Il ne tient qu’aux poètes d’oser y faire d’abondantes moissons, s’ils ne trouvent ailleurs que les restes des imaginations souveraines et des fantaisies superbes qui ont épuisé le champ pour plusieurs générations.
Cependant, je ne pense pas que nul ait jamais soupçonné que ces deux variétés de Maïs fussent deux espèces distinctes ; et les plantes hybrides provenant des cinq graines obtenues s’étant trouvées parfaitement fécondes, Gærtner n’osa s’aventurer jusqu’à avancer que ces deux variétés fussent spécifiquement distinctes.
Pas du tout une raison d’euphonie ; mais on n’osait tout de même pas proscrire du vocabulaire poétique tous les mots contenant un hiatus en eux-mêmes et tous les mots commençant par un h aspiré, lesquels sont forcément en hiatus avec le mot précédent : c’était déjà bien joli d’avoir défendu l’emploi de locutions telles que tu as, tu es. […] Dans une note de Laforgue, on lit ceci : « J’aime, j’ai bu un bon coup de vertige… Je me sens tout solennel… Je me sens généreux, céleste, humain, palpitant, si plein de choses que je n’ose me regarder entre quat’z yeux. […] Seulement Banville n’ose pas prendre sur lui d’accomplir les innovations que Hugo n’a point faites, et il « préconise » seulement les réformes rythmiques que, dit Moréas, « nous avons le courage de réaliser, en ce moment, mes amis et moi ».
Ils n’osent un moment perdre un sujet de vue : Pour prendre Dole, il faut que Lille soit rendue, Et que leur vers exact, ainsi que Mezerai, Ait fait déjà tomber les remparts de Courtrai. […] Oserai-je dire que je les trouve presque constamment réconfortantes, douces et consolantes ? […] La plupart se familiarisent et osent au moins traduire, ce qui est la plus grande audace, encore que passant pour de la modestie. […] Le public a osé dire, les femmes ont osé affirmer, que Margot aurait dû épouser le Francœur de la chose, l’Arnolphe aimable.
Les systèmes ont pullulé les uns par-dessus les autres et débordé en une végétation inextricable, où nul étranger n’osait entrer, ayant éprouvé que chaque matin amenait une nouvelle pousse, et que la découverte définitive proclamée la veille allait être étouffée par une autre découverte infaillible, capable tout au plus de durer jusqu’au lendemain matin. […] L’homme n’est point un être inerte façonné par une constitution ni un être mort exprimé par une formule ; il est une âme active et vivante, capable d’agir, de découvrir, de créer, de se dévouer et avant tout d’oser ; la véritable histoire est l’épopée de l’héroïsme. — Cette idée est, à mon avis, une vive lumière.
Il n’osa pas toutefois rejeter complètement le récit généralement admis ; il supposa que les Espagnols avaient été en cette occasion les alliés des Mores, ce qui, du moment qu’il s’agissait de repousser l’étranger, ne choquait pas le patriotisme castillan. […] Après avoir descendu ainsi environ trois milles, ils trouvèrent « une veine de terre traversant la cave dont issait un vent si horrible et merveilleux qu’il n’y eut celui qui osât aller plus avant », et qu’ils revinrent sur leurs pas, renonçant à l’expédition qu’ils avaient entreprise « comme jeunesse fait souventes fois entreprendre les gens oiseux ». […] Les habitants de Norcia essaient de le dissuader de la redoutable aventure, en lui racontant, — notez ce trait, — que, « selon une écriture », un certain messire Lionel de France avait tâché de pénétrer dans la caverne, mais en avait été repoussé par un vent terrible (cela rappelle la « veine de vent » que n’osèrent pas franchir les explorateurs venus de Montemonaco) ; on parlait d’un autre homme qui y était allé, et n’était jamais revenu. […] Les chefs-d’œuvre classiques ont leur perfection en eux-mêmes : la poésie n’ose pas les transformer, la musique qu’on leur ajoute n’est qu’un ornement accessoire, un lierre qui s’enroule autour d’une colonne.
