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1718. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Ajoutons que la malice et l’indifférence humaine aidant, des origines sont devenues obscures, qui étaient faciles à constater. […] On l’eût néanmoins surpris et désobligé en accolant cet adjectif à son nom : Pierre-Paul-Jacques Beuvron ne croyait ni aux anges, ni aux démons, ni à Dieu, ni à l’âme humaine, ni à la vie humaine, ni à la vie éternelle. […] Effroyable cas pathologique qui prouve une fois de plus la débilité de ce pauvre cerveau humain qui, à tout instant de la vie, peut être envahi par la démence. […] Le pauvre petit Joli-Cœur aimait mes soins, et il me répondait par un doux sourire : son regard était devenu vraiment humain. […] Le théâtre Saint-Marcel est l’enfer de la pauvreté humaine.

1719. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « a propos de casanova de seingalt  » pp. 510-511

Mais en fait, d’après la loi de l’infirmité et de la lâcheté humaine, dans le manque d’éducation forte et de croyance régnante, ce sont les instincts naturels qui décident en dernier ressort et qui font l’homme.

1720. (1874) Premiers lundis. Tome II « Achille du Clésieux. L’âme et la solitude. »

L’ode à M. de La Mennais est pleine d’essor ; mais nous trouvons, et nous osons croire que l’illustre prêtre trouvera comme nous qu’elle est trop prise du côté de la gloire humaine : il ne fallait pas clore une pièce à M. de La Mennais par des fleurons.

1721. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Herold, André-Ferdinand (1865-1940) »

Ici, c’est Irène qui, au contraire, influe, par une puissance d’amour, sur la conversion humaine du héros.

1722. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 2-5

Voici comme il décrit le Colosse de Rhodes : Que l’Isle où le Soleil chaque jour se récrée, Ne vante plus l’image à ce Dieu consacrée, Ce superbe Colosse en qui l’art des humains Consomma tant de jours, & lassa tant de mains, Dont la tête élevée au delà du tonnerre, Et les pieds embrassant & la mer & la terre, Sembloient, en leur stature épouvantable aux yeux, Joindre ensemble la mer, & la terre & les cieux.

1723. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 507-511

Son Traité philosophique de la foiblesse de l’Esprit humain, lui a suscité des Censeurs.

1724. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre IX. Du vague des passions. »

L’invasion des Barbares y mit le comble, et l’esprit humain en reçut une impression de tristesse, et peut-être même une teinte de misanthropie qui ne s’est jamais bien effacée.

1725. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XIII. Des Livres de Médecine, de Botanique, de Chymie, d’Anatomie, de Chirurgie, &c. » pp. 325-328

Je ne vous conseillerai pour l’Anatomie que l’Exposition anatomique de la structure du corps humain, par Winslovv, in-12. quatre vol. 1767., cette édition est corrigée & augmentée sur un exemplaire de l’auteur, & le Dictionnaire anatomique, in-12., 1754.

1726. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

3° Philosophe et penseur, se rattachant à quelques égards aux écoles du progrès et de l’avenir, à la religion de l’esprit, il repoussait, par une sorte de contradiction au moins apparente, les voies et moyens de ce progrès moderne et plusieurs des résultats ; il s’en prenait aux débats publics, aux discussions éclatantes, à ces chemins de fer qui créent ou qui centuplent les communications humaines et les échanges de la pensée, au développement accéléré et aux conquêtes de la démocratie. […] Molé, les supériorités poétiques de M. de Vigny sont hors de cause et demeurent hors d’atteinte ; mais dans les sphères humaines et même littéraires, c’est quelque chose aussi qu’un esprit fin, un esprit juste et un bon esprit. […] On n’entendra jamais piaffer sur une route Le pied vif du cheval sur les pavés en feu ; Adieu, voyages lents, bruits lointains qu’on écoute, Le rire du passant, les retards de l’essieu… Tout ce passage est charmant ; il y en a de très élevés : la nature parle et dit d’admirables choses dans son impassible dédain pour la fourmilière humaine : On me dit une mère, et je suis une tombe ! […] Il promet à Éva de lui lire ses propres poèmes, assis tous deux au seuil de la maison roulante : Tous les tableaux humains qu’un Esprit pur m’apporte S’animeront pour toi quand, devant notre porte, Les grands pays muets longuement s’étendront. […] Il en est très peu que le feu divin illumine durant toute une longue carrière, ou chez qui il se change du moins et se distribue en chaleur égale et bienfaisante pour donner aux divers âges humains toutes leurs moissons.

1727. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre premier. La perception extérieure et les idées dont se compose l’idée de corps » pp. 69-122

. — Portion humaine de cette conception. — Emploi des noms. — Intervention de l’illusion métaphysique. — Premiers éléments du simulacre hallucinatoire. […] Nous découvrons en outre qu’elles appartiennent à des êtres humains ou sensibles, autres que nous-mêmes. […] Bien mieux, comme le pensent Bain et Stuart Mill d’après Berkeley, ne sont-ils qu’un pur néant, érigé par une illusion de l’esprit humain en substances et en choses du dehors ? […] Si nous attribuons aux corps le mouvement, c’est après avoir dépouillé ses éléments de toute qualité humaine, après leur avoir ôté tous les caractères par lesquels ils étaient d’abord des sensations, en prenant soin de ne leur laisser que leur ordre relatif, leur position par rapport au moment initial et au moment final, leur succession plus ou moins prompte dans le même intervalle de temps. […] La première de ces deux choses est animale, la seconde est humaine. — En effet, il suffit de l’expérience animale pour attacher à la sensation le groupe d’images ; on a vu les lois de réviviscence et d’association qui le forment et l’éveillent.

