Joignez-y le débit éloquent, les grâces, le propos libre et peu gêné sur tout sujet ; il y avait là de quoi être à la mode en 1717, et il le fut. […] Il avait pu écrire à son frère, en un jour de forfanterie et dans un parti pris de gaieté, ce mot significatif qui résume toute une philosophie d’abaissement et d’abandon : Au surplus, portez-vous bien, et souvenez-vous qu’il n’y a que fadaises en ce bas monde, distinguées en gaillardes, sérieuses, politiques, juridiques, ecclésiastiques, savantes, tristes, etc., mais qu’il n’y a que les premières, et de se tenir toujours le ventre libre, qui fasse vivre joyeusement et longtemps.
Ce grand poste fut l’archevêché d’Aix, dont Cosnac n’aurait pas voulu d’abord pour plusieurs raisons, parmi lesquelles il en était de très positives, telles que le peu de revenus de cet archevêché ; mais le roi avait besoin, dans cette province difficile, en face de ces esprits fâcheux et par trop libres des Provençaux, d’un homme ferme et qui ne reculât point devant l’obstacle. […] Pourtant, tout cela ne répond pas à l’idée première qu’on se faisait de l’amusant, du libre, du badin et hardi Cosnac, de ce fou de Cosnac, comme dit Voltaire qui n’est que l’écho de la tradition.
Ce peuple a beau avoir pour éclaireur et pour guide cette généreuse presse britannique qui est plus que libre, qui est souveraine, et qui par d’innombrables journaux excellents fait la lumière à la fois sur toutes les questions, il en est là ; et que la France ne rie pas trop haut avec sa statue de Négrier, ni la Belgique avec sa statue de Belliard, ni la Prusse avec sa statue de Blücher, ni l’Autriche avec la statue qu’elle a probablement de Schwartzenberg, ni la Russie avec la statue qu’elle doit avoir de Souwaroff. […] En outre, chez cette nation prude, il est le poëte libre.
C’est, selon l’éditeur, un Dictionnaire comique, satyrique, critique, burlesque, libre & proverbial. […] “On ne peut assez admirer, dit l’Abbé Goujet, la complaisance que l’auteur a eu de s’humaniser avec le plus bas peuple, pour s’enrichir de ses façons de parler & de penser ; & d’employer ses veilles à puiser tout ce qu’il y a de plus libre dans les ouvrages qui sont réprouvés de quiconque n’a pas encore perdu toute pudeur.
Ce n’est pas un homme libre, c’est un esclave : ne cherchez pas en lui un artiste désintéressé. […] La Lorette est une personne libre.
Pour les kantiens, il est trop évident que, définissant la moralité par la bonne volonté, et dotant toutes les personnes humaines de volontés également libres, ils décrètent immédiatement, en même temps que l’égalité des devoirs, l’égalité des droits. […] Il n’y a pas de lois faites pour interdire, à telle catégorie de citoyens, telle espèce, d’activité productrice de richesses : la société laisse tous ses membres également libres d’acquérir et de posséder.
N’est-il pas reconnu que l’accroissement de la quantité sociale a pour principal effet de gêner le libre jeu des institutions dites démocratiques ? […] On peut dire alors qu’ils se présentent vraiment nus devant notre esprit, comme les âmes devant Minos ; nous n’avons aucune raison a priori de préférer l’un à l’autre, nous aurons donc l’esprit plus libre pour proportionner, comme le veut l’égalitarisme, les sanctions qui leur seront distribuées à la valeur des actions qu’il s’agit de comparer.
Notre époque étant une époque de libres penseurs, M. d’Aurevilly la traitera comme Murat traitait les cosaques, à coups de cravache. […] Pas d’historiens libres, mais des historiens officiels, nommés par l’autorité, en un mot des historiographes. […] La signification du mot crevette, appliqué aux filles libres, ne doit-elle pas, être rapportée à Balzac ? […] Cette tâche, les esprits libres seuls la peuvent remplir. […] Car être libre, c’est pouvoir être juste, c’est pouvoir être vrai.
Il lui arriva un peu ce qui arrive à de certaines jeunes filles qui épousent des vieillards : en très-peu de temps leur fraîcheur se perd on ne sait pourquoi, et le voisinage attiédissant leur nuit plus que ne feraient les libres orages d’une existence passionnée : Je crois que la vieillesse arrive par les yeux, Et qu’on vieillit plus vite à voir toujours les vieux, a dit Victor Hugo.
