Il est absurde de nier, comme le fit Sully-Prudhomme, la poésie de l’anthropomorphisme astronomique qui à l’énormité insaisissable d’un spectacle effrayant impose la mesure, la forme, la beauté douce d’un sourire familier.
Je ne veux pas prolonger outre mesure un parallèle qui peut se résumer d’un mot : M.
N’est-il pas étrange devoir des critiques qui se font si larges pour comprendre la littérature étrangère devenir tout à coup intolérants dès qu’il s’agit d’un génie français, qui peut ne pas avoir toute la mesure, le bon goût et le bon ton national, ne plus lui pardonner le moindre écart et le condamner au nom de tout ce qu’on excuse chez d’autres !
Le genre dans lequel La Fontaine a écrit, est celui qui se prêtait le plus à cette variété de mesure, de rimes et de vers ; mais il faut convenir qu’il a été merveilleusement aidé par son génie, par la finesse de son goût, et par la délicatesse de son oreille.
Ces peintures donnerent sans doute aux Romans de Scuderi, un degré d’intérêt qui s’est affoibli, à mesure que les personnages qu’il peignoit ont disparu de dessus la scène.
Enfin Aristides Quintilianus après avoir parlé de l’amitié de Ciceron pour Roscius, qui charmoit Ciceron par son exactitude à suivre la mesure et par l’élegance de son geste, appelle ce comédien célebre un danseur.
Quatre ou cinq grandes branches vigoureuses s’élancent d’un tronc puissant, et, à mesure qu’elles montent, mille rameaux en jaillissent qui montent à leur tour, ou qui se tordent et se roulent convulsivement sur eux-mêmes, comme désespérés de ne pouvoir — à l’exemple de leurs frères — atteindre les hauteurs.
Mais, à mesure que les classes de la société se confondent, les mœurs publiques se pervertissent.
Mme Sand, qui n’est pas plus un homme que Mme de Staël, qui n’a pas plus de principes premiers, pas plus de métaphysique prépondérante que Mme de Staël, n’a pas l’esprit critique, même dans la mesure où il est en Mme de Staël.
Les reins de son esprit sont soudés, et c’est l’institutrice qui se dégage avec le plus de netteté de tout l’ensemble de ses livres, à cette Enseignante, — il faut bien le dire, un peu cuistre, — qui professe l’instruction obligatoire et la morale indépendante et qui écrit des romans pour élargir, à la mesure d’un plus grand cercle, la petite classe qu’elle faisait peut-être autrefois, et pour, de cette manière, continuer son ancien et rogue plaisir de professer.
Enfin, comme intelligence de la race, ils prennent la mesure du plus fort cerveau chinois qui ait jamais existé, ils nous peignent en pied ce Confucius (Koung-fou-Tseu) qu’ils comparent, on ne sait trop pourquoi, à notre glorieux cardinal de Richelieu, lequel n’a pas grand’chose, pourtant, de ce quaker Oriental, dont la haute philosophie ressemble à une Civilité puérile et honnête… Et c’est ainsi qu’ils confirment, au lieu de la détruire, cette grande accusation portée contre la Chine par des esprits sévères auxquels des potiches et des porcelaines, et une originalité grotesque dans les arts et dans la vie, n’ont pas tout fait pardonner !
Plus tard, seulement, c’est-à-dire deux ans après, on put juger, quand parut la Grande Kabylie 20, d’un genre de talent qu’on n’avait fait encore que soupçonner et qu’entrevoir ; car ce talent donna largement sa mesure et sa couleur dans ce vivant morceau d’histoire.
Il faut lire dans le livre de Saint-Thomas tout cet édit de 1679, qui donne plus que n’importe quel acte de sa vie la mesure de la grandeur de Louis XIV… Jamais loi ne fut plus complète, plus largement assise, plus bâtie à chaux et à sable, à ce qu’il semblait, puisque c’était Louis XIV qui tenait la truelle !
Mais, en fin de compte, tout livre, quel qu’il soit, donne après tout l’esprit d’un homme dans le plus pur de sa substance, à quelque chose qu’il l’ait appliqué, et c’est par l’esprit et la forme qu’il imprime toujours et forcément à la pensée que ce livre appartient à la critique générale telle qu’on s’efforce d’en faire ici… En critique, il ne s’agit jamais que de prendre la mesure d’un homme, et les livres ne servent guères qu’à cela.
Or, comme plus on s’élève, plus on trouve devant soi de lumière, sa mesure de tout, c’est l’élévation.
Montesquieu, c’est la pénétration réfléchie, c’est la volonté savante dans l’expression calculée, c’est la rétorsion la plus prudente dans la pensée, et c’est la mesure aussi et la modération, qui tue en n’ayant pas l’air d’y toucher.
Diogène est un spiritualiste ; il n’avait pas pour la matière et ses jouissances les goûts hardis de Bellegarrigue, dont l’unique mesure intellectuelle et morale est l’argent, et dont l’épouvantable théorie nous donnerait le droit de le mépriser lui-même s’il n’est pas, à cette heure, riche comme un nabab.
Et vraiment peut-on dire à tort, quand on a lu cette histoire de France et ces claires paroles dans l’avertissement de l’édition de 1854 : « la philosophie de l’histoire est en mesure aujourd’hui de restituer au druidisme la part très considérable qui lui revient dans le développement de l’humanité, et au génie celtique une part plus grande dans le développement moral du moyen âge et de l’âge moderne » ?
À plus forte raison, sans doute, devons-nous, dans la mesure de nos forces, provoquer la publicité d’un ouvrage qui semble avoir épuisé et centralisé tous les documents sur les choses et les hommes du xviiie siècle, et qui, de fait comme de visée, atteint enfin cette époque au milieu du cœur, en traversant le cœur de Voltaire.
Mais ce n’est pas de l’histoire décrite et jugée par un historien qui vient derrière les faits, qui en prend la mesure, les interprète, les glorifie ou les flétrit.
Dans une époque qui pousse cet amour des faits jusqu’à préférer les plus petits aux plus gros, uniquement parce qu’ils sont les plus petits, — qui a mis je ne dis pas l’Histoire, mais l’historiette à la place de tout, qui dernièrement, en ses journaux, pour se dispenser d’avoir du talent, a inventé la Chronique, cette chose amusante, la chronique, chère au dilettantisme littéraire de messieurs les portiers, — n’est-il pas tout simple qu’Alexandre de Humboldt, le chroniqueur de la science du xixe siècle, l’arpenteur du globe qui montre les mesures qu’il a prises, le voyageur qui a lu des voyages et qui en a fait, produise sur nous tous l’effet d’un Moïse, — d’un Moïse assez bon pour nous, qui ne descend pas de l’Horeb avec les Tables de la Loi, mais du Chimboraço avec un album dans sa poche !
Pour penser à rendre un service, et un service d’argent, au prince Poniatowski, pour lui donner le droit et la hardiesse d’un tel service, il fallait que Madame Geoffrin, cette femme d’un si grand tact et d’une si grande mesure, eût déjà pour lui un sentiment bien profond… Et c’est toujours la même chose, comme dit le paysan de Molière, parce que c’est toujours la même chose !
Le talent de Nicolas Gogol, on ne saurait le nier ; mais la Critique est une mesure et elle n’a fait que la moitié de sa tâche quand elle s’est contentée de dire : « Cet homme a du talent », ou : « Il n’en a pas ».
, l’infinité est un des attributs de l’univers. » Mais l’infinité est le contraire de la mesure, comme l’éternité est le contraire du nombre !
Il s’occupait de mathématiques, traduisait les Fluxions de Newton, mais déjà il se mettait en mesure avec l’avenir par des mémoires sur les végétaux qui le firent passer, à l’Académie, de la classe de mécanique dans celle de botanique, et décidèrent plus tard de sa nomination à l’intendance du Jardin du Roi, qu’il visait depuis longtemps avec la tranquillité de regard de la prévoyance.
Il tient à ce que l’enfant soit littérairement et même philosophiquement chrétien dans sa mesure enfantine, avant de pénétrer dans la littérature et la civilisation païenne.
Lacordaire en ses curiosités psychiques, et l’empêcher d’aller perdre son regard en cette mystérieuse splendeur que l’Évangile a pu seul révéler dans la mesure où il fallait qu’elle fût révélée !
Dans une époque qui pousse cet amour des faits jusqu’à préférer les plus petits aux plus gros, uniquement parce qu’ils sont les plus petits, — qui a mis je ne dis pas l’histoire, mais l’historiette à la place de tout, — qui dernièrement, en ses journaux, pour se dispenser d’avoir du talent, a inventé la Chronique, cette chose amusante ; la chronique, chère au dilettantisme littéraire de messieurs les portiers, n’est-il pas tout simple qu’Alexandre de Humboldt, le chroniqueur de la science du dix-neuvième siècle, l’arpenteur du globe, qui montre les mesures qu’il a prises, le voyageur, qui a lu des voyages et qui en a fait, produise sur nous tous l’effet d’un Moïse, — d’un Moïse, assez bon pour nous, qui ne descend pas de l’Horeb avec les Tables de la Loi, mais du Chimboraço, avec un album dans sa poche !
Assurément on peut abuser de cette supériorité-là comme de toutes les autres ; car c’est une observation qui n’a pas été assez faite, que plus les facultés sont rares et grandes, plus l’usage en peut tourner vite à l’abus, apparemment par la raison qu’il est plus aisé de tomber, à mesure qu’on s’élève.
C’est pour cela que, de bonne heure, il dédaigna d’écrire… et que les livres qu’il a laissés ne donnent pas la mesure de la force de son esprit.
Ribot ; ceux qui veulent prendre rigoureusement la mesure du système de Schopenhauer peuvent recourir au commentaire qu’il nous donne sur sa philosophie, commentaire détaillé, technique, germanique et ennuyeux pour qui ne croit pas à la métaphysique et qui ne s’intéresse pas à la manière de jouer de ce jeu sans fin… Mais pour qui cherche dans les méditations de l’esprit la certitude et la sécurité intellectuelles, pour qui croit que la vérité n’a pas été placée par un être ou un ensemble de choses incompréhensiblement moqueur hors de la portée et de la main de l’homme, les différences de force cérébrale attestées par la différence des systèmes importent peu si les résultats sont les mêmes, s’ils viennent se rejoindre dans les mêmes négations et se briser contre l’Χ inconnu, qui, dans toutes les philosophies de l’heure présente, a été mis à la place de Dieu !
La qualité suprême, en politique, est de prévoir ; en histoire, qui n’est que de la politique rétrospective, l’éminente qualité c’est de voir toute la portée d’un événement, et, qu’elle soit épuisée ou non, cette portée, d’en prendre exactement la mesure.
Magique perspective de la distance qui veloute les lointains dans nos âmes comme dans les horizons, impossibilité de ressaisir ce passé qui, pour l’homme, créature de contradiction, s’embellit à mesure qu’il s’éloigne, talent naturel de coloriste grandi et avivé par l’émotion et par le souvenir, poésie de la famille qui s’ajoute encore à la poésie du passé, sentiments créés et développés par l’intimité domestique, voilà, en quelques mots, ce qui fait la valeur et ce qui fera le succès du livre de Dargaud.
Et, de fait, elle donne dans une mesure abrégée non seulement tout le livre, mais tout l’auteur même de la Création, qu’on peut très bien après cela laisser tranquillement au fond du puits de l’Éternel, dans lequel il voyage comme un seau.
Nous continuerions de penser qu’il doit, comme l’auteur, mais dans sa mesure de libraire, prévenir ce goût, l’éveiller, le modifier, et l’empêcher de se blaser ou de se dégrader, par des publications audacieusement intelligentes.
III Le livre du Marquis des Saffras a donc sur Les Paysans de Balzac, auxquels nous ne nous permettrons pas de le comparer pour la manière, qui est essentiellement différente, la supériorité d’une peinture sans exagération et sans outrance, prise dans la mesure juste de son cadre et dans la réalité.
Sans doute, il y a toujours, et souvent dans une très-large mesure, des analogies d’organisation entre l’imité et l’imitateur ; mais ces analogies d’organisation sont-elles assez marquées entre l’auteur de Colomba et l’auteur de Rouge et Noir, pour qu’on ne puisse poser la question terrible qui supprime un homme : Qu’aurait été M.
Dans quelle mesure ? […] Et, à mesure que cette indignation s’exhale, il en savoure, le premier, l’éloquence ; il assiste, lui aussi, à la scène qu’il joue. […] Et s’il était si bien instruit et si exactement, que ne prenait-il des mesures contre une poignée de perturbateurs, au lieu d’en prendre contre M. […] C’est que, voyez-vous, quoi qu’on en ait dit, il y a là tout autre chose qu’une mesure d’ordre, il y a bel et bien un acte d’inquisition contre la pensée. […] Je dis seulement que la vertu riche n’est vertu que dans la mesure où elle se dépouille, où elle refuse d’être riche.
Ajoutons encore une observation qui ne manquera pas de plaire à la plus grande partie des gens du monde ; mais il faut tout dire à charge & à décharge, & je dois leur donner un petit dédommagement pour quelques bonnes vérités que je leur ai dites plus haut ; c’est que tel homme qui n’a jamais écrit, n’a point encore donné sa mesure, & qu’il vous laisse conséquemment deviner s’il a de la force, de la pénétration au-delà de la vôtre, de celle même de plusieurs Ecrivains connus ; mais celui qui a publié des essais, a découvert la foiblesse de ses épaules, & l’on peut le juger ; or, presque tous les Gens de Lettres qui touchent à la cinquantaine, ont entendu prononcer leur arrêt ; il devient irrévocable ; car le plus grand phénomène seroit de les voir aller au-delà des idées qu’ils ont déjà exposées. […] Il est plus naturel à ma pensée de faire le chemin : il suffit qu’elle soit avertie ; elle part, bondit & s’élance, & la vraisemblance n’est point alterée : au-lieu que, quand le Poète entasse les évènemens dans l’espace de vingt-quatre heures, qu’il traîne de force tous les personnages au même lieu, & qu’il veut me rendre complice de son grossier mensonge, je me révolte, & j’aurois mieux aimé qu’il m’eût montré des scènes successives, isolées, qui n’excédassent point la mesure de la réalité, que de sentir l’effort continuel & mal-à-droit du Poète qui tyrannise violemment ses personnages, pour les emprisonner dans une courte durée & dans un point donné. […] Shakespear sera le Poète immortel, parce qu’il a vu l’Art dans ses dimensions véritables, & tous ces serviles adorateurs d’entraves fausses & imaginaires ont vécu à peine un siècle, & paroîtront petits & mesquins à mesure que le tems fixera les yeux sur leurs ouvrages : car nous pouvons assurer avec une espèce de certitude que dans deux-cents ans il ne restera à Racine que de beaux vers. […] On n’a rien à craindre de la renommée de Térence, ni de celle de Platon, & on les exalte outre mesure ; mais il faut trouver à redire à ce qui se fait de notre tems. […] A mesure que le peuple se polit, les mots prennent un rang comme les hommes.
Cela seul lui donnerait la mesure de notre intelligence. […] On sait par l’expérience directe que la quantité d’eau qui peut rester suspendue dans l’air à l’état de vapeur est limitée pour chaque degré de température, et que ce maximum devient moindre à mesure que la température diminue. […] Et il faut bien qu’il en soit ainsi ; car à mesure qu’une donnée est plus générale, il faut parcourir moins de faits pour la rencontrer : si elle est universelle, on la rencontre partout ; si elle est absolue, on ne peut pas ne pas la rencontrer. […] À mesure que la grande ligne d’ombre reculait, les fleurs apparaissaient au jour brillantes et vivantes.
Cela seul lui donnerait la mesure de notre intelligence. […] On sait par l’expérience directe que la quantité d’eau qui peut rester suspendue dans l’air à l’état de vapeur est limitée pour chaque degré de température, et que ce maximum devient moindre à mesure que la température diminue. […] Et il faut bien qu’il en soit ainsi ; car à mesure qu’une donnée est plus générale, il faut parcourir moins de faits pour la rencontrer : si elle est universelle, on la rencontre partout ; si elle est absolue, on ne peut pas ne pas la rencontrer. […] A mesure que la grande ligne d’ombre reculait, les fleurs apparaissaient au jour brillantes et vivantes.
Celui-là seul goûte bien le fruit de la plante nouvelle qui la connaît tout entière ; en elle se mire celui qui se plaît à bien faire, c’est à elle que se mesure la beauté morale. […] Macready a prouvé, aux juges les plus sévères, qu’il est en mesure de faire valoir les idées les plus banales, de rajeunir les paroles les plus décrépites. […] Quant aux détails qu’il a prodigués sans mesure, il est évident qu’ils nuisent à la vérité même. […] Guizot d’après l’histoire seule de la révolution anglaise, car c’est dans son enseignement de la Sorbonne qu’il a donné la mesure complète de ses facultés. […] C’est là, en effet, qu’il a donné pleine carrière à ses instincts ; c’est là qu’on peut prendre la mesure précise de son talent pour la narration.
Point d’action, point de naturel, partout des satires avortées, de grosses caricatures ; ni art, ni mesure, ni goût ; le style puritain est transformé en un baragouin absurde, et la rancune enfiellée, manquant son but par son excès même, défigure le portrait qu’elle veut tracer. […] La bêtise croît à mesure qu’on avance. […] Je finis par un récit de Pepys qui donnera la mesure. « Harry Killigrew m’a fait comprendre ce que c’est que cette société dont on a tant parlé récemment, et qui est désignée sous le nom de balleurs (ballers). […] Manly est peint d’après Alceste, et l’énormité des différences mesure la différence des deux mondes et des deux pays589. […] Il prend dès l’abord le ton des circonstances ; il sent du premier coup ce qu’il faut dire ou taire, dans quelle mesure et avec quelles nuances, quel biais précis accommodera la vérité et la mode, jusqu’où il faut transiger ou résister, quelle fine limite sépare les bienséances et la flatterie, la véracité et la maladresse.
(À propos de Hugo encore, il a cette parole de grand sens : « Dans ces modernes, il semble impossible que la mesure exquise ne soit pas toujours un peu dépassée. ») Il sait tout cela. […] Là-bas, sur notre droite, Venise, au ras de la mer s’étendait et devait faire une barre plus importante à mesure que le soleil s’anéantissait. […] Notre temps mesure exactement le genre de barbarie auquel Rousseau fait retourner. […] C’est l’histoire de Sapho — moins l’apitoiement et le vain avertissement à la jeunesse ; c’est plutôt, chacun l’a dit à l’apparition du livre, l’histoire de Des Grieux et de Manon Lescaut, refaite à l’usage des modernes et à la mesure de leurs façons de sentir. […] Soupçonne-t-il dans quelle mesure Geneviève a collaboré à l’obtention de ses honneurs et de sa gloire ?
Car il est vrai qu’il chansonna le mari sans goût ni mesure, mais il chanta la femme avec tout son cœur : Où print l’enfant Amour le fin or qui dora En mille crespillons ta teste blondissante ? […] Il rêvait de réformer l’orthographe selon les principes du savant Ramus, et d’adapter les pieds et les mesures de l’ancienne poésie. […] lu à sa place, ne doit pas surprendre outre mesure dans une œuvre écrite tout entière dans un style renchérissant sur les préciosités les plus forcées. […] Mais il est vrai de dire qu’il vaudra toujours mieux se tenir dans la juste mesure. […] Il y a de la mesure dans la conduite de ses pièces, et sa fantaisie évite l’extravagance.
Lasserre se pose la question pour y répondre avec beaucoup de mesure et de clairvoyance. […] Cependant, sans la mesure, il n’y a point de perfection. […] Car il s’était égaré depuis longtemps loin de la mesure et de la vérité. […] Il a la science avec la passion du beau, la fougue avec la juste mesure. […] Beau laurier-rose, comme tes bouquets battent la mesure du vent !
Cependant, on a beaucoup exagéré la fixité de l’instinct ; lui aussi, en une mesure très notable, il participe de l’intelligence consciente. […] Mais, ici, la loi des forces est telle que, répulsives dans les très petites distances, et d’autant plus que ces distances sont moindres, elles se changent progressivement en forces attractives à mesure que ces distances sont augmentées. […] L’intervalle qui les sépare peut augmenter ou diminuer à l’infini, mais sans disparaître entièrement ; à mesure qu’il diminue, la répulsion s’accroît ; à mesure qu’il augmente, elle s’affaiblit et l’attraction tend à rapprocher les molécules. […] Il y a pourtant une beauté dans de tels aphorismes, c’est qu’ils grandissent, à mesure que grandissent nos connaissances. […] A mesure que l’on en suit l’itinéraire, les paysages se lèvent et parlent.
Quand il eut des doutes sur la religion, il sut les renfermer dans cette juste mesure de réserve et de critique qui distingue l’Histoire des oracles. […] On y trouve de loin en loin certains retours, certaines restrictions, et quelques instants de mesure et de réserve. […] Peut-être aucun auteur jusqu’alors n’avait-il manqué à un tel point de raison dans les idées, et de mesure dans la manière de les exprimer. […] Jadis, un auteur était un homme que son génie et les circonstances portaient à exprimer ses pensées réelles, avec plus de force que le vulgaire ; de cette sorte, le langage avait moins d’apprêt, et les opinions plus de mesure. […] Le plaisir de communiquer ses idées à mesure qu’elles naissent, de leur donner plus de rapidité, et de jouir plus vite et plus complètement de leur effet, avait propagé ce mode de communication.
Rien ne se guérit dans mon triste cœur : mais aussi rien n’y sèche, et tout est vivant de mes larmes. » Cette dernière sœur elle-même mourait ; la mesure des deuils était comblée, et il y eut des moments où, dans sa plénitude d’amertume, l’humble cœur sans murmure ne put s’empêcher toutefois d’élever des questions sur la Providence, comme Job, et de se demander le pourquoi de tant de douleurs et d’afflictions réunies en une seule destinée : « (30 janvier 1855)… J’ai depuis bien longtemps la stricte mesure de mon impuissance ; mais tu comprends qu’elle se fait sentir par secousses terribles quand je sonde l’abîme de tout ce qui m’est allié par le cœur et par la détresse.
Lebrun, dans Marie Stuart, était bien d’avoir, le premier, sous la Restauration, détendu les vieux ressorts tragiques, mais dans une mesure qui dut être surtout sensible alors. […] Eh bien, lui, ayant déjà assez avant l’empreinte de l’époque antérieure, il ne s’y est pas immobilisé ; mais, prenant la chose dramatique au point juste où elle était, il l’a poussée du premier jour à l’innovation dans une mesure habile, heureuse, applaudie.
C’est là, nous dit Brunck, qu’on aurait retrouvé en entier ces idylles ou petites pièces des plus inventifs et des plus accomplis poëtes, l’admiration et les délices de toute l’antiquité, de ceux dont nous sommes accoutumés à vénérer les noms, et dont il ne nous est arrivé que de rares débris encore plus faits pour enflammer nos regrets que pour nous donner la mesure des pertes. […] Buvant la tendre rosée de l’Aurore qui fait germer, les prairies s’égayent, à mesure que s’ouvre la rose.
On n’a donc pas craint, à mesure qu’on avançait dans les siècles plus à découvert, d’assembler un nombre plus grand d’explorateurs et d’amateurs. […] Je crois qu’un Malherbe était nécessaire, quoique Régnier s’en soit très-bien passé ; je crois qu’il était urgent qu’un nouveau chef d’école redonnât un coup d’archet décisif, et marquât sévèrement la mesure.
Au septième mois, il commence à dépasser ce procédé primitif, à diriger un peu ses mains d’après son regard, à les relever graduellement vers l’objet, à saisir, après quelques tâtonnements, une fleur, un hochet, une petite cuiller : alors il les garde longtemps, avec attention, comme pour étudier leur poids, leur forme, leur consistance et les diverses apparences optiques qu’ils présentent à mesure qu’ils remuent dans sa main vacillante. […] La lime est « celle qui mesure », le soleil est « celui qui enfante », la terre est « celle qu’on laboure ».
Guizot, il avait cet esprit de mesure et cet amour de la clarté, qui écartent les inquiétudes troublantes et les trop hautes questions : il était à l’aise dans la sphère des choses finies, matérielles et tangibles, des intérêts et des faits. […] Il essayait, plus modérément que Lamennais, et serrant toujours plus étroitement les liens qui l’unissaient au Saint-Siège à mesure qu’il effarouchait davantage le clergé français, il essayait de montrer que la solution chrétienne de tous les grands problèmes était libérale et démocratique.
Il n’a presque point de tendresse ; il a rarement la mesure, le bon sens, la vision nette de la vérité humaine. […] Soyons équitables et doux pour tous les hommes de génie, et ne leur appliquons pas une mesure plus sévère qu’à nous-mêmes.
Je note quelques-unes de leurs apparitions, à mesure que je les rencontre dans la correspondance de Marceline. « On frappe… C’est Dumas lui-même, avec Charpentier ; Dumas, grand comme Achille, bon comme le pain, et qui se baisse en deux pour arriver à me baiser la main… Il est parfait, il a couru de suite à la maison du roi de toutes ses immenses jambes, mais il est rentré désolé. […] … Je t’avoue que j’ai quelquefois peur de toucher à de certaines pages de Victor Hugo. » Cette femme manquait délicieusement de mesure et d’esprit critique.
Soumis pour une part aux suggestions de la publicité, de l’autre captivés outre mesure par la personnalité des acteurs, ils témoignent un éclectisme qui donne fort à penser sur leur discernement. […] Encore Diderot qui, plus que nos modernes, possédait le sens et la mesure des choses, disait-il que « le grand comédien est un pantin merveilleux dont le poète tient la ficelle » ; tandis que, s’il vivait de nos jours, il lui faudrait penser que c’est, maintenant, dans beaucoup de cas, tout le contraire qui arrive, le comédien tenant le plus souvent la ficelle du poète.
Voyez Monime : combien elle garde de mesure avec Mithridate, lors même qu’elle refuse absolument de s’unir à lui, et qu’elle s’expose à la vengeance d’un homme qui n’a jamais su pardonner ! […] Pour en voir tous les effets, c’est au théâtre qu’il faut se transporter ; c’est là qu’il faut voir les tendres pleurs d’Iphigénie, les larmes jalouses d’éryphile, et les combats d’Agamemnon ; c’est là qu’il faut entendre les cris si douloureux et si déchirans des entrailles maternelles de Clytemnestre ; c’est là qu’il faut contempler d’un côté le roi des rois ; de l’autre Achille, ces deux grandeurs en présence, prêtes à se heurter, le fer prêt à étinceler dans les mains du guerrier, et la majesté royale sur le front du souverain : et quand vous aurez vu la foule immobile et en silence, attentive à ce grand spectacle, suspendue à tous les ressorts que l’art fait mouvoir sur la scène ; quand vous aurez entendu de ce silence universel sortir tout à coup les sanglots de l’attendrissement, ou les cris de la terreur ; alors, si vous vous méfiez des surprises faites à vos sens et à votre ame par le prestige de l’optique théâtrale, revenez à vous-même dans la solitude du cabinet ; interrogez votre raison et votre goût, demandez-leur s’ils peuvent appeler des impressions que vous avez éprouvées, si la réflexion condamne ce qui a ému votre imagination, si retournant au même spectacle vous y porteriez des objections et des scrupules ; et vous verrez que tout ce que vous avez senti n’était pas de ces illusions passagères qu’un talent médiocre peut produire avec une situation heureuse et la pantomime des acteurs, mais un effet nécessaire et infaillible, fondé sur une étude réfléchie de la nature et du coeur humain ; effet qui doit être à jamais le même, et qui loin de s’affaiblir augmentera dans vous à mesure que vous le considérerez de plus près.
Cette opinion, qui n’est point une simple conjecture, mais une induction tirée du développement de l’histoire, est qu’à mesure que le nombre des lecteurs augmente, à mesure que le livre imprimé, en se répandant, convertit les auditeurs impressionnables, passionnables, en lecteurs méditatifs et réfléchis, la poésie doit concentrer son essence et restreindre son développement.
Cependant l’expression de romantique, surtout à mesure que s’est prononcé le triomphe des idées et des œuvres modernes, et que ce qui avait paru romantique la veille (c’est-à-dire un peu extraordinaire) ne le paraissait déjà plus, s’est particulièrement concentrée sur une notable portion de la légion poétique la plus riche en couleur, la plus pittoresque, la plus militante aussi, et qui, après avoir conquis bien des points qu’on ne lui dispute plus, a continué d’en réclamer d’autres qui ont été contestés ; je veux parler de l’importante division de l’école romantique qui se rattachait à l’étendard de Victor Hugo.
On avait essayé dans le temps de recueillir toutes les lettres de la mère Agnès comme on avait fait pour celles de sa sœur publiées en 1742-1744 ; mais l’entreprise était restée en chemin, soit qu’on n’eût pas réussi à réunir tout ce qu’on espérait, soit que le public qui s’intéressait à ce genre d’ouvrages eût fort diminué à mesure qu’on avançait dans le xviiie siècle. « Il y a lieu surtout d’être étonné, remarquait dom Clémencet au sujet de ces mêmes lettres, que nous en ayons si peu de celles qu’elle a écrites à la reine de Pologne, avec laquelle les mémoires de Port-Royal nous apprennent que la mère Agnès continua la relation qu’avait eue la mère Angélique durant les sept années que cette reine survécut. » C’est qu’on avait eu, dès le principe, moins de précautions dans un cas que dans l’autre pour s’assurer de ne rien perdre.
L’esprit public est choqué, à tout instant, par des mesures dont ceux même qui les ont prises n’ont point calculé ni soupçonné l’effet.
La juste mesure et la proportion dans un portrait sont la première loi de la ressemblance.
L’auteur en commençant, et n’étant pas encore sûr de son effet, a voulu faire, on le sent, un déploiement inaccoutumé ; plus tard, à mesure qu’il avançait, sentant que les vraies beautés ne lui manquaient pas, il a osé être simple.
Après lui avoir donc proposé les choses d’en haut comme les seules qui méritent d’être désirées, il ajoute : « C’est un sentiment dont vous devez être rempli dans tous les temps, mais particulièrement quand nous sommes plus près de ressentir le bonheur qu’il y a de les avoir aimées. » Est-il une manière plus douce et plus insinuante de dire : à mesure que nous sommes plus près de la mort ?
Je ne me chargerais certainement pas de l’exécuter ni même d’en fixer la mesure.
On veut récompenser, en Angleterre, les services d’un bon citoyen, mais on n’y a point de penchant pour cet enthousiasme sans mesure qui était dans les institutions, les habitudes et le caractère des Français.
Il y a un mois, en Flandre, surtout en Hollande, ce n’étaient que grands traits mal agencés, osseux, trop saillants ; à mesure qu’on avançait vers les marécages, le corps devenait plus lymphatique, le teint plus pâle, l’oeil plus vitreux, plus engorgé dans la chair blafarde.
Quand l’homme se resserre à sa juste mesure, Un coin d’ombre pour lui, c’est toute la nature ; L’orateur du Forum, le poète badin, Horace et Cicéron, qu’aimaient-ils ?
Le Chevalier, qui n’a cherché pendant toute sa vie d’autre illustration que l’estime, et d’autre récompense que l’utilité, l’utilité souvent ingrate, mais qui finit toujours par être appréciée à la mesure de ses services.
Tout est relatif en ce monde : et ces injures sont bien petites, si on les mesure au ton des polémiques littéraires de ce temps-là, quand Chimène était qualifié d’impudique et de parricide, et que d’Aubignac et Ménage s’apostrophaient comme des cochers parce que l’un faisait durer quelques heures de plus que l’autre une comédie de Térence.
Si bien que cette société, la plus intelligente, la plus sceptique, la plus raisonnable qui ait jamais été, finit dans les mélancolies sans cause et les espoirs sans mesure, dans les vagues attendrissements et les transports effrénés : elle ne croit plus au merveilleux de la religion ; mais Cagliostro la séduit, et elle court au baquet de Mesmer.
Dans André Chénier, le rythme est libre et délié : la pensée se déroule à travers les alexandrins et les octosyllabes, sans autre loi ni mesure que leur régulière alternance.
La fantaisie y dépassait toute mesure.
Ils sont naturellement égoïstes et tout naturellement aussi le frein volontaire, le pouvoir de self-control, dans la mesure où ils le possèdent, est mis par eux au service de leurs désirs ambitieux.
Si quelque chose pouvait inspirer des doutes au penseur sur l’avenir de la raison, ce serait sans doute l’absence de la grande originalité et le peu d’initiative que semble révéler l’esprit humain, à mesure qu’il s’enfonce dans les voies de la réflexion.
À mesure que les grandes idées d’Israël mûrissaient, le sacerdoce s’abaissait.
D’abord qu’on me montre l’orateur ou l’écrivain qui ait rempli sa mesure, qui ait conscience d’avoir dit tout ce qu’il aurait voulu et pu dire, qui n’ait jamais senti trembler au bout de sa plume ou au bord de ses lèvres une pensée restée inexprimée.
Perversion des sens, recherche de l’horrible, propension à se délecter dans les corruptions et les déliquescences de la langue et des mœurs, tout cela relève en une certaine mesure de la pathologie, et les médecins-philosophes ont dans ces phénomènes morbides un sujet de curieuses études.
Pour tout ce qui touche à cette théorie, j’ai suivi en une large mesure la route qu’il a indiquée et qui me paraît la plus heureuse qui ait encore été faite sur ce sujet, dans ce pays. » L’influence des travaux allemands se remarque de même dans le recueil d’essais récemment publiés par M.
N’en mesure-t-on point la valeur et l’importance ?
Là où il me paraît tout à fait à l’aise et dans le milieu qui lui est propre, sans effort, avec une bonne grâce et une mesure de ton tout à fait naturelle, c’est quand il parle de la comédie, surtout de la comédie moyenne.
Mais elle les analyse non pour déterminer dans quelle mesure ces manifestations atteignent cette beauté, mais pour connaître la façon dont elles la réalisent, dont, elles sont originales, individuelles, telles enfin qu’on puisse en extraire un ensemble de particularités esthétiques permettant de conclure à l’existence, chez leurs auteurs et ses similaires, d’une série parallèle de particularités psychologiques.
Or, non-seulement nous admirons autant l’éneïde quand nous sommes des hommes faits, que nous l’admirions durant l’enfance, et quand l’autorité de ceux qui nous enseignoient pouvoit en imposer à une raison qui n’étoit pas encore formée ; mais notre admiration pour ce poëte va en augmentant à mesure que notre goût se perfectionne et que nos lumieres s’étendent.
Nous ne pouvons pas plus choisir la forme de nos maisons que celle de nos vêtements ; du moins, l’une est obligatoire dans la même mesure que l’autre.
Il faut donc, à mesure qu’il se complète et qu’il s’éclaire, tenir compte sans cesse, pour comprendre ce qu’on en lit aujourd’hui, de ce qu’on en a lu hier, et pour mieux comprendre ce qu’on en a lu hier, de ce qu’on en lit aujourd’hui.
« On mesure les tours parleur ombre, et les grands hommes par leurs envieux.
» Insolence qui vous donne la mesure de l’intellectualité de cette tête, que Cousin aurait appelée une caboche.
et ne prit jamais la mesure du grand Balzac, qui passa devant lui éclairé à mi-corps de cette lumière dont il resplendit, à présent, tout entier !
C’est ce grand et mystérieux Inconnu de la Papauté qu’il a voulu nous faire connaître, en écrivant l’histoire de son passé pour en inférer l’avenir de son règne… Léon XIII, ce lion de Juda, — comme il s’est nommé lui-même dans une circonstance que Teste a racontée dans son livre, — Léon XIII, ce lion de Juda, qui ne rugit pas, mais qui attend l’heure de son rugissement, est d’une date trop récente pour avoir donné sa mesure, mais s’il est de taille avec les besoins de son siècle, il sera bien grand !
Excepté d’avoir grandi outre mesure la figure, imposante d’ailleurs, d’Isabelle la Catholique, il n’y a pas de reproche à faire à cette plume qui sait se contenir.
Évidemment il ne se méprend ni sur la gravité des événements ni sur la valeur des hommes, mais il ne mesure pas plus l’influence des uns qu’il ne caractérise l’individualité des autres.
Mais c’est ici que je me sens un peu embarrassé, je l’avoue… Goethe, cet homme dont on a fait le plus grand poète et le plus grand inventeur de notre temps, ne m’a jamais, à moi, paru si grand que cela, et j’ai dit ailleurs24 la mesure exacte dans laquelle je reconnais son génie et admets sa sincérité… Or, c’est au milieu de ce travail que le livre de Paul de Saint-Victor m’est tombé sur la tête comme une tuile.
