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26. (1863) Molière et la comédie italienne « Préface » pp. -

Il y a donc, dans l’œuvre et dans le génie de Molière, une part à faire à l’Espagne, comme une part à faire à l’Italie. […] L’étude des rapports de Molière avec le théâtre italien était donc la première qu’il y eût à faire. […] Je n’y recommence pas la suite des rapprochements de textes et des indications de sources que j’ai dû faire en commentant Molière. […] Je l’ai abordée par le côté où j’avais affaire, par le côté qui regarde la France et surtout qui regarde Molière. […] Ainsi de bien d’autres masques, dont je n’ai pas eu à m’occuper, parce qu’ils sont restés étrangers à Molière et à notre comédie.

27. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

. — L’abbé d’Aubignac, l’abbé de Pure, Somaise, Molière. […] Molière et sa troupe étaient dans cette ville, comme comédiens de M. le prince de Conti, qui y présidait les états de Provence. […] Grimarest, auteur d’une Vie de Molière, rédigée sur les témoignages de Baron, et publiée en 1705, l’affirme. […] Bret, le plus ancien commentateur de Molière, le confirme. […] Venons à la comédie de Molière.

28. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVIII » pp. 198-205

. — Molière met au théâtre L’École des femmes. — Observations sur cette pièce.   En 1663, Molière mit au théâtre L’École des femmes. […] D’un autre que Molière, on dirait qu’il y a de l’impudence. […] Molière devenu nécessaire au roi pour mes fêtes de Versailles et du Louvre, poète de tous les divertissements de la cour, était absous d’avance de toutes les libertés qu’il prenait avec le public. […] Tout était permis à Molière.

29. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

Molière. — Ses farces. — Ses comédies de caractère. — L’Avare de Plaute et L’Avare de Molière. — Le Tartuffe. […] Tel est celui des Femmes savantes dans Molière. […] Ce favori de la fortune, vous l’avez nommé : c’est Molière. […] Voilà les endroits magistraux de Molière. […] Il a écrit en prose et même en vers dans la langue de Molière.

30. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVII » pp. 193-197

Molière y est employé. Benserade, esprit galant, y concourt avec Molière, l’un en poète du roi de France, autre en poète du roi jeune et galant. Le roi comble Molière de faveurs. […] En 1661, Molière était âgé de 41 ans, La Fontaine de 40, Boileau de 25, Racine de 22. Molière et La Fontaine étaient alors les seuls qui eussent signalé leur talent dans le public.

31. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Corneille semble avoir imaginé pour la tragédie ce que Molière exécuta depuis pour la comédie dans l’École des Femmes. […] On voit que non seulement Corneille a précédé Molière dans la peinture d’un caractère ridicule, mais encore dans cet art de faire parler la raison sur la scène comique, d’être éloquent, naturel et vrai. […] Voilà de l’excellente morale en action : ce sont là, dans le genre dramatique, les beautés du premier ordre, et Molière lui-même n’a point de scène qu’on puisse préférer à celle-ci. […] Ce qui adoucit beaucoup l’hyperbole, c’est que Molière n’avait encore fait aucun de ses bons ouvrages, et qu’il ne nous reste des anciens qu’un petit nombre de traductions latines de comédies grecques, qui ne nous en fait pas connaître la centième partie. […] Les vers de la comédie ont leur force ; les vers des chefs-d’œuvre de Molière sont aussi forts de comique que les vers de Pompée sont forts de tragique.

32. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre IV. — Molière. Chœur des Français » pp. 178-183

. — Molière. […] gloire à Molière, le premier des poêles comiques ! […] Louis Moland, Molière, sa vie et ses ouvrages. […] Sainte-Beuve, Notice sur Molière. […] Chamfort, Éloge de Molière.

33. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XV. La commedia dell’arte au temps de Molière et après lui (à partir de 1668) » pp. 293-309

La comédie de l’art reprit alors à notre théâtre, et notamment à Molière, presque autant que lui devaient ceux-ci. […] Toute production italienne où Cailhava aperçoit quelque analogie avec l’œuvre de Molière témoigne, pour lui, d’un emprunt de notre comique, et il ne se pose jamais l’hypothèse contraire. […] Quoi qu’il en soit de ce dernier point, il est constant que les Italiens prirent à Molière ses inventions comiques sans plus de scrupules qu’il n’en avait mis à puiser dans leur répertoire. […] Molière mourut le 17 février 1673, en jouant pour la quatrième fois le rôle du Malade imaginaire. […] C’est Molière qui probablement donna l’idée de cette résurrection en nommant Pierrot le paysan du Festin de Pierre.

34. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Odry un bouffon de Molière ! […] — Molière l’a tué, Molière l’a pris au corps, Molière l’a placé entre deux étaux ! […] Dans la comédie de Molière, M.  […] Était-ce la faute de Molière ? […] Molière est mort ! 

35. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre premier. » pp. 5-11

Le berceau de cette révolution fut l’hôtel de Rambouillet, cet hôtel regardé, depuis la fin du siècle passé, comme l’origine des affectations de mœurs et de langage, et qui fut dans le grand siècle, et pour tous les grands écrivains qui l’illustrèrent, pour Corneille, pour Boileau, pour La Fontaine, pour Racine, pour Molière même, oui pour Molière, plus que pour aucun autre, l’objet d’une vénération profonde et méritée. […] Molière vint : le talent du poète comique suppose une vive sympathie avec le sentiment général des ridicules, sans exclure, sans doute, l’appréciation du fond des choses, mais aussi sans y disposer. Peut-être Molière, entraîné par cette sympathie si vive en lui, ne s’appliqua-t-il pas assez à discerner, dans les mœurs dont le public était disposé à rire, le vrai du faux, l’exagération d’avec le naturel noble et choisi, et les affectations hypocrites d’avec un juste éloignement pour l’impudence du vice. […] La gloire de Molière et celle des femmes illustres du temps sont intéressées à ce que la postérité reconnaisse la différence de leur tâche, qui n’avait rien d’opposé, l’une étant de purger la société d’un ridicule, l’autre d’y introduire un mérite nouveau ; cette tâche, il faut leur savoir gré de l’avoir également bien remplie. […] On attribue exclusivement à Molière, à Racine, à Boileau et aux écrivains de leur temps, l’épuration de la langue et sa beauté.

36. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXI » pp. 220-221

En 1666, Molière donna Le Misanthrope. […] Cependant, en considérant la position de Molière, et le plaisir que le roi prenait à diriger son talent, on se persuaderait sans peine qu’en approchant l’oreille des rideaux du roi, on sur prendrait quelques paroles dites à demi-voix, pour désigner à Molière ce caractère qui, bien que respecté au fond du cœur, avait quelque chose d’importun pour les maîtresses et pour les femmes qui aspiraient à le devenir. […] Le duc de Montausier aimait Chapelain, protégeait Cottin, maltraités par Boileau et par Molière même. […] Les choses étant ainsi, Molière put croire que ce serait un coup de maître de faire maltraiter les mauvais auteurs par Montausier sous le nom d’Alceste, de la même manière que Boileau et lui en usaient dans leurs ouvrages, c’est-à-dire de le montrer faisant la guerre au mauvais goût sans la faire aux personnes. […] Plaire au roi, servir ses propres amis, assurer un libre essor à leurs talents et au sien, plaire à Montausier même, furent trois succès que Molière me paraît s’être promis d’allier, en faisant le bel ouvrage dont nous parlons ; et j’aime à penser qu’il se proposa une alliance si difficile, parce que l’accomplissement de ce dessein ajoutait le mérite de la difficulté vaincue au mérite du talent le plus élevé.

37. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

Fournel, Les Contemporains de Molière, Paris, 1863-1875. […] Brunetière, « La philosophie de Molière » [Études critiques, t.  […] Fournel, Les Contemporains de Molière, Paris, 1863-1875. […] Le théâtre de Molière. […] Louis Moland, Histoire posthume de Molière]. — Qu’on retrouve enfin Molière dans le chef-d’œuvre de Beaumarchais, qui est Le Barbier de Séville [Cf. 

38. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre premier. Préliminaires » pp. 1-8

Notre grand poète comique Molière a été, l’un des premiers, livré à la curiosité de l’érudition. […] Molière appartient avant tout à la tradition française. […] Molière dut principalement aux Italiens le mouvement de son théâtre. […] Molière n’eut garde de dédaigner les leçons de ces excellents praticiens : il apprit à leur école à traduire pour la perspective de la scène telle disposition de caractère, tel retour de sentiment, telle préoccupation d’esprit dans un personnage. […] Il y a, comme on le voit, un grand intérêt à déterminer aussi exactement que possible quel est le contingent que la comédie italienne a apporté à Molière et par lui à notre littérature comique.

39. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre II. Le Rire » pp. 28-42

Par exemple, les critiques français proclament Molière le premier des comiques présents, passés et futurs. […] Mais Molière est inférieur à Aristophane. […] Molière, homme de génie, s’il en fût, a eu le malheur de travailler pour cette société-là. […] J’ai entrepris d’aller à Paris toutes les fois que l’on donne aux Français des comédies de Molière ou d’un auteur estimé. […] Ce seul mot de Sainte-Pélagie, pour un homme titré, vieillit Molière.

40. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

Molière. […] Molière lui-même, dans ses premières pièces, n’alla guère plus loin. […] L’époque où Molière reçut cette nouvelle faveur en relève le prix. […] Molière, les Plaisirs de l’Ile enchantée. […] Mémoires sur Molière.

41. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

Particularités sur Molière, qui les a tous saisis et tracés. […] sauvez-vous de sa présence ; le diable est moins à fuir pour vous que Molière. […] Mes éloges de son ouvrage sur Molière imité et sur Molière imitateur, se fondent principalement sur les distinctions qu’il a faites des lois spéciales de la comédie. […] Le coup d’essai de Molière fut une petite pièce intitulée. […] L’enjouée Nicole est une femme du peuple, et Molière en a fait la raison même.

42. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XII. Lo Ipocrito et Le Tartuffe » pp. 209-224

C’est, disons-nous, la comédie régulière qui a fourni à Molière l’esquisse du Tartuffe. […] Les analogies et les dissemblances entre l’œuvre de l’Arétin et l’œuvre de Molière sont très sensibles. […] D’autre part, quelle distance entre la conception de l’Arétin et celle de Molière ! […] Dans la comédie de Molière, combien l’idée grandit ! […] Molière touche au drame, et produit un effet immense qui traverse les siècles sans s’amoindrir.

43. (1912) L’art de lire « Chapitre IV. Les pièces de théâtre »

Il y a un style de Corneille, un style de Racine, un style de Molière. […] Il ne faut pas dire que Chrysale soit Molière, ni même que Gorgibus soit Molière, ni que le Cléante de Tartuffe soit Molière (et ici j’ai peur que, si on le croyait, on ne se trompât plus qu’ailleurs), ni même que le Clitandre des Femmes Savantes soit Molière encore, quoique ici j’estime qu’on serait plus près de la vérité. […] Molière use assez souvent de ce procédé qui est un avertissement au spectateur et au lecteur. […] C’est pour cela que, de son temps, on a accusé Molière de donner raison à l’athéisme de Don Juan. […] Et certainement les apparences ici sont contre Molière.

44. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

. — Relations de madame de Sévigné avec Molière, La Fontaine, Boileau et Racine. […] Des mots grossiers qu’a protégés Molière, vous n’en retrouverez aucun dans ses successeurs au Théâtre-Français, ni dans Regnard, ni même dans les comédies de Dancourt. Vous n’en retrouverez rien dans La Bruyère, qui, plus varié que Molière, a écrit sur tous les tons et peint toutes sortes de caractères. […] Voyons l’effet que ce changement de la société produisit sur les trois poêles qui survécurent à Molière : Boileau, Racine et La Fontaine. […] Dans le fait, Molière, Boileau et elle se plaisaient, s’estimaient et se recherchaient.

45. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

Certes il ne sent pas comme Virgile, comme Molière, comme Racine. […] Ils attirèrent bientôt Molière et Boileau. […] Molière et Racine se brouillèrent à cause de l’Alexandre, que Racine eut le tort de retirer à la troupe de Molière. […] Molière dîne à la table de Louis XIV. […] Satire II, A Molière.

46. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

En ce sens, on peut dire que la « philosophie » de Molière, c’est Molière lui-même, et je vais essayer de montrer qu’à la bien entendre, c’est Molière tout entier. […] Voilà une distinction dont Molière eût bien ri ! […] Il en était autrement du temps de Molière. […] Car, pourquoi Molière n’aurait-il pas trompé Louis XIV ? […] Ils n’ont pas compris Molière.

47. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Ch.-L. Livet »

… Ou il doit recommencer sérieusement, ce qui ne manquerait pas de hardiesse, la comédie de Molière, cette comédie des Précieuses, qui n’a point passé comme le temps qu’elle a peint, et dans laquelle tout est resté aussi vrai et aussi réel que cet éternel bonhomme que Molière met partout, ce Gorgibus qui est Chrysale ailleurs, et Orgon, et même Sganarelle ; car Sganarelle, c’est Gorgibus avec quelques années de moins et une… circonstance de plus ; ou bien — ce qui serait beaucoup plus crâne encore — il doit être, ce livre, la défense enfin arborée des Madelon et des Cathos contre les moqueries de Molière, la négation des ridicules mortels qu’il leur a prêtés, et la cause épousée par un spiritualiste du xixe  siècle de ces idéales méconnues qui tendaient à s’élever au dernier bien des choses, et voulaient des sentiments, des mœurs et une langue où tout fût azur, où tout fût éther ! […] Ce sont les Précieuses réhabilitées et Molière sifflé qui les siffla, ou c’est le sifflet de Molière qu’on s’est permis de ramasser et dont on tire un son… posthume ! […] c’est M. de Schlegel, — a commencé la réaction contre Molière, qu’il accuse nettement d’abaissement et de vulgarité, et il lui préfère, l’éminent critique ! […] Il n’a point réhabilité bravement les précieuses, mais il ne s’est point mis non plus entièrement du côté de Molière contre elles. […] il voudrait bien tirer ces pauvres victimes, après tout, de dessous les plaisanteries de Molière, — ces plaisanteries gravées sur un marbre éternel, et sous lesquelles le Titan du grand rire les a écrasées ; mais il craint que le ridicule qui pèse sur elles, par ricochet ne tombe sur lui.

48. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Que peut-on dire que Corneille ait appris ou montré à Molière ? […] Sous la protection d’un tel maître, Molière peut marcher désormais. […] Et Molière lui-même n’en est-il pas une preuve ? […] Quant à l’intrigue, Molière encore l’a indiquée. […] ce n’est pas là Molière.

49. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Molière. — La comédie contemporaine de Molière. — Les successeurs de Molière : Edme Boursault ; la monnaie de Molière : Baron, Brueys et Palaprat, Dufresny ; un cadet de Molière : Regnard ; un vaudevilliste au xviie  siècle : Dancourt. » Molière, comme vous voyez, est le centre de l’ouvrage, et tout s’y rapporte à lui. […] Oui, il paraît établi que Molière eut un bon cœur. […] Contentons-nous que Molière ait été un très bon homme. […] Mais je réserve Molière pour tout à l’heure. […] Alexandre Dumas fils, cinq de Molière, quatre de M. 

50. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre X. La commedia dell’arte en France pendant la jeunesse de Molière » pp. 160-190

Dans cette troupe s’était engagé le fils d’un tapissier, valet de chambre du roi, Jean-Baptiste Poquelin, qui se fit appeler Molière. […] On pense bien, toutefois, qu’à ce moment où il entrait dans la carrière du théâtre, Molière avait prêté une vive attention aux Italiens, ses trop heureux concurrents. […] Le ballet de L’Amour malade avait laissé de si joyeux souvenirs parmi les contemporains, que lorsque huit ans après, fut joué L’Amour médecin de Molière, les hommes qui, comme le fameux médecin Guy Patin, ne fréquentaient pas beaucoup le théâtre, prenaient un titre pour l’autre et parlaient de L’Amour malade, de Molière, que Paris allait voir en foule. Pendant ces années qui précédèrent immédiatement le retour de Molière à Paris, les Italiens eurent une grande vogue ; ils étaient les héros comiques du moment ; on leur faisait jouer des scènes burlesques, même à la ville, et hors du théâtre. […] Les caractères et les scènes de la comédie italienne étaient alors cités, rappelés communément dans la conversation, comme on a fait depuis des caractères et des scènes de Molière.

51. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

Mais passons aux temps modernes, et hâtons-nous d’arriver à l’époque la plus mémorable de notre gloire dramatique, à l’apparition de Molière. […] De grands généraux, de grands écrivains en ont immortalisé la gloire : Molière en a immortalisé les ridicules et les vices. […] Au premier coup d’œil jeté sur les œuvres de Molière, qui peut méconnaître le siècle où il a vécu ? […] Et d’ailleurs, les êtres ridicules ou vicieux que Molière a traduits sur la scène, sont encore au milieu de nous. […] si tu revivais parmi nous, divin Molière, tu les reconnaîtrais encore !

52. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Il suffit de citer Molière, La Fontaine, Corneille. […] Molière, lui aussi, lui surtout, combat le spiritualisme étroit et dédaigneux de Descartes. […] » Molière esquisse en passant quelques pauvres paysans qui jargonnent leur patois en se laissant battre et berner par don Juan. […] La touche large, le style métaphorique, l’allure franche de Molière lui valent le dédain des raffinés. […] Cette conception est plus visible encore, si l’on quitte Molière pour Racine.

53. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

Le sujet est le même que dans les pièces de Racine et de Molière : c’est l’homme tel qu’il est. […] La fable appartient à La Fontaine comme la comédie à Molière : l’idée en est venue après la chose. […] Molière, Racine, Boileau, lisaient les anciens pour un objet particulier. […] Molière avait les soins de son théâtre ; Racine et Boileau, des charges de cour. […] La Fontaine a eu plus de goût que Molière, Racine et Boileau.

54. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VIII » pp. 70-76

La qualification de naïf, que Corneille donne au style de ses interlocuteurs, style fort différent de celui des personnages de Molière, qui est aussi estimé naïf, m’a paru rendre nécessaires quelques observations sur la naïveté. Molière et Corneille pouvaient se croire également naïfs. […] Plus tard, nous avons eu celle de Montaigne, ensuite celle des contes de La Fontaine, ensuite celle de Molière. […] Aujourd’hui, Voltaire lui-même nous dirait que Brantôme et Rabelais furent sales et orduriers, Montaigne quelquefois obscène, La Fontaine licencieux dans ses contes, Molière indécent et grossier dans plusieurs de ses comédies. […] Nous reviendrons sur ce sujet dans la quatrième période, en examinant la doctrine de Molière sur l’usage de plusieurs expressions qu’il a voulu maintenir, et que l’usage a écartées de la langue.

55. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les deux Tartuffe. » pp. 338-363

du « libertin » Molière. […] La question eût semblé étrange à Molière. Si Tartuffe « croyait », il serait un pharisien, il ne serait pas un « imposteur », et Molière ne lui aurait pas donné ce nom. […] Au temps de Molière encore les « honnêtes gens » et les bourgeois n’étaient nullement étrangers aux choses de la théologie. […] Ce deuxième cas est, selon moi, celui de Tartuffe, et c’est sans doute parce que, dans la pensée de Molière, l’imposture du personnage est complète, qu’il l’a nommé l’Imposteur.

56. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « I. Leçon d’ouverture du Cours d’éloquence française »

Toutes ses sympathies sont acquises à Racine et à Molière : on le sent ; mais il ne cède pas une parcelle de la vérité à ses sympathies. […] Pour Molière, il nous montre qu’on ne sait pas si Madeleine Béjart a été la maîtresse de Molière, qu’il n’est pas du tout sûr qu’Armande fût la fille de Madeleine. […] Molière a-t-il été en réalité ce que Sganarelle ne fut qu’en imagination ? […] Or Armande est fort suspecte. « Cependant, à examiner d’un peu près les faits qu’on lui reproche, il n’en résulte qu’une chose, c’est qu’elle rendit Molière très malheureux. […] » On n’en sait rien, et Larroumet se refuse à faire la conjecture la plus romantique, mais aussi la plus désagréable pour Molière.

57. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XIV »

Saint-Simon n’en a point et Molière en manque. — Employer des métaphores qui se suivent ? […] Brunetière, Saint-Simon, Molière, Sévigné survivent, bien que leur style n’ait pas les qualités qu’il nous blâme d’exiger ; et nous devrions, d’après lui, ne les point compter comme de bons écrivains. Nous avons malheureusement toujours jugé Saint-Simon, Sévigné ou Molière comme de très grands artistes. […] Brunetière, c’est le style, c’est bien le style qui a immortalisé les Sévigné, les Molière et les Saint-Simon. […] Brunetière ne nous fera jamais croire qu’on peut mépriser la correction du dessin, sous prétexte que Delacroix s’en passait et qu’il est inutile de recommander la correction du style, sous prétexte que Molière et Saint-Simon sont incorrects.

58. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre I. Shakespeare — Sa vie »

C’est le journal de Lagrange, camarade de Molière. Lagrange décrit ainsi le théâtre où la troupe de Molière jouait par ordre du sieur de Rataban, surintendant des bâtiments du roi : « … trois poutres, des charpentes pourries et étayées, et la moitié de la salle découverte et en ruine. » Ailleurs, en date du dimanche 15 mars 1671, il dit : « La troupe a résolu de faire un grand plafond qui règne par toute la salle, qui, jusqu’au dit jour 15, n’avait été couverte que d’une grande toile bleue suspendue avec des cordages. » Quant à l’éclairage et au chauffage de cette salle, particulièrement à l’occasion des frais extraordinaires qu’entraîna la Psyché, qui était de Molière et de Corneille, on lit ceci : « chandelles, trente livres ; concierge, à cause du feu, trois livres. » C’étaient là les salles que « le grand règne » mettait à la disposition de Molière. […] Ajoutons qu’il donna mille livres de pension à Molière. […] Cependant quelque aisance lui était venue, comme plus tard à Molière. […] Shakespeare, persécuté comme plus tard Molière, cherchait comme Molière à s’appuyer sur le maître, Shakespeare et Molière auraient aujourd’hui le cœur plus haut.

59. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

Étienne, dans son discours de réception à l’Académie, déclare qu’il admire Molière bien plus comme philosophe que comme poëte. […] Qu’on se figure, par exemple, à la place de Racine, au sein du même loisir, quelqu’un de ces génies incontestablement dramatiques, Shakspeare, Molière, Beaumarchais, Scott. […] Molière, penseur profond, triste au dedans, ayant hâte de sortir de lui-même et d’échapper à ses peines secrètes, sera cette fois d’un comique plus grave ou plus fou qu’à l’ordinaire. […] Comment ne s’est-il pas rappelé que le style de Corneille, en bien des endroits pathétiques, ne diffère pas essentiellement de celui de Molière ? […] Du temps de Racine, Fénelon, son ami, son admirateur, et qui semble un de ses parents les plus proches par le génie, écrivait de Molière : « En pensant bien, il parle souvent mal.

60. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

Je dirai cela de Rabelais comme de Molière. […] Mais il est immanquable qu’excité et une fois poussé dans l’entretien, il devait redevenir le Molière que nous savons. […] Je me suis demandé quelquefois ce qu’aurait pu être Molière érudit, docteur, affublé de grec et de latin, Molière médecin (figurez-vous donc le miracle !), et curé après avoir été moine, Molière venu dans un siècle où tout esprit libre avait à se garder des bûchers de Genève comme de ceux de la Sorbonne, Molière enfin sans théâtre et forcé d’envelopper, de noyer dans des torrents de non-sens, de coq-à-l’âne et de propos d’ivrogne son plus excellent comique, de sauver à tout instant le rire qui attaque la société au vif par le rire sans cause, et il m’a semblé qu’on aurait alors quelque chose de très approchant de Rabelais. […] On a fait ainsi pour Molière, et Camille Desmoulins, dans Le Vieux Cordelier, a dit : « Molière, dans Le Misanthrope, a peint en traits sublimes les caractères du républicain et du royaliste : Alceste est un Jacobin, Philinte un Feuillant achevé. »

61. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) «  Œuvres de Chapelle et de Bachaumont  » pp. 36-55

L’Huillier était un autre lui-même, s’attacha à donner à son fils la meilleure éducation ; Chapelle étudia au collège des jésuites de la rue Saint-Jacques, où il rencontra Bernier et Molière, et il introduisit auprès de Gassendi ces deux condisciples : tous trois profitèrent diversement des leçons particulières du philosophe, mais ils en restèrent marqués. […] Il nous a laissé les noms de ceux qu’il hantait le plus7 : il y installait Molière, La Fontaine, Racine dans sa jeunesse, Despréaux. C’est au milieu d’eux, c’est dans ces joyeux repas à la Croix-de-Lorraine ou dans la maison de Molière à Auteuil, qu’il nous apparaît de loin le convive indispensable, le boute-en-train de la bande, tutoyant même Despréaux. Les anecdotes où Chapelle figure avec celui-ci et avec Molière sont devenues une sorte de légende ; on aimerait à savoir quelques-uns des mots gais, piquants, naïfs, qui composaient le sel de Chapelle et le faisaient tant estimer des illustres, comme étant lui-même une manière de génie. […] Ici toutefois, nous le retrouvons rendant à Bernier le même service qu’à Molière ; il le force à donner une réplique qui vaut mieux que la question.

62. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIV. La commedia dell’arte au temps de Molière (à partir de 1662) » pp. 265-292

La commedia dell’arte au temps de Molière (à partir de 1662) Les Italiens revinrent à Paris en 1662, et cette fois s’y établirent d’une manière permanente. […] C’était Molière qui écrasait alors les Italiens du luxe de sa mise en scène et du faste de ses spectacles. […] On en peut conclure qu’ils étaient en société, comme c’était l’usage pour les artistes de cette époque ; et, malgré la qualification donnée à Scaramouche, il ne semble même pas qu’il y ait eu parmi eux un véritable chef, comme l’était Molière, par exemple, parmi les siens. […] Il n’est point aisé d’offrir un spécimen des représentations que donnaient alors ces comédiens qui vinrent s’établir définitivement à côté de Molière. […] Tout le monde a dans la mémoire la réflexion par laquelle Molière termine la préface du Tartuffe : « Huit jours après que ma comédie eut été défendue, on représenta devant la cour une pièce intitulée Scaramouche ermite, et le roi, en sortant, dit au grand prince que je veux dire (Condé) : “Je voudrais bien savoir pourquoi les gens qui se scandalisent si fort de la comédie de Molière ne disent mot de celle de Scaramouche” ; à quoi le prince répondit : “La raison de cela, c’est que la comédie de Scaramouche joue le ciel et la religion, dont ces messieurs-là ne se soucient point ; mais celle de Molière les joue eux-mêmes : c’est ce qu’ils ne peuvent souffrir.” » Les situations de Scaramouche ermite étaient d’une extrême indécence.

63. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

 » Voyons la grande série. « La grande série, c’est Racine (les Plaideurs), Molière, Regnard, Le Sage, Marivaux, Destouches, Sedaine, Beaumarchais et après une longue interruption, Augier. » Destouches dans la grande série ? […] Weiss, on conviendrait que le Tartufe n’est amusant d’aucune manière. » — La critique traditionnelle exalte la bonté de Molière : M.  […] Molière n’avait pas seulement la profonde immoralité qui est l’attribut commun et très probablement la condition d’activité des grands observateurs de l’homme et de la nature humaine. […] S’est-on assez extasié sur les femmes de Molière, Éliante, Elmire, Henriette, sur leur bon sens, leur franchise, leur belle santé morale ! […] En réalité, plus que Corneille, Racine et Molière, plus qu’Augier, Feuillet, Labiche et Meilhac, il aime Regnard, Gresset, Piron, Favart et Beaumarchais — et Scribe et Dumas père.

64. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre II. Mademoiselle Mars a été toute la comédie de son temps » pp. 93-102

Ni le roman intime (feu le roman intime, faudrait-il dire), ni feu le drame moderne, toujours escortés de quelques héros mystérieux sans explication et sans nom, et tout noir, n’ont jamais préoccupé la curiosité et la sagacité du lecteur, autant que l’a fait ce bel Alceste, créé tout exprès et mis au monde par Molière, quand Molière voulut dire à tous et à chacun, enfin, les plus secrètes pensées de son esprit et de son cœur. Ajoutez cette différence entre les mystères solennels de Molière et les futiles mystères du drame et du roman, comme on les fait de nos jours ; une fois que vous avez soulevé le sombre manteau du romancier ou du dramaturge, vous êtes au fait de son œuvre : « “N’est-ce que cela ?” dites-vous avec dédain et pitié, en rejetant le manteau sur le cadavre du héros ; au contraire l’énigme transparente de Molière, après tant d’explications de tout genre, reste encore inexpliquée. […] « Il y avait, à ce qu’on rapporte, sur cette même scène française, un grand comédien nommé Baron, que Molière avait élevé lui-même. […] Lui, cependant, Baron, fidèle à ses rôles, et sachant très bien qu’en fin de compte le parterre ne s’intéresse qu’à la passion dans la comédie et dans le drame, il jouait, jusqu’à la fin, le rôle des beaux jeunes gens amoureux que Molière avait écrit tout exprès, il y avait soixante ans, pour ce jeune Baron.

65. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XV » pp. 175-187

Molière ne mit rien de tragique dans ses comédies ; Corneille rien de comique dans ses tragédies, rien de tragique dans ses propres comédies. Molière même, à qui Boileau reprochait d’avoir partagé son talent entre Térence et Tabarin, entre Scapin et le Misanthrope, Molière n’a rien laissé percer de Sganarelle ni de Scapin dans Le Tartuffe et Le Misanthrope, ni des beautés sérieuses de ces deux chefs-d’œuvre dans les badinages de son théâtre. […] Les curieux qui font des recherches sur les locutions dont on veut nous persuader que le bon goût s’indignait du temps de Molière, sont fort surpris de rencontrer parmi ces locutions prétendues précieuses, une foule de mots qui sont aujourd’hui dans la bouche de tout le monde. Le mot d’obscénité, rebuté par Molière, est aujourd’hui vulgaire. […] Nous avions plusieurs comédies de Molière : Plusieurs ouvrages de La Fontaine.

66. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Ce qui frappait les contemporains de Molière et Molière tout le premier, c’étaient les « singularités » du misanthrope. […] Au moins je ne reproche rien à Molière. […] ce Molière ! […] Molière forme son don Juan à leur image. […] Et le pauvre Molière est repris.

67. (1903) Propos de théâtre. Première série

La justice de Molière se montre en cela. […] Revoyez rapidement par la pensée tout ce que Molière a écrit, et demandez-vous quelle pouvait bien être la religion de Molière. […] C’est d’Orgon que Molière s’est moqué, dit M.  […] Brunetière sur l’esprit général de l’œuvre de Molière. […] Molière est des premiers.

68. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Regnard. » pp. 1-19

Il est proprement gai et plaisant sans complication aucune, et cette vive qualité naturelle, poussée jusqu’au génie, est ce qui lui assure la première place dans la comédie après Molière. […] Il serait piquant que Regnard fût né sous les piliers des Halles, tout à côté de Molière, de même que Voltaire naquit tout voisin de Boileau, dans la Cour du Palais ; mais le même M. Beffara croit avoir prouvé que les parents de Molière demeuraient rue Saint-Honoré, et non sous les piliers des Halles, comme on le disait communément. Dans tous les cas, Regnard vint au monde non loin de Molière, et il était bien du même quartier. […] Placé à côté de Molière, Regnard s’en distingue en ce qu’il rit avant tout pour rire.

69. (1913) La Fontaine « I. sa vie. »

Vraiment on a beaucoup trop abusé de la biographie de Molière pour expliquer ses œuvres. […] C’était caractériser Molière tout de suite, et absolument et presque complètement. […] Molière et La Fontaine se connaissaient depuis 1660. […] Cette amitié se brisa assez vite, d’abord par le fait de la brouille de Racine et de Molière. […] Il y eut là une très vive querelle entre Racine et Molière ; par conséquent, ils ne pouvaient plus se trouver ensemble.

70. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

. ; Les Embarras de Paris), par celles qui suivirent immédiatement : Muse, changeons de style (1663), et la Satire dédiée à Molière (1664), Boileau se montrait un versificateur déjà habile, exact et scrupuleux entre tous ceux du jour, très préoccupé d’exprimer élégamment certains détails particuliers de citadin et de rimeur, n’abordant l’homme et la vie ni par le côté de la sensibilité comme Racine et comme La Fontaine, ni par le côté de l’observation moralement railleuse et philosophique comme La Fontaine encore et Molière, mais par un aspect moins étendu, moins fertile, pourtant agréable déjà et piquant. […] Dans sa Satire adressée à Molière, à qui il demande comment il fait pour trouver si aisément la rime, méfiez-vous, et ne prenez pas trop à la lettre cette question de métier. […] Molière, avec son génie, rime à bride abattue ; La Fontaine, avec son nonchaloir, laisse souvent flotter les rênes, surtout dans sa première manière ; le grand Corneille emporte son vers comme il peut, et ne retouche guère. […] Il faut surtout relire ces beaux vers au sujet de la mort de Molière sur lesquels a dû tomber une larme vengeresse, une larme de Boileau. […] Racine, je le crains, aurait fait plus souvent des Bérénice ; La Fontaine moins de Fables et plus de Contes ; Molière lui-même aurait donné davantage dans les Scapins, et n’aurait peut-être pas atteint aux hauteurs sévères du Misanthrope.

71. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Molière, incapable de jalousie et capable de toutes les bontés du cœur, le recommanda et l’introduisit à la cour. […] Racine devint, par Molière, le disciple favori et l’ami de Boileau. […] Elle passa, avec la tragédie, du théâtre de Molière au théâtre de Bourgogne, enlevant ainsi à Molière la curiosité d’une pièce nouvelle et la popularité d’une comédienne accomplie. L’amitié entre Molière et Racine fut à jamais rompue par cette défection. Molière, qui était incapable de vengeance, était capable d’une profonde affliction et d’un amer souvenir.

72. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

Molière et Shakespeare I Voilà Molière. […] L’un est l’art dans un pays déjà civilisé : Molière. […] C’est le journal de Lagrange, camarade de Molière. […] Aimé Martin, le plus doux des hommes, a commenté Molière : trahit sua quemque coluptas. […] D’ailleurs, j’aime trop le commentateur de Molière pour être juste ; je suis surtout ami !

73. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Henri Rochefort » pp. 269-279

Molière, le sérieux, le pensif et mélancolique Molière, n’est point gai, en ses sublimes comédies, et il n’est pas moins le plus grand comique qui soit dans les littératures du monde connu. Pascal, bien autrement triste que Molière, Pascal, le janséniste rechigné, l’inquiet, l’épouvanté, le hagard Pascal, qui certainement n’a pas ri une seule fois dans sa vie tourmentée, a donné, en ses Provinciales, un exemple d’impayable comique que Molière aurait pu admirer… Les esprits les plus gais qu’on ait vus, au contraire, ont parfois manqué de comique. […] Mais Regnard, que nous crûmes longtemps un second Molière, parce que nous prenions son rire pour le nôtre, Regnard est bien moins comique qu’il n’est gai.

74. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Depuis Regnard, qui était né avec un génie vraiment comique et qui a seul approché Molière de près (approcher Molière de près ! […] Et par quoi Molière ? […] Figurez-vous la statue de Molière au centre de la scène. […] Molière insiste sur tous ces traits. […] Elle est dans Molière.

75. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Des Essarts, Emmanuel (1839-1909) »

Émile Faguet L’Odéon a commémoré (au souvenir de Molière) par une pièce très soignée, due à la plume experte de M.  […] C’est l’histoire, parfaitement imaginaire, je crois, mais, fondée sur une légende recueillie par Grimarest, d’un certain Pourceaugnac qui, à Limoges, aurait monté une cabale contre Molière, dont il fut grièvement puni par la suite, comme vous savez. […] Molière ne pardonnait pas, on le sait, avec une extrême facilité.

76. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Mémoires de Daniel de Cosnac, archevêque d’Aix. (2 vol. in 8º. — 1852.) » pp. 283-304

Ici nous trouvons quelqu’un qui, à cette distance, nous intéresse plus que tous les princes de Conti avec leur cour, je veux dire Molière. […] Peu de jours après, ils représentèrent encore, et Sarasin, à force de prôner leurs louanges, fit avouer à M. le prince de Conti qu’il fallait retenir la troupe de Molière, à l’exclusion de celle de Cormier. […] Il gagna Mme de Calvimont, et non seulement il fit congédier la troupe de Cormier, mais il fit donner pension à celle de Molière. […] Ainsi une sotte et une femme à cadeaux, Mme de Calvimont, entre à l’étourdie dans une cabale contre Molière et va le priver d’un utile protecteur. […] Quoi qu’il en soit, l’abbé de Cosnac a fait quelque chose d’essentiel pour Molière : cela lui doit être compté.

77. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Plus tard, dans le théâtre de Molière, nous verrons les suivantes devenir les servantes, qui au dix-huitième siècle deviendront les soubrettes. […] Remarquez, je vous prie, que c’est le même moyen dramatique qu’emploiera Molière pour le dénouement du Malade imaginaire. […] C’est en effet parce que Molière l’aura fait connaître à l’Europe que Mozart, à son tour, la prendra pour sujet de son chef-d’œuvre. […] Ainsi fera également Molière. […] Ce rôle de Nicomède était un de ceux que Molière se plaisait à jouer.

78. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

Molière naît anti-précieux, anti-esthète. Molière naît peuple, artisan ou petit-bourgeois. […] Le Molière authentique, c’est, selon moi, le Molière de la prose. […] Le génie mis à part, qui ne suffit jamais tout seul, Molière a une scène et une compagnie ; Molière a un public. […] Croit-on que Molière s’en soit privé ?

79. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

Scribe, le Corneille et le Molière de son temps. […] Il rit comme Rabelais et Molière, et a des emportements de passion lyrique qui le rangent parmi les meilleurs romantiques. […] — J’ai commencé trois fois le portrait de Molière, et trois fois je l’ai jeté au feu, répondit-il au rédacteur en chef du journal. Il trouvait que, sur Molière, on a tout dit ! […] Comme ce Molière dont il commença trois fois le portrait, il est de ceux dont on a tout dit quand on a prononcé leur nom.

80. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre huitième. »

Il me semble qu’il est le premier qui ait mis en vers les préceptes de la raison, en matière de goût et de littérature ; mais La Fontaine a mis en vers les préceptes de la raison universelle, comme Molière y a mis ceux qui sont relatifs à la société ; et ces deux empires sont plus étendus que ceux du goût et de la littérature. […] La conversation du savetier et du financier ne serait pas indigne de Molière lui-même ; il dut être surtout frappé du trait : V. 45. […] Il y a un autre trait qui dut donner à rêver à Molière, c’est celui, plus content qu’aucun des sept Sages. Molière, si philosophe, et malgré sa philosophie, si malheureux, dut faire quelque attention à ce vers. […] Au surplus, il faut toujours supposer qu’il s’agit de la science unie au bon sens ; car, comme a dit Molière : Un sot savant est sot, plus qu’un sot ignorant.

81. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Corneille »

Père de la tragédie et père aussi de la comédie, il a fait Racine et il a fait Molière, — Molière, que la terrible observation de son esprit et la profondeur de sa plaisanterie ne garantirent pas non plus des égarements de son cœur. […] Il nous a parlé longtemps du poète comique dans Corneille : de la comédie de la Suivante, jolie comme son sujet ; du Menteur, dont il n’était pas besoin de nous parler (car il tient toujours la scène comme Molière, avec des touches que n’a pas Molière, et cependant Molière a écrit le rôle de don Louis — dans Don Juan — qui est un rôle cornélien !) 

82. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIX » pp. 207-214

. — Caractère moral du quatrumvirat de Molière, La Fontaine, Racine et Boileau. Le roi était tout-puissant sur la nation par sa gloire, par le noble usage qu’il faisait de sa gloire même : Molière était tout-puissant près du roi par le plaisir qu’il donnait à la cour, par la louange, par le concert de louanges que Racine et Boileau, ses jeunes amis, guidés par ses conseils et son exemple, prodiguaient à l’envi au monarque. […] Molière, La Fontaine, Boileau et Racine, furent des courtisans sans doute. […] Molière, courtisan dans l’Amphitryon, était grand citoyen dans le Tartuffe.

83. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Qu’est-ce qu’un classique ? » pp. 38-55

Boileau vengeait et soutenait avec colère les anciens contre Perrault qui préconisait les modernes, c’est-à-dire Corneille, Molière, Pascal, et les hommes éminents de son siècle, y compris Boileau l’un des premiers. […] J’y mettrais Molière, le génie poétique le plus complet et le plus plein que nous ayons eu en français : Molière est si grand, disait Goethe (ce roi de la critique), qu’il nous étonne de nouveau chaque fois que nous le lisons. […] C’est en ce genre ce qu’il y a de plus grand… Chaque année je lis une pièce de Molière, comme de temps en temps je contemple quelque gravure d’après les grands maîtres italiens. […] Toutefois, avec Molière et La Fontaine parmi nos classiques du Grand Siècle, c’est assez pour que rien de légitime ne puisse être refusé à ceux qui oseront et qui sauront. […] Le moins classique, en apparence, des quatre grands poètes de Louis XIV, était Molière ; on l’applaudissait alors bien plus qu’on ne l’estimait ; on le goûtait sans savoir son prix.

84. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXII » pp. 222-236

Voltaire l’indique à l’année C’est plus de deux ans trop tard, « Dès l’an 1669, dit-il, madame de La Vallière s’aperçut que madame de Montespan prenait de l’ascendant sur le roi. » Si la liaison du roi avec madame de Montespan n’avait commencé qu’en cette année, deux événements principaux de la période que nous parcourons, perdraient leur caractère et leur importance, savoir : la maladie dont est morte madame de Montausier, et la représentation de l’Amphitryon de Molière. […] Et il sera plus fâcheux encore pour Molière, si une dernière scène faite à madame de Montausier par une personne inconnue, qui ne pouvait être que Montespan travesti, était antérieure à la représentation d’Amphitryon. […] Pendant que la reine et le marquis de Montespan languissaient de jalousie, et que madame de Montausier se mourait d’humiliation, l’Amphitryon de Molière, c’est-à-dire le malheureux Montespan, divertissait la partie corrompue de la cour et de la ville. […] Combien cette mort fait perdre de son esprit et de sa gaîté à l’Amphitryon de Molière ! […] Les admirateurs du génie de Molière ont besoin de chercher des excuses à son Amphitryon, dans son désir immodéré de plaire au prince qui Pavait subjugué par sa gloire et ses bienfaits, dans la corruption générale qui demandait au poète comique de faire rire le public aux dépens des époux malheureux, peut-être même dans l’espèce d’héroïsme auquel le poète avait voulu s’élever en se rangeant du côté des rieurs, lui à qui les désordres de sa femme avaient couté tant de larmes amères.

85. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

Molière apporte une confirmation d’un autre genre. […] Et tous les contemporains de Molière en sont restés là. […] Cette admiration va même si loin dans l’absolu, qu’elle néglige tout un côté de Molière, le drame du poète lui-même, et je n’entends pas par là les déboires du mari. […] Que Molière ne fut pas pour ses contemporains ce qu’il est pour nous. […] Le contraste de cette pauvreté avec l’exemple donné pourtant par Molière et Racine est significatif pour l’esprit du temps.

86. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

Nous aurons à y revenir bien souvent encore en touchant à Corneille, à Molière, à La Fontaine, à Bossuet, à Fénelon, à Pascal, à Mme de Sévigné, ces éternels survivants d’un siècle mort. […] C’est le don de Boileau, de Molière, de Voltaire, les plus spirituels des écrivains en vers, mais les moins véritablement poètes. […] Boileau, Molière et Fénelon sapaient en pleine cour l’institution qui peuple les cours. […] Il lui rappelle l’abandon dans lequel le siècle avait laissé mourir quelques jours avant Molière. […] Il promit la gloire durable à Corneille, à Racine, à Molière, à Bossuet.

87. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Étienne, ou une émeute littéraire sous l’Empire. » pp. 474-493

C’est à ce moment que le succès éclatant de la comédie des Deux Gendres vint le désigner, d’autre part, comme un successeur presque direct de Molière. […] Étienne, l’auteur comique applaudi, à tout ce qui concernait la renommée et la mémoire de Molière. Quand il s’agissait de faire une notice sur le Tartuffe, c’était à lui le premier qu’on s’adressait ; quand il s’agissait d’élever une statue en l’honneur de Molière, c’était lui que la Chambre des pairs (dont il faisait partie dans les dernières années) chargeait du rapport ; c’était lui encore que l’Académie française, dont Molière n’était pas, chargeait du discours de réparation et d’hommage pour la cérémonie d’inauguration. […] Étienne, contentez-vous de demander ce qu’aurait dit Molière s’il avait vu ce changement de comédie, et les mêmes hommes dans les deux rôles, administrant l’esprit public sous l’Empire, refaisant et remuant l’opinion publique sous la Restauration, et y trouvant toujours leur compte. Dans tout ce qu’il a dit sur Molière, M. 

88. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Armande est ce qu’elle est dans la pièce de Molière, un peu moins anguleuse seulement. […] Mais alors ce ne serait plus elle qui parlerait, ce serait Molière, Molière qui ferait de l’esprit ? Mais Molière n’a jamais fait d’esprit. […] Oui, il semble que Molière y ait tenu essentiellement. […] Partout ailleurs, Molière est statique.

89. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

Molière avait fait Tartuffe quelques années avant que le vrai Tartuffe triomphât sous Louis XIV : Lesage fit Turcaret quelques années avant que Turcaret fût au pinacle sous la Régence. […] Qu’on se figure Molière n’ayant pas à côté de lui Boileau pour l’exciter, le gronder, lui conseiller la haute comédie et Le Misanthrope ; Molière faisant une infinité de George Dandin, de Scapin et de Pourceaugnac en diminutif. C’est là le malheur dont eut à souffrir Lesage, qui est une sorte de Molière adouci. […] [NdA] Cette veine de Turcaret était neuve au théâtre et encore intacte même après Molière : « C’est une chose remarquable, dit Chamfort, que Molière, qui n’épargnait rien, n’a pas lancé un seul trait contre les gens de finance. On dit que Molière et les auteurs comiques du temps eurent là-dessus les ordres de Colbert. » 23.

90. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Molière […] Le théâtre de Molière représente assez bien le second. […] Ici Molière est en défaut. […] Mais justement Molière a perdu là une belle occasion d’être comique. […] De même que Molière, il est comique parfois.

91. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Appendice sur La Fontaine »

On ne porterait de Molière qu’un jugement imparfait et hasardé si on l’isolait des vieux écrivains français auxquels il reprenait son bien sans façon, depuis Rabelais et Larivey jusqu’à Tabarin et Cyrano de Bergerac. […] Contemporain et ami de Boileau et de Racine, le bonhomme, au premier abord, n’a presque rien de commun avec eux que d’avoir aussi du génie ; et ce serait plutôt à Molière qu’il ressemblerait, si l’on voulait qu’il ressemblât à quelqu’un parmi les grands poëtes de son âge. […] Ainsi, le comte de Caylus, dès qu’il eut mis le nez dans les fabliaux, saisi d’un bel enthousiasme, crut y découvrir tout La Fontaine et tout Molière, et se plaignit amèrement du silence obstiné que ces illustres plagiaires avaient gardé sur leurs victimes. […] Mais déjà, depuis 1621, La Fontaine était né, vers le même temps que Molière, quinze ans avant Boileau, dix-huit ans avant Racine. […] Molière et Racine avaient de bonne heure cessé de se voir ; Chapelle, adonné à des goûts crapuleux, était perdu pour ses amis, et La Fontaine aussi les affligeait par de longs désordres qui souillèrent à la fois son génie et sa vieillesse.

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