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1007. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

Ecartez de votre action tout détail froid, tout ornement superflu. […] Peut-être trouvera-t-on mauvais que dans un ouvrage de la forme de celui-ci, nous soyons entrés dans ce détail ; mais la vérité vient toûjours à-propos dès qu’elle peut être utile. […] Combien de situations, combien de traits, de caracteres que les détails préparent, fondent, adoucissent, & qui révoltent dans un extrait ? […] Ce genre n’a pas été inventé par les modernes, il étoit à la mode du tems de Vitruve, & voici comme il en fait le détail & la critique. […] La finesse differe de la pénétration, en ce que la pénétration fait voir en grand, & la finesse en petit détail.

1008. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Cette narration nous fait connaître en détail ce qui arriva, en 1871, au général gouverneur de Paris. […] Bourget a du moins tâché de dégager le plus possible des détails matériels l’idéale pureté d’Henriette Scilly. […] Jean Bertheroy une querelle archéologique sur l’exactitude de ces détails. […] C’est par cette minutieuse division de la besogné et ce respect du détail que les maîtres maçons ont bâti, autrefois, de si belles cathédrales. […] Certes, nous avons d’excellents travaux de détail.

1009. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

Sardou put apprendre, s’il l’ignorait encore, c’est tout le parti qu’on peut tirer des accessoires, et comment, à l’occasion, on remplace un détail de psychologie par un détail de mobilier. […] Dans leurs tableaux, il n’y a jamais de centre ; ils ne voient que des séries de détails. […] C’est en effet ce qui arrive dans ces descriptions : tous les détails en viennent au même plan ; tous ont même valeur. […] Zola prodigue dans ses livres les détails obscènes, c’est de sa part un calcul pour amorcer le lecteur et pousser à la vente. […] En entassant les détails sur les détails, les images sur les métaphores, en ajoutant aux termes colorés les termes empruntés à la langue des parfums et les termes empruntés à la langue de la musique, il arrive à produire l’effet de quelque chose d’énorme.

1010. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Rassurez-vous : plus de confidences maladieuses, plus de détails « pénibles ». […] Mon livre donnait tous détails dont quelques-uns pénibles et durs et tous très francs et des plus nets, sur cette chose ancienne. […] Je ne connais pas l’affaire Chambige dans tous ses détails, lisant peu les journaux. […] Certains articles qui prétendaient donner des détails plus précis méritent sans doute quelques rectifications. […] La façon dont se fit notre connaissance pouvant présenter quelque intérêt pour l’histoire des Lettres contemporaines, il sied de la raconter en quelque détail.

1011. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

Amassant détail à détail leurs composantes et leurs énergies de concentration et d’expansion (selon la loi à double action il laquelle il me paraît devoir ramener les phénomènes de tous ordres), deux Mouvements vont à s’accomplir, chacun en son unité propre, mais en même temps l’un et l’autre, évolutivement, est la progression d’une unité historique. […] Il excelle à la trouvaille du détail barbare… ». […] Basse la voix qui contait, sa mimique détail à détail développait une suggestion intense : récit et geste, tout était simple, mais ce qu’ils exprimaient, c’était l’inconscient épouvantable de la Bêtise, de l’Ignorance, de la Duplicité, la haine native de la Beauté  et de quelle énormité contrastée, alors que Bonhomet, resserrant lentement ses mains tueuses sur le cou de l’oiseau idéal, s’attardait d’âme poétique ! […] Ghil parlait un peu en détail du but poétique qu’il vise, mais quel artiste ne succombe pas à la tentation de revenir sans cesse à l’objet de ses travaux ? […] Sarcey qu’une légère inexactitude ; mais le détail a quelque importance, car c’est ce bagage qui donna à Scudo assez de confiance en lui-même pour, rendre quelques arrêts qui valent la peine d’être conservés.

1012. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

L’abbé Fabre, à ce propos, s’est demandé si peut-être, en s’arrêtant à de certains détails, il n’allait pas porter une légère atteinte à la réputation d’un prélat justement respecté. […] Laissons ce détail. […] Ces détails ont pourtant leur prix. […] Il m’a confié ce détail, non pour y décider arbitrairement, mais pour lui rendre compte de tous les ordres que je donnerais. […] Il sera vrai, par exemple, en peinture comme en poésie, que tous les détails d’une œuvre devront être ordonnés par rapport à un centre de perspective unique.

1013. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame du Hausset, femme de chambre de madame de Pompadour. »

En présence du vice, elle n’en conçoit ni le goût ni l’indignation ; c’est chose, à ses yeux, toute naturelle en pareil temps, toute légitime en pareil lieu, et, sans s’en étonner, elle le décrit en détail ; bonne femme d’ailleurs, incapable de médisance, et au demeurant fort honnête.

1014. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de Dampmartin, Maréchal de camp »

Quoi qu’il en soit de ce rigorisme qui doit après tout moins exciter le blâme que le regret, on trouve d’ailleurs dans son livre des détails sur l’armée et sur l’émigration, d’où ressortent des vues générales assez curieuses, ce nous semble, et qu’on ne saurait trop rappeler.

1015. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires relatifs à la Révolution française. Le Vieux Cordelier, par Camille Desmoulins ; Les Causes secrètes ou 9 thermidor, par Villate ; Précis du 9 thermidor, par Ch.-A. Méda, Gendarme »

Cette dernière pièce surtout, jusqu’à présent inédite, pourra jeter quelque lumière sur des détails encore contestés.

1016. (1874) Premiers lundis. Tome II « Dupin Aîné. Réception à l’Académie française »

On lui a su gré de sa parfaite clarté ; mais les détails biographiques étaient souvent lourds et communs : nulle délicatesse, nulle grâce n’est venue les relever.