Ils devraient, ce me semble, laisser leurs disputes jusqu’à ce que la paix générale fût faite, et ensuite recommencer leurs guerres civiles, s’arracher leurs bonnets de la tête, s’ils en avaient envie ; mais présentement nous avons des choses plus sérieuses ; et pour moi, j’ai si fort regardé ces deux partis avec indifférence, que je n’ai pas voulu presque en entendre parler, et que je cherche toujours mes confesseurs exempts de haine ou d’amitié pour eux. » Grâce à madame des Ursins et à la reine d’Espagne, princesse remplie de force et de prudence, l’intérieur de cette cour demeura libre de toute intrigue religieuse, quoique le roi Philippe méritât d’être appelé un grand saint ; et, malgré l’exemple de la France, on n’eut à s’occuper en Espagne que des soins de la guerre.
En examinant sous le rapport du style ce premier livre des Histoires, traduit par l’illustre auteur, nous l’avons trouvé plus digne qu’on ne croit de Tacite et de lui, par le ton libre et ferme qui y respire, et je ne sais quelle séve de grand écrivain qui y circule ; on sent qu’il y traite son émule d’égal à égal, et que même, au besoin, il s’inquiète assez peu de le brusquer.
Le point le plus élevé, la source de toutes les faveurs, est l’objet de l’attention générale ; et comme dans les pays libres le gouvernement donne l’impulsion des vertus publiques, dans les monarchies la cour influe sur le genre d’esprit de la nation, parce qu’on veut imiter généralement ce qui distingue la classe la plus élevée.
Le bonheur qui naît des passions est une distraction trop forte, le malheur qu’elles produisent cause un désespoir trop sombre pour qu’il reste à l’homme qu’elles agitent aucune faculté libre ; les peines des autres peuvent aisément émouvoir un cœur déjà ébranlé par sa situation personnelle, mais la passion n’a de suite que dans son idée ; les jouissances, que quelques actes de bienfaisance pourraient procurer, sont à peine senties par le cœur passionné qui les accomplit.
J’ai connu quelques Anglais ; j’en ai vu en voyage, où ils se conduisent en « hommes libres » qui usent de tous leurs droits et où leurs façons manquent un peu de grâce et de moelleux.
Maintenant l’art est libre : c’est à lui de rester digne.
Ce qui perdit celui-ci, ce fut moins sa philosophie huée sur le théâtre, ce furent moins ses maximes tournées en ridicule, que sa façon libre de s’expliquer sur la religion & sur le gouvernement de son pays.
Si le stile de Bayle est souvent libre, indécent ; si cet écrivain s’arréte à des contes, à des historiettes scandaleuses, c’est qu’il ignoroit l’usage du monde & l’emploi de bien des mots dont il se sert.
À Bruxelles : L’Art Moderne, Le Thyrse, Durendal, le Jeune Effort, L’Idée Libre, La Belgique Artistique et Littéraire, Jadis, L’Essor Littéraire, etc… À Liège : Vallonia, etc… Sans compter les revues disparues, La Jeune Belgique, Le Coq Rouge, Comme il vous plaira, etc… 66.
Tout en portant aussi loin que l’empirisme par le domaine de la science, tout en ouvrant le monde entier à la libre réflexion et en affirmant qu’il y a une explication possible des choses, il oppose une fin de non-recevoir aux explications sommaires et simples.
Levallois a fait entrer, après coup, dans son amour naïf et spontané de la nature, l’idée, cette incroyable idée que la nature est une éducatrice et qu’elle nous trousse plus libres moralement et plus souples pour le devoir !!!
Pour être plus libre dans sa lutte contre les difficultés de l’original, il a brisé son rhythme par l’enjambement, par la césure, par tous les coups qu’il pouvait, hélas !
Je répugne au catholicisme romain, à cause de son administration formidable et parce qu’il ne laisse pas assez de jeu à la libre interprétation de l’Univers par chaque individu.
Si vous portez vos regards plus loin, vous trouverez en Hongrie ce fameux Jean Hunniade qui combattit les Turcs, et simple général d’un peuple libre, fut plus absolu que vingt rois ; et ce Mathias Corvin son fils, le seul exemple peut-être d’un grand homme fils d’un grand homme ; en Épire, Scanderberg, grand prince dans un petit État ; et parmi les Orientaux, ce Saladin, aussi poli que fier, ennemi généreux et conquérant humain ; Tamerlan, un de ces Tartares qui ont bouleversé le monde ; Bajazet qui commença comme Alexandre, et finit comme Darius : d’abord le plus terrible des hommes, et ensuite le plus malheureux ; Amurat II, le seul prince turc qui ait été philosophe, qui abdiqua deux fois le trône, et y remonta deux fois pour vaincre ; Mahomet II, qui conquit avec tant de rapidité, et récompensa les arts avec tant de magnificence ; Sélim, qui subjugua l’Égypte et détruisit cette aristocratie guerrière établie depuis trois cents ans aux bords du Nil, par des soldats tartares ; Soliman, vainqueur de l’Euphrate au Danube, qui prit Babylone et assiégea Vienne ; le fameux Barberousse Chérédin, son amiral, qui de pirate devint roi ; et cet Ismaël Sophi, qui au commencement du seizième siècle, prêcha les armes à la main, et en dogmatisant conquit la Perse, comme Mahomet avait conquis l’Arabie.