1728. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

Il demande à son poète un sujet qui comporte tous les tons, tous les accents, tous les cris de l’âme humaine. […] C’était surtout la voix sereine, impassible, mais terrible de la Providence vengeresse qu’il voulait faire prédominer sur toutes ces joies, sur toutes ces douleurs et sur tous ces défis du cœur humain. […] Il excelle dans tous les genres, il étend sa domination sur tout le vaste empire de l’art, depuis la canzonetta jusqu’au poème dramatique, depuis la sonate jusqu’à la symphonie : son imagination, aussi variée que profonde, aussi tendre que sublime, exprime tous les sentiments de la nature humaine, depuis le demi-sourire jusqu’à la grâce, et les transports de l’amour jusqu’aux sombres terreurs de l’âme religieuse ; car il ne faut pas oublier que c’est la même plume qui a écrit le Mariage de Figaro et la messe de Requiem. […] Lisez Byron pour le faux rire, allez entendre Mozart pour voir transfigurer en mélodies diverses et délicieuses, en sourires ou en larmes, toutes les passions du cœur humain, depuis les amours de la terre jusqu’aux enthousiasmes du ciel. […] Le conflit de la nature humaine avec les puissances inconnues qui la circonviennent pour la détruire, s’offrit clairement à mon esprit ; enfin, la tempête s’apaisa, et le rideau fut levé.

1729. (1860) Cours familier de littérature. X « LVe entretien. L’Arioste (1re partie) » pp. 5-80

Malgré les théories plus chimériques que réelles de ce soi-disant progrès indéfini et continu, qui conduit les peuples, par des degrés toujours ascendants, à je ne sais quel apogée, indéfini aussi, de la nature humaine, l’histoire religieuse, l’histoire militaire, l’histoire politique, l’histoire littéraire, l’histoire artistique, ne nous montrent pas un seul peuple qui, après la perfection, ne soit tombé dans la décadence. […] C’est un phénomène qu’on n’a pas assez étudié, et qui ne s’explique, selon nous, que par deux causes : d’abord la prodigieuse fécondité morale de la race italienne ; ensuite la sève nouvelle, vigoureuse, étrange, que les lettres grecques et latines, renaissantes et greffées sur la chevalerie chrétienne, donnèrent à cette époque à l’esprit humain en Italie. […] Cette héroïque folie de l’esprit humain n’avait pas eu encore son expression complète dans une épopée. […] V Cela fait, il employa les dix plus fortes années de sa vie studieuse et solitaire à écrire le Roland furieux, le dernier mot de l’imagination humaine ! […] Leurs légers frémissements à la moindre brise d’été remplissaient l’air et la grotte d’harmonies fugitives, semblables à des plaintes d’eau ou à des chuchotements de voix humaines qui se parlent tout bas.

1730. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

Ou bien serais-je près de mortels à voix humaine ? […] « C’était à vous de nous expliquer le génie, devancier et dominateur des autres génies, le premier de ces révélateurs des passions de l’âme, et le plus parfait de ces consolateurs de l’infortune, à qui fut donnée la mission sublime de rappeler le genre humain à l’exécution des lois, car les poètes des premiers âges en étaient les hérauts publics comme les plus habiles interprètes. […] Elle entend toujours, dans ces mêmes parages, murmurer à ses pieds la fontaine du pacha, et elle ne domine encore que des ondes asservies : enfin, vous me rappelez ce rocher de l’île de Nio, dont les vagues viennent battre et blanchir les écueils ; abri solitaire d’où s’exhala la grande âme du poète mendiant, le plus merveilleux type humain du pouvoir inventeur. […] « Je ne vois pas sa personne, car un nuage se dresse autour de lui ; c’est ainsi qu’il se dérobe à mes yeux comme à tous les humains, et nul des mortels n’a vu jamais le souverain maître, si ce n’est, parmi les Chadéens, l’unique rejeton d’une race venue d’en haut1. […] Mes amis le disaient, je puis bien le redire ; Elle avait tout d’humain, excepté le sourire.

1731. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

Il croit à une vaste conspiration ourdie par Diderot, Hume, Grimm, avec la complicité de tout le genre humain, pour l’humilier, le déshonorer, le calomnier, lui imposer des bienfaits outrageants, ou lui attribuer des ouvrages infamants. […] Partout il nous fait voir l’espèce humaine meilleure, plus sage et plus heureuse dans sa constitution primitive ; aveugle, misérable et méchante, à mesure qu’elle s’en éloigne ; son but est de redresser l’erreur de nos jugements, pour retarder le progrès de nos vices, et de nous montrer que, là où nous cherchons la gloire et l’éclat, nous ne trouvons en effet qu’erreurs et misères. Mais la nature humaine ne rétrograde pas, et jamais on ne remonte vers les temps d’innocence et d’égalité, quand une fois on s’en est éloigné ; c’est encore un des principes sur lesquels il a le plus insisté. […] La conclusion des deux discours, c’est qu’il faut revenir à la nature, mais — et c’est l’idée qu’il faut bien apercevoir pour ne pas attribuer à Rousseau une inconséquence qu’il n’a pas commise — mais « la nature humaine ne rétrograde pas il y a trop loin de l’état civil à l’état naturel pour qu’on puisse repasser de celui-ci à celui-là. […] Il serait facile de dégager des écrits de Rousseau les thèmes éternels du lyrisme : à l’occasion de sa vie, il agite tous les problèmes de la destinée humaine, il ressent toutes les inquiétudes métaphysiques que les hasards de l’existence font surgir au fond des cœurs.

1732. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

Dans aucune littérature peut-être il n’y a rien de plus fort, parce qu’il n’y a rien de plus profondément humain ; et qu’y a-t-il de plus simple ? […] comme dit un autre poète, « nous sommes trop pleins du lait de l’humaine tendresse ». […] Malheureusement, Voltaire était Voltaire : il avait une tendance à rabaisser, à dégrader les choses humaines, et, jusque dans l’histoire, il restait le poète de la Pucelle. […] C’est le calme de la force qui s’est éprouvée par l’expérience, et la sérénité d’une inébranlable conviction contre laquelle rien d’humain ne saurait prévaloir. […] D’ailleurs elle a gardé du xviiie  siècle la foi dans la raison humaine et la confiance dans le progrès.