1017. (1875) Premiers lundis. Tome III « Émile Augier : Un Homme de bien »

Celui-ci a, de nouveau, fait preuve d’esprit dans le détail, d’un tour heureux dans la versification, de ressources fréquentes dans le dialogue ; mais les caractères d’une part, et de l’autre la contexture même de la pièce, font défaut.

1018. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XII. Mort d’Edmond de Goncourt » pp. 157-163

Il ne subit pas plus l’influence de Champfleury que celle de Balzac ; et, si dans ses livres les détails extérieurs, spécialement visuels, abondent, ils servent toujours à suggérer des nuances psychologiques.

1019. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XIV. Parallèle de l’Enfer et du Tartare. — Entrée de l’Averne. Porte de l’Enfer du Dante. Didon. Françoise de Rimini. Tourments des coupables. »

Lorsque nous passons de ces détails à une vue générale de l’Enfer et du Tartare, nous voyons dans celui-ci les Titans foudroyés, Ixion menacé de la chute d’un rocher, les Danaïdes avec leur tonneau, Tantale trompé par les ondes, etc.

1020. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Deshays  » pp. 134-138

Il faut voir après cela, les détails ; les têtes de ces satellites ; leurs actions ; le caractère du préteur et de ses assistants ; toute la figure du saint ; tout le mouvement de la scène.

1021. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 8, des instrumens à vent et à corde dont on se servoit dans les accompagnemens » pp. 127-135

On ne doit donc pas être surpris du détail où entre Donat, en parlant en general des flutes dont on se servoit pour accompagner la recitation des comedies.

1022. (1887) La vérité sur l’école décadente pp. 1-16

Se distingue de ses compagnons par une observation de détails, alors que les visées de ceux-ci semblent toutes synthétiques — et fait présager plutôt un curieux prosateur analyste qu’un poète symbolique.

1023. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — I »

Il faut qu’il les fortifie d’une façon de prestige moral qui naît de mille petites sagesses dans le détail.

1024. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

Composition, détail, expression et facture, elle me paraît tout réunir au point de perfection et à ce degré d’art dans le naturel qui, en chaque genre et même en chanson, constitue le chef-d’œuvre. […] Mais je commence à me sentir par trop incompétent au détail, et j’ai hâte de rentrer dans l’ensemble27. […] Directeur du Vaudeville, il était peu fait, on le conçoit, pour les détails et pour les tracas de l’administration.

1025. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

Delphine est certainement un livre plein de puissance, de passion, de détails éloquents ; mais l’ensemble laisse beaucoup à désirer, et, chemin faisant, l’impression du lecteur est souvent déconcertée et confuse : les livres, au contraire, qui sont exécutés fidèlement selon leur propre pensée, et dont la lecture compose dans l’esprit comme un tableau continu qui s’achève jusqu’au dernier trait, sans que le crayon se brise ou que les couleurs se brouillent, ces livres, quelle que soit leur dimension, ont une valeur d’art supérieur, car ils sont en eux-mêmes complets. […] Des professeurs d’université imprimèrent le détail des conversations qu’ils avaient eues avec elle. […] On peut lire quelques détails sur le séjour de Mme de Krüdner dans le grand duché de Bade, pages 5 et suiv. de l’Éclaircissement qui précède le tome X de l’Histoire de France sous Napoléon, par M.

1026. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

Jean Dorat, un des poètes de la Pléiade, avait donné les premières leçons de grec à Ronsard ; il nous a laissé un détail intéressant de l’ardeur qu’y montrait son élève. […] De certains défis descriptifs qu’ils ont engagés avec les poëtes anciens, et où ils n’ont été, à son avis, inférieurs ni pour l’abondance des détails, ni pour la richesse des mots. […] Sainte-Beuve, dans son Histoire de la poésie au xvie  siècle, a parlé en détail, avec beaucoup de précision et de savoir ingénieux, des perfectionnements matériels que Ronsard a opérés dans la langue poétique.

1027. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

Un mot en dira plus que tout ce détail : tout y vient du cœur, même l’esprit, qui chez tant d’autres vient de la tête ; à plus forte raison la passion, si éloquente et si simple, dans les vers d’Alfred de Musset. […] Il leur apprend, par le détail approfondi et le tableau expressif des fautes qui minaient le gouvernement aristocratique à Rome, qu’il faut ne pas s’entêter ni s’opiniâtrer ; savoir ne garder du passé que ce qui en est vivant, et rompre avec ce qui en est caduc ; apercevoir de loin à l’horizon les intérêts nouveaux, et, le moment venu, leur faire leur juste part ; se convaincre enfin qu’au milieu des idées qui changent, des mœurs qui se renouvellent, des souffrances et des espérances qui travaillent les sociétés humaines, un gouvernement est tenu de ne pas vieillir. […] La pénétration qui ne craint pas d’être subtile, la sensibilité, la raison, pourvu qu’elle ne sente pas l’école, le caprice même à l’occasion, le fin du détail, l’image transportée de la poésie dans la prose, telles en sont les qualités éminentes.

1028. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

Taine se dit : « Il faut que j’admire cela. » Et en dépit ou à cause de cette notation des détails, tous les grands ensembles lui échappent ; qu’on lise le Journal du Siège, le Journal de l’Exposition, le Journal du Voyage en Italie. M. de Goncourt surprend un détail, dans un musée, la corniche d’une maison, la statue d’une fontaine, et il ne voit pas un seul paysage, il n’a pas un seul aspect bien net de la ville devant les yeux. […] Je ne parle pas de Balzac ni de Théophile Gautier qui ont parfois besoin de nous faire voir le détail d’une maison ou son décor.