En tout cas, les deux images restent prêtes à divorcer ; le divorce règne en permanence dans le monde des idées, qui est le monde de l’amour libre. […] L’homme n’est pas libre, ni la nature, pas plus que ne sont justes ni l’homme ni la nature. […] Mais que chacun soit libre même de jouer avec le feu ; la prudence se conseille et ne doit pas s’imposer. […] Nous ôterons des baleines au corsage pour que le profil soit plus pur de la poitrine plus libre, mais non afin de favoriser les mains grossières. […] Plus d’un esprit libre et logique de ce temps a relu dans Nietzsche telle de ses pensées.
Un poète vous lit ses vers ; vous les trouvez mauvais, libre à vous, je ne puis rien à cela. […] Le Sicilien, qui est écrit en vers libres, non rimés, en prose cadencée, si vous le préférez, eût été son affaire. […] Il y a des scènes qui prêtent à la poésie et que Molière, préoccupé du vers libre, a dû écrire avec le souci de la mesure et de la cadence. […] La Fontaine seul a manié le vers libre avec cette science et cette grâce. […] Je ne sais rien de plus difficile à dire que le vers libre d’Amphitryon.
Voilà le poète à l’état libre, si l’on peut dire, quand il ne se garde pas : une lyre frémissante à tout ce qui passe. […] Ainsi les gais amis de notre libre et turbulente jeunesse, l’un après l’autre, solitairement, se perdent par le monde et laissent à la fin leur frère tout seul, vieillissant. […] « Me voici redevenu un libre Cosaque », écrit-il à cette date. […] As-tu goûté de la vie libre, enrôlé parmi les haleurs de barques ? […] La première nouvelle de Pisemsky, le Temps des boyars, est un plaidoyer pour l’amour libre, visiblement inspiré par l’auteur d’Indiana, tout comme le roman d’Herzen, À qui la faute ?
Il a réalisé l’idée de discipline comme un Chateaubriand réalise l’idée de survie décorative ou un Victor Hugo l’idée de libre épanouissement verbal. […] Seulement, il est exact que le caractère grammatical, et particulièrement de la langue française, se renforce au fur et à mesure qu’elle avance, qu’elle est réalisée par des écrivains, que sa texture devient moins libre, que ses lois se formulent, que sa jurisprudence se fixe. […] Naudeau ne prenait pas parti, voyait venir, était tout à son métier de plein air, libre, joyeux, désintéressé. […] S’il n’y a pas, même et surtout au Parlement, de chemise de l’homme heureux, il y a une chemise de l’homme libre : c’est son linceul. […] Dans le Repas Ridicule, qui reste un des morceaux solides de la critique gastronomique, Boileau était libre de dénoncer comme empoisonneur le restaurateur Mignot, qui répondit en enveloppant ses pâtés dans une satire de Cotin contre Boileau.
Grâce à l’esprit que vous y entretenez, on s’y sent libre de dire ce que l’on prend pour la vérité, sans crainte de paraître partisan si l’on réprouve, ni courtisan si l’on approuve. […] Leur surprenante nouveauté enfanta ce qu’on nomme le vers libre, monstre bizarre qui n’a point la figure de sa mère, car si le vers libre expose en plein jour l’usage qu’il fait de toutes les coupes rythmiques, le vers mallarméen révèle toutes ces mêmes coupes, secrètes et cachées en lui-même. […] Rodenbach, par exemple, brisa l’alexandrin avec une extrême virtuosité avant d’aboutir dans ses derniers recueils à ces vers libres que nous étiquetterons volontiers du nom de M. […] On relève beaucoup moins de fautes pareilles dans ses vers libres, et sa prose en est à peu près exempte. […] * * * Pour nous, il ne nous plairait pas de dire qu’un esprit aussi libre que M.
Et ce n’est pas seulement Ginguené, c’est-à-dire un ancien camarade de collége qui s’exprime ainsi, notez-le bien, c’est plus ou moins tout le monde, c’est l’Année littéraire 172, c’est Palissot, c’est Fontanes, c’est Garat, et Garat bien avant le discours académique par lequel il reçut Parny, mais dans ses jugements tout à fait libres et des plus sincères. […] Quel glorieux souvenir sans tache il eût laissé alors, et quel libre champ ouvert au rêve ! […] On raconte que, quelques années auparavant, celle qui avait été Éléonore, devenue veuve et libre, et restée naïve, avait écrit de Bourbon à son chantre passionné pour lui offrir sa main ; mais il était trop tard, et Parny ne laissa échapper que ce mot : « Non, non, ce n’est plus Éléonore. » — Celle-ci alors, selon la chronique désormais certaine et très-positive, se remaria, vint en France, habita et mourut en Bretagne, et l’on se souvient d’elle encore à Quimper-Corentin.