1733. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

C’est d’abord le sentiment de la solidarité humaine, laquelle est un fait, quoique nous ne l’apercevions pas toujours. […] Mais l’enfant royal, sommeillant à demi, lui jette ses deux bras au cou ; et ce geste d’enfantine confiance désarme Brutus et fait subitement crouler, au choc d’un sentiment très simple de pitié humaine, toute son intransigeance abstraite et têtue. « Bah ! […] La rencontre pouvait être belle de ces deux amants, divisés entre eux et divisés contre eux-mêmes par des sentiments très vrais, très humains, très forts et peut-être également généreux. […] Capus respecte mieux la complexité des mobiles humains. […] En dépit des poètes, des romanciers et des dramaturges, je n’ai jamais clairement conçu pourquoi l’amour jouissait, entre toutes les passions humaines, d’un privilège honorifique, ni comment il confère, à ceux qui en sont possédés, une supériorité morale, ni en quoi c’est une façon plus relevée et plus estimable que les autres d’aller fatalement à son plaisir.

1734. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

C’est curieux comme la marionnette, cet insenséisme de la mimique humaine, me produit une singulière impression. […] Et les petites portes basses, et les petits escaliers noirs, et les petites chambrettes, qui sont plutôt des trous à humains que des logis, vous mettent sous les yeux, comme l’apparition d’un moyen âge marmiteux, auquel on ne s’attend pas. […] Mardi 27 juillet En buvant un verre d’ale, rue Royale, dans le roulement incessant des voitures sur le pavé de bois, je pensais que l’activité humaine est arrivée à faire le bruit continu d’un élément. […] Mardi 8 août Les impatiences des animaux, n’ayant pas le langage pour se faire entendre des humains, sont curieuses. […] Aujourd’hui, il me reste comme un souvenir de rêve de cette visite : le Flammarion avec sa tête de saint Jean-Baptiste, qu’offre dans un plat d’argent, la peinture italienne à Hérodiade, le monsieur qui a découvert la dernière planète, à la chevelure qui pourrait servir d’enseigne à la pommade du Lion, un jeune homme bancroche, qui nous est présenté par Flammarion, comme l’humain de toute la terre ayant la vue la plus longue.

1735. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 451-455

« Ensuite, si vous lisez ce petit Ouvrage, vous serez étonné de n’y trouver qu’un homme raisonnable, humain, philosophe même, qui combat un préjugé, qui pourroit avoir tort dans le fond, sans qu’il fût possible de lui faire le moindre reproche dans la forme ; enfin, qui n’a point cherché à justifier cette abominable catastrophe dont on le suppose le panégyriste, qui a tenu, à ce sujet, le langage d’un cœur compatissant & d’un esprit éclairé.

1736. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 497-500

Je contemplois déjà les miseres humaines, Et j’en accusois plus nos plaisirs que nos peines, J’en accusois sur-tout nos plaisirs amoureux, Comme les plus légers & les plus dangereux ; Je voyois qu’à la fin tous les cœurs s’en dégoûtent, Ou par les maux qu’ils font, ou par les biens qu’ils coutent ; Et me ressouvenant de ce qu’ils m’ont couté, Je m’en croyois aussi pour jamais dégoûté ; Mais j’osai voir Olympe, &c.

1737. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Préface »

La Philosophie et la Religion, ces deux pôles de la raison humaine, sont l’objet des deux dernières études.

1738. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre II. De l’Allégorie. »

Quant à ces dieux vagues que les anciens plaçaient dans les bois déserts et sur les sites agrestes, ils étaient d’un bel effet sans doute ; mais ils ne tenaient plus au système mythologique : l’esprit humain retombait ici dans la religion naturelle.

1739. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 19, de la galanterie qui est dans nos poëmes » pp. 143-146

Dira-t-on qu’ils ne connoissoient pas le coeur humain et les tempêtes que toutes les passions amoureuses y sçavent exciter ?

1740. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre VI. La parole intérieure et la pensée. — Second problème leurs différences aux points de vue de l’essence et de l’intensité »

Chez le commun des esprits, l’image intérieure de l’homme n’est pas l’ombre d’un Jupiter ou d’un Apollon ; elle n’est pas davantage celle d’un bossu ou d’un estropié ; l’homme imaginé n’est ni Apollon ni Esope, ni un géant ni un nain, ni un enfant ni un vieillard ; c’est un homme tel qu’après l’avoir classé dans le genre humain on ne peut être tenté de le parquer dans un coin de ce genre au moyen d’une épithète restrictive. […] Or toutes les images constitutives d’une idée ne peuvent être matériellement imitées par les organes du corps humain, et la plus facile à imiter est d’ordinaire choisie pour servir de signe commun ; dès lors, une partie de l’idée représente l’ensemble ; seule elle devient, pour celui qui exprime sa pensée comme pour ses interlocuteurs, une sensation, c’est-à-dire un état fort ; et l’acte musculaire, en la détachant ainsi du groupe dont elle faisait partie, lui confère à un haut degré ce que nous avons appelé l’indépendance. […] Enfin, pour toute entreprise difficile et nouvelle de la pensée, pour celles qui doivent compter dans l’histoire de l’esprit humain ou seulement dans l’histoire économique ou politique des peuples, il faut des idées encore jeunes et vivantes, aux contours saillants, et dont les couleurs n’aient pas été ternies par un trop long usage. […] lxv) ; elle ne comprend que les onomatopées véritablement françaises, c’est-à-dire les mots nouveaux formés directement par l’instinct populaire à l’imitation de bruits naturels ou humains ; M.  […] Car il faut qu’on soit affecté un peu par le mouvement de cette vague et qu’on ait quelque perception de chacun de ces bruits, quelque petits qu’ils soient ; autrement on n’aurait pas celle de cent mille vagues, puisque cent mille rien ne sauraient faire quelque chose. » (préface des Nouveaux essais sur l’entendement humain, éd.

