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1713. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

Pour lui il n’y a pas de milieu entre l’esprit et le vice ; il n’aperçoit de sécurité que dans la parfaite ignorance. […] Ne veut-elle pas une parfaite égalité de droits, un perpétuel échange de pensées revêtues d’une autorité pareille, se révélant avec la même espérance d’être écoutées ? […] Vraisemblance des incidents, habileté des ressorts, vérité de mœurs, connaissance parfaite du pays où la scène est placée, rien n’y manque. […] Dans cette condition, l’esprit, selon sa force et sa portée, cède et s’endort quelquefois pour ne jamais se réveiller, ou bien lutte contre la vie qu’on lui impose, se replie sur lui-même, se contemple et se consulte, et n’ayant rien à faire avec les choses du dehors, puisqu’il n’y peut rien changer, se compose à son usage une solitude parfaite, un complet isolement que la foule ne peut troubler ; il acquiert, dans ce combat assidu, une énergie nouvelle et prodigieuse : s’il ne succombe pas à la tâche, il est assuré d’un prix glorieux, d’une haute estime de lui-même, et d’un immense pouvoir sur les autres. […] et à supposer que le poète l’eût choisi entre tous pour représenter, sous la forme la plus parfaite et la plus vive, ce sentiment spécial, était-il nécessaire de faire contraster la beauté de l’âme avec la difformité du corps ?

1714. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

L’œil humain a-t-il jamais embrassé forme plus parfaite ? […] La langue d’Homère et de Sophocle serait seule digne de célébrer cette royale Vénus ; l’ampleur du rythme hellénique pourrait seule mouler, sans les dégrader, ses formes parfaites. […] La haute félicité qu’exprime son visage, ce bonheur inaltérable que puise dans son essence un être parfait, vous consterne et vous humilie. […] Elle est froide comme le sont les beautés parfaites, destinées à ravir les yeux plutôt qu’à troubler les sens, et pour lesquelles l’amour devrait n’être qu’une contemplation. […] Quelque parfait que fût son pouvoir, il l’exerçait contre ses principes.

1715. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

Ils le sont par les doctrines qu’ils adoptent entièrement ou en partie ; ils le sont par la méthode qu’ils appliquent à tous les ordres d’idées comme à tous les genres. » Nisard donne encore à Descartes cet éloge d’avoir « atteint en français la perfection de l’art d’écrire » ; et il ajoute que cette perfection consisterait « dans la parfaite conformité de la langue de Descartes avec le génie français ». […] La Jeunesse de Corneille. — Fausse idée que l’on se fait d’un Corneille constamment héroïque ; — et qu’au contraire ses débuts ont été d’un poète comique. — Mélite, 1629 ; Clitandre, 1632 ; La Veuve, 1633 ; La Galerie du Palais, 1633 ; La Suivante, 1634 ; La Place Royale, 1634 ; L’Illusion comique, 1636. — Intérêt littéraire des comédies de la jeunesse de Corneille. — Elles ne doivent rien à l’imitation de l’étranger ; — ce sont des aventures de la vie commune à peine « romancées » ; — et dont les personnages sont déjà de condition presque bourgeoise. — La galanterie dans les comédies de Corneille ; — et qu’elle y est une parfaite imitation du langage des ruelles ; — et, à ce propos, qu’il y a un style Louis XIII en littérature comme en architecture. — La « jeune fille » dans les comédies de Corneille ; — le style des comédies. — Caractère singulier de L’Illusion comique ; — et d’où viennent, vers 1635, tant de comédies des comédiens. — Médée, la première tragédie de Corneille. — Quelles raisons ont poussé Corneille, vers la tragédie [Cf.  […] 2º Le Philosophe ; — et avant tout, du juste hommage qu’il convient de rendre à l’écrivain. — Bel éloge que Daunou, — se souvenant d’avoir été lui-même de l’Oratoire, — a fait du style de Malebranche [Cours d’études historiques, VI et XX]. — Simplicité parfaite ; — naïveté ; — éloquence ; — et surtout aisance de ce style, — d’autant plus admirable que les matières qu’il traite sont plus éloignées de l’usage commun. — Il n’y a pas en français de style philosophique comparable à celui de Malebranche. […] Continuation, ch. 23 et 24]. — Mort de Bayle. — Dignité parfaite de sa vie. — Son désintéressement. — Il n’a eu que des vices intellectuels ; — et comme Spinoza ; — quoique d’ailleurs son existence ait eu moins de noblesse ; — il est l’un des premiers chez qui le libertinage des mœurs — n’ait pas été l’occasion du libertinage de la pensée. — Importance de ce fait [Cf. 

