Il paraît bien réellement qu’à dessein ou non, on se trompait.
Ce qu’il y a de certain, c’est que les critiques passionnés ne s’y trompaient pas.
Depuis Hippocrate et Galien jusqu’à Broussais, la médecine, quand elle a été sous l’empire d’une idée philosophique, s’est constamment trompée… C’est seulement quand ils se sont livrés à l’observation pure et simple, ou à l’expérimentation, que ces grands hommes du passé ont produit leurs impérissables travaux.
J’en appelle à toutes les institutions politiques, civiles et religieuses ; examinez-les profondément, et je me trompe fort, ou vous verrez l’espèce humaine pliée de siècle en siècle au joug qu’une poignée de fripons se permettait de lui imposer… Méfiez-vous de celui qui veut mettre l’ordre ; ordonner, c’est toujours se rendre maître des autres en les gênant. » Plus de gêne ; les passions sont bonnes, et, si le troupeau veut enfin manger à pleine bouche, son premier soin sera de fouler sous ses sabots les animaux mitrés et couronnés qui le parquent pour l’exploiter409.
Walpole, bon observateur, ne s’y est pas trompé. « D’après ce que je vous ai dit de leurs opinions religieuses ou plutôt irréligieuses, ne concluez pas, écrit-il, que les personnes de qualité, les hommes du moins, soient athées.
Pour comble de félicité domestique, le vide que l’échafaud, la mort naturelle, les années, les affections trompées avaient creusé dans le cœur de madame de Staël venait d’être, à l’insu du monde, comblé par un mariage secret et heureux.
Et il ne se trompe pas moins dans l’idéal qu’il propose : le gentilhomme austère et pieux, qui maintient la gravité dans les mœurs et va donner une forte empreinte de sérieuse moralité aux lettres classiques, ce n’est plus à cette heure le huguenot de 1560, le soldat de Coligny ; c’est, ou ce sera tout à l’heure le janséniste, catholique malgré Rome.
Musset, qui voit la lune au bout d’un clocher comme un point sur un i ; ce ne sera pas non plus l’infortuné Dovalle qui vient de mourir tout exprès pour tromper les grandes espérances qu’on fondait sur lui ; un poète s’élèvera, plus étonnant que tout cela : M.
Pourtant, Voltaire s’y est plus d’une fois trompé.
Au reste, que les défauts des écrivains du dix-huitième siècle leur viennent d’eux seuls, ou leur soient communs avec leur temps, une seule chose importe, c’est de ne s’y pas tromper.
Faut-il démontrer qu’il n’est pas nécessaire d’avoir envie de fuir pour être un bon soldat, ni, pour être une femme fidèle, d’éprouver un vif désir de tromper son mari ?
L’ultramontanisme ne parut d’abord à ces maîtres austères qu’une façon commode d’en appeler à une autorité éloignée, souvent mal informée, d’une autorité rapprochée et plus difficile à tromper.
Delibes : Cher monsieur, si vous croyez que je vais dire ce que je pense à propos de la question si complexe de l’acclimatation du théâtre de Wagner à Paris, vous vous trompez beaucoup !
« Il n’y a pas à s’y tromper, c’est bien un style nouveau.
Indembourgz… L’étoile des Boches… Le clou de ma série Statue de bois remplis de clous… Vous êtes un hommeaa Je viens renaître à la Renaissance pour voir jouer « Mon homme » Je voulais savoir si je me trompai sur les hommes !
Je n’en parlai point quand elle parut, et pourtant j’étais déjà attaché au joug superbe de la Critique ; mais un roman de MM. de Goncourt — Les Hommes de lettres — avait trompé mon espérance, et je les boudais comme on boude ceux qu’on aime.
Car il ne faudrait pas s’y tromper, le comique du dessin est souvent un comique d’emprunt, dont la littérature fait les principaux frais.
Qu’on ne s’y trompe pas, notre siècle positif a encore moins de goût pour les analyses psychologiques que pour les spéculations métaphysiques.
