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2247. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

Veuillent seulement les dieux qu’à l’heure solennelle des toasts, entre le champagne et le cigare, ils aient le bon goût de tenir leur langue, et de se contenter d’écouter ! […] l’un des plus beaux livres de ce siècle, où j’ai le plus appris, c’est celui d’Eugène Burnouf, l’Introduction à l’histoire du bouddhisme indien; et, de l’œuvre entière de Renan, je ne sais s’il est rien que je préfère à son Histoire des Langues sémitiques.

2248. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre I. De la sélection des images, pour la représentation. Le rôle du corps »

Et de ces lois elles-mêmes on infère que nos sensations sont simplement des signaux, que le rôle de chaque sens est de traduire dans sa langue propre des mouvements homogènes et mécaniques s’accomplissant dans l’espace. […] Pour parler avec plus de précision, il est difficile d’admettre que l’électrisation de la langue, par exemple, n’occasionne pas des modifications chimiques ; or ce sont ces modifications que nous appelons, dans tous les cas, des saveurs.

2249. (1911) Études pp. 9-261

Pourtant, si l’atteignait notre amour : Tout y parlerait À l’âme en secret Sa douce langue natale. […] Introduction Ô toi, qui comme la langue résides dans un lieu obscur ! […] Aussi la langue de Claudel ne procède-t-elle pas par images appliquées à la pensée, mais elle est la pensée elle-même se développant en mots, la chaîne des images premières telles qu’elles surgissent en une sensibilité non corrompue. […]   Et la langue de Dieu sur nous avec un cri éclatant213 ! […] « De la langue et de l’écriture, prises comme opérations magiques, sorcellerie évocatoire. » (Œuvres Posthumes, p. 86.)

2250. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Cette nouvelle, réimprimée, traduite, imitée dans plusieurs langues, fournit à Arthur Brooke le sujet d’un poëme anglais, publié en 15627, et où Shakspeare a certainement puisé le sujet de sa tragédie. […] Mais les caractères de Cressida et de Pandarus sont frappants de vérité et d’originalité ; le nom de celui-ci est devenu dans la langue anglaise un mot honnête pour exprimer un métier qui ne l’est guère, et qui n’a point d’équivalent dans la nôtre ; car le Bonneau de la Pucelle de Voltaire n’est pas encore proverbial parmi nous. […] Parvenu à une grande vieillesse, et l’âge ayant affaibli sa raison, Leir voulut s’enquérir de l’affection de ses filles, dans l’intention de laisser son royaume à celle qui mériterait le mieux la sienne. « Sur quoi il demanda d’abord à Gonerille, l’aînée, comment bien elle l’aimait ; laquelle appelant ses dieux en témoignage, protesta qu’elle l’aimait plus que sa propre vie, qui, par droit et raison, lui devait être très-chère ; de laquelle réponse le père, étant bien satisfait, se tourna à la seconde, et s’informa d’elle combien elle l’aimait ; laquelle répondit (confirmant ses dires avec de grands serments) qu’elle l’aimait plus que la langue ne pouvait l’exprimer, et bien loin au-dessus de toutes les autres créatures du monde. » Lorsqu’il fit la même question à Cordélia, celle-ci répondit : « Connaissant le grand amour et les soins paternels que vous avez toujours portés en mon endroit (pour laquelle raison je ne puis vous répondre autrement que je ne pense et que ma conscience me conduit), je proteste par-devant vous que je vous ai toujours aimé et continuerai, tant que je vivrai, à vous aimer comme mon père par nature ; et si vous voulez mieux connaître l’amour que je vous porte, assurez-vous qu’autant vous avez en vous, autant vous méritez, autant je vous aime, et pas davantage. » Le père, mécontent de cette réponse, maria ses deux filles aînées, l’une à Henninus, duc de Cornouailles, et l’autre à Magtanus, duc d’Albanie, les faisant héritières de ses États, après sa mort, et leur en remettant dès lors la moitié entre les mains. […] Le temps où Shakspeare a pris son action semble l’avoir affranchi de toute forme convenue ; et de même qu’il ne s’est point inquiété de placer, huit cents ans avant Jésus-Christ, un roi de France, un duc d’Albanie, un duc de Cornouailles, etc., il ne s’est pas préoccupé de la nécessité de rapporter le langage et les personnages à une époque déterminée ; la seule trace d’une intention qu’on puisse remarquer dans la couleur générale du style de la pièce, c’est le vague et l’incertitude des constructions grammaticales, qui semblent appartenir à une langue encore tout à fait dans l’enfance ; en même temps un assez grand nombre d’expressions rapprochées du français indiquent une époque, sinon correspondante à celle où est supposé exister le roi Lear, du moins fort antérieure à celle où écrivait Shakspeare. […] Il est certain que ni Shakspeare ni son siècle, où régnait une princesse qui parlait latin, ne s’en doutaient ; ils croyaient pouvoir concilier cette poésie contre nature avec une passion véritable pour les auteurs de l’antiquité; dans le Trésor de l’Esprit (Wit’s treasure), publié en 1598, on trouve l’observation suivante « De même que l’âme d’Euphorbe vivait, croyait-on, dans Pythagore, l’âme ingénieuse et tendre d’Ovide vit dans Shakspeare à la langue de miel ; témoin Vénus et Adonis, Lucrèce, etc., etc. » Le sujet de Vénus et Adonis fut probablement suggéré à Shakspeare par la description que fait Spencer des tapisseries d’un château, dans la Reine des Fées, chant III, ou par le court poëme d’Henri Constable, intitulé le Chant pastoral de Vénus et Adonis; Shakspeare n’a pas suivi l’histoire mythologique de Spencer, il a mieux aimé rendre Adonis insensible aux charmes de la beauté, il est même dédaigneux.