M. l’abbé Mitraud est un de ces esprits qui croient au développement futur ou possible sur la terre d’une justice et d’une liberté absolues, et qui commencent par oublier les conditions de la nature de l’homme et les idées qu’il faut avoir de la liberté et de la justice, car la liberté a ses trois limites de nombre, de mesure et de poids qu’aucune théorie ne saurait briser, et la Justice a son glaive à côté de sa balance, le glaive qui, par la rigueur du retranchement, rétablit l’égalité des proportions !
On ne peut pas dire qu’il ait déchiré d’un seul coup cette nuée impatientante, ce je ne sais quoi d’importun et d’opaque qui sépare parfois, pendant si longtemps, les plus grands talents de la gloire ; car son nom se dégageait déjà de l’obscurité et montait, sans lutte, dans la lumière, à mesure que les chapitres de son livre, imprimés d’abord dans une Revue, passaient sous les yeux du public.
Un autre, fendant la terre couverte d’arbres, est asservi pour l’année au maître des charrues recourbées ; un autre, avec l’art de Minerve et de l’inventif Vulcain, de ses deux mains durcies au travail, gagne sa vie ; un autre, instruit par les dons des muses olympiennes, sait la juste mesure de l’aimable sagesse.
Infiniment de tact et de mesure dans tous les développements de cette scène écrite comme de la pointe d’une aiguille sur le pétale de la fleur la plus fine. […] Hermant, autant de discrétion et de mesure dans un récit plein de dangers pour un écrivain inexpérimenté. […] D’autres s’écartent, plus fréquemment à mesure que le convoi entre plus avant dans les quartiers où séjournent les misérables. […] Le même général, d’une instruction fort rudimentaire, ne pouvait comprendre pourquoi un officier du génie, qui savait mesurer des montagnes éloignées de plus d’une lieue ne pouvait lui prendre mesure d’une paire de bottes à lui « qu’il avait là sous la main ! […] Cette haine se mesure au degré de républicanisme.
Nous verrons dans quelle mesure. […] Puis nous nous demanderons comment on peut s’assimiler les styles ; quels sont ces styles ; ce qu’on y doit prendre, et dans quelle mesure on se les assimilera. […] Je crains certes que la déesse ne m’ait parlé en toute vérité, quand elle m’a dit que, sur mer, avant d’arriver à la terre natale, je remplirais la mesure des maux : voilà maintenant que tout cela s’accomplit. […] Ils se sont portés les uns sur les autres par un cercle sans fin, étant certains qu’à mesure que les hommes ont de la lumière, ils trouvent et grandeur et misère en l’homme. […] Nous nous inquiétons plus de notre vie à mesure qu’elle perd de son prix.
Mais la Révolution s’est acharnée à en dissoudre les éléments, par vingt mesures : la diminution de l’autorité paternelle, le divorce, l’égalité des héritages. […] On m’imprime à mesure… Et ça m’ennuie ! […] Il ne pensait à l’argent que dans la mesure de ses besoins et surtout des besoins de ceux qui l’entouraient. […] Sachant ce que nous savons, cette incertitude grandit à mesure que les pages de protestation succèdent aux pages. […] La parfaite mesure préside à ces demi-confessions qui révèlent une sensibilité surveillée, une intelligence avertie, une bonne humeur contenue.
Perrault lui-même participait en quelque mesure de cet esprit alors en vigueur. […] « Ce sceptique croyait à l’amour. » Sans doute, comme à un phénomène constaté, dans la mesure de l’expérience et sans hypothèse transcendantale. […] Mais, quelques défauts qu’on lui trouve, une de ses qualités est incontestablement la mesure, la modération. […] Il s’en était tenu aux mesures les plus sages… », etc. […] Ce qu’il faut aimer avant tout, c’est le vrai, le beau et le bien, et chaque homme ensuite dans la mesure où il y participe.
Mais, chose étrange, il semblait que la charité publique diminuât à mesure qu’il en avait plus besoin. […] La femme s’abandonnait, devenait plus lourde à mesure. […] Son immensité verdâtre se fonçait jusqu’au violet à mesure que le jour tombant assombrissait l’azur froid du ciel. […] À mesure qu’il descendait dans les zones couleur de plomb qui avoisinaient la mer, il devenait jaune, et son cercle se dessinait plus net, plus réel. […] On nous parle de la civilisation comme d’une œuvre admirable, toujours croissante, et qui mérite que chacun y collabore dans la mesure de ses forces.
Mais le public des journaux a la grande habitude de la hâte des informations du reportage et ne souffre pas outre mesure de leur insuffisance. […] … Je garde l’alexandrin, seul logique, admirable par son jeu de nombres premiers 2 et 3, qui, multipliés, donnent des mesures eurythmiques, et additionnés, des mesures dissonantes. […] Voici le premier point : la mesure du vers. […] Qu’on change, qu’on transforme à l’infini la mesure du vers, soit ! […] Mais non seulement ils brisent, fâcheusement à mon avis, la cadence du vers en l’allongeant outre mesure, mais ils traitent la rime avec une coupable légèreté.
Cette forme « antérieure à la pensée », on pourrait la comparer à ces costumes « tout faits » qui ne vont jamais aussi bien que les vêtements « sur mesure ». […] Tout au plus pourrait-on dire qu’en insistant sur la valeur expressive du son même des mots, et non seulement de la mesure, il favorisait les tendances nouvelles de la poésie, de jour en jour plus musicale. […] En dépit des assonances, des césures faussées et des rejets paradoxaux, l’effet qu’ils produisent encore résulte précisément de la rupture amusante, ingénieuse, de la mesure habituelle. […] On dirait que les images, à mesure qu’elles vieillissent, s’écartent de l’Inconscient auquel d’abord elles ont adhéré presque et que, se flétrissant ensuite, elles tombent comme des feuilles mortes. […] Ce sentiment de la mesure, Laforgue l’eut éminemment.
quelle suite dans ses mesures ! […] Ses grâces enfantines et son esprit naturel avaient d’abord excité l’intérêt de celui-ci ; mais à mesure que les attraits d’Armande se développèrent, les sentiments de Molière changèrent de nature, et ce qui n’était d’abord qu’une touchante bienveillance et une amitié protectrice acquit bientôt le caractère de l’amour. […] Il les avait composés non pas de suite, mais selon les divers sujets tirés des livres de ce poète, lesquels lui avaient plu davantage, et les avait faits de diverses mesures. […] Ce morceau curieux, en même temps qu’il constate cette conversion littéraire, donne aussi la mesure du goût du parterre, qui n’était pas fait encore à des beautés aussi franches. […] C’est sans aucun doute à l’imprudente audace d’une nouvelle attaque que l’on doit attribuer la cessation de cette rigoureuse mesure.
Les nuances se confondent et s’évanouissent à mesure qu’on s’éloigne. […] Dans cette mesure, nous le possédons au complet, ce me semble. […] L’auteur se trouvait placé dans une perplexité piquante : d’un côté, tous ses talents secrets et son culte le plus cher, la philosophie, résumés dans une œuvre étendue, attachante, et où il donnait enfin son entière mesure ; de l’autre, sa philosophie encore, mais toute nue et appliquée dans sa mâle austérité à une investigation difficile.
Pleins d’expérience, ils discouraient ensemble, semblables à des cigales qui, sur la cime d’un arbre, font résonner la forêt de leur mélodieuse voix. » La belle Hélène, sortie de son palais pour contempler le combat, affligée des malheurs qu’elle cause, compatit aux peines de Priam, s’agenouille devant lui et lui nomme un à un les principaux chefs des Grecs, à mesure qu’ils défilent sous ses yeux dans la plaine. […] Leur entretien est plein de déférence dans la bouche de Pâris, plus léger que pervers, plein d’indulgence et de mesure dans la bouche d’Hector, aussi politique que brave, et qui cherche non à humilier, mais à relever le cœur de son frère. […] Monument d’un autre âge et d’une autre nature, Homme, l’homme n’a plus le mot qui te mesure !
Et je l’ai aimé davantage, à mesure que j’ai compris quelle rare et forte et originale espèce de chrétien il avait été. […] Les autres étaient si entêtés du régime parlementaire, qu’ils le voulaient même dans l’Église ; préoccupés d’ailleurs de « garder une mesure », de demeurer des « hommes d’aujourd’hui » jusque dans leur croyance. […] Il a penché pour la monarchie, traditionnelle ou non, dans le temps et dans la mesure où cette forme de gouvernement lui a paru plus favorable aux intérêts de la religion.
La philosophie chrétienne, le christianisme français, la mesure de perfection possible à l’homme, tout cela peut intéresser ceux même que ne touche point le dogme. […] Bossuet s’était occupé, lui aussi, des matières politiques ; mais on sait avec quelle admirable mesure. […] Quant à ces excès de table et ces exercices physiques sans mesure, après la tristesse des retours sur lui-même et l’abus de la solitude, qu’est-ce qui ressemble plus à cet état glissant du quiétisme, où, au sortir des extases de l’amour pur, le corps s’abandonne à tous ses appétits ?
L’encre Un correspondant de l’Intermédiaire demande la fondation d’une ligue nouvelle, la Ligue de la bonne Encre, une ligue terriblement réactionnaire qui voudrait faire revivre la coutume des encres faites à mesure d’après des formules surannées, mais efficaces. « L’encre, dit le promoteur de cette ligue, se faisait, il y a encore un demi-siècle, avec de la noix de galle, suivant une tradition de l’antiquité classique conservée et transmise par les monastères. » Hélas ! […] À mesure qu’elle s’égrène, celles qui la remplacent cherchent ce qui faisait l’attrait du survivant et ne le trouvent pas. […] Rien de plus gentil et qui mérite mieux d’être fréquenté par les jeunes filles et qui peut-être soit mieux à leur mesure, mais rien qui déconsidère plus sûrement le vieux mot d’Université, jadis si grave et si riche.
Si, par bonheur, il est doué d’un sens droit, la mesure sera gardée ; mais il en est beaucoup que leur imagination déborde, et alors ils ont plus d’un rapport avec les romantiques tant décriés par eux. […] Les uns et les autres, romantiques et réalistes, dans leur élan, peuvent perdre pied ; tous, dans une même mesure, sont idéalistes, quoiqu’ils aillent en sens contraires : idéaliser, c’est isoler et grandir une tendance existante pour la faire prédominer : tel est le but par eux tous poursuivi. […] Mais le sentiment patriotique a changé de mesure, le mot nation est trop vaste, trop vague peut-être pour tenir en un poème.
Mais, par des mesures prises sur des Chiens adultes et sur des petits de six jours, je constatai que ces derniers étaient loin d’avoir acquis toutes leurs différences proportionnelles. […] Mais, d’après des mesures soigneusement prises sur deux juments appartenant l’une à la race des Chevaux de course, et l’autre à une pesante race de Chevaux de trait, et sur leurs deux poulains, âgés l’un et l’autre de trois jours, j’ai reconnu que ces derniers étaient bien loin de présenter les mêmes différences proportionnelles. […] J’ai mesuré avec soin les proportions de leur bec et de son ouverture, la longueur des narines et des paupières, la grandeur des pieds et la longueur des pattes ; et j’ai comparé toutes ces mesures chez des individus de souche sauvage, chez des Grosses-Gorges, des Paons, des Romains, des Barbes, des Dragons, des Messagers et des Culbutants.
De plus en plus, les hommes se ressemblent comme des frères, à mesure que d’ailleurs ils s’aiment de moins en moins les uns les autres. […] Il n’adoptait pas les nouveautés ; il ne protestait pas contre elles : et, quatre siècles de poésie française lui battant la mesure, il chantait son amour. […] En outre, la philosophie d’Horace commande la mesure ; il blâme une sagesse morose ou renfrognée ; quand il proteste contre l’excessive gravité de Torquatus et le chagrin de Tibulle, il demeure fidèle à ses principes. […] Et nous flânerons, quelquefois, comme des gens qui n’ont point à se presser outre mesure, et non comme des gens fatigués. […] Ce roman « à idées » est, dans la mesure que j’indiquais, démonstratif.
À cette régression violente, il était nécessaire que s’opposât directement, pied à pied, une action non moins formelle, et c’est pourquoi les doctrines qui se formèrent afin de le combattre, prirent sa mesure, et des armes semblables à celles dont il se servait. […] Une telle influence ne se mesure pas, mais il n’est pas niable qu’elle naisse et dure — et nous osons même affirmer que l’influence de la Littérature, de tout ce qui est parole de vérité ou représentation de la vérité, est la seule qui engendre le progrès humain. […] Mais il s’agit précisément de savoir si ces causes circonstancielles, historiques, sociales, étaient bien celles qui devaient engendrer la Littérature la plus favorable aux hommes, la faire à leur mesure. […] Alors, il pourra donner toute sa mesure, et mettre en œuvre, mieux que jamais, les ressources dont il tire sa supériorité.
L’ordre, la mesure, l’éloquence, la finesse aristocratique, la politesse mondaine, la peinture exquise de la délicatesse et de la vertu, tous les traits de Racine se conviennent. […] Il élève au premier rang « l’admirable Boileau, dont les expressions sont nobles, le rhythme excellent, les pensées justes, le langage pur, dont la satire est perçante et dont les idées sont serrées, qui, lorsqu’il emprunte aux anciens, les paye avec usure de son propre fonds, en monnaie aussi bonne et de cours presque universel748. » Il a la roideur des poëtes logiciens, trop réguliers et raisonnables, blâmant l’Arioste, « qui n’a su ni faire un plan proportionné, ni garder quelque unité d’action, ou quelque limite de temps, ou quelque mesure dans son énorme fable, dont le style est exubérant, sans majesté ni décence, et dont les aventures sortent des bornes du naturel et du possible749. » Il ne comprend pas mieux la finesse que la fantaisie. […] Ils ont donné pour règle à leur style la pureté ; la vigueur virile est celle du nôtre751. » Deux ou trois mots pareils peignent un homme ; Dryden vient de marquer sans le savoir la mesure et la qualité de son esprit. […] La mesure et la rime transforment les jugements en sentences.
. — « J’avais, dit encore Adolphe, j’avais contracté, dans mes conversations avec la femme qui, la première, avait développé mes idées, une insurmontable aversion pour toutes les maximes communes et pour toutes les formules dogmatiques. » On va voir, en effet, que les maximes communes n’étaient guère d’usage entre eux, et ce sont justement ces conversations inépuisables, ces excès même d’analyse, que nous sommes presque en mesure de ressaisir au complet et de prendre sur le fait aujourd’hui. […] Je n’ai encore écrit que deux lettres ; mais, comme j’écris sans style, sans manière, sans mesure et sans travail, j’écris à trait de plume… » « À dix-huit milles de Patterdale, Ambleside, le 31. […] On lit dans une lettre de Mme de Charrière d’une date postérieure quelques détails singuliers sur cette composition primitive : « Après mon retour de Paris, dit-elle, fâchée contre la princesse d’Orange, j’écrivis la première feuille des Observations et Conjectures politiques, puis vinrent les autres ; j’exigeais de l’imprimeur qu’il les envoyât, l’une après l’autre, à mesure qu’il les imprimait, à M. de Salgas, à M. […] Il y a précisément quinze jours, madame, qu’à cette heure-ci, à dix heures et dix minutes, nous étions assis près du feu, dans la cuisine, Rose derrière nous, qui se levait de temps en temps pour mettre sur le feu de petits morceaux de bois qu’elle cassait à mesure, et nous parlions de l’affinité qu’il y a entre l’esprit et la folie. […] Les premières mesures vont bien, mais je ne sais par quelle magie les airs si lents finissent toujours par devenir des prestissimo.
Mais laissons la parole à André Breton : Parler de Dieu, penser à Dieu, c’est à tous égards, donner sa mesure. […] Mais que le monsieur bien élevé du XXe, digne héritier de l’honnête homme du XVIIe, se lèche, pourlèche les babines, il n’en garde pas moins sa mesure, même aux instants de délectation suprême, car il y a l’harmonie française et sa sœur siamoise, l’éloquence française, et leur cousin, l’humour anglais et encore le charme slave, leur ancien béguin et le mensonge allemand, leur ennemi héréditaire. […] Revenu au pays natal, Oreste n’a-t-il point posé son pied dans une empreinte, juste à sa mesure ? […] Il est le kilo d’un système de mesures dont l’unité fondamentale est une verge, sa propre verge en état d’érection. […] Ce n’est pas l’humanité et la nature qui se modèlent sur ces principes, mais les principes ne sont vrais que dans la mesure où ils concordent avec la nature et l’histoire.
En effet, il avait vu le merveilleux chef d’orchestre qui, depuis cinquante ans, menait le bal tourbillonnant des idées graves ou court-vêtues, et qui, toujours en scène, toujours en tête, conducteur reconnu de la conversation universelle, fournissait les motifs, donnait le ton, marquait la mesure, imprimait l’élan et lançait le premier coup d’archet. […] Messieurs seraient très fâchés de priver leurs bibliothèques d’un exemplaire de chacun de ces ouvrages qui leur revient de droit, et le greffier y supplée par quelques malheureux rôles de chicane dont la provision ne lui manque pas510. » Mais, à mesure que le siècle avance, l’incrédulité, moins bruyante, devient plus ferme.
Les citoyens égaux, les prêtres libres, les religions volontaires, les cultes salariés par eux-mêmes et dans la mesure de la foi qu’ils admettront, les concordats abolis, Dieu hors la loi parce qu’il est au-dessus de toute loi, tels étaient et tels sont les dogmes que la révolution française s’est donné mission d’établir en faits. […] C’était le lit de Procuste sur lequel une femme plébéienne de naissance, aristocrate de société, protestante de religion, couchait le géant révolutionnaire du dix-huitième siècle pour l’y rapetisser à la mesure de la féodalité et du puritanisme anglais du seizième siècle.
À mesure qu’il avançait dans la vie, le grand idéalisme qui l’avait toujours rempli s’élargissait, s’épurait. […] Il est de la race, désormais éteinte sans doute, des génies universels, de ceux qui n’ont point de mesure, parce qu’ils voient tout plus grand que nature ; de ceux qui, se dégageant de haute lutte et par bonds des entraves communes, embrassent de jour en jour une plus large sphère par le débordement de leurs qualités natives et de leurs défauts non moins extraordinaires ; de ceux qui cessent parfois d’être aisément compréhensibles, parce que l’envolée de leur imagination les emporte jusqu’à l’inconnaissable, et qu’ils sont possédés par elle plus qu’ils ne la possèdent et ne la dirigent ; parce que leur âme contient une part de toutes les âmes ; parce que les choses, enfin, n’existent et ne valent que par le cerveau qui les conçoit et par les yeux qui les contemplent.
À mesure que les générations se succèdent, le changement s’élargit. […] Il est entendu que le mérite se mesure à la difficulté et à la tentation.
Mais il est certain que, vers 1640, l’éducation du clergé n’était pas au niveau de l’esprit de règle et de mesure qui devenait de plus en plus la loi du siècle. […] En règle avec la loi, grâce aux sages mesures prises par M.
On a déjà pris des mesures pour arrêter un brigandage** si criant ; mais, comme le Public pourroit être induit en erreur par quelques exemplaires distribués furtivement, je crois devoir l’avertir qu’il y a actuellement sous presse deux Editions de mon Ouvrage, les seules que j’avoue : l’une est en trois volumes in-8°. l’autre en quatre volumes in-12. […] Personne ne conteste qu'il n'ait eu de grands talens : il en falloit assurément pour opérer la révolution qu'il a faite dans nos idées & dans nos mœurs, & je ne l'ai point dissimulé dans les Trois Siecles ; mais les Esprits justes & vraiment connoisseurs, conviendront sans peine qu'il est loin de justifier les éloges & les honneurs qu'on lui a prodigués sans mesure.
Eh bien, je l’avoue, ce livre de MM. de Goncourt, qui est la première marche supérieure de l’escalier menant et descendant à des livres comme ceux de Zola, m’a paru, en comparaison des livres de Zola, une composition d’une mesure, d’un gouverné, d’un équilibre, d’un fini et d’un style qui est, selon moi, le dernier pas qu’on puisse faire — sans tomber — du côté où les romanciers de l’heure présente, les littérateurs progressifs, tendent à se précipiter ! […] C’est une jeune fille comme il peut y en avoir dans tous les mondes, mal élevée comme on peut l’être dans tous les mondes, et dont on oublie, et qui oublie elle-même, son mauvais ton, à mesure que la vie la prend, la vie telle qu’elle est faite, sérieuse et quelquefois tragique… Il n’y a pas, à proprement parler, de bourgeois et de bourgeoisie là-dedans.
Elle a pour mesure non la puissance de l’effort, mais la force d’attraction qui emporte vers le bien. […] C’est ce qui fait que nulle théologie ne s’entend bien à la justice, cette chose morale qui a pour mesure propre le degré de mérite proportionnel à l’effort de volonté.
Notez que, sans nommer l’auteur de ces vers, je me garderais bien de faire l’allusion même la plus lointaine à son poème rejeté et enseveli, si lui-même, par son procédé, n’avait depuis lors rompu toute mesure et ne nous avait dégagés du secret, en s’attaquant d’une manière inqualifiable (et de quoi n’est pas capable un poète piqué ?)
Ainsi, quand je partis, tout trembla dans cette âme ; Le rayon s’éteignit ; et sa mourante flamme Remonta dans le ciel pour n’en plus revenir… Ce sentiment qui se trahit dans le détail et qui respire dans tout l’ensemble, c’est une singulière complaisance du poète à décrire le mal qu’il a causé, et cette complaisance, à mesure qu’on avance dans la lecture, l’emporte visiblement sur la douleur, sur le regret, au point de choquer même la convenance.
Tout ce qu’on vous dira à la place de ceci ne sera que des propos de pruderie non calqués sur le cœur humain, et personne ne tient son cœur dans sa main, et ne le resserre ou le relâche à poing fermé ou ouvert à volonté. » On ne peut mieux indiquer, par cette digression même presque involontaire et où la femme revient et se trahit, que, tout en cédant volontiers de son côté à la tentation et à l’attrait, elle se prévalait aussi à son tour de cet attrait et de cet ascendant aimable, de sa séduction irrésistible et de sa certitude de plaire, pour se faire, à la Cour et dans tous les rangs, nombre d’amis dévoués, inféodés, résolue à tout pour la servir, et qui, le jour et le moment venus, la firent ce que de tout temps elle avait rêvé d’être, afin de pouvoir ensuite donner sa mesure au monde et marquer son rang dans l’histoire.
Je les aime comme vous ; mais, à mesure qu’on vieillit, la nature descend et les âmes montent ; et l’on sent la beauté de ce mot de Vauvenargues : « Tôt ou tard on ne jouit que des âmes 83. » C’est pourquoi on peut toujours aimer et être aimé.
Le Play provoquait également, dans les conclusions de son premier ouvrage, la formation d’une Société internationale, ayant pour objet d’observer et de décrire à son exemple dans tous les pays du monde les faits sociaux, et particulièrement ceux qui intéressent les diverses classes et familles d’ouvriers, cette observation positive et dégagée de tout système devant suggérer à sa suite des mesures spéciales et pratiques de conservation et de réforme que la théorie toute seule ne découvrirait pas.
Elle sentit de bonne heure la mesure du vers, et si quelqu’un faisait un vers faux en lisant, son oreille était blessée.
Les Grecs et les Troyens acharnés qui se disputent la muraille du retranchement, les uns sans réussir à la forcer tout entière, les autres sans pouvoir décidément la ressaisir, ce sont « deux hommes qui disputent entre eux sur les confins d’une pièce de terre, tenant chacun la toise à la main, et ne pouvant, dans un petit espace, tomber d’accord sur l’égale mesure. » Les deux Ajax qui, ramassés l’un contre l’autre, soutiennent tout le poids de la défense, ce sont « deux bœufs noirâtres qui, dans une jachère, tirent d’un courage égal l’épaisse charrue : la sueur à flots leur ruisselle du front à la base des cornes, et le même joug poli les rassemble, creusant à fond et poussant à bout leur sillon. » Ailleurs, à un moment où les Troyens qui fuyaient s’arrêtent, se retournent soudainement à la voix d’Hector, et où les deux armées s’entre-choquent dans la poussière : « Comme quand les vents emportent çà et là les pailles à travers les aires sacrées où vannent les vanneurs, tandis que la blonde Cérès sépare, à leur souffle empressé, le grain d’avec sa dépouille légère, on voit tout alentour les paillers blanchir : de même en ce moment les Grecs deviennent tout blancs de la poussière que soulèvent du sol les pieds des chevaux et qui monte au dôme d’airain du ciel immense. » Voilà bien le contraste plein de fraîcheur au sein de la ressemblance la plus fidèle.
Au lieu de négliger simplement les salons littéraires et philosophiques, pour vaquer avec plus de liberté à son génie et à sa gloire, il les attaqua en toute occasion, sans mesure et en masse.
Je vous déclare que vos oppositions seroient inutiles par les sages mesures que j’ai su prendre.
Jusqu’à présent justiciable seulement d’études empiriques, le voici qui se dose et se mesure, et se schématise… Les chimistes sans doute vont en tenter l’analyse.
La force dans les discours ne peut être séparée de la mesure.
Dans les situations communes de la vie, on se fait illusion sur son propre mérite ; mais un sentiment actif fait découvrir à l’ambitieux la mesure de ses moyens, et sa passion l’éclaire sur lui-même, non comme la raison qui détache, mais comme le désir qui s’inquiète ; alors, il n’est plus occupé qu’à tromper les autres, et pour y parvenir, il ne se perd pas de vue ; l’oubli d’un instant lui serait fatal, il faut qu’il arrange avec art ce qu’il sait, et ce qu’il pense, que tout ce qu’il dit ne soit destiné qu’à indiquer ce qu’il est censé cacher : il faut qu’il cherche des instruments habiles, qui le secondent, sans trahir ce qui lui manque, et des supérieurs pleins d’ignorance et de vanité, qu’on puisse détourner du jugement par la louange ; il doit faire illusion à ceux qui dépendent de lui par de la réserve, et tromper ceux dont il espère par de l’exagération.
Nous atteignons celui-ci par contrecoup, comme un arpenteur qui, voulant mesurer la distance d’un objet inaccessible, mesure une base et deux angles, et connaît la première quantité par les trois secondes. — Toutes les conceptions mathématiques sont formées par cette voie.
Et puis il n’est pas question de reformer les pensées d’autrui : il est question de former les vôtres, et dans l’étoffe commune il faut tailler à votre mesure.
Je puis ajouter que la valeur de cet exercice a été depuis une vingtaine d’années de plus en plus reconnue dans les pays étrangers, en Europe et en Amérique, à mesure que nos professeurs l’ont démontré par leur pratique et en font comprendre la méthode et le but.
Cela veut dire que, pour rimer, il faut chercher la rime, que, pour faire des vers, il faut observer la mesure, et que, ni la rime ni le rythme ne se présentant d’eux-mêmes, il faut quelquefois, pour exprimer une idée en vers, y employer d’autres mots que pour l’exprimer en prose.
Jacquinet répond à la première de ces questions dans sa substantielle préface : Peut-être peut-on se demander si la beauté solide et constante de langage des vers, par tout ce qu’il faut au poète, dans l’espace étroit qui l’enserre, de feu, d’imagination, d’énergie de pensée et de vertu d’expression pour y atteindre, ne dépasse pas la mesure des puissances du génie féminin, et si véritablement la prose, par sa liberté d’expression et ses complaisances d’allure, n’est pas l’instrument le plus approprié, le mieux assorti à la trempe des organes intellectuels et au naturel mouvement de l’esprit chez la femme, qui pourtant, si l’on songe à tout ce qu’elle sent et à tout ce qu’elle inspire, est l’être poétique par excellence et la poésie même.
Au fond, Michelet conçoit l’amour comme Platon, comme les poètes des Chansons de chevalerie, comme d’Urfé (à cela près que d’Urfé, par un scrupule renchéri touchant la possession physique, ne veut considérer l’amour qu’avant le mariage), comme Corneille enfin, et Pascal lui-même. « À mesure qu’on a plus d’esprit, dit Pascal, les passions sont plus grandes, parce que les passions n’étant que des sentiments et des pensées qui appartiennent purement à l’esprit, quoiqu’ils soient occasionnés par le corps, il est visible qu’elles ne sont plus que l’esprit même et qu’ainsi elles remplissent toute sa capacité. » Pareillement Michelet : « L’amour est chose cérébrale.
Voici la première phrase du chef des cuisines : « Jamais festin plus somptueux n’aura été servi dans le triclinium du préfet de Rome, Pedanius Secundus » ; et l’intendant Priscus, à peine entré, interpelle les esclaves en ces termes choisis : « Approchez, Égyptiens, et vous, Éthiopiens, plus noirs que Pluton, dieu des enfers… À mesure que les convives apparaîtront dans l’atrium, précipitez-vous à leurs pieds ; que rien ne manque à leurs ablutions.
Et enfin, et surtout, ce que l’on reconnaît, c’est que d’autres poètes ont eu peut-être d’autres qualités, plus d’art et de métier, par exemple, ou plus de passion ; ils ont encore été, ceux-ci, des inventeurs plus originaux ou plus puissants, et ceux-là, des âmes plus singulières ; mais nul, assurément, n’a été plus poète, si, dans la mesure on ce mot de poésie exprime ce qu’il y a de pins élevé dans l’idéal de l’humanité, nul ne l’a réalisé plus pleinement, ou n’en a plus approché, sans effort et sans application, naturellement, naïvement, par le seul effet de son instinct ou de la loi de son être, comme un grand fleuve coule scion sa pente.
Les comédiens de l’Hôtel de Bourgogne, à qui les Confrères de la Passion avaient cédé leur privilège, n’étaient plus en mesure de faire une sérieuse opposition aux étrangers protégés par la faveur royale ; ils s’arrangèrent avec eux.
1º Dans quelle mesure le mot antinomie convient-il pour désigner les conflits ou désaccords entre l’individu et la société ?
Le lac a cinq ou six lieues de long sur trois ou quatre de large ; quoique offrant l’apparence d’un ovale assez régulier, il forme, à partir de Tibériade jusqu’à l’entrée du Jourdain, une sorte de golfe, dont la courbe mesure environ trois lieues.
achevez de combler la mesure de vos pères.
Un grand sentiment d’ordre et de police conservatrice présida à toutes les mesures.
Elle offre des dons sans mesure aux plus longues distances de temps et de lieux, dans des pays où vous n’irez jamais, dans des temps que vous ne verrez point, et ne vous assure pas un verre d’eau pour le moment où vous aurez soif : et cependant on a foi dans ses promesses.
Un amour sage, élevé, éclairé, est d’une autre puissance que les amours fougueux, délirants, convulsifs ; le foyer d’une passion élevée éclaire en même temps qu’il échauffe : elle mesure sa marche sur celle des circonstances qui assurent les espérances de succès.
La mesure est légale, légitime même, si l’on veut : M. de la Rivonnière est ruiné, et le revenu qu’il croit à lui n’est que la moitié de la fortune de son fils.
Jamais être ne fut plus comblé : il reçut en partage tous les dons, même le bonheur ; c’est à croire que toutes les fées assistèrent à sa naissance, toutes, excepté une seule, celle qui brille le moins et dont l’absence ne se fait sentir que plus tard, à mesure qu’on avance dans la vie.
Des esprits dans la mesure d’Hamilton auraient été moins goûtés dès lors et auraient dû forcer le ton pour être sentis.
Leuret, par exemple, fait observer qu’à mesure que l’on descend de l’homme aux animaux inférieurs, ce ne sont pas les parties antérieures du cerveau qui viennent à manquer, ce sont les postérieures, celles-là précisément où Gall localise les facultés animales.
Guizot ont été à plusieurs reprises l’objet des études de la Revue, à mesure que les différents volumes paraissaient ; mais aujourd’hui que l’ouvrage peut être considéré comme complet, au moins dans sa partie philosophique39, il sera intéressant de l’étudier dans son ensemble, et il devient plus facile d’en apprécier la portée.
L’auteur, qui n’écrit pas l’histoire d’un siècle, quoiqu’il en traverse plusieurs, mais qui, comme on dit maintenant, écrit celle d’une, idée, s’arrête à cet édit de Nantes qui forme une histoire de cette idée, en réalisant par Henri IV, que du moins il ne grandit pas, la politique de ce Michel de l’Hôpital, grandi outre mesure et qui doit éprouver de grands malaises de modestie, dans le fond de sa tombe, s’il peut s’y douter d’avoir sur terre un tel historien.
Ces deux voix qui racontent des choses dignes d’être ouïes dans un mystérieux silence, les ombres les admirent ; mais la foule serrée écoute davantage, et d’une oreille avide, les combats et la défaite des tyrans63. » Cette ardeur inattendue d’Horace, cette préférence qu’il attribue à la foule, même des ombres, pour les vers belliqueux et les cris de guerre d’Alcée, n’est-elle pas un précieux témoignage au moins de la verve du poëte banni de Lesbos, et chantant ses vicissitudes, à mesure qu’il les éprouvait ?
Quoi qu’il en soit, cet usage existait en 1783, et ce fut en vertu de cette mesure que l’on commanda à David le Serment des Horaces. […] Mais en bonne conscience, doit-on être si rigoureux pour la mesure d’un ouvrage remarquable, lorsqu’on ne lui a pas affecté d’avance une destination ? […] Toutes ces mesures furent adoptées. […] De toutes les mesures prises par le nouveau gouvernement pour calmer les partis, celle qui produisit le meilleur effet fut l’amnistie accordée pour tous les délits commis pendant la révolution, amnistie dont profita David. […] Si elle excita vivement la curiosité maligne du public, si elle donna la mesure des ressources que l’artiste pouvait trouver dans son esprit, elle fit prendre une fâcheuse idée de son caractère.
Certes Flaubert lui a fait bonne mesure. […] Et toute terre n’est-elle point, en quelque mesure, une terre natale ? […] Il manquait de mesure et blasphémait contre la beauté. […] Il prêche l’action, l’action pour elle-même, sans voir qu’elle n’a de prix que dans la mesure où l’intelligence la dirige. […] Il n’y a pas de commune mesure.
On racontait que les jésuites brûlaient les éditions de la Vie de Jésus, à mesure que l’éditeur les mettait en circulation, ce qui assurait une vente inépuisable. […] À mesure que la science avance, l’idéal doit reculer. […] C’est l’idéal qui est la commune mesure, un dogme de la vertu, et c’est pourquoi beaucoup de gens sont vertueux comme ils sont catholiques, sans pratiquer. […] C’est à ce point de vue qu’il faudrait écrire une histoire littéraire universelle, et non au point de vue d’un idéal absolu, d’une commune mesure esthétique parfaitement ridicule. […] Gustave Flaubert est le romancier qui jusqu’ici a employé la description avec le plus de mesure.
À mesure qu’on avance dans la vie, on s’aperçoit que le courage le plus rare est celui de penser. […] Ce n’est point que cette délicate Cléopâtre manquât par elle-même du sentiment de la mesure et de l’harmonie. […] Ajoutons que c’est là aussi une question de mesure. […] Elle est la mesure de tout. […] Julien s’est toujours montré contraire aux mesures violentes et à cet égard il est unique dans le monde romain.
Si l’on attendait qu’on fût en mesure de contenter les autres et soi-même, on ne ferait ou l’on ne publierait jamais rien. […] Voilà comment, à mesure que l’on s’éloigne, soit dans l’espace, soit dans le temps, le point de vue se modifie ; de sorte que les œuvres des siècles passés présentent aux générations successives des aspects toujours nouveaux, qui rajeunissent la critique. […] Pour moi je ne m’en suis jamais privé, et j’espère, en gardant la mesure qui convient, ne pas m’en priver encore, ici même. […] A mesure qu’on avance dans la vie et qu’on la connaît davantage, on apprécie de plus en plus ceux qui l’ont pénétrée à fond et peinte en traits ineffaçables. […] Quoique ni Rotrou, ni Corneille, ni Racine n’aient connu Shakespeare, — qui cependant à cette époque avait déjà produit tous ses chefs-d’œuvre (mais les communications avec l’Angleterre n’étaient pas alors aussi faciles qu’aujourd’hui), — on peut dire que le théâtre de Rotrou a quelque chose de Shakespearien, du moins dans la mesure que comportait l’esprit français.