L’Homo sapiens, né de la réflexion de l’Homo faber sur sa fabrication, nous paraît tout aussi digne d’estime tant qu’il résout par la pure intelligence les problèmes qui ne dépendent que d’elle : dans le choix de ces problèmes un philosophe peut se tromper, un autre philosophe le détrompera ; tous deux auront travaillé de leur mieux ; tous deux pourront mériter notre reconnaissance et notre admiration. […] Comment quelques-uns ont-ils pu s’y tromper ? […] Mais ce serait se tromper étrangement que de prendre pour un élément constitutif de la doctrine ce qui n’en fut que le moyen d’expression. […] Si nous nous trompons quand nous érigeons en réalités, sous le nom d’idées générales, les noms que nous avons donnés à des groupes d’objets ou de perceptions plus ou moins artificiellement constitués par nous sur le plan de la matière, il n’en est plus de même quand nous croyons découvrir, derrière le plan où la matière s’étale, les intentions divines : l’idée générale qui n’existe qu’en surface et qui relie les corps aux corps n’est sans doute qu’un mot, mais l’idée générale qui existe en profondeur, rattachant les corps à Dieu ou plutôt descendant de Dieu aux corps, est une réalité ; et ainsi le nominalisme de Berkeley appelle tout naturellement ce développement de la doctrine que nous trouvons dans la Siris et qu’on a considéré à tort comme une fantaisie néo-platonicienne ; en d’autres termes, l’idéalisme de Berkeley n’est qu’un aspect de la théorie qui met Dieu derrière toutes les manifestations de la matière. […] Ce qui a fait perdre de vue cet objet, et ce qui a pu tromper la science elle-même sur l’origine de certains procédés qu’elle emploie, c’est que l’intuition, une fois prise, doit trouver un mode d’expression et d’application qui soit conforme aux habitudes de notre pensée et qui nous fournisse, dans des concepts bien arrêtés, les points d’appui solides dont nous avons un si grand besoin.
Il est de ceux qui préfèrent se tromper brillamment plutôt que d’avoir modérément raison. […] La vie ne lui avait pas été toujours facile et il en gardait une amertume qui s’exhalait en âpres diatribes et en paradoxes truculents. « Seules les guerres civiles sont intéressantes, disait-il, car on y a chance de connaître ceux que l’on tue. » Des propos comme celui-là, qu’Anatole France lui emprunta pour le placer dans son Jérôme Coignard, lui faisaient tort et trompaient sur son compte.
Ici encore on se tromperait si l’on prétendait faire de la fixité et de la mobilité deux caractères qui permettent de décider, à simple inspection, si l’on est en présence d’une plante ou d’un animal. […] Ce sont les philosophes qui se trompent quand ils transportent dans le domaine de la spéculation une méthode de penser qui est faite pour l’action.
Et, pour cela, il était indispensable d’établir que la suppression est toujours une substitution, et même qu’elle est nécessairement conçue comme telle : seules, les exigences de la vie pratique nous suggèrent ici une manière de parler qui nous trompe à la fois sur ce qui se passe dans les choses et sur ce qui est présent à notre pensée. […] Surtout, elle se laissa tromper par l’analogie tout extérieure de la durée avec l’extension.