Molière vivait dans le monde le plus libre de son temps et le plus irrégulier. […] Une forme de comédie trouve alors grande faveur : c’est la comédie en un acte, légèrement intriguée, suite de scènes plaisantes reliées et dénouées au petit bonheur, forme littéraire en somme de la farce, dont elle garde le libre mouvement et l’absence de prétention. […] Comte, les Stances libres dans Molière, Hachette, in-8, 1893.
Notre forme de gouvernement n’en permettait pas le développement, comme l’a fait justement remarquer Fénelon ; aussi nulle tradition ne put s’établir ; et les rares discours que l’on a recueillis, dans les temps où la faiblesse du pouvoir royal, sous les deux régences, permit la libre et publique discussion des affaires publiques, sont des accidents sans conséquence, des œuvres isolées et sans lien, où l’on n’aperçoit pas un art de la parole. […] L’esprit est large et libre, chrétien sans bigoterie, monarchiste sans servilité ; les papes et même les rois sont hardiment, sévèrement jugés. […] Si Bossuet s’est attaqué surtout aux protestants, ce n’est pas parce qu’ils formaient le corps le plus nombreux et le plus redoutable parmi les ennemis de l’Église catholique : c’est aussi parce qu’il discernait dans les origines et dans le développement de la réforme un principe de libre examen subversif du christianisme et de toute religion fondée sur la tradition et l’autorité.
Joinville a en commun avec Villehardouin le caractère du chevalier chrétien, le courage, la droiture, les vertus de la chevalerie sans ses illusions, une foi simple, libre devant le clergé, sans raffinement théologique. […] Joinville est un esprit plus libre, plus curieux, plus animé que Villehardouin. […] Froissart n’avait ni cette forte éducation que donne le spectacle des agitations d’un peuple libre, ni, dans la langue nationale, un maître comme Dante ; et, quoique clerc, s’il n’ignorait pas tout à fait l’antiquité, il la pratiquait fort peu, ou point.
Mais nous nous formons souvent une opinion fort erronée, lorsque nous supposons que des espèces proche-alliées envahissent nécessairement le territoire l’une de l’autre dès que de libres communications s’établissent entre elles. […] Les moyens de locomotion étaient bornés sans doute parmi ces êtres informes, et la première distinction divergente qui s’opéra fut peut-être celle des organismes fixés au sous-sol marin pour y végéter, et des organismes demeurés libres et flottants dans les eaux par agrégations plus ou moins nombreuses de centres vitaux, qu’on ne peut guère encore à cette époque appeler des individus. […] Les organismes fixés au sol durent se diviser en zoophytes et en phytozoaires, les uns destinés à devenir plus tard de vraies plantes et les autres de vrais animaux ; tandis que d’autre côté les formes libres ou flottantes revêtirent successivement, et peut-être dans une période relativement courte pour de si grands changements, les quatre types principaux du règne animal, c’est-à-dire les rayonnés mous et gélatineux ou pierreux et testacés, ensuite les mollusques, puis les articulés qui donnèrent en se divisant les crustacés, les arachnides et les insectes, et, enfin, les types vertébrés qui, au lieu de se former une carapace, un test, ou une coquille, se sécrétèrent peu à peu un squelette intérieur.
Mais même dans ses plus libres échappées vers l’avenir, il ramenait tout à la carrière principale où il mettait son honneur, à l’office sévère auquel il s’était voué. […] Les lettres dans lesquelles il rend compte de l’Exposition de Manchester, des œuvres des anciens maîtres et des libres essais des paysagistes anglais, feraient des feuilletons excellents, et où il n’y a en fait de description que le nécessaire. […] On a trouvé dans les papiers de Colbert la note suivante, qu’un correspondant bien informé adressait au ministre, au sujet de l’abbé Bossuet, alors âgé de trente-cinq ans (1662) : « Attaché aux jésuites et à ceux qui peuvent faire sa fortune plutôt par intérêt que par inclination, car naturellement il est assez libre, fin, railleur et se mettant fort au-dessus de beaucoup de choses. — Ainsi, lorsqu’il verra un parti qui conduit à la fortune, il y donnera, quel qu’il soit, et il pourra servir utilement170. » Quel qu’il soit n’est pas juste, et rien dans la vie de Bossuet n’autoriserait cette idée d’une ambition à tout prix ; c’est un mot mis à la légère. […] car ses leçons écrites sont bien rares, et l’on n’y retrouve que bien affaiblis ces accents spontanés, ces moments de libre abandon de son enseignement public, si dignement, mais si chèrement achetés. » Son souvenir du moins ne périra pas.