Devant les regards du roi, à son majestueux aspect, nul n’osait enfreindre les règles qu’il avait prescrites. […] Rarement, aux yeux des autres, l’homme ose révéler les mystères de son âme, à moins qu’un mouvement passionné et involontaire ne l’y entraîne. […] Cependant il n’osa pas risquer cette absurde assertion, et ne fît point de l’homme un animal perfectionné. […] Nous avons pleuré, nous pleurons encore sur tout le sang qui a coulé dans la journée du 10 Août ; et si nous avions cru Louis coupable des inconcevables événements qui l’ont fait répandre, vous ne nous verriez pas aujourd’hui, avec lui, à votre barre, lui prêter, oserai-je le dire, l’appui de notre courageuse véracité. » C’était aux auteurs eux-mêmes des complots du 10 Août qu’il parlait, leur renvoyant le cri du sang qu’ils avaient versé ; c’était devant eux qu’il se présentait vaillamment, non plus comme avocat, mais comme Français ; non plus remplissant un office, mais professant un sentiment personnel.
À peine s’il ose l’espérer. […] Et il nous montre un modèle et un stimulant qui rendent la force et la santé dans l’héroïsme que comportent encore tant d’actes de l’existence journalière, si banale que, par un coutumier effet d’optique, elle paraisse aux contemporains. « Il faut oser son bonheur pour ne pas manquer sa vie. » Voilà, me semble-t-il, la moralité qu’entraînent les amours malheureuses du capitaine Guibert et d’Alice Dulaurens. […] Il se le tait à lui-même, et Geneviève non plus n’ose se l’avouer : il est tout de même vrai qu’il est excédé de la sollicitude de son associée.
Je crois — sans oser en répondre — que le premier article fut celui de L’Universel (22-23 janvier 1830). […] La mode était aux airs funestes et penchés ; Musset osait être gai et se moquait des mélancoliques : RAFAEL. […] … « Ne serait-ce pas une grande nouveauté que de réveiller la muse grecque, d’oser la présenter aux Français dans sa féroce grandeur, dans son atrocité sublime ?
Madame Récamier ne put sans doute ignorer toutes ces inconstances de goût qui ne furent peut-être pas des inconstances de cœur ; nous croyons, sans oser l’affirmer, que le chagrin qu’elle dut en ressentir explique seul son éloignement de Paris et son second voyage à Rome, à l’époque la plus triomphante du séjour de M. de Chateaubriand à Paris.
Ni gagne-pain751, ni amusement, sa poésie fut l’épanchement nécessaire d’une âme noble, belle et, si j’ose dire, fondante.
Et j’ose ajouter : voyez Anatole allant enterrer Vermillon..
La même inspiration panthéistique, le sentiment le plus exalté et le plus profond de la vie universelle, la foi que dans le monde tout est lié, tout est uni, accordé, qu’un anneau qui s’ébranle ébranle la chaîne, qu’une corde qui vibre fait vibrer toutes les cordes de cette harpe infinie qui est l’Univers ; voilà la grande pensée lyrique dans laquelle ils sont unis, et j’ose dire que c’est la toute leur religion ; voilà aussi la partie vivante de leur œuvre ; voilà ce qu’on découvre toujours sous l’enveloppe de leur poésie ; voilà le fond de leur âme sous toutes les formes transitoires qu’ils ont pu ou qu’ils pourront revêtir.
Mais il faut, en outre, que nous la fassions nôtre, et que nous ayons cette illusion qu’elle vient de nous, alors que toutes ses prescriptions nous arrivent pourtant du dehors et que nous n’oserions jamais, à moins de vouloir simuler la folie, parler d’un devoir qui ne nous serait pas recommandé par quelque autorité morale, ou qui, du moins, ne serait pas reconnu comme devoir possible par un certain nombre de nos contemporains.