1741. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

— ce poids, où veut-il nous précipiter, sinon vers ces augustes retraites, où nous attend, où nous appelle une présence plus qu’humaine ? […] Valéry accepte le silence, il se tait parce que la parole humaine, et même celle des philosophes, n’atteint pas à cette clarté définitive, à cette précision absolue où il voit le souverain bien ; le poète se tait, ou, du moins, incline au silence, parce que les mortelles précisions de la parole humaine réduisent, déforment, limitent, dégradent les réalités mystérieuses, indéfinissables que l’inspiration lui a permis d’entrevoir, de sentir, de toucher presque. […] ainsi le « contrôle humain » s’entendrait du prosaïsme le plus plat ; et l’« inconnu », d’une abstraction qui nous jetterait hors du tableau, hors de toute plastique. […] André Lhote, en nous montrant sous son vrai jour son « contrôle humain » anti-poétique, un goulot, un oeil, un numéro n’étant pas spécialement humains pour être d’un prosaïsme brutal. […] Il blesse toute une catégorie de très honnêtes gens, beaucoup plus humains, beaucoup plus ouverts à la vraie poésie que tels autres, parmi les mandarins qui les traitent de si haut.

1742. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Franc-Nohain (1873-1934) »

Elle prête une âme aux choses, et sa verve jette un reflet de vie sur les pauvres objets, accessoires familiers de tous les ridicules humains, de nos faiblesses et de nos infirmités.

1743. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Soulary, Joséphin (1815-1891) »

Saint-René Taillandier Nous n’avons pas affaire à un imitateur de Lamartine ou de Victor Hugo ; rien ne le rattache non plus à l’école gauloise de Béranger, à l’école aristocratique d’Alfred de Vigny, à l’école humaine de Barbier ou de Brizeux.

1744. (1887) Discours et conférences « Discours à la conférence Scientia : Banquet en l’honneur de M. Berthelot »

Vous avez dilaté, cher ami, au secteur où vous travaillez, le pomœrium de l’esprit humain.

1745. (1893) Thème à variations. Notes sur un art futur (L’Académie française) pp. 10-13

Car ils prennent garde que toutes choses vivent une vie métaphysique ; qu’il n’y a pas de si médiocre molécule qui ne soit le signe d’une existence abstraite ; que le visible demeure le symbole de l’invisible1 ; que la beauté extérieure dénonce la beauté intime2 ; que comme l’âme humaine est le miroir où reluit le monde, le monde est le miroir où reluit Dieu ; que tout s’exalte et tourbillonne dans un ouragan d’amour ; que tout halète et s’agenouille et prie pour l’offrande universelle au Seigneur.

1746. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre premier, premières origines du théâtre grec »

C’est de son génie qu’est sorti ce monde qui double la vie humaine en la reflétant.

1747. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre II. Causes générales qui ont empêché les écrivains modernes de réussir dans l’histoire. — Première cause : beautés des sujets antiques. »

Ils se préparent, pour ainsi dire, des destinées humaines ; ils n’influent plus sur le sort des empires.

1748. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XV. Le fils du sérigne »

La misère humaine.

1749. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XVII. La flûte d’ybilis »

En route, la pluie l’obligea à s’abriter dans une vieille case pleine de crânes humains.

1750. (1921) Esquisses critiques. Première série

Sacha Guitry est le disciple, découvrent une perversité foncière dans toutes les actions humaines. […] Sacha Guitry montre des actions perverses sans prétendre exposer la nature humaine. […] Les inventions gracieuses ou badines qu’enfante sa riche fantaisie ne lui ont pas encore fourni la matière d’une œuvre ample et humaine : M.  […] Sylvère, Guiche, Noctiluce, Nane, ou bien encore la comtesse de Sattin-Lippe ne sont point de pesantes créatures humaines. […] Il a fallu la pitié que lui inspirèrent ces tortures humaines pour mêler une sorte de funèbre enchantement à ces romans atrocement voluptueux.

1751. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

Rien d’humain ne battait en toi ! […] L’ivresse l’accable, et son gosier rejette des flots de vin et des lambeaux de chair humaine. […] Ces bonshommes sont une merveille savante de mécanique souple, gracieuse, humaine. […] Ainsi Carlyle ne chômait guère en son déchiffrement humain. […] Et il nous fait lire dans le cœur humain couramment.

1752. (1902) Le problème du style. Questions d’art, de littérature et de grammaire

Il n’y a pas que des bœufs ; sans quoi comment se ferait dans les organismes humains la génération des pensées ? […] Elle est variable, hormis en sa forme primitive, qui est le corps humain, et le goût, organe, varie selon ce qu’il doit goûter, par accommodation. […] Or l’homme n’étant pas moins un animal que le reste de l’animalité, le mimétisme humain ne doit en rien différer du mimétisme animal. […] La poésie qui n’est pas parfaite n’existe pas : la poésie parfaite est parmi les produits les plus précieux et les plus utiles de l’esprit humain. […] Provisoirement, animaux, fleurs, feuillages, figures humaines, il nous les offre tout crus .

1753. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

Ils échouent l’un et l’autre, et, le dernier jour de l’année, Guerino prend congé, reçoit les vêtements qu’il avait dépouillés à l’arrivée, et rentre dans le monde des humains. […] C’est par le sacrifice volontaire d’Élisabeth que cette barrière est renversée, mais seulement dans le ciel, c’est-à-dire en dehors de la réalité humaine et présente. Voilà ce que le poète-musicien a trouvé dans la légende du Tannhäuser, et cette conception est émouvante, humaine et dramatique. […] Les marins arabes ont transformé cette légende : ils font du « vieux Juif » un monstre marin à face humaine, à barbe blanche, qui apparaît parfois, au crépuscule, à la surface des flots80. […] On trouve ici un point d’attache avec un cycle légendaire bien connu, et qu’on a récemment beaucoup étudié, celui du « fier baiser », où une jeune fille changée en serpent reprend sa forme humaine si le héros a le courage de la baiser sur la bouche.

1754. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

mais toutes les sociétés humaines ont laissé des preuves de la même assiduité aux travaux littéraires, sans que leur zèle produisît des résultats aussi éclatants. […] Le premier naquit des circonstances particulières à la démocratie d’Athènes ; le second, d’une imitation générale des mœurs humaines sous tous les gouvernements. […] Le ridicule que je nomme éternel tient aux passions naturelles du genre humain, telles que l’envie, la jalousie conjugale, l’intérêt, la vanité, la peur, et les appétits grossiers. […] Certes on ne réformera pas l’espèce humaine entière, mais la maligne censure de Thalie polira les mœurs d’un grand nombre de personnes, et les sauvera des dangers de leur brutal aveuglement. […] De là, ces nuances, ces bigarrures du genre humain qui ne peut paraître uniforme à l’œil le moins éclairé.