VI L’éloquence romaine, née des institutions libres, aristocratiques et populaires de Rome, avait fleuri avant Cicéron. […] Ce talent a toujours fleuri, a toujours dominé chez les peuples libres, et surtout dans les États paisibles. […] Bossuet lui-même n’était pas homme public à la mesure de Cicéron ; plus libre que l’orateur romain comme orateur, il n’avait à lutter ni contre les tumultes du sénat, ni contre les démagogues, ni contre la tyrannie de César, ni contre les assassins d’Antoine ; il n’avait qu’à servir un roi, à ménager en pontife habile le prince et sa conscience, à mourir sur les escaliers de Versailles en sollicitant pour un indigne neveu la continuation des faveurs d’Église conquises par son propre génie de théologien et d’écrivain. […] Le pontife, dans Cicéron ou dans César, ne nuisait point au philosophe ; l’un suivait des rites traditionnels et populaires, l’autre professait des doctrines souverainement libres et dédaigneuses des crédulités du vulgaire.
J’entrai à la chambre, libre comme l’air de cette mer du Nord qui souffle où il veut, sans craindre les écueils, mais sans y pousser. […] — Votre Majesté, répondis-je avec une vraie douleur de ne pouvoir céder, m’a vivement ému, m’a convaincu de son éloquence ; elle serait aussi élevée à la tribune que sur son trône ; mais l’admiration n’est pas de la conversion, et je la supplie de trouver bon que je sorte de sa présence comme j’y suis entré, nullement hostile, mais libre de tout lien avec sa dynastie. » Il lâcha le bouton de mon habit, qu’il tenait encore, avec un mouvement saccadé de mécontentement visible sur ses traits, et je sortis triste mais résolu de sa présence. […] Je me levai, et, dans un discours sténographié le soir et imprimé le lendemain, je dis catégoriquement aux deux cent vingt députés qui m’ouvraient leurs rangs et leurs cœurs : « Ne me comptez pas avec vous, je n’y suis que par occasion, et comme auxiliaire libre qui vous défend contre une coalition perverse et anarchique ; le jour où cette coalition sera vaincue, je me retirerai de vos rangs pour rentrer dans mon indépendance et peut-être dans une opposition loyale contre vous-mêmes. […] Elle est capable de se précipiter elle-même de la roche Tarpéienne, pour prouver à un gouvernement qui la défie qu’elle est indomptable et libre.
Mais c’est pour mon courage une illustre matière ; Je vois d’un œil content trembler la terre entière, Afin que par moi seul les mortels secourus, S’ils sont libres, le soient de la main de Porus11. […] L’amour maternel échappe à toute étiquette, il est libre de toute mode. […] Ainsi, après avoir écrit le Cid, Cinna, Horace, Polyeucte, fruits divins de son génie émancipé de la mode espagnole, et libre encore de la mode des unités, laquelle de ses pièces va-t-il citer en preuve du bon effet de je ne sais quelle règle ? […] C’est ainsi que, par un dernier effort de l’art, il composait Athalie, le chef-d’œuvre de notre scène, la pièce à la fois la plus conforme aux règles des anciens, et la plus libre de toute servitude théâtrale.
Peut-être, de tout ce bouleversement, sortira-t-il une forme de vers un peu plus libre encore que celle d’Hugo pour le rythme, mais, selon nous, il y a ici bien peu de chose à faire : on est arrivé à la limite où le vers, pour vouloir trop désarticuler ses membres, les brise. […] La Suisse est toujours là, libre. […] Comme la musique, la littérature devient à la fois plus savante et plus harmonique, plus libre dans ses règles et plus vaste dans le domaine de ses applications. […] Ce qui est vrai, c’est que la prose tend, comme nous venons de le montrer, à s’organiser d’une manière à la fois plus savante et plus libre, mais en conservant ce qui a toujours fait le fond commun de la poésie et de la prose, à savoir l’image et le rythme, l’une s’adressant aux yeux, l’autre aux oreilles, tous deux cherchant à atteindre le cœur.
Cousin, en terminant, conclut : « Selon nous, Pascal est l’exagération de Port-Royal comme Port-Royal est l’exagération de l’esprit religieux du xviie siècle… » Puis il montre le xviiie siècle réagissant en sens tout opposé : « Aujourd’hui, dit-il, le xixe siècle a devant lui la dévotion sublime mais outrée du xviie siècle, et la philosophie libre mais impie du xviiie ; et il cherche encore sa route entre ces deux siècles… Son caractère distinctif qui déjà44 commence à paraître, consiste précisément à fuir toutes les extrémités qui jusqu’ici ont séduit et entraîné l’esprit français… Est-il donc impossible de s’arrêter sur la pente des systèmes et de concilier tout ce qui est vrai et tout ce qui est bien ?