2251. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Le style correct, la bonne langue, le discours y naissent d’eux-mêmes, et ils s’y perfectionnent bien vite ; car le raffinement est le but de la vie mondaine ; on s’étudie à rendre toutes les choses plus jolies et plus commodes, les meubles comme les mots, les périodes comme les ajustements. […] On se pique de savoir parfaitement sa langue, de ne jamais manquer au sens exact des termes, d’écarter les expressions roturières, d’aligner les antithèses, d’employer les développements, de pratiquer la rhétorique. […] Il tempête, vocifère de sa langue pâteuse un radotage d’imbécile, puis tout d’un coup tombe endormi. […] À l’instant son parti est pris, elle dit à la nourrice et au chapelain de tenir leurs langues : « J’épouserai celui-là aussi, voilà la fin de l’histoire657. » Elle s’en dégoûte pourtant, et assez vite ; il n’est pas bien bâti, il ne lui donne guère d’argent de poche ; elle hésite entre les deux, calcule : « Comment est-ce que je m’appellerais avec l’autre ?

2252. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

Je jure qu’elle ne parla jamais la langue de Decourcelle et Thiboust et qu’elle n’eut oncques le genre de sentimentalité qu’ils lui prêtent. […] Enfin, je savais que Lamartine avait commencé par imiter Parny et que certaines pièces des Premières Méditations (A Elvire, le Golfe de Baia) étaient encore assez proches, par le sentiment et la langue, des Poésies érotiques du chevalier créole. […] Puis, quoi qu’en pensent beaucoup de jeunes gens qui n’ont aucune connaissance historique de la langue française, la langue de Sarcey, avec ses négligences et son sans-gêne, est certainement des meilleures, des plus franches, — et des plus pures, — qui s’écrivent à l’heure qu’il est. — Lisez les dernières pages du chapitre intitulé ; A l’étranger. […] Et, pareillement, j’aimerais que Fauchureur ne fût pas seulement un bon élève qui se souvient des instructions des Manuels d’agriculture ; qu’il eût un peu plus conscience de ce qui le sépare si profondément du vieux Muselle ; que, dans sa langue de paysan intelligent, qui a été soldat, qui a lu, et qui a vu les villes, il essayât d’exprimer ce qu’il a pu comprendre et retenir des « idées du siècle » et des enseignements du regretté Paul Bert, ce qu’il croit, ce qu’il espère, où il cherche sa règle de vie, et quels dépôts curieux a pu faire en lui ce qu’il y a présentement d’esprit critique et scientifique épars dans l’atmosphère même des humbles… Mais n’en cherchons pas plus long que M.  […] Même les chœurs d’Athalie, ces chœurs calomniés, que l’on dit inférieurs à ceux d’Esther et d’une langue un peu indigente dans sa fluidité, m’ont paru simplement délicieux.

2253. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Secundo, désolé de n’être pas apprécié d’un pareil amateur, prend, en désespéré, un de ses mors auquel pendait une bride, et le place avec entraînement entre ses propres mâchoires, ouvrant la bouche, tirant la langue, et rejetant sur son dos la bride en faisant toutes les contorsions possibles pour avancer son explication. […] Lamothe-Langon possède une prodigieuse mémoire ; il n’y a rien au monde : arts, sciences, langues, histoire, dont il ne sache beaucoup ou au moins quelque chose. […] Landais inventa de faire pour la 333e fois un dictionnaire de la langue française ; les 332 premiers ont pâli devant ce projet nouveau ; même le 334e qui devait être le dictionnaire de l’Académie (dont est M. 