S’est-il trompé ? […] Çunacépa, Khirôn, Kaïn, le Cœur de Hialmar, le Corbeau, nous fussions-nous complètement trompé sur leur compte au point de vue de la pensée inspiratrice, n’en demeureraient pas moins d’admirables manifestations du génie poétique à notre époque et à toutes les époques. […] Médiocre, ce Charles Bovary, lourd travailleur dans son enfance effacée et dans sa jeunesse morose d’étudiant, qui, en dépit de pénibles efforts, ne le mène jamais plus loin que le grade d’officier de santé ; ensuite, amoureux sincère et bon mari, mais épais, ennuyeux, se laissant ou plutôt se faisant tromper avec un aveuglement stupide qui étouffe la pitié pour sa douleur ; en sus de cela, médecin incapable et chirurgien maladroit ; somme toute, une pâle nullité, « un pauvre homme », comme le définit sa femme. — Médiocres aussi Rodolphe Boulanger et Léon Dupuis ; l’un, le grossier gentilhomme de campagne, robuste et bellâtre, vaniteux et vide, conquérant les cœurs par ses manières de hussard ; l’autre, l’incompris niaisement sentimental, élégiaque et délicat, rêvant de clairs de lune, de lacs et de cascades, aussi vide d’ailleurs que le premier, et ne se rencontrant avec lui que dans un même penchant à l’égoïsme implacable et sensuel. — Médiocre enfin l’héroïne du volume, révoltée et romanesque sans grandeur, dégoûtée du prosaïsme de son ménage, mais éprise d’un idéal qu’on dirait nourri dans la lecture des feuilletons, séduite au milieu des cérémonies grotesques de comices agricoles, prête à se faire enlever pour fuir vers des pays lointains, la nuit, au galop des chevaux, et plus tard finissant par se livrer dans un fiacre, indignée pourtant, par un reste de pureté, à l’idée de se vendre, et ne possédant pas même la sinistre poésie de l’absolue dépravation.
Il suivait la route royale, qui ne trompe pas. […] Une passion d’un certain goût propre sur lequel, et sur laquelle rien ne peut tromper. […] Quand on est vaincu par les autres ils peuvent se tromper (ils sont hommes). […] — Eh bien vous vous trompez, mon père, il n’y en a pas du tout, parce que ce sont les bornes hectométriques qui sont entre les bornes kilométriques et non pas les bornes kilométriques qui sont entre les bornes hectométriques. […] (Il se trompe.
Il ne faut pas s’y tromper : l’homme qui marche, qui agit, qui parle n’est pas nécessairement conscient ni jamais tout à fait conscient. […] Les femmes se trompent ; non pas qu’elles estiment trop les plaisirs dont elles disposent ; mais, et cela ne leur est pas particulier, elles prennent ici la cause pour l’effet ; elles renversent les termes tels qu’ils se posent dans le thème d’une bonne logique. […] Oser dire à l’instinct qu’il se trompe, c’est une des prétentions de la raison, mais peu raisonnable ; la raison n’est là qu’une spectatrice qui compte et catalogue des attitudes que son essence même lui interdit de comprendre. […] Vous aurez encore le plaisir de tromper le public et de duper les physionomistes.
Il revenait de chez elle le matin, « si bien que les sentinelles elles-mêmes en parlaient553. » Il se laissait tromper par elle aux yeux de tous ; une fois elle prit deux acteurs, dont un saltimbanque. […] L’auteur d’ailleurs prend soin de lui fournir une fable qui le réveille ; il s’agit ordinairement d’un père ou d’un mari qu’on trompe. […] Tous les mariages sont salis, et ce carnaval finit par une danse des maris trompés.
Non, il se trompait. […] Mais, l’on a été si souvent trompé, si souvent déçu, que je n’accorde aucune confiance à la bonne nouvelle, et cependant je suis remué au fond de moi, et agité comme par un rien d’espérance. […] Mais il ne faut pas qu’il s’imagine qu’il nous trompe, que nous sommes ses dupes !
À mesure que le wagon avance, vous apercevez, parmi les fermes et les cultures, le long mur d’un parc, la façade d’un château, plus souvent quelque vaste maison ornée, sorte d’hôtel campagnard, de médiocre architecture, avec des prétentions gothiques ou italiennes, mais entouré de belles pelouses, de grands arbres soigneusement conservés ; là vivent les bourgeois riches ; je me trompe, le mot est faux, c’est gentlemen qu’il faut dire ; bourgeois est un mot français et désigne ces enrichis oisifs qui s’occupent à se reposer et ne prennent point part à la vie publique ; ici, c’est tout le contraire ; les cent ou cent vingt mille familles qui dépensent par an mille livres sterling et davantage gouvernent effectivement le pays.