1755. (1874) Premiers lundis. Tome II « L. Aimé Martin. De l’éducation des mères de famille, ou de la civilisation du genre humain par les femmes. »

De l’éducation des mères de famille, ou de la civilisation du genre humain par les femmes.

1756. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 467-471

C’est pour nous avoir laissé des Lettres qui sont un chef-d’œuvre d’éloquence ; pour avoir enrichi l’esprit humain de pensées profondes, fortes & sublimes ; pour avoir lancé, dans cinq ou six traits de plume, plus de lumiere & de génie qu’on n’en trouve dans tout ce qui paroît accumulé avec tant d’effort dans des volumes de Mélanges de Littérature, d’Histoire, & de Philosophie.

1757. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1828 »

En attendant, il appelle sur ces questions l’attention de tous les critiques qui comprennent quelque chose au mouvement progressif de la pensée humaine, qui ne cloîtrent pas l’art dans les poétiques et les règles, et qui ne concentrent pas toute la poésie d’une nation dans un genre, dans une école, dans un siècle hermétiquement fermé.

1758. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre III. Des Philosophes chrétiens. — Métaphysiciens. »

Nos derniers idéologues sont tombés dans une grande erreur, en séparant l’histoire de l’esprit humain de l’histoire des choses divines, en soutenant que la dernière ne mène à rien de positif, et qu’il n’y a que la première qui soit d’un usage immédiat.

1759. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 17, de l’étenduë des climats plus propres aux arts et aux sciences que les autres. Des changemens qui surviennent dans ces climats » pp. 290-294

Or de tous les organes du corps humain, les plus délicats sont ceux qui servent à l’ame spirituelle à faire ses fonctions.

1760. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre II. Le public en France. »

L’esprit plane sur les sommets comme s’il avait des ailes ; d’un regard, il embrasse les plus vastes horizons, toute la vie humaine, toute l’économie du monde, le principe de l’univers, des religions, des sociétés. […] Y a-t-il à Versailles un courtisan qui refuse de décréter l’égalité dans Salente   Entre les deux étages de l’esprit humain, le supérieur où se tissent les raisonnements purs et l’inférieur où siègent les croyances actives, la communication n’est ni complète ni prompte. […] Nous préférions un mot d’éloge de d’Alembert, de Diderot, à la faveur la plus signalée d’un prince… Il était impossible de passer la soirée chez d’Alembert, d’aller à l’hôtel de La Rochefoucauld chez les amis de Turgot, d’assister au déjeuner de l’abbé Raynal, d’être admis dans la société et la famille de M. de Malesherbes, enfin d’approcher de la reine la plus aimable et du roi le plus vertueux, sans croire que nous entrions dans une sorte d’âge d’or dont les siècles précédents ne nous donnaient aucune idée… Nous étions éblouis par le prisme des idées et des doctrines nouvelles, rayonnants d’espérance, brûlants d’ardeur pour toutes les gloires, d’enthousiasme pour tous les talents et bercés des rêves séduisants d’une philosophie qui voulait assurer le bonheur du genre humain. […] Aucun prince n’a été plus humain plus charitable, plus préoccupé des malheureux.

1761. (1888) Petit glossaire pour servir à l’intelligence des auteurs décadents et symbolistes « Petit glossaire »

Mais marcher dans le sapide et monotone clair Qu’allument aux humains mes inscientes prunelles. […] — Nom des membranes qui tapissent les cavités du corps humain, ouvertes au dehors. […] Entendre un son humain dans la salle voisine, permettait y fuir sautellante. […] ………… Une carcasse Humaine dont la faim torve d’un loup fugace Venait de disloquer l’ossature à demi.

1762. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

Boissonade le rappela à la bonté et à l’équité par une lettre qui est un modèle d’humaine sagesse : « Ceux que vous nommez, que vous accusez, sur lesquels vous appelez le ridicule ou peut-être quelque chose de plus sévère (car les révolutions, faciles et humaines à leur origine, sont quelquefois suivies de violentes réactions), ceux de qui vous riez, d’un rire bien amer et bien cruel, sont d’honnêtes gens, séduits d’abord par des illusions très-séduisantes, menés ensuite plus loin qu’ils ne l’avaient pensé. […] Et après cela, après tout hommage rendu à la fleur des érudits, au savant aimable et délicat, je m’adresserai aux nouveaux, à ceux qui s’élèvent : Jeunes érudits et savants qui lui succédez, vous le savez mieux que moi, si vous voulez maintenir l’Antiquité à son rang, dans toute son estime, et intéresser à elle les esprits des générations présentes et prochaines, ce n’est pas en l’abordant désormais à la Boissonade et en vous attaquant isolément à des points imperceptibles, c’est en traitant les questions qui la concernent, dans toute leur précision sans doute, mais aussi dans toute leur étendue et leur généralité, et en rattachant les anciens le plus possible au train moderne par une anse moderne aussi, par quelque agrafe puissante, en leur demandant tout ce qui se rapporte chez eux à l’histoire des idées, des mythes, des religions, de l’art, de la police et de la constitution des sociétés, à la marche enfin et au progrès de l’esprit humain et de la civilisation elle-même.

1763. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

Il faut avoir grandement égard à la tendresse humaine et ne point s’attaquer à ceux qui se sont fait beaucoup aimer3. »   Belle pensée dont j’ai eu plus d’une fois l’occasion de reconnaître et de vérifier la justesse. […] L’admiration de Marais pour Boileau est absolue d’ailleurs, et n’excepte pas les derniers fruits de sa veine et les œuvres de sa vieillesse, pas même la triste Satire de l’Équivoque, si critiquée à sa naissance et si tombée depuis, conception étroite et bizarre, où toute l’histoire de l’humanité est renfermée dans celle de la casuistique ; l’amitié, en ceci, abuse Marais et lui fait d’étranges illusions : « J’ai vu l’Équivoque manuscrite, écrit-il à une amie (mars 1711) ; c’est un chef-d’œuvre non seulement de la poésie, mais de l’esprit humain. […] Des branches entières de la production littéraire et même de ce savoir humain que chaque matin nous préconisons seront comme des vaisseaux échoués, laissés à sec par le reflux, et la marée montante ne reviendra pas.