Becq de Fouquières, jeune officier, avait conçu cette idée d’homme de goût et d’érudit dans le temps où, « un André Chénier à la main, il trompait les longues oisivetés de la vie militaire » ; devenu libre, il s’est empressé de se mettre à l’œuvre, et, d’abord, de se pourvoir de tous les instruments indispensables à l’exécution, parmi lesquels il faut compter au premier rang une connaissance des plus fines de la langue grecque.
Le tombeau de Jésus-Christ retombera entre les mains des infidèles, mais les membres de Jésus-Christ seront libres. » Et c’est ainsi que renseignement secondaire initie les jeunes filles au sentiment vrai de nos origines modernes, et les émancipe, les aguerrit par degrés en leur donnant sous cette forme agréable la clef des vicissitudes et des révolutions de l’histoire générale : c’est quelque chose déjà que de les guérir d’un convenu dans le jugement des œuvres de l’esprit et de l’imagination.
Le gouvernement républicain donne aux hommes, comme aux événements, un grand caractère ; et des siècles de monarchie despotique ou de guerres féodales, n’inspirent pas autant d’intérêt que l’histoire d’une ville libre.
Dans la carrière de l’étude tout préserve donc de souffrir, mais il faut avoir agi longtemps sur son âme avant qu’elle cesse de troubler le libre exercice de la pensée.
« Si la psychologie, dit-il276, étudiait les affections et opérations au lieu des facultés, et réglait son langage en conséquence, il semble qu’on se débarrasserait d’un bon nombre de questions embarrassantes parmi lesquelles il faut mettre la controverse sur la liberté de la volonté, ce qui est littéralement la liberté d’une non-existence. » La question examinée de près se réduit, suivant l’auteur, à se demander, non pas si nous sommes libres d’agir dans certains cas comme il nous plaît, — car personne, je pense, ne conteste que nous le soyons ; — mais s’il y a des causes régulières qui nous mettent en état de « vouloir » agir comme nous agissons.
Bossuet n’étoit jamais plus en état de donner un libre essor à son éloquence, qu’après s’être nourri de la substance des Livres saints, & s’être animé par la lecture des plus beaux morceaux des anciens Orateurs.
Rien de plus pudique que leur pensée, rien de plus libre que leur expression : nous, au contraire, nous bouleversons les sens, en ménageant les yeux et les oreilles.
Si les beaux tableaux sont presque tous renfermez à Paris dans des lieux où le public n’a pas un libre accès, nous avons des théatres ouverts à tout le monde où l’on peut dire, sans craindre le reproche de s’être laissé aveugler par le préjugé de nation presque aussi dangéreux que l’esprit de secte, qu’on représente les meilleures pieces de théatre qui aïent été faites depuis le renouvellement des lettres.
Tacite raconte que les allemands chantoient dans le temps où il écrivoit ses annales, les exploits d’Arminius mort quatre-vingt ans auparavant. étoit-il libre aux auteurs de ces cantiques cherusques d’aller contre la vérité des faits connus et de supposer, par exemple, pour faire plus d’honneur au heros, qu’Arminius n’eut jamais prêté serment de fidélité aux aigles romaines qu’il abbatit ?
Ils étoient encore assurez de devenir un jour libres, opulens et considerez s’ils se rendoient habiles.
Quoi qu’il en soit, l’épître paraît plus faite pour réussir aujourd’hui ; elle se présente modestement et sans appareil ; la philosophie d’ailleurs, cette philosophie qui de gré ou de force s’introduit partout, croit y être plus à sa place, parce qu’elle s’y trouve plus libre, et plus maîtresse du ton qu’elle veut prendre.
Ce peuple, si longtemps libre dans ses forêts, et qui souvent même avait fait trembler Rome, apprivoisé enfin par un long esclavage, et poli par les vices même de ses vainqueurs, s’était livré aux arts, comme au seul charme et au dédommagement de la servitude.
Le droit de parler au peuple assemblé, dans Rome libre, avait appartenu aux magistrats, et dans Rome esclave, aux empereurs ; ce droit faisait partie de la souveraineté ; c’était une espèce de magistrature d’autant plus puissante, qu’elle commandait aux volontés en dirigeant les opinions, et que toute opinion, dans un peuple assemblé, a une force terrible, parce que la force de chacun s’y multiplie par la force de tous.
Chez les Latins les maisons nobles s’appelaient gentes ; ces premières gentes se composaient des seuls nobles, et les seuls nobles furent libres dans les premières cités.
Le romantique est libre et se moque des règles.