Des illusions détruites, des efforts trompés, des enthousiasmes éteints faute d’aliments assez purs pour allumer dans les âmes une jeunesse perdue, des envies ignobles te suivant à la trace trop droite et trop haute de tes pensées !
J’appris quelques jours après que j’avais été, comme sa femme, trompé sur son état et que sa belle âme était remontée à Dieu inopinément, en me laissant comme monument de tendresse, et en encourageant sa veuve à me laisser, après lui, la meilleure partie de son héritage.
Et, dès lors, le charme tour à tour plaisant et douloureux de la comédie est dans l’ajustement des deux rôles, dans le jeu de la fine et sèche coquette contre l’ardent et loyal amant, tour à tour grondant et trompé, clairvoyant et dompté, jusqu’à ce qu’un dernier coup semble le jeter hors du joug.
La timidité de Patru le trompa sur le génie de La Fontaine et de Boileau, qu’il dissuada, dit-on, l’un de mettre ses fables en vers, et l’autre de faire l’Art poétique.
Dans les derniers temps de la littérature hébraïque, les savants composaient des psaumes imités des anciens cantiques avec une telle perfection que c’est à s’y tromper.
Strauss se soit trompé dans sa théorie sur la rédaction des évangiles 7, et que son livre ait, selon moi, le tort de se tenir beaucoup trop sur le terrain théologique et trop peu sur le terrain historique 8, il est indispensable, pour se rendre compte des motifs qui m’ont guidé dans une foule de minuties, de suivre la discussion toujours judicieuse, quoique parfois un peu subtile, du livre si bien traduit par mon savant confrère, M.
« La science n’a une force et n’offre un intérêt que durant qu’elle se trompe : car elle est un instrument de la vérité : lorsque la vérité est trouvée, la science cesse. » — « La Science est la force suprême de l’Esprit humain ; mais la direction de cette force est l’Art » (p. 23).
La méthode synthétique que nous nous proposons de suivre a, si nous ne nous trompons, l’avantage de rattacher non seulement la physiologie à la psychologie, mais encore la psychologie à la philosophie générale.
L’expérience générale ne se si guère trompée sur ce point ; ce qu’on cherche à connaître d’un homme pour le juger, ce ne sont pas ses occupations, ce sont ses goûts.
Ils contrefont le raisonnement vrai tout juste assez pour tromper un esprit qui s’endort.
Quand on voit, selon le mot vulgaire, le chapitre des incidents occuper une si grande place dans l’ordre des choses humaines, quand on voit l’imprévu venir à chaque instant déjouer les calculs de la raison ou tromper les espérances de la vertu, on est tout disposé à prêter l’oreille aux enseignements qui ne font qu’ériger cette triste expérience en théorie, en expliquant comment l’homme, peuples et individus, est, non le véritable acteur, mais simplement l’agent toujours subordonné d’une puissance supérieure, s’il n’en est pas le jouet.
II Ce n’étaient là que des dehors, et les bons observateurs, Voltaire par exemple, ne s’y sont point trompés. […] Les artifices oratoires deviennent entre ses mains des instruments de supplice, et lorsqu’il lime ses périodes c’est pour enfoncer plus avant et plus sûrement le couteau ; avec quelle audace d’invective, avec quelle roideur d’animosité, avec quelle ironie corrosive et brûlante, appliquée sur les parties les plus secrètes de la vie privée, avec quelle insistance inexorable de persécution calculée et méditée, les textes seuls pourront le dire : « Milord, écrit-il au duc de Bedford, vous êtes si peu accoutumé à recevoir du public quelque marque de respect ou d’estime, que si dans les lignes qui suivent un compliment ou un terme d’approbation venait à m’échapper, vous le prendrez, je le crains, pour un sarcasme lancé contre votre réputation établie ou peut-être pour une insulte infligée à votre discernement862… » « Il y a quelque chose, écrit-il au duc de Grafton, dans votre caractère et dans votre conduite qui vous distingue non-seulement de tous les autres ministres, mais encore de tous les autres hommes : ce n’est pas seulement de faire le mal par dessein, mais encore de n’avoir jamais fait le bien par méprise ; ce n’est pas seulement d’avoir employé avec un égal dommage votre indolence et votre activité, c’est encore d’avoir pris pour principe premier et uniforme, et, si je puis l’appeler ainsi, pour génie dominant de votre vie, le talent de traverser tous les changements et toutes les contradictions possibles de conduite, sans que jamais l’apparence ou l’imputation d’une vertu ait pu s’appliquer à votre personne, ni que jamais la versatilité la plus effrénée ait pu vous tromper et vous séduire jusqu’à vous engager dans une seule sage ou honorable action863. » Il continue et s’acharne ; même lorsqu’il le voit tombé et déshonoré, il s’acharne encore.
