Rivarol semblait ne mener qu’une vie frivole, et il était au fond sérieux et appliqué. […] Les salons distrayaient Rivarol et le détournèrent trop de la gloire sérieuse.
Il avait pu écrire à son frère, en un jour de forfanterie et dans un parti pris de gaieté, ce mot significatif qui résume toute une philosophie d’abaissement et d’abandon : Au surplus, portez-vous bien, et souvenez-vous qu’il n’y a que fadaises en ce bas monde, distinguées en gaillardes, sérieuses, politiques, juridiques, ecclésiastiques, savantes, tristes, etc., mais qu’il n’y a que les premières, et de se tenir toujours le ventre libre, qui fasse vivre joyeusement et longtemps. […] Cela le mène, de cascade en cascade, lui si brillant d’essor et si chevaleresque, à sa mascarade finale et à dire : Tout est farce, et la moins sérieuse est la meilleure.
Il avait contre lui le roi, les magistrats, le lieutenant de police, le garde des Sceaux, toutes les autorités sérieuses. […] À cette leçon un peu pédante qui lui était publiquement adressée, Beaumarchais répondit comme il savait faire, et d’un ton plus sérieux et plus animé que le sujet peut-être ne comportait.
C’est dire que cette histoire intime appartient, sinon à l’histoire grave, au moins à l’histoire sérieuse. […] Voilà que les plumes les plus illustres s’y associent ; voilà que les intelligences les plus sérieuses, séduites et gagnées par la fragilité même d’aimables figures, pratiquent, dans une amoureuse familiarité, et dans leurs grâces les plus secrètes, les âmes charmantes d’un grand siècle.
L’éducation, telle qu’elle est pratiquée depuis trois siècles sans modifications sérieuses, développe particulièrement le goût de la phrase toute faite ; et il importe peu qu’elle soit latine ou seulement française, puisque les auteurs français dont on « orne la mémoire » des enfants sont des succédanés des auteurs latins et leurs meilleurs traducteurs. […] Pour en cueillir aussitôt plusieurs paniers, il suffit d’ouvrir encore une fois Télémaque, ce témoin précieux d’un moment de la langue française : « les pavots du sommeil — une joie innocente — à la sueur de leur front — secouer le joug de la tyrannie — fouler aux pieds les idoles — l’espérance renaît dans son cœur », sont des expressions qui exigent le sourire et qui ne peuvent plus se proférer qu’avec ironie, mais elles furent jeunes, éloquentes et sérieuses.
Sérieux est le printemps ; ses rêves Sont tristes. […] Il varia ses croyances sans cesse et sans grand sérieux.
Un auteur sérieux n’est pas obligé de remplir son esprit de toutes les extravagances, de toutes les saletés, de tous les mauvais mots que l’on peut dire, et de toutes les ineptes applications que l’on peut faire au sujet de quelques endroits de son ouvrage, et encore moins de les supprimer. […] Un style grave, sérieux, scrupuleux, va fort loin : on lit Amyot et Coeffeteau ; lequel lit-on de leurs contemporains ?
Ernest-Charles louange, il badine en même temps, afin qu’on ne le prenne pas trop au sérieux. […] C’est parmi ce passé vivant où M. de Régnier a entraîné tant de jeunes gens, vers les deux siècles héroïques et galants, que nous retrouverons Fernand Caussy, esthéticien méticuleux, trop méticuleux mais qui, sur Sénac de Meilhan, le Prince de Ligne et Choderlos de Laclos écrivit des pages sérieuses.
Cette caserne éclatante qui s’appelle Rome, a-t-elle un instant sérieux de grandeur intrinsèque et qui vraiment lui appartienne N’est-elle pas tombée, comme elle s’est élevée, — par miracle ? […] Il est resté trop longtemps assis à l’ombre sérieuse de l’Histoire pour n’avoir pas le respect de ceux qui savent, quand il s’agit de la religion de l’Histoire même, puisqu’elle est une révélation.
Philarète Chasles, qui n’avait pas, comme Jules Janin, dans sa spécialité, la jambe des danseuses et la douce liberté du feuilleton ; Philarète Chasles, qui était un pur littérateur de la troisième page, au nom à moitié grec, bonne fortune pour un professeur de littérature païenne, avait le mérite de détonner parmi les sérieux de l’endroit qui y écrivaient des Variétés invariables. […] Dans l’une et dans l’autre de ces productions petitement et débilement sophistiques, où se révèlent la fatigue et la sénilité, même dans le mal, j’ai cherché seulement du sérieux et de la sincérité littéraire ; je n’y ai trouvé que de l’inconsistance, du rabâchage, de la contradiction, le démantibulé d’un esprit qui fut une brillante marionnette.
