] Ce sont eux que la passion anime, & qui soufflent l’esprit de discorde ». […] La passion y tient lieu d’art, d’esprit, de méthode & de vérité ».
Et avec Daudet, nous disons, qu’il faudrait renouveler la pantomime, jeter à l’eau tous les gestes rondouillards, tous les gestes qui racontent, et ne garder que les gestes de sentiment, les gestes de passion, auxquels Margueritte mettrait les grandes lignes de sa pantomime, — et nous parlions d’une pantomime sur la peur, dont ses traits savent si éloquemment rendre l’expression. […] Et quand il fut marié, et qu’il eut acheté une maison à Bellevue, il se prit, je ne sais comment, d’une passion pour la chinoiserie, et comme il n’était pas seulement un aquarelliste distingué, mais qu’il était encore très adroit de ses délicates mains, il fabriqua pour cette maison de campagne de Bellevue, tout un mobilier d’un chinois tout à fait extraordinaire pour le temps, et l’on conserve encore chez mes petits cousins de Courmont, une lanterne peinte et sculptée, qui, avec sa fine découpure, ses émaux, ses verres coloriés, ses cordelettes de soie, semble une lanterne confectionnée à Pékin. […] Mercredi 5 décembre Hier, j’ai donné un exemplaire de l’édition illustrée de La Femme au dix-huitième siècle à Réjane, qui m’a dit : « Aujourd’hui je ne suis pas belle, je n’ai pas mon ondulation de dix francs, je vous embrasserai seulement demain. » En arrivant au théâtre, on me remet d’elle un billet de remercîment tout charmant, où elle veut bien me dire, que Germinie est sa passion, et qu’elle y apportera toute la vie et la vérité qui sont en elle.
Au bout de huit jours, après une semaine donnée aux passions, aux animosités, aux colères, pour se calmer, une seconde représentation, ou si les batailles recommençaient, alors seulement l’interdiction formelle. […] » Il trouva une autre fois, une ouvrière, également contrefaite, également malade du cœur, dont la petite vierge était tout entourée de fleurs, et qui lui disait avec passion : « Oui, c’est mon aide, mon secours en ce bas monde ! […] À Barrès succède près de moi, le jeune Rosny, qui me dit être content du livre écrit, dans le moment, en collaboration avec son frère, que le livre est passionné, renfermant de la belle passion pas dramatique.
Mais d’autres fois, et lorsque je me suis trouvé en travers ou tout à côté de la passion dominante de M. […] Tissot, je n’y pus faire que deux leçons, ayant été empêché par une sorte d’émeute, née des passions et préventions politiques.
Séjournant en Suisse et dans une sorte d’exil commandé, à ce qu’il semble, par quelque passion malheureuse, il publia à Verdun, en 1777, les Aventures du jeune d’Olban qui finissent à la Werther par un coup de pistolet, et l’année suivante il publia encore, dans la même ville, un volume d’Élégies alsaciennes de plus de sentiment et d’exaltation que d’harmonie et de facture ; on y lit cette rustique approbation signée du bailli du lieu : Permis d’imprimer les Élégies ci-devant. […] Après une année environ, l’amour de l’indépendance et la passion de l’histoire naturelle ramenèrent Nodier dans son village de Quintigny.
Malebranche n’a pas été trop sévère pour ces savants « qui font de leur tête un garde-meuble, dans lequel ils entassent, sans discernement et sans ordre, tout ce qui porte un certain caractère d’érudition, et qui se font gloire de ressembler à ces cabinets de curiosités et d’antiques, qui n’ont rien de riche, ni de solide, et dont le prix ne dépend que de la fantaisie, de la passion et du hasard ». […] Tandis qu’une portion de l’humanité mènera encore la vie brutale, les malentendus et les passions pourront exploiter l’humanité barbare contre l’humanité civilisée et lâcher ces bêtes féroces sur les hommes raisonnables.
Sa place n’est pas là, il me semble… Et dans le triste recueillement, je revoyais le cher garçon, avec sa bonne figure, ses yeux limpides d’enfant s’allumant de passion, quand on parlait d’individus ou de choses qu’il n’aimait pas : une nature un peu grosse d’apparence, mais avec des délicatesses, et des tendresses curieuses en dessous, — et un lettré apportant à ses amis des lettres tout son dévouement, et sans réserve et sans restriction aucune. […] Il nous avoue sa passion théâtrale dès l’enfance.
C’est ainsi qu’il a dit encore en parlant des femmes et de l’amour-passion (car l’expression est de lui), et en convenant qu’il ne l’avait jamais éprouvé : « En France, les grandes passions sont aussi rares que les grands hommes. » À mes yeux, la vérité de l’ouvrage de M. de Meilhan consiste surtout dans cette nuance générale, relative à son moment.
C’était un congrès diplomatique qui se tenait en pleine république, chez les intéressés, et au foyer le plus ardent des passions et des discours populaires : ce qui ne rendait pas la négociation plus aisée.
Son enfance et son adolescence sont ainsi régulières, pures, et toutes dirigées dans l’avenue du temple : On ne voit pas trace d’un défaut dans son enfance ou d’une légèreté dans sa jeunesse, a dit M. de Lamartine ; il semblait échapper sans lutte aux fragilités de la nature, et n’avoir d’autre passion que le beau et le bien (et le vrai).
Je le crois bien, en lisant avec cette passion L’Iliade d’Homère, il est déjà avec les dieux mêmes et avec les héros fils des dieux.
En général, il évite d’exprimer les passions du temps et des hommes dans ce qu’elles ont de trop impétueux, de trop saillant : il pense que cela n’est pas conforme à la dignité de l’histoire.
Barbey d’Aurevilly, dans sa notice, nous l’a montrée comme une muse antique ou mieux comme une vierge chrétienne, tenant embrassé son frère : … Mais quelle grâce et quelle passion divine dans cette attitude éplorée qui résume toute une existence et la lie si étroitement autour d’une autre ; car elle l’avait bercé et elle l’a enseveli !
Il avait le roi pour lui, mais Louvois était contre ; et, de plus, en cette saison Villars était amoureux, violemment amoureux (il ne nous dit pas l’objet de cette belle passion), ce qui, sans nuire à son service, nuisait peut-être à son assiduité en Cour pendant les hivers.
Les encyclopédistes et leur entreprise, au début, sont de même jugés par lui favorablement ; mais il se liera peu avec les personnes, et n’entrera point dans les passions et les excès de la coterie.
. — Mais celui qui venait détruire la sanguinaire intolérance n’avait garde de l’imiter, il n’employa que les voies qui convenaient aux choses qu’il avait à dire et aux fonctions dont il était chargé ; et le peuple, dont toutes les passions sont des fureurs en devint moins zélé et négligea de le défendre en voyant qu’il ne voulait point attaquer.