Mais Marie Dauguet est trop païenne pour se tromper et transporter ses sensations dans un infini invérifiable. […] C’est le seul péché ‒ péché involontaire ‒ de Gillette, dans ce roman aristocratique où on ne pèche pas, de s’être trompée, en élisant momentanément ce Michel, mystique et passionné, qui, lui aussi, se réfugie dans la nouvelle espérance de la mort, consolatrice des névroses.
Surtout (et c’est le point sur lequel le finalisme s’est le plus gravement trompé), l’harmonie se trouverait plutôt en arrière qu’en avant. […] Mais mécanisme et finalisme se tromperaient l’un et l’autre, car le canal s’est fait autrement.
Le sourire de Mallarmé pouvait tromper certains, mais ne le trompait pas lui-même, lorsqu’à un journaliste, qui emportait le manuscrit d’une de ses allocutions, il disait : « Attendez que j’y remette un peu d’obscurité ».
Edmond Picard va, ce soir même, à Anvers, en parler, avec sa haute compétence ; à propos de l’excellent poète français, mon ami, Henri de Regnier… J’ai de précieux frères d’armes belges et français qui manient, en vérité, le vers libre avec talent, ingéniosité — et sans doute, sans nul doute, avec logique, avec une logique implacable qui me déjoue un peu, mais je dois me tromper, j’espère me tromper, car là peut-être, là sans doute est l’avenir — car l’avenir est toujours à quelqu’un, quoi qu’en dise le poète.
Si j’étais seul, j’irais bien vite croupir dans un bataillon en France. » Il le croit, il se trompe ; un autre motif, celui-là manquant, surgirait sans doute ; mais celui qu’il se propose et qu’il a constamment devant les yeux est le plus sensible, le plus puissant : Ah !
Voilà, si je ne me trompe, des distractions aussi et des absences de ce génie, et, qui pis est, volontaires.
Voyant son canton stérile et ses colons paresseux, il les enrégimente, hommes, femmes, enfants, et, par les plus mauvais temps, lui-même à leur tête, avec ses vingt-sept blessures, le col soutenu par une pièce d’argent, il les fait travailler en les payant, défricher des terres qu’il leur donne à bail pour cent ans, enclore d’énormes murs et planter d’oliviers une montagne de roches. « Nul n’eût pu, sous aucun prétexte, se dispenser de travailler qu’il ne fût malade, et en ce cas secouru, ou occupé à travailler sur son propre bien, article sur lequel mon père ne se laissait pas tromper, et nul ne l’eût osé. » Ce sont là les derniers troncs de la vieille souche, noueux, sauvages, mais capables de fournir des abris.
Sa vie est celle d’un homme de passion éteinte, mais de goût survivant, qui trompe les heures tantôt avec la philosophie, tantôt avec la poésie, toujours avec la piété et l’amitié.
… Vous le voyez, toutes vos conjectures sur le renouvellement des religions et du monde ont été trompées.
Je m’étonnais auparavant (car dans ces lieux je ne m’imaginais que rochers et montagnes, trompé par vos discours et par vos vers), je m’étonnais que ce séjour vous plût si fort.
Quand on étudie bien les origines de la révolution française, dans sa partie chimérique, radicale, niveleuse et révoltée contre la nature, la propriété, la famille, de Mably à Babeuf, on ne peut s’y tromper, le catéchisme de cette révolution sociale est dans Télémaque.