1716. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

« Il est impossible, écrivait-il au prince de Condé, il est impossible d’avoir une conduite plus aimable, plus tendre, plus constamment parfaite sous tous les rapports, que quelqu’un que vous devinerez bien et dont je vous ai déjà parlé souvent… À force de sentiments, de soins vrais et touchants, ce quelqu’un a fixé mon cœur. » Il partageait ses loisirs, à Ettenheim, entre la promenade, la lecture et la chasse. […] Tandis que le général en chef de l’armée d’Italie gagnait des batailles, la citoyenne Bonaparte filait le parfait amour avec un petit hussard râblé, noceur et faraud, qui s’appelait M.  […] Le baron de Méneval, secrétaire du portefeuille, s’exprime ainsi : Marie-Louise, alors dans tout l’éclat de la jeunesse, avait la taille d’une régularité parfaite… Son teint était animé par le mouvement du voyage et par la timidité ; des cheveux châtain clair, fins et abondants encadraient un visage frais et plein, sur lequel des yeux remplis de douceur répandaient une expression charmante… Toute sa personne respirait la candeur et l’innocence. […] Nous prouverons que nos idoles, endormies depuis des siècles et des siècles dans la paix des sanctuaires, peuvent très bien assister à des inaugurations de chemins de fer, à des fondations d’écoles, à des constructions d’usines, aux exercices de nos soldats, vêtus d’uniformes européens et munis des engins de tuerie les plus parfaits.

1717. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Ce qui est établi, au contraire, c’est que Napoléon aperçut avec une parfaite clairvoyance toute l’étendue du danger que lui créait l’hostilité de Mme de Staël. […] Les obstacles dont il aura à triompher dans son rôle de séducteur sont sans nombre : sa gaucherie de novice, sa terreur d’être surpris, enfin sa parfaite froideur. […] Porte de réfectoire à refaire… » Et enfin si, pour notre part, nous sommes d’avis que jamais ni l’État, ni les particuliers ne se montrent trop généreux quand il s’agit de doter les laboratoires, rappelons pourtant à ceux qui se plaignent de ne pouvoir travailler, faute d’instruments de travail, qu’un Pasteur, comme aussi bien un Claude Bernard, a exécuté ses plus merveilleux travaux dans des installations dérisoires, au milieu du plus parfait dénuement. […] Pour ce qui est de « l’esprit de secte », personne n’a oublié la puissante monographie qu’en a donnée Taine, lorsqu’il traçait la psychologie du Jacobin dans des pages qui restent un des plus parfaits modèles des études de psychologie collective.

1718. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Théocrite »

Ces menues particularités, jetées en passant, donnent au récit un air parfait de vérité.

1719. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Dans cet exemple parfait et en quelque sorte idéal (et par malheur tous les mots ne se prêtent pas à un tel rangement), on suit l’altération qui a eu lieu sur toute ]a ligne, au gré des prononciations, — j’allais dire des mâchoires — plus ou moins souples, faciles, lentes, paresseuses.

1720. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre premier. La perception extérieure et les idées dont se compose l’idée de corps » pp. 69-122

. — En troisième lieu, nous le distinguons dans beaucoup de cas, et pour cela il suffit que les caractères de l’objet réel ne coïncident pas tous et parfaitement avec les siens ; partant, nous sommes forcés d’admettre qu’il existe, lors même que la coïncidence parfaite de tous ses caractères et de tous les caractères de l’objet réel empêche l’expérience ultérieure de constater entre lui et l’objet réel aucune différence. — Quel est cet objet réel ?

1721. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

Un grand romancier l’avait déclaré plus véritablement poëte que lord Byron, et soutenait qu’on n’avait rien vu d’aussi parfait depuis Shakspeare.

1722. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

Ce résumé encyclopédique est lui-même le résumé de deux cent mille volumes qui se multiplient tous les jours sur toutes les connaissances humaines, et cela dans une langue triple, tellement riche en mots et tellement parfaite en construction logique qu’elle est à elle seule une science dépassant presque la portée d’une vie d’étude.

1723. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

La Fornarina n’a pas un ovale plus parfait et plus déprimé, un regard à pleine paupière où entre plus de ciel et d’où sorte plus de pensée secrète, une lèvre plus dédaigneuse, une fossette dans la joue plus prête à sourire et à pardonner à l’excès d’ivresse de son fiancé.

1724. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

La parfaite convenance, cet instinct de justesse dans toutes les conditions, qui donne aux bergers, comme aux rois, la même dignité et la même grâce d’attitude ou d’accent, gouvernait toute sa personne.

1725. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

Sa politesse, quoique parfaite, retenait à distance plus qu’elle ne familiarisait avec lui.

1726. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

Celui qui connaîtrait bien les œuvres de Cicéron connaîtrait à peu près tout ce que les hommes ont pensé, dit et écrit de plus juste et de plus parfait sur ce globe, avant l’Évangile.

1727. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

« C’était à vous de nous expliquer le génie, devancier et dominateur des autres génies, le premier de ces révélateurs des passions de l’âme, et le plus parfait de ces consolateurs de l’infortune, à qui fut donnée la mission sublime de rappeler le genre humain à l’exécution des lois, car les poètes des premiers âges en étaient les hérauts publics comme les plus habiles interprètes.

1728. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

Jamais vision plus parfaite.

1729. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

Je vivais avec ces jeunes gens en parfaite intelligence, et le précepteur ne me causait jamais, non plus qu’à eux, le moindre déplaisir.