« Fénelon, né lui-même ému, mais si fin et si calculé, dans l’embarras terrible où le mettait ce caractère, hasarda une chose, la médecine homéopathique ; contre la passion, il usa d’elle-même.
Méchancetés, indiscrétions, mensonges, faux rapports, tracasseries, toutes les bêtises de la malice humaine rassemblées dans un cercle étroit et redoublées par l’étiquette, elle éprouve tout cela dans ses relations avec sa mère, avec l’Impératrice, avec son fiancé, avec les femmes qu’on lui donne pour argus ; elle est obligée de garder des mesures avec chacun, et, malgré sa grande jeunesse et son goût vif d’amusement et de plaisir, elle s’en fait une loi : comme chez tous les grands ambitieux (Sixte-Quint, Richelieu), sa passion dominante est assez forte pour se plier à tout et s’imposer d’abord la souplesse ; son orgueil fait le mort et rampe pour mieux s’élever ; seulement, femme et charmante femme qu’elle est, elle a ses moyens à elle, et elle y met de la grâce : « Au reste, je traitais le mieux que je pouvais tout le monde, et me faisais une étude de gagner l’amitié, ou du moins de diminuer l’inimitié de ceux que je pouvais seulement soupçonner d’être mal disposés en ma faveur.
Ce n’est ni l’amour de la vérité et de la vertu, ni la passion d’une cause, ni la haine de l’hypocrisie et du charlatanisme, ni la verve du bon sens et du bon goût qui l’anime, qui le transporte et lui fait vider son carquois : c’est un besoin de revanche et de représailles toutes personnelles.
Le jeune enfant y fut livré à lui-même pendant la Terreur ; sa passion dominante était alors pour le dessin, et il copiait indifféremment, avec une égale avidité, tout ce qui lui tombait sous la main.
La passion aussi fait son chemin.
C’est partout un luxe d’élégie, une frénésie de passion, de rêve, de solitude, de roman à deux à tout prix.
On partait chaque printemps ; chaque fleur de génération, chaque élite nouvelle s’envolait à son tour à travers le monde et par les vastes espaces de la terre habitable, comme disait Homère : on allait tout droit devant soi, au hasard, à la découverte, selon les versants et les pentes, à la rencontre d’un meilleur climat, d’un plus beau soleil, en quête des terres fécondes, des moissons et des vignes là où il y en avait ; on avait pour droit sa passion, sa jeunesse, l’impossibilité de vivre où l’on était, — le droit du plus jeune, du plus fort, du plus sobre, sur les races voluptueuses et amollies.
Delavigne, de sa plus spirituelle et de sa plus correcte exécution : elle touche à des travers tout à fait présents, à des passions hier encore flagrantes, avec une indépendance d’honnête homme, avec un honorable sentiment du bien qui est, certes, aussi quelque chose, et qui passe ici de l’intention de l’auteur dans l’effet littéraire et dramatique de la pièce : on est ému de sa conviction, on sort pénétré de cette sincérité.
Relisons toutes les pièces qu’on cite : ces sonnets, ces chansons, où le pétrarquisme est traverse des élans fougueux d’une passion sensuelle, où se fond une subtilité aiguë dans la douceur lasse d’une mélancolie pénétrante, ces élégies où le néant de l’homme, la fragilité de la vie, le sentiment de la fuite insaisissable des formes par lesquelles l’être successivement se réalise, s’expriment en si vifs accents par de si graves images, ces hymnes, comme l’hymne à Bacchus qui a le mouvement et l’éclat des Bacchanales que peignaient les Italiens, ces odelettes, où la joie fine et profonde des sens aux caresses de la nature qui les enveloppe, se répand en charmantes peintures, en rythmes délicats : tout cela, c’est le tempérament de Ronsard, fortuitement favorisé par son érudition, ou bien en rompant l’entrave.
« Les idées du poëte sont les idées de tout ce qu’il y a de plus frappant dans les apparences visibles de la nature, et de tout ce qu’il y a de plus intéressant dons les passions et affections des hommes.
Mais les bons et louables esprits sont ceux qui ont dans le passé un goût bien net, une préférence bien déclarée, et qui s’en iraient tout droit par exemple à Molière, même sans s’arrêter devant Bossuet ; ce sont ceux enfin qui osent avoir une passion, une admiration hautement placée, et qui la suivent.
Si jusque-là la timidité de Louis XVI auprès de sa jeune épouse avait été extrême, sa passion à ce moment ne l’était pas moins, et cette enfant, qui en était le premier fruit, devait être en grande partie son image.
Ce sont les obstacles médiocres, les petits intérêts et les petites passions, les difficultés que notre esprit nous représente comme susceptibles d’être vaincues, qui nous irritent : alors l’impatience est comme un redoublement d’action, une exaltation de nos facultés vers le but que l’on veut atteindre.
C’était là que l’attendaient ses ennemis (car à cette date Franklin en avait beaucoup, et les passions des deux parts étaient à leur comble).
Et ce livre qui se résume en une accumulation de tableaux colorés et mouvementés, n’a pas suffi à assouvir la passion descriptive de M.
Cela veut dire : « Cléante a raison, non seulement parce qu’il raisonne bien ; mais parce qu’Orgon ne trouve pas un mot à lui répliquer ; et donc Orgon n’obéit qu’à sa passion et Cléante obéit à son jugement ».
Ces traits d’esprit révèlent une belle passion pour les lettres, et il faut avoir de soi une bien haute estime pour traiter les autres sur ce ton.
IV La paresse est la passion dominante de l’homme : s’il travaille, c’est pour parvenir au repos.
Voyez si vous trouvez pour exprimer les choses du cœur et de la pensée, plus que les vieilles images surannées, « d’autels renversés dans la fange, d’orages, de ruines qui croulent, de par vis, de feuilles sèches que disperse le vent de la mort, de la colombe qui construit son nid solitaire (pour dire le célibat), de volcans à peine fermés du sol (pour dire les passions apaisées), du forum (pour dire comme les avocats, là vie publique), de l’ange de la destinée, de la lampe de la foi, du vent, de la pluie, mais sur-« tout du vent, et pourquoi ?
Il ne fait plus partie des ingénus de la littérature à leur début, de ces petits jeunes gens qui croient inspirer des passions sérieuses aux filles perdues comme l’est la Gloire.
qu’il a fait de mal à ceux qui ne l’ont pas compris, mais qui ne l’ont pas moins prétendu suivre, le maître qui a dit autrefois : « Si Shakespeare avait fait une psychologie, il aurait dit, avec Esquirol : L’homme est une machine nerveuse gouvernée par un tempérament, disposée aux hallucinations, emportée par des passions sans frein… » Et que doit-il penser, s’il le lit, de se voir ainsi travesti par M.