2254. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

Poley, anciennement attachée à la légation de Prusse, qui appartient à l’Allemagne par la langue et à la France par un long séjour, à traduit cette correspondance comme il est à souhaiter qu’on fasse toujours pour ces sortes d’ouvrages : ce qui importe en effet, c’est bien moins d’éviter quelques incorrections de style que de conserver la parfaite exactitude et le caractère de l’original : et c’est à quoi M. 

2255. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Sans doute ce n’est pas l’Espagne dont tu m’envoies le charmant écho dans cette vraie colombe dont tu traduis la langue avec émotion93 ; mais c’est du calme, de l’air, sans sonnette aux portes, sans pianos, sans bonnet grec dans un grenier. — Ici tout va de plain-pied… du moins à la surface des prés que j’ai parcourus.

2256. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

Puis vint l’abbé Perrin, qui, après avoir fait représenter plusieurs pièces, obtint en 166S le privilège d’une Académie des Opéras en langue française.

2257. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre IV. Chateaubriand »

Cependant la Révolution s’apaisait : il rentrait en France, détachait du volumineux manuscrit où s’étaient entassées ses impressions américaines, l’épisode d’Atala (1801) dont le succès était très vif, et publiait en 1802 son Génie, qui semblait donner à la fois un chef-d’œuvre à la langue et une direction à la pensée contemporaine.

2258. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 août 1885. »

Et tous ces menus détails, le palais, le lac, la grande salle d’hôtel remplie de figures étrangères et résonnante d’une langue que je comprenais mal, tout cela se perd dans le rayonnement de la représentation dont les moindres détails sont demeurés gravés en moi.

2259. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 janvier 1886. »

Et nous tâcherons à ce que, faite dans une langue de lecture aisée, cette œuvre de propagande Wagnérienne place enfin le Maître dans notre pays au juste rang qui lui convient, à côté des maîtres classiques, Bach, Gluck, Beethoven.

2260. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

Mais un seul artiste a tenté de reprendre les sujets même de Wagner et de traduire dans la langue tout originale d’un autre art les merveilleuses significations des drames wagnériens.

2261. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre V. Le Bovarysme des collectivités : sa forme idéologique »

Que l’on imagine, sur le thème de l’apologue de La Fontaine, un peuple de cigognes se laissant persuader par la prédication d’une horde de renards, que la moralité commande de se nourrir de brouet clair dans des assiettes plates, voici le peuple des cigognes au bec pointu, au long cou, voué à la famine au grand profit des renards qui, du revers de la langue, laperont vite et sans peine les meilleures pitances.

2262. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

Je me rappelle maintenant, après les heures sans repos passées au remaniement, à la correction d’un morceau, après ces efforts et ces dépenses de cervelle, vers une perfection, cherchant à faire rendre à la langue française tout ce qu’elle pouvait rendre, et au-delà… après ces luttes obstinées, entêtées, où parfois entrait le dépit, la colère de l’impuissance ; je me rappelle aujourd’hui l’étrange et infinie prostration, avec laquelle il se laissait tomber sur un divan, et la fumerie à la fois silencieuse et accablée, qui suivait.

2263. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

Les conceptions abstraites de la philosophie et de la science moderne ne sont pas faites pour la langue des vers, mais il y a, une partie de la philosophie qui touche à ce qu’il y a de plus concret au monde, de plus capable de passionner : c’est celle qui pose le problème de notre existence même et de notre destinée, soit individuelle, soit sociale.

2264. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre III. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire sacrée & ecclésiastique. » pp. 32-86

Nous n’avons aucun ouvrage dans notre langue qui s’étende autant sur les Ordres Religieux.

2265. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

Nous ne songerions même pas à protester contre une telle interprétation, si nous ne savions à quelles étranges accusations on s’expose et à quels malentendus, quand on entreprend d’étudier les faits moraux objectivement et d’en parler dans une langue qui n’est pas celle du vulgaire.

2266. (1913) La Fontaine « II. Son caractère. »

On s’estime, on se cherche, on s’aime en un moment : Tout ce qu’on s’entre-dit persuade aisément ; Et, sans s’inquiéter d’aucunes peurs frivoles, La foi semble courir au devant des paroles : La langue, en peu de mots, en explique beaucoup ; Les yeux, plus éloquents, font tout voir tout d’un coup ; Et de quoi qu’à l’envi tous les deux nous instruisent, Le cœur en entend plus que tous les deux n’en disent.