Mais si, comme je le crois, il n’y a rien de plus puissant, dans le monde, sur l’imagination étonnée, que la profondeur sous la légèreté, c’est un livre qui fera cette charmante surprise du sérieux caché sous la grâce, et la grâce dans ses plus ravissantes audaces, dans ses plus adorables folies ! […] Or, nous l’avons dite d’un seul mot, elle est surtout dans un sérieux dont on connaît l’accent, l’inoubliable accent, retrouvé sous cette masse (peut-on dire masse de choses si légères ?)
Si je possède assez de bonne humeur pour m’amuser cordialement d’une comédie considérée comme telle, j’admire que d’autres possèdent assez de sérieux pour y voir un drame. Mais ce n’est pas avec de pareilles plaisanteries que l’on fait avancer une question aussi délicate que celle qui nous occupe ; c’est en l’examinant avec tout le sérieux et toute la science scrupuleuse, qu’y apporta M.
M. le professeur Koschwitz, homme sérieux, en est encore tout ébaubi. […] Il n’a pas cessé de revenir à une conception sérieuse et tendre de la vie. […] Est-ce que cet accident fortuit est un obstacle sérieux à une union si bien assortie ? […] (Pourquoi l’armée de terre n’aurait-elle pas son Loti, tout comme l’autre, un Loti plus sérieux ?) […] Malgré la nature spéciale du sujet et le caractère fort sérieux de l’auteur, c’est presque un livre d’actualité.
Les amis et les admirateurs de M. de Tocqueville, en le perdant, ont été saisis en effet d’une crainte : c’est qu’il ne fût pas assez dignement loué, et que sa renommée sérieuse ne resplendît point suffisamment.
Les arts ne sont point leur lot à coup sûr : cette insouciance naïve qui en fait en grande partie le caractère et le charme, cette disposition, tant soit peu nonchalante et molle, à prendre les choses comme elles sont, s’effaroucherait d’une préoccupation sérieuse et d’une arrière-pensée perpétuelle.
Ils devraient, ce me semble, laisser leurs disputes jusqu’à ce que la paix générale fût faite, et ensuite recommencer leurs guerres civiles, s’arracher leurs bonnets de la tête, s’ils en avaient envie ; mais présentement nous avons des choses plus sérieuses ; et pour moi, j’ai si fort regardé ces deux partis avec indifférence, que je n’ai pas voulu presque en entendre parler, et que je cherche toujours mes confesseurs exempts de haine ou d’amitié pour eux. » Grâce à madame des Ursins et à la reine d’Espagne, princesse remplie de force et de prudence, l’intérieur de cette cour demeura libre de toute intrigue religieuse, quoique le roi Philippe méritât d’être appelé un grand saint ; et, malgré l’exemple de la France, on n’eut à s’occuper en Espagne que des soins de la guerre.
En un mot, que M. de Bernard, bien qu’il paraisse si bien savoir la vanité de la gloire elle-même, le néant et la raillerie de toutes choses, prenne plus au sérieux (sans en avoir l’air) son grand talent.
La galanterie des Maures, l’existence qu’elle donnait aux femmes, auraient pu approcher à quelques égards les Espagnols de l’esprit français ; mais les superstitions auxquelles ils se sont livrés, ont arrêté parmi eux tous les genres de progrès aimables ou sérieux ; et l’esprit paresseux du Midi a tout abandonné à l’activité du sacerdoce.
Il a une âpreté qui donne du sérieux à l’épigramme et par la sûreté des applications, par la nerveuse perfection de la forme, il a su agrandir ce jeu d’esprit : il en a fait un appareil de condensation de la critique littéraire ; ses meilleures pièces sont comme des extraits concentrés et mortels.
Il les aime comme le peuple le plus sérieux d’allures, le plus préoccupé de morale et aussi comme celui qui a le plus complètement réalisé son rêve de la vie élégante et riche.
« Monsieur, « Vous vous emparez d’une phrase dans une lettre qui était destinée à répondre à un ordre particulier d’arguments, mais vous ne me la renvoyez pas telle que je l’ai écrite : je n’ai pu dire en effet et je n’ai point dit : “Nul homme sérieux et sensé ne peut croire désormais, etc.”