Mais elle suffoquait davantage, la passion arrivait avec l’éclat brusque des œillets à l’odeur poivrée, dont la voix de cuivre dominait un moment toutes les autres. […] Bientôt il semble que la passion l’emporte ; les traits se multiplient et, par des retours subits et rapides, elle est entraînée de tous les côtés en même temps. […] C’était tout simplement un sérail composé de jeunes et jolies filles plus belles les unes que les autres, et cet héritage tombait aux mains d’un sceptique qui niait l’amour passion, ne reconnaissant que la puissance de la chair et déclarant insensé l’homme qui se contentait d’une seule femme ! […] Cette passion, annoncée comme je le fais, est chose brutale ; il faut suivre dans le livre le cours délicat de ces amours dont toutes les phases sont reproduites avec une grande délicatesse de nuances. […] Ces paroles généreuses, ces paroles inespérées, provoquèrent chez la marquise un de ces mouvements soudains, un de ces reflux violents, auxquels la passion est sujette.
Il est une disposition que la vue finale du xviiie siècle engendra en plus d’un jeune esprit, et qui avait été complétement étrangère à ce siècle lui-même, je veux dire l’impartialité, l’ouverture à tout comprendre, à ne rien sacrifier par passion dans les aspects différents de chaque objet. […] Une conformité d’âge et de goûts m’attacha à votre personne, et une liaison s’établit entre nous, malgré la supériorité que vous conserviez sur moi. » Il se mêlait à ces causeries ardentes des courses pleines de joie et de fraîcheur à travers la campagne ; car Fauriel aimait la nature, et il l’étudiait comme toutes choses ; la botanique fut d’abord et resta longtemps une de ses passions favorites. […] En s’appliquant à la composition de ses tragédies historiques indépendamment de toute règle factice, en combinant l’étude sévère et la passion, la fidélité à l’esprit, aux mœurs et aux caractères particuliers de l’époque, et les sentiments humains généraux s’exprimant dans un langage digne et naturel, Manzoni ne faisait autre chose que réaliser avec originalité le vœu déjà ancien de son ami, et donner la vie poétique aux idées qu’ils avaient autrefois agitées ensemble. […] Thierry en revenant avec charme sur ses travaux de l’année 1821, toute passion véritable a besoin d’un confident intime ; j’en avais un à qui, presque chaque soir, je rendais compte de mes acquisitions et de mes découvertes de la journée. […] Guizot en l’année 1820, lorsque cette énergique intelligence se jetait avec passion aux sérieux travaux qui feront sa gloire : il en causait à fond avec Fauriel, il lui en écrivait en plein sujet85 La verve de ces esprits décisifs et prompts à l’exécution tranche singulièrement avec l’habitude si différente et le procédé temporisateur de leur ami.
En fait d’impressions fortes, je n’en ai éprouvé de vraies que deux : dans l’enfance à treize ans, le duc de H… Je le dis par souvenir, car je ne m’en souviens plus et suppose que dans cette passion il y avait beaucoup d’exaltation préparée d’avance, dont j’avais tout plein pour toutes choses et dont je ne savais que faire. […] Mais ces avis sont superflus, rien au monde ne saurait empêcher l’événement, un homme qui a inspiré tant de passions, dépravé tant de cœurs, brisé tant de fidélités, doit fatalement se marier. […] ce n’est pas en leur ôtant le moyen de satisfaire une noble passion qu’on leur donnera l’envie de filer de la laine. […] Vous êtes un grand savant et un grand artiste, mais ce qui fait que je suis particulièrement à vos pieds, c’est votre passion de la Vérité. […] Un journal qui ne flatte aucune passion en un mot.
Le plus haut point de l’idéal tragique, dit-il, consiste dans l’opposition de deux puissances morales, harmoniques dans leur essence, mais devenues ennemies, parce qu’elles ont fait alliance avec des passions individuelles, qui, en troublant leur divine pureté, ont rompu momentanément leur accord. […] Non contente de mépriser ces poêles, elle exigeait, dans l’intolérance de sa passion, que ce mépris fût universel, et semblait le regarder vraiment comme aussi nécessaire qu’une des lois qui régissent le monde.
Rousseau, correspondances des âmes effeuillées page à page et recomposées à la fin de la vie, confidences par confidences, sans songer que la main du public les décachètera un jour ; Lettres de Cicéron, Lettres de Pline le Jeune, Lettres de Sévigné, ce grand siècle écrit jour à jour par ses reflets intimes sur l’esprit d’une femme ; Lettres de Voltaire lui-même, ces lambeaux d’une passion acharnée à la destruction d’une idée ; Lettres de Mirabeau, ces flammes échappées du volcan d’un cœur pour en incendier un autre, etc., etc. ; demandez-vous sincèrement lequel de tous ces livres a pénétré le plus profondément dans votre cœur, lequel cohabite le plus habituellement avec vous dans la solitude de vos jours avancés, lequel est devenu votre ami le plus quotidien dans vos angoisses, avec lequel vous aimez le mieux vivre, avec lequel vous aimez le mieux mourir. […] Le bonheur a voulu que, par une série de heureux hasards et de fidèle affection (celle de M. d’Aurevilly, un écrivain qui ne peut être caractérisé que par lui-même, parce qu’il ne ressemble à personne), le hasard et le bonheur ont voulu que ce journal et ces lettres n’aient pas péri dans les cendres du Cayla ; mais que des mains pieuses les aient recueillies le lendemain de sa mort pour édifier tout un siècle, et, après M. de Sainte-Beuve, moi, qui vais essayer d’inspirer à mes lecteurs la passion de les lire comme une Imitation de Jésus-Christ en action, le plus beau des livres modernes dans la plus tendre des âmes et dans le plus confidentiel des styles.
Plus tard, lorsque les passions nationales seront calmées, on pourra peut-être faire à Paris pour le drame allemand ce qu’on avait le bon sens d’y faire autrefois pour l’opéra italien : on le fera chanter en allemand. […] Je sais combien à certains moments se dressèrent de haines et de passions contraires.
Les gens qui se dépensent trop dans la passion ou dans le tressautement d’une existence nerveuse, ne feront pas d’œuvres et auront épuisé leur vie à vivre. […] Elle la prédispose à l’amour idéal, et à toutes les choses romanesques et élancées de la passion, qu’elle n’est pas destinée à trouver dans son mari.
» Michelet nous avoue qu’il travaille beaucoup sur les épreuves, parce que l’écriture trompe, parce que dans un moment de passion, il y a des morceaux de calligraphie, écrits d’une écriture émue, auxquels on tient… On voit seulement sur l’épreuve, que cela ne se rapporte ni à ce qui est avant, ni à ce qui est après […] Elle monte, en promenade, sur les cerisiers, pille les petits pois crus ; sa seule passion est la salade.