1730. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

Ils restèrent tout ce temps dans une ignorance parfaite de l’impression produite par leur abstention sur l’esprit de l’empereur ; car, ainsi que je l’ai raconté, ils ne quittèrent pas leurs appartements, et personne n’osa les visiter.

1731. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

La première fois qu’il traite du sermon, il en admire le plus parfait modèle dans Massillon ; il mentionne à peine Bossuet, et il omet, ou peu s’en faut, Bourdaloue.

1732. (1909) De la poésie scientifique

C’est le parfait usage de ce mystère qui constitue le Symbole : évoquer petit à petit un objet pour montrer un état d’âme, ou, inversement, choisir un objet et en dégager un état d’âme par une série de déchiffrements. » C’est-à-dire que Mallarmé, interdisant avec raison à l’art descriptif et purement extérieur l’accès du poème, hiératise exclusivement un art qui évoque, qui suggère d’images de plus en plus spiritualisées et de valeurs analogiques très proches, telles pensées choisies d’après de premiers rapports d’émotivité.

1733. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

Et parfaitement froid, parfaitement maître de mes effets, aussi calme que si je lisais dans ma chambre, avec un parfait et supérieur sentiment de mépris pour ceux qui m’écoutent, je lis posément, pendant que Coquelin, dessinant des caricatures, pousse le coude de Bressant pour les lui faire regarder.

1734. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

Aucun auteur ne renseigne plus pleinement et plus abondamment, par des traits véritables sur ses créatures, ne se propose plus ouvertement pour but de les révéler par des récits et des scènes inventés à une plus parfaite imitation de ce que présente la vie, même à un observateur attentif.

1735. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

Sa vie, atteinte par une maladie qui ne pardonne pas aux êtres trop parfaits pour respirer l’air de la terre, n’était qu’un souffle ; son beau visage n’était qu’un tissu pâle et transparent que le premier coup d’aile de la mort allait déchirer comme le vent d’automne déchire ces fils lumineux qu’on appelle les fils de la Vierge.

1736. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre II. De la multiplicité des états de conscience. L’idée de durée »

Ainsi un sentiment complexe contiendra un assez grand nombre d’éléments plus simples ; mais, tant que ces éléments ne se dégageront pas avec une netteté parfaite, on ne pourra pas dire qu’ils étaient entièrement réalisés, et, dès que la conscience en aura la perception distincte, l’état psychique qui résulte de leur synthèse aura par là même changé.

1737. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre IV. De la délimitation, et de la fixation des images. Perception et matière. Âme et corps. »

Thomson, se plaçant dans un tout autre ordre d’idées, suppose un fluide parfait, continu, homogène et incompressible, qui remplirait l’espace : ce que nous appelons atome serait un anneau de forme invariable tourbillonnant dans cette continuité, et qui devrait ses propriétés à sa forme, son existence et par conséquent son individualité à son mouvement 104.

1738. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

L’organisme nous révèle ainsi, sous une forme visible et tangible, l’accord parfait de la perception et de l’action. […] Celui qui va de la fleur au fruit ne ressemble pas à celui qui va de la larve à la nymphe et de la nymphe à l’insecte parfait : ce sont des mouvements évolutifs différents.

1739. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

De là provient, à la suite du renouvellement du spinosisme et du panthéisme en nos jours, ce profond abaissement de la morale ; de là ce plat réalisme qui a conduit à en faire un manuel de la vie régulière dans l’État et dans la famille, et à placer dans un philistinisme parfait, méthodique, tout occupé de ses jouissances et de son bien-être, la fin dernière de l’existence humaine. » Le quatrième livre du Monde comme volonté et comme représentation est plein de semblables passages, dont la signification n’est pas douteuse, et que nous recommandons aux lecteurs, comme aussi les Appendices qui le complètent ou qui l’éclaircissent… Mais il semble malheureusement que, pour parler chez nous de Schopenhauer, on ait en général commencé par négliger de le lire ; à moins encore que l’on n’en ait lu précisément que ce que l’on pouvait se passer d’en lire, pour n’en point lire ce qui contient l’expression de sa véritable pensée : la Théorie de la négation du vouloir vivre, par exemple ; ou l’Ordre de la Grâce ; ou son Épiphilosophie. […] « Quand, selon l’expression de l’Écriture, nous descendons encore tout vivants et en esprit dans le tombeau, et que le savant s’y voit confondu avec l’ignorant, le noble avec l’artisan, le plus fameux conquérant avec le plus vil esclave, même terre qui les couvre, mêmes ténèbres qui les environnent, mêmes vers qui les rongent, même corruption, même pourriture, même poussière : Parvus et magnus ibi sunt, et servus liber a domino suo… C’est alors, mes chers auditeurs, que la mort nous remet devant les yeux la parfaite égalité qu’il y a entre les autres hommes et nous… » Mais, à défaut de la méditation de la mort, le spectacle de la souffrance n’y pourrait-il pas suffire ? […] Sans doute, pour les savants et les philosophes, c’est une douce flatterie que de se voir étudiés par ce poète avec autant de conscience, et leurs systèmes ou leurs inventions rendus en de si spirituelles formules : Anselme, la foi tremble et la raison l’assiste ; Toute perfection dans ton Dieu se conçoit : L’existence en est une, il faut donc qu’il existe ; Le concevoir parfait, c’est exiger qu’il soit. C’est ce que l’on appelle dans l’école la preuve de l’existence de Dieu par l’idée de l’être parfait ; mais cela n’approche-t-il pas bien de la prose ? […] Mais ce n’est pas le seul inconvénient des « tableaux » au théâtre ; et, par une conséquence encore du même principe, on pourrait presque dire que, plus ils sont complets ou parfaits en leur genre, pittoresques et précis, vus et rendus, plus aussi nous sont-ils importuns et gênants.