J’adore, quant à moi, cette libre allure de l’esprit qui domine son sujet : par comparaison, dans l’autre école, et malgré les dons les plus magnifiques, on a toujours l’air un peu serf. […] André Gide se préoccupait de dégager un acte entièrement libre et gratuit. […] Lafcadio a voulu commettre un acte libre et contingent. […] C’est là le divertissement supérieur de la libre intelligence, et le réalisme vulgaire ou la grosse machinerie du récit prennent par comparaison figure de corvées. […] Nous ne serions pas fâchés de voir leur figure, ou tout au moins de savoir comment il la voit, ce qui laisserait encore le champ libre à notre imagination.
Qu’il s’agisse de la vérité religieuse ou de la vérité humaine, il paraît toujours saisi, comme malgré lui, de quelque objet qui est hors de lui, et qu’il n’est pas libre de ne pas voir tel qu’il est. […] Ces hommes d’État, ces nations ont pu choisir ; il y a eu un moment où la délibération était libre entre la conduite qui mène à la durée et celle qui mène à la ruine. […] Il est plus libre dans l’oraison funèbre. […] Mais, par cet exemple de Bossuet, les petits mêmes auxquels Dieu n’a pas refusé une part de la raison ni un rayon de talent pour la communiquer aux autres, apprennent combien on est plus fort, plus libre, plus varié, par la croyance et l’obéissance à quelque principe supérieur, que par les caprices d’un esprit qui ne croit qu’à lui-même et qui s’estime plus que la vérité. […] Il n’y a eu ni chute par trop d’ambition, ni mauvaise foi, ni erreur de jugement, ni une volonté libre à qui la passion aurait fait prendre le faux pour le vrai ; il y a eu l’impossible.
Le réalisme indifférent, n’ayant en vue que l’amusement, se trouve plus libre dans ses démarches. […] Il estime en effet qu’on est mieux à la taverne que partout ailleurs pour assaisonner les « crevailles » pantagruéliques de libres devis et de joyeusetés gauloises. […] Plus libres déjà, ils ont encore à subir les tyrannies du corps ; — Il oublie le corps et ne met en présence que de purs esprits pour ainsi dire. […] Du moment que le poète avait à sa disposition toutes les cordes du sentiment, si l’on peut parler encore ainsi, il était libre de n’en toucher qu’une, c’est-à-dire, pour parler sans figure, de s’en tenir, par exemple, au pitoyable, comme Crébillon s’en était tenu au terrible, et d’y appuyer uniquement. […] Les classiques ne se soumettaient aux règles que pour rester libres vis-à-vis de la nature.
Logiquement, sur le terrain libre conquis en 1830, il ne peut pousser qu’une formule naturaliste. […] La foule est gagnée et la scène se trouve libre à toutes les tentatives. […] Le terrain est libre, nous pouvons revenir à l’homme et à la nature. […] Le domaine du roman est encombré ; le domaine du théâtre est libre. […] Mais, dans les prisons, on est beaucoup plus libre.
Au contraire, les théories de Mallarmé donnaient libre champ à l’imagination et leur tissu était assez lâche pour laisser filtrer les rêves les plus capricieux du dehors. […] Au nom de l’indépendance de l’écrivain, nous nous élevons énergiquement contre toutes poursuites attentatoires à la libre expression de la presse écrite. […] J’assistai à la représentation… Prévenu libre, Zo d’Axa était en retard et l’on avait donné lecture de l’acte d’accusation qui visait excitation à l’on ne sait plus quoi, quand il arriva. […] « Libre de ne la considérer que comme un pur poème, élevé avec des éléments scientifiques, à qui cherche avant tout de la poésie en un livre de vers. […] Mieux encore, pour Mauclair, c’est un compromis entre le vers et la prose : or, Gustave Kahn prétend, de son côté, que ce sont des « vers libres » !
Mais ses tenanciers, locataires et fermiers ne sont plus ses serfs ni même ses vassaux ; ils sont libres. […] La cour est un grand salon permanent, où « l’accès est libre et facile des sujets au prince », où ils vivent avec lui « dans une société douce et honnête, nonobstant la distance presque infinie du rang et du pouvoir », où le monarque se pique d’être un parfait maître de maison75. […] Dans vingt villages circonvoisins d’Oisy où il chasse, c’est à cheval et à travers les récoltes. « Ses gardes toujours armés ont tué plusieurs personnes, sous prétexte de veiller à la conservation des droits de leur maître… Le gibier, qui excède de beaucoup celui des capitaineries royales, mange chaque année l’espoir de la récolte, vingt mille razières de blé et autant d’autres grains. » Dans le bailliage d’Évreux, « le gibier vient tout détruire jusqu’au pied des maisons… À cause du gibier, le citoyen n’est pas même libre dans le cours de l’été d’aller retirer les mauvaises herbes qui étouffent le grain et qui gâtent les semences… Combien de femmes restées sans mari et d’enfants sans père pour un malheureux lièvre ou lapin !