Et quel fou oserait soutenir qu’il faut dès lors interdire aux amateurs français d’entendre et le Freischütz et Don Juan pour ces deux morts et les empêcher de recommencer une autre fois.
— C’est pas mal, pas mal, reprend Zola, et ma foi, oui, j’étais à la représentation, par moments, furieux contre les lâches, qui n’osaient pas applaudir… j’aurais aimé à leur dire des sottises.
Cependant malgré la sévérité de ce jugement & le dégoût du public pour ces sortes de discours, j’ose avouer que j’en ai lu un grand nombre avec plaisir.
Après avoir comparé le climat actuel de l’Australie et celui des différentes contrées de l’Amérique du Sud sous les mêmes latitudes, il faudrait être bien hardi pour oser, d’une part, rendre compte des dissemblances des habitants de ces deux continents par des dissemblances dans les conditions physiques, et, d’autre part, expliquer par les ressemblances de ces conditions l’uniformité des mûmes types dans chacune de ces régions pendant les dernières périodes tertiaires.
Nous n’oserions l’affirmer ; mais il semble bien que nous soyons alors sur le chemin de la fausse reconnaissance, et qu’il y aurait peu de chose à faire pour y arriver.
Mais qui osera dire que cette transition de la liberté républicaine au despotisme monarchique fût autre chose qu’un mal inévitable ?
Tantôt inspirée par sa sensibilité naturelle, elle laisse échapper son âme ; mais tout à coup l’argumentation se réveille et vient contrarier les élans du cœur… Ce livre est donc un mélange singulier de vérités et d’erreurs. » Les éloges accordés au talent s’assaisonnent parfois d’une malice galante et mondaine : « En amour, Mme de Staël a commenté Phèdre… Ses observations sont fines, et l’on voit par la leçon du scholiaste qu’il a parfaitement entendu son texte. » La lettre se termine par une double apostrophe éloquente : « Voici ce que j’oserais lui dire, si j’avais l’honneur de la connaître : Vous êtes sans doute une femme supérieure. […] Je voulais faire du bruit pour avertir que j’étais là ; mais j’hésitai, jusqu’à ce que, l’entretien continuant et s’établissant à quelques pas de moi, il lut trop tard pour interrompre, et il me fallut tout écouter, reproches, explications, promesses, sans me montrer, sans oser reprendre haleine. » — « Heureux homme !
Non photographié, mais non plus déformé : transfiguré, si j’ose dire. […] La littérature ose rire et ils essaient de faire rire.
Il admira sans oser Mme Sabatier, pourtant « vivandière pour faunes » et la princesse Mathilde. […] Emma Bovary ou Homais, Don Quichotte ou Sancho, c’est bien cela : du grotesque ou du ridicule triste qui fait rêver, qui fait penser. « Il faudrait qu’après l’avoir lu, disait Flaubert du Dictionnaire, on n’osât plus parler de peur de dire un mot qui s’y trouve. » Pareillement, on peut concevoir une somme de romans sur le type de Madame Bovary, qui embrasserait tous les types humains, et après la lecture desquels on n’oserait plus vivre, de peur de vivre une des vies dont l’automatisme y fonctionne en dégageant du ridicule. […] Non seulement il y figure, comme tout le monde (« Il faudrait qu’après l’avoir lu on n’osât plus parler de peur de dire quelque chose qui s’y trouve »), mais il se sert du Dictionnaire avec autant d’expérience que Lheureux se sert du Code. […] Le meilleur moment, pour de telles natures, est celui de la possession virtuelle, l’ensemble de possibilités entre lesquelles on ne veut et on n’ose pas choisir. […] Enfin, c’est aussi dans sa jeunesse, à son retour d’Orient, qu’il conçoit l’idée de ce Dictionnaire des idées reçues, qui devait être tel et qu’une fois qu’on l’aurait lu on n’osât plus parler de peur de dire naturellement une des phrases qui s’y trouvent123 ».