Je m’écarterai de toi, Alphonse Péladan, qui envoyas la rampante Mélusine te raccrocher une cliente sérieuse.
Il insiste expressément sur ces mots, parce qu’il serait au désespoir qu’on lui supposât l’intention de plaisanter en traitant d’une aussi sérieuse chose que ce roman.
Pour l’artiste qui étudie le public, et il faut l’étudier sans cesse, c’est un grand encouragement de sentir se développer chaque jour au fond des masses une intelligence de plus en plus sérieuse et profonde de ce qui convient à ce siècle, en littérature non moins qu’en politique.
Où aurait-il puisé les idées du grand, du simple, du noble, du lourd, du léger, du svelte, du grave, de l’élégant, du sérieux ?
C’est ainsi qu’en baissant dans leur moralité les peuples baissent dans leur intelligence… Nous le disions récemment, à propos de cette immense mystification que des nigauds appellent, avec un sérieux bouffon : « la science de l’économie politique », tout pour l’homme est dans les questions morales, même le secret de son talent et de son génie quand il en a.
IV Un dernier mot, et qu’il soit sérieux.
On croirait, quand il vous parle du bonheur conjugal et de la dignité d’un mari, que ce sont des choses on ne peut pas plus sérieuses, et qui doivent nous occuper éternellement. […] Sa condition à Brunswick ne fait que le rejeter plus avant dans le mépris des grands et des cours, mais elle n’est guère propre à lui rendre cette estime sérieuse et ce respect de l’humanité qui est pourtant le fond de toute politique généreuse et libérale. […] Lisez de Thou, lisez Tacite ; ne vous embarrassez d’aucun système ; ne vous alambiquez l’esprit sur rien, et peu à peu vous vous retrouverez capable de tout ce que vous voudrez exiger de vous. » Certes, il avait bien de la peine à prendre avec sérieux et d’une manière un peu suivie à la politique, à l’histoire, et à réfuter Burke sans faiblir, celui qui écrivait dans le même moment : « Brunswick, ce 24 décembre 1790. […] On se demande, on s’est demandé sans doute plus d’une fois comment, avec des talents si éminents, une si noble attitude de tribun, d’écrivain spiritualiste et religieux, de vengeur des droits civils et politiques de l’humanité, avec une plume si fine et une parole si éloquente, il manqua toujours à Benjamin Constant dans l’opinion une certaine considération établie, une certaine valeur et consistance morale, pourquoi il ne fut jamais pris au sérieux autant que des hommes bien moindres par l’esprit et par les services rendus. […] Il assista toujours par un coin moqueur au rôle sérieux qui s’essayait en lui ; le vaudeville de parodie accompagnait à demi-voix la grande pièce ; il se figurait que l’un complétait l’autre ; il avait coutume de dire, et par malheur aussi de croire qu’une vérité n’est complète que quand on y a fait entrer le contraire.
Si le sérieux et la grandeur manquent à leurs conceptions religieuses, si l’assiette et la durée manquent à leur établissement politique, ils sont exempts des déformations morales que la grandeur de la religion ou de l’État impose à la nature humaine. […] Ils s’amusent et s’attardent dans la dialectique, les arguties et le paradoxe24 ; ils ne sont pas aussi sérieux qu’il le faudrait ; s’ils entreprennent une recherche, ce n’est point seulement en vue de l’acquis définitif et fixe ; ils n’aiment point la vérité uniquement, absolument, avec oubli et mépris du reste. […] C’est pourquoi leurs fêtes les plus saintes étaient des défilés d’opéra et des ballets sérieux. […] Elle forme l’homme par le chœur ; elle lui enseigne les attitudes, les gestes, l’action sculpturale ; elle le met dans un groupe qui est un bas-relief mobile ; elle s’emploie tout entière pour faire de lui un acteur spontané qui représente de verve et pour son plaisir, qui se donne en spectacle à lui-même, qui porte la fierté, le sérieux, la liberté, la dignité simple du citoyen dans les évolutions du figurant et dans la mimique du danseur. […] Son caractère est sérieux, viril, élevé, très-simple et même âpre, excellent pour inspirer la patience et l’énergie.