1029. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

Buffon, quand il décrit les animaux en termes d’une noblesse impeccable, est tenté de sacrifier un détail d’apparence grossière à l’élégance d’une phrase académique. […] Les grandes généralisations d’un Darwin, d’un Spencer, l’effort pour enfanter une théorie nouvelle qui explique l’univers, cette doctrine de l’évolution qui nous fait assister à la formation et à la transformation incessante des continents, des plantes, des animaux, de l’homme, qui s’applique au développement des sociétés comme à celui de la faune ou de la flore terrestres, tout cela a reculé notre horizon et en même temps nous a fourni un moyen de nous orienter dans la forêt touffue des détails. […] On verrait, par exemple, comment les théories microbiennes d’un Pasteur, ses recherches sur les infiniment petits des corps ont pour pendant les fines études des romanciers analystes, les subtiles anatomies morales d’un Bourget coupant, comme on l’a dit, un cheveu en quatre, ses tentatives pour pousser ses délicates dissections jusqu’au plus menu détail, son talent à saisir et à rendre visibles les infiniment petits du cœur humain ; on verrait comment cette prédominance de l’esprit d’analyse se marque, dans l’érudition du temps, par des discussions acharnées sur un point ou une virgule, par une foule de travaux minutieux dont les auteurs fouillent à la loupe avec une patience infatigable quelque coin exigu du passé.

1030. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

Mais je m’écarte soigneusement de Willy que Laurent Tailhade appela avec vérité « marchand en gros de pornographies achetées en détail à des écrivains faméliques » ; de Willy qui n’est plus même la fille avec qui l’on couche mais la matrone qui tire profit des charmes d’autrui. […] Il serait hasardeux, certes, de pousser loin la comparaison et, pour rendre les époques symétriques, on déformerait le détail ; mais plusieurs appellent l’espérance une vertu et ceux-là trouveront le recommencement assez manifeste pour attendre un xviie  siècle historique. […] Pierre Brun, naturellement, se réjouit d’une telle découverte : « Détails un peu bas, sans doute, qu’on peut taxer de trivialité, mais qui nous ont paru ne point manquer d’intérêt et relever, dans une certaine mesure, cette pauvre figure de Louis XIII, en montrant sous sa Majesté effacée… » Je n’ai pas eu le courage d’achever la période ; j’ai fui sans regarder ce que M. 

1031. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

Ceci dit, j’entre dans l’action : les détails s’y accumulent, les difficultés y abondent ; ne vous étonnez point si elle nous arrête à chaque pas. […] Maître Guérin est un notaire de province qui cultive, en gros et en détail, l’escroquerie légale ; âpre et retors, égoïste et dur, dépravé par le Code, dont il n’étudie que la littéralité judaïque. […] Une comédie animée par des caractères de cette vigueur ou de cette finesse peut, à la rigueur, se passer de plan ; ses vices de construction disparaissent sous la richesse des détails.

1032. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

On aurait dit de jolies et délicates choses, passant lentement de l’ombre dans la lumière, avec un éveil graduel et successif de leurs plus petits détails. […] Un charmant détail familial. […] Et, dans la préoccupation de ses pensées, tout le monde boit du champagne, et Daudet, comme tout le monde, et bientôt dans une légère excitation, le voilà laissant éclater une vraie joie de gamin, d’avoir fait entendre à Paris, sa tirade sur les antiques familles princières, et d’avoir montré un Bourbon courant après un omnibus — détail qui lui avait été donné par le duc Decazes.

1033. (1707) Discours sur la poésie pp. 13-60

Le public qui outre tout, et qui n’entre jamais dans aucun détail, croit d’ordinaire que l’ouvrage qui lui plaît le plus dans un genre, est la perfection de ce genre-là, et il ne veut plus rien approuver dans la suite, que sur le modéle de ce qui a saisi une fois son admiration. […] On doit quelquefois négliger les mots les moins importans, pour enchérir, s’il se peut, sur les essentiels, afin de rendre par ces compensations, plutôt le génie et l’agrément général, que le détail scrupuleux des phrases, toujours languissant et sans grace. […] Malherbe nous a fait connoître dans les siennes le prix des pensées raisonnables, et des expressions propres et naturelles ; car pour ne pas entrer dans un trop grand détail, je laisse Mainard et Racan, quoique dans les odes du dernier il y ait beaucoup de noblesse ; et dans celles de l’autre beaucoup de netteté.

1034. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

J’ai tenu à vous indiquer ce détail avec ce petit rapprochement parce que cela montre au moins que Gœthe s’est intéressé à Philémon et Baucis, dont il est probable qu’il a trouvé l’histoire plutôt dans La Fontaine que dans Ovide, encore que, bien entendu, je n’en sache rien. […] Les petits détails précis — même trop précis — du père nourricier, dans Homère, sont éliminés par La Fontaine ; mais le ton de bonhomie souriante et de bonhomie touchante, émue et qui doit émouvoir, y est. […] Le détail est assez curieux, je ne voulais pas le laisser passer.

1035. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

La soie reparaît à tout instant par quelque bout, et quand il veut la cacher et prendre le détail agreste et réel, il n’a plus de mesure, il en met trop : trop de soie et trop de souquenille. […] Il se trompe et doit se tromper à tout moment sur ces détails, sur le nez grec qu’il donne à Mme Roland et sur le reste. Quand il se trompe grossièrement (comme quand il fait mourir Target sur l’échafaud), on peut le relever ; mais sur de menus détails on le laisse dire, et on se laisserait aller à le croire, si on n’avait pénétré son procédé d’inventeur. — Il donne à Robespierre un dogue, mais c’était un chien caniche qu’il avait. […] — Quand Thiers, en tête de ses volumes, demandait pardon de donner le prix du savon et de la chandelle, cela avait un sens ; ces détails matériels rentraient dans l’histoire ; mais, chez Lamartine, c’est le procédé de Balzac appliqué en grand et dans la peinture à fresque. […] De là un revers de main violent, et ces injustices de détail dont souffrent de près et saignent les cœurs honnêtes.