On aime aujourd’hui, je crois, des descriptions plus simples de ton, moins oratoires, si j’ose dire… » Au contraire, c’est à ceux qui n’ont pas vu plutôt qu’aux autres (ceux-ci ont leur vision propre qui résiste) que la description de Chateaubriand fait voir. […] — Il faudrait qu’après avoir lu le Dictionnaire des idées reçues on n’osât plus parler, de peur de dire naturellement une phrase qui s’y trouve. » Le diable dans l’œuvre de Flaubert ne tente pas que saint Antoine, et quand Flaubert lui fait dire, à la fin de la première Tentation : « Je reviendrai ! […] « Si vous vous promenez dans l’île de la Cité, vous y trouverez le City-Hôtel, et vous pourrez voir, les jours de courses, passer sur les boulevards un char à banc automobile qui conduit les sportsmen à Auteuil ou à Longchamp ; il se nomme le Bastill’Car. » Devant toute une page de ces horribles détails anglomaniaques, Denis, qui est comme moi et qui n’oserait entrer chez Émil’s ou Adrienne’s, de peur que l’s ne lui restât dans la gorge ou ne fût porté sur l’addition, Denis sent qu’il va s’évanouir. […] Je n’oserais opposer de la même manière le Nietzsche de Bertram et celui de M. […] Robert de Souza, homme de foi, eût été à peu près seul, il y a dix ans, à oser envoyer de Nice le télégramme à la Paul Alexis : « Symbolisme pas mort.
Le choléra s’abat sur nous et fait de grands ravages… la 1re division est décimée ; la 2e moins touchée ; la 3e a peu de cas ainsi que la 4e, mais la 5e est horriblement maltraitée… Le moral des troupes est excellent, mais comment oser entasser pour quatre ou cinq jours sur des vaisseaux des hommes qui ont le germe cholérique, germe qui existe aussi sur la flotte, où plusieurs équipages sont atteints et ont eu des morts !
Voyant son canton stérile et ses colons paresseux, il les enrégimente, hommes, femmes, enfants, et, par les plus mauvais temps, lui-même à leur tête, avec ses vingt-sept blessures, le col soutenu par une pièce d’argent, il les fait travailler en les payant, défricher des terres qu’il leur donne à bail pour cent ans, enclore d’énormes murs et planter d’oliviers une montagne de roches. « Nul n’eût pu, sous aucun prétexte, se dispenser de travailler qu’il ne fût malade, et en ce cas secouru, ou occupé à travailler sur son propre bien, article sur lequel mon père ne se laissait pas tromper, et nul ne l’eût osé. » Ce sont là les derniers troncs de la vieille souche, noueux, sauvages, mais capables de fournir des abris.
Si l’image par sa présence provoque d’un côté une illusion constante, qui est le souvenir, d’un autre côté elle compense cette illusion par son origine, qui est presque toujours une sensation antérieure ; si j’ose ainsi parler, elle rectifie, d’une main, l’erreur où, de l’autre main, elle nous induit.
Elle n’en est que l’accompagnement, et, si j’ose ainsi parler, la gangue.
L’éclat de son grand nom lui fait peu d’envieux, Et peu d’hommes au coeur l’ont assez imprimée Pour oser aspirer à tant de renommée.
Je n’ose prononcer, mais je crois que l’inspiration du lyrique est supérieure à la combinaison du machiniste qui fait jouer sur la scène ces marionnettes humaines qu’on appelle des personnages dramatiques ; seulement, quand ces personnages parlent comme les font parler les grands poètes dramatiques, le génie est égal et l’emploi est différent.
Mais, quant à y trouver une divinité parfaite, c’est ce que j’ose affirmer, si l’on peut affirmer quelque chose. » C’est néanmoins de ces consolantes conjectures, et de ces magnifiques probabilités, que le monde vit depuis qu’il est né, et qu’il vivra jusqu’à son dernier jour.