1764. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

Le Jour des Morts, la plus grave erreur, et l’une des plus anciennes, de sa première manière, était une concession de faux respect humain à cette gaieté de rigueur qui circule à la ronde, une désobéissance dérisoire et presque sacrilège à la voix de son cœur et de son génie. […] Hymne humain, pacifique, inaltérable, il nous montre combien dès lors, dans la fumée de l’engagement libéral, l’horizon de Béranger était le même, aussi vaste et aussi à découvert que son regard l’embrasse aujourd’hui. […] Du moins plus haut que les luttes humaines, Fixant tes yeux sur les places sereines, L’âme invisible errait souvent au ciel !

1765. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

Ils envisagèrent donc M. de La Mennais comme un novateur audacieux en religion, un hérétique sans le savoir ; et, au point de vue philosophique, comme ruinant toute certitude individuelle sous prétexte de fonder celle du genre humain. […] Et certes, il la connaît mieux cette cité de transition qu’il a laissée en arrière, et qu’il ne voit aujourd’hui que comme un amas de tentes mal dressées, il la connaît mieux que nos myopes turbulents qui, logés dans quelque pli, s’y cramponnent et s’y agitent ; qui, du sein des coteries intestines de leurs petits hôtels, s’imaginent qu’ils administrent ou qu’ils observent, savent le nom de chaque rue, l’étiquette de chaque coin, font chaque soir aux lumières une multitude de bruits contradictoires, et avec l’infinie quantité de leurs infiniment petits mouvements n’arriveront jamais à introduire la moindre résultante appréciable dans la loi des destinées sociales et humaines[…] Pendant les intervalles de la controverse vigoureuse à laquelle on l’aurait cru tout employé, serein et libre, retiré de ce monde politique actif où le Conservateur l’avait vu un instant mêlé et d’où tant d’intrigues hideuses l’avaient fait fuir, entouré de quelques pieux disciples, sous les chênes druidiques de La Chênaie, seul débris d’une fortune en ruine, il composait les premières parties d’un grand ouvrage de philosophie religieuse qui n’est pas fini, mais qui promet d’embrasser par une méthode toute rationnelle l’ordre entier des connaissances humaines, à partir de la plus simple notion de l’être : le but dernier de l’auteur, dans cette conception encyclopédique, est de rejoindre d’aussi près que possible les vérités primordiales d’ailleurs imposées, et de prouver à l’orgueilleuse raison elle-même qu’en poussant avec ses seules ressources elle n’a rien de mieux à faire que d’y aboutir.

1766. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre I »

Ils ont comme une voix articulée, et, quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine ; et en effet ils sont des hommes. […] Dans la seule province de Normandie, je trouve des séditions en 1725, en 1737, en 1739, en 1752, en 1764, 1765, 1766, 1767, 1768619, et toujours au sujet du pain. « Des hameaux entiers, écrit le Parlement, manquant des choses les plus nécessaires à la vie, étaient obligés, par le besoin, de se réduire aux aliments des bêtes… Encore deux jours et Rouen se trouvait sans provisions, sans grains et sans pain. » Aussi la dernière émeute est terrible, et, cette fois encore, la populace, maîtresse de la ville pendant trois jours, pille tous les greniers publics, tous les magasins des communautés  Jusqu’à la fin et au-delà, en 1770 à Reims, en 1775 à Dijon, Versailles, Saint-Germain, Pontoise et Paris, en 1782 à Poitiers, en 1785 à Aix en Provence, en 1788 et 1789 à Paris et dans toute la France, vous verrez des explosions semblables620  Sans doute, sous Louis XVI, le gouvernement s’adoucit, les intendants sont humains, l’administration s’améliore, la taille devient moins inégale, la corvée s’allège en se transformant, bref la misère est moindre. Et pourtant elle est encore au-delà de ce que la nature humaine peut porter.

1767. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

Il y a dans l’âme humaine des parties qu’il ne veut pas connaître, des sentiments où il refuse d’entrer, où du moins il n’entre que de la plus mauvaise grâce du monde — toujours comme ces « philosophes » d’il y a cent ans dont il est aujourd’hui le plus authentique héritier. […] Mais « le théâtre ne peut, cela est évident, reproduire la vie humaine dans son infinie complexité de détails ; il en prend un lambeau qu’il taille à sa fantaisie… et il le prend dans un certain but, qui est d’émouvoir ou la compassion ou la haine ou un sentiment quel qu’il soit, d’autres fois de démontrer une idée morale, religieuse, politique. […] Les plus exactes analyses de sentiments, les vues les plus profondes sur l’âme humaine, les peintures les plus fines ou les plus éclatantes du monde moral ou physique, ce qu’il y a de plus rare dans la littérature contemporaine soit pour le fond, soit pour la forme, c’est chez nos poètes, nos romanciers, nos critiques et nos philosophes qu’il faut le chercher.

1768. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

     — Les poètes sont les guides du génie humain  Les sommets sont dangereux ; on y a le vertige  Les grands hommes sont malheureux, parce qu’ils sont les enclumes sur lesquelles Dieu forge une âme nouvelle à l’humanité. […] Son inintelligence des âmes, de la vie humaine et de ses complexités est incroyable. […] Tous les progrès de l’intelligence humaine en ce siècle se sont accomplis par d’autres que lui.

1769. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Calvin traite en grand écrivain toutes les questions de la philosophie chrétienne, la conscience, la liberté chrétienne, la Providence divine, les traditions humaines, le renoncement à soi. […] Si Calvin n’avait pas l’excuse de la bonne foi, certes ce théologien bourreau qui allumait par le bras séculier le bûcher de Servet, qui de sa logique injurieuse tuait Gentilis à Berne, serait au-dessous de la haine et du mépris du genre humain ; Mais dans un homme de mœurs si austères, capable d’affections domestiques et d’amitiés durables, courageux, d’une si grande édification de son vivant et après sa mort, ce fut moins la cruauté que l’effet de cette superbe de la raison, par laquelle nous croyons avoir conquis l’impartialité des purs esprits, parce que nous avons dépouillé tout sentiment humain.