2267. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

Le loup, en langue des dieux, Parle au chien dans mes ouvrages : Les bêtes, à qui mieux mieux, Y font divers personnages ; Les uns fous, les autres sages ; De telle sorte, pourtant.

2268. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

Aussi, partout ailleurs que dans l’exposition et la discussion philosophique, où il a ce que Mirabeau disait l’éloquence de la chose, le célèbre professeur n’est-il qu’un écrivain d’imitation, de pastiche réussi, qui se donne de grands airs, mais qui n’ose prendre la langue de son siècle, parce qu’elle est trouble encore, malgré tout ce que son siècle y a déversé de puissant !

2269. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

Sa langue, élégante autrefois, a des contorsions de caricature scientifique.

2270. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Du docteur Pusey et de son influence en Angleterre »

Selon nous, ce besoin d’unité si profond, si consenti qu’il a fait son nom dans la langue et que le mot d’unitéisme se rencontre sous toutes les grandes plumes de ce temps, cache l’avenir d’une philosophie qui remonte vers la religion.

2271. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

Les ténèbres sont si profondes entre deux âmes qui ne parlent pas la même langue et n’ont pas vu les mêmes collines !

2272. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre IV. Conclusions » pp. 183-231

En effet la solidarité humaine est limitée dans l’espace par des communautés d’intérêts, intérêts immédiats, plus forts encore que l’unité idéale ; ces intérêts résultent par exemple de la nature du sol, de ses produits, des relations personnelles, des institutions, de la langue, des souvenirs, en un mot d’un ensemble de faits acquis par l’histoire. — Quels que soient les rapports de l’individu avec le milieu où il vit, qu’ils soient d’hostilité négative, ou au contraire de sympathie agissante, ou simplement de passivité, le fait est que l’existence d’un individu est inséparable de l’existence d’un certain groupe de contiguïté.

2273. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Lafargue, ouvrier ébéniste, grand lecteur de romans et s’exprimant dans la langue de la Nouvelle Héloïse quand il écrit à Monsieur son frère, s’éprit en 1828, à Bagnères, d’une jeune fille de condition humble et de mœurs faciles, devint son amant, fut trompé par elle, et la tua d’un coup de pistolet. […] Il reste que l’Amour est par fragments un joli livre, lourd de forme et souvent obscur, comme tout ce qu’a écrit Stendhal, un peu pédantesque quelquefois, mais ingénieux et qui fait penser, et qui a enrichi la langue française d’une métaphore amusante, traduction exacte d’une idée juste. […] Tel est le préjugé anticommuniste, préjugé qu’aucune éducation n’ébranle, qui se fortifie-même par l’éducation sans qu’on puisse découvrir comment cette éducation pourrait changer de principe, préjugé enfin dont les communistes paraissent tout aussi imbus que les propriétaires. » — C’est que l’homme sent s’évanouir sa dignité et sa personne même dans l’organisation communautaire à quelque degré qu’elle soit poussée et pour ainsi dire dès qu’elle commence : « La communauté des choses rend ma personne commune, dit-il, trouvant là une admirable formule ; je suis d’autant plus pur, plus libre, plus inviolé que je suis avec mes semblables en communauté plus éloignée, comme, par exemple, en communauté de soleil, en communauté de pays ou de langue. […] Avec les différences inévitables qui tiennent aux dates, avec une langue plus riche, ou plutôt plus touffue et moins nette et moins pure, ce qu’ils rappelaient le plus, c’était les meilleurs vers du Consulat et de l’Empire, ceux de Fontanes et d’Andrieux.

2274. (1890) Dramaturges et romanciers

La faute n’en est pas aux artistes, mais à l’atmosphère qu’ils respirent, et cependant, même en l’absence de foi certaine et de symboles vénérés, on peut dire que la religion est encore le but de l’art et sa vraie destination, car ceux-là seulement sont de vrais artistes qui savent que le mystère du monde est un mystère divin, qui sont habiles à reconnaître dans tous les objets créés des syllabes d’une langue divine, et qui sont capables d’entendre, comme le duc exilé de Shakespeare, des sermons dans les pierres et des discours dans les arbres. […] Qu’est-ce en effet que l’idéal, sinon ce sentiment du mystère qu’éveille en nous soit la vue d’une figure dont l’expression échappe aux définitions que les vocabulaires de nos langues humaines mettent à notre usage, soit le spectacle d’une âme passionnée dont les mouvements révèlent l’existence d’une force que nous ignorons, soit encore, pour prendre l’idéal dans ce qu’il a de plus vulgaire et de plus rapproché de la matière, le spectacle d’une action complexe dont le nœud échappe à notre attention, et que nous sentons les puissances divines seules, Providence ou fatalité, capables de délier ? […] Enfin, dernière supériorité, tandis que ses rivaux n’ont qu’une langue à leur service, lui sait parler à son gré la prose des simples mortels avec une mâle correction et le langage musical des dieux avec une sobriété fleurie et une élégante énergie. […] Augier n’a plus parlé qu’exceptionnellement la langue du vers, qu’on aurait pu croire au contraire sa langue naturelle. […] Et puis l’emploi de la langue du vers au théâtre dépend étroitement et du genre et du sujet.