Comment ose-t-il, en plein Institut, jeter l’injure à la conscience de l’art, à l’amour unique et désintéressé des lettres, aux derniers écrivains qui méprisent l’à-propos, le savoir-faire, tous les succès qu’un talent, comme le sien, a ramassés dans la flatterie des passions et du public d’un jour ! […] Car nous appelons amoureux, celui-là seul qui se ruine pour la passion de ce qu’il aime : femme ou chose, objets d’art animés ou inanimés.
Et il se met à nous prêcher d’écrire pour le public, de descendre nos œuvres à l’intelligence de tous, nous reprochant presque notre effort, l’ambition de notre conscience littéraire, le travail de nos livres, pour ainsi dire, sués de notre sang, enfin la passion, que nous mettons à nous satisfaire. […] il les mangeait en un jour, dormait par là-dessus deux ou trois journées et retournait à sa double passion : la chasse et la pêche.
Moi, resté si longtemps indifférent à la nature, si peu soucieux de ses beautés, il arrive qu’une année, je me toque d’arbustes, que je plante, que je fais tout mon bonheur et ma passion d’un petit coin de verdure idéal, eh bien, cette année il faut qu’il gèle, comme il n’a pas gelé depuis cent ans, et tout ce que j’ai planté, tout ce que j’aimais des arbres plantés par mon prédécesseur, tout cela « est gelé, est mort », comme le disait maître Theulier. […] Puis, il affirme que tous nos malheurs viennent du mois d’octobre 1869, sont dûs à une douzaine d’hommes qui se sont laissé emporter par leurs passions.
Mercredi 1er juillet D’où venez-vous, comme ça, disais-je, aujourd’hui, à Mlle *** rentrant du dehors, au moment, où je poussais la petite porte battante du parc : « Je viens de faire des acquisitions. » Puis, en riant : « Je viens d’acheter de la potasse chez l’épicier. » Il y a dans le moment chez toutes les Parisiennes brunes, une passion de devenir blondes, et toutes travaillent, non sans succès, à obtenir cette coloration, en se lavant les cheveux avec de la potasse, dissoute dans de l’eau. […] On me les montre et devant ce ras velouté, devant ces surfaces givreuses et miroitantes, devant ces laines qui ont le micacé de crins coupés, devant cette fonte de couleurs, entrant les unes dans les autres, ainsi que les tons d’une aquarelle trempant dans l’eau, devant ces jaunes qui ont le palissement de l’or vert, ces roses qui semblent le rose de la fraise écrasée dans de la crème, devant ces bleus, ces verts, qui sont si peu les bleus, les verts de l’Occident, devant cette palette de couleurs doucement souriantes, qu’on dirait la palette inventée pour jouer autour du corps nu d’une femme, je me sens pris d’une passion d’amateur de tableaux pour ces tapis, et une indescriptible horreur me vient subitement pour tous les Sallandrouze quelconques.
James Finot expose les accessoires de la Passion et un Homme supplicié, marche dernière de Mathô. […] Le trouble, ou la passion que je ressens devant mon travail, m’engourdit souventes fois l’esprit, et les membres, au point de me laisser dans le désœuvrement pendant plusieurs jours ; mes mains ont comme peur de toucher au Rêve, et pourtant il nous faut bien descendre, par charité pour nos semblables, jusqu’à la peine d’atteindre la réalité de Rêve. » Des deux éternels qui ne peuvent être l’un sans l’autre, Filiger n’a point choisi le pire. — Mais que l’amour du pur et du pieux ne rejette point comme un haillon cette autre pureté, le mal à la vie matérielle.
Trouvez-vous dans ce rhythme glacé de l’infini, du fini, de leur rapport, quelque chose qui ressemble à ces forces nombreuses, complexes et vivantes, instincts, désirs, passions, sentimens, idées encore confuses et enveloppées de sensibilité qui, par leur expansion dans les directions les plus diverses, par leur indéfectible énergie, portent sans cesse l’humanité en avant vers le mieux ? […] Toujours la barbarie est à nos portes ; sous le masque des théories subversives, avec l’aide de toutes les mauvaises passions, armée des formidables ressources de la science, toujours elle est prête à donner l’assaut à l’ordre social.
Depuis les temps les plus reculés, le poète est celui qui charme et qui instruit en offrant aux hommes une image artificielle de la réalité qui les entoure comme des passions qui les agitent. […] Dans ce concert de beautés si sévèrement ordonné et pour ainsi dire intellectuel, le désordre de la passion a sa place.
Pris d’une passion très vive pour une personne qu’il a chantée et qu’il ne pouvait obtenir, il quitta son pays pour se distraire et passa en Angleterre à la cour de la reine Philippe de Hainaut, femme d’Édouard III.
Quant à ce qui est de sa personne et de son caractère dans la société, un certain abbé Cartaud de La Vilate nous la représente sous une forme grotesque et ridicule qui ne fut jamais la sienne : « J’ai ouï dire, prétend-il facétieusement, à une personne qui a longtemps vécu avec elle, que cette savante, une quenouille à son côté, lui récita l’adieu tendre d’Andromaque à Hector avec tant de passion qu’elle en perdit l’usage des sens. » Ce sont là des exagérations et des caricatures sans vérité ; il ne faudrait pas croire que Mme Dacier fût devenue en vieillissant une demoiselle de Gournay, une sorte de sibylle qui représentait avec emphase et solennité le bon vieux temps.
Telle est la vie secrète d’un esprit curieux, tourné au raisonnement, qui se possède par méthode philosophique, et qui veut posséder de même tout ce qui l’environne… Qui voudrait à tout moment s’assurer qu’il agit par raison, et non par passion et par humeur, perdrait le temps d’agir, passerait sa vie à anatomiser son cœur, et ne viendrait jamais à bout de ce qu’il chercherait.
La mort de sa mère, la lettre de sa sœur en furent l’occasion déterminante : il est à croire que les reproches et les plaintes de sa mère mourante portaient moins encore sur des écrits de son fils qu’elle avait peu lus et dont l’écho avait dû parvenir difficilement jusqu’à elle, que sur quelques autres égarements, peut-être sur quelque passion fatale qu’il n’est permis que d’entrevoir.
Ces vers ont de la douceur, de la sensibilité, et un ton de passion tendre dont Maucroix fut capable une fois dans sa vie.