Cette poursuite de mariage qu’il expose avec une vivacité si expressive a pour effet, même en échouant, de le lier étroitement avec le duc de Beauvillers et avec ce côté probe et sérieux de la Cour. […] Plus on accordait à un homme de son âge du sérieux, de la lecture et de l’instruction en lui attribuant ce caractère indépendant, plus on le rendait impossible dans le cadre d’alors et inconciliable. […] Saint-Simon, après avoir échappé à bien des crocs-en-jambe, à bien des noirceurs et des scélératesses calomnieuses qui avaient failli par moments lui faire quitter de dégoût la partie et abandonner Versailles, s’était assez bien remis dans l’esprit du roi ; la duchesse de Saint-Simon, aimée et honorée de tous, était dame d’honneur de la duchesse de Berry, et lui-même s’avançait chaque jour par de sérieux entretiens en tête à tête, sur les matières d’État et sur les personnes, dans la confiance solide du nouveau dauphin.
Une académie avait été fondée à Bordeaux ; on ne s’y occupait que de musique et de littérature ; Montesquieu y était naturellement entré ; mais, quoiqu’il fût sensible à tous les agréments de l’esprit et des arts, et qu’il dût le prouver plus tard avec éclat par la publication des Lettres persanes, il ne jugea pas l’académie de Bordeaux assez sérieuse, et secondé par le duc de la Force, il la transforma peu à peu en une sorte d’académie des sciences. […] Laissez-lui faire les choses frivoles sérieusement, et gaiement les choses sérieuses. » Plus loin, il rend justice au gouvernement chinois en montrant qu’il fut le seul gouvernement philosophique : « Les législateurs de la Chine firent plus : ils confondirent la religion, les lois, les mœurs et les manières ; tout cela fut la morale, tout cela fut la vertu. […] Cela ne peut servir à rien au législateur sérieux.
D’un autre côté, les esprits superficiels se pâment en voyant des hommes sérieux s’amuser à traduire et commenter des livres informes qui, à nos yeux, ne seraient qu’absurdes et ridicules. […] En général, les littératures modernes de l’Orient sont faibles et ne mériteraient pas pour elles-mêmes d’occuper un esprit sérieux 102. […] L’Inde seule mérite à quelques égards d’être prise au sérieux et comme fournissant des documents positifs à la science.
Ce sérieux, cette droiture, me faisaient rougir d’avoir plus d’une fois sacrifié à un idéal moins pur. […] Allez de chapelle en chapelle ; faites parler les bonnes gens, et, s’ils ont confiance en vous, ils vous conteront, moitié sur un ton sérieux, moitié sur le ton de la plaisanterie, d’inappréciables récits, dont la mythologie comparée et l’histoire sauront tirer un jour le plus riche parti 7. […] Son visage était sérieux, mais non triste, plutôt aimable que malveillant.
D’abord l’introduction dans une salle du fond de l’hôtel, et loin du bruit de la rue et du roulement des voitures, puis l’entrée grave du vieil aubergiste venant assister, comme un témoin sérieux à l’opération, en même temps que l’apparition de la fille de l’aubergiste, à l’aspect de Gretchen, avec ses mains d’un rouge vertueux, et semées de petites lentilles blanches, comme en ont les mains de toutes les institutrices allemandes… et le débouchage religieux de la bouteille, répandant dans la pièce une odeur de violette : — enfin toute la mise en scène de la chose, racontée avec des détails d’une observation de poète. […] » Jeudi 30 mars Il y des moments, où sous l’action, goutte à goutte, des potins, des cancans, des réticences, de toutes les perfidies ambiantes, dont vous entoure l’envie parisienne, la confiance dans vos plus intimes est ébranlée : telle de vos amies que vous regardez comme la personnification de la sincérité, vous vous demandez vraiment, si elle n’est pas un peu fausse ; telle autre personne à laquelle vous croyez des qualités d’attachement sérieux, vous ne la voyez plus que comme une aimable et banale créature. […] Enfin il s’écrie que la pièce lui a semblé, tout le temps, jouée en charge, en charge sérieuse, appliquée, pieuse même, mais en charge, comme devaient la jouer les excellents acteurs du Théâtre-Français.