2275. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

En outre, le mot sentiment a dans la langue courante un sens très vague ; et le sens précis que lui attribue ce système introduira toujours quelque obscurité dans son emploi. […] Le philologue Max Müller a cru remarquer que les racines des langues sont des noms communs, par conséquent, que la pensée commence par des idées générales. […] Les sciences philologiques étudient les lois du langage, soit dans une langue, soit dans un groupe de langues, soit dans toutes les langues connues. […] Ainsi les signes des sourds-muets forment une langue. […] Il existe, dit-il, des langues qui sont restées identiques depuis leur formation, malgré leur incommodité.

2276. (1925) Les écrivains. Première série (1884-1894)

Là-dessus, de toutes parts, l’on chronique ; les articles surgissent, les sonnets aussi, et, comme la langue française paraît indigne de sujets si parisiens, les langues mortes ressuscitent pour chanter le triste abandon de l’une et la liberté retrouvée de l’autre… Et l’on voit, sur la jetée du Havre, Calypso accoudée et qui pleure ; là-bas, des falaises qui se dressent toutes grises ; l’horizon brumeux, la mer bouillonnante, une barque qui emporte Ulysse vers Terre-Neuve, et la blanche voile qui fuit, sous la brise, fuit et disparaît… tout cela est grec ! […] La langue, qui se mourait, ressuscite en une explosion magnifique de mots retrouvés et nouveaux qu’elle avait oubliés et qu’elle ne connaissait pas. […] Jules Ferry, tous les philosophes, tous les académiciens, toutes les mères, de remplacer la physique, la géométrie, la chimie, l’histoire, la littérature, la gymnastique et la langue allemande par l’étude approfondie, l’étude unique de La Reine Margot. […] Parler d’un Belge, c’est-à-dire de quelqu’un qui se sert de la même langue qu’eux, dont les livres peuvent s’étaler aux mêmes devantures à côté des leurs, n’est-ce pas une odieuse trahison ?

2277. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

La condamnation totale de la nature pousse à l’excès, ici comme si souvent dans les Pensées, une méfiance, par elle-même très sage, contre cette disposition que la langue médicale d’aujourd’hui appelle d’un terme où se retrouve, barbarisé, précisément le mot de la phrase pascalienne : l’égotocentrisme. […] La source, c’est la pensée de l’écrivain, et l’exploitation de cette pensée a pour fin suprême, non pas le bénéfice d’argent ou de gloire que lui-même en peut tirer, mais un accroissement de l’intelligence nationale, si bien que cette intelligence nationale apparaît — pour parler la langue mathématique — comme fonction de ces intelligences individuelles. […] L’évidence s’imposait aux plus aveugles, à ce moment-là, que la nationalité pénètre même les études les plus abstraites, pour leur donner un caractère à part, suivant qu’elles sont entreprises par des hommes d’une certaine terre, d’un certain milieu, d’une certaine hérédité, — d’une certaine tradition, pour tout résumer du mot le plus chargé de sens qu’il y ait dans la langue. […] Les concevez-vous maniant une autre langue, grandissant dans un autre pays ? […] Ainsi, quand le cardinal de Richelieu a fondé l’Académie française, il n’a pas voulu seulement rassembler un corps de lettrés qui maintînt la pureté de la langue.

2278. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

La protection du prince sauva plusieurs fois la bonne comédie : Tartuffe, les Précieuses, le Bourgeois gentilhomme, les vices du cœur, de l’esprit, des salons, de la langue même, pâlirent devant le roi du bon sens. […] Tous ces galants de cour, dont les femmes sont folles, Sont bruyants dans leurs faits et vains dans leurs paroles ; De leurs progrès sans cesse on les voit se targuer ; Ils n’ont point de faveurs qu’ils n’aillent divulguer ; Et leur langue indiscrète, en qui l’on se confie, Déshonore l’autel où leur cœur sacrifie.

2279. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IV : Sélection naturelle »

Nous avons voulu suivre la loi de la majorité ; c’est un exemple de plus qui prouvera combien cette loi est souvent susceptible d’erreur en fait de langue comme en autre chose. […] La langue de l’histoire naturelle est loin encore d’être bien fixée.