« — Tu te trompes, Eugénie.
les six millions de noirs du Sud ne s’y trompent pas : ils n’hésitent pas entre leur servitude nourrie, protégée, achetée par la responsabilité de leurs maîtres, entre la providence intéressée de leurs soi-disant patrons, et la féroce irresponsabilité de leurs apôtres insurrecteurs du Nord !
S’immoler sans espoir pour l’homme qu’on méprise, Sacrifier son or, ses voluptés, ses jours, À ce rêve trompeur… mais qui trompe toujours ; À cette liberté que l’homme qui l’adore Ne rachète un moment que pour la vendre encore ; Venger le nom chrétien du long oubli des rois ; Mourir en combattant pour l’ombre d’une croix, Et n’attendre pour prix, pour couronne et pour gloire Qu’un regard de ce Juge en qui l’on voudrait croire Est-ce assez de vertu pour mériter ce nom ?
Pour nous, nous ne plierons pas ; nous tiendrons ferme comme Ajax contre les dieux ; s’ils prétendent nous faire fléchir en nous frappant, ils se trompent.
Beethoven, dans le cours de sa Neuvième symphonie, est, simplement, revenu au formel Choral avec Chœurs et Orchestre : et cela ne nous a point trompé, dans notre jugement de cette mémorable évolution musicale : nous avons mesuré la signification de cette partie chorale de la symphonie, et nous avons reconnu qu’elle appartenait, exclusivement, au champ de la Musique ; sauf cet anoblissement — déjà exposé — de la Mélodie, l’œuvre de Beethoven ne nous offre, ici, nulle nouveauté formelle : elle est une Cantate avec un texte de paroles, et son rapport à la musique est le même que celui de tout autre texte chanté.
Je me trompe, il est là ; mais c’est dans les livres que l’homme a écrits sans penser qu’il faisait un livre, c’est-à-dire dans ses lettres.
Je me trompe ; un homme précéda Kant, et c’est aussi à lui qu’il faut attribuer l’honneur de s’être élevé le premier avec courage contre les frivolités serviles et despotiques de la cour de Berlin.
Si l’on croit que la méthode des géomètres n’est pas applicable à tout, on se trompe ; si l’on prétend qu’il ne faut pas l’appliquer à tout, on a raison.
On découvrit naturellement bientôt que les encyclopédistes, si fiers de leur raison, se trompaient, eux et leurs disciples. […] Ils ont reconnu à temps qu’ils se sont trompés sur leur vocation, et alors ils sont passés d’une peinture qui était, en vérité, une écriture d’idées, à l’écriture véritable. […] Les hérauts jubilants de la nouvelle réaction demandent la cause de ce mouvement, et trouvent avec une unanimité étrange cette réponse : les esprits les meilleurs et les plus cultivés reviennent à la foi, parce qu’ils ont découvert que la science les a trompés, qu’elle n’a pas tenu ce qu’elle leur a promis.
Il loue avec une finesse aiguë le style Louis XVI, dernier vestige d’antique perfection, de ne pas prêter à ces méprises et à ces rêves « les soieries de robe aux bergères avec alignement d’acajou discret, cela noble, familier, où le regard jamais trompé par les similitudes de quelque allusion décorative aveuglante, ne risque d’accrocher à leur crudité, puis d’y confondre selon des torsions le bizarre de sa propre chimère31 », Je fuis et je m’accroche à toutes les croisées D’où l’on tourne l’épaule à la vie… disait-il dans les Fenêtres, rêvant D’enfoncer le cristal pour le monstre insulté Et de m’enfuir avec mes deux ailes sans plume Au risque de tomber pendant l’éternité. […] Comme Mallarmé est un auteur obscur, je me tromperai plusieurs fois ; je compte alors que l’on rectifiera, en serrant de plus près le texte. […] Faire croire à quelqu’un qu’il vous a pleinement compris, lui présenter une phrase apparemment claire, des idées carrées de partout, peut-être au fond est-ce le tromper, l’induire faussement à supposer qu’une pensée humaine, un acte humain, se laisse, dans son entier, pénétrer. […] Mais Villiers, dans la hautaine préface de la Révolte, paraît reconnaître qu’il mystifiait Sarcey, Siraudin et Wolff en les sollicitant sur une œuvre où ils ne pouvaient absolument mordre, ainsi qu’on mystifie l’éléphant du Jardin des Plantes quand on lui met à la trompe quatre-vingts centimes de caporal. […] Et cette synthèse d’un de ses disciples les plus intelligents contribue à me faire supposer (je me trompe peut-être) que la recherche des analogies était chez Mallarmé la tentation dangereuse de sa nature, le démon de l’analogie son malin génie.