Trois œuvres, faisant époque, et parues en 1801 et 1802, Atala, le Génie du Christianisme et René, marquent cette étape du Romantisme ; elles lui auraient assuré la victoire, si les crises de la politique et les tumultes de la guerre n’avaient absorbé les esprits et ne les avaient détournés de toute sérieuse préoccupation littéraire. […] Le Romantisme ouvre l’ère du sérieux, de la mélancolie, du sentimentalisme, des images grandioses et des descriptions sensationnelles : « les ouvrages gais, prédisait Mme de Staël avec un sens de rare divination, vont être dédaignés comme de simples délassements de l’esprit, dont on conserve fort peu de souvenir ». […] Le romantisme qui ne devait formuler qu’en 1830 son fameux axiome, l’art pour l’art, lequel ne devait être appliqué que sous le second Empire par les Parnassiens, est une littérature de classe ; il est vrai que les romantiques ne s’en sont jamais douté, bien que ce soit là son plus sérieux titre à l’attention de l’histoire.
On connaissait Darwin sur la rive gauche ou bien dans les journaux sérieux comme le Temps et les Débats, mais, en 1885, sur le boulevard, le nom de Darwin était un de ceux qui revenaient le moins fréquemment dans la conversation. […] Certes, il y en avait dans la même génération de plus sérieux, de plus laborieux surtout. […] Les membres du cercle, les membres sérieux, ceux qui jouaient et exerçaient une profession, les gens d’affaires, déjeunaient à onze heures, puis ils allaient à la Bourse ; à midi et demi ou une heure, arrivaient les oisifs, couchés tard, ayant joué au baccara une partie de la nuit, éreintés.
Je ne nierai point que beaucoup d’objections sérieuses ne puissent être opposées à la théorie de descendance modifiée par sélection naturelle. […] En ce qui concerne la distribution géographique, les difficultés que rencontre la théorie de descendance modifiée sont assez sérieuses. […] Elle est presque également sérieuse entre les variétés de la même espèce, et grave encore entre les espèces du même genre ; mais la lutte peut exister souvent entre des êtres très éloignés les uns des autres dans l’échelle de la nature.
Ce n’est pas que les historiens anciens ne se proposassent un but très sérieux. […] Assurément c’est bien là une histoire sérieuse où la pensée politique de l’auteur se fait jour sous les ornements de la plus belle rhétorique. […] Il est trop clair que, dans un tel livre, il ne faut chercher aucun enseignement sérieux.
Mais qui est ce jeune étourdi qui s’avance d’un air moitié sérieux et moitié badin ? […] Les Plaideurs sont un hors-d’œuvre dans les compositions sérieuses de Racine. […] Le mot fit fortune, et Germanicus ne put ramener le sérieux sur le visage des spectateurs. […] Il sait, sans jamais s’égarer, sans transiger avec le bon goût, passer du sérieux au comique, du comique au moral. […] Le plus sérieux reproche qu’on puisse lui faire, c’est de donner trop au récit, quelquefois au détriment de l’action.
Pris au sérieux ? […] Seignobos — qui ne faisait d’ailleurs que résumer des thèses présentées par des confrères fort sérieux, et Gaston Paris même — a raison, parfaitement raison ! […] On n’y prend rien entièrement au sérieux, on s’attendrit aisément, on se console tout de même. […] On ne veut plus prendre la grandeur au sérieux, ou bien l’on ne grandit que les imbéciles. […] Il ne le prend pas tout à fait au sérieux, il lui est même reconnaissant d’être ce qu’il est.
Il est dévot, sérieux, taciturne ; jugez du contraste. […] » Piron avait raison en parlant ainsi : lui-même, bien que si piqué au jeu par l’hypocrisie, il n’eût jamais pu ni osé aborder, même en idée, pareil sujet ; il n’avait ni assez de sérieux, ni assez de hauteur dans l’âme. […] Mais Piron ignorant, paresseux, nullement philosophe, n’entendait rien aux lumières de Voltaire et à cette universalité de goûts, d’études et de curiosités agréables ou sérieuses, qui font sa gloire : « Mon cher ami », écrivait Voltaire à Cideville (février 1737), « il faut donner à son âme toutes les formes possibles. […] Il faudrait à la Métromanie un auditoire de jeunes auteurs en herbe, étudiants, un public d’Odéon. — On l’a redonnée depuis au théâtre Français, où elle a été écoutée froidement : « La Métromanie a rencontré chez nous, cette fois encore, un accueil trop sérieux pour être durable. » C’est ce que dit Janin dans un des meilleurs feuilletons qu’il ait écrits (Journal des Débats du 18 septembre 1865). — On m’assure qu’en examinant les textes imprimés de la Métromanie, on trouverait de notables différences d’édition : ce serait à examiner.