2280. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Dans toutes les langues, et surtout dans les plus belles, les mots qui n’ont été employés d’abord qu’avec des régimes s’en séparent ensuite et conservent un sens très-précis, très-clair, même en restant tout seuls. » — Nous recommandons humblement cette note au Dictionnaire de l’Académie française.

2281. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIVe entretien. Littérature politique. Machiavel (3e partie) » pp. 415-477

Il faudrait ici avoir le génie de ces discours dont il illumine l’histoire ancienne pour le faire parler dans sa langue ; mais, sans prétendre à son nerveux et sublime langage, laissons parler seulement son rude et clair bon sens.

2282. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (3e partie) » pp. 369-430

C’était le décalogue du genre humain dans toutes les langues.

2283. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXIXe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (2e partie) » pp. 321-384

XXII Elle aime les fleurs et voudrait apprendre la botanique pour avoir une langue de plus, afin de mieux adorer et louer le créateur du cèdre et de l’hysope !

2284. (1863) Cours familier de littérature. XV « XCe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (3e partie) » pp. 385-448

Il faut que j’y comprenne comme à un air simple ; mais les grands concerts, mais les opéras, mais les morceaux tant vantés, langue inconnue !

2285. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

Il y a même un palmier grimpant dont la variété (desmoncus) s’appelle jacitara en langue tupi.

2286. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série «  M. Taine.  »

Mme de Rémusat est une coquette dépitée et une femme de chambre mauvaise langue.

2287. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

Les monastères, en langue bretonne, s’appelaient Pabu, du nom des moines (papae).

2288. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 avril 1886. »

Car il importe singulièrement que dans son chemin vers la fraternité idéale des nations, l’esprit Aryen ne parle plus seulement la langue de la littérature, mais qu’il s’exprime dans l’œuvre d’art vivante du drame, du drame musical.

2289. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

» Nous le voyons tout d’abord à l’œuvre, et instrumentant, pour parler sa langue, dans la scène où sous le nom de Brenu, il achète au prix de cent mille francs, à M. 

2290. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

L’esprit fait rage, mais il ne se gaspille pas en fusées vaines : il n’intervient que pour activer l’action de ses langues de flamme.

2291. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

Les rapports seuls sont certains : toute science, quand on l’approfondit, n’est en somme qu’un système de « rapports », et ces « rapports », en un certain sens, ne sont eux-mêmes que des « signes. » Mais ce qu’expriment ces « signes », nous ne le savons pas plus que nous ne savons ce qu’expriment les caractères d’une langue inconnue.

2292. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

C’est la Menardière qui, dans sa Poétique, a donné à ces discours le nom d’aparté, qui a passé dans la langue dramatique.

2293. (1833) De la littérature dramatique. Lettre à M. Victor Hugo pp. 5-47

Vous vous imaginez à tort que la trivialité est le naturel, et que de vieux mots, qui ne sont plus dans la langue, ajoutent beaucoup à la couleur du style.

2294. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

Ainsi, dans sa visite au château de Richelieu, il évitera de dire « des colonnes rostrales », trouvant le mot trop architectural, trop du jargon, c’est-à-dire trop de la langue particulière des artistes.

2295. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

N’y faut-il pas plutôt voir les suites d’un climat brumeux qui développe le spleen, affection qui semble si propre à l’Angleterre que le mot qui la définit est emprunté à sa langue. […] L’Allemagne, ou, pour employer une expression plus étendue, les pays de langue allemande n’étaient pas alors moins malades que l’Angleterre. […] Tandis que celle-ci a mis au service du mal que j’étudie une langue nouvelle, la poésie se cantonnant dans des souvenirs classiques, ne lui a prêté qu’un concours très effacé. […] Elles furent accueillies par la faveur publique, et le futur empereur, qui ne ménagea pas ses récompenses à l’auteur, fut le premier à les lire et à apprécier le mérite avec lequel elles faisaient passer dans notre langue la poésie vaporeuse et sombre des Anglais. […] Tourguéneff, se rencontraient à chaque pas, surtout en province, et en particulier dans l’armée et dans l’artillerie ; ils parlaient et correspondaient dans sa langue ; ils gardaient dans le monde un air sombre, renfermé, l’orage dans l’âme et le feu dans le sang, comme le lieutenant Belozor de la frégate Nadèdja.

2296. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

Il acquit la connaissance de la langue et de la littérature allemandes, et voua à Klopstock un culte qui ne savait pas encore s’étendre jusqu’à Gœthe113. […] J’ai tressailli, j’ai pleuré en la lisant comme si j’avais tout à coup entendu la langue de ma patrie après dix ans d’exil.