En Angleterre, l’excentricité est en honneur, au moins en une grande mesure. […] Tout cela dit, et l’on voit que je ne m’y suis pas ménagé, pour justifier Molière ou plutôt pour ramener les accusations dont il est l’objet à leur mesure juste, je reconnais qu’il y a un fonds de vérité dans ces incriminations et réquisitoires. […] Il a donc vécu ainsi depuis son enfance, pieux, marié jeune par sa mère à une ménagère économe, veuf, remarié, très peu ou point du tout répandu dans le monde, fréquentant l’église et de plus en plus, à mesure qu’il vieillit, inquiet à l’endroit de son salut. […] Alceste ne comprend pas et du reste n’a pas à comprendre que c’est dans ce salon qu’il veut qu’elle quitte et dans ce monde auquel il veut qu’elle renonce qu’il peut plaire plus qu’ailleurs à Célimène dans la mesure où elle peut aimer quelqu’un. […] Dans certains romans modernes, à mesure qu’une femme s’aperçoit que celui qu’elle aime devient davantage un coquin, elle l’aime aussi davantage.
Dans cette mesure seulement nous pouvons l’aider à fonctionner. […] Ainsi sera réalisée l’œuvre d’égalitarisme, dans une mesure encore imparfaite, puisque ses artisans n’auront, malgré tout, détruit ni l’inégalité des héritages, ni celle, à jamais rebelle, des dons de nature. […] Mais, comme je le disais en commençant, vous avez voulu voir dans ce livre une des manifestations d’un groupe d’esprits qui se sont donné pour tâche de modifier, dans la mesure où ils le peuvent, la mentalité française. […] Car il est de simple bon sens que l’accroissement ou la décroissance de la vitalité des peuples mesure la valeur des doctrines qu’ils pratiquent. […] Cet art toscan, de plus en plus pénétré, imbibé d’un suc de terroir, et de plus en plus robuste à mesure qu’il se fait plus toscan, plus civique, en est la preuve.
Lisez l’épître de Belzébuth « au très-honorable comte de Breadalbane, président de l’honorable société des highlands, réunie le 23 mai dernier, à Covent-Garden, pour concerter des moyens et mesures à l’effet de rendre vain le projet de cinq cents highlanders qui scandaleusement avaient tâché d’échapper à leurs seigneurs et maîtres dont ils étaient la propriété légitime, en émigrant dans les déserts du Canada, afin d’y chercher cette chose imaginaire, — la liberté ! […] Nous la suivons en lui à mesure qu’elle naît, nous la voyons sortir d’une autre, grandir, s’abaisser, puis remonter encore, comme nous voyons la vapeur sortie d’une source s’élever insensiblement, enrouler et développer ses formes changeantes. […] » À cet égard, leur minutie est plaisante1203, et leurs notes, prodiguées sans mesure, montrent que leur public tout positif impose aux denrées poétiques l’obligation de prouver leur provenance et leur aloi. […] Aujourd’hui déjà elle a gagné la littérature ; depuis cinquante ans, tous les grands écrivains y plongent : Sidney Smith, par ses sarcasmes contre l’engourdissement du clergé et l’oppression des catholiques ; Arnold, par ses réclamations contre le monopole religieux du clergé et contre le monopole ecclésiastique des anglicans ; Macaulay, par son histoire et son panégyrique de la révolution libérale ; Thackeray, en attaquant la classe noble au profit de la classe moyenne ; Dickens, en attaquant les dignitaires et les riches au profit des petits et des pauvres ; Currer Bell et mistress Browning, en défendant l’initiative et l’indépendance des femmes ; Stanley et Jowet, en introduisant l’exégèse d’outre-Rhin et en précisant la critique biblique ; Carlyle, en important sous forme anglaise la métaphysique allemande ; Stuart Mill, en important sous forme anglaise le positivisme français ; Tennyson lui-même, en étendant sur les beautés de tous les pays et de tous les siècles la protection de son dilettantisme aimable et de ses sympathies poétiques ; chacun, selon sa taille et son endroit, enfoncé à des profondeurs différentes, tous retenus à portée du rivage par leurs préoccupations pratiques, tous affermis contre les glissades par leurs préoccupations morales, tous occupés, les uns avec plus d’ardeur, les autres avec plus de défiance, à recevoir ou à faire entrer le flot croissant de la démocratie et de la philosophie modernes dans leur constitution et dans leur Église, sans dégât et avec mesure, de façon à ne rien détruire et de façon à tout féconder.
Mais c’est en 1891 que furent prises les mesures décisives. […] Qu’il est donc difficile de garder la juste mesure et que d’excellentes causes sont gâtées par d’imprudents avocats ! […] Mais c’est peut-être lorsqu’il puise dans Montaigne qu’on mesure mieux la supériorité de Pascal. […] Il réclamait des mesures d’humanité pour les ouvriers : c’est fait. […] On gagnait à ces menus travaux le sens du rythme, de la mesure, des différences essentielles qui séparent la poésie de la prose et qui sont d’ordre musical.
La pièce elle-même nous apprend, à mesure, ce que nous avons besoin de savoir. […] Bassecourt, Péponet et Dufouré sont hypocrites et faux, à peu près dans la mesure où nous le sommes tous involontairement. […] Il a confusément conscience d’un vague devoir, et il le remplit dans la mesure ou il en a conscience. […] Quand nous faisons le mal, nous ne savons pas au juste dans quelle mesure nous le faisons, quels lointains et meurtriers prolongements il peut avoir, ni jusqu’où nous sommes coupables. — Au reste, j’en appelle de M. […] C’est pour cela qu’il supprime ses femmes à mesure. « Ajoute à cela, dit-il à Popolani, des scrupules qui ne me permettent pas de croire qu’on ait le droit de prendre une femme autrement qu’en légitime mariage.
Par suite, les mesures de précaution les plus propres à préserver ces vertus sont sensiblement les mêmes dans l’« hostel » bourgeois du seizième siècle que dans le gynécée et presque dans le harem. […] On savait aussi depuis longtemps que Molière avait eu l’âme franchement antichrétienne sans qu’on pût dire dans quelle mesure ni avec quel degré de conscience, et qu’il avait eu le culte de la « nature » (il ne s’agit point ici de paysages) autant que du naturel. […] Et, d’autre part, tandis que le jeune homme de vingt ans, imbu de néo-évangélisme, m’affirme que « la bonté du cœur diminue à mesure que croît l’intelligence », le philosophe m’assure que « l’homme le plus intelligent sera nécessairement le meilleur ». […] … Justement la philosophie, à mesure qu’elle se détachait davantage de la religion, était prise d’une rage de moraliser et de diriger les consciences. […] Dans les deux cas, son jugement sera d’abord déterminé, je n’en doute point, par le mérite des candidats, mais aussi, dans une mesure aussi petite que vous voudrez, par autre chose que ce mérite.
A mesure qu’on avance dans l’étude des théories de M. […] A mesure que l’homme moderne devient d’une volonté plus chétive, il sent croître son indulgence pour les erreurs et les fautes de la faiblesse. […] On y saisit l’action de ces tendances sur un poète d’une race tout à fait différente de la nôtre et l’on mesure mieux leur énergie par cette comparaison. […] La sensibilité sociale qui sert à l’observateur d’instrument d’expérience s’affine en lui à mesure qu’il l’emploie. […] En d’autres termes, dans quelle mesure l’esprit latin peut-il admettre des idées d’origine germanique sans souffrir dans sa constitution intime ?
A mesure que ses requêtes et placets vont se multipliant, Corneille, solliciteur, prend un caractère de plus en plus triste. […] Puis, à mesure qu’il connaîtrait la vie secrète des coupables, il découvrirait qu’ils ont déjà, sans lui, reçu leur châtiment. […] Entre son génie propre et celui de poètes même plus grands que lui, nous perdrions notre temps à chercher une commune mesure. […] Les traits particuliers s’effacent et s’oublient à mesure qu’ils nous sont présentés ; et c’est ici qu’on peut dire que les arbres empêchent de voir la forêt. […] Silvestre et Morand est tout à fait à la mesure des femmes du monde, et pareillement des bourgeoises, et très exactement appropriée à leurs besoins spirituels.
Racine écrit à Vitart, le 13 juin 1662 : La moisson est déjà fort avancée, et elle se fait fort plaisamment au prix de la coutume de France ; car on lie les gerbes à mesure qu’on les coupe ; on ne laisse point sécher le blé sur la terre, car il n’est déjà que trop sec, et dès le même jour on le porte à l’aire, où on le bat aussitôt. […] La tradition grecque donnera à Racine la mesure, l’harmonie, la beauté. […] Si ce fut Molière qui lui en indiqua le sujet, dans quelle mesure Molière l’aida ou le conseilla, c’est ce que nous ne savons pas exactement, car les témoignages sur ce point (Grimarest et les frères Parfait) sont suspects ou contradictoires. […] À mesure que son influence décroît, sa prudence diminue. […] Son visage, dit Boursault croyant le railler, son visage, qui, au besoin passerait pour un répertoire des caractères, des passions, éprouvait toutes celles de la pièce l’une après l’autre, et se transformait comme un caméléon à mesure que les acteurs débitaient leurs rôles… Je ne sais rien de plus obligeant que d’avoir à point nommé un fond de joie et un fond de tristesse au très humble service de M.
Plus tard, à mesure que la lutte sera plus engagée, on verra, par l’allure même des œuvres publiées, des indices des premières atteintes portées au Naturalisme. […] — Tu as comblé la mesure d’iniquité, reprit Iérémeï, prie Dieu de te recevoir, l’heure de ta mort est venue. […] Ceux qui n’ont pas nativement la juste mesure dans l’esprit pour apprécier la valeur d’un artiste ont besoin de le comparer à un autre. […] Les gants étroits et longs donnaient la mesure d’une belle main patricienne. […] Malgré le dégoût naturel, j’admirai dans quelle mesure progressive et timide, lente et sage expérimentation, elle s’assurait du caractère de celui auquel il fallait qu’elle confiât presque sa vie.
Elle en partageait la tendance, et, en tout cas, elle pensait que dans cet ordre de pensées intimes, exprimées avec mesure, chacun doit donner ce qui est en lui avec une entière liberté. […] Ils paraissaient croître à mesure. […] Je signalerai, entre autres, ce passage : les Yankees ont prélevé une dîme fort dure sur des bœufs destinés aux Peaux-Rouges ; ceux-ci s’assemblent et, las de l’oppression, déclarent que la mesure est comble. […] Sont-elles assises, les hanches et le bassin ondulent, les jambes et les pieds marquent la mesure, le torse se cambre, les bras s’infléchissent, les mains se creusent, voltent sur le poignet, se renversent. […] Autour d’elle, dix femmes écroulées sur des chaises, battant la mesure de ce dégingandement.
C’est en retraçant les habitudes et les actions de ses personnages qu’il nous donne ordinairement la mesure des sentiments et des désirs qui les animent. […] Tout à coup…, mais un chasseur seul pourra me répondre, au milieu du profond silence qui règne depuis quelques instants, s’élève un bruit tout particulier : c’est celui de deux ailes qui s’agitent rapidement en mesure, et une bécasse des bois, au long bec gracieusement incliné, se détache sur le feuillage foncé d’un bouleau et se dirige lentement vers nous. […] Obaldouï battait la mesure des pieds et remuait les épaules en cadence.
C’est une chose curieuse que de voir Bernardin de Saint-Pierre s’approcher insensiblement de la révolution de 1789, à mesure que la France, entraînée presque unanimement par l’esprit métaphysique, s’en approche elle-même ; puis s’en éloigner par la réaction de ses crimes ou de ses fautes ; d’abord juste et fidèle envers le roi Louis XVI, dont il se déclare le partisan et le serviteur dévoué, puis associant le peuple et le roi, puis enfin se dévouant au peuple seul ; puis, après le 20 août, assistant aux sections dans son faubourg, puis abandonnant les sections à elles-mêmes quand elles ne sont plus gouvernées que par la démagogie, et se retirant seul dans une campagne ignorée pour déplorer les crimes du peuple. […] Il était devenu époux et père de famille, il n’avait aucune fortune que son travail et son talent ; il était obligé de garder avec les différentes phases de la révolution une certaine mesure pour conserver le pain à sa femme et à ses enfants ; c’est le secret de ces publications, peu stoïques mais innocentes, qu’il fit tantôt pour être employé dans l’instruction publique, tantôt pour occuper une place au Jardin des plantes, afin d’avoir des appointements et un asile pour sa famille, en s’occupant de sa science favorite, l’histoire naturelle. […] Robespierre, qui cherchait à couvrir le sang qu’il versait du manteau de la philosophie, sachant que je demandais à son comité la restitution d’une pension, mon unique revenu, me fit dire qu’il n’y avait point de fortune où je ne pusse prétendre, si je voulais représenter sa conduite comme le résultat d’une mesure philosophique.
Cette contraction tétanique, jointe à la stagnation sanguine dans le reste du cerveau, semble expliquer, en une certaine mesure, pourquoi, dans l’hypnose profonde, le sujet est insensible aux plus violentes impressions qui ne viennent pas de l’opérateur. […] L’extraordinaire sûreté et précision de la mémoire hypnotique, pendant les états d’hypnose, est due sans doute à ce que l’attention se concentre exclusivement et sans être troublée sur les liens successifs des idées à mesure que se déroule la chaîne des associations. […] Précisément parce que ces autres idées sont sans rapport avec l’acte de tailler un canif, qui, relativement à elles, est indifférent et sans commune mesure, la perception du canif, avec les mouvements qu’elle suscite, n’est point contre-balancée par la méditation intérieure : il ne s’établit pas de comparaison entre les mouvements de la main et les réflexions profondes où je suis plongé.
Les uns ont éprouvé de la colère ; les autres, de la stupeur, bien entendu, dans la mesure où la correction mondaine permet l’expression de ces deux sentiments, en général trop expressifs. […] Et quelle mesure spirituelle il a su mettre dans l’étude de telles bassesses, et la belle tenue, et la correction avec laquelle leurs propriétaires les mènent dans le monde ! […] Keunan n’aurait su mettre dans son enquête et dans ses récits, la moindre passion révolutionnaire, ses idées n’excédant pas la mesure du libéralisme le plus modéré. […] Le ministre de l’Intérieur, à qui est dévolu l’accomplissement de « ces mesures administratives », ignore aussi, en général, leur motif, et il n’en a cure. […] On le qualifie sobrement de « mesure administrative », ou encore de « mesure de préservation sociale ».
Le génitif de la premiere déclinaison fut aussi en ai, terraï, aulaï ; on lit dans Virgile, aulaï in medio, pour aulae : comme on rencontre plus d’exemples de ce génitif dans les poëtes, on peut présumer qu’ils l’ont introduit pour faciliter la mesure du vers, & qu’ils se régloient alors sur la déclinaison éolienne, où au lieu du μούσας dorien, on disoit μούσαις. […] Nous ferons en sorte qu’ils soient dans l’analogie des termes didactiques usités, & qu’ils expriment exactement toute l’étendue de l’objet que nous prétendons leur faire désigner : à mesure qu’ils se présenteront, nous les expliquerons par leurs racines. […] L’accent est la mesure de l’élévation, comme la quantité est la mesure de la durée du son dans chaque syllabe. […] On peut en distinguer de trois sortes : les uns reglent l’expression même des mots ou de leurs elemens ; tels que la cédille, l’apostrophe, le tiret, & la diérèse : les autres avertissent de l’accent, c’est à-dire de la mesure de l’élévation du son ; ce sont l’accent aigu, l’accent grave, & l’accent circonflexe : d’autres enfin fixent la quantité ou la mesure de la durée du son ; & on les appelle longue, breve, & douteuse, comme les syllabes mêmes dont elles caractérisent le son. […] Non-seulement nos poëtes usent librement de ces sortes de mots, quand la mesure ou le sens du vers paroît les y obliger ; mais lors même qu’il s’agit de nommer arbitrairement un personnage de leur invention, ils ne font aucun scrupule de lui créer ou de lui appliquer un nom dans lequel il se trouve un hiatus ; & je ne crois pas qu’on leur ait jamais reproché d’avoir mis en oeuvre les noms de Cléon, Chloé, Arsinoé, Zaïde, Zaïre, Laonice, Léandre, &c.
Avec une rigueur, une justesse de vue, une sévérité qui sont implacables, mais aussi avec une courtoisie, une politesse, une mesure qui sont exemplaires, il réduit à sa juste proportion cet auteur si vanté et fait apparaître la vanité de son œuvre. […] * * * Peut-être est-ce à cette tournure classique, dont la mesure sensible, la modération extérieure sont les caractéristiques, que les ouvrages de M. […] Ces défauts sont d’ailleurs fonction l’un de l’autre, car à mesure que par ignorance ou par négligence la syntaxe s’appauvrit (la syntaxe qui suffit à donner au langage sa couleur et sa diversité, la syntaxe qui est au style ce que le dessin est à la peinture — sa probité), à mesure donc qu’elle s’abaisse et devient indigente, l’écrivain, pour relever son style, pour lui donner du ragoût et pour le pimenter, n’a d’autre ressource que la recherche verbale. […] Succès d’estime, enfin, c’est le remède appliqué sur le sensible amour-propre des auteurs qui ne sont pas à la mesure de leur siècle. […] Toulet en tire, ces rencontres imprévues qu’il réalise entre eux, toute cette technique raffinée que nous achevons d’étudier fait songer à ce qui définit l’originalité de la musique debussiste (son originalité matérielle, étant mise à part celle d’une sensibilité et d’un tempérament incomparable) et que caractérisent autant qu’en puisse dire un non-musicien, l’usage des accords prohibés, le raffinement avancé des harmonies, la multiplicité des altérations, les brusques changements dans le ton ou dans la mesure, ou bien encore cette dilection marquée pour une gamme exotique qui nous émeut comme une caresse inconnue.
Et s’il n’est pas directement agent d’hypocrisie, il le devient dans la mesure où il ne triomphe pas. […] Et ce souvenir, cette persuasion vont en se fortifiant en lui à mesure qu’il réussit à se donner à lui-même l’objectivité littéraire, à se changer en une œuvre, comme si d’être assuré au moins de cette réalité, ressemblante mais extérieure à lui-même, lui donnait de plus en plus de force pour regarder en face la grande illusion que sont êtres et gens. […] Inlassablement Proust revient sur ce thème (on sent même que le thème s’exaspère à mesure que l’œuvre avance, que Proust le creuse avec une complaisance de plus en plus cruelle), sur ce thème que l’amour est déterminé par une certaine angoisse, et n’est entretenu que par l’inquiétude et par la douleur, qu’il est, comme il le dit lui-même dans la Prisonnière « fonction de notre tristesse ». […] À mesure que le livre avance, on trouve ces lois du cœur humain exprimées sous une forme de plus en plus abstraite, et même de plus en plus didactique. […] bien Proust, d’une façon un peu différente, sans ce vigoureux effort de synthèse que nous admirons chez Racine ou chez Corneille, avec une patience plus lente, mais non pas avec une moindre volonté d’éclaircissement, par l’attention, par la curiosité inflexible de l’esprit, par un constant cheminement vers l’évidence, Proust « purge » lui aussi sa sensibilité, et dans la mesure où il a intéressé la nôtre, la nôtre aussi.
Une foule étrange, dans laquelle je reconnais à peine deux ou trois hommes de lettres, mais où il y a un grand nombre de chapeaux mous, au milieu desquels s’infiltrent, à mesure qu’on avance et qu’on traverse les quartiers à cabarets, des soulards, qui prennent la queue en titubant. […] Un travail du même genre se fait à la naissance de la rue Castiglione, où les sacs de terre, à mesure qu’on les emplit, s’entassent sous les arcades. […] Les arbres violacés, avec dessous des silhouettes noires s’avançant ou reculant, à mesure que les détonations d’obus se rapprochent ou s’éloignent. […] Il s’imagine sauver la France actuelle, avec du dilatoire, de la temporisation, de l’habileté, de la filouterie politique, de petits moyens pris sur la mesure de sa petite taille. Non, c’est avec l’audace des grandes mesures, avec un remaniement d’institutions, que la France, si elle ne doit pas mourir, pourra vivre.
« Ils étaient seuls dans le jardin ; le jardin était désert, les grilles étant fermées par mesure de police à cause de l’insurrection. […] La quantité de civilisation se mesure à la quantité d’imagination.
Alexandre de Humboldt ; Un Allemand, un Prussien, un homme d’une prodigieuse instruction, un voyageur en Amérique et en Europe, un écrivain, non pas de premier ordre, car sans âme il n’y a pas d’écrivain, mais un homme d’un talent froid et suffisant à se faire lire ; un homme, de plus, qui, par son industrieuse habileté dans le monde, par ses amitiés intéressées avec tous les savants étrangers, et par l’art de les flatter tous, est parvenu à les coïntéresser à sa gloire par la leur, et à se faire ainsi une immense réputation sur parole : réputation scientifique, spéciale, occulte, mathématique, sur des sujets inconnus du vulgaire ; réputation que tout le monde aime mieux croire qu’examiner ; gloire en chiffres, qui se compose d’une innombrable quantité de mesures géométriques, barométriques, thermométriques, astronomiques, de hauteurs, de niveau, d’équations, de faits, qui font la charpente de la science, et dont on se débarrasse comme de cintres importuns quand on a construit ses ponts sur le vide d’une étoile à l’autre ; espèce de voyageur gratuit, non pour le commerce, mais pour la science, au profit des savants pauvres et sédentaires à qui il ne demandait pour tout salaire que de le citer. […] VIII Le véritable titre de ce livre, qui n’est que chimie, géométrie, nombres et mesures, c’était le Mécanisme de la matière dont le monde est composé.
A mesure que s’éveillent chez les écrivains certaines curiosités et que leur sensibilité se raffine, avec J. […] Ce goût malsain s’explique si l’on considère que ce qui nous attache à un grand artiste, c’est ce qu’il a de particulier, ce sont ses qualités propres et vraiment originales, c’est-à-dire précisément celles qui, développées à outrance et sans contrepoids, deviendront des défauts aux yeux des critiques non prévenus et des esprits amis de la mesure ; mais les initiés ne s’en apercevront point, ou bien, comme ces défauts ne font qu’accentuer la marque personnelle par où ils ont été séduits, s’ils les sentent, ils les aimeront comme des qualités de plus en plus singulières.
Il est aisé de remarquer en effet que le doute et l’incertitude sont devenus de plus en plus visibles chez Lamartine à mesure que les années s’écoulaient. […] Mais à mesure que les années s’écoulaient, le rêve s’évanouissait.
Elle lève le loquet de bois de l’étable ; elle compte ses agneaux et ses cabris à mesure qu’ils s’embarrassent entre ses jambes pour sortir les premiers de leur prison ; elle les donne à conduire aux enfants. […] Ils étaient tous les trois, dans des mesures diverses et pour des causes différentes, ennemis du despotisme militaire qui avait succédé à l’anarchie de la Révolution, et qui pesait alors sur les esprits plus encore que sur les institutions : mon père, par attachement chevaleresque aux rois de sa jeunesse, pour lesquels il avait versé son sang et joué sa tête ; M. de Vaudran, par amertume d’une situation élevée conquise par ses talents, perdue dans l’écroulement général des choses ; l’abbé Dumont, par ardeur pour la liberté dont il avait déploré les excès dans sa première jeunesse, mais dont il s’indignait maintenant de voir la respiration même étouffée en lui et autour de lui.
… » Les enfants paraissent devant l’aïeul et l’aïeule : « À mesure que ces beaux enfants s’avancent vers nous », se disent-ils, « ils entraînent vers eux notre âme endurcie par les années, comme la baguette d’aimant attire une masse de fer. » L’aïeul embrasse l’enfant : « Comme il me rappelle Rama ! […] Comme une armée en peinture, nos gens s’arrêtent immobiles, à mesure que le charme irrésistible subjugue leurs sens : dans le ciel, en ce moment, flottent de noires vapeurs amoncelées et massives, comme les pics du Vindhya.
La moralité, pour lui, se mesure au degré de bienfaisance ou de malfaisance de l’agent. […] La mesure de l’angle facial a son importance, quand il s’agit de notables proportions, comme dans la classification des races humaines ; mais jusqu’à ce que l’analyse anatomique et même chimique de la substance cérébrale nous ait appris le dernier mot sur cette question de la qualité relative du cerveau, on n’en pourra juger que d’une manière générale et superficielle.
Dans la vieillesse, à mesure que l’existence physique s’éteint, l’homme illustré par ses talents voit s’accroître la vaste carrière de la célébrité ; le court avenir qui lui reste se confond aisément avec celui que la postérité lui prépare, et s’agrandit par cette compensation heureuse ; tout l’invite à se rappeler avec délices les époques les plus brillantes de son histoire, et peut-être l’habitude que l’on a de vivre, jointe à cette douce illusion, est-elle plus que suffisante dans ces derniers moments pour détourner l’idée importune et fatigante d’une mort prochaine.
Il s’informa et s’orienta si bien, il prit si exactement ses mesures et ses heures de départ, de marche nocturne et d’arrivée, il choisit et tria si soigneusement son monde, rien qu’une petite troupe (« car ce n’est pas tout d’avoir des hommes un grand nombre ; quelquefois il nuit plus qu’il ne profite »), il les dirigea si à point et calcula tout si en perfection, que, le bonheur y aidant, il vint à bout de cette faction, comme il l’appelle, ou prouesse.
Il ne se contente pas de décrire ces scènes extérieures et de nous dire en général les vicissitudes et la marche du siège : il entre dans toutes les particularités et le détail des mesures qu’il a prises pour le faire durer et le soutenir.
L’idée si élevée de faire de Saint-Cyr un abri et un foyer chrétien, un refuge et une école de simplicité vertueuse et pure, à mesure que la corruption et la grossièreté augmentent parmi les jeunes femmes de la Cour, se montre à découvert dans ces lettres de Mme de Maintenon : Que ne donnerais-je pas, s’écrie-t-elle (octobre 1703), parlant à l’une des maîtresses, pour que vos filles vissent d’aussi près que je le vois combien nos jours sont longs ici, je ne dis pas seulement pour des personnes revenues des folies de la jeunesse, je dis pour la jeunesse même qui meurt d’ennui parce qu’elle voudrait se divertir continuellement et qu’elle ne trouve rien qui contente ce désir insatiable de plaisir !
L’âme, l’esprit de l’abbé Fleury semblent avoir été pris de tout point sur la mesure de Bossuet et tempérés selon des degrés pareils, avec la différence du sage au grand.
Ainsi il est d’avis de tenter M. d’Oraison de deux manières : ou du côté de son fils, s’il persiste à le vouloir faire entrer dans le Régiment du roi : Vauvenargues, toute difficile qu’est la chose, s’en chargerait et en ferait son affaire ; — ou du côté d’une de ses filles : il s’engagerait bien à en épouser une dans deux ans, s’il n’était en mesure alors de le rembourser ; il payerait de sa personne, moyennant toutefois certaine condition de dot.
Ballanche ; elle se défia d’elle-même, et peut-être se dit-elle qu’une femme qui écrit donne trop exactement sa mesure : il est mieux, en cela comme en tout, qu’elle laisse à deviner.
Mais Joubert n’était pas de ceux qui louvoient ; il se fit le défenseur, dans ses lettres au Directoire, et de Fouché (alors en rébellion ouverte contre son gouvernement), et de quelques-unes des mesures politiques prises par son prédécesseur Brune.
L’alarme était déjà dans Perpignan, quand arrivèrent quatre représentants du peuple, qui prirent sur-le-champ les mesures les plus vigoureuses.
L’un est la mesure de l’autre.
Lisant une des histoires quelconques de Napoléon qu’on publiait alors, il fait cette remarque, si justifiée depuis : « Le héros n’en est pas diminué ; au contraire, il grandit à mesure qu’il devient plus vrai. » Il essaye de lire Bourrienne, et le livre bientôt lui tombe des mains : « Cela », dit-il, « tiraille des brins à la frange et aux broderies du manteau impérial, déposé d’hier, et cela croit par là devenir quelque chose !
Puis, à mesure que le ciel rose allait s’élargissant, les hautes maisons inclinées sur les pentes du terrain se haussaient, se tassaient, telles qu’un troupeau de chèvres noires qui descend des montagnes.
Si on ne lit pas tout, presque tout, dans cette quantité de productions qui ont chacune leur qualité, si l’on a manqué le moment où elles passent pour la première fois sous nos yeux, on est en peine ensuite pour rétablir le point de vue ; un mouvement si compliqué, si divers, si fécond, et dans un genre indéfini qui menace de devenir la forme universelle, demande à être suivi jour par jour ; faute de quoi l’on ne sait plus exactement les rapports, les proportions des talents entre eux, la mesure d’originalité ou d’imitation, le degré de mérite des œuvres, ce qu’elles promettent au juste et ce que l’auteur peut tenir.
Dans cette incessante variabilité des modes et des vogues littéraires, les traductions, notamment, sont chose essentiellement relative et provisoire ; elles servent à l’éducation des esprits, elles en sont la mesure, et il n’y a rien d’étonnant qu’à un moment venu, ils s’en passent on en veuillent d’une autre sorte et d’une autre marque.
En tout ce qu’elle dit et ce qu’elle pense, une muse intérieure lui donne le ton, le diapason, la mesure.
» C’est donc sur une plus grande échelle et avec des moyens d’action plus puissants que ceux dont disposaient les anciens, c’est avec des instruments et un outillage (le mot est lâché) bien autrement formidable, c’est aussi avec une conscience plus claire et plus réfléchie de leur tâche, que les modernes se remettent en marche et entreprennent désormais l’œuvre progressive de la civilisation proprement dite ; la différence des proportions et des mesures méritait en effet un mot tout nouveau.
Il y a, pour moi, une mesure qui ne trompe guère pour apprécier ces divers mondes du passé, et quand je dis moi, je parle pour tout esprit curieux qui s’intéresse aux choses anciennes et qui, sans y apporter de parti pris ni de prévention systématique, est en quête de tout ce qui a eu son coin d’originalité et de distinction, son agrément particulier digne de souvenir ; il est une question bien simple à se faire : Voudrions-nous y avoir vécu ?
Son influence vint de ce qu’il proposa des mesures importantes et raisonnables au moment opportun, et cela dans un langage singulièrement clair et élégant ; ce qu’avait d’élevé sa situation sociale ajoutait encore à l’effet de sa conduite et de son intervention.
Mais à mesure que, dans ce bataillon des poëtes qui ne sont, ne peuvent ou ne veulent être que cela, on s’élève et on arrive à l’élite, à la vraie distinction, à l’état-major, il est bien difficile qu’on rencontre toujours d’obstinés et purs poëtes.
Il y a donc dans les derniers éléments mobiles une ou plusieurs forces capables de devenir disponibles, attraction, répulsion, qui croissent à mesure que leur opposition fait décroître la force en exercice et qui la représentent tout entière sous forme de recette, après qu’elle a disparu sous forme de dépense. — En second lieu, si toute la force en exercice pouvait à la longue se convertir en force disponible, si la nature ou l’arrangement des derniers éléments mobiles étaient tels que la transformation des effets en effet équivalents, mais différents, dût un jour s’arrêter partout, cela serait déjà fait ; or cela n’est pas fait.
Cette raillerie n’a qu’une mesure : c’est, à propos de tout, qu’il s’agisse d’un ridicule ou qu’il s’agisse d’une infamie, le même ricanement méthodique, prolongé par les mêmes procédés de développement.
Lorsqu’il a été manié par des acteurs de quelque génie, il a fait les délices des plus grands rois et des gens du meilleur goût ; c’est un caméléon qui prend toutes les couleurs. » Arlequin, s’il n’était jadis naïf qu’à demi, devient alors tout à fait scélérat : « Arrogant dans la bonne fortune, dit M Jules Guillemot48, traître et rusé dans la mauvaise ; criant et pleurant à l’heure de la menace et du péril, en un mot Scapin doublé de Panurge, c’est le type du fourbe impudent, qui se sauve par son exagération même, et dont le cynisme plein de verve nous amuse précisément parce qu’il passe la mesure du possible pour tomber dans le domaine de la fantaisie. » Arlequin, avec ses nouvelles mœurs, court fréquemment le risque d’être pendu ; il n’y échappe qu’à force de lazzi.
Ces grandes orgues sont assez désaccordées et hors de service ; il n’est pas que les joueurs de flûte ou de viole qui chantent sur le vers libre à cette heure plus d’un poète, poète, refuse de suivre la mesure au métronome obsédant des romantiques.
Sa plainte s’enfle à mesure, devient révolte chez Vigny, désespoir chez Musset, colère chez Baudelaire et aboutira, avec Léon Bloy, à une sorte de frénésie imprécatoire, j’allais écrire à une véritable attaque de delirium tremens.
Et cependant un traité scientifique, une lettre, un manuel de cuisine deviennent littéraires en une certaine mesure, dès qu’y apparaît un souci d’ordre, de clarté, d’élégance, de bien dire.
Les flots de l’Océan ont leur flux et leur reflux qui se calculent ; le sang dans nos artères et dans nos veines a un va-et-vient qui se mesure par les battements du pouls ; la fièvre comme le besoin de manger ou de dormir, revient à intervalles périodiques ; la danse, la versification, la musique nous plaisent par le retour régulier de certains sons et de certaines cadences ; les éclats de la douleur, comme ceux de la tempête, ont leurs intermittences de paroxysme et de répit ; le fleuve, qui coule intarissable, forme des courbes, qui, à moins d’obstacles entravant son cours, sont infléchies symétriquement tantôt dans un sens et tantôt dans l’autre ; la lumière et le son se propagent par ondulations qui se creusent et se renflent comme les vagues de la mer.
On peut considérer l’art wagnérien comme une mesure de la culture d’un peuple. — L’Espagne a un grand avenir : une situation politique malheureuse t’écrase ; mais l’art et les sciences se relèvent ; un sérieux mouvement d’enthousiasme pour l’art de Wagner s’est manifesté ; l’auteur voit dans ce mouvement un signe de vitalité et une raison d’espérer.
On sait qu’à mesure qu’un objet se rapproche, sa grandeur augmente ainsi que l’inclinaison des axes visuels.
Malgré cette belle apparence, et la confiance présomptueuse, et l’insolence qu’affectait madame de Montespan, le dégoût du roi était devenu la mesure de ses scrupules de dévotion ; et il s’établit une séparation formelle entre le roi et elle.
Ainsi il a fait pour La Fontaine, et, sans excéder encore la mesure, il nous a donné de ce délicieux et grand poète une histoire animée, coulante, facile comme lui-même et où il revit tout entier.
Mais, de ce que nous ne désirons pas l’objet en lui-même et pour lui-même, il n’en résulte pas que nous désirions simplement la représentation dans sa pleine mesure d’intensité 48.
Loyola, Benoît Labre ou Bossuet, au triple point de vue moral, physique et métaphysique, seraient en mesure de nous renseigner.
Le caractère, tel que je viens de le résumer, et les conditions politiques, nous expliquent, dans la mesure du possible, les particularités de la littérature en Italie.
Né avec un sentiment vigoureux et prompt, il s’élancera avec rapidité, et par saillies, d’un objet à l’autre ; semblable à ces animaux agiles, qui, placés dans les Pyrénées ou dans les Alpes, et vivant sur la cime des montagnes, bondissent d’un rocher à l’autre, en sautant par-dessus les précipices : l’animal sage et tranquille, qui dans le vallon traîne ses pas et mesure lentement, mais sûrement, le terrain qui le porte, les observe de loin, et ne conçoit pas cette marche, qui pourtant est dans la nature comme la sienne ; mais que l’auteur prenne garde : tout a ses défauts et ses dangers.