Le matin, pensez que vous n’atteindrez pas le soir ; le soir, n’osez pas vous promettre de voir le matin.
C’est déjà un châtiment de n’oser renvoyer même les amants qu’elle méprise.
Si Dante, pour nous faire concevoir les béatitudes des dernières sphères du paradis en même temps que leur beauté, compara les chœurs des âmes bienheureuses groupées et pressées en innombrables multitudes, aux feuilles d’une rose s’inclinant toutes vers le même centre, nous oserons peut-être dire, ne pouvant traduire que par une autre image l’impression laissée par ce chant qu’on croirait descendre des mystérieuses hauteurs de l’Empyrée, qu’elle ressemble à l’ascétique ivresse que produirait sans doute en nous la vue de ces fleurs mystiques des célestes séjours, qui sont tout âme, toute divinité, et répandent un frémissant bonheur autour d’elles.
Jamais Pétrus Borel n’aurait osé cette image insensée : Brûlé de plus de feux que je n’en allumai !
Un craquement se fit dans le couloir ; il n’osa.
Tant que l’homme n’aura ni perfectionné ses organes, ni vaincu la souffrance physique et morale, ni prolongé sa vie d’une heure, ni prolongé l’existence de ceux qu’il aime ; tant qu’il sera ce qu’il est, un insecte rampant sur des tombeaux pour chercher le sien et pour s’y coucher dans les ténèbres, quel est le railleur qui osera lui parler des progrès de son bonheur ?
Voltaire l’a essayé dans un poème plus ordurier que plaisant ; où Voltaire a échoué qui osera se flatter de réussir ?
Hume est celui de tous les philosophes qui a osé aborder cette question avec le plus de fermeté, mais sous une seule de ses faces, dans le célèbre principe de causalité, et on sait comment il l’a résolue.
J’oserais presque répondre : à personne, si ce n’est aux poètes, aux orateurs, aux érudits et aux autres classes des littérateurs de profession, c’est-à-dire aux états de la société les moins nécessaires.
À côté du dogme qu’il définit avec scrupule et crainte, il osera davantage dans cette métaphysique qu’il a reçue de Platon et que la religion permet en la sanctifiant.
Donc, quiconque ose dire : Hors de l’Église point de salut, doit être chassé de l’État ». […] L’État devra donc, s’il veut vivre : 1º exiler a priori tous les catholiques : « Quiconque ose dire : Hors de l’Église point de salut doit être chassé de l’État » ; 2º exiler tous ceux qui déclareront ne point croire à Dieu, à l’immortalité de l’âme, à la Providence, aux récompenses et aux peines futures ou à l’un quelconque de ces points ; 3º punir de mort ceux qui, ayant adhéré à cette religion, se conduiraient de manière à montrer qu’ils n’y croient pas. […] J’espère le démontrer un jour et que la morale sans obligation est un pur rien, parce qu’elle n’a aucune force et que la théorie de la morale sans obligation n’est qu’un détour prudent ou une illusion honnête de ceux qui n’ont pas osé nier tout simplement la morale et l’attaquer de front ; mais c’est une démonstration que je n’ai pas à faire pour le moment, ne voulant que montrer que jusqu’à présent l’humanité n’a pas trouvé le moyen d’être religieuse sans être en même temps morale, ni d’être morale sans être en même temps religieuse ; ne voulant que montrer que la religion se métamorphose en morale et la morale en religion, l’une et l’autre comme naturellement ; ne voulant que montrer qu’il y a eu jusqu’à présent entre elles des liens intimes de création réciproque et de substitution et même d’identité, sinon primitive, du moins acquise ; ne voulant que montrer enfin que qui veut détruire l’une doit s’attacher à détruire les deux. […] Clémenceau osa se moquer de M. […] Il osa peut-être plus, c’est à savoir qu’il se permit de dire que les anticléricaux ne faisaient que « transférer la puissance spirituelle du pape à l’État ».