1770. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Sans doute, on entend dire à chaque instant : « Le cœur humain est toujours le même ; les vertus et les vices d’aujourd’hui sont ceux d’hier et ceux de demain. […] Obéissez donc à vos penchants ; suivez la nature, vous serez à la fois vertueux et heureux, autant qu’on peut l’être dans la misérable condition humaine : tel est le précepte ou plutôt le conseil auquel aboutit Fontenelle. […] Si l’on admet que l’art doive être « fainéant », comme dit Victor Hugo, si l’on veut qu’il ressemble aux lys des champs, qui ne travaillent ni ne filent et sont pourtant velus de splendeur, si l’on exige qu’il plane, indifférent et superbe, au-dessus des vils intérêts humains, sans avoir ni patrie, ni religion, ni préférence politique ou philosophique, on supprime, on retranche de la littérature plusieurs genres qui comptent pourtant plus d’un chef-d’œuvre.

1771. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

Certes, il n’a donné à personne d’humain le désir de savoir quelle eût été la suite, et ce qu’il aurait pu faire hors de sevrage et dans sa juste maturité ; mais, physiologiquement, je maintiens qu’à aucune époque Saint-Just ne fut mûr. […] Il méprisait l’homme, ce « vil roi de l’univers » ; il le croyait sot, destiné de tout temps à toutes les sottises, et il jouissait de le lui dire en face ; il prenait plaisir à salir le genre humain, à la veille de le vouloir régénérer. […] Il y a de jeunes fous et de vieux philosophes qui ont mis dans leur oratoire, au nombre de leurs saints, ce jeune homme atroce et théâtral, auquel on est même embarrassé, quand on embrasse sa courte et sinistre carrière, d’appliquer une seule fois le mot humain de pitié.

1772. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre V. La parole intérieure et la pensée. — Premier problème : leurs positions respectives dans la durée. »

Ce que le maître aura trouvé sans parvenir à le faire entendre, sinon à un petit nombre d’adeptes, ceux-ci le diront clairement à tous ; pour achever ces grandes œuvres de la pensée qui renouvellent l’esprit humain, deux générations sont-elles donc de trop ? […] Si les plus grands philosophes des temps modernes, comme Kant et Maine de Biran, sont de si maladroits écrivains, s’ils sont morts avant d’avoir trouvé l’expression limpide où chacun aurait pu lire sans équivoque leur vraie pensée, c’est que la grandeur même de l’œuvre entreprise imposait à leurs facultés d’expression une tâche qu’ils n’ont pas eu le loisir ou le courage ou la générosité d’entreprendre ; la plupart ont laissé à leurs disciples le soin de les vulgariser, moins par dédain de la postérité que par suite de cette loi de la nature humaine qui veut que l’on perde en souplesse ce que l’on gagne en profondeur et que la spécialité soit la rançon du génie. […] I, § 3] ; les grandes émotions humaines peuvent aider à comprendre ce qui se passe alors chez les mystiques. — Cf. aussi A.

1773. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

Peu avant cette belle fin, Lapierre avait écrit à ses amis de l’Humanité cette page testamentaire :‌ Nous sommés soldats des armées de la République menacée par le militarisme allemand, mais nous restons tous inébranlablement attachés à notre grand idéal et à l’organisation qui en est la forme vivante… Socialistes au cœur humain et au sentiment généreux, nous avons un devoir sacré à remplir, au milieu de tant de colères et de haines : éviter que les bas instincts ne sèment dans l’âme de nos camarades de combat les idées de vandalisme et de sauvagerie. […] Quand on évoque ces deux noms, il me semble revoir, au milieu d’une mer humaine tachée de milliers de bannières rouges, ces deux hommes aux gestes larges et aux paroles profondes, qui semblaient, comme des apôtres, montrer aux prolétaires la cité future, tout un monde de paix, et non cette vie si proche à laquelle aucun esprit sensé ne voulait croire : la vie où l’on ne parlerait pas d’autre chose que de canons, de tranchées, d’attaques, de meurtres et d’incendies… Où sommes-nous tombés maintenant ! […] Ce qui manquait à ces esprits intuitifs et bien intentionnés, c’est cette discipline intellectuelle que donne une culture plus forte et mieux équilibrée que leur éducation incomplète de primaires ; c’est encore cette discipline morale de la foi religieuse qu’ils n’avaient pas et que même ils combattaient comme attentatoire à l’idée fausse qu’ils se faisaient de la liberté humaine.

1774. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Au fond, il paraîtrait ne le goûter qu’à demi, l’admirer surtout par respect humain, et peut-être ne l’avoir pas lu tout entier ; car, dans la suite de ses réponses à Perrault sur la controverse homérique, il n’emprunte rien, ni pour l’histoire conjecturale des premiers poëtes grecs, ni pour l’analyse du sentiment poétique, à bien des traits originaux, à bien des témoignages précieux de Pindare, qui partout, dans ses hymnes, se montre le premier croyant à l’authenticité d’Homère et comme le prêtre de son temple. […] Mais de telles ressemblances, dont nous parlerons ailleurs, n’étaient prises peut-être qu’au trésor inépuisable des sentiments humains, et à ces rencontres du génie, perpétuelle révélation que Dieu donne à l’homme. […] C’était un instinct de la grandeur sous toutes les formes, un goût pour les choses éclatantes, depuis les phénomènes de la nature jusqu’aux pompes de la puissance et de la richesse humaines ; c’était aussi ce ferme jugement, en contraste avec l’imagination éblouie, ce retour sévère et triste qui abat ce qu’elle avait d’abord admiré et se donne le spectacle de deux grandeurs également senties, celle du monument et celle de la ruine.