Dans cette petite salle basse, entre ces deux armoires de répertoires sérieux, sous ce jour tamisé, qui semble la lumière passant par le châssis d’un graveur, au milieu de ces tables recouvertes d’un maroquin noir, parmi ces messieurs décorés penchés sur des rouleaux de parchemins recroquevillés, où se lisent de longues lettres mérovingiennes, sous cette chaire, dans laquelle se tient cet huissier, en cravate blanche, au pince-nez, à la chaîne d’acier, — l’étude est grave, a quelque chose de solennel. […] L’exorde est tout plein de jolies gamineries, d’amusantes pasquinades, d’aimables traits d’esprit, puis vient le morceau sérieux, le morceau historique, où le récipiendaire déclare, grâce à sa faculté de lire entre les lignes de l’imprimé, avoir fait la découverte que Richelieu n’a jamais été jaloux des vers de Corneille, qu’il lui en a seulement voulu un moment, pour avoir retardé, avec sa création du Cid, l’unité française. […] » — répond le bambin déjà sérieux. […] Dans toutes les circonstances c’est Louis, l’orateur, l’orateur déjà sérieux, ratiocinant, syllogistique, qu’il sera plus tard.
En résumé ce couple méridional, ce par nobile fratrum, Barthélemy et Méry, a du trait, de la main d’œuvre, de la facture ; ce qui lui a toujours manqué, ç'a été l’invention, l’élévation et le sérieux.
Tel est l’usage ; et c’est ainsi qu’à propos de l’École normale dans sa première nouveauté, j’ai été conduit à parler de la « ferveur de la création. » Enfin (et c’est là le seul côté sérieux de la discussion présente) ce docteur, grammairien improvisé, prend pour des fautes de langue ce qui n’est, à vrai dire, que le caractère et la marque d’an style ; il impute à la grammaire ce qui tient à la manière d’un écrivain.
Esprit grave et convaincu, il entre mieux, par certains côtés, dans l’inspiration sérieuse des modernes, dans celle même de Lamartine et de Victor Hugo ; il a cité d’eux d’éclatants exemples, et ces rapprochements, qu’aucune complaisance n’énerve, et qui seront ceux de l’avenir, jettent par réflexion une vive lumière sur les grands poètes du passé.
Nous ne voulons pas qu’on nous promène par le monde, comme des enfants, pour le simple plaisir des yeux ; en peu d’années l’Europe a grandement vieilli ; sa tardive expérience cherche aujourd’hui partout une instruction sérieuse.
Cette belle raisonneuse de madame Legendre y prêtait assez ; c’était la sœur de mademoiselle Voland, prudente, sérieuse, réfléchie, de réputation sévère, ne méritant pas mal le sobriquet d’Uranie qu’on lui avait donné.
Et pourquoi serait-elle sérieuse et prudente comme Pénélope ?
Seneque le pere dit dans l’avant-propos du premier livre de ses controverses : que les jeunes gens de son temps faisoient leur plus sérieuse occupation de ces deux arts.
Elle aurait gardé, sans le donner à risée ou à mépris sérieux, le souvenir touchant de ce fou à elle et fait par elle ; mais pour cette Prudence et ses pareilles, la question n’est ni l’honneur de Chateaubriand, ni leur propre honneur de cœur.
Sans doute, il y a entre les poésies de la Bible et les poésies des Hirondelles la différence de l’inspiration divine à l’inspiration humaine, — à l’inspiration chétive d’un homme seul ; mais celle-ci est si vraie qu’elle en contracte un sérieux réellement plein de grandeur.
» À ce dernier écho des fables païennes, mêlé d’une tristesse plus sérieuse, celle de l’esclavage, il est temps d’arrêter les souvenirs de la lyre antique, et de chercher ailleurs une autre inspiration.
Lentement, par degrés, la révolution morale accompagne la révolution sociale : l’homme change en même temps que l’État, dans le même sens et par les mêmes causes ; le caractère s’accommode à la situation, et l’on voit peu à peu dominer dans les mœurs et dans les lettres l’esprit sérieux, réfléchi, moral, capable de discipline et d’indépendance, qui seul peut soutenir et achever une constitution. […] Ici les quakers, les indépendants, les baptistes, subsistent, sérieux, honorés, reconnus par l’État, illustrés par des écrivains habiles, par des savants profonds, par des hommes vertueux, par des fondateurs de nations819. […] La force de leur zèle ne se manifeste que par le sérieux de leur attention. […] Pour eux, ils sont « les princes de l’espèce humaine. » « Je les vois passer, l’orgueil dans le maintien, le défi dans les yeux, tendus vers de hauts desseins, troupe sérieuse et pensive. […] La beauté s’y trouve, mais ailleurs, dans la froide décision du regard, dans le profond sérieux et dans la noblesse triste du visage pâle, dans la gravité consciencieuse et l’indomptable résolution du geste contenu.