Rien de ce qui est ne doit être détruit ; rien n’est superflu… Pour comprendre cela, il faut du courage et, comme condition de ce courage, un excédent de force ; car dans la même mesure où le courage ose se porter en avant, la force s’approche de la vérité. […] L’homme n’a pas osé s’attribuer à lui-même tous les moments surprenants et forts de sa vie ; il a imaginé que ces moments étaient passifs, qu’il les subissait et en était subjugué… et il a ainsi fait deux parts de lui, l’une pitoyable et faible, qu’il a appelée l’homme, l’autre très forte et surprenante, qu’il a appelée Dieu. » Tout, donc, a poussé l’homme à la religion, et sa faiblesse et sa force, et sa force accidentelle en raison même de sa faiblesse ordinaire, et aussi sa faiblesse ordinaire, en raison de sa force accidentelle ; car, s’il était toujours faible, il ne sentirait pas sa faiblesse, et c’est sa force accidentelle qui lui fait sentir et mesurer sa faiblesse accoutumée. — Voilà l’origine des religions suffisamment expliquée, ce semble, puisqu’on explique par ce qui précède et pourquoi elles sont, et aussi qu’il n’est guère possible qu’elles ne soient pas. […] Ou, s’ils osent la contempler, elle les éblouit de telle manière qu’ils modifient toutes leurs idées par rapport à elle, en considération de ce qu’elle veut et qu’ils les amènent par de savants détours à n’être que ruisselets qui se dirigent vers la morale et qui s’y perdent. […] Elle consiste à croire très profondément qu’il y a une puissance supérieure, immense, sublime, infinie, avec laquelle nous avons un commerce intime, à qui nous parlons quand nous voulons, qui nous écoute toutes les fois que nous lui parlons et qui — c’est vraiment notre confiance et nous osons le lui dire — ne peut rien nous refuser, tant nous l’aimons. […] Le bien est bon, certainement ; seulement le mal est meilleur. « Ce sont les esprits les plus forts et les plus méchants qui ont, jusqu’à présent, fait faire les plus grands progrès à l’humanité : ils allumèrent toujours à nouveau les passions qui s’endormaient — toute société organisée endort les passions, — ils éveillèrent toujours à nouveau le sens de la comparaison, de la contradiction, le plaisir de ce qui est neuf, osé, non éprouvé ; ils forcèrent l’homme à opposer des opinions aux opinions, un type idéal à un type idéal.
J’ose déclarer ici que je n’ai point d’autre but : on permettra à un historien d’agir en naturaliste ; j’étais devant mon sujet comme devant la métamorphose d’un insecte26. » Mais il dit aussi ailleurs. […] Et pour oser le faire alors, il faut souvent posséder, à un degré généralement plus faible, les qualités qui ont fait le créateur. […] Gros, précurseur de Delacroix, terrorisé par David, n’ose se livrer à lui-même, finit par ne plus savoir se servir des inspirations nouvelles qui l’auraient mis au-dessus de ses rivaux.
Qui donc aujourd’hui ose encore unir l’idée de beauté à une conception de l’ordre ? […] Je frémis quand je songe que des gens qui portaient l’adultère au fond de leur cœur osaient parler de vertu. […] Ils n’osent plus s’abandonner à leur instinct, de peur qu’il ne soit faussé.