Deux choses deviennent nécessaires pour expliquer le monde, le temps et la tendance au progrès. « Une sorte de ressort interne poussant tout à la vie, voilà l’hypothèse nécessaire… Il y a une conscience obscure de l’univers qui tend à se faire, un secret ressort poussant le possible à exister. » Ainsi l’âme de l’univers est une sorte d’instinct, c’est ce je ne sais quoi de divin qui se manifeste « dans l’instinct des animaux, dans les tendances innées de l’homme, dans les dictées de la conscience, dans cette harmonie suprême qui fait que le monde est plein de nombre, de poids et de mesure. » La nature est une sorte d’artiste qui agit par inspiration et sans aucune science. […] Déjà l’on voit deux philosophies de caractère très-différent se dessiner l’une en face de l’autre et renouveler, comme on l’a vu à toutes les époques, l’éternelle opposition de l’empirisme et de l’idéalisme : d’une part, une philosophie circonspecte à l’excès, ennemie de toute spéculation métaphysique, n’admettant que les faits constatés, avec leurs rapports, c’est-à-dire leurs lois ; de l’autre, une philosophie idéaliste, ne pouvant consentir à trouver dans les phénomènes les derniers éléments de l’être et de la vie, pénétrant au-delà pour y découvrir la cause, la substance, l’infini, — l’une tout imprégnée de l’esprit des sciences positives, n’admettant que ce qui est démontré et vérifié, l’autre inspirée des hardiesses de l’esprit allemand, mais tempérée par les lumières et la mesure de l’esprit français, — l’une enfin à la recherche du positif, l’autre à la poursuite de l’idéal. […] Il est bien vrai que l’esprit de spéculation est très-rare parmi les savants, qu’ils s’en défient au-delà de toute mesure, que peut-être un peu plus de hardiesse en ce sens serait utile à la science elle-même. […] En un mot, le stoïcien, si creuse que puisse être sa vertu, ne saurait être rabaissé au niveau de ce troupeau vulgaire qui n’a d’autre ciel que les sens, et d’autre mesure du bien et du beau que la jouissance et le désir.
Il y a chez Valéry des intuitions philosophiques dans la mesure où les belles images de M. […] Nul ne s’apercevait, devant une masse délicatement allégée, et d’apparence si simple, d’être conduit à une sorte de bonheur par des courbures insensibles, par des inflexions infimes et toutes puissantes ; et par ces profondes combinaisons du régulier et de l’irrégulier qu’il avait introduites et cachées, et rendues aussi impérieuses qu’elles étaient indéfinissables ; elles faisaient le mouvant spectateur, docile à leur présence invisible, passer de vision à vision, et de grands silences au murmure du plaisir, à mesure qu’il s’avançait, se reculait, se rapprochait encore, et qu’il errait dans le rayon de l’œuvre, mû par elle-même, et le jouet de la seule admiration. […] « Pourquoi feindre, mes amis, dit le Socrate bergsonisant de Valéry, quand l’on dispose du mouvement et de la mesure, qui sont ce qu’il y a de réel dans le monde ? […] Dans la mesure assez restreinte où le Parnasse représente une unité, comporte une doctrine homogène, on peut dire qu’il a restauré ou dégagé en poésie l’idée de métier.
Les formules accomplies obtiennent notre respect dans la mesure où elles portent et nourrissent en elles les germes d’une formule nouvelle. […] Et peu à peu, à mesure que s’entassaient ces chiffons de papier, noircis en fièvre, choses de génie et d’insomnie, l’âme, comme grosse de cet avenir qu’elle eût voulu sauver, s’entr’ouvrait aux doutes qu’elle s’était juré de vaincre. […] C’est ce que le Naturalisme a bien prouvé, en nous donnant ses tristes et fades brutes, qui n’ont rien de mystérieux, certes, mais qui manquent de vérité dans la mesure précise où elles manquent de mystère. […] Le succès l’abandonne progressivement, à mesure que le poëte s’élève. […] Et tout lui revient, cet éphémère est la voix de l’éternité, sert de mesure aux choses de plus ambitieuse durée : une peinture est harmonieuse, une poésie est mélodieuse.
Exalté sans doute par ce qu’avait de plus personnel à lui-même la thèse généreuse qu’il y défendait, il ne garda dans Chatterton aucune mesure d’artiste. […] ne fut-ce pas, peut-être, à l’imitation des strophes traduites de Henri Heine, gardant quelque rythme dans la version française et quelque air de mesure dans la disposition typographique, qu’elle composa les premiers de ses délicats et émus ouvrages ? […] Le poète, lui, a chanté son vers selon son rêve et son haleine, mais nous, de qui l’on ne peut exiger que nous ayons absolument le même rêve et la même haleine que lui, retrouverons-nous la mesure de son vers indéfini ? […] Non moins en renonçant à la rime qu’en dispersant les mesures, les vers-libristes ont contrevenu à la loi du vers français. […] n’importe, c’est de l’esprit grec qu’il tient le goût de l’ordre, de la mesure, le mépris de l’excès, — l’harmonie.
Ici se présente de nouveau cette question : le caractère d’un peuple est-il préexistant à sa civilisation, ou se forme-t-il à mesure que cette civilisation se déroule ? […] En outre, les institutions établies ont pour un peuple pratique comme le peuple anglais un avantage inappréciable ; elles donnent à l’homme la mesure du devoir qu’il doit accomplir et les instruments nécessaires pour l’accomplir. […] Ainsi l’esprit conservateur de l’Angleterre s’explique par ce sentiment de la réalité ; les institutions n’y sont pas estimées pour leur valeur philosophique, mais comme mesure, méthode et moyen d’activité. […] À mesure qu’on déroule les annales de ces époques, on éprouve comme un sentiment d’attente, et, lorsqu’à la fin on ne voit rien venir, on se sent tout désappointé. […] Désavouez ce propos, ou coupons-nous la gorge. » Pour toute réponse, lord Herbert envoie la mesure de son épée.
Avec elle, il est impossible de rester dans la mesure et dans l’équité. […] Il faut beaucoup pardonner aux prophètes, notamment à l’endroit de la mesure et du goût. […] Nos souffrances s’accroissent avec nos connaissances ; elles deviennent plus cuisantes à mesure que nous apprenons davantage. […] C’est là une idée qui n’est pas neuve non plus, et dont on se pénètre davantage, à mesure qu’on étudie le passé. […] Lamennais manqua toujours de mesure et de patience.
Aucun ne lui donna, la mesure de son éloquence comme faisait le frisson de Pauline de Beaumont sous sa parole. […] Il n’est pas davantage un révolutionnaire par ambition, tel que fut ce barbare de Danton, qui ne demandait sans doute qu’une place à la mesure de ses appétits pour se ranger, comme firent tant de personnages de 89 sous le premier empire, du côté de la résistance. […] Il lui a fallu subir, avec une nature affamée de distinction, toutes les vilenies du métier : l’âpreté des médiocres concurrences qui dégoûte même du triomphe, l’exécution des besognes à jour fixe qui fait regretter même le talent qui vous en rend capable, et, pour combler la mesure, ce métier, ces concurrences, ces besognes, en pleine société démocratique. […] Vous savez que, de l’autre côté du Rhin, ils ont déterminé avec des chiffres la mesure de nos sensations. […] C’est un stratégiste qui, sachant d’avance le type des fusils distribués à chaque soldat, mesure du même coup la portée du tir sur toute la ligne de bataille.
Ils redoubloient de rage contre Ramus à mesure qu’on le rétablissoit dans ses emplois. […] A mesure qu’il portoit la lumière dans tous les climats disposés à la recevoir, les reflets en venoient jusqu’à Paris. […] Ils en admettoient que l’esprit reçoit à mesure que de nouveaux objets corporels se présentent à nos sens ; mais ils ne vouloient pas qu’elles nous vinssent toutes par ce canal. […] On nombre, & l’on mesure avec exactitude ce dont on ne peut pas même concevoir l’existance. […] C’est uniquement à rendre la nature, que doivent se rapporter toutes les parties de l’art musical, la mélodie ou le chant, l’harmonie ou l’accompagnement, le mouvement ou la mesure : or quelle musique remplit mieux cet objet que la nôtre ?
Le lecteur éprouve de la haine et du dégoût pour elle à mesure qu’elle parle. […] Celui qui s’est enfoncé dans la contemplation du vice ressent de la haine pour le vice, et l’intensité de sa haine a pour mesure l’intensité de sa contemplation. […] Celui d’Esmond a la mesure, la justesse, la simplicité, la solidité des classiques.
Il rend injuste envers les grands hommes de son propre siècle, et rapetisse Molière pour agrandir Shakespeare ; la vérité est la juste mesure. […] ce me sont de mortelles blessures, De voir qu’avec le vice on garde des mesures ; Et parfois il me prend des mouvements soudains De fuir dans un désert l’approche des humains. […] Si quelques poëtes s’en sont servis, c’est moins par choix que par la contrainte de la mesure. » Molière est, je crois, le dernier qui ait fait usage de ce mot, que son exemple et les regrets de la Bruyère n’ont pu nous conserver.
Elle est sans orgueil, mais non pas sans une ravissante promesse : l’automne couronné de regrets ne me reconnaît pas, ni le hideux hiver : sans le vouloir, je m’adresse toujours de la sorte à la seule part des hommes qui soit bien vivante, la jeunesse, laquelle ne se mesure pas à l’âge, mais à l’ardeur de l’esprit comme à l’élan de l’âme. […] C’est dans ces paraboles que le Philosophe réalisera la perfection de son style et cette forme de poésie abstraite et matérielle ; cet entrelacement d’évocations idéalement réelles et palpablement intuitives qui donnent, mesure de son talent d’écrivain. […] Tu n’en as même point accepté, dans cette mesure, pourtant restreinte et sans rigueur, qui est nécessaire pour gagner la considération des littérateurs sérieux.
La royauté domine les barons dans la mesure où la féodalité le permet ; elle a conquis le Sud, et favorise le développement de la bourgeoisie qui sera, aux jours de crise, sa réserve suprême. […] En toutes choses, la mesure ; l’esprit lucide et entreprenant mêle le sérieux du Nord à la gaîté du Midi. […] Encore une fois, c’est la mesure, jusque chez les plus grands artistes.
Je voudrais être en mesure d’y répondre d’une manière tout à fait satisfaisante. […] La courte notice que je suis en mesure et que je crois de mon devoir de lui consacrer, dans un petit paragraphe à part, tiendrait ici, en note, trop de place.
C’est déjà la manière littéraire d’Antigone ; aux divagations perpétuelles du livre du Sentiment a succédé une mesure grave, sobre, solennelle à la fois et charmante de mélodie, un écho retrouvé du mode virgilien. […] La lettre ayant soulevé des objections à cause du peu de convenance et de mesure de certains termes, je vis arriver, au nom de M.
C’est peut-être par l’effet du même besoin inquiet que, dès les premiers mois de sa perte, elle fit augmenter encore, du côté du jardin, son appartement déjà si vaste, à mesure, hélas ! […] En vain l’on se défend, en vain on dissimule : le voile se déchire à mesure que la vie et ses cupidités s’évanouissent ; et l’on est convaincu qu’il en faudroit mener une toute nouvelle, quand il n’est plus permis de vivre.
Il manquait essentiellement de calme, et n’avait pas la mesure et la proportion dans les rapports de la vie. […] D’autres savants illustres ont donné avec mesure et prudence ce qu’ils savaient ; lui, il ne pensait pas qu’on dût en ménager rien.
Ô délicieux déclin des jours, repas divin, où, en présence des dieux de mon humble foyer, je me restaure avec mes amis, au milieu d’heureux serviteurs auxquels je fais distribuer les mets de la même table à mesure qu’on les dessert, et dont la rustique joie me réjouit moi-même ! […] ……………………………………………………… ……………………………………………………… Profitons bien du temps, ce sont là tes maximes : Cher Horace, plains-moi de les tracer en rimes ; La rime est nécessaire à nos jargons nouveaux, Enfants demi-polis des Normands et des Goths ; Elle flatte l’oreille, et souvent la césure Plaît je ne sais comment en rompant la mesure ; Des beaux vers pleins de sens le lecteur est charmé ; Corneille, Despréaux et Racine ont rimé ; Mais j’apprends qu’aujourd’hui Melpomène propose D’abaisser son cothurne et de chanter en prose !
Le pèlerin se mit aussitôt à jouer plusieurs airs différents, et le petit chien, ajustant ses sauts à la mesure, exécuta des danses variées de tous les pays, et parut obéir à son maître avec tant d’intelligence que tous ceux qui le regardaient ne prenaient pas le temps de cligner les yeux et osaient à peine respirer. […] Il appartient à l’Assemblée nationale seule de déterminer la part qu’elle voudra faire prendre à la République dans les mesures qui devront concourir au rétablissement d’une situation régulière dans les États de l’Église.
Vous ne reconnaîtriez pas que l’étendue convient à tel objet, l’intensité à tel autre, le temps à tel autre, ou que l’étendue convient sous tel rapport, dans telle relation, dans telle mesure, s’il n’y avait pas déjà dans les sensations mêmes ce que vous voulez faire descendre en elles, comme une grâce divine, du haut d’une intuition pure de l’espace infini, homogène et indifférent. […] Il y a en nous le sentiment continu de choses coexistantes, durables et, en une certaine mesure, invariables, puisque, sous les sensations diverses et successives, nous sentons toujours un même fond de sensations simultanées, fourni par l’ensemble des parties corporelles, assurant la permanence des signes locaux toujours en fonction ; or ce sentiment de notre corps est déjà extensif, parce qu’il enveloppe le vague sentiment de parties coexistantes et constamment coexistantes.
Racine venait faire à Mme de Maintenon de chaque scène à mesure qu’il les composait, j’en retenais des vers ; et comme j’en récitai un jour à M. […] Cependant, ayant appris, à force de les entendre, tous les autres rôles, je les jouai successivement, à mesure qu’une actrice se trouvait incommodée : car on représenta Esther tout l’hiver ; et cette pièce qui devait être renfermée dans Saint-Cyr, fut vue plusieurs fois du roi et de toute la cour, toujours avec le même applaudissement.
Tel est le destin ordinaire de la raison humaine dans la spéculation : elle achève d’abord son édifice le plus vite qu’elle peut, et c’est beaucoup plus tard qu’elle s’inquiète de savoir si le fondement en est solide. » Il faut donc une science qui, d’une part, recherche et constate les puissances naturelles de la raison, et qui, de l’autre, en mesure et en circonscrive la portée légitime. […] Cet instrument, c’est la raison pure, avec les puissances qui sont en elle ; ces fondemens, ce sont les jugemens synthétiques à priori que la raison pure développe à mesure qu’elle se développe elle-même.
Dans tout tableau l’orteil du satyre endormi se mesure ; il y a le pâtre, il y a la paille sous cette forme ou sous une autre. […] C’est qu’il y a plus de vie et moins de formes. à mesure qu’on introduit les formes la vie disparaît.
On la lisait autrefois, dans l’Orient chrétien ; et on peut la lire aujourd’hui, et reconnaître, sous la mesure trop uniforme de l’hexamètre, l’originalité affaiblie, mais présente d’un modèle inimitable. […] « Vers ta cour suprême, vers ton sein, j’élève mon vol allégé à mesure qu’il fuit plus loin de la matière, dans la joie d’arriver à tes célestes parvis.
À mesure qu’on avancera dans le monde moderne, il deviendra pourtant de plus en plus difficile aux rédacteurs qui seront en exercice alors de se contenir à l’exposé des faits à l’analyse des ouvrages, sans y mêler quelque chose des idées et des impressions qui sortent presque inévitablement : mais jusqu’à présent l’esprit essentiel et primitif de l’œuvre, convenablement entendu et dans une juste extension, a été fidèlement observé.
car l’âme se raffine à mesure qu’elle se gâte.
Villehardouin, qui nous donne cette impression à travers son récit, ne la démêlait sans doute qu’imparfaitement lui-même : il n’y avait point de contradiction déclarée alors entre ces intérêts du monde et ceux de la religion ; les mêmes hommes qui pourvoyaient aux uns étaient sincèrement préoccupés des autres : toute la différence n’était que dans la proportion et dans la mesure ; mais la part faite au ciel, même quand elle ne venait qu’en seconde ligne, restait encore grande.
Ainsi M. de Meilhan loue Turgot ; il prend le parti de Sully contre Colbert ; il célèbre un Sully sentimental outre mesure et de convention ; il parle par moments du luxe dans les termes de l’auteur du Télémaque.
. — Un jour qu’il y avait eu une indiscrétion commise sur quelque matière d’État, il prenait Jeannin par la main, en disant aux autres membres du Conseil : « Messieurs, c’est à vous de vous examiner ; pour moi, je réponds du bonhomme. » La carrière du président Jeannin semble remplie et comblée dans sa mesure, et pourtant il resterait encore tout un chapitre à y ajouter.
C’est le privilège de la vraie grandeur de se dessiner davantage à mesure qu’on s’éloigne, et de commander à distance.
Après que la pensée d’un tableau était trouvée et la composition bien arrêtée (ce qui lui avait causé bien des insomnies et des veilles), il éprouvait un vrai plaisir au détail de l’exécution ; et, à mesure que le tableau avançait, il avait des satisfactions d’artiste.
Il vécut donc avec les bergers, avec les paysans ; et lorsque les Esquisses de l’état naturel, civil et politique de la Suisse, présentées dans une suite de lettres, par William Coxe, parurent en anglais et obtinrent du succès, Ramond se trouva en mesure à l’instant de les traduire en les perfectionnant, en y ajoutant nombre de chapitres originaux qui les complétaient et en faisaient un ouvrage tout nouveau.
Dante fier, sombre, bizarre et dédaigneux dans cette partie de son poème, apparaît différent à mesure qu’on avance ; son côté tendre, affectueux et touché, ses trésors de mélodie et de tendresse, les nombreuses comparaisons d’abeilles, de colombes et d’oiseaux, qui lui échappent si souvent et qui s’envolent sous ses pas, toutes ces grâces plus fraîches à sentir dans un génie grandiose et sévère, appartiennent aux deux dernières parties de son poème et s’y développent par degrés.
Et c’est ainsi que les trois poètes, en présence d’un ancien, nous donnent tour à tour la mesure de leur procédé et de leur goût.
Le tome xiie , qui est d’un volume plus considérable, renferme trois livres, — le premier qui a titre : « Blocus continental », où sont exposées les mesures relatives à cet immense système prohibitif, et les démêlés avec la Hollande dont elles sont l’occasion ; — un second livre qui a pour titre : « Torrès-Vedras », et un troisième, « Fuentes d’Onoro », contiennent principalement le récit de Pexpédition de Masséna en Portugal (1810-1811), mais aussi toutes les opérations militaires et autres en Espagne, et de plus les premiers préparatifs de Napoléon vers le Nord contre la Russie.
Malgré ces prédilections grotesques et bachiques auxquelles il s’abandonnait sans mesure, Saint-Amant n’avait pas entièrement renoncé à la poésie sérieuse ; il avait sur le chantier, comme on dit, plus d’un de ces longs et nobles ouvrages desquels on se promet beaucoup d’honneur, dont on ne finit jamais, et qui, avant d’ennuyer le lecteur, ennuient l’auteur tout le premier.
Je veux porter ce qui aime dans l’autre vie. » L’apaisement gagne à mesure qu’elle sent qu’elle-même s’approche du retour vers le cher absent : Ce grand ami perdu, il ne me faut rien moins que Dieu pour le remplacer, ou plutôt Dieu était là, mais il s’avance dans la place vide.
Toujours et pour tous, la mesure et la sobriété.
C’était une nature de guerrier, tout en dehors, tout d’une venue, donnant sa mesure de pied en cap et se dessinant de toute sa hauteur ; capable d’ailleurs de plus d’un emploi, et de négociations comme de batailles ; toujours actif, toujours insatiable, audacieux et fin, aimant les richesses, le faste, avide de grandeur, adorant la gloire ; ne songeant qu’à avancer, et en toute chose à tenir la tête.
Même à l’époque de la corruption commencée, ils avaient la mesure des grandes choses et la vue nette des plus belles ; ils avaient Virgile sous les yeux, et Homère à l’horizon.
Richelieu conseillé par Machiavel n’aurait pu inventer rien de plus décisif que cette épouvantable mesure.
Saussure est de ces esprits parfaits qui unissent dans une haute et juste mesure les éléments les plus différents, l’exactitude du physicien, le jugement froid de l’observateur, la sagacité du philosophe, l’amour et le culte de la nature, l’imagination qui l’embrasse ; avec cela, n’accordant rien à l’effet, à la couleur, à l’enthousiasme ; et quand il devient peintre, n’y arrivant que par la force du dessin, par la pureté de la ligne, la clarté de l’expression, et, comme il sied au savant sévère, avec simplicité21.
Un jour que le jeune prince, en récitant sa leçon de Virgile ou d’Ovide, n’avait pas observé la mesure, ou qu’il avait fait peut-être des fautes de quantité dans ses propres vers latins, Fénelon l’avertissait par la fable : Le jeune Bacchus et le Faune.
C. de Lafayette et qui attache à mesure qu’on avance dans la lecture.
Delécluze, parut s’apercevoir qu’il y en avait un peu trop sur ce point, et, à un instant, il essaya, de sauter un feuillet et d’enjamber ; mais, ayant mal pris sa mesure, il vit que ce ne serait plus assez clair pour la suite du récit, et il dut revenir en arrière sur ses pas ; de sorte qu’au lieu d’entendre une seule fois le passage désobligeant ; on eut à le subir une seconde.
Il représente bien la société moderne elle-même telle qu’il l’a refaite, dans sa mesure un peu vague et flottante, mais toutefois persistante, de disposition morale et religieuse : à défaut de la foi, il a le respect.
Grenier, en acceptant à peu près son point de vue, et en faisant toutefois remarquer que le nouveau contempteur d’Homère ne garde pas assez de mesure.
Celui-ci qui, dans ses Cours, avait eu à repasser sur les mêmes canevas, qui savait la difficulté de la tâche, et que la sobriété n’effraye pas, est même allé jusqu’à louer cette première partie à l’égal des deux autres : en quoi il me paraît excéder un peu la mesure de ce qui est dû.
Le golfe de Naples devait s’ouvrir à l’invasion combinée des Russes et des Anglais ; un général russe était arrivé à Naples dès les premiers jours de juin pour prendre clandestinement les mesures et fixer le point du débarquement.
On raconte qu’à mesure que Charles-Albert lisait cette Épître qui lui fut remise par un respectable prélat, son émotion devenait visible, et qu’elle se trahit surtout à ce vers : Je venais contempler mon Paradis perdu.
Deux légères fautes qu’il avait commises dans les derniers temps y avaient été peu senties : l’une, c’était d’avoir composé et publié un poëme français, Hélène, qui ne donnait pas sa mesure, qui semblait pourtant la donner, et qui pouvait faire dire à ses critiques d’ici qu’il n’avait de talent qu’en patois et grâce à son patois ; l’autre faute, c’était d’avoir adressé un Poëme-Épître à M.
Le maréchal Keith, Écossais de naissance et l’un des principaux lieutenants de Frédéric, en écrivait de grands compliments à son père, et en rabattant tout ce qu’on peut attribuer à la politesse, il est bien certain que le jeune homme se fit estimer par son tact, sa mesure et son intelligence.
Sainte-Beuve, dès le premier jour, de défendre sur ce terrain comme il l’entendait une mesure d’un ministre de l’Empereur en toute liberté et vivacité, ce qui ne lui aurait guère été possible ailleurs dans les mêmes termes.
Les premières guerres de la Révolution, nées d’un sublime élan, enfantées des entrailles du sol pour le défendre, pour repousser l’agression des rois, nous reportèrent un moment aux beaux jours de l’héroïsme antique ; elles dégénérèrent vite, même en se perfectionnant, mais aussi en s’agrandissant outre mesure au gré du génie et de l’ambition du plus prodigieux comme du plus immodéré capitaine des temps modernes.
Mais bientôt, mis en arrestation par mesure générale avec les principaux habitants du faubourg Saint-Germain, il faillit être enveloppé dans les massacres de septembre.
Mêlé toute sa vie aux querelles littéraires, salué, comme Crébillon, du nom de grand par Des Fontaines, Le Franc et la faction anti-voltairienne, Rousseau avait perdu sa réputation à mesure que la gloire de son rival s’était affermie et que les principes philosophiques avaient triomphé ; il avait été même assez sévèrement apprécié par la Harpe et Le Brun.
Enfin, l’on pouvait être étonné, par conséquent entraîné ; et des hommes croyaient qu’un d’entre eux était nécessaire à tous ; de là les grands dangers que courait la liberté, de là les factions toujours renaissantes, car les guerres d’opinions, finissent avec les événements qui les décident, avec les discussions qui les éclairent ; mais la puissance des hommes supérieurs se renouvelle avec chaque génération, et déchire, ou asservit la nation qui se livre sans mesure à cet enthousiasme ; mais lorsque la liberté de la presse, et ce qui est plus encore, la multiplicité des journaux rend publiques chaque jour les pensées de la veille, il est presque impossible qu’il existe dans un tel pays ce qu’on appelle de la gloire ; il y a de l’estime, parce que l’estime ne détruit pas l’égalité, et que celui qui l’accorde, juge au lieu de s’abandonner ; mais l’enthousiasme pour les hommes en est banni.
13° Droit sur les foires et marchés, aunage, poids et mesures.
. — Il y aurait lieu d’examiner dans quelle mesure l’authenticité du Traité de la Réformat ou de la justice doit être suspectée : j’y trouve deux pages bien étonnantes de divination sur les conséquences que les abus sociaux doivent nécessairement amener, et je doute qu’une créature des Seguier ait pu écrire de telles choses au xviic siècle.
Son rôle a donc été fort analogue à celui de Malherbe : en face de la strophe oratoire préparée par celui-ci, il a construit la période éloquente, et Boileau avait le droit d’écrire : « On peut dire que personne n’a jamais mieux su sa langue que lui, et n’a mieux entendu la propriété des mots et la juste mesure des périodes. » Et vraiment, quand on lit certaines pages de Balzac, dans le Socrate chrétien par exemple, on sent que la forme de Bossuet est trouvée.
Il ne cesse de répéter que les passions qui sont en nous donnent la mesure de notre énergie morale, et que tout le secret de la vertu est de savoir utiliser, diriger, canaliser ces forces naturelles.
Nous sentons bien que quelque chose vient de finir : et par là nous pouvons en quelque mesure distinguer ce qui commence.
Il est vrai que ce rôle, comme celui de Théodora, a été fait expressément pour elle, sur mesure et très collant.
Cela ne m’étonne pas outre mesure, puisque ce même public, entre la contemplation des aventures cinématographiques de Rigadin, une séance de Tango et un match de boxe, couvre de son mépris toutes les tentatives artistiques et accule Antoine à la faillite.
Le travailleur lui fait horreur : il lui reproche ses heures régulières comme une trace de bourgeoisisme, mais il vit de ses idées, qu’il déguise et mesure à son aune.
L’immodestie commence chez celui qui excède la mesure qui convient.
A mesure que la nation se constitue et que l’esprit de société y fait des progrès, les écrits se remplissent de maximes qui s’appliquent de plus en plus à l’homme en général.
Il voudrait qu’on nous montrât Zilia française, après nous l’avoir fait voir péruvienne ; qu’on la montrât non plus jugeant selon ses préjugés, mais comparant les siens et les nôtres ; qu’on lui fît remarquer combien elle avait tort d’être d’abord étonnée de la plupart des choses ; qu’on lui fît suivre en détail les causes de ces mesures tirées de l’antique constitution du gouvernement, et tenant à la distribution primitive ou graduelle des conditions, ainsi qu’aux progrès des connaissances.
En recommençant après ces affreuses crises, il est plus limité, j’en conviens ; la verte lande où l’on peut errer en promenant ses pensées et en cherchant l’inspiration imprévue est plus étroite ; elle ne s’étend que peu à peu et à mesure que la tranquillité renaît dans les cités et dans les âmes.
Dans ce récit exact, méthodique, sensé et touchant, Madame donne la mesure de sa raison précoce et de son bon jugement dans les choses de l’âme.
Pour avoir mission et vertu de relever dans la juste mesure le nom de Marmont, il faut être un Bonaparte même : c’est à la lance d’Achille à guérir la blessure.
En cette soudaine atteinte où la mort la prit comme à la gorge, elle garda sa présence d’esprit, pensa aux choses essentielles, à Dieu, à son âme, à Monsieur, au roi, aux siens, à ses amis, adressa à tous des paroles simples, vraies, d’une mesure charmante et, s’il se peut dire, d’une décence suprême.
Il faut que je me mette en mesure avec mes moyens, et que je n’éloigne pas de moi la douce Muse qui s’y proportionne.
Et pourtant, à défaut de puissance, il y a dans sa manière un ton soutenu, une douce mesure, une certaine harmonie qui, aux bons endroits, et quand on s’y prête à loisir, n’est pas sans action ni sans charme.
A mesure que M.
Le peuple écoute avidement, les yeux élevés et la bouche ouverte, croit que cela lui plaît et, à mesure qu’il y comprend moins, l’admire davantage ; il n’a pas le temps de respirer ; il a à peine celui de se récrier et d’applaudir.
Il doit prendre garde que la peinture, trop complaisamment poussée, d’un sentiment mauvais, d’un vice, d’une faute, ne fasse oublier au lecteur la perversité du sentiment ou de l’acte ; il faut qu’il mesure le danger de l’exemple qu’il crée lui-même, et que, par une habileté dont le public ne s’apercevra peut-être pas, sans le dire le plus souvent, il laisse aux manifestations de la volonté humaine leur caractère de liberté, de mérite ou de démérite.
Dans la mesure où elle est intelligible, elle est la métaphysique d’une science aux cadres purement mathématiques, de la science telle qu’on la concevait au temps de Descartes.
Mlle de Bourbon va au couvent ; il décrit ce couvent, mesure son étendue, nomme toutes les rues qui le bornent, indique l’entrée, la place des jardins, des chapelles, de l’infirmerie, des appartements séparés, les dates, les moyens et la grandeur des accroissements successifs.
Cet esprit devient plus visible à mesure que vous tournerez les pages.
Le couplet était beau, ne surchargeait pas outre mesure le développement, et il était plutôt à conserver. […] L’auteur, ici, intervient souvent, très souvent, même ; seulement, il intervient toujours avec impartialité, avec sang-froid, avec un respect absolu de la vérité et un sentiment extrêmement juste de la mesure ; et, si l’on veut, le livre n’est pas objectif ; mais l’auteur y intervient avec objectivité. […] Et cette révolution, dont Mgr Mathieu dit qu’il fallait qu’elle fût, comment la Lorraine l’envisagea-t-elle et comment la voulut-elle préparer dans la mesure de ses forces ? […] C’est à mesure, ce semble, que la civilisation augmente que l’horreur de la mort s’accroît. […] Je suis pour qu’on parle sérieusement des choses qui resteront toujours sérieuses ; mais la mesure dans laquelle M.
Il blesse, par son exubérance, nos habitudes de modestie ; il manque de mesure et de discrétion. […] Sans glisser sur le terrain de la politique, je ne puis me dispenser de constater qu’ils manquent de mesure et d’atticisme. […] On va voir dans quelle mesure il a tenu compte de la vérité… La reine était alors à la Conciergerie, et non au Temple, comme l’a dit Dumas. […] Masson-Forestier a su garder la juste mesure ; il n’est pas tombé dans la déclamation, il a évité la sécheresse. […] Il voudrait réparer les iniquités sociales, racheter, dans la mesure du possible, les injustices, et le peuple imbécile ne lui sait aucun gré de ses intentions, ne les comprend même pas.
……………………………………………………………………………………………………… Plaintives, les dernières notes du clairon traînaient dans le chemin creux, et déjà, dans le lointain, des rumeurs présageaient le retour offensif des masses prussiennes ; un murmure confus montait incessant, grandissant à mesure que le crépuscule croissait ; on sentait qu’une armée compacte revenait, à marche forcée, doublée de troupes fraîches, pour reprendre les positions perdues et écraser sous le nombre les vainqueurs d’un moment. […] On en vend de superbes toutes faites ; mais les vraies mères, celles qui le sont d’avance, aiment à coudre, à tailler elles-mêmes, et, à mesure que le carton s’emplit où s’entassent les parures de l’enfant, à sentir qu’elles hâtent sa venue, que chaque point les rapproche de la naissance espérée. […] … » À mesure que l’huissier, en grande tenue, culotte courte, épée au côté, annonçait de sa voix morue dans la solennité des pièces de réception, des files d’habits noirs traversaient l’immense salon rouge et or et venaient se ranger en demi-cercle devant le ministre adossé à la cheminée, ayant près de lui son sous-secrétaire d’État. […] Il la salue, et, tête nue, sous la pluie, se tournant sur son cheval à mesure qu’il s’éloigne, tant qu’il peut l’apercevoir, il la regarde. […] Cette taille fine et souple était pincée et serrée outre mesure dans une redingote brune à collet trop haut, comme on les portait à cette époque.
À mesure que je multiplie les questions, mon embarras redouble, et je ne sais que penser. […] S’il ne mesure pas la douleur aux forces de sa créature, il ne mérite pas mes prières, et je le maudis. — J’avais rêvé la gloire, et voici qu’elle m’échappe. […] La mesure de la patience divine serait comblée. […] Je ne crois pas, comme on le répète partout, que la rue de Chartres et le boulevard Bonne-Nouvelle soient en mesure de régénérer la Comédie-Française.
On ne raconte pas l’inénarrable, on ne mesure pas l’incommensurable, on ne sonde pas l’insondable. […] C’est donc sur le degré précis et la mesure exacte que je contesterai. […] Dumas fils ne doit pas non plus s’inquiéter outre mesure. […] Non ; ni loi, ni règle, ni mesure, ni compas, enfin rien de ce qui rappelle l’école. […] On n’est plus tenté de dire que le critique va au-delà de la mesure ni qu’il a ses nerfs.
Paul Oui, mais sans mesure. […] Tout citoyen d’une République est libre par là même au même titre et dans la même mesure que tous les autres.
Car, sans lui, comment faire avec aisance, mesure et légèreté les mille actions les plus ordinaires de la vie courante, marcher, s’asseoir, se tenir debout, offrir le bras, relever l’éventail, écouter, sourire, sous des yeux si exercés et devant un public si délicat ? […] Une grande dame « salue dix personnes en se ployant une seule fois, et en donnant, de la tête et du regard, à chacun ce qui lui revient267 », c’est-à-dire la nuance d’égards appropriée à chaque variété d’état, de considération et de naissance. « C’est à des amours-propres faciles à s’irriter qu’elle a toujours affaire, en sorte que le plus léger défaut de mesure serait promptement saisi268 » ; mais jamais elle ne se trompe, ni n’hésite dans ces distinctions subtiles ; avec un tact, une dextérité, une flexibilité de ton incomparables, elle met des degrés dans son accueil.
XII Après qu’on est sorti d’une gorge profonde qui mène de la ville au Jura, et à mesure qu’on s’élève sur les pentes de cette chaîne, le lac de Neuchâtel, dont on s’éloigne, paraît se rapprocher quand on se retourne. […] Le visage que Gérard a donné à sa Corinne n’a rien des traces de la passion, des lassitudes du génie, des pâleurs de l’inspiration sur des traits de femme ; c’est un poli et frais visage de Suissesse abreuvée de lait, ou d’Anglaise colorée du frisson des brises du Nord, cherchant à froid, dans ses yeux rêveurs, quelques phrases sonores pour pleurer en mesure sur la décadence de l’empire romain, qui lui est parfaitement indifférente.
La gloire est un isoloir qui sépare l’artiste de son humble berceau, qui l’élève dans la sphère des abstractions, qui confond tous les rangs à une hauteur où il n’y a plus de mesure humaine pour discerner les distances ; la gloire seule est au-dessus des distinctions sociales, parce qu’elle est la distinction divine, l’ennoblissement par la nature, le sacre d’en haut. […] Quand on mesure par la pensée tout ce qu’il y a de sensibilité dans ses deux œuvres capitales : les Moissonneurs et les Pêcheurs de l’Adriatique ; quand on le voit passer, comme par une gamme prodigieuse, des impressions humaines de l’excès de vie, de jeunesse, d’amour, de bonheur, dans le char des Moissonneurs, à l’excès de mélancolie et d’abattement dans la barque des Pêcheurs ; quand on parcourt la distance morale qu’il y a de la figure de la fiancée couronnée d’épis et de pavots, dansant devant les bœufs du tableau de la Madonna dell’Arco, à la figure de la jeune épouse transie des frissons du départ, pressant son nourrisson dans ses bras, ou à la figure de la femme âgée et mourante, voyant partir pour la première fois ses deux petits-fils et voyant partir, pour la dernière fois aussi, le mari vieilli de ses beaux jours, qu’elle ne verra plus revenir, on comprend tout ce qu’a dû sentir, dans la moelle de ses nerfs, le peintre capable d’avoir exprimé ainsi les deux pôles extrêmes de la sensibilité humaine : l’excès de la félicité, l’excès de la douleur.