1740. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Notons cette remarquable déclaration de Racine : « Quand je ne devrais à Euripide que la seule idée du caractère de Phèdre, je pourrais dire que je lui dois peut-être ce que j’ai mis de plus raisonnable au théâtre. » Signalons ces vers, si nombreux dans l’Art poétique, où Boileau revient et insiste sur le prix, la dignité, l’importance de la raison dans l’art : Mais la scène demande une exacte raison… Et souple à la raison, corrigez sans murmure… Mais nous, que la raison à ses règles engage… Considérons un peu ces épithètes abstraites et décolorées dont se sert l’auteur de la Princesse de Clèves, — et non pas pour analyser le sentiment, mais pour peindre le portrait, c’est-à-dire ce qu’il devrait y avoir en art de plus caractérisé, de plus concret, de plus individuel : « Mme Élisabeth… commençait à faire paraître un esprit surprenant et cette incomparable beauté… Marie Stuart était une personne parfaite pour l’esprit et pour le corps… Le duc de Nevers avait trois fils parfaitement bien faits… Le duc de Nemours était un chef-d’œuvre de la nature… » N’est-il pas vrai que leur souci semble être à tous d’écarter la couleur et la forme, la succession et l’accident, — comme disent les philosophes, — de ne retenir de l’homme ou des choses que leur essence, et de résoudre, comme dit M.  […] La convenance n’est pas encore entière entre la forme et le fond, l’adaptation n’est pas parfaite entre les moyens et la fin. […] Il y en a une raison profonde : c’est qu’aucune invention n’est parfaite dès sa naissance et que d’aucune nouveauté l’esprit humain ne semble capable de tirer d’abord tout ce qu’elle contient. […] Quelques jugements critiques sur les ouvrages alors récents de Le Sage, de Mme de Tencin, de Marivaux, de Crébillon fils, intéressants à relever, ne sont pas tous d’un goût aussi parfait ni surtout aussi bienveillants que l’a dit Sainte-Beuve. […] Mais l’excuse de des Grieux, ce n’est pas la morale de son temps, — qui valait bien celle du nôtre, ne nous faisons pas d’illusions là-dessus, — c’est son amour ; et ce qui fait le prix de Manon Lescaut, c’est d’être une des plus parfaites peintures qu’il y ait, non pas assurément de l’amour idéal, mais au moins de l’amour absolu.

1741. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Enfin, parvenu à l’âge de trente ans, se voyant au terme de son glorieux apprentissage, ayant tout reçu de la nature, ayant tout fait par le travail pour réaliser en lui l’idée du parfait orateur, il entra dans la carrière des charges publiques. […] Telle était la respectable sollicitude de ces pieux solitaires, que, dans les éditions toutes grecques, qu’ils confiaient à leurs élèves, ils avaient eu soin d’effacer les moindres passages qui pouvaient blesser la plus parfaite innocence de mœurs. […] Il est bien vrai que l’héroïne Leucippe, captive et sans secours, conserve une irréprochable pureté et une parfaite constance ; mais les peintures les plus libres et les traces les plus choquantes de l’infamie des mœurs antiques se rencontrent dans ce roman. […] Immédiatement après cet ouvrage, Huet a placé parmi les romans grecs et a longuement analysé un récit des Aventures de Théagène et de Charide, qui porte pour titre, Du vrai et du parfait amour, et que le docte évêque croit pouvoir attribuer à l’ancien Athénagoras, philosophe d’Athènes, et l’un des premiers défenseurs du christianisme. […] Shakspeare, quoique la mort paraisse l’avoir surpris, laissait un testament écrit de sa main, « en parfaite santé de corps et d’esprit », dit-il au commencement de cet acte daté du 25 mars 1616.

1742. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

On était surpris que l’Auteur du Roman du Jour joignît à une si parfaite connoissance du monde moderne, celle des secrets les plus cachés du monde ancien. […] Vous trouverez en vous une beauté parfaite ; Vous trouverez en moi l’aise de ma défaite. […] Images riantes & neuves, coloris frais & brillant, imagination tendre & délicate, rien n’y manque & tout s’y trouve dans le plus parfait accord.