1036. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Joignez-y la saleté et le grotesque, les misérables polissonneries, les détails de marmite, toutes les vilenies qui ont pu hanter l’imagination triviale d’une vieille dégoûtante et hystérique, voilà les spectacles que Middleton et Shakspeare étalent, et qui sont conformes aux sentiments du siècle et à l’humeur nationale. […] En premier lieu, ils voient l’événement, quel qu’il soit et tel qu’il est ; j’entends par là qu’ils l’ont présent intérieurement avec les personnages et les détails, beaux et laids, même plats et grotesques. […] Ils voient tout le détail, tout l’ondoiement de l’homme, celui du dehors et celui du dedans, l’un par l’autre, et l’un dans l’autre, tous les deux ensemble sans défaillir ou s’arrêter. […] Une telle conception, par la multitude des détails qu’elle rassemble, et par la profondeur des lointains qu’elle embrasse, est une demi-vision qui ébranle toute l’âme. […] , pour tous ces détails, Nathan Drake, Shakspeare and his times ; Phil.

1037. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

IV Quand il fut dans la rue, je demandai à Adolphe Dumas quelques détails sur ce jeune homme ; Dumas pouvait d’autant mieux les donner qu’il est lui-même un enfant d’Eyragues (Eyragues est un village à deux pas de Maillane, patrie de Frédéric Mistral). […] Mais, si la situation est analogue, les détails sont tous originaux ; la nature forme des ressemblances, jamais de copies. […] » XXVI Tout le commencement de ce chant est de l’Arioste dans ses plus beaux moments, tout le reste est du Tasse ; la fuite d’Herminie dans la nuit n’est pas si furtive et si accentuée de beaux détails. […] Mais, si la composition pouvait être plus riche de combinaisons dramatiques, la poésie ne pouvait pas être plus neuve, plus pathétique, plus colorée, plus saisissante de détails.

1038. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

D’ailleurs, Platon ne s’en tient pas à cette indication générale ; et, après avoir montré d’où vient le mouvement, il veut expliquer aussi avec plus de détails les apparences diverses qu’il nous offre. […] Ainsi Aristote, voulant faire connaître la nature des animaux, se propose d’abord l’examen des parties de leur corps, comme le premier objet qui frappe la vue : et, après avoir donné des définitions générales de ces parties, après avoir distingué différentes espèces parmi les animaux, à raison de la variété de leurs formes extérieures, il expose dans les quatre premiers livres tout le détail des parties de leur corps. […] « Tel est à peu près l’ensemble de la science morale et des questions qu’elle doit étudier dans tous leurs détails, sous toutes leurs faces. […] On peut bien combattre quelques-uns des enseignements qu’on a entendus, comme Aristote a combattu le système des Idées, avec plus de sévérité souvent que de justesse ; mais, tout en se faisant un adversaire, on ne reste bien des fois qu’un écho, et, en désapprouvant l’ensemble de la doctrine, on reproduit, à son insu, une foule de détails qu’on en tire, sans même les reconnaître.

1039. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

Si l’on voulait pousser dans le détail la comparaison, on pourrait observer que les cathédrales mettent plusieurs siècles à s’achever ; que, commencées dans un style, elles sont fréquemment finies dans un autre ; qu’elles sont de grandes œuvres collectives où ont collaboré beaucoup d’architectes inconnus ; que dans leurs statues, leurs bas-reliefs, leurs vitraux, elles sont la vivante image des croyances du temps ; mais que d’ailleurs elles laissent libre carrière à la fantaisie des artistes et admettent la satire et la parodie, fût-ce celle du clergé. […] Mais il veut dire aussi que les Eglises sont des livres de pierre où les générations d’autrefois écrivaient leur pensée pour l’éternité ; qu’elles ont été des symboles compliqués, où le plan, les sculptures, les plus minces détails exprimaient des idées ; que, parlant ainsi aux initiés un langage mystérieux, elles parlaient en même temps aux yeux de la foule par leurs vitraux, leurs fresques, leur peuple de statues ; qu’elles ont matérialisé durant des siècles le génie poétique et les aspirations populaires ; que les cathédrales gothiques en particulier, par leur élan vers le ciel, par la hardiesse de leurs lignes verticales, ont rendu à merveille les espérances et les envolées mystiques d’un âge de foi tourné presque tout entier vers l’au-delà ; seulement que, l’imprimerie étant inventée, la pensée, au lieu de se pétrifier, devient oiseau, vole d’un bout du monde à l’autre, se rit du temps et de l’espace, sûre qu’elle est de pouvoir se multiplier à l’infini ; que désormais la Bible de marbre et de granit est vaincue et destinée à être remplacée par la Bible de papier, plus claire, plus mobile et, malgré l’apparence, plus durable. […] Le roseau, le nénuphar me font penser au décor de la porcelaine de Chine, et il y a de l’Asie pour moi au bord de toute rivière… » Voyez-vous la précision des détails ? […] Diderot faisait de Greuze cet éloge inquiétant : « Le choix de ses sujets marque de la sensibilité et de bonnes mœurs » ; le Mauvais Fils puni lui semble un excellent tableau-leçon ; dans l’Accordée du village, il relève un détail qui lui plaît, et il s’écrie : « Voilà un petit trait de poésie tout à fait ingénieux ! 