Mais si Loti ne doit rien à Renan, ni à Flaubert, ni aux poètes du Parnasse, oserions-nous jurer qu’il n’a rien lu des poètes anglais ? […] Mais, après le procès scandaleux de Bruxelles et la condamnation à deux ans de prison pour une tentative de meurtre, de piteuse allure, qui eût osé marquer ouvertement quelque intérêt au « pauvre Lélian » ? […] Or ce n’est pas impunément qu’à l’âge où l’esprit est si facile à façonner et même à déformer, cereus in vitium flecti, l’adolescent précoce a entendu, a retenu ces invitations à l’ivresse, Le Vin des Chiffonniers, Le Vin des Amants, Le Vin de l’Assassin, Le Vin du Solitaire : Tout cela ne vaut pas, ô bouteille profonde, Les baumes pénétrants que ta panse féconde Garde au cœur altéré du poète pieux ; Tu lui verses l’espoir, la jeunesse et la vie, Et l’orgueil, ce trésor de toute gueuserie, Qui nous rend triomphants et semblables aux dieux Et si Verlaine, en 1868, écrit le petit livre, Les Amies, qu’il n’ose pas, pourtant, produire au jour sans déguiser son visage de jeune auteur et sans abandonner l’honneur, plutôt suspect, de ces sonnets « artistes », mais libidineux, au licencié de Ségovie Pablo de Herlañez ; s’il s’est complu, comme un peintre de la décadence florentine, à perpétrer ces études de musée secret, c’est pour avoir sans doute été de très bonne heure initié par l’édition princeps des Fleurs du mal à des égarements voluptueux, exaltés dans des vers d’une harmonie alliciante : Lesbos, terre des nuits chaudes et langoureuses, etc.
Mais les bons et louables esprits sont ceux qui ont dans le passé un goût bien net… Ce sont ceux enfin qui osent avoir une passion, une admiration, et qui la suivent ». […] Un artiste de trop de goût risquera même de ne pas oser assez, de ne pas savoir se lancer en pleine eau pour nager. […] L’exemple le dira mieux : Ovide, Lucain, Virgile. » Ces lignes viennent de la même main que certaines impressions d’amour sensuel, qu’on n’osera plus après les Essais.
Depuis la fondation de l’ordre, sans compter Balzac, le grand maître, ce qu’il est mort de simples Chevaux rouges, nous n’osons le dire. […] Cette idée nous serrait le cœur et nous osions à peine songer à l’affreux désespoir qui suivrait une telle séparation. […] En un mot, au lieu de choisir un point de vue pour ses tableaux, il voulait que le spectateur, en s’avançant ou en se reculant, eût les aspects variés que donne un véritable paysage : — d’abord l’arbre, ensuite les feuilles, puis chaque feuille et même une seule feuille, si votre fantaisie voulait borner là son examen C’est à poursuivre la réalisation de ce rêve qu’on n’ose plus dire impossible quand on a vu le Médecin de campagne, que M. de Laberge a consumé sa vie.
« Ose le tromper et rêver », disait Schiller ; c’est la devise même de l’art. […] Il vaut mieux ne pas parler en vers de choses dont on n’ose pas parler simplement dans le langage de tous. […] « Osons proclamer la liberté complète, s’écrie M. de Banville, et dire qu’en ces questions l’oreille seule décide. » Il ajoute, il est vrai, cette objection : « Mais si je n’ai pas d’oreille ? […] Renouvier et l’école criticiste, l’imagination poétique est de nos jours dans un état d’infériorité parce qu’elle se prend et qu’on la prend « trop au sérieux » ; elle n’ose s’étendre librement, de peur de la raison ; il faut, au contraire, qu’elle se joue en pleine liberté et « abandonne toute prétention directe sur le vrai et sur l’utile ».
quand règne la langue de la Cour, et que l’urbanité est maîtresse, les patois sont comme des parents pauvres que l’on consigne à la porte, que l’on fait chasser par ses gens, s’ils osent passer le seuil, et que l’on ne reconnaît plus.
Tout à l’heure, pensant à une représentation du Prophète, je répétais silencieusement en moi-même la pastorale de l’ouverture, et je suivais, j’ose dire, je sentais presque, non seulement l’ordre des sons, leurs diverses hauteurs, suspensions et durées, non seulement la phrase musicale répétée en façon d’écho, mais encore le timbre perçant et poignant du hautbois qui la joue, ses notes aigres, tendues, d’une âpreté si agreste, que les nerfs en sursautent, pénétrés d’un plaisir rude comme par la saveur d’un vin trop cru. — Tout bon musicien éprouve à volonté cette impression quand il suit les portées couvertes de leurs signes noirs.