Il discutait avec sérieux, presque avec gravité ; il n’osait pas encore se moquer du public et de lui-même avec cette candide effronterie. […] Mais voyez-le aux prises avec une œuvre qui vaille la peine d’une étude sérieuse. […] Sérieux comme il l’est, il ne pardonne pas à ceux qui prétendent l’amuser, surtout s’ils ne réussissent pas. […] La maladie morale, signalée par le critique, s’étendit comme une tache d’huile ; elle devint une épidémie heureusement plus apparente et plus littéraire que profonde et sérieuse. […] Voilà de sérieuses réserves sur la méthode dont il a usé !
Il y en a de bien faits et de construction sérieuse dont la façade accueillante trompe sur les pièges intérieurs ; la maison a l’air honnête, elle est confortable : on y entre, on s’y plaît, on y demeure ; veut-on sortir, c’est une prison. […] C’est devant cet Aréopage très sérieux, de jugement sûr et même sévère, que chaque poète vierge comparaît à la fois avec orgueil et avec tremblement. […] Une période de la poésie française est ici étudiée et fixée en de sérieux portraits, avec aussi peu d’ironie que s’il s’agissait d’un groupe anglais ou scandinave. […] Jusqu’au-delà de 1845, Victor Hugo fut soumis par toute la critique « sérieuse » au régime que nous vîmes infligé pendant vingt ans à Verlaine, à Villiers de l’Isle-Adam et à Mallarmé, qui sont les Trois, notre Trinité. […] Cependant, continuons à être de notre temps, c’est-à-dire à regarder les choses avec un sérieux démocratique.
A l’Oratoire, il fut déjà plus sérieux, plus grave ; à Port-Royal, il devint austère ; chez les calvinistes, l’habitude de chercher ou de mettre en tout écrit une intention morale ou édifiante fut si forte et si persistante que la littérature de la Suisse romande en a, de l’aveu même de ses représentants, gardé jusqu’à nos jours une allure prédicante. […] Quant aux autres prix, ils se sont multipliés de telle façon, par suite de legs et de donations, que l’examen des volumes présentés aux suffrages des académiciens est devenu pour eux une charge très sérieuse et que le total des sommes distribuées chaque année s’élève aux environs de cent mille francs. […] Musset, qui fut l’enfant terrible du romantisme, s’est amusé à railler ces théories nébuleuses et ces fièvres poétiques où les illusions et les rêveries de la jeunesse x se mêlent toujours à une petite dose d’idées sérieuses et fécondes171.
Nous restons une heure à regarder, d’une loge, la danse et les masques, une heure où il semble faire une sérieuse étude du costume nouveau et presque général des danseuses : de ce costume de bébé, de cette petite robe-blouse descendant au genou, laissant voir la jambe et les hautes bottines ballantes dans l’air, et dessinant des nimbes au-dessus de la tête des danseurs. […] une chemise sans taille, et pour tout le reste ; ce sont des ajustements au caprice et à la fantaisie de la femme. » Là-dessus, il nous met sur les genoux un album de ses anciennes lithographies qu’il a retrouvé, et nous voyons combien, avant d’arriver à sa facilité de dessin sans modèle, à son imagination du vrai, il a fait de profondes, sérieuses, patientes, scrupuleuses études de la nature… C’est partout là-dedans, la mère de Feydeau, le père de Feydeau, et d’Abrantès, et jusqu’au dos d’Henri Berthoud, faisant le dos de cet inconnu. […] Dimanche 11 mars On sort de table… Femme au délicat profil, au joli petit nez droit, à la bouche d’une découpure si spirituelle, à la coiffure de bacchante donnant aujourd’hui à sa physionomie une grâce mutine et affolée, femme aux yeux étranges qui semblent rire, quand sa parole est sérieuse.