1040. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

. — Parmi les simples détails je signalerais, pour exemple, ce beau passage du premier acte, lorsque Tristan tend son épée à Isolde pour qu’elle le frappe, qui rappelle singulièrement l’incident semblable entre Tristan et Bélinde dans la première partie du roman français. — Pour le connaisseur de la littérature de Tristan et Isolde, c’est un vrai délice de voir comment dans cette masse informe et embrouillée que nous a léguée le Moyen Age, Wagner a su choisir tout ce qui était beau, sans jamais s’enchevêtrer lui-même. Du reste, il appuie si peu sur les nombreux détails dus à sa connaissance des vieilles littératures, que le grand public ne s’aperçoit de rien. […] J’ai dit son importance capitale, et la façon dont elle s’infiltre dans les détails. […] Voilà, en réalité, sans plus de détails, le Verstand optique que nous pouvons avoir de Parsifal.

1041. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

« Un détail. […] Pendant ces longues années, il étudie, selon son expression, l’anatomie des monuments, donnant à chaque détail d’architecture, à chaque colonne, son caractère — et s’astreignant à faire cela, sévèrement, à la mine de plomb. […] Il ajoute : « Il y a bien un moyen terme, j’ai des amis excellents et très dévoués, qui veulent bien s’occuper de tout le détail, mais tous les mécontents, tous les non-satisfaits de Meurice et de Vacquerie, en réfèrent à moi, me dérangent. […] Il raconte longuement cette histoire, la semant de détails bizarres de cette archéologie moyenâgeuse, qu’il aime, et dont il fait si souvent emploi dans sa prose et dans sa poésie.

1042. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

La langue parlée de la princesse, sa manière de pourtraire les gens, en brouillant un détail physique avec un trait moral, cela, est vraiment pas mal conservé dans le travail, assis et rassis, de la composition et de l’écriture. […] Il me donne ce détail curieux, que les collectionneurs chinois n’exposent jamais leurs objets d’art. […] Une montagne de malles et de sacs de nuit, une vieille calèche au velours rouge passé, des chaises à porteurs sur lesquelles étaient renversées des fillettes en robe blanche, les mollets à l’air : tout un capharnaüm de choses accidentées de jolis petits détails linaires, de jolis petits tons. […] Puis il me fait descendre, traverse sa chambre, dont le lit, à la militaire, est surmonté d’une reine Marie-Amélie après sa mort, et où il y a, dans des vitrines de pieuses défroques, des haillons aimés et révérés, débarrasse, à coups de pied, les grandes bottes de chasse, fermant, l’entrée de la « Petite Singerie », et me la fait voir, en détail.

1043. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

Ils n’ouvroient les yeux que sur les beautés de détail des anciens, & les fermoient sur l’ensemble. […] Ils se prévaloient des vices qu’on remarque dans l’ensemble, pour ne pas rendre justice aux détails : ainsi l’état de la question ne fut saisi ni de part ni d’autre. […] combien de détails heureux ! […] Ces mêmes romanciers François trouvent des défenseurs & des vengeurs, qui reprochent à ceux d’Angleterre les longueurs, le verbiage, la bassesse des détails, mille traits qui sont, à la vérité, dans la nature, mais non pas dans la belle nature.

1044. (1926) L’esprit contre la raison

Mais, de ce crime, tels étaient les mobiles intéressés que les moindres détails en avaient été fixés par contrat, de même que la récompense accordée à celui des deux criminels qui aidait l’autre à prendre son plaisir du petit cadavre. […] Lorsque, le 13 mai 1921, Dada se constituait en tribunal révolutionnaire pour juger Maurice Barrèsag, André Breton, dans l’acte d’accusation qu’il prononça, déclara entre autres choses : « Profiter du crédit que nous valent quelques trouvailles poétiques heureuses et d’une séduction qui est tout autre que celle de l’espritah pour faire admettre aveuglément ses conclusions dans un domaine où ses facultés exceptionnelles ne s’exercent plus constitue une véritable escroquerie. » Voilà une simple et définitive réponse à tous ceux qui, pour faire croire à leur audace, ont choisi des cocardes aux détails et couleurs inusuels, ont vanté l’orchidée d’Oscar Wilde et le boulon à la boutonnière de Picabia. […] Et voilà pourquoi, à tout bout de champ, est invoqué le soi-disant nouveau mal du sièclebp, pilule bien dorée et mieux lancée qu’une spécialité pharmaceutique, formule que son pseudo-inventeur, depuis certain prospectus publié en toute complaisance par la Nouvelle Revue française, voici deux ans, a offerte, gros et détail, aux courriéristes de quotidiens, aux critiques distingués des revues mensuelles. […] Adjudant de l’intelligence, ses attributions l’empêchent de voir large, d’aller à l’essentiel, mais parce qu’il est trop facile de s’absorber dans des détails, la lutte injuste entre elle et l’esprit ne cesse de se poursuivre.

1045. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — I. » pp. 1-19

Un de ses biographes (Audin) a raconté à ce sujet des détails qu’il dit tenir de source authentique : il s’ensuivrait que Massillon, dans cette première jeunesse, aurait eu quelques écarts de conduite qui l’auraient brouillé avec ses supérieurs, avec lesquels toutefois il ne tarda point à se réconcilier. […] L’Oraison funèbre qu’il prononça de Louis XIV, et dont j’ai cité l’admirable début, a de beaux détails, mais pèche également par l’ensemble : Massillon, en louant, ne sait point prendre de ces grands partis comme Bossuet ; il mêle des vérités et des restrictions qui font nuance, là où il faudrait une couleur éclatante, une touche large et soutenue.

1046. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

Dans son rapport sur l’Hôtel-Dieu et sur la réforme à opérer dans les hôpitaux, il servait avec un soin et dans un détail touchants un besoin philanthropique qui était celui du temps et le sien. […] Le même Mérard de Saint-Just a tracé de Bailly, après sa mort, un Éloge historique qui ne brille point par la simplicité ni par une justesse de ton continue, mais qui est riche de détails, de souvenirs, et dans lequel tous les biographes ont largement puisé.