2297. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

ils vous répondront : Oui ; car ils peuvent vous montrer des ruines matérielles, des débris d’édifices enfouis dans le sable du désert, des inscriptions brisées ou à demi effacées par le temps, et écrites dans des langues qu’on ne parle plus. […] Pour la première fois notre langue a enfin connu la poésie lyrique.

2298. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Sainte-Beuve n’aimait pas la discussion, qui lui faisait rougir les oreilles et bégayer sa langue pointue, de colère et de contrariété… Dans ces avalanches du verbe de, Diderot, le pauvre Sainte-Beuve n’aurait trouvé ni la place ni le temps de glisser une de ses anecdotes ou un de ses aperçus, qu’on n’aperçoit plus à quatre pas, tant ils sont fins. […] Cet immense bavard, de la plume comme de la langue, a beaucoup écrit.

2299. (1774) Correspondance générale

C’eût été un être vivant ; cet être en fût devenu plus terrible encore ; et l’on eût sauvé l’absurdité de faire voir, entendre et parler un fantôme qui n’a ni langue, ni yeux, ni oreilles. […] Vous vous piquez de connaître les hommes, et vous en êtes encore à ignorer que chacun a sa langue qu’il faut interpréter par le caractère. […] Monsieur et cher maître, je sais bien que quand une bête féroce43 a trempé sa langue dans le sang humain, elle ne peut plus s’en passer ; je sais bien que cette bête manque d’aliment, et que, n’ayant plus de Jésuites à manger, elle va se jeter sur les philosophes. […] Dites, sur ma parole, que cette traduction, pleine d’harmonie et de la plus grande richesse d’expression, une des plus difficiles à faire en toute langue, est une des mieux faites dans la nôtre. […] La femme de Marc-Antoine n’aurait point coupé la langue et les mains à celui-ci.

2300. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Il abat de l’ouvrage avec une verve intarissable, fait représenter soixante drames avec une belle humeur qui ne se dément jamais, y ajoute sans fatigue dix comédies et sans gêne trente romans, publie deux cent cinquante volumes, essouffle l’équipe de collaborateurs qui travaille sous sa direction, fait gémir les presses, alimente les scènes du boulevard, emplit le rez-de-chaussée des journaux, encombre les cabinets de lecture, envahit l’Europe, déborde sur l’Amérique, prend la foule pour public, se fait applaudir par des millions de spectateurs et trouve dans tous les pays du monde des lecteurs charmés, ravis, amusés, qui lisent ses livres et, sans entendre le français, comprennent tout de même la langue où ils sont écrits. […] Ce n’est plus un visage qu’a Jehoël de la Croix-Jugan, c’est on ne sait quoi de tuméfié, de raviné, de mutilé qui n’a plus de nom dans aucune langue. […] Une langue, on le sait de reste, n’est l’œuvre ni d’un jour, ni d’un homme ; et nous ne pouvons donc nous arroger toute espèce de droits vis-à-vis de cette langue que nous n’avons pas créée. […] Au temps même de sa ferveur parnassienne, quand il se donnait pour un puriste et un artiste sévère, il était coutumier d’étrangetés qui n’étaient pas voulues, d’une incohérence dans les images et d’une impropriété dans le choix des termes qui sont tout uniment le fait d’un homme qui ne sait pas bien sa langue.

2301. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Quel dommage pour les connaisseurs et les amateurs de la pure langue que, cédant à de si vains scrupules, l’éditeur ait mis je ne sais quoi du sien dans ce portrait qui, tel qu’il est, nous paraît si charmant et de toute perfection, mais qui serait plus juste encore si l’on n’y avait rien changé !

2302. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Oui, dans cette muse si neuve qui m’occupe, je crois voir, à la Restauration, un orphelin de bonne famille qui a des oncles et des grands-oncles à l’étranger (Dante, Shakspeare, Klopstock, Byron) : l’orphelin, rentré dans sa patrie, parle avec un très-bon accent, avec une exquise élégance, mais non sans quelque embarras et lenteur, la plus noble langue française qui se puisse imaginer ; quelque chose d’inaccoutumé, d’étrange souvent, arrête, soit dans la nature des conceptions qu’il déploie, soit dans les pensées choisies qu’il exprime.

2303. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

Dans l’histoire de la langue et de la littérature française, La Rochefoucauld vient en date au premier rang après Pascal, et comme en plein Pascal142, qu’il devance même en tant que pur moraliste.