Il aurait besoin de passer un mois dans une ferme, en Beauce… et dans ces conditions… avec une lettre de recommandation d’un riche propriétaire à son fermier… lettre, qui lui annoncerait l’arrivée avec son mari, d’une femme malade, ayant besoin de l’air de la campagne… « Vous concevez, deux lits dans une chambre blanchie à la chaux, c’est tout ce qu’il nous faut… et bien entendu, la nourriture à la table du fermier… autrement je ne saurais rien. » Les chemins de fer, son roman sur le mouvement d’une gare, et la monographie d’un bonhomme vivant dans ce mouvement ; avec un drame quelconque… ce roman, il ne le voit pas dans ce moment-ci… Il serait plus porté à faire quelque chose, se rapportant à une grève dans un pays de mine, et qui débuterait par un bourgeois, égorgé à la première page… puis le jugement… des hommes condamnés à mort, d’autres à la prison… et parmi les débats du procès, l’introduction d’une sérieuse et approfondie étude de la question sociale. […] Commentaires de Pélagie sur l’air sérieux du visiteur. […] On sonne, Banville s’avance vers moi, avec le sérieux d’un notaire d’une pantomime des Funambules, et me dit solennellement : « Mon cher, je viens vous demander, le rôle d’Henriette Maréchal pour Mlle Hadamard. » Ah zut alors !
si vous me permettez de sortir un peu du sérieux qui convient quand on a l’honneur d’écrire à son ministre, j’aurai l’honneur de vous dire que vous vous y prenez très mal. […] Après cela, allez vers l’Autriche, divisez les forces de l’empire, forcez-le à la paix, et nous verrons si l’on pourra croire sérieux ce que vous avez bien vu qui ne l’était pas quand je vous ai nommé l’emploi de connétable.
Vous êtes ceux-là mêmes qui, dès demain, aurez pour office et ministère spécial de veiller à la tradition, à la transmission des belles-lettres classiques et humaines, de les interpréter continuellement à chaque génération nouvelle de la jeunesse ; je me vois chargé, pour ma part, — avec une bienveillance qui m’honore et dont je rends grâce à qui de droit, — sous les yeux d’un directeur ami70, — à côté de tant d’excellents maîtres dont on voudrait avoir été, ou dont on aimerait à devenir le disciple, — je me vois, dis-je, chargé de vous préparer à ces dignes et sérieuses fonctions. […] Vous me serez tout d’abord utiles, messieurs, en me les rappelant ; vous me le serez plus encore (et c’est un bienfait salutaire que j’attends de vous), en m’offrant journellement, dans vos groupes de sérieuse et fervente jeunesse, la meilleure et la plus vivante réponse à ce qui est trop souvent le dernier mot, le dernier résultat stérile d’une vie d’isolement et de réflexion trop concentrée.
Il n’était pas propre aux travaux sérieux, suivis et d’ensemble, où tout se tient, où il y a commencement, milieu et fin. […] Mais je prends trop au sérieux des gentillesses de scholar, et j’ai tort.
« Les gens sérieux », dit-il, « par un remords un peu tardif, n’aimeront peut-être pas cet amusement qui ne m’a pas coûté plus de sept ou huit jours. » Et, pour s’excuser, il allègue les exemples notables d’avocats et de magistrats qui se sont déridés aux Lettres. […] La légèreté de forme, dans les Lettres persanes, en avait dérobé le sérieux.
Béranger avait remarqué bien des fois cette disposition mélancolique des hommes assemblés, et en avait conclu l’idée de la chanson doucement sérieuse à l’usage du pauvre, de l’affligé, du peuple. […] Enfant gâté du dessert, on lui passait ses crudités, ses goguettes de langage, mille familiarités sans conséquence, à titre de chanson ; dès qu’on l’admirait, c’était d’un visage tout d’un coup sérieux, à titre d’ode.
Éloignés des lieux où cette langue est intimement sentie et parlée dans toute sa pureté, ne nous importe-t-il pas de l’étudier à sa source la plus sincère et avec une sérieuse application ? […] Voltaire est merveilleusement apprécié ; je remarquerai seulement et signalerai à l’auteur, pour qu’il le revoie peut-être, un certain paragraphe de la page xlii 21, qui offre beaucoup d’embarras et de pesanteur dans la diction : je ne voudrais pas qu’on pût dire que le malin a porté malheur, sur un point, à qui l’examine avec tant de conscience et avec une profondeur si sérieuse, éclairée du goût.
Dès les premiers mots de la lecture, l’auditoire tout entier était conquis ; chacun se sentait saisi d’un intérêt sérieux et sous l’impression de cette parole qui grave, de cet accent qui creuse. […] C’est une comédie que toute sa conduite à Vienne, et une comédie qui aboutit à ses fins sérieuses.