— C’est une émulation, une passion de convertir les gens en masse, comme s’il n’y avait qu’à y prêter la main : « Dimanche 16 septembre, à Chambord. — La Trousse fut nommé pour aller commander les troupes en Dauphiné, et tâcher de faire aussi bien en ce pays-là que Bouliers a fait en Béarn, en Guyenne et en Saintonge. » Quelquefois on se passe de dragons, et c’est mieux : « Jeudi 27 septembre, à Chambord. — On sut que les diocèses d’Embrun et de Gap, et les vallées de Pragelas, qui sont dépendantes de l’abbaye de Pignerol, s’étaient toutes converties sans que les dragons y aient été. » — « Samedi 29, à Pithiviers. — Le roi nous dit que M. de Duras, revenant de ses terres, l’avait assuré ce matin à Cléry, au sortir de la messe, que tous les huguenots de ses terres s’étaient convertis. » — « Mardi 2 octobre, à Fontainebleau. — Le roi eut nouvelle, à son lever, que toute la ville de Castres s’était convertie. » — « Vendredi 5, à Fontainebleau. — On apprit que Montpellier et tout son diocèse s’étaient convertis.
Read (1854), et où se lisent des conversations de Henri IV et du ministre protestant Chamier de Montélimar, pendant un voyage de celui-ci en Cour, on voit comment Henri IV traitait d’autre part ses anciens coreligionnaires demeurés opiniâtres et ardents ; il y employait un mélange de sévérité, d’adresse et de bons propos : on y saisit bien son procédé politique en action ; mais il n’était qu’exact et véridique, lorsqu’il disait à ce ministre Chamier, dont il aurait voulu adoucir l’âpreté : « Qu’il ne demandait rien de lui que ce qui se doit d’un honnête homme ; qu’il n’était pas, comme on disait, gouverné par les jésuites, mais qu’il gouvernait et les jésuites et les ministres (calvinistes), étant le roi des uns et des autres. » Vrai roi de tous en effet, grand et admirable en ce qu’il devançait l’esprit des temps, dominant toutes ces haines qui l’entouraient, toutes ces passions de gallicans, de parlementaires, d’ultramontains, de huguenots, et au sortir d’une époque où l’on s’égorgeait et l’on s’entre-dévorait, forçant tous ses naturels sujets à subsister, bon gré mal gré, dans une paix et une garantie mutuelles !
Mais, sous cette forme où il la présente, à l’usage d’une société élégante et d’une civilisation consommée, que de vérités sur les passions, sur l’amour, sur les femmes, sur les différents âges, sur la mort !
Frédéric, qui depuis longtemps a renoncé à l’idéal, et qui se contente en tout, faute de mieux, des à peu près, réplique à son frère et lui déclare, en vertu de l’expérience, que la perfection n’existe pas, que les meilleurs des humains, ce sont les moins vicieux : Vous m’envoyez, lui dit-il, dans les cabanes des pauvres chercher la vertu ; mais les hommes qui les habitent sont-ils sans passions ?
Au sortir de son bailliage de Nyon et revenu à Berne ou fermentaient des passions politiques très animées, Bonstetten y resta le moins qu’il put, et, après quelque temps passé à sa belle terre de Valeyres près d’Orbe, il accepta la mission de syndic dans les pays italiens sujets, dans ce qui forme aujourd’hui le canton du Tessin.
Laissons donc évaporer en liberté la malice des esprits ignorants ou passionnés, puisque l’opposition ne servirait qu’à l’irriter davantage, et consolons-nous par les sentiments qu’ont de sa vertu les étrangers, qui en jugent sans passion et avec lumière.
La passion que Charles II avait pour elle, et dont il garda l’impression profonde, pouvait seule contrebalancer son aversion pour la France.
) Il n’y a pas en elle de sens pour ce que nous appelons poésie ; d’une œuvre de ce genre elle ne s’assimile que la passion, l’éloquence, l’esprit général ; mais si le bon lui échappe parfois, elle n’estimera jamais le mauvais.
Qu’il eût mieux aimé gouverner autrement, cela ne saurait faire un doute ; mais son souverain bon sens, supérieur à ses goûts et à ses passions même, reconnut-il alors l’empire des faits et résolut-il de s’y soumettre ?
Ce qui vous fera plaisir, c’est qu’il croit à l’amour du Tasse et à celui de la princesse ; mais toujours à distance, toujours romanesque et sans ces absurdes propositions d’épouser qu’on trouve chez nous dans un drame récent… » N’oublions pas que la lettre est adressée à Mme Récamier, favorable à tous les beaux cas d’amour et de délicate passion.
allez, quelque jour de fête, entendre à la cathédrale une messe en musique de quelque compositeur en renom, avec les chœurs et l’orchestre et les premiers artistes de l’Opéra ; puis ensuite retournez dans la Semaine Sainte, écoutez le Stabat, le Vexilla régis ou la Passion, ou, à quelques cérémonies funèbres, le Requiem, du lutrin ou les Litanies chantées non par de grands artistes, mais tout simplement par des chantres ou des enfants de chœur ; et puis, en sortant, demandez-vous qui vous a le plus profondément ému, qui a laissé dans votre âme une impression plus religieuse et plus mélancolique, qui vous a rappelé que vous étiez venu pour prier, des chanteurs ou des chantres, de la musique fuguée ou du plain-chant, de l’orchestre ou de l’orgue.
Lebrun qui datent de ces années, des strophes tout à fait belles ; il y court comme un souffle embrasé des passions du temps.
J’accorde tout à fait que, « dès qu’on ouvre Homère, on se sent transporté dans le monde de l’instinct » ; qu’on sent qu’on a affaire à des passions du monde enfant ou adolescent ; que lorsqu’on se laisser aller au courant de ces poèmes, « c’est moins encore telle ou telle scène qui nous émeut, que le ton général et, en quelque sorte, l’air qu’on y respire et qui nous enivre. » J’accorde que « les descriptions d’Homère n’étant que des copies des impressions les plus générales, nous nous trouvons en face de ces descriptions dans la même situation qu’en face de la nature », c’est-à-dire d’un objet et d’un spectacle inépuisable : « Il est dès lors facile de comprendre pourquoi on peut toujours relire Homère sans se lasser.
Car ce n’est pas seulement le mauvais goût (défaut si fréquent dans les œuvres où il y a le plus de génie, quand ces œuvres appartiennent à des époques encore incultes), ce n’est pas, dis-je, le mauvais goût seulement qui nous choque ici, c’est la pauvreté dans l’invention, la maigreur et la sécheresse dans le développement des caractères, la froideur dans les passions, la lenteur et la gaucherie de l’action, et enfin l’absence presque totale d’intérêt.
Après avoir montré avec beaucoup d’art et de finesse en quoi le langage employé dans la Princesse de Clèves est parfaitement délicat et comment il ressemble fort peu à ce qui, chez des poëtes ou des romanciers spirituels de nos jours, a été salué de la même louange ; après avoir reconnu l’accord et l’harmonie des sentiments et des émotions avec la manière de les exprimer, et avoir donné plus d’un exemple des scrupules et des exquises générosités de l’héroïne jusque dans la passion, M.