Du paganisme au christianisme se mesure la distance entre les deux poèmes. […] Les poètes du pays s’extasient, selon nous, outre mesure sur ces légendes superstitieuses de Provence et sur les sorcelleries de la grotte des Fées.
À mesure que la dictature militaire était devenue moins habituelle et moins nécessaire, des consuls électifs avaient été cédés au peuple par la noblesse afin de limiter le despotisme des doges par des censeurs et des inquisiteurs. […] Votre agrandissement sans mesure ne serait-il pas une véritable trahison de la France d’aujourd’hui envers la France de demain ?
Ce monde n’était plus fait à leur mesure. […] Née d’elle-même, elle grandit à la hauteur d’elle-même et elle devint insensiblement, comme nous allons la voir, une femme phénoménale, qui ne se mesurait plus qu’à sa propre taille, et sous l’œil de son père, et sous la mesure de Dieu.
entré dans la triste saison des désenchantements, de plus en plus je m’enflamme pour elle, à mesure que le temps va détruisant en elle ce qui n’est pas elle, ces frêles avantages d’une beauté qui devait mourir. […] On craignait en un mot que le partisan de 1745 ne retrouvât sa vigueur juvénile pour cette expédition d’un nouveau genre ; il fallait donc être en mesure d’empêcher un coup de main.
Son discours se prolongeant outre mesure, l’amant lui tourne le dos. […] Il en a la qualité suprême, la mesure, le goût ; il sait n’exprimer de ses sentiments que ceux qui lui sont communs avec tout le monde, et garder pour lui ce qui n’est propre qu’à lui.
Il y faut mettre beaucoup de candeur, et avouer tout d’abord dans quelle mesure nous sommes juges compétents du sermon. […] Quelle devait être, sous la parole révélatrice de Bourdaloue, l’attente de tous et l’anxiété de quelques-uns, à mesure que la morale allait prenant un corps, et se personnifiant de plus en plus !
La poésie, avec le soin qu’elle prend d’éviter certaines dissonances, avec son rythme qui mesure le nombre, sinon la durée des syllabes, avec l’écho régulier que fait la rime et parfois le refrain, s’efforce de charmer l’ouïe à sa manière et obtient une harmonie particulière qui n’est point à dédaigner. […] A mesure que la démocratie s’affermit et s’organise en un pays, il semble que la littérature s’associe de plus en plus aux fêtes dans lesquelles tout un peuple communie et prend pour quelques heures une seule et même âme.
Mais à mesure que le désir de le faire s’accentuait, il s’apercevait « que l’œuvre, dans cette forme-là, n’était point viable sur la scène » (iv, 416). — Pour essayer ce parer autant que possible aux défauts de cette pièce, il imagina, dans les premiers mois de 1851, de mettre sur la scène la jeunesse ce Siegfried (telle qu’il l’avait déjà conçue dans son Esquisse de drame), et de montrer dans cet autre opéra quelques-uns des exploits dont on parlait dans le premier ; il écrivit donc un poème d’opéra intitulé le Jeune Siegfried, qu’il termina le 24 juin 1851. […] Œsterlein seul la mise en ordre de ces trésors et l’ensemble de mesures qui les rendrait utilisables.
Or le déterminisme n’a pu manquer de s’imposer comme une forme essentielle et vraiment structurale à notre activité, à mesure qu’elle s’est déployée. […] La succession uniforme des antécédents et conséquents, l’unité dans la variété est une chose que l’observation justifie et justifiera toujours, au moins en une certaine mesure, parce que cette chose est déjà impliquée dans le processus de l’observation même et de ses éléments constitutifs (sensation et réaction volontaire), comme dans l’organisation cérébrale qui y correspond.
Presque toute la société se rallie à cette théorie, en déclarant qu’un Mirabeau échappe aux règles de la petite probité bourgeoise : « Alors, Messieurs, nous écrions-nous, il n’y a plus de morale, de justice chez les historiens en histoire, si vous avez deux mesures, deux balances, l’une pour les hommes de génie, l’autre pour les pauvres diables. […] * * * — On pourrait définir le provincial : l’homme qui n’a ni la mesure ni l’à-propos.
L’accusé principal est calme, et d’un sang-froid sec ; seulement son visage, à mesure que s’engage le débat, et qu’il ferraille, sans repos et debout, contre le long interrogatoire du président, son visage semble maigrir et se creuser sous le tiraillement des nerfs. […] On dénoue la chemise ensanglantée, on fait rentrer le couteau dans le trou du linge raide, on mesure la largeur du coup de la mort, là où il a été donné.
À mesure qu’on s’élève, le froid augmente. […] Le Purgatoire et le Paradis ne sont pas moins extraordinaires que la Géhenne, mais à mesure qu’on monte on se désintéresse ; on était bien de l’enfer, mais on n’est plus du ciel ; on ne se reconnaît plus aux anges ; l’œil humain n’est pas fait peut-être pour tant de soleil, et quand le poëme devient heureux, il ennuie.
Les objets d’étrange mesure Sont rares parmi les humains. […] Quiconque oseroit, ajoute-t-elle, entreprendre de le faire sans cela, verroit bientôt la plume lui tomber des mains à mesure qu’il liroit l’original, & qu’il en connoîtroit toute la beauté.
Le bibliophile a copié, respectueux, son œuvre en rubriques spéciales sur papiers idoines avec portraits des idées à mesure qu’elles passent. […] Donnay, le repos de ne pas voir sur la scène ce qu’ils ne comprennent pas, le plaisir actif de créer aussi un peu à mesure et de prévoir ?
En Chine, ils descendirent des montagnes à mesure que les eaux se retiraient des plaines ; ils creusèrent des canaux pour en faciliter l’écoulement ; ils défrichèrent ces marais et devinrent laboureurs. […] « Qui en a établi les mesures ?
Les créations infinies et de dates immémoriales de Dieu dans les profondeurs sans mesure de ces espaces qu’il remplit de lui seul par ses œuvres ; les firmaments déroulés sous les firmaments ; les étoiles, soleils avancés d’autres cieux, dont on n’aperçoit que les bords, ces caps d’autres continents célestes, éclairés par des phares entrevus à des distances énormes ; cette poussière de globes lumineux ou crépusculaires où se reflétaient de l’un à l’autre les splendeurs empruntées à des soleils ; leurs évolutions dans des orbites tracées par le doigt divin ; leur apparition à l’œil de l’astronomie, comme si le ciel les avait enfantés pendant la nuit et comme s’il y avait aussi là-haut des fécondités de sexes entre les astres et des enfantements de mondes ; leur disparition après des siècles, comme si la mort atteignait également là-haut ; le vide que ces globes disparus comme une lettre de l’alphabet laissent dans la page des cieux ; la vie sous d’autres formes que celles qui nous sont connues, et avec d’autres organes que les nôtres, animant vraisemblablement ces géants de flamme ; l’intelligence et l’amour, apparemment proportionnés à leur masse et à leur importance dans l’espace, leur imprimant sans doute une destination morale en harmonie avec leur nature ; le monde intellectuel aussi intelligible à l’esprit que le monde de la matière est visible aux yeux ; la sainteté de cette âme, parcelle détachée de l’essence divine pour lui renvoyer l’admiration et l’amour de chaque atome créé ; la hiérarchie de ces âmes traversant des régions ténébreuses d’abord, puis les demi-jours, puis les splendeurs, puis les éblouissements des vérités, ces soleils de l’esprit ; ces âmes montant et descendant d’échelons en échelons sans base et sans fin, subissant avec mérite ou avec déchéance des milliers d’épreuves morales dans des pérégrinations de siècles et dans des transformations d’existences sans nombre, enfers, purgatoires, paradis symbolique de la Divine Comédie des terres et des cieux ; Tout cela, dis-je, m’apparut, en une ou deux heures d’hallucination contemplative, avec autant de clarté et de palpabilité qu’il y en avait sur les échelons flamboyants de l’échelle de Jacob dans son rêve, ou qu’il y en eut pour le Dante au jour et à l’heure où, sur un sommet de l’Apennin, il écrivit le premier vers fameux de son œuvre : Nel mezzo del cammin di nostra vita , et où son esprit entra dans la forêt obscure pour en ressortir par la porte lumineuse. […] L’instrument n’est pas le même ; vous ne le manierez pas avec la même mesure et avec le même doigté.
Cependant, à mesure que le pressentiment de l’approche de Béatrice le réchauffe, ses vers reprennent de plus en plus l’accent de ses premières poésies amoureuses. […] « Et regarde au-dessus de toi, car le paradis n’est pas seulement dans mes yeux. » « Et comme, à mesure que l’homme sent plus de satisfaction à bien faire, il s’aperçoit de jour en jour que sa vertu s’accroît en lui, — ainsi m’aperçus-je que la circonférence du ciel sous lequel je planais s’était élargie devant moi et m’offrait ses prodigieuses extases !
II Je ne veux cependant ni m’exalter ni m’abaisser outre mesure sous le rapport poétique. […] Dans ce cantique d’enfant, il n’y avait encore que de la musique et un peu de peinture ; le rythme m’enivrait déjà ; mais le rythme seul ressemble à ce chef d’orchestre qui bat la mesure avec son archet pendant les silences de la mélodie.
Toutes ces fragiles gloires de passage, Bembo, Politien, Ficin, Sannazar, talents de reflet qui, n’ayant pas d’originalité à perdre, pastichèrent l’antiquité dans des écrits qu’on ne lit plus, lui semblent plus grandes qu’elles ne sont, et la superstition de l’humanisme le possède si bien, qu’il perd entièrement la mesure d’Érasme, — cette première et débile ébauche, essayée par la nature, de l’homme qui sera Voltaire plus tard ! […] Le chrétien s’était mis en mesure avec le ciel.
Nous n’interrogerons le Mystère et l’Infini que dans la mesure où il convient à des hommes éphémères et bornés. […] * Pourtant ne nous désolons pas outre mesure !
Au reste, c’est une nécessité que je m’attache à vous de plus en plus, à mesure que tous mes autres liens se rompent sur la terre.
Dans le rapport sur le magnétisme animal ou mesmérisme, parlant au nom d’une commission dont faisaient partie Franklin, Lavoisier, et de savants médecins de la faculté de Paris, Bailly montra toute la sagesse et la mesure de son excellent esprit, et prouva que, dès qu’il s’agissait d’un grand intérêt actuel et pratique, les hypothèses ne prenaient plus sur son imagination.
Je suis très frappé dès les premières pages du Journal, et de plus en plus, à mesure qu’on avance dans cette lecture, de l’état de santé de Louis XIV, et je m’explique ainsi bien des changements qui survinrent alors dans son régime et dans ses mœurs.
Mais quoique Charron, dans son bon esprit, se fasse cette objection conforme à la charité, et qu’il y obtempère en quelque mesure, comme on sent bien que le raisonneur en prend ici à son aise !
Jung est de trop appliquer la méthode de Quintilien à Henri IV, de lui vouloir prendre la mesure comme à un ancien, de trop diviser et subdiviser son esprit, sa manière de penser et de dire, de séparer dans des compartiments divers ce qui n’a jamais fait qu’un, et ce qu’il vaudrait mieux accepter sous sa forme naturelle ; en un mot, de trop vouloir traiter comme un livre ce qui est un homme.
Cousin est l’exagération, et le propre de cette belle époque est la mesure.
On ne lui donnait point l’exemple de la mesure, et il la perdait à tout moment.
Toutefois le caractère du duc de Rohan, bien que surtout formé de politique, et différant peu en cela de celui de Bouillon, semble plus fait pour embrasser les intérêts du parti en lui-même, et on entrevoit dans ses desseins, s’il avait réussi, plus de générosité et de grandeur : à mesure qu’il avance, il est plus sincère dans son rôle de grand seigneur réformé.
Habile capitaine plutôt que grand général, sa mesure à cet égard est difficile à prendre, et j’aimerais assez à entendre là-dessus des gens du métier : à le traduire à la moderne, ce qui est toujours hasardeux, vu l’extrême différence des moyens en usage aux différents siècles, il me fait l’effet d’être ou d’avoir pu être, comme militaire, quelque chose entre Gouvion Saint-Cyr et Macdonald, et plus près du premier à cause des pensées.
Ainsi, dans une lettre au prince Albert de Broglie au sujet de Donoso Cortès, elle veut marquer que la disposition de cet éloquent Espagnol à maudire notre siècle en masse, disposition qu’elle était loin de partager, ne lui donne pourtant point de l’éloignement pour sa personne et qu’elle se sent plus attirée que repoussée, malgré cette opposition des points de vue : « Jamais, dit-elle, disposition morale ne m’a paru plus étrangère au mouvement de la pensée ; aussi, toute dissidence avec lui (Donoso Cortès) amène un effet surprenant, c’est de se sentir, dans un sens, rapproché de lui à mesure qu’on s’en sépare. » On m’avouera que c’est du Rambouillet tout pur.
Il répudiait la sécheresse des formes protestantes ; il paraissait croire à une réunion future, et à l’amiable, de toutes les communions chrétiennes ; en un mot, comme tous les vrais critiques que travaille une grande activité d’esprit et d’imagination, il était en train, sans s’en douter, de passer en réalité par la disposition et l’état moral qui lui avait manqué jusqu’alors, afin d’être ensuite tout à fait en mesure de s’en rendre compte et de le comprendre.
Craufurd qui avait dû, en quittant Paris, prendre des mesures pour que les lettres, à lui adressées, lui parvinssent sans retard, a pu fort bien recevoir celle-ci juste au moment où il partait pour Londres, ou même après y être arrivé ; et, cette lettre reçue, il dut écrire immédiatement à lord Castlereagh pour la lui envoyer.
Mais un autre jour, il en est tout autrement : les choses se sont passées, il est vrai, avec un peu moins de sobriété : « Le cours de cette médecine, dit à un endroit Fagon (fin de cette même année 1708), fut brusquement arrêté par le dîner du roi, qui mangea beaucoup, et entre autres choses, outre les croûtes, le pain mitonné en potage et les viandes fort solides, combla la mesure à son dessert avec des vents faits avec du blanc d’œuf et du sucre, cuits et séchés au four, force confitures et des biscuits bien secs ; ce qui joint à quatre grands verres en dînant et trois d’eau sortie de la glace, après dîner, donna sujet au roi de se plaindre, après avoir travaillé trois heures avec M. de Pontchartrain, qu’il se sentait faible et qu’il avait de la peine à marcher. » Notez cependant que, s’il a trop dîné, il n’en a pas moins travaillé ses trois heures.
Personne mieux que Gœthe ne s’entendait à prendre la mesure des esprits et des génies, de leur élévation et de leur portée ; il savait les étages ; c’est ce que trop de critiques oublient et confondent aujourd’hui.
Je sais que des amis d’un esprit très-distingué lui ont dit le contraire et lui ont précisément reconnu, en tout ceci, le don et le génie de l’intuition ; mais je ne comprends pas bien à quoi ce mot s’applique, là où toute vérification et tout contrôle sont à jamais impossibles, et je ne puis parler que selon les vraisemblances et d’après mes impressions, d’après celles également de bien des esprits ayant même mesure que moi et même niveau.
Guéroult a, selon moi, le mérite de voir surtout le but, l’objet essentiel ; et c’est maintenant que je suis en mesure de répondre à la question que j’avais posée d’abord : que représente-t-il dans la presse quotidienne ?
Quoiqu’il ait peu produit, ce semble, à en juger surtout à la mesure abondante et surabondante d’aujourd’hui, il n’est pas de ceux qui se rongent les ongles et s’arrachent les cheveux à faire des vers.
Par mesure de prudence, les magistrats avaient eu soin de laisser sans poudre les canons du rempart, afin d’ôter aux mauvaises têtes, s’il y en avait, le moyen de commencer un jeu qui aurait mal fini pour la population tout entière.
L’Antiquité grecque, son théâtre avec son génie et son style, mieux compris, ont donné les points nécessaires, les hauteurs essentielles pour les mesures comparées.
Son indolence le portait à céder facilement à tout ce qu’ils lui proposaient, sans prendre la peine de l’examiner, encore moins de le contredire ; son jugement sain et l’expérience qu’il avait des affaires lui faisaient souvent désapprouver en secret leur conduite et leurs mesures ; rarement il se permettait des représentations, il n’y insistait jamais : la consolation de ces âmes indolentes, que la faiblesse domine sans leur ôter l’intelligence, est le mépris pour ceux qui les conseillent mal, soit par ignorance, soit par des passions particulières.
Ce sont comme autant de nœuds qui marquent la croissance du tronc robuste, à mesure qu’il s’élève et étend plus loin ses rameaux.
Toutes ses facultés, y compris son imagination grandiose, y trouvaient leur magnifique emploi ; un rêve superbe, une vision charlemanesque le saisit ; il entra tout d’un trait dans une phase nouvelle ; et lorsqu’en 1807, ayant reconnu qu’il n’y avait que la Russie qui pouvait ne pas être irréconciliable, il put se flatter de l’avoir gagnée dans la personne de son jeune empereur, il dut se croire en mesure de tout oser, de tout exécuter dans l’Occident.
Au lieu de cela, n’ayant pas eu affaire à un adversaire de sa force, il n’a pas donné toute sa mesure.
En parcourant tous ces registres, je voyais la progression des idées fausses à mesure qu’elles s’éloignent des bons principes ; je retrouvais la cause des désordres qu’entraînent toujours, dans les opérations administratives, l’instabilité des règles, la variation des décisions, la multiplicité des écritures et l’innovation des formes.
C’est ce que les critiques du dernier siècle n’ont pas évité en parlant de La Fontaine : ils l’ont trop isolé et chargé dans leurs portraits ; ils lui ont supposé une personnalité beaucoup plus entière qu’il n’était besoin, eu égard à ses œuvres, et l’ont imaginé bonhomme et fablier outre mesure.
que l’esprit du poète se condense et se matérialise à mesure qu’il s’agrandit et s’élève.
. — Attaque de delirium : « Il buttait contre la fenêtre, s’en retournait à reculons, les bras marquant la mesure, secouant les mains, comme s’il avait voulu se les casser et les envoyer à la figure du monde » (p. 549).
Les idées, les sentiments qu’on exprimait dans ces comédies étaient, pour les spectateurs de Rome, comme une fiction de plus dans un ouvrage d’imagination ; et néanmoins Térence conservait dans ces sujets étrangers le genre de décence et de mesure qu’exige la dignité de l’homme, alors même qu’il n’y a point de femmes pour auditeurs.
Le Diable boiteux, dont le cadre et le titre étaient pris à l’Espagnol Guevara, mais où l’invention devient plus personnelle à mesure que l’ouvrage se développe, gagnerait à être allégé de plusieurs nouvelles et de nombreux portraits.
Mais à mesure que l’on sort du grand monde, et que l’on descend vers le peuple, les choses deviennent plus sérieuses.
On expulse les princes, mais tout Paris chante la chanson de Mac-Nab qui raille la mesure.
Il faut voir dans le texte (car les meilleures traductions sont pâles en ces endroits) avec quelle effusion il célèbre ce beau génie, le seul que le peuple romain ait produit de vraiment égal à son empire : « Je te salue, ô toi, s’écrie-t-il, qui le premier fus nommé Père de la patrie, toi qui le premier méritas le triomphe sans quitter la toge… » À quelques livres de là nous apprenons à regret que le fils indigne de l’illustre orateur était un buveur éhonté ; qu’il se vantait d’avaler d’un seul trait des mesures de vin immenses ; qu’un jour qu’il était ivre, il jeta une coupe à la tête d’Agrippa : « Sans doute, dit ironiquement Pline, ce Cicéron voulait enlever à Marc-Antoine, meurtrier de son père, la palme du buveur. » Le livre de Pline sur l’Homme est rempli de particularités, d’anecdotes intéressantes et qu’on ne trouve que là.
Né en 1602, il n’avait que vingt-neuf ans quand il donnait la mesure de sa capacité, de sa hardiesse et de son bonheur dans la guerre d’Italie.
Mais ce jour-là, il avait comblé la mesure, et toutes les colères, depuis plusieurs mois accumulées, débordèrent.
Villemain a voulu faire de certaines mesures récentes, et qu’il a mise adroitement dans la bouche même de l’Empereur.
Henri bientôt dépassa pourtant la mesure dans ses licences, et elle de son côté également ; ils n’étaient pas en reste l’un à l’égard de l’autre.
Je crois que tu nous as donné les biens et les maux en mesure égale ; je crois que ta justice a tout sagement compensé pour nous, et que la variété des peines et des plaisirs, des craintes et des espérances, est le vent frais qui met le navire en branle et le fait avancer gaiement dans sa route.
À vingt-quatre ans, l’abbé Gerbet annonçait un talent philosophique et littéraire des plus distingués ; en Sorbonne, il avait soutenu une thèse latine avec une rare élégance ; il avait naturellement les fleurs du discours, le mouvement et le rythme de la phrase, la mesure et le choix de l’expression, même l’image, ce qui, en un mot, deviendra le talent d’écrire.
Lebrun-Tossa, et dont il parlait aussi négligemment que possible, n’était autre, à très peu près, sauf changement du nom des personnages, que la pièce de Conaxa retrouvée à la Bibliothèque impériale ; il ne croyait pas qu’on pût prendre la mesure exacte du secours qu’il avait reçu, dont il n’avait point parlé jusque-là et dont il ne parlait même alors que le moins possible.
vous voulez me détrôner. » Pendant cette lutte, et à mesure qu’elle se prolonge, il se sent faiblir graduellement ; et lui, homme si énergique et si dur, le voilà qui succombe, pour ainsi dire, par défaillance.
Moreau (de Tours), fidèle à sa peinture fantastique du génie, exagère tout, la distraction comme l’enthousiasme : « De même qu’en s’exaltant outre mesure, dit-il, l’imagination touche au délire ; l’attention, par sa tension exagérée, touche au fait le plus grave de l’aliénation mentale, à la perte de la conscience, à l’extase. » Ce sont là de grandes exagérations.
par la construction logique de la strophe se constituant d’après les mesures intérieures du vers qui dans cette strophe contient la pensée principale ou le point essentiel de la pensée.
La satisfaction de n’être pas dupe se mesure à l’horreur que l’on a de l’être et cette horreur est infinie chez quelques hommes.
Fervaques et Bachaumont prennent bien exactement la mesure de ma critique et de mes paroles !
L’exemple de ses devanciers lui donne la mesure de ce qu’il fera, et ce qu’il fera est peu de chose.
Quelle est l’espèce et la mesure de son imagination ?
Dans un juste souci d’être équitable envers toutes les écoles dignes de ce nom, je me plais à rendre hommage selon l’exacte mesure au talent des prosateurs et des poètes qui continuaient le xviiie siècle en 1801. […] À vrai dire ce grand poète, ce prosateur non moins grand, l’un des honneurs de la France, jusqu’à l’heure présente nous semble plutôt exalté ou dénigré que jugé dans la bonne mesure. […] Avec La Fontaine vous préparez l’honnête homme d’Horace, raisonnable et sage dans la commune mesure. […] Les poètes de sa Pléiade l’eussent volontiers surnommée « la bonne déesse » et ils n’auraient pas excédé la mesure dans cette formule d’apothéose. […] Car toutes ses productions, à peu d’exceptions près, sont douées de mesure et marquées de perfection.
Il a conclu pratiquement, dans la mesure où les réalités scientifiques l’y conviaient ; et, après un demi-siècle de travail incessant, il a réservé pour une suprême incertitude la part indéfinie de la métaphysique. […] Toute mesure gardée, ce poète philosophe emporte une double louange. […] — Une image ; et, cette image, « nous l’avons faite à la mesure de notre entendement ». […] Autant, remarque-t-il, demander si le système métrique est vrai et si les anciennes mesures sont fausses. […] À mesure que nos philosophes ont été obligés de rétrécir le champ de leurs travaux, ils sont devenus de plus en plus arrogants, dogmatiques, vains et difficiles à vivre.
dans quelle mesure ? […] Dès qu’il commençait une leçon, je ne sais quel scrupule le prenait à la gorge : il était tout occupé d’atteindre une mesure, une exactitude qui appartient plutôt à l’écrivain qu’à l’homme de l’enseignement oral, et il n’avait plus rien de son charmant abandon ni de ses saillies, ou si les saillies venaient, c’était à l’état froid, à l’état de notes préparées. […] Les beaux articles sur le Roman de la Rose, sur Joinville, sur Amyot, ces chapitres détachés d’un cours qui était tout composé et tissu de semblables morceaux furent arrachés de temps en temps à l’auteur par la Revue des Deux Mondes, et ils sont faits pour donner la mesure de ce qu’on n’a pas.
Son air brusque, ses traits courts et ramassés, la rudesse de ses mouvements produisaient au premier abord une impression désagréable ; mais, à mesure qu’il parlait, sa figure prenait une teinte plus douce ; elle semblait s’embellir de je ne sais quoi d’aimable et de bienveillant, et l’on voyait peu à peu cette physionomie sombre s’éclairer, si l’on peut s’exprimer ainsi, d’un sourire de bonté qui attirait à lui. […] Au bout de trois semaines, Paul fut en état de marcher ; mais son chagrin paraissait augmenter à mesure que son corps reprenait des forces. […] À mesure que le jeune homme descendait cette montagne, sa joie et ses forces semblaient renaître.
Mais l’avance qu’a pu prendre un peuple dans la voie du progrès humain ne se mesure pas nécessairement à sa prospérité. […] J’aime davantage ce drame à mesure que j’y songe. […] Ces mots qu’il aurait à prononcer malgré tout, ces images qu’il ne pourrait se dispenser d’évoquer, du moins indirectement, Corneille ne s’en est pas inquiété outre mesure. […] Elle si décide pourtant, car elle aime de plus en plus ce fou lugubre de Danielo, à mesure qu’il lui fait du mal. […] Il guérit à mesure les blessures qu’il fait, et cela, par le même sentiment qu’il les a faites.
Stéphane Mallarmé a bien voulu dire que j’avais été son premier visiteur ; il est inutile de dire que c’était vrai, cette parole, toujours certaine, étant la vérité et la mesure. […] Laforgue ne trouva pas, dans Paris, trois cent cinquante francs pour ses Moralités légendaires, et ce fut bientôt la misère entière à deux, sans remède, sans amis, qui fussent en mesure de l’aider efficacement. […] Par la construction logique de la strophe se constituant d’après les mesures intérieures et extérieures du vers qui, dans cette strophe, contient la pensée principale ou le point essentiel de la pensée. […] La curiosité publique néglige parfois les côtés larges d’une œuvre nouvelle, pour s’arrêter outre mesure à quelque détail un peu criard. […] Théophile Gautier, critique et prosateur, romancier et nouvelliste, s’affirme aussi comme poète, quoique sa rhétorique artiste ait donné surtout sa mesure plus tard dans les Émaux et Camées.
La guerre pour des mots est toujours un peu notre manie, et l’on peut même ajouter que ces mots, à mesure qu’on les agite, font d’autant plus de vacarme qu’ils sont plus creux, à l’exemple des grelots et des tonneaux. […] Ses sentiments étant nets et sincères dans la mesure de leur importance, je garantis bien que l’œuvre qui les exposera le sera aussi dans la même mesure. […] Partout enfin, dans la mesure du talent des artistes, l’art aspire à vivre de notre vie réelle, à revêtir nos costumes et nos passions réels, à se mettre, en un mot, à l’unisson des pulsations réelles de notre cœur.
» car vous vous jugeriez alors, vous vous mesureriez d’une façon quelconque et le Poète, quand il contemple la Poésie, doit perdre tout jugement, toute mesure, tout repli sur soi. […] Voici, maintenant, une petite histoire qui donne sa mesure. […] Les Fleurs du Bitume publiées chez Lemerre, en 1878, avaient presque donné sa mesure. […] Cette mesure, encore plus imbécile que malveillante, n’est que la suite naturelle d’un système général de démolition par le dénigrement de l’esprit militaire dans notre patrie. […] Peut-être, en effet, avais-je un peu dépassé la mesure.
Sous la Restauration, le panégyrique de Molière passe toute mesure. […] Cette joie si sentie nous donne la mesure de ses chagrins, quand il errait, complètement inconnu, du bourg à la ville et du château à la grange, récoltant ici des mépris et là des compliments plus outrageants que des mépris. […] Personne, quand il le fallait, n’a eu, autant que lui, de mesure dans l’expression d’un caractère et d’élévation dans les sentiments et les pensées ! […] Il sera curieux et profitable pour nous, messieurs, d’apprécier à cette mesure la société de l’ancien régime. […] Suivant au théâtre la trace et le contrecoup de la révolution qui se prépare dans l’État, nous verrons la bourgeoisie et le simple peuple s’y élever peu à peu à des rôles plus hauts et y faire chaque jour plus honnête figure ; et, à mesure que leur considération s’accroîtra dans ce monde fictif, nous verrons s’y introduire plus de retenue, le sentiment de la dignité morale devenir plus vif et plus net.
Cela ne doit pas nous empêcher, bien entendu, à mesure qu’une œuvre nouvelle d’Hugo, ou d’un autre, paraît au jour, de dire notre petit avis de première instance, et c’est, brièvement autant que modestement, ce que je vais faire. […] Il a, dans la mesure qui est accordée à un homme, et qui est à peu près nulle, mais enfin dans toute cette mesure, contribué à éclairer l’humanité sur ses défauts et sur ses vices, et fait son métier de correcteur des mœurs, à l’efficacité duquel, c’est encore un trait curieux de son caractère, il croyait. […] Les dramatistes classiques abusaient du monologue préalablement explicatif, et, ventre-saint-gris, quand Camille invective contre son frère, nous savons outre mesure pourquoi. […] Mme Judic, dans le personnage très difficile de Mme Marèze, s’est montrée comédienne accomplie et a fait preuve d’un extraordinaire instinct, ou savoir, de la mesure juste. […] Mais, de plus, ils sont tous cosmopolites, antimilitaristes et antipatriotes, non seulement sans mesure, mais sans nuances et sans courtoisie.
Dans l’histoire du pittoresque en notre littérature, les esquisses et paysages du prince de Ligne à propos de Belœil peuvent servir assez bien de date et de point de mesure.
Suard a le bon goût de ne pas forcer les traits et de rester dans la mesure.
Il s’abandonnait chaque jour au même mouvement, pour lui facile, au même entrain sans cesse répété ; il ne se renouvelait pas, il ne grandissait pas : « Il n’est pas rare, disait-il, qu’on prenne dès la première entrevue l’opinion qu’on a de mon esprit. » Et en effet, c’est que, dans sa verve improvisatrice mondaine, il donnait d’abord sa mesure ; il jetait à tous venants ce qu’il avait de mieux, ce qu’il avait de plus original et de plus vif.
Parfaitement honnête homme et homme d’honneur dans son procédé et ses actions, il n’avait pas, en écrivant, la même mesure morale que nous ; il voyait de l’hypocrisie là où il n’y a qu’un sentiment de convenance légitime et une observation de la nature raisonnable et honnête, telle que nous la voulons retrouver même à travers les passions.
Daru était investi en ces années, une seule, celle de l’intendance de la maison de l’Empereur, était fixe et déterminée dans sa circonscription ; les deux autres s’étendaient incessamment et élargissaient vers la fin leur cercle dans une mesure qui dépassait les forces d’un seul homme, si athlétique qu’il fût.
Les habitudes d’attention forte, les têtes qui pensent deviennent plus rares à mesure que la dissipation se répand, jusqu’à ce que les auteurs entendent autour d’eux ce cri général : Amuse-nous, amuse-nous à tout prix, ou nous mourons !
Aucun sopha alors ne m’attendait à mon retour, et je n’avais point besoin de sopha alors ; la jeunesse répare la dépense de ses esprits et de ses forces en un rien de temps ; par un long exercice elle n’amasse qu’une courte fatigue ; et quoique nos années, à mesure que la vie décline, s’enfuient bien rapidement et qu’il n’y en ait point une seule qui ne nous dérobe en s’en allant quelque grâce de jeunesse que l’âge aimerait à garder, une dent, une mèche brune ou blonde22, et qu’elle blanchisse ou raréfie les cheveux qu’elle nous laisse, toutefois le ressort élastique d’un pied infatigable qui monte légèrement le degré champêtre où qui franchit la clôture ; ce jeu des poumons, cette libre et pleine inhalation et respiration de l’air qui fait qu’un marcher rapide ou qu’une roide montée ne sont point une fatigue pour moi ; tous ces avantages, mes années ne les ont point encore dérobés ; elles n’ont point encore diminué mon goût pour les belles vues naturelles ; ces spectacles qui calmaient ou charmaient ma jeunesse, maintenant que je ne suis plus jeune, je les trouve toujours calmants et toujours ayant le pouvoir de me charmer.
C’est la première fois que j’entends faire ce reproche à Voltaire causeur, de dogmatiser toujours ; je ne m’étonne pas que peu de gens le lui aient fait : c’est que bien peu étaient en mesure de le lui faire.
Non seulement il rencontra un bon et flatteur accueil auprès d’un roi qui ne craignait point de paraître savant jusqu’au pédantisme, et avec qui il conversait en français ou en latin (Casaubon ne savait pas l’anglais), non seulement il fut gratifié d’une pension et de deux prébendes à Cantorbéry et à Westminster, mais il trouva une sorte d’apaisement à ses inquiétudes morales et un point d’appui à ses tendresses de conscience dans le culte anglican qui était comme fait à sa mesure, tant pour la part de réforme introduite que pour celle d’antique tradition conservée.
Est-ce que je ne connais pas la mesure de mon cœur ?
Connaît-on beaucoup de conquérants qui aient ainsi rendu justice et hommage, en pleine guerre, aux mesures désespérées de leurs ennemis et à l’exaspération de leur patriotisme : « Mais que ne fait-on point pour se soustraire d’une domination étrangère !
Montaigne entre dans les plus menus détails d’étiquette au sujet de cette présentation, et décrit les trois agenouillements et les trois bénédictions consécutives à mesure qu’on avance dans la chambre.
Mais que de garanties, que de préservatifs et de vaccins qui l’arrêtent à temps, qui l’empêchent de s’étendre outre mesure, de redevenir cette épidémie immense et profonde qui allait couvrir l’univers et qui ne devait s’affaiblir et s’épuiser qu’en se saturant !
on a ses mesures et ses degrés : on est aussi des classiques dans son genre et à sa manière.
… Ma vie fougueuse se tempérait alors au point de ne laisser plus qu’un léger sentiment de mon existence répandu par tout mon être avec une égale mesure comme dans les eaux ; oui je nageais, les lueurs de la déesse qui parcourt les nuits.
Il leur est supérieur, mais il n’est pas hors de mesure avec eux.
Si cela même vérifie ma maxime que « chacun mesure le prochain à son aune », j’entends et je demande que ce soit du moins dans un sens un peu plus délicat.
Quand les religions et les intérêts de ce monde, si nombreux, si divers, criaient autour de moi à me rendre sourd, dans ces rues tortueuses de cette vie de nos jours, dans les corridors de cette Babel où nous sommes, j’envoyais l’oiseau dans quelque point de l’espace d’où il pût voir tout ce qui se fait, tout ce qui s’est fait, dit, édifié, détruit, refait, redit, depuis qu’on agit et qu’on parle en ce monde, et l’oiseau revenait me dire : Les sociétés sont folles ; partout Dieu n’est et n’a été que l’enseigne d’une boutique ; la morale n’est qu’un comptoir ; le bien et le mal sont des faits ; le devoir est une mesure.
Il avait de plus, en ne faiblissant pas de ce côté, à observer de l’autre la mesure convenable, à porter, sans l’afficher, le deuil même de sa victoire.
N’ayons pas deux poids et deux mesures.
En mettant en vers les idées de Bolingbroke, en les combinant avec celles de Leibniz, il n’allait pas au-delà d’un déisme bienveillant et intelligent : l’Essai sur l’Homme, tel qu’il est sorti de sa pensée et de sa main, dans sa mesure honorable et incomplète, dans sa gravité ornée, est acquis depuis longtemps à la littérature française et nous est présent par la traduction de Fontanes et par la belle préface qu’il y a mise.
L’anglais, l’italien, la ravissante musique, tout cela demeure loin derrière ; ce sont des goûts, des connaissances qui demeurent sous la cendre, où je les retrouverai pour les insinuer à mon Eudora, à mesure qu’elle se développera.