1743. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

» Je voudrais tout rapporter de ce livre qui renferme de charmantes études ; la Maison du vent, la Fin de l’an, Offland, un petit conte allemand à la façon de Zadig ; les Trois chants du Bossu, autant d’œuvres parfaites dans leur exiguïté. […]   Ma tante était alors une fort belle personne de vingt-deux à vingt-quatre ans, brune, avec de grands yeux noirs fendus en amandes, des traits purs dans un ovale parfait. […] Il a pour cousin et voisin de Boisvilliers, un parfait gentilhomme comme lui ; tous les deux, veufs, ont, le comte Léopold, une fille, Jeanne, M. de Boisvilliers, un garçon, Philippe, qu’ils élèvent avec l’idée de les unir un jour ; je cède la parole à M. 

1744. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

car l’effort artistique — si médiocre qu’il soit — implique, momentanément du moins, le désintéressement parfait, et tout ce qui n’est pas l’amour d’elle s’évanouit dans la gloire. […] Vitu ne put s’empêcher de sourire ; Houssaye prévenant son observation, lui dit avec une parfaite bonhomie : — Ce n’est pas ennuyeux non plus d’enfoncer, des clous dans les murs des autres, il me semble qu’on le fait plus aisément que chez soi, on ne craint pas de détériorer ! […] Francis Chevassu a le rare don de nous montrer avec un vif relief l’homme tel qu’il est, tel qu’il se manifeste aux yeux ; l’identité est parfaite et de ce croquis à la plume un peintre ferait aisément un portrait. […] Jules Lemaître, les discours, les conférences que j’ai signalés plus haut, des études sur Victor Hugo, George Sand où je rencontre, par parenthèse, ces charmantes lignes : Beaucoup la liront ; mais bien peu sauront comprendre une pareille sincérité, une si complète absence de déclamation, une si parfaite horreur de la pose et de la phrase, tant d’innocence d’esprit.

1745. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Il avait tout vu sans rien voir, tout écouté sans rien entendre ; il n’avait eu ni un bon mot, ni une raillerie, il avait trouvé que messieurs et mesdames de l’Hôtel de Bourgogne avaient joué, d’une façon trop pédante et trop peu leste, cette bonne comédie qui tenait à l’enfance de l’art, enfance adorée, art de la comédie qui n’est jamais plus parfait que lorsqu’on se rapproche de ses commencements davantage ; bref, au parterre, tout était silence et murmure à la fois, lorsque tout à coup voilà le bruit qui reparaît, et avec le bruit la bonne humeur, — Nicolas ! […] Il savait par cœur, aussi bien qu’elle-même, le jeu parfait de mademoiselle Clairon ; il devinait, il pressentait mademoiselle Dumesnil et sa sublime singerie ! […] Elle y était la vérité même et l’ingénuité en personne, une ingénuité hardie à la défense et prompte à la réplique ; avec quelle grâce et quel naturel parfait elle écoutait ces folies pleines de verve, et comme elle suivait, d’un regard brillant d’ironie et d’intelligence, les phases diverses de ce gens qui se louent jusqu’à l’adoration, et qui se déchirent jusqu’au morsures ; hélas !

1746. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Il n’en brûla cependant que très-peu, & se crut même, dans la suite, bien en sureté, à la faveur de cette belle définition du mouvement : Qu’une chose peut être réputée dans un parfait repos, quoiqu’elle soit en effet dans l’agitation la plus violente. […] Ils croyoient celle que nous avons d’un dieu, d’un être infiniment parfait, une idée innée. […] Le Titien est parfait dans la partie du coloris & pour l’intelligence du paysage.

1747. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

J’ose dire aussi qu’il n’a point un cœur, qu’il ne sent point les doux frémissements d’un amour parfait, qu’il ne connaît point les extases dans lesquelles jette une méditation ravissante, celui qui ne sait point t’aimer avec transport, qui ne se sent point entraîner vers l’objet ineffable du culte que tu nous enseignes… Tu vivras toujours, et l’erreur ne vivra jamais avec toi.

1748. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

Hommes et femmes, on les a choisis un à un ; ce sont tous des gens du monde accomplis, ornés de toutes les grâces que peuvent donner la race, l’éducation, la fortune, le loisir et l’usage ; dans leur genre, ils sont parfaits.

1749. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

Ce morceau de musique m’a fait respirer un peu plus librement, car je revoyais enfin quelque chose de mon Wolfgang et quelque chose de si parfait.

1750. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

L’intérêt du consul et la pensée du ministre travaillaient dans un parfait accord à cette œuvre préliminaire de toute reconstitution d’une monarchie.

1751. (1864) Cours familier de littérature. XVII « Ce entretien. Benvenuto Cellini (2e partie) » pp. 233-311

Il parlait d’après Bandinello, qui lui cita pour exemple le Christ et le saint Thomas de bronze d’André Verrochio ; le beau David du divin Michel-Ange, qui n’était parfait que par devant.

1752. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Il nous plaît d’abord par l’image parfaite qu’il nous suggère, à nous les agités, d’une vie recluse et silencieuse, de la vie dont nous rêvons quelquefois, d’une pure et blanche retraite au milieu de l’enfer terrestre, plus douce à concevoir en plein siècle des Jacqueries et de la guerre de Cent ans.

1753. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Donc, il vivait là-dessus en parfaite tranquillité.