1775. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Variétés littéraires, morales et historiques, par M. S. de Sacy, de l’Académie française. » pp. 179-194

Tous les lieux communs de Cicéron sont si beaux, si spécieux, si honorables pour la société civile et pour la nature humaine, si accompagnés d’un noble pli et d’un large mouvement de la toge, que l’on conçoit vraiment combien ils doivent être chers à tous ceux qui sont encore moins des observateurs politiques inexorables et des scrutateurs du fonds naturel humain que d’éloquents avocats d’une cause.

1776. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Parny poète élégiaque. » pp. 285-300

J’ai déjà écrit sur Parny52 ; je voudrais parler de lui une fois encore, et cette fois sans aucune gêne, sans aucune de ces fausses réserves qu’imposent les écoles dominantes (celle même dont on est sorti) et les respects humains hypocrites. […] Ce serait tant pis pour la joie humaine !

1777. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite.) »

Je viens de dire que je plaisais, par conséquent la moitié du chemin de la tentation était faite, et il est en pareil cas de l’essence de l’humaine nature que l’autre ne saurait manquer ; car tenter et être tenté sont fort proches l’un de l’autre, et malgré les plus belles maximes de morale imprimées dans la tête, quand la sensibilité s’en mêle, dès que celle-ci apparaît, on est déjà infiniment plus loin qu’on ne croit, et j’ignore encore jusqu’ici comment on peut l’empêcher de venir. […] Tout ce qu’on vous dira à la place de ceci ne sera que des propos de pruderie non calqués sur le cœur humain, et personne ne tient son cœur dans sa main, et ne le resserre ou le relâche à poing fermé ou ouvert à volonté. » On ne peut mieux indiquer, par cette digression même presque involontaire et où la femme revient et se trahit, que, tout en cédant volontiers de son côté à la tentation et à l’attrait, elle se prévalait aussi à son tour de cet attrait et de cet ascendant aimable, de sa séduction irrésistible et de sa certitude de plaire, pour se faire, à la Cour et dans tous les rangs, nombre d’amis dévoués, inféodés, résolue à tout pour la servir, et qui, le jour et le moment venus, la firent ce que de tout temps elle avait rêvé d’être, afin de pouvoir ensuite donner sa mesure au monde et marquer son rang dans l’histoire.

1778. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre II. La critique »

Je n’ai pas à discuter ni même à exposer la valeur philosophique de ce système original, où Taine, utilisant et dépassant certaines théories de Condillac et des philosophes anglais contemporains, Stuart Mill, Bain, Spencer, réduisait l’esprit à être « un flux et un faisceau de sensations et d’impulsions, qui, vus par une autre face, sont aussi un flux et un faisceau de vibrations nerveuses859», faisait de la faculté d’abstraction l’unique faculté qui distingue l’intelligence humaine de l’intelligence des animaux, et engendrait toutes les idées, l’idée même du moi, par une série d’opérations d’abstraction. […] Et voilà l’origine du document humain : de là les carnets de notes que remplissent fiévreusement nos romanciers, et qui se déversent dans leurs œuvres ; de là l’usage du fait divers, judiciaire ou médical, et ce reportage acharné qui est la forme vulgaire de la chasse aux petits faits.

1779. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens II) Henry Fouquier »

Un amour de femme est au fond de presque toutes les vies humaines : à certains moments le conquérant même ou le grand poète donnerait tout son génie pour l’amour d’une femme. […] Il se délecte au spectacle des sentiments les plus violents auxquels une créature humaine puisse être en proie, se traduisant par les lignes, les formes, les mouvements, les signes extérieurs les plus gracieux et les plus séduisants.

1780. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Deux tragédies chrétiennes : Blandine, drame en cinq actes, en vers, de M. Jules Barbier ; l’Incendie de Rome, drame en cinq actes et huit tableaux, de M. Armand Éphraïm et Jean La Rode. » pp. 317-337

La bête humaine, si la prévoyance des législations s’appliquait de plus en plus à la sevrer de sang, finirait peut-être par en perdre un peu le goût. […] La bonne servante lyonnaise avait entendu dire que les jugements de Dieu sont le renversement des apparences humaines, que Dieu se plaît souvent à choisir ce qu’il y a de plus humble, de plus laid et de plus méprisé pour confondre ce qui paraît beau et fort.

1781. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Premiere partie. » pp. 12-34

Je vous vois parcourir le vaste miroir des siécles écoulés, examiner les ressorts qui changent la face des Empires, pénétrer le jeu rapide des révolutions de la Fortune, percer les intrigues de l’Ambition, par les événemens passés prédire les événemens futurs, alors tout sert à vous affermir dans vos heureux principes ; vous les jugez, ces foibles humains, vous les jugez sans passion, vous les voyez tels qu’ils sont, composés de grandeur & de foiblesse, de vertus et de vices, mais qui doivent peut-être leurs crimes non à la Nature, qui a caché dans leurs cœurs le doux sentiment de la pitié, principe des vertus, mais à la Tyrannie, à l’affreuse Tyrannie, qui aggravant sur leur tête un joug humiliant les a fait gémir, haïr, détester leur existence & les a forcés d’être méchans en les rendant malheureux. […] Cet aliment de la malignité humaine, cette vile ressource des esprits bornés, ce petit orgueil vain & puéril qu’on nomme médisance lui sera inconnu.

1782. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVII. Forme définitive des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Sa chimère n’a pas eu le sort de tant d’autres qui ont traversé l’esprit humain, parce qu’elle recelait un germe de vie qui, introduit, grâce à une enveloppe fabuleuse, dans le sein de l’humanité, y a porté des fruits éternels. […] L’idée du « royaume de Dieu » et l’Apocalypse, qui en est la complète image, sont ainsi, en un sens, l’expression la plus élevée et la plus poétique du progrès humain.

1783. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Dernière semaine de Jésus. »

Au bas de la montagne, à quelques pas de la porte, en entrant dans la zone voisine du mur oriental de la ville, qu’on appelait Bethphagé, sans doute à cause des figuiers dont elle était plantée 1053, il eut encore un moment de satisfaction humaine 1054. […] La nature humaine se réveilla un moment.

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