Mme de Brancas vient de parler des transports frénétiques qui accueillirent partout dans les provinces la nouvelle de la convalescence du roi : « Pendant ces transports vraiment populaires, la reine et Mesdames, rassurées sur la santé du roi, à mesure qu’elles approchèrent de Metz, y arrivèrent avec bien des espérances nouvelles.
Il rendait compte assez gaiement de ces circonstances à Louvois, dans une lettre du 6 septembre : « Je suis arrivé ici le 3e du mois, et j’y serais même arrivé le 2e, sans les mesures que j’ai prises avec M. de Saint-Mars pour y entrer secrètement.
Du premier jour, Fontenelle a donné la mesure de critique qu’il convient d’apporter dans un tel sujet.
Je n’exige pas qu’ils aiment Suard et Morellet, mais qu’ils les voient tels qu’ils étaient, ni plus ni moins, dans ce milieu social où tout se passait encore avec convenance, avec mesure.
Or, Théophile, poëte, s’en est trop passé, et il a, dans mainte rencontre, excédé avec énormité la mesure, soit que, s’adressant au duc de Luynes qu’il avait jusqu’alors négligé de célébrer, il s’écrie, comme pour réparer le temps perdu : Ceux que le Ciel d’un juste choix Fait entrer dans l’âme des rois, Ils ne sont plus ce que nous sommes, Et semblent tenir un milieu Entre la qualité de Dieu Et la condition des hommes.
Pareillement, à condition d’entretenir la halle et de fournir gratis les poids et mesures, il prélève un droit sur les denrées et les marchandises apportées à sa foire ou à son marché : à Angoulême le quarante-huitième des grains vendus ; à Combourg, près de Saint-Malo, tant par tête de bétail ; ailleurs, tant sur les vins, les comestibles et le poisson42.
Sur ce xviie siècle essentiellement précieux et galant, très noble et très raffiné, très ingénieux et plus sensible à l’extraordinaire qu’au simple beau, capable de donner Scarron et Quinault, Voiture et Benserade, et tout au plus peut-être la moitié de Corneille, sur ce xviie siècle qui laissé à lui-même eût produit sans intervalle et sans arrêt Fontenelle après Balzac, l’étude de l’antiquité, retardant l’éclosion de l’art mièvre tout prêt à succéder à l’art pompeux, fit fleurir des poètes capables de la perfection qui n’étonne pas, de cette perfection qui, semblant d’abord de plain-pied avec nos esprits, se révèle plus haute et inaccessible à mesure qu’elle nous devient plus familière, et nous donne des jouissances infinies que nous n’arrivons pas à épuiser : des artistes enfin tels que Racine et La Fontaine.
Cette recrue continuelle du genre humain, je veux dire les enfants qui naissent, à mesure qu’ils croissent et qu’ils s’avancent, semblent nous pousser de l’épaule et nous dire : Retirez-vous, c’est maintenant notre tour.
Il avait le sens des symboles, et la grandeur poétique, la plénitude morale du symbolisme chrétien l’ont saisi : à mesure que la religion du moyen âge se matérialisera, se desséchera, il pleurera cette grande ruine ; il cherchera de tous côtés les illuminés, les indépendants, les révoltés, qui ont gardé la vue de l’Idée et le contact de Dieu : il mettra en eux son amour et sa joie.
Hugo, évidemment, a manqué de mesure, comme il a manqué d’esprit : visant toujours au grand, il a pris l’énorme pour le sublime, et il a été extravagant avec sérénité.
En comprenant la métaphore proprement dite, la comparaison, l’emblème, le symbole, l’allégorie, sous le nom général de métaphore, on pourrait dire hardiment que la poésie n’a pas d’autre élément que la métaphore, que poésie et métaphore sont une même chose, et qu’entre nations différentes, de même qu’entre différents âges d’un même peuple, l’ampleur de la métaphore est la mesure du génie poétique.
Je relève encore, dans la même page, ces trois vers de mesure grandissante : Comme il était très opulent, On le supportait ; Sarah la première, Par un respect ancien pour les grandes fortunes.
Le parnassien condamnerait un geste qui manqua de mesure et il méprise « ces meurtres conjugaux dont l’abomination démodée fit les beaux jours des palabres romantiques ».
Joubert, c’était un Athénien touché de la grâce socratique : « Il me semble, disait-il, beaucoup plus difficile d’être un moderne que d’être un ancien. » Il était surtout un ancien en ce qu’il avait le sentiment calme, modéré ; il ne voulait pas qu’on forçât les effets, qu’on appuyât outre mesure.
Que si nous prenons d’autres écrits de M. de Chateaubriand, d’une date très rapprochée de celle qu’on répute la meilleure, par exemple les Mémoires sur le duc de Berry, ou encore les Études historiques, nous y retrouvons toutes les fautes de mesure et de goût qu’on peut imaginer : c’est que l’Aristarque ici lui a manqué.
C’est de l’antique ressaisi naturellement et sans effort par un génie moderne, par un cœur chrétien, qui, nourri de la parole homérique, s’en ressouvient en liberté et y puise comme à la source ; mais il la refait et la transforme insensiblement, à mesure qu’il s’en ressouvient.
Je tâcherai de le faire à l’égard de M. de Balzac, avec un sentiment dégagé de tout ressouvenir personnel31, et dans une mesure où la critique seulement se réserve quelques droits.
Sans faux enthousiasme, sans ressentiment, il a jugé l’humanité dans la juste mesure.
La justesse d’esprit de Mme de Maintenon était bien à la mesure de celle du roi : mais lui, il avait la justesse un peu nue, et elle, l’avait ornée et égayée.
Aussi le peintre s’est-il étendu outre mesure dans les préambules ; il semble attendre, pour aborder son sujet, que ce sujet ait un dénouement, et ce dénouement recule sans cesse.
Mais, à mesure qu’il approche des belles époques de la littérature française, ses jugements se firent et s’affermissent ; le xviie siècle, en quelques-unes de ses parties et de ses œuvres, n’a jamais été mieux analysé.
Pourtant ne nous inquiétons pas sur ce point outre mesure ; le jour où un grand poète naîtra, il saura se dénoncer lui-même et se faire écouter.
Je renvoie au tome IV de Saint-Simon ceux qui voudront admirer la présence d’esprit avec laquelle Mme des Ursins, ainsi rappelée à l’improviste et touchée de la foudre, ne se laissa déconcerter en rien, la tranquillité de sa démarche, l’art avec lequel elle ménagea sa retraite lentement, en bon ordre, ne lâchant le terrain que pied à pied, sans affecter pourtant de désobéir, et disposant dès lors ses mesures en cas de retour.
Le bon et judicieux esprit de cette dernière reprend ici tous ses avantages ; ce n’est jamais elle dont la modestie eût conçu une telle ambition si hors de mesure, et dont la justesse eût commis une telle faute si hors de propos.
Il était de ceux que les maîtres qui se succèdent tiennent à s’attacher, car ce sont de ces acteurs rares et soumis qui remplissent parfaitement les rôles secondaires, et dont les aptitudes et les capacités, dans leur juste mesure, se dirigent à tout.
Vers la fin, elle promettait quelquefois à ses amis qu’elle irait mourir chez eux : « Je ne veux pas que cette demoiselle (disait-elle de la mort) me trouve seule. » Ne lui demandez pas dans ses jugements cet esprit de justesse et d’impartialité qui prend sa mesure dans les choses mêmes et qui rend à chacun ce qui lui est dû.
Il était devenu vieux d’assez bonne heure ; bien portant encore, mais sourd, d’ailleurs bon homme et naïf à mesure qu’il rentrait et s’enfermait davantage dans le cercle des amis et dans celui de la famille.
Mais dans une composition assez analogue que nous offre l’Étude treizième, et où il nous montre un voyageur jeté par un naufrage dans une île inconnue, qui se trouve être l’île de Naxos, il a excédé la mesure : appliquant le même procédé d’idéalisation à l’antique histoire d’Ariane, il montre cette jeune fille de Minos, dans le récit légendaire d’un berger, pleurant nuit et jour l’infidèle Thésée et ne pouvant même être consolée par les jeunes Naxiennes qui lui versent du vin dans des coupes d’or.
Quand il était au chœur de la Sainte-Chapelle, il chantait, dit-on, des deux côtés, et toujours hors de ton et de mesure.
Le plaisir, quand l’excitation a duré un certain temps, fait naître le besoin que le plaisir même ait un terme ; si bien qu’alors, dans la mesure où croît le plaisir, diminue le pouvoir de le ressentir encore.
Pour la serrer dans mes bras, la créole aux yeux bleus, aux cheveux blonds, j’aurais donné ma vie avec joie, je l’aurai donnée, comme la donne Chérubin, sans hésitation, sans regret, ainsi qu’une chose payée outre mesure.
par la construction logique de la strophe se constituant d’après les mesures intérieures du vers qui dans cette strophe contient la pensée principale, ou le point essentiel de la pensée.
L’imprimerie, cet art si favorable à l’avancement de toutes les sciences, qui deviennent plus parfaites à mesure que les connoissances s’y multiplient, fut trouvée dans le quinziéme siecle, et près de deux cens ans avant que Monsieur Descartes, qui passe pour le pere de la nouvelle philosophie, eut fait part au public de ses méditations.
. — Les noirs apprécient la beauté morale de la reconnaissance, mais ne croient pas outre mesure à la fréquence de sa mise en pratique.
« Je ne pense pas mal de l’espèce humaine, nous dit-elle, car je la crois plus abusée que perverse : je la plains plus que je ne la condamne, car je la vois toujours rectifiant de plus en plus ses erreurs et redressant ses voies à mesure que s’étendent ses lumières et que s’exerce dans de plus vastes limites sa liberté. » On l’entend : c’est la ritournelle du progrès chantée aux bornes sur toutes les orgues de Barbarie philosophiques.
Ce regard, qui jugeait plus vite que le compas et l’équerre de Le Nôtre que cette fameuse fenêtre de Trianon n’était pas droite, avait-il vu que Saint-Simon, l’ami du duc d’Orléans, — nos amitiés donnent la mesure de nos discernements, — n’était pas non plus parfaitement droit d’intelligence ?
Je l’ai constaté : progrès marqué sur les autres critiques contemporaines, cette critique d’âme et d’idée, avant tout, ne sort pas assez nettement d’une métaphysique dont on voie les termes et qui donne à l’esprit éclairé et affermi de son auteur la règle suprême, le dictamen inflexible, le bâton de longueur qui vaut sceptre et avec lequel le critique, qui est juge et roi à force d’être juge, prend la mesure des œuvres et des hommes.
Aussi, quand les premiers articles de Macaulay parurent, vers 1823, dans cette Revue d’Édimbourg qui fit jaillir les Revues du sol, par toute l’Europe, comme Pompée se vantait de faire jaillir de terre, d’un seul coup de pied, des soldats, on s’étonna, on fut charmé de ces articles substantiels et légers qui n’étaient plus de la critique par pieds, pouces et lignes, appliquée à plat sur un livre comme la mesure d’un tailleur sur le corps d’un homme, mais qui semblaient toute une atmosphère dilatée autour de ce livre et chargée de toutes les influences dans lesquelles on le retrouvait !
Nonobstant cette nécessité, cependant, quand on fait un livre sur la question d’infaillibilité, de mêler, dans une mesure inévitable, la philosophie à l’histoire, il n’en est pas moins vrai que cette question immense est assez spacieuse pour les deux genres de génie : le génie des faits et le génie des idées, et qu’elle répond aux deux plus grandes inclinations de la pensée.
Et dans quelle mesure ce jugement est-il un préjugé ?
À mesure que les États modernes grandissent, on les voit étouffer les personnalités collectives qu’ils embrassent ensemble ; les provinces perdent leurs franchise, la noblesse ses privilèges, le clergé ses biens de mainmorte, les corporations leur monopole.
Regarde cependant : à mesure que s’efface l’éclat des astres d’en haut, chaque bouquet de bois ouvre sur nous des milliers de regards, en face, à nos côtés, sur nos têtes ; la mouche de feu promène sa flamme d’amour, et, dans sa fuite, sa poursuite, son vol en bas, en haut, explore l’obscurité du bois, tandis que, sous un souffle plus frais, le datura, se dévoilant, ouvre son large sein d’une senteur embaumée et d’une virginale blancheur, tel qu’une perle suspendue autour des boucles de la nuit….
Il essaie les âmes, il sonde la bassesse humaine, il mesure la « Voie Scélérate » qu’il peut parcourir. […] Son cerveau se ramollit à mesure que s’endurcit son cœur. […] L’homme se penche sur la tête de mort avec ravissement, il n’y cherche plus le dégoût, mais le secret de la vie : il mesure sur les trous du crâne l’orbite des veux d’Apollon ; de son rictus grimaçant il tire le radieux sourire de Vénus. […] Au bal même, elles ne quittaient pas leurs rosaires, dont les grains machinalement défilés marquaient la mesure des menuets. […] Elle dicte ses paroles, elle mesure ses pas, elle réglemente ses démarches.
Cette inexprimable architecture de monts et de vallées sans mesure donne une impression bien vive de la puissance divine. […] Ses modèles furent le Virgile des Bucoliques, l’Horace des Odes, Catulle, Tibulle, Properce, Anacréon, Théocrite, ces poètes charmants et dangereux ; il les a traduits parfois, parfois il les a suivis de près, mais dans la mesure qui convient à un poète moralisateur, et en ce genre, je ne sais qu’Anselme Mathieu qui lui soit égal. […] Le long des gradins où des fredons couraient tout à l’heure en vols d’abeilles, la foule électrisée marquait la mesure avec les bras, avec la tête, suivait ce rythme superbe qui passait comme un coup de mistral dans le grand silence des arènes, traversé seulement par le sifflement éperdu des hirondelles tournoyant en tout sens, là-haut, dans l’azur verdissant, inquiètes et ravies, comme si elles cherchaient à travers l’espace quel invisible oiseau décochait ces notes aiguës. […] L’enfant les accompagne, et à mesure qu’il grandit, il ressemble d’une façon terrifiante à Adrienne. […] Deux par deux et sans entrecroisement, les vers ont tous à leurs commencements une répétition euphonique et symétrique soit d’un ou plusieurs mots, soit quelquefois de la première syllabe d’une ligne, répétition destinée à accentuer la mesure… » Éclaircissons le problème en citant quelques-uns des vers qui le résolvent.
Enfin, on ne saura jamais si cet homme mystérieux soutenait un rôle (très noble et très innocent, d’ailleurs), ou s’il fut sincère, ni dans quelle mesure il le fut et ce qui se mêlait de gageure à sa sincérité ou de candeur à sa comédie. […] A mesure qu’elle montait, elle devenait belle ; et comment ne l’aurait-elle pas été, puisque la forme et les proportions en étaient commandées par des lois nécessaires et éternelles ? […] Ce n’est qu’un paquet d’entrailles que l’on secoue en mesure. […] À mesure que je vieillis, ma cousine, je trouve que c’est un avantage d’un prix inestimable que d’avoir quelque part un village à soi, un village où l’on a passé son enfance et où l’on n’a jamais cessé de faire, tous les ans, de longs séjours ; où la figure de la terre vous est connue dans ses moindres détails, vous est familière et amie. […] Les enfants oublient à mesure ce qu’ils ont appris, et les parents ne savent que faire d’eux… — « Mais alors, mon cher voisin, si on vous avait octroyé, à vous, tous ces congés du temps que vous étiez en exercice, vous les auriez donc refusés ?
Le vrai c’est que la poésie est un métier où l’on compte et mesure au compas, un métier de faiseurs de cartonnages ou de jeux de patience. […] Le drame s’est sensibilisé outre mesure, il n’a compté qu’avec les passions extrêmes de la foule, il a pris la tête des spectateurs pour une enclume dont il était le marteau. […] Donc un peintre qui marcherait dans cette voie, irait avec une fermeté, un calme, une tranquillité, une sûreté de vues qui n’appartiennent à aucun des hommes d’à présent et qui le mèneraient infailliblement à une grande supériorité d’exécution et de sentiment, car l’usage exerce le sentiment et le renforce ; l’observation acquiert des laits certains qui restent et servent de bases, de sorte qu’elle s’éclaire à mesure, comme les sciences. […] esprit d’harmonie, ensuite esprit de nombre, esprit de mesure, esprit de rime, esprit de patience surtout ! […] En reportant l’ouverture du salon au 15 juin, la prochaine exposition sera moins pauvre qu’elle ne l’aurait été sans cette mesure.
Ils furent trouvés de bonne mesure. […] Certes, cela m’afflige au-delà de toute mesure. » Les deux guerriers braves et magnanimes se regardaient l’un l’autre. […] Elle versa des larmes sans mesure, la femme merveilleusement belle.
Essaiera-t-il de suivre cet effet à mesure qu’il se modifie ? […] Soit un cheval au galop, un bûcheron qui d’un grand coup de hache fend une souche : la main ne saurait évidemment reproduire, à mesure qu’ils s’accomplissent, ces mouvements que l’œil a peine à suivre. […] Ce sera toujours dans la mesure où je serai capable d’évoquer ce sentiment, de m’identifier à ce caractère que je saurai lui trouver une expression plastique. […] Presque toujours, dans les compositions où la divinité se trouve représentée en même temps que les hommes, on l’a figurée à une échelle un peu plus grande, pour montrer qu’elle n’a pas de commune mesure avec l’humanité. […] À peine s’aperçoit-on que les contours de la bête ont été simplifiés, tant ils l’ont été avec justesse et mesure.
À mesure que les études de la pièce avanceraient, on renouvellerait l’avis du Figaro et l’on engagerait de nouveau l’auteur mystérieux à se révéler, ce qu’il ne ferait pas, bien entendu. […] Jules Lemaître a réuni, en un volume, plus de vingt récits qui sont autant de morceaux de l’art le plus délicat qu’on puisse rêver ; c’est par le tact, la mesure, la sensibilité de bon aloi, l’esprit sans recherche, que se recommandent ces nouvelles, dont l’une : Myrrha, vierge et martyre, donne le titre au volume. […] Paul Staffer défende cette thèse outre mesure ; il a voulu surtout constater un fait, la tombée de l’obscur et du vague au soir de l’éclatante lumière que projetait sur tout ce qu’elle touchait notre forme littéraire. […] Je lis dans sa lettre-préface cet alinéa que je reproduis en le dédiant aux jeunes bourreaux qui prennent plaisir à torturer le vers français : « La mesure de vos vers n’emprunte rien aux innovations récentes. […] Sa lucidité, longtemps merveilleuse, se trouble graduellement à mesure que s’approche l’heure crépusculaire, il se jette à genoux et tend ses bras au divin flambeau qui va s’éteindre.
Vespasien, depuis empereur, commençant un jour à s’assoupir aux premières mesures d’un air chanté par Néron, fut heureusement réveillé par son affranchi qui le poussa rudement. […] Les grands hommes ont formé peu à peu l’esprit de la nation ; mais dans le temps où leurs chefs-d’œuvre paraissaient, le public n’avait encore pour les juger qu’une règle incertaine : les principes sont aujourd’hui plus fixes ; la comparaison est une mesure qui trompe rarement. […] Il est certain que Racine s’est vu contraint, pour remplir la mesure ordinaire que la mode exige de nos tragédies, de rompre l’unité, d’appeler à son secours des personnages étrangers, de multiplier les confidens et confidentes, de faire des scènes d’amour inutiles et déplacées, et de démentir tout ce que la tradition nous apprend des usages et du genre de vie des Grecs dans les temps héroïques. […] La ruse est admise à la guerre ; les stratagèmes militaires sont regardés comme une preuve de talent et de génie : tromper ses ennemis est une partie de l’art des combats ; dresser des embuscades est une mesure usitée et légitime : et tous ces artifices sont encore plus permis à un ennemi à qui sa faiblesse ne permet pas d’agir à force ouverte. […] Pendant qu’on les peignait, prenant bien mes. mesures, J’en ai, sans être vu, ramassé ces peignures.
Sans la « grossièreté visible de nos notations et l’inexactitude foncière de nos mesures », nous déduirions « comme d’une formule les propriétés de la civilisation future ». […] Il énerve la volonté qui, à ce jeu « d’illusions scéniques » dissipées par l’esprit à mesure qu’il les crée, ne trouve pas son emploi. […] Théâtre de l’épreuve humaine, la terre demande le labeur humain qui, en y mettant, fut-ce au plus humble degré, l’empreinte de l’intelligence, y laisse, en quelque mesure, la marque de Dieu. […] Mais c’est Renan qui me hante, à mesure que je reconnais les lieux décrits par lui dans ses Souvenirs. […] Bien mort, en effet, si la vie se mesure à l’activité.
L’honnête homme alors n’était pas seulement, en effet, celui qui savait les agréments et les bienséances, mais il y entrait aussi un fonds de mérite sérieux, d’honnêteté réelle qui, sans être la grosse probité bourgeoise toute pure, avait pourtant sa part essentielle jusque sous l’agrément ; le tout était de bien prendre ses mesures et de combiner les doses ; les vrais honnêtes gens n’y manquaient pas. […] Je ne puis vivre en l’état où je suis, et je n’ai plus à garder ni mesure, ni bienséance. — Je savois que son mari avoit deux enfants encore jeunes, d’une première femme, et je m’allai mettre dans l’esprit de feindre que j’étois de ces précepteurs libertins qui courent, le monde.
À mesure que j’allais plus avant, j’étais de plus en plus satisfait. […] Voyant ainsi mon payement se prolonger, je m’en plaignis, mais il m’allégua la pénurie d’argent qui était au palais et me promit de m’en donner à mesure qu’il en arriverait ; de sorte que j’en vins avec lui aux grosses paroles ; mais bientôt il mourut, et il m’est redû cinq cents écus d’or, au moment où je parle.
L’histoire d’Émire, au chapitre des Femmes, est un roman en cent lignes, ce qui est sans doute la vraie mesure du roman psychologique : car il y a des longueurs dans les quatre-vingts pages de la Princesse de Clèves (je ne compte pas les épisodes), et des redites dans les soixante pages d’Adolphe. […] A mesure que M.
Les informations du reportage et les calembours de la chronique, la perpétuelle faute d’orthographe du journal, ont perverti le goût, créé ce fameux style courant, coulant, auquel on est que trop tenté de rapporter, comme à une commune mesure, toute œuvre écrite. […] À mesure que la science délimita et restreignit son domaine, on dut s’habituer à considérer comme scientifiques les seules notions précises qui comportent la preuve d’une démonstration, comme la chimie et les mathématiques.
Ouvre donc largement les issues à ta mélodie, qu’elle s’épanche comme un torrent continu à travers l’œuvre entière ; exprime en elle ce que je ne dis pas, parce que toi seul peut te dire, et mon silence dira tout, parce que je te conduis par la main. » Dans le fait, la grandeur du poète se mesure surtout par ce qu’il s’abstient de dire, afin de nous laisser dire à nous-mêmes, en silence, ce qui est inexprimable ; mais c’est le musicien qui fait entendre clairement ce qui n’est pas dit, et la forme infaillible de son silence retentissant est la mélodie infinie. » Dans ses ouvrages postérieurs à 1853, sauf la lettre à M. […] Et je reconnais aussi qu’une œuvre d’art aussi complètement originale et basée sur un travail musical on ne peut plus complexe, exige une initiation comme toute création de génie, et que cette initiation demande encore un effort qui disparaîtra graduellement à mesure que l’esprit s’habituera à cette nouvelle forme d’art, comme il s’est habitué à l’ancien opéra..
. — Les marchés se tiennent sous sa protection ; il avait inventé pour eux les mesures, les poids, les balances, tous les instruments ingénieux qui divisent et remuent les choses. […] Angoisses de l’homme luttant contre des lois implacables dont le plan échappe à sa vue, protestations de la conscience indignée par les triomphes du mal et l’injustice distributive de la destinée, alternatives d’immenses espérances et de désespoirs infinis, attente anxieuse d’un ordre meilleur qui recule à mesure que le pressentiment s’en approche ; Prométhée est resté le prophète permanent, la voix inextinguible de ces cris de l’âme.
Je suis donc très libre aujourd’hui de parler de son talent poétique dans la mesure juste de mon estime et de mon admiration, sans ajouter et sans retrancher un gramme au poids vrai de ses œuvres dans la balance de l’avenir. […] La Clef du Caveau, que nous avons vue alors entre les mains de plusieurs de nos condisciples, devenus des chansonniers et des vaudevillistes, était un livre où se trouvaient notés, figurés et alignés, pour la faculté des débutants, tous les airs populaires sur la mesure desquels il fallait, comme sur le lit de Procuste, allonger ou raccourcir son génie quand on voulait écrire pour le Caveau.
On y use sa dernière chance, son dernier moyen, sa dernière heure, avec inquiétude, avec terreur, mais on les y use ; et après avoir refusé obstinément de prendre, quand il était temps encore, deux ou trois mesures avec une fermeté prudente, on en prend mille quand il est trop « tard, avec la plus lâche précipitation. » Assurément, l’homme qui a écrit cela était digne de parler le langage de toutes les prévoyances dans son histoire, et d’être écouté par tous ceux pour qui l’histoire est une leçon. […] J’ai souvent appelé l’attention publique sur ses œuvres, à mesure qu’il les produisait, mais, aujourd’hui qu’il ne peut plus y ajouter, je me placerai au-dessus d’elles, comme il y était lui-même ; — car il avait cette particularité superbe des hommes véritablement supérieurs, d’être inaccessiblement plus haut que ses ouvrages et, aurait-il fait un chef-d’œuvre, de ne s’y épuiser jamais.
Au fond, toutes ces divisions ne sont que des noms… Cette nature spirituelle de l’homme, cette force vitale qui habite en lui, est essentiellement une et indivisible, et ce que nous nommons imagination, compréhension, fantaisie, ne sont que les différentes figures de la puissance de Vision intérieure (Power of insight), qui est tout l’homme et qui donne rigoureusement sa mesure (a correct measure ofman). » Et Carlyle ne s’arrête pas là. […] Dans la mesure de ses jeunes forces, tout ce que pouvait faire François Hugo, il l’a fait.
L’auteur des Mystères de Londres, des Amours de Paris, du Fils du diable, du Bossu, des Fanfarons du Roi, et de tant d’autres ouvrages, est, dans l’ordre du roman, ce que les mélodramaturges sont dans l’ordre du drame, et ils ont beau tresser et tordre, dans les implications et les complications de leur œuvre, les événements, les incidents, les péripéties, les surprises, les mélodramaturges du roman comme ceux du drame n’en sont pas moins obligés, dans une mesure quelconque, à la passion, sous peine de n’être plus que des joueurs d’échecs ou de casse-têtes chinois littéraires. […] et pour arriver à la simplicité du plan, au rythme aisé du récit, à la concision savante, à la mesure, à l’ordre lucide, à ce fini dans l’art que Platon appelait, avec une justesse si exquise, une rondeur, Féval montre souvent de la passion vraie, de l’observation acérée, de l’invention de bon aloi.
L’ensemble de cette correspondance, dont je n’ai pu offrir qu’une idée rapide, ne grandit point certainement Bernis ; elle donne et fixe sa mesure comme principal ministre, et répond à une question que je m’étais adressée précédemment, à son sujet : il n’avait pas la trempe de l’homme d’État, et, après l’entrain des premiers succès, son organisation, mise à une trop forte épreuve, a manifestement fléchi.
.) — Tout au contraire, à mesure que le procès marche, il appuie et favorise les propositions qui ouvraient la voie à une solution d’humanité (Journal de Paris du 6 janvier 1793). — Il soulève et indique les objections contre les votes irréguliers qui condamnent (12 janvier).
Mais il y avait dans la première recherche de Mme de Maintenon et dans ce mélange de solidité, de raison et d’agrément, une mesure impossible à observer ; il aurait fallu que toutes les maîtresses et les élèves eussent autant de sagesse et de force qu’elle-même.
C’est ainsi, je le répète, qu’il se trouva en mesure dès 1814, à une date où bien peu de gens l’étaient.
Cette seule idée suffit à bouleverser toute sa machine ; il eut beau faire effort pour se préparer et se mettre en mesure, il avait entrepris au-dessus de ses forces : « Ceux, dit-il, qui sont organisés comme moi, et à qui une exhibition publique d’eux-mêmes, en n’importe quelle occasion, est un poison mortel, peuvent seuls avoir quelque idée de l’horreur de ma situation ; les autres ne sauraient se la figurer. » Des mois se passèrent dans cette lutte pénible et dans cette attente, qu’il a comparée à celle du condamné qui voit approcher le jour de son exécution.
Cowper est profondément chrétien ; l’austérité domine même trop chez lui, au point de vue de la mesure et du goût.
Celui qui me paraît l’avoir jugé à la fois avec indulgence et une mesure équitable, est le marquis d’Argenson, dans le portrait qu’il a tracé de lui : « Le président Hénault, dit-il, ne tiendra peut-être point au temple de Mémoire une place aussi distinguée que les deux autre, (c’est-à-dire que Fontenelle et que Montesquieu, qui n’était point encore, à cette date, l’auteur de L’Esprit des Lois).
Maupertuis, jeune, ancien capitaine de cavalerie, converti à la géométrie et aux sciences, eut alors son moment d’éclat et de faveur, surtout lorsqu’au retour de son voyage dans le Nord, où il était allé vérifier par ses mesures la forme assignée à cette région de la terre par Newton, il eut incidemment tant de choses à raconter sur les Lapons et les Lapones.
Celle qui ne devrait avoir que des gens de premier ordre à sa tête… Que faisons-nous à cela, je le demande, quelles mesures, quel plan ?
La littérature-Swetchine, comme ces substances chimiques très concentrées, ne peut se prendre qu’à petite ou qu’à moyenne dose, et j’ai déjà dépassé effroyablement la mesure.
Vous l’avez cru trop tôt ; vous n’avez pas pris des mesures suffisantes pour vous garantir de l’erreur.
« Cette crainte de perdre son crédit, qu’il estimait plus que la pourpre, fut peut-être, nous dit Legendre, ce qui le détermina à ne point garder de mesure » au risque de donner barre sur lui, en cette circonstance, à tous ses ennemis du dehors.
Elle lisait de tout, histoire, morale, romans, philosophie, idéologie, théologie même, et, sans faire la savante, elle jugeait aussi de tout dans une mesure très-raisonnable.
Sismondi en était revenu avec lui au vrai point de liaison et à l’exacte mesure du jugement.
Je ne saurais dire si le musicien qui jouait du biniou s’en acquittait avec talent, mais il en jouait du moins avec une violence telle, il en tirait des sons si longuement prolongés, si perçants et qui déchiraient avec tant d’aigreur l’air sonore et calme de la nuit, que je ne m’étonnais plus, en l’écoutant, que le bruit d’un pareil instrument nous fût parvenu de si loin ; à une demi-lieue à la ronde, on pouvait l’entendre… Les garçons avaient seulement ôté leurs vestes, les filles avaient changé de coiffes et relevé leurs tabliers de ratine : mais tous avaient gardé leurs sabots, — disons comme eux leurs bots, — sans doute pour se donner plus d’aplomb et pour mieux marquer, avec ces lourds patins, la mesure de cette lourde et sautante pantomime appelée la bourrée.
» C’est partout ainsi ; il faudrait redresser à chaque pas l’écrivain légèrement enivré de son sujet qui va hors de mesure et qui chancelle.
L’excellent Droz, qui avait cette bonne et honnête mesure, a donné là-dessus des volumes judicieux qui renferment le verdict des sages.
Il cherche une mesure entre ses regrets pour l’Empire tombé et ses goûts pour la liberté renaissante.
Necker et à son collègue, M. de Montmorin ; mais il ne put jamais décider le premier, qui, voyant et analysant avec beaucoup de sagacité les inconvénients de chaque mesure, se complaisait dans la balance.
« J’ai peu de talent, écrit-il (26 octobre 1814), et pourtant en regardant dans ma tête il me semble qu’il y a là quelque chose qui ne demande qu’à sortir. » Les événements politiques pourront encore retarder La Mennais un ou deux ans ; l’écrivain dès lors se sentait prêt, en mesure et de force pour le combat.
Comprendre une situation, recueillir les influences éparses autour de lui et les diriger vers un point auquel il était de leur intérêt d’arriver, c’était là son talent particulier, Mais soutenir une lutte longue et prolongée, intimider et dominer les partis en lutte, cela dépassait la mesure de ses facultés, ou plutôt de son tempérament calme et froid31. » Il fut heureux d’échapper le plus tôt possible aux ennuis de sa situation à l’intérieur en prenant en main le jeu diplomatique et en allant représenter la France au congrès de Vienne.
Puis de là elle revint au théâtre de Rouen, où elle joua seulement les jeunes premières, toujours très accueillie et goûtée du public ; mais elle ne chantait plus : « À vingt ans, dit-elle, des peines profondes m’obligèrent de renoncer au chant, parce que ma voix me faisait pleurer ; mais la musique roulait dans ma tête malade, et une mesure toujours égale arrangeait mes idées, à l’insu de ma réflexion. » La musique commençait à tourner en elle à la poésie ; les larmes lui tombèrent dans la voix, et c’est ainsi qu’un matin l’élégie vint à éclore d’elle-même sur ses lèvres.
Dans la confusion et le sauve-qui-peut de la retraite, toute règle, toute mesure d’administration, étaient humainement impossibles, et Smolensk, où l’armée avait espéré trouver une étape et un abri, ne fut qu’un cruel mécompte, une amère déception de plus ; les premiers arrivants avaient tout dévoré48.
Il existe une sorte de douceur sévère et très-profitable pour l’âme à être méconnu : ama nesciri ; c’est le contraire du digito monstrari, et dicier Hic est ; c’est quelque chose d’aussi réel et de plus profond, de moins poétique, de moins oratoire et de plus sage, un sentiment continu, une mesure intérieure et silencieusement présente du poids des circonstances, de la difficulté des choses, de l’aide infidèle des hommes, et de notre propre énergie au sein de tant d’infirmité, une appréciation déterminée, durable, réduite à elle-même, dégagée des échos imaginaires et des lueurs de l’ivresse, et qui nous inculque dans sa monotonie de rares et mémorables pensées.
Pourtant il se maintiendra toujours à son rang littéraire, comme une des œuvres les plus honorables dans ce genre de la comédie mitigée et de l’épître morale, dont le mérite, lorsqu’il est universellement goûté par l’élite d’une nation, donne la mesure certaine d’une qualité de civilisation bien polie et bien délicate35.
Le changement qui nous est sensible chez Mlle de Liron, à mesure que nous lisons mieux dans son cœur et que sa bonne santé s’altère, n’est pas plus difficile à concevoir que tant de changements à nous connus, développés dans des natures de femmes par une rapide invasion de l’amour.
A mesure qu’il se développe et se déploie davantage aux yeux des autres, il perd en lui-même ; quand tout le monde se met à l’apprécier, il est déjà moins ; quelquefois (chose horrible à dire !)
Son imagination pèse et mesure ce qui ne peut se peser ni se mesurer.
Faut-il donc, au théâtre comme ailleurs, renoncer au critérium chancelant du suffrage universel, estimer que la beauté des drames ne se mesure pas aux nombres des représentations ou aux chiffres des encaissements, bien que ces nombres et ces chiffres attestent, d’un témoignage mathématique, irrécusable, le jugement du vrai public ?
Faut-il donc, au théâtre comme ailleurs, renoncer au critérium chancelant du suffrage universel, estimer que la beauté des drames ne se mesure pas aux nombres des représentations ou aux chiffres des encaissements, bien que ces nombres et ces chiffres attestent, d’un témoignage mathématique, irrécusable, le jugement du vrai public ?
» Mais ce dieu immensément agrandi sait se réduire à la mesure de l’homme qui l’a engendré ; l’incendie divin ne méprise point l’étincelle d’où il est sorti.
Cette naïveté passe quelquefois la mesure.
Tous ceux avec qui j’ai vécu, dit-il, ont vu, par mes actions et par mes discours, que je faisais surtout consister l’élévation du caractère dans ces deux choses, la franchise et la mesure ; et si, dans le cours de la Révolution, j’ai quelquefois oublié celle-ci, je déclare que c’est alors seulement que j’ai cessé d’être moi-même.
Sa conversation n’était jamais au-dessus ni au-dessous de ceux à qui elle parlait ; elle avait la mesure, la proportion, la justesse.
Toutefois, à partir d’une certaine heure, il se trouva insensiblement plus pris par la littérature, par les travaux et par les devoirs que lui imposaient des obligations honorables, et par l’ambition naturelle à l’âge mûr ; cet homme judicieux sentait qu’il fallait se donner de nouveaux motifs de vivre à mesure qu’on perdait de la jeunesse.