Qui osera prononcer entre Rossini et Raphaël ?
Chaque soir je me couche en désirant que ce jour honteux soit le dernier ; chaque matin je me réveille en me disant à moi-même : Reprends cœur, bois ton amertume ; lutte encore, car, si tu faiblis un moment ou si tu quittes ta patrie en abandonnant à tes créanciers des terres que nul n’ose acheter, ta lâcheté perdra ceux que tu dois sauver ; tu es leur otage, ne t’enfuis pas ; sois le Régulus de leur salut.
Nul à Weimar n’aurait osé se scandaliser d’une hardiesse de la vie privée ou publique du roi de l’intelligence en Allemagne ; il était, comme Louis XIV, au-dessus de l’humanité : il avait le droit divin du scandale.
Je n’osai pas la saluer ; elle n’avait pas de raison de reconnaître dans un étranger errant sous les pins de la campagne de Rome un de ses danseurs de Paris.
Le mortel n’est pas encore né et ne naîtra pas qui oserait venir dans les États des Phéaciens pour y apporter la guerre, car ils sont chéris des dieux, et nous habitons à l’écart, les derniers, au sein des ondes écumeuses et immenses.
Avec Platon : je n’osais pas le dire, mais il m’est tombé sous les yeux, et j’ai voulu faire sa connaissance.
XI Si nous avions le talent, l’âge, le loisir et un pourvoyeur comme Alexandre, mettant des milliers d’hommes à notre disposition pour étudier partout les formes et les mœurs de tous les animaux dans l’univers connu, nous oserions entreprendre cette œuvre et chanter ainsi le cantique plus complet de la création, le spiritualisme de l’histoire naturelle.
« Le troglodyte d’hiver ressemble tellement au troglodyte d’Europe, que j’ai cru longtemps à leur identité ; mais des comparaisons faites avec soin sur un grand nombre d’individus m’ont appris qu’il existe entre eux certaines diversités constantes de coloration ; toutefois j’hésite encore, et n’oserais dire, avec une entière certitude, qu’ils sont spécifiquement différents. » III.
Elle voyait réaliser en France ce qu’elle n’ose faire, par une certaine timidité.
Dans leurs impressions en couleur, les Japonais seuls, ont osé ces étranges effets de nature.
Car cela, à quoi nous avons donné la netteté et le caractère, ne serait jamais sorti du savant, frappé du style et de l’osé de notre plume, — car il aurait eu, devant le papier, les timidités baveuses et les corrections un peu intimidées, qu’il nous a envoyées, en marge de nos épreuves.
Il l’a revue, à des années de là, plusieurs fois, et n’a jamais osé faire allusion à cette soirée.
J’ose à peine vous le dire, tant il est fou ; mais je vous en supplie, ne voyez là-dedans qu’une forme de la douleur… ; voyez le mal et non pas son objet.
Que l’on considère d’ailleurs qu’il n’y a pas de théoricien du réalisme qui ait osé prescrire l’imitation exacte, précise du réel comme un principe d’art ; on comprend aussitôt qu’on aboutirait simplement de la sorte, si un parvenait en effet à tout copier parfaitement, à créer des doubles des choses et des gens qu’il n’y aurait aucun intérêt à leur substituer.
De par la différence des cerveaux, un enfant de quinze ans, si l’on le choisit intelligent (car on trouve que la majorité des femmes sont ordinaires, le plus grand nombre des jeunes garçons stupides, avec quelques exceptions supérieures), jouera adéquatement son rôle, exemple le jeune Baron dans la troupe de Molière, et toute cette époque du théâtre anglais (et tout le théâtre antique) où l’on n’aurait jamais osé confier un rôle à une femme.