. — Puis les Montagnards : ceux-ci violents, exaspérés, partant d’un principe extrême, s’inspirant d’une passion outrée, mais bon nombre également sincères, patriotes, d’une intégrité exemplaire, ne songeant dans l’établissement de leur terrible dictature temporaire qu’à la défense du territoire et au salut de la Révolution : Carnot, Cambon, Robert Lindet, Jean-Bon Saint-André, d’autres moins en vue comme Levasseur, Baudot… Pour les juger avec équité, il faut faire la part du feu, la part de la fièvre, et sacrifier sans doute beaucoup des idées applicables aux temps ordinaires ; mais, historiquement, à leur égard, ce n’est que justice. — Puis, la Terreur passée, il y a eu les hommes fermes, modérés, honorables, qui ont essayé de fonder l’ordre et le régime républicain en dépit des réactions, les hommes de l’an iii, Thibaudeau, Daunou, La Revellière-Lépeaux… — Je compterai ensuite une autre génération d’hommes politiques, ceux de 1797, de la veille de Fructidor, très honnêtes gens d’intention, un peu prématurés d’action et d’initiative, qui voulaient bien peut-être du régime légalement institué, mais qui le voulaient avec une justice de plus en plus étendue et sans les lois d’exception : les Barbé-Marbois, les Portalis, les Camille Jordan. — Enfin il y eut, à la dernière heure du Directoire, les hommes qui en étaient las avec toute la France, qui avaient soif d’en sortir et qui entrèrent avec patriotisme dans la pensée et l’accomplissement du 18 brumaire : Rœderer, Volney, Cabanis… Je crois que je n’ai rien omis, que tous les moments essentiels de la Révolution sont représentés, et que chacun de ces principaux courants d’opinion vient, en effet, livrer à son tour au jugement de l’histoire des chefs de file en renom, des hommes sui generis qui ont le droit d’être jugés selon leurs convictions, selon leur formule, et eu égard aux graves et périlleuses circonstances où ils intervinrent.
Un homme public, comme tous les hommes, a ses défauts, ses passions ou même ses vices ; mais il ne faut point, comme à Talleyrand, que ces vices prennent toute la place et occupent tout le fond de sa vie.
Si un écrivain, dans un livre intitulé Manifestation de l’Esprit de Vérité, s’arme de l’Évangile et du nom de Jésus-Christ contre les riches et les puissants, l’abbé de La Mennais le renvoie à Diderot et à Babeuf, et termine ainsi : « Les passions les plus exaltées se joignant à tant de causes de désordre, personne ne peut dire quels destins Dieu réserve à la société.
En général, il s’entend mieux dans un caractère à faire la part des intérêts et des passions que celle des idées proprement dites.
Ainsi, même dans les chaleurs de l’âge et des passions, et même dans les instants où la dure nécessité a interrompu mon indépendance, toujours occupé de ces idées favorites, et chez moi, en voyage, le long des rues dans les promenades, méditant toujours sur l’espoir, peut-être insensé, de voir renaître les bonnes disciplines, et cherchant à la fois dans les histoires et dans la nature des choses les causes et les effets de la perfection et de la décadence des lettres, j’ai cru qu’il serait bien de resserrer en un livre simple et persuasif ce que nombre d’années m’ont fait mûrir de réflexions sur ces matières. » André Chénier nous a dit le secret de son âme : sa vie ne fut pas une vie de plaisir, mais d’art, et tendait à se purifier de plus en plus.
La république développant nécessairement des passions plus fortes, l’art de peindre doit s’accroître en même temps que les sujets s’agrandissent ; mais par un bizarre contraste, c’est surtout dans le genre licencieux et frivole qu’on a voulu profiter de la liberté que l’on croyait avoir acquise en littérature.
Il y a quelque chose de lui peut-être dans le cinquième livre, qui parut seulement en 1562, à l’époque des polémiques sans mesure, quand déjà les passions s’armaient : mais dans l’ensemble, cette satire âpre, directe, lourde, si peu riante, est d’un autre homme et d’un autre temps.
L’étude minutieuse des vices et des passions de quelque habitant des villes attire peu, quand on a la terre à soi.
Ainsi Mérimée, pour n’en pas citer d’autre, plus enclin à regarder au dedans qu’au dehors, se plaisait à décrire en style assorti des états d’âme violents, des caractères âpres, des éclats de passion sauvages pareils aux paysages que les descriptifs et les peintres d’alors jetaient sur le papier ou sur la toile.
« Les passions des hommes, a dit Vauvenargues, sont autant de chemins ouverts pour aller à eux. » Louis XI savait ce principe, que tout homme qui aspire à gouverner doit savoir, et il le mettait doucement en usage.
Voyant ses dispositions et sa passion pour la lecture, on lui fit faire ses études chez les Oratoriens de la ville.
Distinguée et non supérieure, toute à ses passions elle avait des finesses, des artifices de détail, mais point de vues et encore moins de caractère.
dites si vous avez jamais vu autre chose en moi qu’un homme constamment gai ; aimant avec une égale passion l’étude et le plaisir ; enclin à la raillerie, mais sans amertume ; et l’accueillant dans autrui contre soi, quand elle est assaisonnée ; soutenant peut-être avec trop d’ardeur son opinion quand il la croit juste, mais honorant hautement et sans envie tous les gens qu’il reconnaît supérieurs ; confiant sur ses intérêts jusqu’à la négligence ; actif quand il est aiguillonné, paresseux et stagnant après l’orage : insouciant dans le bonheur, mais poussant la constance et la sérénité dans l’infortune jusqu’à l’étonnement de ses plus familiers amis.
Dans cette vie déjà longue où pas une mauvaise pensée ne s’est glissée, et qui a échappé à toute passion troublante, il a gardé la joie première d’une belle âme pure.
Je m’étais dit d’abord : cette fin n’est pas naturelle ; puisque Angélique aime réellement Valère, elle doit l’épouser malgré son défaut, et lui il continuera de jouer, sauf à la rendre malheureuse : ainsi les deux passions auront leur satisfaction et atteindront leur fin.
La correspondance de Franklin, en ces années, est d’une lecture des plus agréables et des plus douces : l’équilibre parfait, la justesse, l’absence de toute mauvaise passion et de toute colère, le bon usage qu’il apprend à tirer de ses ennemis mêmes, un sentiment affectueux qui se mêle à l’exacte appréciation des choses, et qui bannit la sécheresse, un sentiment élevé toutes les fois qu’il le faut, un certain air riant répandu sur tout cela, composent un vrai trésor de moralité et de sagesse.
Nous personnellement, à ce qu’il paraît, nous passions, à cause de nos relations avec les Passy, pour des orléanistes fougueux.