— « C’était mon mari, il est mort. » Mme Geoffrin eut une fille, qui devint la marquise de La Ferté-Imbault, femme excellente, dit-on, mais qui n’avait pas la modération de sens et la parfaite mesure de sa mère, et de qui celle-ci disait en la montrant : « Quand je la considère, je suis comme une poule qui a couvé un œuf de cane. » Mme Geoffrin tenait donc de sa grand-mère, et elle nous apparaît d’ailleurs seule de sa race.
Le chef-d’œuvre proprement dit, la pièce achevée, définitive et complète, où le goût donne la mesure du mouvement et du sentiment, n’est pas son fait : la qualité supérieure, partout diffuse chez lui, n’est concentrée nulle part, nulle part encadrée et nettement rayonnante.
Il est juste que la récompense des écrivains se mesure à l’étendue de l’influence qu’ils exercent, quand cette influence est toute bienfaisante et salutaire.
À propos d’une querelle injurieuse et sans mesure, qui avait été faite par un jeune et vif érudit au digne M.
La domination de Richelieu avait été si forte et si absolue, la prostration qui en était résultée dans tout le corps politique avait été telle, qu’il n’avait pas fallu moins de quatre ou cinq ans pour que la réaction commençât à se faire sentir, pour que les organes publics qu’il avait opprimés reprissent leur ressort et cherchassent à se réparer ; et encore ils ne le firent, comme il arrive d’ordinaire, qu’à l’occasion de mesures toutes particulières qui les irritaient personnellement.
Un de ses amis, ou du moins une de ses connaissances, un sieur Mathier, receveur des tailles, qui était en tournée, le vient voir par hasard : Gourville s’informe auprès de lui du détail et du chiffre de la recette ; il prend ses mesures : « Je me proposai, dit-il naïvement, de profiter de l’occasion que ma bonne fortune m’envoyait, et, laissant passer quelques jours pour donner le temps à la recette d’augmenter, je fis observer sa marche. » Le résultat de cette observation, c’est qu’un soir il arrive avec six hommes armés dans le lieu où M.
On lit à la suite de la correspondance tous ces détails affectueux et même pieux, tristes pourtant en ce qu’on sent qu’à mesure que le temps marche et que le souvenir s’éloigne, le philosophe et le roi, tout en faisant son devoir, n’y mêle plus rien de la flamme première.
À mesure qu’on avance vers le Nord, il semble que le grandissement de la brume grandisse le poëte.
Cette philosophie, nous l’avons vu, serait la nôtre, s’il ne s’y mêlait pas deux points de vue de nature opposée et presque contradictoire : l’un, vraiment philosophique, qui ramène le beau à la part de généralité et de raison que contiennent les ouvrages d’esprit : l’autre, que je me permets d’appeler peu philosophique, et qui mesure la beauté et la vérité des écrits au degré de leur conformité avec les opinions moyennes, qui composent ce qu’on appelle à tort ou à raison le sens commun.
Il y a un écueil à craindre pour Doyen, c’est qu’échauffé par son morceau du miracle des ardens, dont la poésie a plutôt fait le succès que le technique (car à trancher le mot, en peinture ce n’est qu’une très-magnifique ébauche), il ne passe la vraie mesure, que sa tête ne s’exalte trop, et qu’il ne se jette dans l’outré, il est sur la ligne, un pas de travers de plus et le voilà dans le fracas, dans le désordre.
Dans ce livre modeste et hardi, tout à la fois, des Horizons célestes, il est un passage d’une audacieuse nouveauté intitulé : « du Paradis qui ne fait pas peur », et dans lequel le Paradis du Dante ne tient pas plus, sous le regard de la femme, qui en veut un taillé à la mesure de son âme, que les plus vulgaires notions de ces paradis légendaires qui préoccupent depuis des siècles l’humanité, cette grande songeuse.
Renan était resté dans la publicité des journaux, cette publicité d’éclairs, suivis d’ombre, nous n’aurions pas eu la mesure de ses idées dans leurs strictes proportions.
Pouvoir emmener toi et nos chéris en Alsace-Lorraine et leur dire : Papa a aidé dans la mesure de ses forces à rendre ces deux beaux pays à la France, quelle plus belle récompense pour moi ?
La fille, en naissant, ne faisait pas peur au père, par l’idée de la fuite rapide du temps et de l’accroissement sans mesure de la dot.
» Puis, à mesure qu’ils passeront, apostropher leurs orateurs : « Vous, citoyen avocat, qui n’avez de toute votre vie plaidé qu’une seule cause, la vôtre, dans un procès pour délit d’outrages à un agent de la force publique ; vous, citoyen médecin, qui ne vivez que de médecine illicite ; vous, citoyen, homme de lettres, qui voulez brûler nos bibliothèques pour nous punir de ne pas lire vos livres ; et vous, auditeurs imbéciles de ces parleurs malfaisants, montons ici pour les écouter et les croire, loups dans la rue pour vous jeter sur les honnêtes gens qu’ils vous dénoncent ; vous tous qui êtes ici pour n’être pas avec vos femmes et vos enfants, dans ces galetas d’où vous pourriez les tirer par le travail ; envieux de quiconque parmi vous s’élève en vous donnant le bon exemple, ennemis de ceux qui vous aident, et mordant la main qu’on vous tend, hors d’ici ! […] Talma, de taille moyenne, lui aussi, grandissait à mesure qu’il parlait, et le même acteur, qu’au lever du rideau on trouvait presque trop petit pour l’ampleur du costume de grand prêtre, dans la scène de la prophétie paraissait un géant. […] A mesure qu’il demandait moins aux hommes, il leur donnait davantage. […] Je l’ai souvent aux lèvres ; mais j’y fais cette légère variante, qui, sans en changer la mesure, marque mieux l’ordre de mes regrets, aux approches du départ suprême : Linquenda conjux, et domus, et placens Tellus22. […] Souvenirs sur Pasteur et Claude Bernard I Parmi les marques de bienveillance que j’ai reçues de Napoléon III, celle qui m’a le plus obligé fut la mesure qui m’appelait en 1858 à la haute direction (ce sont les termes de l’arrêté) de l’École normale supérieure.
Entre la manière raffinée de la plupart de nos faiseurs de vers et la verve un peu grosse, la bonhomie un peu basse, des meilleurs de nos chansonniers, Maurice Bouchor a su garder une mesure bien rare ; il a eu l’heureux privilège de trouver un langage qui, sans rien sacrifier du sérieux de l’idée ou de la vertu poétique, ne cesse pas d’aller au cœur et à l’intelligence de l’enfant. […] Cette éducation, ce n’est pas chez le maître de conférences seul qu’on la recevait : on se la donnait à soi-même dans des conversations aiguës, paradoxales, dissolvantes, dans ces discussions sans mesure et sans fin de la cour de récréation, de la salle d’études. […] Si l’on mesure tout l’effet qu’elle produit à une simple lecture, cette spirituelle conférence a pu effaroucher par quelques traits, elle a dû enchanter, définitivement, l’intelligent auditoire. […] Et c’est de ses romans que j’aurais dû parler, et parler très abondamment, si j’avais eu à cœur de donner, d’un seul coup, toute sa mesure. […] Il n’y a pas de commune mesure entre ces pièces, frissonnantes d’émotion, et le travail de pur littérateur qu’exécutait, dans le même moment, — pour rentrer, je suppose, en grâce auprès des éditeurs, — l’original, l’âpre poète : je veux parler des contes en vers, Crimen amoris, La Grâce, Don Juan pipé, L’Impénitence finale, Amoureuse du diable.
S’agit-il d’expliquer l’embarras d’un jeune homme obligé de choisir une carrière parmi les convoitises et les doutes de l’âge où nous vivons, il vous montre1393 « un monde détraqué, ballotté, et plongeant comme le vieux monde romain quand la mesure de ses iniquités fut comblée ; les abîmes, les déluges supérieurs et souterrains crevant de toutes parts, et dans ce furieux chaos de clarté blafarde, toutes les étoiles du ciel éteintes. […] III Il semble qu’une âme si violente, si enthousiaste et si sauvage, si abandonnée aux folies de l’imagination, si dépourvue de goût, d’ordre et de mesure, ne soit capable que de divaguer et de s’user en hallucinations pleines de douleur et de danger. […] Ce ne sera pas mal employer le temps que de chercher à celui-ci sa place, et d’expliquer par quelles raisons et dans quelle mesure il doit manquer ou atteindre la beauté et la vérité.
Balzac parle agréablement d’un de ces poètes « qui n’appelait jamais le ciel que la calotte du monde ; qui rimait toujours trope à Calliope ; qui n’eût pas voulu changer cil pour celuy, la mesure du vers le lui eût-elle permis ; qui tenait bon pour pieça, pour moult, pour ainçois, contre les autres adverbes, plus jeunes, disait-il, et plus efféminés75. » Mais ce poète était fort vieux, et il avait pu connaître Ronsard. […] 76 Le galant comprenait encore toutes ces pièces plus que libres, reste de l’ancienne poésie, moins excusables à mesure que les mœurs se poliçaient. […] Ce sont les satires littéraires et quelques satires morales, fruits de cet âge où l’on a un sentiment si vif des défauts et des vices des hommes, et la prétention de les corriger ; l’Art poétique, et les épîtres, qui marquent, l’un, l’âge de la pleine maturité et le désir d’établir ses principes et de confesser sa foi ; les autres, l’expérience, qui croît à mesure que les jours s’écoulent, et qui nous rend plus faciles sur les défauts d’autrui et plus attentifs aux nôtres.
Sa prose, admirable de clarté, de souplesse et de force harmonieuse, était un exemple de goût et de mesure. […] Dans le débat contradictoire dont son « caractère » a été l’objet et dans les divers jugements qui en ont été portés, je ne suis pas en mesure de prendre position, de même que je ne veux pas m’aventurer dans la critique de ses attitudes politiques ou sociales, mais, malgré ces mises à part et ces réserves, j’ai toujours ressenti pour l’homme que fut France un certain éloignement que n’a pu vaincre le sentiment admiraitif qui m’inclinait vers l’écrivain. […] Edouard Dujardin battait la mesure, de son bâton directorial, le torse serré dans un magnifique gilet d’étoffe rouge sur laquelle étaient brodés un semis de Lohengrins et des vols de cygnes minuscules.
Il indique alors quelques ridicules du jour qui sont un sujet tout fait pour la moquerie : « Il est plaisant, dit-il, que l’orgueil s’élève à mesure que le siècle baisse : aujourd’hui presque tous les écrivains veulent être législateurs, fondateurs d’empires, et tous les gentilshommes veulent descendre des souverains. » Il finit surtout par un conseil que Voltaire a trop peu suivi, et qui, au lieu de cette ricanerie universelle à laquelle il s’abandonnait, aurait dû être le but idéal suprême du grand écrivain en ces années de sa vieillesse : Riez de tout cela et faites-nous rire, lui dit Bernis en lui développant son plan ; mais il est digne du plus beau génie de la France de terminer sa carrière littéraire par un ouvrage qui fasse aimer la vertu, l’ordre, la subordination, sans laquelle toute société est en trouble.
Est-il vrai qu’un tribun soit condamné à s’opposer toujours, sans raison et sans mesure, au gouvernement ; à attaquer tout ce qu’il fait et tout ce qu’il propose ; à déclamer contre lui quand il approuve le plus sa conduite ?
Mais je ne sais personne qui en ait mieux parlé dans la pure nuance et la juste mesure qu’un auteur du commencement de ce siècle, que je cite quelquefois, et à qui la France doit un souvenir, puisqu’il est du petit nombre des étrangers aimables qui ont le mieux écrit en Français : Malgré les treize lustres qui pèsent sur ma tête, écrivait M.
L’homme n’a qu’une mesure de sensibilité, et son langage qu’un degré d’énergie ; son cœur est-il oppressé par le poids accablant d’un sentiment profond, son imagination ravagée par des spectacles d’horreur multipliés, il désespère d’y proportionner son langage ; et un geste, un regard, un morne silence lui tiennent lieu alors de paroles et sont plus expressifs.
C’est ainsi que le côté d’utopiste se prononçait de plus en plus chez d’Argenson à mesure qu’il s’éloignait des affaires positives, et depuis que sa rêverie solitaire ne trouvait plus rien qui la gênât.
Il était très frappé de cette rareté des hommes, surtout à mesure qu’on s’élève dans le grade et dans l’échelle, et qu’on leur demande davantage.
Il oubliait que le nombre et la mesure plaisent naturellement aux hommes, que la cadence est aussi un rythme intérieur de la pensée ; que le chant, dans quelques organisations prédestinées, est un don facile, involontaire, une source qui jaillit d’elle-même et se renouvelle sans cesse : Je chantais, mes amis, comme l’homme respire, Comme l’oiseau gémit, comme le vent soupire, Comme l’eau murmure en coulant.
Le jour où elle avait quarante ans, la duchesse de B…31, belle et vertueuse, dans un bal auquel elle assistait, exprimait à une amie sa joie d’être délivrée enfin de cette jeunesse qui oblige à tant de mesures voisines des écueils, et d’avoir hautement acquis les droits de l’âge de raison.
Sur celle-ci en particulier, tout a été dit de ce qui pouvait l’être ; les défauts et les mérites du livre ont été mis en lumière avec une mesure parfaite, dans une suite d’opinions qu’il eût suffi de sténographier pour avoir un excellent modèle de discussion littéraire et historique : que d’instruction j’y ai recueillie moi-même sur un sujet que j’avais précédemment étudié !
Il cueillait ses émotions à mesure qu’elles levaient en lui et ne les laissait pas s’étendre au-dedans et envahir toute l’âme qu’il eût fallu arracher ensuite pour les mettre dehors.
Mais, en vieillissant, elle sut y mettre tant d’art et de mesure, tant de justesse toujours et tant d’à-propos, qu’on en passait volontiers par sa sévérité et qu’on n’y voyait qu’un jugement sans appel.
Gaza en a fait de même ; car, soit pour éviter de renouveler de fâcheux souvenirs, soit tout autre motif, les maisons même ne sont pas fermées, et, par mesure de sûreté, nous avons cru devoir planter nos tentes dans le milieu de la grande place, malgré de gros nuages suspendus sur notre tête.
Le projet de fuite clandestine qu’il machina dès qu’il vit le voyage de Bruxelles manqué, projet aussi imprudent, que coupable, dont le roi fut informé dès l’origine et à tous les moments, combla la mesure : il n’était pas possible qu’on laissât l’héritier de la monarchie s’insurger au dehors contre son père et contre l’État.
Ce qui est également vrai et l’un des traits les plus essentiels à noter chez Gavarni, c’est l’humanité : il est satirique, mais il n’a rien de cruel ; il voit notre pauvre espèce telle qu’elle est et ne place pas très-haut sa moyenne mesure : il ne lui prête rien d’odieux à plaisir.
Tout d’abord ce sont deux musiciennes, Mélo et Satyra, qui dédient et consacrent les instruments de leur art aux Muses : « Mélo et Satyra, arrivées à un grand âge, filles d’Antigénide, les dociles des servantes des Muses (ont fait ces offrandes) : Mélo consacre aux Muses de Pimplée ces flûtes que la lèvre rapide effleure ; et l’étui en buis qui les renferme ; Satyra, amie des amours, consacre cette syrinx dont elle-même a réuni les tuyaux avec de la cire, douce flûte, nocturne compagne des buveurs, avec laquelle après toute une nuit elle a vu bien souvent se lever l’aurore battant la mesure aux portes des cours et des maisons4. » Ces deux demoiselles étaient des musiciennes un peu ambulantes qu’on louait, surtout la seconde, pour des sérénades.
Elle avait l’évidence d’une justice divine qui la consolait dans une mesure infinie de l’atroce iniquité dont elle était la victime, et lui donnait cette résignation à la fois enthousiaste et calme qui efface l’horreur de l’agonie et triomphe du supplice et du néant. » Il m’est impossible, malgré la déférence et le respect que j’ai pour le témoignage de M.
À mesure qu’on s’est éloigné d’Homère, on l’a pris tout à faux ; on a vu chez lui un auteur, un homme qui a composé un poème d’après un plan régulier, et là-dessus on s’est mis à raisonner, à inventer des beautés qui n’en sont pas, des explications subtiles dont on a fait des lois.
» Le livre du comte Vitzthum a de quoi couvrir de honte le petit-maître en question, si on le connaissait, et de quoi réfuter amplement d’Argenson qui n’a l’air de le désapprouver qu’à demi et qui, ayant eu affaire au comte de Saxe, précisément dans une négociation où tous deux prenaient la plus grande part, a donné en un pareil jugement la mesure et les bornes de sa perspicacité13.
Toutefois la familiarité aurait eu de plus graves inconvénients, et, au défaut de la juste mesure, toujours difficile à observer, peut-être a-t-il pris le meilleur parti.
En 1817, il en commença une autre intitulée Athélie ou les Scandinaves, mais il n’alla qu’à la fin du troisième acte et s’en dégoûta à mesure qu’il avançait : son goût se fit plus vite que sa tragédie.
Pourtant, en général, dans Arthur, le cœur est de beaucoup plus fort que la raison, que la pensée ; celle-ci, en maint endroit, est exclusive, dédaigneuse, aristocratique, légère, prenant trop ses répugnances ou ses affections pour la règle du possible, pour la mesure du vrai.
Il écrivait en style moins lyrique à un ami, en se faisant tout petit, non sans malice : « Dans l’impossibilité où je suis de comprendre cette faculté (du poëte) et pour ne pas avouer cette supériorité dans les autres, je pense que les poëtes ont quelque chose dans le poignet qui change la prose en vers à mesure qu’elle passe par là pour se rendre de la tête sur le papier ; en sorte qu’un poëte ne serait qu’une filière plus ou moins parfaite.
Scribe, qu’elle n’avait jamais vu de près ; mais du moins, et dans la mesure qui lui était convenable, s’est-elle, je ne dis pas offerte à lui, mais rendue avenante et accessible.
La violence du philtre rejetait les mesures.
Il était le public de ses amis, l’orchestre, le chef du chœur qui écoute et qui frappe la mesure.
Tout était près pour la publication désirée, quand M. de Krüdner dérangea des mesures si bien prises en mourant brusquement d’apoplexie le 14 juin 1802.
Mais il dit aussi certains petits effets de grandes vertus, des excès et des défauts, marques d’humanité, qui rapprochent de nous le saint, et l’animent sans l’amoindrir : nous voyons le roi, vêtu de grossier camelin, « tremper son vin avec mesure », et manger ce que son cuisinier lui prépare, sans condescendre jamais à commander le menu de son repas ; nous le voyons, modeste en sa parole comme pur en ses actes, n’ayant onques nommé le diable en ses propos, toujours timide et petit enfant devant sa mère, froid à l’excès et comme indifférent à l’égard de sa femme et de ses enfants, l’humeur vive avec son angélique bonté, assez jaloux de son autorité, rabrouant prélats ou Templiers, quand ils semblent entreprendre dessus, et, pour tout dire, un peu colère : Joinville ne fait-il pas un pacte avec lui, pour que ni l’un ni l’autre à l’avenir ne se fâchent, le roi de ses demandes, et lui des refus du roi ?
Séduit outre mesure par les anciens, il a loué dans l’églogue précisément le manque de réalité : cédant trop complaisamment au goût mondain, il a préféré la « mignardise » de Térence au robuste naturel de Molière.
A mesure qu’il vieillissait, il a marqué de traits plus forts, presque brutalement, la décomposition, la démoralisation de certain grand monde, exquis gentilshommes aux âmes vides ou dures, délicieuses jeunes filles aux propos cyniques.
Zucca survient et plaisante messer Tebaldo de ce qu’il est devenu tailleur et de ce qu’il prend la mesure des vêtements.
Il est de ce beau temps des lettres françaises par la mesure, les images modérées et justes, par l’éclat doux et égal, par les beautés antiques, pensées et senties de nouveau, par le style, où il a la noblesse du grand siècle, sans en avoir l’étiquette.
Si l’organisation sociale de la production n’autorise que dans une faible mesure l’originalité individuelle, elle ne laisse pas d’imposer à l’individu des gênes et des contraintes qui tendent à le diminuer physiquement, intellectuellement et moralement.
L’extension plus ou moins grande qu’un peuple donne à la fatalité est la mesure de sa civilisation.
Comme tous les fondateurs charitables, M. l’abbé Carton dépasse souvent la mesure de ce que semblerait commander la prudence humaine.
La littérature, sans être aussi redoutable pour les dogmes que la science l’a toujours été par sa ferme volonté de ne rien admettre qui ne soit prouvé, est devenue, elle aussi, dangereuse pour eux, à mesure qu’elle a été pénétrée de l’esprit scientifique ; l’histoire, la philologie, la philosophie, armées de méthodes sévères, ont critiqué les faits, les textes, les conceptions qui s’offraient à leurs regards aigus dans les livres dits sacrés, et nul n’ignore l’abatis qui s’en est suivi de légendes et d’erreurs données comme des vérités révélées.
Ce lied angélique, qui semble traduit d’une page d’Edgar Poe, et que Césarine accompagne, sans le savoir, au piano, sur les mesures d’un andante, plairait peut-être dans un roman ; il impatiente, comme un hors-d’oeuvre, dans un drame dont l’action se fait si longtemps attendre.
Ces coups de tonnerre au xviie siècle, c’était Descartes, c’était Pascal ; ce coup d’archet qui remettait l’orchestre en mesure, c’était Despréaux.
C’est facile, coulant ; l’auteur a une fluidité nuancée et spirituelle de détail, mais aucune résistance ni solidité de jugement, aucune proportion dans sa mesure des talents et dans la comparaison des ouvrages, aucune fermeté, aucun fond.
On se prend à s’écrier en se rejetant en arrière : Ô le style des honnêtes gens, de ceux qui ont tout respecté de ce qui est respectable, qui ont placé dans les sentiments mêmes de l’âme le principe et la mesure du goût !
Toute la Cour est édifiée et étonnée de sa tranquillité et de sa joie, qui s’augmente à mesure que le temps approche.
Ses idées sur l’éducation des femmes sont pleines de justesse et de mesure dans la théorie : Sérieusement, écrit-elle, y a-t-il rien de plus bizarre que de voir comment on agit pour l’ordinaire en l’éducation des femmes ?
M. de Maistre sent, avec l’instinct des grands esprits, que, s’il est un seul instant mis en mesure de s’expliquer devant cet autre grand esprit, Napoléon, il sera compris, et, dans tous les cas, apprécié et déchiffré.
Ailleurs, dans un petit Traité de la vieillesse, elle parlera de la dévotion, non pas comme d’un faible, mais comme d’un soutien à mesure qu’on avance en âge : « C’est un sentiment décent et le seul nécessaire… La dévotion est un sentiment décent dans les femmes, et convenable à tous les sexes. » Cette manière d’envisager la religion est irréprochable au point de vue social et moral ; mais le vrai chrétien demande davantage, et je conçois que le digne M. de La Rivière n’ait pas été entièrement satisfait, à cet égard, des dispositions de son amie.
On conçoit le travail et l’effort de renouvellement qui dut se faire dans l’esprit de Mme Necker en présence de ce monde tout nouveau, surtout quand le cercle de ses relations se fut de plus en plus agrandi, à mesure que M.
Entre lui et Prié, c’est une guerre à mort ; il se figure que l’Europe entière est attentive à ce démêlé et à l’éclat qu’il en a fait : Je dois songer à la grande affaire qui est de vaincre, écrivait-il à un ami de Bruxelles pendant sa détention au château d’Anvers (16 septembre 1724) ; le moyen que j’ai pris et mes mesures m’y conduisant tout droit, il n’importe pas si cela se fait exactement suivant le goût et la règle des cours, puisqu’un homme de courage hasarde volontiers une petite mortification de la part de son maître pour arriver à un plus grand bien, et qu’il doit suivre sans aucun égard les routes les plus courtes, pourvu que ce soient celles des gens de bien, quand on y devrait chiffonner sa perruque, déchirer ses habits, perdre son chapeau et le talon de ses souliers en sautant les fossés… Au reste, si vous lisez attentivement mes lettres à Sa Majesté, vous verrez qu’elles présagent les pas que j’ai faits avec toute la franchise d’un soldat qui ne craint rien, pas même son maître, quand il y va de son honneur, que je n’ai jamais engagé ni n’engagerai de ma vie à aucun des rois de la terre.
Pour lui, à cette date, il ne concevait et ne proposait pas de mesure précise et décisive, soit dans le sens de la répression, soit dans celui d’une refonte hardie.
Cosnac fit durant des années sa pénitence d’avoir été un produit de la Fronde et un boute-en-train de ces petites cours, où il n’avait rien trouvé à sa mesure.
., la Prusse, la Saxe, la Pologne et la Russie ; son plan s’étend à mesure qu’il s’y applique.
Ce travail est conçu dans un excellent esprit et dans une bonne mesure : M.
Voici donc un tableau général et en raccourci de l’aspect et du sol des États-Unis à la date où Volney les a visités, en 1797 ; pas un mot n’est à perdre ni à négliger : Telle est, en résumé, dit-il, la physionomie générale du territoire des États-Unis : une forêt continentale presque universelle ; cinq grands lacs au nord ; à l’ouest, de vastes prairies ; dans le centre, une chaîne de montagnes dont les sillons courent parallèlement au rivage de la mer, à une distance de 20 à 50 lieues, versant à l’est et à l’ouest des fleuves d’un cours plus long, d’un lit plus large, d’un volume d’eau plus considérable que dans notre Europe ; la plupart de ces fleuves ayant des cascades ou chutes depuis 20 jusqu’à 140 pieds de hauteur, des embouchures spacieuses comme des golfes ; dans les plages du Sud, des marécages continus pendant plus de 100 lieues ; dans les parties du Nord, des neiges pendant quatre et cinq mois de l’année ; sur une côte de 300 lieues, dix à douze villes toutes construites en briques ou en planches peintes de diverses couleurs, contenant depuis 10 jusqu’à 60 000 âmes ; autour de ces villes, des fermes bâties de troncs d’arbres, environnées de quelques champs de blé, de tabac ou de maïs, couverts encore la plupart de troncs d’arbres debout, brûlés ou écorcés ; ces champs séparés par des barrières de branches d’arbres au lieu de haies ; ces maisons et ces champs encaissés, pour ainsi dire, dans les massifs de la forêt qui les englobe ; diminuant de nombre et d’étendue à mesure qu’ils s’y avancent, et finissant par n’y paraître du haut de quelques sommets que de petits carrés d’échiquier bruns ou jaunâtres, inscrits dans un fond de verdure : ajoutez un ciel capricieux et bourru, un air tour à tour très humide ou très sec, très brumeux ou très serein, très chaud ou très froid, si variable qu’un même jour offrira les frimas de Norvège, le soleil d’Afrique, les quatre saisons de l’année ; et vous aurez le tableau physique et sommaire des États-Unis.
Tout le long du trajet nerveux, à mesure que le courant de l’innervation descend, il y a bien aussi des sensations afférentes qui nous avertissent de son passage ; mais ces sensations sont relativement faibles, uniformes, de très courte durée ; elles n’ont pas le relief nécessaire pour se détacher dans la conscience.
Les sphères sont nombreuses et leur nombre augmente à mesure que, dans les médiocres foules parlementaires, s’accroît, par défaut d’intelligence, le besoin de l’imitation.
Une sorte de parti pris gigantesque, la mesure habituelle dépassée, le grand partout, ce qui est l’effarement des intelligences médiocres, le vrai démontré au besoin par l’invraisemblable, le procès fait à la destinée, à la société, à la loi, à la religion, au nom de l’Inconnu, abîme du mystérieux équilibre ; l’événement traité comme un rôle joué et, dans l’occasion, reproché à la Fatalité ou à la Providence ; la passion, personnage terrible, allant et venant chez l’homme ; l’audace et quelquefois l’insolence de la raison, les formes fières d’un style à l’aise dans tous les extrêmes, et en même temps une sagesse profonde, une douceur de géant, une bonté de monstre attendri, une aube ineffable dont on ne peut se rendre compte et qui éclaire tout ; tels sont les signes de ces œuvres suprêmes.
Certains poètes sont sujets, dans le dramatique, à de longues suites de vers pompeux, qui semblent forts, élevés, et remplis de grands sentiments ; le peuple écoute avidement, les yeux élevés et la bouche ouverte, croit que cela lui plaît, et à mesure qu’il y comprend moins l’admire davantage, il n’a pas le temps de respirer, il a à peine celui de se récrier et d’applaudir.
Nous apprenons de Moïse que ce grand et sage architecte, diligent contemplateur de son propre ouvrage, à mesure qu’il bâtissait ce bel édifice du monde, en admirait toutes les parties215 : Vidit Deus lucem quod esset bona : « Dieu vit que la lumière était bonne » : qu’en ayant composé le tout, parce qu’en effet la beauté de l’architecture paraît dans le tout, et dans l’assemblage plus encore que dans les parties détachées, il avait encore enchéri et l’avait trouvé parfaitement beau216.
D’ailleurs, il s’énonce par-tout avec tant de précision, de netteté, de pureté même & de clarté, qu’il est à la fois à la mesure des lecteurs les plus exercés dans les discussions de l’art grammatical, & à la portée de tous les autres.
Je le mesure du bout de son pié, jusqu’à l’extrémité de la main dont il tient la couronne.
Le Prince C’est une assez bonne méthode pour décrire des tableaux, surtout champêtres, que d’entrer sur le lieu de la scène par le côté droit ou par le côté gauche, et s’avançant sur la bordure d’en bas, de décrire les objets à mesure qu’ils se présentent.
Il y a, comme on voit, deux manières d’ordonner une bataille, ou en pyramidant par le centre de l’action ou de la toile auquel correspond le sommet de la pyramide, et d’où les branches ou différens plans de cette pyramide vont en s’étendant sur le fond à mesure qu’ils s’enfoncent dans le tableau, magie qui ne suppose qu’une intelligence commune de la perspective et de la distribution des ombres et des lumières ; ou en embrassant un grand espace, en regardant toute l’étendue de sa toile comme un vaste champ de bataille, ménageant sur ce champ des inégalités, y répandant les différents incidens, les actions diverses, les masses, les groupes liés par une longue ligne qui serpente, ainsi qu’on le voit dans les compositions de Le Brun.
Cadmus de Milet, d’après ce géographe, fut le premier qui imagina de rompre la mesure, en conservant d’ailleurs tous les caractères de la poésie.
Souvent même les caricatures, comme les gravures de modes, deviennent plus caricaturales à mesure qu’elles sont plus démodées.
On dort dans l’exacte mesure où l’on se désintéresse.
On refait ses phrases à mesure qu’on les lit. […] j’ai peine à corriger et à supporter le poids d’un long travail : l’enthousiasme soutient, le poète qui écrit y prend goût, l’écrivain oublie la fatigue, et son cœur s’échauffe à mesure que son poème grandit. […] Il lui disait que « la fureur d’embellir et d’exagérer la nature s’affaiblissait à mesure qu’on acquérait plus d’expérience et d’habileté, et qu’il venait un temps où on la trouvait si belle, qu’on penchait à la rendre telle qu’on la voyait ». […] Georges Renard, mais dans quelle mesure ? […] Une colonne et demie ou deux colonnes par semaine, c’est la mesure adoptée un peu partout.
On y comptait Belleau, que Ronsard a surnommé le Peintre de la nature & qui l’imitait avec assez de graces ; Ronsard lui-même, qui essaya d’enrichir notre Langue & qui la rendit encore plus barbare ; Dorat, qui obtint le surnom de Pindare Français, pour avoir fait cinquante mille vers Grecs ou Latins ; Baïf, qui essaya d’introduire dans les nôtres la cadence & la mesure des précédens ; Ponthus de Thiard, qui peignit assez vivement les erreurs & les plaisirs de l’amour ; Jodelle, qui essaya le premier de donner à la Tragédie & à la Comédie Française la forme qu’elle avait chez les anciens ; mais qui ne trouva pas, comme eux, une Langue propre à seconder son génie. […] On voit que sur son col un double demi-globe, Se hausse par mesure & souleve sa robe….. […] Observez, disaient-ils, que chaque vers a la mesure prescrite par les regles, & chaque ode le nombre de vers prescrits par le programe.
Il leur oppose les Grecs, qui « ne haussaient pas le ton mal à propos et savaient garder la mesure ». […] L’Église est, dans une assez large mesure, intellectualiste. […] Louis Roche est-il en mesure de nous révéler des secrets pleins d’horreur ? […] Tout grand artiste est un héros en quelque mesure. […] Il n’y a donc pas lieu de s’affliger outre mesure des résultats de l’enquête menée par Agathon.
Il ne faut pas s’y tromper, en effet : on peut admettre philosophiquement le divorce, comme une nécessité regrettable, comme un remède dangereux, dont il importe d’user avec réserve et mesure. […] Sa misère et son opprobre donnent la mesure exacte de sa vertu. […] Des découragements sans mesure succédant à des ambitions sans bornes ; des désenchantements amers nés d’illusions insensées ; l’affaissement des âmes, fruit de l’incertitude des esprits ; la mobilité des goûts, la lâcheté des cœurs ; n’est-ce point-là ce qui se montre de toutes parts ? […] Ce fait donne la mesure de l’exaltation étrange où de certains esprits peuvent arriver, sous l’influence de ces dangereux spectacles. […] Comme si le génie, qui n’est que l’intelligence à son plus haut degré de puissance, n’impliquait pas là mesure dans la puissance même, la modération dans la force, la discipline jusque dans la fougue !
Son visage se décomposait à mesure que j’allais, accumulant les faits précis, traquant son mensonge comme on traque une bête sauvage et lui prouvant que son frère s’était défendu, à sa manière, comme il se défendait lui-même. […] Puis il repartit, battant avec sa tête la mesure de son pas rythmé. […] … écrire, c’est bien autre chose… Et s’exaltant à mesure qu’il parlait : C’est vivre d’abord, et avoir de la vie un goût à soi, une saveur unique, une sensation, là, dans la gorge… C’est se transformer soi-même en champ d’expériences, en sujet auquel inoculer la passion. […] Et tout l’édifice fleurissait, à mesure qu’il se rapprochait du ciel, dans un élancement continu, délivré de l’antique terreur sacerdotale, allant se perdre au sein d’un Dieu de pardon et d’amour. […] J’ouvre au hasard et je trouve un chapitre intitulé : le Naturel ; les anecdotes qu’il contient sont prises sur le vif ; c’est un député qui, ancien chef de musique, ne peut s’empêcher de battre la mesure quand il parle à la tribune ; un riche bourgeois qui autrefois restaurateur ne peut se défendre de se promener dans ses salons une serviette sous le bras, c’est… lisez plutôt ce fragment ; il s’agit d’un peintre qui va se marier avec son modèle ; Lucile est charmante de tous points et va devenir certainement une fidèle épouse, si elle consent à dire le fameux ; oui !
Néron se livre aux partisans du vice ; et les secours, dit l’historien, diminuent à mesure que les maux s’accroissent. […] « Mon unique défense, c’est qu’il ne m’a pas été permis de m’opposer à votre libéralité : mais nous avons comblé la mesure ; vous, en m’accordant tout ce que le prince peut accorder à son ami ; moi, en recevant tout ce qu’un ami peut accepter de son prince. […] La mort naturelle par l’hémorrhagie des veines est rare ; elle est lente ; elles s’affaissent à mesure qu’elles se vident et l’effusion du sang est suspendue. […] Il ordonne sa fosse sur la mesure de son corps ; il pleure, il s’écrie223 : Quelle fin pour un si grand musicien ! […] « Mais il n’est guère possible sur le récit de Tacite, de le juger plus favorablement. » Et vous vous êtes cru en état de lire Tacite, de l’entendre, de l’apprécier, à peine initié dans sa langue, et n’ayant pour toute mesure des actions que les misérables cahiers de morale aristotélique que l’on vous dictait sur les bancs de l’école, avec quelques chapitres de Nicole, qu’un professeur janséniste vous commentait le dernier jour de la semaine !
Étant moi-même de ceux qui ont eu à parcourir cette période curieuse de transition, j’ai pris plaisir à le suivre, à revoir ce pays connu, à comparer ses impressions aux miennes, à lui donner raison presque toujours, sauf quelques différences de mesure et de proportion, çà et là, dans les jugements. […] En s’attachant sans réserve et sans mesure à l’Antiquité classique, latine et surtout grecque, ils le prirent trop haut ; ils ne purent soutenir jusqu’au bout leur gageure, ils se cassèrent la voix en voulant chanter sur un ton trop haut.