1754. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

La conception de dieux absolus, éternellement parfaits et immuables, était étrangère à la race hellène.

1755. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre deuxième. Les opérations intellectuelles. — Leur rapport à l’appétition et à la motion. »

Cette sorte de raisonnement, ne portant que sur des rapports parfaitement définis, ceux de quantité, et procédant par égalités absolues, est susceptible d’une rigueur parfaite.

1756. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

Et Heredia qui est là, parlant des poètes de la dernière heure, établit que leurs poésies ne sont que des modulations, sans un sens bien déterminé, et qu’eux-mêmes baptisent du mot de monstres, leurs vers à l’état d’ébauche et de premier jet, et où les trous sont bouchés avant la reprise et le parfait achèvement du travail, par des mots sans signification.

1757. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre V : Lois de la variabilité »

L’une des applications les plus remarquables de cette loi, c’est que, des modifications étant accumulées seulement au profit des petits ou des larves, il faut s’attendre à ce qu’elles affectent aussi la structure de l’animal parfait ; de même qu’une déformation quelconque qui affecte le jeune embryon, affecte non moins gravement toute l’organisation de l’adulte, de même, encore, les diverses parties du corps qui sont homologues, et qui pendant les premières phases de la vie fœtale sont semblables, sont sujettes à présenter des variations analogues.

1758. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

Si elle ne va pas jusqu’à la familiarité et à cette égalité parfaite hors de laquelle tout commerce est sans douceur et sans âme, la distance humilie, parce qu’on a de fréquentes occasions de la sentir ; et si la familiarité s’y joint, c’est pis encore, c’est la fable du lion avec lequel il est dangereux de jouer.

1759. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

d’une indigence dans sa nature, mais de la plus parfaite harmonie de toutes les parties de son être moral, pris de tête à cœur… « En la peignant dans sa foi, dans sa patience, dans sa fidélité, dans sa fortitude, avec son intuition heureuse et son tact fin, qui n’a besoin de l’intervention d’aucune faculté discursive, en la peignant dans la lumière de ses affections à travers laquelle elle voit tout, en la peignant enfin dans la seule erreur qui soit la sienne, l’exagération de l’amour, Shakespeare a peint toutes les femmes dans la même femme ; car lorsqu’il y a individualité chez la femme, c’est toujours les circonstances qui la font.

1760. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre I. De l’intensité des états psychologiques »

En se plaçant à ce point de vue, on s’apercevra, croyons-nous, que l’objet de l’art est d’endormir les puissances actives ou plutôt résistantes de notre personnalité, et de nous amener ainsi à un état de docilité parfaite où nous réalisons l’idée qu’on nous suggère, où nous sympathisons avec le sentiment exprimé.

1761. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Les admirables sermons Sur la Mort ou Sur l’Ambition sont peut-être de l’année même (1662) où Fléchier disputait dans son Académie « si la gloire d’un auteur célèbre est plus grande que celle d’un parfait orateur ». […] Guerrier, lui, s’en sert couramment, avec la parfaite sécurité comme avec l’entière liberté d’un historien qui se servirait de documents d’archives. […] Ce n’était tout à l’heure que l’ignorance des règles élémentaires de la critique historique : c’en est ici le parfait mépris. […] Il n’a pas seulement juxtaposé le domaine des deux arts, il les a superposés, et il a trouvé que la coïncidence était parfaite.

1762. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

On peut contester, et un esprit éminent12 a contesté non sans raison, la parfaite exactitude de la célèbre définition que M. de Bonald a donnée de l’homme : « L’homme est une intelligence servie par les organes. » Elle est un peu superbe, et elle n’exprime pas d’une manière assez exacte cette espèce de mariage de deux natures, la nature spirituelle et la nature matérielle, qui s’est consommé dans la nature humaine par une sublime volonté de Dieu, ramenant ainsi, dans son dernier ouvrage, la création à une première unité, comme il devait par un des plus étonnants mystères, l’incarnation, faire monter cette unité à une plus haute expression, en unissant l’humanité, ce résumé de la création, à la Divinité créatrice dans la personne de son fils. […] Fontanes avait montré dans ce discours les deux qualités distinctives de son talent, une mesure et une convenance parfaites ; et, depuis ce moment, se manifesta le goût que Napoléon eut toujours pour lui. […] Cette analyse sera parfaite, si elle ne laisse échapper aucun des éléments réels du fait total, et si elle n’en introduit aucun qui n’y soit pas renfermé. […] Les esprits les plus actifs de notre pays allaient se trouver presque fatalement poussés à chercher dans une imitation plus parfaite, dans une conformité plus absolue avec les idées politiques de l’Angleterre, une ressource contre les difficultés qu’ils rencontreraient.