Exorbitants en tout, en pensées, en images, en convictions, en émotions, en passion, en foi, quel que soit le côté de votre moi auquel ils s’adressent, ils le gênent.
Sans doute, l’homme de génie, quand il compose, ne pense plus à lui-même, c’est-à-dire à ses petits intérêts, à ses petites passions, à sa personne de tous les jours ; mais il pense à ce qu’il pense ; autrement, il ne serait qu’un écho sonore et inintelligent, et ce que saint Paul appelle admirablement symbalum sonans.
., tel que serait celui-ci s’il était plus poussé, plus entraîné par la fougue de la passion, placé du reste, dans des conditions un peu différentes, dans une petite ville ou dans un village, etc. » La lecture des romans suppose ainsi comme condition nécessaire du second moment, je veux dire de la réflexion qui juge, une assez grande connaissance des hommes, et je n’entends par là qu’une assez grande habitude d’observer les hommes autour de soi.
De cet organe gonflé de sang, de cet abîme bouillonnant de vibrations et de passions, d’une liberté, d’une impulsivité, d’une richesse tout instinctive, de cette source d’action, de virilité, de cette région où la nature fait entendre ses voix chargées d’orages ou d’espoirs, de ce tumultueux abîme des plus violentes énergies et des plus authentiques clameurs humaines, l’Église catholique est parvenue à faire un triste néant mystique, un lamentable mélange de bassesse et d’absurdité, un odieux et puéril symbole autour duquel viennent s’agenouiller tous les stériles, tous les faibles, tous les déserteurs de la vie.
Je me résume plus brièvement, en remarquant que les extrêmes se touchent : le lyrisme, c’est la foi et aussi le désespoir ; l’épopée, c’est l’action et aussi la passion, quand elle crée ; le drame, c’est la crise, tendant à la sérénité (Katharsis).
Se tromperait-on en attribuant à l’abus de la note, prise systématiquement, autant dire au journal intime, cette diminution chez beaucoup d’entre eux du sens des caractères, cette absence de large contact avec la vie, de passion aussi, ajoutons de portée ? […] Que cette abstention est pathétique chez un homme de cette puissance et de cette passion ! […] Il voulait montrer la réciproque inintelligibilité de deux amants issus de deux pays différents, et que travaillent des nationalités, irréductibles l’une à l’autre, même par la passion et par la tendresse. […] Spinoza nous a légué l’exemple de l’ascétisme le plus noble, uni chez lui au déterminisme le plus absolu, autant dire à une théorie qui justifie toutes les passions en leur reconnaissant un caractère d’inéluctable nécessité. […] Ce n’est pas en flattant les passions d’envie, de paresse et de sensualité qui grondent en bas, qu’elle dominera la crise présente, c’est en réalisant en elle un exemplaire plus haut et plus énergique d’humanité.
Après une entrevue pendant laquelle le jeune artiste avait reconnu le peu de succès de sa passion : « Je laisserai pousser ma barbe à dater de ce jour, et jusqu’à ce que vous cessiez d’être cruelle ! […] Émile Souvestre, a, dit-on, été écrit dans le paroxysmeai d’une passion que M. Dumas éprouvait pour Madame Mélanie Waldor) est une création individuelle, une sorte d’exception dont l’acteur avec ses goûts, ses penchants, ses passions et toute sa fougue de jeune poète, semblait la personnification vivante ; à le voir, à l’entendre alors, on ne pouvait pas douter que M. […] Ceux de mes compatriotes qui tiennent la plume dans nos journaux belges, et qui sont chargés de ce soin, le font avec un talent que je n’ai pas, et une indulgence qui rend les hommes de lettres de France très avides de nos appréciations ; Je sais maintenant, pour avoir vécu deux mois parmi ces Messieurs, de quelle façon ils critiquent mutuellement leurs productions, et je suis fortement persuadé que les rivalités, les haines, les jalousies parisiennes font si bien, que les livres français n’obtiennent pas à Paris une critique aussi bienveillante que celle qui se pratique chez nous, sans passion.
En effet, une nation dont la morale n’a cessé d’obéir au grand principe : un sou est un sou, comment n’aimerait-elle point à se rappeler qu’en un temps reconnu pour celui où s’exprima le mieux son génie, le peintre officiel des passions, admis à la cour du Grand Roi, dans la théorie des princesses, les unes, larmoyantes, les autres vindicatives, mais toutes uniformément chargées de falbalas, jamais ne reconnut par la bouche de leurs majestueux amants, que des objets de désir. […] Le complexe d’Oreste Du monstre à ces alexandrins dont l’ennui trahissait les passions, la tactique ne manquait pas de continuité. […] Sans doute, pourrait-on objecter que l’un aussi bien que l’autre crime, en dernière analyse, peuvent être dits passionnels, avec objet unique de passion : la mère, qui dans le premier cas est victime, dans le second, bénéficiaire du meurtre. […] Bien que la naïveté confiante du regard, l’élégance naturelle, le goût des jeux violents, de la campagne, de l’hiver sous la neige, la musculature des membres, l’étroitesse des reins, l’optimisme respiratoire, la passion de la viande rouge, une gourmandise enfantine de la volupté qui ne se donnait pas même la peine de distinguer entre l’un ou l’autre sexe de ses congénères, et jusqu’à la couleur tabac blond de son tape-à-l’oeil lui valussent de traduire en chien le jeune anglais champion de hockey sur glace, buveur de whisky et applaudisseur de ballets russes, je l’avais débaptisé du britannique.
Or, combien que j’y reconnaisse une partie de ses défauts, et que je sois contraint de lui tenir quelquefois la main haute quand je suis en mauvaise humeur, qu’il me lâche ou qu’il s’échappe en ses fantaisies, néanmoins je ne laisse pas de l’aimer, d’en endurer, de l’estimer et de m’en bien et utilement servir, pource que d’ailleurs je reconnais que véritablement il aime ma personne, qu’il a intérêt que je vive, et désire avec passion la gloire, l’honneur et la grandeur de moi et de mon royaume ; aussi qu’il n’a rien de malin dans le cœur, a l’esprit fort industrieux et fertile en expédients, est grand ménager de mon bien ; homme fort laborieux et diligent, qui essaye de ne rien ignorer et de se rendre capable de toutes sortes d’affaires, de paix et de guerre ; qui écrit et parle assez bien, d’un style qui me plaît, pource qu’il sent son soldat et son homme d’État : bref, il faut que je vous confesse que, nonobstant toutes ses bizarreries et promptitudes, je ne trouve personne qui me console si puissamment que lui en tous mes chagrins, ennuis et fâcheries.
Il a la passion du départ, l’allégresse ironique de l’adieu, un cri de joie sauvage en divorçant d’avec la patrie.