Souvent il en devient plus affecté, à mesure qu’il parle ; souvent il est embarrassé au choix du mot le plus propre à rendre sa pensée, et l’effort qu’il fait alors donne plus de ressort et d’énergie à ses paroles. […] Il faut laisser aux hommes et aux magiciens les gestes violents et hors de mesure ; une jeune princesse doit être plus modeste.
Dans toute société polie on recherche l’ornement de la pensée ; on lui veut de beaux habits rares, brillants, qui la distinguent des pensées vulgaires, et pour cela on lui impose la rime, la mesure, l’expression noble ; on lui compose un magasin de termes choisis, de métaphores vérifiées, d’images convenues qui sont comme une garde-robe aristocratique dont elle doit s’empêtrer et se parer. […] Bossu dans mon premier article sur Milton, j’aurais daté l’action du Paradis perdu du discours de Raphaël au cinquième livre932. » — « Quoique l’allégorie du Péché et de la Mort puisse en quelque mesure être excusée par sa beauté, je ne saurais admettre que deux personnages d’une existence si chimérique soient les acteurs convenables d’un poëme épique. » Plus loin il définit les machines poétiques, les conditions de leur structure, l’utilité de leur emploi.
Sans doute David Copperfield, son meilleur roman, a bien l’air d’une confidence ; mais à quel point cesse la confidence, et dans quelle mesure la fiction orne-t-elle la vérité ? […] À mesure qu’il veut se détacher de cette vision, il s’y enfonce ; c’est un gouffre ardent où il roule en se débattant avec des cris et des sueurs d’angoisse.
Plus la réflexion commence : on se complaît à penser qu’on a plongé plus avant que bien d’autres dans le Puits de l’abîme et dans la Cité des douleurs ; on a la mesure du sort ; on sait à fond ce qui en est de la vie, et ce que peut saigner de sang un cœur mortel. […] Ce livre alors serait, par rapport au précédent, ce qu’est dans une spirale le cercle supérieur au cercle qui est au-dessous ; il y aurait eu chez moi progrès poétique dans la même mesure qu’il y a eu progrès moral.
Cependant, donnez-moi encore votre opinion sur un autre sujet, et, après y avoir mûrement réfléchi, dites quelles mesures il faut prendre pour garantir dans l’avenir la stabilité de ma maison, et en même temps votre propre sûreté ? […] « Les Péoniens, instruits que les Perses s’avançaient, réunirent leurs forces ; ils se dirigèrent sur la mer, persuadés qu’ils devaient être attaqués de ce côté, et, véritablement, ils étaient alors en mesure de repousser Mégabaze ; mais les Perses, informés à leur tour que les Péoniens s’étaient rassemblés et qu’ils défendaient l’entrée du pays vers la mer, prirent, avec le secours de leurs guides, et à l’insu des Péoniens, la route par les montagnes, pour tomber à l’improviste sur les villes : ils les trouvèrent sans défenseurs, et s’en emparèrent facilement.
Dans quelle mesure j’ai réussi à donner à cette histoire la forme dramatique ; si elle est vraisemblable, si elle est cohérente, si elle est intéressante, si j’ai su y introduire, comme je l’eusse désiré, le maximum d’analyse morale que supporte le théâtre, je l’ignore et je m’en remets à quelques-uns, — pas à tous, oh ! […] Le conseil s’affole, entonne le panégyrique du défunt, et vote un emprunt de cent millions pour mesures de salubrité.
Et, à mesure que le tas grossissait, il s’en dégageait de plus en plus une insupportable odeur de médiocrité. […] Zola est le chef d’une école que je crains bien de voir grandir outre mesure : L’École de la suffisance et de l’ignorance. » Comparez donc la critique qu’on accuse de brutalité, et celle qui se pose sur la tête la tiare de l’affabilité, du bon ton, de la courtoisie.
On mesure l’homme à ce qu’il entraîne avec lui. […] On m’imprime à mesure.
… comme le caoutchouc, où le pas ne s’entend pas… Un ciel bleu tendre… Vous ne connaissez que l’Orient clair et découpé… Là, à tous les plans, d’imperceptibles voiles de vapeur, devenant plus intenses à mesure qu’elles s’éloignent… Là, des bonshommes noirs ou bleus… il est très rare de rencontrer une note rouge… et quel joli ton fait là-dedans la cotonnade bleue… Je les vois, tous ces bonshommes, avec une petite lumière au front et à la clavicule. […] À mesure qu’il parle de ce pays, le blanc de ses yeux s’agrandit dans son exaltation, ou bien, les yeux fermés, la tête renversée en arrière, il se touche le front de l’index.
Il est coiffé d’un madras noir, coquettement tortillé sur sa tête, et habillé d’une élégante blouse-veston gris perle, avec un large pantalon flottant de la même étoffe, recouvrant des souliers de cuir de Russie et avec ses gants chamois et son ombrelle d’été, il est tout charmant dans sa pose molle et affaissée, sur une chaise de fer, pendant que d’une main jaune, dégantée, il marque la mesure d’une valse. […] Lundi 16 octobre La France n’a plus la mesure d’une nation bien portante.
Chaque femme, au moment où on l’aime, peut faire croire qu’elle révèle tout l’amour, car alors on oublie le reste de la vie : c’est ainsi que chaque poète détache celui qu’il aime du reste des choses ; il dissipe le souvenir des autres poètes ; chaque poète fait croire qu’il est à lui seul toute la poésie… Mais les autres poètes en font autant, tour à tour, à mesure qu’ils se font aimer. […] Certes Victor Hugo fut illustre, mais si l’on mesure le génie à la force des acclamations populaires, il faut lui égaler Népomucène Lemercier et l’abbé Delille à qui les pouvoirs publics firent en 1813 de si imposantes funérailles et puisque ma lettre vous parviendra à cette époque de l’année où il est d’usage de formuler des vœux, laissez-moi goûter la douceur de celui-ci : c’est que le plus grand poète du xixe siècle soit encore inconnu comme il advint d’André Chénier, le plus grand poète du xviiie siècle, qui ne fut, qu’au cours du siècle suivant, révélé à l’admiration des hommes.
Une certaine lourdeur, poids et mesure, qu’on retrouvera dans mon volume en train, Bonheur, ne vous arrête-t-elle pas, sans trop vous choquer, j’espère, ès les très jeunes « prologue » et « épilogue » du livre qu’on vous offre à nouveau ce jourd’hui ? […] Un jour, à Guernesey, après déjeuner, les deux hommes se prirent de discussion sur des matières philosophiques et religieuses, et comme Vacquerie poussait très avant sa pointe et rétorquait sans ménagement, à mesure qu’ils se produisaient, tous les arguments d’Hugo, celui-ci, tout rouge presque de colère, de se voir acculé de si près, s’écria : « Eh bien, je vous répondrai dans huit jours », et il monta s’enfermer dans le belvédère qui dominait sa maison et qui lui servait de cabinet de travail, y resta huit jours sans en descendre, y couchant, y mangeant. […] Mais peu à peu, par degré, à mesure qu’il approche de la grande date : 89, l’auteur déride un peu sa phrase, d’abord sèche et rude comme du Tacite, et en arrive à une sorte de gaieté railleuse quand il parle de Louis XV et de Dubois, « cette Majesté et cette Éminence. » Vient ensuite l’éblouissement final de la délivrance : en quels termes est dépeinte cette auguste époque, il n’est pas besoin de le dire.
Le thème fondamental est la joie de vivre, d’être un homme libre, fier, qui ne songe qu’à accomplir son destin naturel en aimant la beauté, en jouissant de tous les plaisirs des sens et de l’intelligence, et cela sans mesure, sans hypocrisie, avec une fougue ignorante de tous les ménagements et de toutes les morales. […] Et à mesure que chantait le pauvre homme, le poète a écrit les chansons de la semaine de Flandre, ensuite a taillé dans le bois des images naïvement nouvelles, ensuite a fait avec tout cela un petit livre qui semble tombé par la cheminée un jour de Noël, tant il est miraculeusement doux. […] Schwob fera toujours des préfaces, mais, des siennes, qui en valent la peine, on ordonnera des livres, à mesure dans le goût de Spicilège, et nous ne serons pas distraits par le devoir de changer à chaque chapitre la robe de notre poupée. […] Des manières de dire, d’une préciosité encore rude, y sont curieuses ; ainsi en ce passage un peu technique où il est enseigné à l’enfant que les mots ont avec les choses qu’ils dénomment des rapports de surface, d’aspect, et non d’essence : Les mots ne disent point en même temps l’Essence et la mesure : et c’est pourquoi, dedans les roses qu’ils te nomment de loin, la nature des Choses demeure vierge de tes doigts et de ton vain esprit… et tout le motif des roses, et ses rappels, et la page de l’Amphore, et : indulgentes longtemps rêvent les vierges, qu’aime un midi de lumière et d’antiques rameaux… Ce dernier volume est donc une indication du poème dont serait capable M.
Nous lui avions fait manquer des rendez-vous avec des banquiers, des éditeurs, des duchesses ; il ne serait pas en mesure pour ses échéances ; ce fatal sommeil coûterait des millions. […] Nous écrivons nos souvenirs à mesure qu’ils nous reviennent, sans essayer de mettre de la suite à ce qui n’en peut avoir D’ailleurs, comme le disait Boileau, les transitions sont la grande difficulté de la poésie et des articles, ajouterons-nous, mais les journalistes modernes n’ont pas autant de conscience ni surtout autant de loisir que le législateur du Parnasse. […] Le point de départ était bientôt oublié et il passait d’une anecdote à une réflexion philosophique, d’une observation de mœurs à une description locale ; à mesure qu’il parlait son teint se colorait, ses yeux devenaient d’un lumineux particulier, sa voix prenait des inflexions différentes, et parfois il se mettait à rire aux éclats, égayé par les apparitions bouffonnes qu’il voyait avant de les peindre. […] Lorsqu’il était mêlé à ses contemporains, on l’appréciait mal, on ne le voyait que par fragments sous des aspects parfois défavorables : maintenant l’édifice qu’il a bâti s’élève à mesure qu’on s’en éloigne, comme la cathédrale d’une ville que masquaient les maisons voisines, et qui à l’horizon se dessine immense au-dessus des toits aplatis. […] On les voyait — ce n’est pas une illusion de notre part, plusieurs des assistants l’ont remarqué se décolorer et pâlir sur sa tête à mesure qu’on approchait du terme fatal et de la petite porte basse où se dit l’éternel adieu.
Sieyès s’en plaignit dans une lettre amicale et pleine de mesure.
Mon Cid parla bien et avec beaucoup de mesure : « Grâces te soient rendues, Seigneur père qui es là-haut !
Il l’admire comme poète ; il n’a pas assez d’éloges pour sa Henriade ; il n’a jamais rien vu de si beau, c’est du véritable enthousiasme, et qui donne la mesure de celui des contemporains : « (Février 1724.) — Le poëme de la Ligue, par Arouet, dont on a tant parlé, se vend en secret.
A mesure que la fatigue des dernières années cessera de se faire sentir, on verra les passions politiques renaître ; et si, pendant le temps où il est fort, le Gouvernement n’a pas redoublé de prudence et ménagé avec grand soin toutes les susceptibilités de la nation, on sera tout surpris de voir quel orage se soulèvera tout à coup contre lui.
. — Enfin, mon cher Monnier, la mesure est comblée ; le courrier vient d’arriver avec toutes les promotions ; il n’y en a pas moins de 70052 pour notre corps d’armée.
À mesure qu’on avançait dans le siècle, l’abbaye de la Trappe gagnait en autorité aux yeux du monde ; elle héritait de l’affluence et du concours qui ne se partageait plus entre d’autres saints lieux désormais suspects et sans accès.
Souvent, aux lieux les plus connus, un certain profil soudainement caractérisé me révèle des masses différentes, des groupes nouvellement conçus, que je n’avais jamais envisagés de cette sorte, et qui sont vrais, et qui s’ajoutent à la connaissance vivante que j’ai du tout. » Ce que cet ami me disait de ses montagnes, je l’appliquais involontairement à notre littérature, à mesure que, l’envisageant de loin, sous un aspect extérieur, et pourtant d’un lieu qui est à elle encore par la culture, elle me paraissait offrir une perspective nouvelle dans des objets tant de fois étudiés et connus.
Tout en continuant de peindre les tristes réalités qu’il sait, il évitera de les forcer, de les trancher outre mesure ; sa manière, dans le détail même, y devra gagner en fusion.
Tout ceci nous conduirait, si nous l’osions, à conclure avec Corneille que Racine avait un bien plus grand talent pour la poésie en général que pour le théâtre en particulier, et à soupçonner que, s’il fut dramatique en son temps, c’est que son temps n’était qu’à cette mesure de dramatique ; mais que probablement, s’il avait vécu de nos jours, son génie se serait de préférence ouvert une autre voie.
On en fait involontairement le centre de ses mesures.
) Encore une fois, la question, messieurs, n’est point tout simplement de savoir s’il faut apporter de la mesure et de la convenance dans les choix des bibliothèques populaires.
Mais en pratique, par nécessité et routine, on le traite, selon le précepte du cardinal de Richelieu, comme une bête de somme à qui l’on mesure l’avoine, de peur qu’il ne soit trop fort et regimbe, « comme un mulet qui, étant accoutumé à la charge, se gâte plus par un long repos que par le travail ».
On a vu qu’elles s’avivent et se précisent, à mesure que nos sensations présentes deviennent plus faibles et plus vagues ; au bout de quelques secondes, il nous semble que nous entendons de vrais sons, que nous voyons de vraies formes, qu’effectivement nous goûtons, nous flairons, nous touchons.
Je ne crains pas non plus que ton autorité soit inférieure à celle que j’ai eue jusqu’à ce jour : mais parce qu’une cité entière est un corps à plusieurs têtes, comme l’on dit, et qu’on ne peut pas être au gré d’un chacun, souviens-toi, au milieu de cette diversité, de suivre toujours le dessein que tu jugeras le plus honnête, et d’avoir égard à l’intérêt de tous plutôt qu’à l’intérêt d’un seul. » Il donna ensuite des ordres pour ses funérailles, pour qu’elles se fissent à l’instar de celles de son aïeul Côme, dans la mesure enfin qui convient à un simple particulier.
Puis, l’effronté Voltaire s’enveloppe ici de décence, de mesure, de discrétion : il décolore l’histoire par un parti pris aristocratique et littéraire ; il en atténue la trop fréquente brutalité.
Les tentatives originales l’ont presque toujours trouvé hostile ou défiant : Je vois avec chagrin Meilhac et Halévy se préoccuper de moins en moins, à mesure qu’ils prennent plus d’autorité sur le public, et du choix du sujet et des situations dramatiques qu’il comporte.
Je m’interromps, d’abord en vue de n’élargir, outre mesure pour une fois, ce sujet où tout se rattache, l’art littéraire : et moi-même inhabile à la plaisanterie, voulant éviter, du moins, le ridicule à votre sens comme au mien (permettez-moi de dire cela tout un) qu’il y aurait, Messieurs, à vaticiner.
Or, il n’est pas vrai que l’écrivain doive se mettre à la mesure du public.
Bien qu’il les exprime toujours sous la forme la plus resserrée, il n’en écarte aucune, et souvent les jette pêle-mêle, à mesure qu’elles s’offrent à lui, en sorte que sa pensée, qui d’abord avait été rendue avec énergie, s’affaiblit en se reproduisant sous une forme moins frappante et avec un tour moins heureux.
« Il a beau faire, s’écrie-t-il, jamais il ne le persuadera à personne ; et tout le monde sait combien je sais presser un argument, et combien est précise la brièveté avec laquelle j’écris74. » A la fin d’un chapitre de l’Institution, il dit : « Or, je pense bien avoir fait ce que je voulois, quant à ce point. » Combien n’est-il pas redoutable, celui qui, ayant dans les mains le pouvoir de vie et de mort, mesure la justice de sa cause à la rigueur de ses raisonnements !
J’ai cherché ensuite à former avec nos sensations visuelles un continu physique équivalent à l’espace ; cela est facile sans doute et cet exemple est particulièrement approprié à la discussion du nombre des dimensions ; cette discussion nous a permis de voir dans quelle mesure il est permis de dire que « l’espace visuel » a trois dimensions.
Ils ont ce roidissement fanatique de l’Hérodiade de Mallarmé : « J’aime l’horreur d’être vierge… » C’est déjà une noble ambition que de vouloir départager, comme ils le font, les joies de l’âme et celles du corps, mais la mesure est insuffisante.
Reste à savoir en quels cas et en quelle mesure ces forces font du bien ou du mal.
A mesure que j’ai découvert des noms estimables, je me suis fait un plaisir de les faire connoître ; & ceux de nos Auteurs vivans qui ont ajouté par de nouveaux Ouvrages, soit à la gloire qu’ils s’étoient déjà faite, soit à la séduction dangereuse contre laquelle les Esprits droits doivent se tenir en garde, verront que je n’ai perdu de vue aucun moyen de rendre justice aux talens, ni négligé aucune des précautions qui peuvent en prévenir l’abus.
Un mot lui échappe pourtant qui trahit le meurtre ; le fer impatient perce sa guirlande : — « Pour le reste, ma vigilance ne sera point en défaut, et j’accomplirai ce que veut la destinée, avec l’aide des dieux. » La réponse d’Agamemnon est brève et défiante : — « Fille de Léda, tu as parlé dans la mesure de mon absence, longuement ; mais les vraies louanges ce sont celles dont les étrangers nous honorent. » — L’homme de l’Iliade est choqué de ces flatteries orientales, il veut être salué, non pas adoré.
En admettant même cette folie, ne passe-t-elle point toute mesure ?
Je pourrais multiplier les exemples et montrer en un plus grand nombre de cas quel fut le rôle précis de M. de Malesherbes, dépositaire de l’autorité, dans ses rapports avec les gens de lettres de son temps ; combien il les aima et les protégea efficacement, mais non à l’aveugle, et sans jamais manquer à ses devoirs, et comment il sut garder une mesure presque impossible dans une position où il était de toutes parts en butte aux plaintes, aux susceptibilités et aux exigences les plus contraires.
À cette première époque de sa vie, le jeune écrivain, bien qu’émigré, n’avait épousé de cœur aucune cause politique ; on se rappelle son mot sur Chamfort : « Je me suis toujours étonné qu’un homme qui avait tant de connaissance des hommes, eût pu épouser si chaudement une cause quelconque. » Un tel mot donne la mesure des convictions de M. de Chateaubriand au moment où il l’écrivait.
Il garda toujours de grandes mesures avec les gens de lettres, et, tout en affectant bien de s’en distinguer, il les traita avec une déférence parfaite.
* * * — La distinction des choses autour d’un être est la mesure de la distinction de cet être.
À mesure qu’elles se font fillettes, la respiration semble remonter, et le jour où elles sont tout à fait femmes, la respiration devient cet abaissement et ce soulèvement voluptueux des seins.
Les années, ces degrés qui croulent à mesure qu’on les monte, étaient les marches du mystique escalier qui conduit à Dieu.
Ces formes de bâtiments, qui contrariaient d’abord son œil académique (tout peuple est académique en jugeant les autres, tout peuple est barbare quand il est jugé), ces végétaux inquiétants pour sa mémoire chargée des souvenirs natals, ces femmes et ces hommes dont les muscles ne vibrent pas suivant l’allure classique de son pays, dont la démarche n’est pas cadencée selon le rythme accoutumé, dont le regard n’est pas projeté avec le même magnétisme, ces odeurs qui ne sont plus celles du boudoir maternel, ces fleurs mystérieuses dont la couleur profonde entre dans l’œil despotiquement, pendant que leur forme taquine le regard, ces fruits dont le goût trompe et déplace les sens, et révèle au palais des idées qui appartiennent à l’odorat, tout ce monde d’harmonies nouvelles entrera lentement en lui, le pénétrera patiemment, comme la vapeur d’une étuve aromatisée ; toute cette vitalité inconnue sera ajoutée à sa vitalité propre ; quelques milliers d’idées et de sensations enrichiront son dictionnaire de mortel, et même il est possible que, dépassant la mesure et transformant la justice en révolte, il fasse comme le Sicambre converti, qu’il brûle ce qu’il avait adoré, et qu’il adore ce qu’il avait brûlé.
Oui, pour la poésie de David et pour tout le lyrisme hébraïque, encore plus que pour Pindare, si témérairement reconstruit de nos jours, la science moderne ne peut rien démontrer en ce qui touche la forme du mètre, l’exacte mesure des strophes, le mécanisme enfin et l’ensemble de la mélodie.
Nous avons un Prométhée délivré 121, de la main du poëte anglais Shelley, composition bizarrement mélangée, symbolique et violente, mystique et matérialiste, effusion de colère contre l’ordre établi dans le monde, et sombre prophétie d’une liberté sans mesure et sans frein.
Désormais, il y a une commune mesure entre lui et moi. […] Aussi quel a été mon étonnement, lorsque j’ai constaté que le grand talent de Salvini est tout de mesure, de finesse, d’analyse. […] Aucune mesure, ni dans les éloges, ni dans la critique. […] cela ne me fâche pas outre mesure. […] J’avoue que cela ne me fâche pas outre mesure.
(Combien Chateaubriand, ce fils aristocrate de Jean-Jacques, lui ressemble, c’est ce qui apparaît à mesure qu’on lit davantage l’un et l’autre.) […] « Nos âmes se sont corrompues à mesure que nos arts et nos sciences se sont avancés à la perfection. » Cela est prouvé par l’histoire (l’histoire comme on l’enseignait dans les collèges). […] C’est donc à Montmorency que nous le retrouverons, — à Montmorency où il continuera à devenir meilleur à mesure qu’il deviendra plus fou. […] Ces dispositions s’étendent et s’affermissent à mesure que nous devenons plus sensibles et plus éclairés ; mais, contraintes par nos habitudes, elles s’altèrent plus ou moins par nos opinions. […] A partir de là, en effet, nous n’aurons plus qu’à plaindre Jean-Jacques, quelquefois à l’admirer ; car, je le dis très sérieusement, son âme se purifie à mesure que ses maux et sa folie augmentent.
Une salle blanchie à la chaux, un plancher saupoudré de sablon jaune avec un comptoir d’étain chargé de brocs et de mesures, un dressoir garni de ces faïences vernissées aux couleurs éclatantes représentant des coqs, des bouquets de bluets et des pavots qu’on ne trouve maintenant que dans les dernières auberges de campagne, des tables et des bancs de planches à bateaux formaient l’architecture, l’ameublement et l’outillage. […] Plus d’une fois nous lui avons entendu exprimer le désir de cheminer dans la vie le long d’une immense bandelette se repliant à mesure derrière lui, sur laquelle il noterait les idées qui lui viendraient en route de façon à former au bout du chemin un volume d’une seule ligne. […] L’ingénieux élève de Devéria voyait sans doute trop de choses dans ce rejet, car ses commentaires, développés outre mesure, lui attirèrent des chut et des à la porte, dont l’énergie croissante l’obligea bientôt au silence. […] Il obtint pourtant des succès qui promettaient un heureux avenir ; mais il mourut jeune encore, et n’ayant pas donné sa mesure. […] Cela ne veut pas dire que ce morceau fût supérieur au reste de l’œuvre, qui contient des beautés de premier ordre ; mais le rythme obligé d’une marche rend l’idée musicale plus sensible aux oreilles, qui ont besoin qu’on leur scande les vers d’un poème et qu’on leur batte la mesure d’une partition.
Cicéron doubla les gardes, et prit quelques mesures extérieures ; ensuite il se rendit aux comices pour présider à l’élection des nouveaux consuls. […] Les supplices ou les suicides des accusés se multiplièrent, à mesure que le prince vieillissait. […] Une traduction des Jumeaux supposés de l’Arioste avait paru à la cour et à la ville ; et, dès 1578, la pièce de Promos et Cassandra offrait le sujet et quelques-unes des situations que Shakspeare a empruntés dans sa jolie comédie de Mesure pour Mesure. […] S’il a montré la folie naissant du désespoir, s’il a lié cette image a la plus poignante de toutes les douleurs, l’ingratitude des enfants, par une vue non moins profonde, il a souvent rapproché le crime de la folie, comme si l’âme était aliénée d’elle-même à mesure qu’elle devient coupable. […] À mesure que le génie des arts s’éveillera dans ces contrées d’un aspect si poétique, mais où la liberté n’a d’abord inspiré que le commerce, l’industrie et les sciences pratiques de la vie, à mesure que, dans les courts loisirs d’une société libre et puissante, les plaisirs de l’imagination et de la pensée prendront plus de place, l’autorité de Shakspeare et l’enthousiasme de ses exemples s’étendront sur cette littérature nouvelle.
Cette époque, à mesure qu’elle s’éloigne dans la perspective, grandit et flamboie comme un mirage. […] Gelder, en particulier, ne se choqua pas outre mesure de cette demi-annexion. […] Sur l’ensemble des événements passés, à mesure qu’ils reculent dans l’histoire, la liberté d’hypothèse est illimitée. […] Le jeune Jean Oberlé, à mesure qu’on le traîne d’université en université, se dégoûte de la science allemande, de la littérature allemande, de l’élégance allemande, des ripailles allemandes. […] Les Chinois sont tellement habitués à ces procédés de la racaille officielle qu’ils ne s’en émeuvent pas outre mesure.
On regarde ses bonnes grâces comme la source de tous les biens ; on ne croit s’élever qu’à mesure qu’on approche de sa personne et de son estime. » On s’éblouit et on se croit dieu quand on ne sent plus rien au-dessus de sa tête. « Qui considérera que le visage du prince fait la félicité du courtisan, qu’il s’occupe et se remplit pendant toute sa vie de le voir et d’en être vu, comprendra un peu comment voir Dieu peut faire toute la gloire et la félicité des saints. »37 Un homme « pour qui on est à bout de bronze et d’encens », si bon et si grand qu’il soit né, finit par se dire que choses et gens ne sont faits que pour le servir. […] Il ne propose pas rondement et nettement la partie de plaisir ; vis-à-vis d’un gentilhomme l’air réservé est toujours d’obligation, il faut que l’invité puisse se dégager sans effort ; on ne doit lui vanter un amusement qu’avec mesure et doute, ne pas l’entraîner, ne pas marquer un trop fort désir, ne pas le contraindre à la complaisance.
Ici des mains rudes entassent et froissent les idées dans un mètre étroit ; s’il y a une sorte de mesure, on ne la garde qu’à peu près ; pour tout ornement ils choisissent trois mots qui commencent par la même lettre. […] « Pour toi une maison fut bâtie — avant que tu fusses né. — Pour toi un moule fut façonné — avant que tu fusses sorti de ta mère ; — sa hauteur n’est point marquée, — ni sa profondeur mesurée ; — il ne sera point fermé, — si long que soit le temps, — jusqu’à ce que je t’amène — là où tu resteras, — jusqu’à ce que je mesure — toi et les mottes de la terre. — Ta maison n’est pas à haute charpente. — Elle n’est pas haute, elle est basse — quand tu es dedans. — L’entrée est basse. — Les côtés ne sont pas hauts. — Le toit est bâti — tout près de ta poitrine. — Ainsi tu habiteras — dans la terre froide, — obscure et noire, — qui pourrit tout. — Sans portes est cette maison, — et il fait sombre au dedans. — Là, tu es solidement retenu, — et la mort tient la clef. — Hideuse est cette maison de terre, — et il est horrible d’habiter dedans. — Là, tu habiteras, — et les vers avec toi. — Là, tu es déposé, — et tu quittes tes amis. — Tu n’as pas d’ami — qui veuille venir avec toi. — Qui jamais s’enquerra — si cette maison t’agrée !
Nous eussions dû penser que, préparés à la mort par de longues méditations, ils refuseraient nos secours ; mais cette idée ne vint à aucun de nous ; dans la précipitation de nos mesures, nous fîmes encore la faute de nous trop disséminer dans la foule, ce qui nous ôta le moyen de prendre une résolution subite. […] Si elle paraît belle à tous, on se hâte de calquer sa forme et de prendre sa mesure ; les rhéteurs notent ses dimensions pour qu’à l’avenir on en taille de semblables.
Ce n’est pas qu’il n’eût acquis une infinité de biens, mais c’est qu’il les avait dissipés à mesure qu’il les acquérait. […] D’autres intéressés dans ce même endroit me chargèrent aussi du même message, de manière que je crus être obligé de le rapporter à cet envoyé, afin qu’il pût prendre plus sûrement ses mesures.
* * * — Je lis un récit sur les prodigieuses découvertes d’une ville à Siam, dont les ruines couvrent dix lieues, et où il y a des fragments de statues dont l’orteil mesure douze longueurs de fusil. […] Et il cite l’exemple de Saint-Évremond s’entourant, à mesure qu’il vieillissait, de bêtes, d’animaux… et d’hommes, ajoute-t-il en souriant, pour faire plus de vie autour de lui. « Ah !
Or, de même que les productions de l’industrie sont falsifiées à mesure qu’on les multiplie, les productions littéraires baissent en qualité dès qu’elles augmentent en quantité. […] La description est pour lui un procédé qu’il pousse au-delà de toute mesure.
On voit dans quelle mesure nous en sommes redevables aux Anglo-Saxons — bien qu’il ne faille pas oublier le Werther de Goethe. […] Et, à mesure que la formation intellectuelle de la femme se rapproche de celle des hommes, ces exceptions seront sans doute plus nombreuses. […] Toujours il gardera le souci du rythme, de la mesure, de l’harmonie. […] Dans quelle mesure n’a-t-il pas été vaincu par sa conquête ? […] Mais c’est une sincérité vis-à-vis d’eux-mêmes, et qui ne s’étend pas aux autres, à leur « non-moi », dans la même mesure.
Les mesures furent prises pour l’y faire enlever. […] Sa place devenoit plus importante à mesure que le roi vieillissoit. […] Ce fut la reine, Marie Stuart, qui le mit auprès du jeune prince : elle voulut mettre le comble à la mesure des biens & des honneurs dont elle l’avoit chargé tant de fois. […] « Le poëme de Roland, disoit-il, est semblable à un grand & vaste palais, rempli d’appartemens magnifiques, orné partout de marbres précieux, & enrichi d’or & d’azur ; mais construit contre toutes les règles de l’art, & propre seulement à frapper l’imagination des ignorans : au lieu que la Jérusalem ressemble à un palais moins vaste, mais qui a toutes ses proportions : les ornemens n’y sont point prodigués sans choix : ils y sont répandus avec mesure & avec goût : c’est un palais construit dans la plus parfaite régularité, & qui plaît infiniment aux connoisseurs ». […] « Furetiere, dit l’abbé Tallemant, étant allé avec M. de la Chambre à la maison de Mezeray, mort depuis peu, s’empara, sans que M. de la Chambre s’en apperçût, de toutes les feuilles que M. de Mezeray, comme secrétaire de l’Académie, avoit soin de retirer de chez le sieur Petit, librairie, à mesure qu’on les imprimoit ».
On peut dire que la mesure de sa valeur historique, — je reprends le terme, — est celle même du talent d’un auteur. […] Comparer, pour reprendre le texte cité déjà, l’humanité à une mousse ou à un lichen sans conséquence, c’est méconnaître une évidence, celle de notre grandeur qui consiste — comme Pascal a bien marqué cette anomalie — à connaître notre misère : « A mesure que les hommes ont plus de lumière, ils trouvent grandeur et misère dans l’homme. […] Il en a été préservé par ce sens de la mesure, qui fut une des vertus essentielles de ce petit monde parisien. […] Examinez à fond tout le mouvement législatif de notre dix-neuvième siècle, et voyez si cette guerre à la pensée religieuse ne reparaît pas sans cesse, à travers et sous toutes les mesures législatives et administratives, ici avouée, là masquée, reniée quelquefois dans les discours ou même dans les intentions, mais la mystique de la Révolution est la plus forte. […] Je viens de prononcer le grand nom de La Fontaine, qu’un autre trait rapproche de notre Vicaire : le Goût, cette mesure et cette justesse dans l’expression, cette horreur de la surcharge et de l’outrance ; enfin, osons le proclamer, Gabriel Vicaire, si libre d’allures qu’il ait été, si indépendant, si personnel, si ennemi du conventionnel, prend figure, dès à présent, dans notre Panthéon, d’un grand poète classique au meilleur sens de ce terme, bien beau quand il est compris, car il résume en lui tant de qualités de notre civilisation gréco-latine, autant dire de la civilisation tout court.
« Pourtant, m’a-t-on objecté, vous avez outrepassé la mesure, vous avez été jusqu’à l’insulte à l’égard de vos adversaires. » Cela demande une explication. […] Voici : étant admis qu’il n’existe pas de commune mesure qui permette d’établir la valeur absolue d’un travail cérébral ou manuel, étant donné qu’il est impossible de déterminer la somme d’efforts que ce travail nécessite de la part du producteur, il faudrait comprendre que tout homme, qui contribue, par son art, sa science ou son métier, au bien-être et aux jouissances esthétiques de la communauté, a droit à toutes les ressources de celle-ci sans que nul puisse prétendre à limiter ses besoins. […] Il y a plusieurs poids et plusieurs mesures. […] On ne doit, en cette occurrence, ni approuver ni blâmer, il suffit de raisonner comme on le fait pour une éruption volcanique ou une épidémie On ne se fâche pas contre l’épidémie ; on prend des mesures d’hygiène afin d’en empêcher le retour.
Cependant il avait cru que son bonheur serait plus vif et plus sensible s’il le partageait avec une femme ; il voulut remplir la passion que les charmes naissants de la fille de la Béjart avaient nourrie dans son cœur, à mesure qu’elle avait crû. […] Il a, ce Molière, toute l’honnêteté bourgeoise, toute la probité, toute l’humeur laborieuse de sa famille ; il a la science, la mesure, le goût du beau, l’amour du bien, la soif inassouvie du bonheur, le courage dans la souffrance, il a surtout la pitié, cette vertu suprême, cette vertu des grands cœurs, et l’on ne peut s’empêcher de l’aimer après l’avoir admiré. […] Nulle part, dans aucune langue, on ne trouverait en effet tant de puissance unie à tant de bon sens, une pondération telle, une telle mesure jointe à une telle profondeur de pensée, une justesse de ton aussi profonde, une précision, une clarté, une harmonie aussi étonnantes. […] Nostre bien-aimé Dominique de Mormandin, escuyer, sire de la Grille, nous ayant humblement fait remonstre qu’il a trouvé une nouvelle invention de marionnettes qui ne sont pas seulement d’une grandeur extraordinaire mais mesure représentant des commediens avec des décorations et des machines imitant parfaitement la danse et faisant la voix humaine, lesquelles serviront non-seulement de divertissement au public mais serviront d’instruction pour la jeunesse ; Lui accordons privilége de donner ses représentations pendant le cours de vingt années à dater du présent dans nostre bonne ville et faux bourgs de Paris et par toutes autours telles bourgs et lieux de notre royaume qu’il jugera à propos ; deffendant expressement à toute personne de quelque qualité ou condition que ce soit d’apporter audit exposant aucun trouble ou empêchement dans la jouissance du présent privilége, à condition par lui de ne rien faire contre l’honnêteté publique, deffendant à toutes personnes, de quelque qualité ou condition que ce soit, même à celle de nostre maison d’y entrer sans payer, ni d’y faire aucun désordre à peine de punition exemplaire.
Ils possèdent ainsi, à leur gré et dans une vaste mesure, le temps et l’argent, sans lesquels la fantaisie, réduite à l’état de rêverie passagère, ne peut guère se traduire en action. […] Je lis dans le programme distribué à cette époque au Théâtre-Italien : « Dès les premières mesures, l’âme du pieux solitaire qui attend le vase sacré plonge dans les espaces infinis. […] La transparente vapeur des nuées se referme, la vision disparaît peu à peu dans le même encens diapré au milieu duquel elle est apparue, et le morceau se termine par les premières six mesures, devenues plus éthérées encore. […] Je me souviens que, dès les premières mesures, je subis une de ces impressions heureuses que presque tous les hommes imaginatifs ont connues, par le rêve, dans le sommeil. […] Dès les premières mesures, les nerfs vibrent à l’unisson de la mélodie ; toute chair qui se souvient se met à trembler.