1047. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — I. » pp. 409-426

Il n’avait encore rien rencontré qui ressemblât à Corinne, à cette date : Je suis en travail, écrivait-il à son ami Navez, sur mon tableau de Corinne… Il pourra bien s’y trouver quelques bons détails, mais j’ai bien peur de m’être fourvoyé. […] Cette théorie d’intention morale qu’il a si à cœur laisse subsister chez lui tout le souci de détail pour l’exécution, pour le style.

1048. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

Malgré les succès partiels et de détail des armes françaises en Italie, on était resté sur le souvenir de la grande défaite de Pavie : une vraie revanche, une bataille rangée, était chose désirée, et il semblait qu’il était temps enfin de remporter une victoire qui allât rejoindre celle de Marignan. […] Son grand moyen pour y arriver n’était pas seulement la libéralité et les distributions d’argent, c’était encore le soin qu’il avait de ses hommes en détail, de ne jamais leur faire faire une grande corvée sans leur faire porter pain et vin pour se rafraîchir, « car les corps humains ne sont point de fer » ; c’était surtout de donner l’exemple et de ne pas s’épargner soi-même dans les cas fatigants ou rebutants, de ne pas craindre de paraître déroger en prenant la pelle ou la pioche, comme à Boulogne ; en portant le brancard ou traînant la brouette chargée de matériaux, comme dans la défense de Verceil.

1049. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Nous n’avons pas à entrer ici dans les détails de cette polémique ; il nous suffira de marquer en traits généraux les caractères de la controverse et du christianisme de Charron. […] Qui prendrait la peine de lire plume en main Montaigne et d’y relever tout ce qui est dit sur les divers sujets et titres qui se rencontrent dans La Sagesse de Charron, trouverait non seulement le fond et la substance de ses pensées, mais encore la forme même et le détail de son expression.

1050. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

Bonnetty reprenant en détail les objections contre Santeul, et insistant sur les endroits par où il est vulnérable, n’a pas consacré moins de neuf articles (et il n’a pas fini encore) à ruiner son autorité comme chrétien, ou du moins comme poète et coryphée des fidèles. […] Une journée de Santeul, vue dans son cadre, et sauf le hasard du détail, dut ressembler à presque toutes les autres.

1051. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

Strasbourg est une des premières villes qu’il décrit avec quelques détails ; c’était alors une petite république, et toute bourgeoise ou municipale. […] Il y a un endroit du récit où le connétable de Luynes, qui était son allié (ayant épousé sa cousine), lui fait demander une conférence à une lieue de Montauban ; M. de Rohan se fie à lui et nous raconte les détails de l’entrevue ; il nous donne leurs deux discours, celui de Luynes et sa propre réponse.

1052. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

Cette description n’est véritablement née qu’au xviiie  siècle avec Rousseau, Ruffon, Bernardin de Saint-Pierre, Volney, Saussure : elle s’est continuée avec éclat et distinction dans notre siècle par Chateaubriand, Ramond, de Humboldt… Cependant que de choses il restait encore à désirer pour le détail et la précision ! […] Théophile Gautier y arrivait tout plein de la Grenade des Ballades et des Orientales ; il dut rabattre de quelques illusions au premier abord devant la Grenade réelle et moderne ; mais bientôt, à la visiter en détail et à la bien pénétrer, il retrouva tous ses ravissements.

1053. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset. »

On a, pour ce procédé de réunion, tout le détail des instructions confidentielles données par lui à ses agents. […] Par malheur, la prudence, l’art profond qui avait dirigé le Sénat dans les beaux siècles de la République, la suite et la durée qui n’est donnée qu’aux corps et aux institutions et qui est refusée aux individus, leur manquèrent, et l’on est trop informé aussi, à leur égard, de certains détails qui gagneraient à se confondre dans l’éloignement.

1054. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid. »

Ce seul petit exemple nous montre que les restitutions de textes ont souvent besoin de discussion et de leur preuve à l’appui ; et l’on entrevoit dès lors l’infini de tout ce minutieux détail de révision et de commentaire. […] Les Anglais, plus faits pour nous comprendre, et qui entrent mieux dans l’esprit de détail de notre littérature, sont loin pourtant d’accepter tous nos jugements : l’un des plus bienveillants et des plus judicieux, Hallam, parlant très-pertinemment et avec beaucoup d’équité de Corneille, ne le place pas dans le premier ordre des génies.

1055. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

Dans une suite de chapitres ou de livres traitant de la religion, de la propriété, de la famille, du travail, de l’association, des rapports privés et du gouvernement, il a parcouru et approfondi tous les aspects, les modes de combinaison et les ordres de sentiments et de faits sous lesquels se présentent les sociétés modernes, et il a proposé en détail dans chaque ordre son plan raisonné de réforme. […] — Il n’a pas paru de livre plus important et plus intéressant depuis le grand ouvrage de Tocqueville sur la Démocratie : et Le Play a le mérite d’avoir bien plus de courage que Tocqueville, qui n’a jamais osé braver un préjugé puissant… Il faut que vous lui rendiez pleine justice, et que nous adoptions son livre comme notre programme, sans nous arrêter aux dissentiments de détail, qui pourront être assez nombreux. » 35.

1056. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre (suite et fin.) »

Les contemporains, en effet, s’ils ont les avantages de leur position, en ont aussi les inconvénients : s’ils savent quantité de points, ils en ignorent une infinité d’autres ; le détail leur dérobe l’ensemble, les arbres les empêchent de voir la forêt ; de plus, ils sont juges et parties ; ils souffrent, ils combattent, ils succombent ou ils triomphent ; vainqueurs ou vaincus, ils aiment ou ils haïssent : comprendre purement et simplement l’objet de leur enthousiasme ou de leur colère est ce dont ils se soucient le moins. […] Somme toute, et quoi qu’il en soit de ces critiques de détail, le premier il a permis aux lecteurs curieux et patients de se faire une vaste idée, une idée continue (j’y insiste) du génie et de la force complexe de son héros.