Bourdaloue parut, et, sous sa forme grave, il eut un à-propos, une adresse, une justesse d’application qui fit que toutes ces passions en scène se reconnurent, que toutes ces sensibilités tressaillirent, et que la doctrine théologique rivale eut désormais un adversaire digne d’elle, un émule et parfois un juge.
Roger, qui avait de l’esprit, de l’empressement, du tour, et des qualités qui durent plaire dans la jeunesse avant que l’activité et la passion politique les eussent privées de leur premier agrément, M.
Il faut lui savoir gré du moins d’être un personnage aussi essentiel dans le groupe de son temps : à côté de Boileau, c’est une figure réjouissante, c’est un interlocuteur qui le contrarie, l’excite, et quelquefois le déconcerte et l’entraîne jusqu’à l’enivrer ; à côté de Molière, c’est un confident de ses chagrins, et qui, même par ses consolations incomplètes, oblige le grand homme à se déclarer tout entier devant lui et devant nous dans ses tendresses jalouses et dans ses passions.
M. d’Argenson porta très peu d’idéal dans cette liaison ou intrigue amoureuse qui ne mérite pas le nom de passion, et qui dura une année ; tout en parlant convenablement de la dame devenue veuve après la rupture, et remariée depuis, il ajoute en terminant cet article : « Je lui souhaite longue vie et bonheur : pour moi, j’ai à présent de toutes façons bien mieux qu’elle. » — Dans ce genre de relations que j’abrège et qui revient en plus d’un endroit sous sa plume, M. d’Argenson n’est point fat, mais il est très peu chevaleresque ; on ne saurait même l’être moins, il est honnête homme en tout ; mais, comme les honnêtes gens parmi les Latins ou parmi les Gaulois, il ne craint pas de braver l’honnêteté dans les mots : ou plutôt il ne prend pas garde, et il ne paraît pas même soupçonner ce genre de scrupule.
Il avait les passions violentes et les premiers mouvements impétueux.
On fait plus qu’entrevoir, pourtant, le fond du cœur de Voltaire et sa passion d’homme de parti, lorsque, écrivant à M.
Non, ce qu’on veut de Casaubon, c’est de l’amener sur le terrain de la théologie, qui est alors le terrain de la passion brûlante, de l’intérêt en jeu, de la politique ; ce que lui veut le cardinal du Perron dans ces fréquents entretiens qu’il a avec lui et pour lesquels il le mande sans cesse, ce n’est pas de causer avec désintéressement des belles choses inutiles, d’un sens de Virgile ou d’Homère, ou d’un usage transmis par Athénée, de ces doux riens qui occupent pendant des journées les âmes innocentes : ce qu’il veut, c’est de l’ébranler, de le convaincre à l’aide de passages des Pères, et, s’il se peut, de le convertir.
. — « Otez-nous, m’écrit à ce sujet quelqu’un qui l’a bien connu et qu’indigne cette prétention d’orthodoxie singulière en pareil cas, ôtez-nous ce Béranger cafard à sa manière, triste et bête, ennuyeux comme Grandisson ; rendez-nous ce malin, ce taquin, qui emportait la pièce et offensait tous ses amis, et se les attachait toutefois et leur restait fidèle ; cet homme capricieux, compliqué et faible aussi, plein des passions de la vie, timide par instants, ambitieux par éclairs, souvent redoutable, charmant presque toujours.
Il voudrait faire mentir ceux qui disent « que les Français commencent tout et n’achèvent jamais rien. » Il voudrait les désabuser de ce faux point d’honneur qui, dans les sièges, quand il est tout préoccupé, par ses inventions savantes, de ménager la vie des hommes, leur fait prodiguer la leur, sans utilité, sans aucune raison et par pure bravade ; « Mais ceci, disait-il, est un péché originel dont les Français ne se corrigeront jamais, si Dieu, qui est tout-puissant, n’en réforme toute l’espèce. » Hormis ce pur et irréprochable Vauban, tous ceux qui figurent dans cette histoire, y paraissent avec leurs qualités et leurs défauts ou avec leurs vices : Condé, avec ses réveils d’ardeur, ses lumières d’esprit, mais aussi avec des lenteurs imprévues, des indécisions de volonté (premier signe d’affaiblissement), et avec ses obséquiosités de courtisan envers le maître et même envers les ministres ; Turenne, avec son expérience, sa prudence moins accrue qu’enhardie en vieillissant, et son habileté consommée, mais avec ses sécheresses d’humeur et ses obscurités de discours ; Luxembourg, avec ses talents, ses ardeurs à la Condé, sa verve railleuse, mais avec sa corruption flagrante et son absence de tout scrupule ; Louvois, avec sa dureté et sa hauteur qui font comme partie de son génie et qui sont des instruments de sa capacité même, avec plus de modération toutefois et d’empire sur ses passions qu’on ne s’attendait à lui en trouver.
Louis XIV commence par rappeler ses bons offices constants et ceux de ses prédécesseurs envers les Provinces-Unies de la Hollande, et il raisonne, comme il aime à le faire, non-seulement à l’adresse et à l’intention de ses contemporains, mais en vue de l’avenir : « La postérité, dit-il, qui n’aura pas été témoin de tous ces événements, demandera quel a été le prix et la reconnaissance de tous ces bienfaits ; pour la satisfaire, je veux lui apprendre que, dans toutes les guerres que les rois mes prédécesseurs ou moi avons entreprises, depuis près d’un siècle, contre les puissances voisines, cette république ne nous a non-seulement pas secondés de troupes ni d’argent, et n’est pas sortie d’une simple et tiède neutralité, mais a toujours tâché de traverser, ou ouvertement ou sous main, nos progrès et nos avantages. » La Hollande n’est pas la seule ni la dernière république qui ait été ingrate envers la France pour prix des plus grands services reçus à leur berceau : ces sortes de gouvernements, où tant de passions et de volontés s’en mêlent, sont coutumiers du fait
Et cependant, avec « cette humeur avide de choses nouvelles et inconnues », il ne poussait pas son désir jusqu’à la passion et jusqu’à y sacrifier le repos.
Mais, à part quelques ravissants passages de La Fontaine et son Hymne final à la Volupté, à part le couplet charmant de Corneille où l’Amour déclare avec passion comme quoi il est jaloux de tous et de chacun : Je le suis, ma Psyché, de toute la nature…, aucune de ces imitations, d’ailleurs, ne vaut le récit primitif ; elles sont froides par quelque endroit ; un peu de langueur et d’ennui s’y glisse.
Mais ce qui est beau, attachant, ce qui caractérise Mlle de Guérin à mes yeux, c’est la passion et le culte qu’elle a pour son frère.
C’est dans le choc des passions qu’on définit celles qui doivent vous mener à bien, ou celles qui doivent vous maintenir dans une fausse route.