Mais il ne faut point se laisser tromper par les mots ; Athènes n’était rien moins qu’une démocratie, comme on l’entend aujourd’hui. […] Je me trompe, et je mets des bornes trop étroites à la noble puissance de l’art ; il est vrai que l’art de saurait douer de la vie sensible les œuvres de ses mains ; mais il fait plus, il pénètre victorieusement dans notre cœur, il embrase, il alimente, il agrandit en nous par l’enthousiasme du beau le foyer de la vie morale, et, selon les paroles du divin Platon, il fait croître dans notre âme les ailes qui l’emportent vers le principe de toute vie. […] L’artiste est souvent trompé dans la poursuite du beau ; le désir du bien est un infaillible principe de vertu. […] On attribue à cette noble faculté tous les dérèglements et tous les mensonges : l’imagination nous trompe, l’imagination nous emporte ; elle est hostile par nature au bon jugement, à la droite raison. […] Loin donc, bien loin du poète tous ces excitants qui pourraient le tromper lui-même sur la nature et la sincérité de son émotion.
Ducis, vers le munie temps, écrivait à Thomas au retour d’une course dans les montagnes du Dauphiné, et plein encore de l’impression magnifique qu’il en avait rapportée : « Le poème des Jardins, dont vous me parlez avec tant de goût, avec le goût de l’âme qui est le bon, ne m’a point donné de ces émotions-là. » Un peu avant la publication et au sortir d’une séance de l’Académie où Delille avait lu des morceaux, le même Ducis écrivait : « Parlons un peu du poème des Jardins ; on ne peut pas se tromper sur le charme de la lecture.
Une grande dame « salue dix personnes en se ployant une seule fois, et en donnant, de la tête et du regard, à chacun ce qui lui revient267 », c’est-à-dire la nuance d’égards appropriée à chaque variété d’état, de considération et de naissance. « C’est à des amours-propres faciles à s’irriter qu’elle a toujours affaire, en sorte que le plus léger défaut de mesure serait promptement saisi268 » ; mais jamais elle ne se trompe, ni n’hésite dans ces distinctions subtiles ; avec un tact, une dextérité, une flexibilité de ton incomparables, elle met des degrés dans son accueil.
Mon état me coûte beaucoup ; je suis forcé d’avoir toujours des modèles pour mes tableaux, car je suis résolu de ne pas faire un seul trait sans ce secours, qui ne peut jamais tromper… Je fais aussi des excursions dans les montagnes les plus sauvages, et j’y trouve des sujets et des modèles tout nouveaux pour ce nouveau genre de peinture. » « Cependant, ajoute-t-il dans la lettre suivante en parlant de son tableau de Corinne, ce tableau commence à me peser ; j’ai peur de m’être fourvoyé en acceptant de le composer ; j’ai choisi un sujet trop difficile à rendre, et d’ailleurs je m’aperçois qu’une Corinne est trop relevée pour moi, qui n’ai jamais fait que des contadines (des paysannes). » « Cette figure de Corinne est ingrate à faire, poursuit-il quelque temps après ; on ne sait quel caractère lui donner, ni quel costume. » XXXI On voit que, dans la lutte entre la nature et la convention, la nature en lui triomphe et qu’elle triomphe de lui.