2304. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

Quant à nous, si nous avions à trouver pour cette sublime libératrice de son pays et pour cette généreuse meurtrière de la tyrannie un nom qui renfermât à la fois l’enthousiasme de notre émotion pour elle et la sévérité de notre jugement sur son acte, nous créerions un mot qui réunît les deux extrêmes de l’admiration et de l’horreur dans la langue des hommes, et nous l’appellerions l’ange de l’assassinat. » XV Si on m’a accusé, avec une sorte de justice, d’avoir jugé historiquement la reine avec une sévérité regrettable mais consciencieuse au commencement de son règne, qu’on lise comment je la réhabilite sur son échafaud.

2305. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 321-384

Chapitre IV LXXIX L’aveugle, après avoir bu une goutte de mon rosoglio dans ma gourde, reprit le récit juste où la veuve l’avait interrompu …………………………………………………………………………………………………………………………………………… — Quand Hyeronimo remonta de Lucques le soir, bien avant dans la nuit, à la cabane, il nous raconta que les messieurs de Lucques avaient été pleins d’honnêteté et de caresses pour lui pendant tout le chemin, qu’ils s’étaient arrêtés dans toutes les osteries des gros villages qu’ils avaient rencontrés pour s’y rafraîchir d’un verre de vin, d’une grappe de raisin, d’un morceau de caccia-cavallo, sorte de fromage dur et brillant, comme un caillou du Cerchio, et que partout on l’avait forcé de se mettre à table avec eux et de boire comme un homme, jusqu’à ce que les yeux lui tournassent dans la tête et la langue dans la bouche, comme pour le faire babiller à plaisir sur Fior d’Aliza, sa cousine ; sur Léna, sa tante ; sur l’aveugle et sur sa famille.

2306. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXIXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 129-192

et elle pourra entrevoir d’un coup d’œil, sans détourner trop la tête, tout ce qu’elle chérit ici bas ; ne lui parlez que des yeux et du geste du fond de la loge, elle ne vous parlera que par son silence ; vous aurez assez le temps de lui parler tous de la langue, si je parviens jamais à vous la rendre par la grâce de Dieu, et surtout empêchez bien le chien de japper et de s’élancer vers elle contre la grille, quand nous passerons et repasserons devant le cachot.

2307. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVe entretien. Vie de Michel-Ange (Buonarroti) »

La statue colossale de Moïse, dont la tête, reproduite depuis dans toutes les langues du dessin, s’est gravée dans la pensée des hommes comme une œuvre de la nature, n’a pas besoin d’être décrite pour être immortelle.

2308. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

Dès les premières années du siècle, et peut-être plus tôt, un chevalier français attaché aux rois de Naples de la maison d’Anjou donne à sa dame en sa langue le roman de Troïlus, qu’il a tiré d’un poème de Boccace120.

2309. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

On avait eu, il est vrai, les mesures variées, parfois coupées par le récitatif, des dernières œuvres de Beethoven ; mais les cantilènes populaires n’avaient pas encore attiré l’attention, et les chants grégoriens, défigurés d’ailleurs par une incompréhension totale de leur vrai sens, n’apparaissaient que comme des restes glacés : car on assimilait au langage écrit de la liturgie son langage musical et la Préface, le Magnificat, parlaient une langue morte.

2310. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, le 8 décembre 1885. »

Dans les seuls Maîtres Chanteurs, en éliminant les passages où la situation même exige le chant proprement dit, sur 4162 mesures pendant lesquelles on doit parler, la proportion des mesures où le langage est simplement noté selon la musique propre à la langue allemande n’est pas moindre de 96 %.

2311. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

Les gens nés au-delà de la Loire, ne savent pas écrire la prose française… Moi ce que j’étais, un imaginateur… Vous ne vous doutez pas de ce que j’ai dans la tête… Eh bien, sans vous, je ne me serais pas préoccupé de cette chienne de langue… et j’aurais pondu, pondu dans la quiétude. » Vendredi 7 juin Le Marsaud qui signe les billets de banque, est un de ces vieillards qui a vu Paris, du temps des galeries de Bois, et qui, à propos de leur disparition, dit avec une indescriptible mélancolie : « Paris a bien perdu ! 

2312. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Deuxième leçon »

Telle est pourtant encore aujourd’hui la marche ordinaire de nos jeunes physiologistes, qui abordent immédiatement l’étude des corps vivants, sans avoir le plus souvent été préparés autrement que par une éducation préliminaire réduite à l’étude d’une ou de deux langues mortes, et n’ayant, tout au plus, qu’une connaissance très superficielle de la physique et de la chimie, connaissance presque nulle sous le rapport de la méthode, puisqu’elle n’a pas été obtenue communément d’une manière rationnelle, et en partant du véritable point de départ de la philosophie naturelle.

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