1763. (1925) Les écrivains. Première série (1884-1894)

Il fit Les Caresses, ces vers d’une forme presque parfaite ; La Glu, si vibrante, si étonnante par les remuements de ses mots. […] De ce fourmillement de gloire de pantins, de héros et de polichinelles, trois figures émergent qui repassent sans cesse ; à peine quittées d’un côté pour être reprises de l’autre, et revenant, chaque fois plus riches d’un détail caractéristique, d’un accent qui les achève, d’un angle qui les parfait, toutes les trois différentes d’aspect et de célébrité presque égale : Sainte-Beuve, Théophile Gautier, Paul de Saint-Victor. […] Et le public, qui lit et qui achète, répète avec la critique : « Il me faut de l’amour. » Alors que la science s’efforce de désembroussailler les sources de la vie de toutes les erreurs métaphysiques qui les cachent, mornes ronces, à notre raison ; alors qu’elle conquiert des mondes inexplorés, qu’elle interroge l’infini de l’espace et l’éternité de la matière ; alors qu’elle va cherchant, au fond des mers primitives, la matière primordiale d’où nous sortons, et qu’elle suit son lent développement à travers les millions d’années et les millions de formes, jusqu’à son évolution la plus parfaite, l’homme ; la littérature, elle, en est encore à vagir de pauvres chansons sur deux ou trois sentiments artificiels et conventionnels, qui devraient cependant être bien épuisés, depuis le temps qu’ils servent à nous amuser — car il paraît qu’ils nous amusent.

1764. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

« De tous ceux qui se-croisèrent, je sais maintenant lequel a le plus de mérite : c’est le seigneur Conrad, le plus parfait de tous, lui qui se défend à Sur, contre Saladin et sa vile bande. […] Mais ce ne sont pas seulement des contes licencieux que l’Italie a empruntés aux trouvères ; c’est chez eux que Boccace a puisé cette histoire de Griselidis, où la plus parfaite pureté morale est développée avec tant d’imagination et de grâce.

1765. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Ne chicanons pas sur un si mince détail et disons que le petit livre de M. le comte de Colleville est d’un esprit excellent et d’un ton parfait. […] Par sa parfaite moralité, par le bon sens dont, le plus souvent, il est rempli, par un peu d’esprit, par une connaissance assez exacte de l’état d’âme général de nos jeunes filles contemporaines, aussi par un peu d’adroite puérilité qui n’était pas la moindre ni la moins efficace des habiletés de l’auteur, ce livre méritait très bien la grande faveur dont il a été l’objet.

1766. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

Est-ce à dire que le roman de Tolstoï soit parfait ? […] Elle paraissait pourtant une créature plus forte, mieux armée pour la vie que le délicat enfant, œuvre fragile de la tendresse de deux femmes pures, qu’elle avait enlacé d’un si léger tissu de séduction, et qui, à peine plus grand qu’elle de trois lignes du front, s’abandonnait avec une fraternelle confiance ; et le mouvement même de leur démarche, d’une parfaite harmonie de rythme, disait assez la complète union des cœurs qui les faisait vibrer ensemble à ce moment d’une étroite manière. […] Ce fut lui-même qui éleva sa fille, et, de même qu’il avait respecté toujours dans sa femme la piété qu’elle avait, il la respecta également dans sa fille avec une délicatesse et une douceur parfaites. » Un de ses amis intimes a raconté à notre savant confrère, M. 

1767. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

L’ode, d’un grave pied, plus nombreuse et pressée, Aux dames et seigneurs par toi soit adressée… Si tu veux sur le jeu de nouveau mettre en vue Une personne encor sur la scène inconnue, Telle jusqu’à la fin tu la dois maintenir… Quand vous voudrez les rois à vos chants amuser, De paroles de soie il faut toujours user… La brave tragédie au théâtre attendue, Pour être mieux du peuple en la scène entendue, Ne doit point avoir plus de cinq actes parfaits… Et je vois poindre là ce que je vous disais : la tendance à transformer en lois ou en règles des genres les observations qu’on a faites sur le genre de plaisir dont l’Ode ou la Tragédie pouvait être la cause. […] Ils sont grands, il est vrai, mais hommes comme nous ; Et l’on peut comparer, sans craindre d’être injuste, Le siècle de Louis au beau siècle d’Auguste… Puis, chemin faisant, et poursuivant sa veine, Perrault donnait sans hésiter, sur Homère ou sur Virgile, la préférence, ou la prééminence Aux Regniers, aux Maynards, aux Gombauds, aux Malherbes, Aux Godcaux, aux Racans… ; sacrifiait, sans plus de scrupules, L’illustre Raphaël, cet immense génie, au peintre des Batailles d’Alexandre ; mettait …… la Vénus, l’Hercule, l’Apollon, Le Bacchus, le Lantin et le Laocoon, Ces chefs-d’œuvre de l’art, choisis entre dix mille, fort au dessous des chefs-d’œuvre des Girardon, des Gaspards, des Baptiste ; établissait sans peine la supériorité de la musique de Lulli sur celle des Grecs — dont je vous rappelle que nous ne savons rien, — et concluait enfin, comme il avait commencé, par l’éloge du roi, De Louis qu’environne une gloire immortelle, De Louis des grands rois le plus parfait modèle… Il faut convenir que Boileau, quand il louait le prince, usait d’un autre style ; et qu’à défaut d’une indépendance d’esprit dont personne alors ne se piquait, un goût plus sûr, inspiré peut-être de celui des anciens, l’avait du moins préservé de cette platitude insigne dans l’adulation. […] Je montrerais que, si pour l’ode nous n’avons point d’auteurs si parfaits qu’Horace, qui est leur seul poète lyrique, nous en avons néanmoins un assez grand nombre qui ne lui sont guère inférieurs en délicatesse de langue et en justesse d’expression… Je montrerais qu’il y a des genres de poésie, où non seulement les Latins ne nous ont point surpassés, mais qu’ils n’ont pas même connus, comme par exemple ces poèmes en prose que nous appelons Romans. […] Je conçois qu’on ne mette pas toute la poésie dans le métier ; mais je ne conçois pas du tout que, quand il s’agit d’un art, on ne tienne nul compte de l’art lui-même, et qu’on déprécie à ce point les parfaits ouvriers qui y excellent.