1057. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. (Suite) »

Le maréchal, dans ses lettres à la reine de Pologne, est amené à parler du trousseau et du détail de la toilette : on est avec lui dans les coulisses de la garde-robe ; on est mis au courant des bénéfices et des profits inhérents à toutes ces grandes charges de la haute domesticité royale : « En général, tout ce qui est garde-robe appartient à la dame d’atours, qui est Mme la duchesse de Lauraguais ; elle fournit toutes les parures, linge, dentelles, etc., et reprend ce qui ne sert plus ; elle donne son compte, qui est arrêté et payé au Trésor royal. […] Il s’y rencontre jusqu’au bout trop de détails curieux, qui tiennent aux mœurs, pour ne pas les relever.

1058. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet »

L’idée qui prit au duc de Choiseul, après la paix de 1763, de remplacer la perte du Canada par un grand établissement de cultivateurs européens dans la Guyane, se conçoit à peine en théorie : « Il paraît aujourd’hui incroyable, écrivait Malouet en 1802, en se reportant au début de sa vie administrative, qu’un homme d’autant d’esprit que M. de Choiseul ait adopté le projet de faire cultiver les marais de la zone torride par des paysans d’Alsace et de Lorraine. » Mais, si le plan n’était pas raisonnable, les détails d’exécution dépassaient tout. […] Modèle des hommes en place et des administrateurs, bon et juste autant qu’éclairé, Malouet n’était pas sans se reprocher bien souvent d’assister aux abus, même en les corrigeant de son mieux dans le détail ; mais il se sentait hors d’état d’y remédier à fond et d’y couper court à la racine, et il en souffrait.

1059. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

Ces plaines immenses de blés où se promène de grand matin le maître, et où l’allouette cache son nid ; ces bruyères et ces buissons où fourmille tout un petit monde ; ces jolies garennes, dont les hôtes étourdis font la cour à l’aurore dans la rosée et parfument de thym leur banquet, c’est la Beauce, la Sologne, la Champagne, la Picardie ; j’en reconnais les fermes avec leurs mares, avec les basses-cours et les colombiers ; La Fontaine avait bien observé ces pays, sinon en maître des eaux-et-forêts, du moins en poëte ; il y était né, il y avait vécu longtemps, et, même après qu’il se fut fixé dans la capitale, il retournait chaque année vers l’automne à Château-Thierry, pour y visiter son bien et le vendre en détail ; car Jean, comme on sait, mangeait le fonds avec le revenu. […] Les détails de cette pénitence sont touchants ; La Fontaine la consacra publiquement par une traduction du Dies irae, qu’il lut à l’Académie, et il avait formé le dessein de paraphraser les Psaumes avant de mourir.

1060. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. le Cte Alfred de Vigny à l’Académie française. M. Étienne. »

On sait les hautes qualités de M. de Vigny, son élévation naturelle d’essor, son élégance inévitable d’expression, ce culte de l’art qu’il porte en chacune de ses conceptions, qu’il garde jusque dans les moindres détails de ses pensées, et qui ne lui permet, pour ainsi dire, de se détacher d’aucune avant de l’avoir revêtue de ses plus beaux voiles et d’avoir arrangé au voile chaque pli. […] Ce qu’il trouvera, ce ne sera pas sans doute ce que nous savons déjà sur la façon et sur l’artifice du livre, sur ces études de l’atelier si utiles toujours, sur ces secrets de la forme qui tiennent aussi à la pensée : il est bien possible qu’il glisse sur ces choses, et il est probable qu’il en laissera de côté plusieurs ; mais sur le fond même, sur l’effet de l’ensemble, sur le rapport essentiel entre l’art et la vérité, sur le point de jonction de la poésie et de l’histoire, de l’imagination et du bon sens, c’est là qu’il y a profit de l’entendre, de saisir son impression directe, son sentiment non absorbé par les détails et non corrompu par les charmes de l’exécution ; et s’il s’agit en particulier de personnages historiques célèbres, de grands ministres ou de grands monarques que le poëte a voulu peindre, et si le bon esprit judicieux et fin dont nous parlons a vu de près quelques-uns de ces personnages mêmes, s’il a vécu dans leur familiarité, s’il sait par sa propre expérience ce que c’est que l’homme d’État véritable et quelles qualités au fond sont nécessaires à ce rôle que dans l’antiquité les Platon et les Homère n’avaient garde de dénigrer, ne pourra-t-il point en quelques paroles simples et saines redonner le ton, remettre dans le vrai, dissiper la fantasmagorie et le rêve, beaucoup plus aisément et avec plus d’autorité que ne le pourraient de purs gens de lettres entre eux ?

1061. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre II. Des idées générales et de la substitution simple » pp. 33-54

Un autre instrument fort désagréable aux enfants (pardon du détail et du mot, il s’agit d’un clysopompe) avait laissé en lui, comme de juste, une impression très forte. […] Leur sens n’est le même qu’en gros ; les détails du sens diffèrent et sont intraduisibles, faute d’objets et d’émotions semblables chez l’un et chez l’autre.

1062. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Pierre Loti »

Il suppose un don qui ne s’est entièrement développé que très tard dans l’aveugle et routinière humanité : le don de voir et d’aimer l’univers physique dans tous ses détails. […] Nous ne pouvons point contrôler ces peintures ; cette abondance de détails ne se rapporte à rien de ce que nous connaissons… » Dirai-je que j’ai cet enfantillage, de trouver des charmes au mystère de ces mots ?