Dans l’embarras de ce choix, elle rejeta tous ces patois et toutes ces ébauches de littérature romane, celtique, languedocienne, qui lui auraient donné du moins un caractère plus original, plus libre, plus propre à ses idées comme à ses mœurs, comme à son climat, et elle choisit le latin, souche commune et vieillie de tous ces idiomes, pour latiniser son mauvais français. […] Mais, d’un autre côté, on ne peut se dissimuler que l’imitation d’abord puérile, puis libre, de deux langues aussi bien construites, aussi rationnelles, aussi mûres que le grec et le latin (dérivant presque en entier elles-mêmes du sanscrit, la source indienne de toutes langues) ; on ne peut se dissimuler, disons-nous, que cette imitation n’ait été un travail très perdu pour nos écrivains et nos poètes, mais très utile pour notre langue française elle-même ; on ne peut méconnaître qu’en se calquant sur ce grec, sur ce latin, sur ce sanscrit, langues toutes faites et presque parfaites, la langue française n’y ait contracté une rigueur de construction, une solidité de membrures, une disposition de parties du discours, une propriété de verbe, une logique de sens, une clarté de tours et une maturité de mots qui en ont fait, à l’heure où nous sommes, un des plus parfaits instruments de pensée donnés à un peuple pour créer et pour répandre son esprit dans l’univers et pour le propager loin dans la postérité. […] Le sceptique Montaigne, le candide Amyot, rajeunissaient le latin et le grec francisés, en donnant à leur style la naïveté, la grâce, la souplesse et, pour ainsi dire, l’enfance de la nation ; l’audacieux Ronsard, cette imagination attique, avortait dans l’enfantement d’une poésie nationale, mille fois plus libre, plus ailée, plus moderne et plus française que la poésie importée après lui d’Athènes et de Rome.
Il était alors à Puteaux près de Neuilly, et obligé de perdre une partie de son temps sur les grands chemins : Malgré ma servitude privée, disait-il en finissant, je souhaite, mon cher ami, que vous soyez bientôt aussi libre que moi ; que vous puissiez aussi regarder la Seine couler comme je le fais et vais le faire plus que jamais de mes fenêtres ; enfin que nous puissions grommeler ensemble sur toute l’espèce humaine qui heureusement n’est pas toute la nature, et réaliser une bonne fois à nous deux la grande faction des insociables dont la France a été tant tourmentée depuis deux ans. […] L’un est indépendant jusqu’à la libre critique exercée à la pointe de la plumef ; l’autre ne se montre susceptible qu’autant qu’on doit l’être quand un ami nous a jugé devant tous en des termes qui laissent à désirer. — Nous devons les retrouver l’un et l’autre en concert parfait au 18 Brumaire.
La nature qui crée un génie, un talent, le laisse libre, jusqu’à un certain point, de produire plus ou moins activement, plus ou moins fructueusement. […] Mais aussi il n’est rien de respectable et de touchant (je reprends le mot, et, pour ma part, je sais aussi de tels exemples) comme de voir un homme, lui-même laborieux ou distingué dans son étude, dans sa profession, s’honorer d’une femme remarquable par un talent et un don qui la rend célèbre et qui ne la laisse pas moins aimable ; lui en permettre le libre et facile exercice, s’y prêter ; ne parler d’elle qu’avec respect et une sorte de modestie ; oser l’admirer et cependant rougir presque lui-même quand on la loue.
. — « Pour être libres », me répondit-il. — Je ne pus jamais en tirer autre chose. […] De peur d’avoir à revenir dessus et pour plus de sûreté, il proscrit la métaphysique et les recherches théoriques inutiles ; il se refuse à pousser à bout le libre examen et lui prescrit une limite.
Comment, par un retour de réflexion en arrière, ne lui arriva-t-il jamais de se dire que si la société et l’époque lui avaient paru si gâtées et si mauvaises, contemplées d’un premier point de vue, celui du catholicisme et de l’autorité, elles ne pouvaient être également mauvaises et gâtées au même degré, envisagées et reprises du point de vue opposé, celui du libre examen individuel et de la démocratie ? […] Plus libre, il aurait passé sa vie à chercher sa vocation sans la trouver davantage.
Remarquez que je ne parle plus des éditeurs de Pascal durant le xviiie siècle ou au commencement de celui-ci ; eux, plus libres, ils auraient pu, ils auraient dû améliorer, réformer peu à peu, à petit bruit, et chacun pour sa part, les éditions successives : ils auraient ainsi évité l’éclat final, ils auraient permis que cette révolution sur Pascal ne se fît pas. […] Pascal à part, on ne trouverait, en effet, dans ce grand siècle de Louis XIV, que trois hommes d’un goût tout à fait libre et indépendant, comme nous l’entendons, Bossuet, Molière et La Fontaine.