1768. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

Si les écrivains veulent inventer, il faut qu’ils regardent non les livres et les salons, mais les événements et les hommes ; la conversation des gens spéciaux leur est plus utile que l’étude des périodes parfaites ; ils ne penseront par eux-mêmes qu’autant qu’ils auront vécu ou agi.

1769. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

Vous trouverez de charmants ou sérieux portraits de femmes : celui de Dora, qui reste petite fille dans le mariage, dont les mutineries, les gentillesses, les enfantillages, les rires, égayent le ménage comme un gazouillement d’oiseau ; celui d’Esther, dont la parfaite bonté et la divine innocence ne peuvent être atteintes par les épreuves ni par les années ; celui d’Agnès, si calme, si patiente, si sensée, si pure, si digne de respect, véritable modèle de l’épouse, capable à elle seule de mériter au mariage le respect que nous demandons pour lui.

1770. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIe entretien. Épopée. Homère. — L’Iliade » pp. 65-160

Et si on ajoute à cette admiration que cet interprète si intelligent, si fidèle et si éloquent, décrit, parle et chante dans une langue aussi divine et aussi harmonieuse que sa pensée ; si on ajoute que cette langue cadencée et transparente comme les vagues et comme l’éther dont il est entouré dans ses paroles rythmées, l’ordre logique des idées, le nœud puissant et serré du verbe qui relie en faisceau la phrase, la clarté du plein jour sous un soleil d’Orient, la force de l’expression, la délicatesse des nuances, la saillie du marbre, la vivacité des couleurs, la sonorité des armures d’airain dans le combat, des vagues de la mer dans les cavernes du rivage, le sifflement de la tempête dans les vergues et dans les voiles, le susurrement du zéphire dans les brins d’herbe ou dans les feuilles des forêts, enfin jusqu’aux plus imperceptibles palpitations du cœur dans la poitrine des hommes, on reste confondu, en présence d’un tel prodige d’expression, de tout ce que les sens perçoivent, de tout ce que l’âme sent et pense, et l’on se demande par quel étrange phénomène le plus ancien des poètes en est en même temps le plus parfait, par quel contresens apparent le génie poétique de la Grèce sort des ténèbres le chef-d’œuvre des chefs-d’œuvre à la main ; et on ne peut s’empêcher de se récrier sur le blasphème ou sur la cécité de ceux qui préconisent notre vieille jeunesse au détriment de cette jeune antiquité.

1771. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

C’est parfait.

1772. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quatorzième. »

Cette doctrine des parfaits, cet impossible amour de Dieu, cette piété distinguée, toutes ces rêveries du sens propre, ce rare, ce grand fin en religion, selon l’expression du temps, telle est, pour la plus grande part, l’invention dans Fénelon.

1773. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

Mardi 6 juillet Ici, avec le traitement, on n’a pas une parfaite conscience de soi-même.

1774. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

Le souvenir spontané est tout de suite parfait ; le temps ne pourra rien ajouter à son image sans la dénaturer ; il conservera pour la mémoire sa place et sa date.

1775. (1927) Des romantiques à nous

Ce caractère, ouvertement déclaré, eût diminué nos exigences à son égard en fait de parfaite justesse historique, philosophique et psychologique. […] Il valait mieux pour nos Russes livrer leur âme aux voix de la steppe que de la lier au mol empire des parfaites élégances de Mendelssohn.

1776. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

Une parade parfaite en son genre est toujours un ouvrage méprisable.

1777. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

—  Ce n’est pas la constitution parfaite, c’est la constitution. […] L’un a très bien vu qu’une grande chose disparaissait, la tradition ; et que l’homme sans lien avec l’homme, le parfait individualisme risquait de devenir la façon d’être de l’humanité nouvelle.

1778. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

Il y parle de Dieu, comme d’un « être infini, éternel, parfait, qui produit sans cesse le monde et l’élève sans cesse vers un état meilleur… qui agit sur nous par le mouvement intérieur qui nous porte au bien ». […] Un peintre merveilleusement doué, mais chez qui l’esprit critique fonctionne avec une énergie égale à celle du génie, s’est tellement acharné, et pendant tant d’années, à mettre sur une toile toutes les intentions entrevues dans sa pensée, qu’il a peu à peu détruit son œuvre en croyant la rendre parfaite.

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