1063. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

Dans la foule des écrits de théologie de cette période, au milieu de tant de détails de pure glose, ou de discipline ecclésiastique, ou d’exaltation mystique dans cette confusion de la philosophie et de la religion, qu’on appelle la scolastique, c’est à peine si l’on rencontre quelques indications de vérités générales. […] En lisant les sermons de saint Bernard, le plus grand parmi les théologiens de cette période, je l’admire moins sur cette cime élevée où il se tient, égalant quelquefois ses paroles aux paroles sacrées, que je ne m’étonne de le voir si indifférent au détail de la vie humaine, comme s’il l’ignorait, ou le trouvait au-dessous de ses extases.

1064. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre dixième »

Jusque dans le détail des fonctions les plus secrètes de la nature, il sait ne rien taire en ne disant rien qui puisse faire rougir le lecteur, et il reste peintre en éteignant la description au moment où la science coûterait à la pudeur. […] Tandis que la plupart des hommes supérieurs, soit fatigue, soit défiance mélancolique dans les vues de l’esprit si souvent démenties, finissent par le détail, le fait, et s’éteignent dans les timides plaisirs de l’érudition, c’est le temps pour Buffon de l’invention, des affirmations hardies, de la foi dans l’esprit, de la passion pour cette recherche des causes où Virgile rêvait le bonheur du sage.

1065. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre premier. La contradiction de l’homme » pp. 1-27

Elle se révèle dans l’enchaînement de nos idées, dans la forme que prennent chez nous les impressions et les désirs, dans le moindre de nos actes, dans les mille détails de notre vie psychique, dans le timbre irréductible que revêt en passant par chacun de nous la grande voix de l’humanité. […] Et si j’ai, pour fixer les idées, rapproché la vie individuelle et la vie sociale, on entrevoit, je pense, combien celle-ci est plus claire, plus nette, plus visible en ses détails, et comment c’est elle surtout qui peut éclairer la vie physiologique et la vie mentale et nous les faire comprendre.

1066. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Des lectures publiques du soir, de ce qu’elles sont et de ce qu’elles pourraient être. » pp. 275-293

Parmi les ouvriers (qu’on me passe ces détails), ce sont les bijoutiers, les dessinateurs pour étoffes, les mécaniciens, les charpentiers et les menuisiers qui fournissent le plus grand nombre. […] Je n’ai pas à discuter ces détails, mais le choix des lieux est de toute importance.

1067. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

Tallemant des Réaux nous a raconté dans un singulier détail toutes ces amours de son ami. […] Amédée de Bast, sur les dernières années et la mort de Patru (10 et 14 mai 1846) : le curieux auteur, que j’ai lu avec intérêt, entre dans beaucoup de détails dont plus d’un a de la nouveauté et serait à citer : je voudrais seulement que M. de Bast, s’il fait réimprimer ces articles, indiquât, dans le récit qu’il a voulu dramatiser, les parties tout à fait exactes et historiques.

1068. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — III. (Suite et fin.) » pp. 128-145

Carrel lui-même, si injuste avec lui dans le détail, lui niant perpétuellement ce qui allait se réaliser le lendemain, lui contestant l’énergie honorable qu’il montra en Belgique et à Ancône, et ces actes efficaces qui donnèrent alors au gouvernement de Juillet une attitude ; Carrel, si cruel une fois et si impitoyable pour lui, puisque, parlant du ministre déjà mourant, il disait (7 avril 1832) : « Espérons qu’il vivra assez pour rendre ses comptes à la France » ; Carrel fut plus juste le jour de la mort de Périer, et il écrivit ces lignes (17 mai), où il lui rend témoignage pour la qualité que lui-même prisait le plus : M.  […] Laissons donc le détail d’une polémique dans laquelle il devient de plus en plus difficile de distinguer ce qui n’est que machine de guerre d’avec ce qui est pensée ultérieure et but véritable ; et tenons-nous à constater quelques faits qui achèveront de nous donner idée de l’homme.

1069. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

La vie de La Fontaine a été écrite avec détail par M.  […] Comme Montaigne, comme Mme de Sévigné, et mieux encore, La Fontaine a au plus haut degré l’invention du détail.

1070. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

C’est là, à ce qu’il nous semble, une très grande chose, et non pas un mérite de détail que l’on relève en passant. […] L’abus du détail dans les descriptions, les sentiments trop particuliers et trop raffinés, les paradoxes de l’utopie, le spécial introduit dans l’histoire, enfin la disproportion de l’imagination et de la raison, c’est-à-dire la prépondérance de la forme sur le fond, et quelquefois le contraire, — tels sont les défauts qui ne permettent pas à la littérature contemporaine de se considérer comme classique.

1071. (1912) Le vers libre pp. 5-41

J’entre donc dans le détail théorique et pour ce faire je vous citerai ce que je publiais sur la question en 1888 dans la Revue Indépendante 1 : « Il faut bien admettre que, ainsi des mœurs et des modes, les formes poétiques se développent et meurent, qu’elles évoluent d’une liberté initiale à un dessèchement, puis à une inutile virtuosité ; et qu’alors elles disparaissent devant l’effort des nouveaux lettrés préoccupés, ceux-ci, d’une pensée plus complexe, par conséquent plus difficile à rendre au moyen de formules d’avance circonscrites et fermées. […] Dans le détail ils semblent surtout accentuer nos libertés, et c’est en ce sens que leur apport compte.

1072. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Seconde partie. Des mœurs et des opinions » pp. 114-142

Ne craignons pas maintenant d’entrer dans quelques détails. […] Les observations de détail ne nous manqueraient pas si nous voulions nous y livrer.

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