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1098. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires sur la mort de Louis XV »

Elle était ennuyée de toutes les affaires dont son odieux favori voulait qu’elle se mêlât, et n’avait de plaisir qu’à gaspiller en robes et en bijoux les millions que la bassesse du contrôleur général lui fournissait avec profusion ; soit crainte, soit goût, soit faiblesse, elle était entièrement livrée aux volontés despotiques de M. […] D’ailleurs, je trouvais, au dedans de moi, assez juste que le roi, qui n’avait jamais dans sa vie goûté plus délicieusement aucun plaisir que celui d’inquiéter tous les gens qui l’entouraient sur leur santé, de leur annoncer la mort future ou prochaine, savourât d’avance, à son tour, la sienne, et se minât d’inquiétude. […] Quelque ferme que l’on soit dans son opinion, quand on y attache un grand prix, et quelque raison que l’on croie avoir de l’être, on la voit encore avec plaisir être celle des autres, et cette idée y confirme davantage.

1099. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

Si les Français cherchaient à obtenir de nouveau des succès dans la carrière littéraire et philosophique, ce serait un premier pas vers la morale ; le plaisir même, causé par les succès de l’amour-propre, formerait quelques liens entre les hommes. […] Les arts peuvent distraire l’esprit par les plaisirs de chaque jour, de toute pensée dominante ; ils ramènent les hommes vers les sensations ; et ils inspirent à l’âme une philosophie voluptueuse, une insouciance raisonnée, un amour du présent, un oubli de l’avenir très favorable à la tyrannie. […] Les passions seules attachent fortement à l’existence, par l’ardente volonté d’atteindre leur but ; mais cette vie consacrée aux plaisirs, amuse sans captiver ; elle prépare à l’ivresse, au sommeil, à la mort.

1100. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

Ce reliquat est l’homme en général, en d’autres termes « un être sensible et raisonnable, qui en cette qualité évite la douleur, cherche le plaisir », et partant aspire « au bonheur, c’est-à-dire à un état stable dans lequel on éprouve plus de plaisir que de peine427 », ou bien encore « c’est un être sensible, capable de former des raisonnements et d’acquérir des idées morales428 ». […] Si j’en professe une autre, c’est sous son bon plaisir et avec des restrictions.

1101. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLIXe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Si quelque chose au moins peut alléger ma douleur, c’est que tu me restes, ô mon frère, toi que j’honorerai toujours comme le père que j’ai perdu : tu commanderas, et je me ferai un devoir de t’obéir ; tes ordres me feront toujours un plaisir inexprimable : éprouve-moi, commande, je n’hésiterai pas un instant. […] Alexandre n’était point méchant, mais ses mœurs étaient dépravées par l’amour ; il fit de Florence le sérail de ses plaisirs ; il corrompait ou séduisait les femmes ou les filles des plus illustres maisons de la capitale. […] Il s’était fait le ministre de ses plaisirs secrets, le complaisant de ses débauches.

1102. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

Virgile parle « des larmes des choses. » Antoine et Cléopâtre fondent, à Alexandrie, l’académie de « ceux qui veulent mourir ensemble, après avoir vidé le fond des plaisirs ». […] Sa plaie saignait sous le cilice, comme sous la ceinture relâchée. — « Ce qui vous fait peine, Stagyre, — lui écrit le saint, — c’est de voir que beaucoup d’hommes qui étaient tourmentés par le démon de la tristesse, quand ils vivaient dans les plaisirs, s’en sont trouvés tout à fait guéris, une fois qu’ils ont été mariés et qu’ils ont eu des enfants, tandis que vous, ni vos veilles, ni vos jeûnes, ni toutes les austérités du monastère n’ont pu soulager votre mal. » Et il ajoute ce mot profond : « Le meilleur moyen de se délivrer de la tristesse, c’est de ne point l’aimer. » Le christianisme, en sanctifiant cette tristesse, ouvrit un refuge aux désabusés du vieux monde. […] On se battait à propos de tout et à propos de, rien, pour le plaisir de jouer sa vie, à pile ou face, sous une lanterne.

1103. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XV »

Il s’est glissé, en spectateur, sinon en acteur, sur le théâtre du monde de plaisir. […] Quant au docteur Rémonin, lorsque le commissaire de police l’invite à venir constater le décès du duc, il répond par ce mot final qui fait froid : « Avec plaisir ! » C’est à croire qu’il ferait avec le même plaisir, s’il lui était livré respirant encore, la vivisection de l’infortuné vibrion.

1104. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

Les plaisirs vifs donnent des secousses ; et plus on les ressent, moins les intervalles où ils nous échappent sont supportables. […] Nulle crainte, nulle honte ne troublera notre félicité : au sein des vrais plaisirs de l’amitié, nous pouvons parler de la vertu sans rougir. […] Toutes les adresses, toutes les audaces, il se les permettait : « Ce sont, disait-il, des ruses de bonne guerre ; mais trahir l’hospitalité, demander une grâce pour tromper son bienfaiteur, ce seraient d’horribles perfidies, et ce remords aurait empoisonné jusqu’à ses plaisirs. » Je donne ce sophisme de la passion pour ce qu’il vaut.

1105. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

Mais, jusque-là, même en supposant que l’exemple d’une courageuse franchise ne soit d’aucune utilité, démasquer sans aucun ménagement des factieux avides et injustes, est un plaisir qui n’est pas indigne d’un honnête homme. […] Orgueil et courage, orgueil et plaisir à se trouver à part, seul debout, exposé à la rage des méchants, quand les lâches et les hébétés se taisent, il entre beaucoup de cela dans l’inspiration politique d’André Chénier. […] Par un sentiment délicat, il voudrait faire arriver une parole de consolation à son cœur : Puisse-t-il lire avec quelque plaisir, écrit-il, ces expressions d’une respectueuse estime de la part d’un homme sans intérêts comme sans désirs, qui n’a jamais écrit que sous la dictée de sa conscience ; à qui le langage des courtisans sera toujours inconnu ; aussi passionné que personne pour la véritable égalité, mais qui rougirait de lui-même s’il refusait un éclatant hommage à des actions vertueuses par lesquelles un roi s’efforce d’expier les maux que tant d’autres rois ont faits aux hommes !

1106. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1879 » pp. 55-96

Vendredi 16 mai Enfin, un jour où je puis me donner la récréation de lire un bouquin pour mon plaisir — récréation rare pour le fabricateur de livres — et le jour est tout gris, tout pluvieux, vraiment fait pour la lecture. […] * * * — J’entendais, l’autre jour, un marchand de vin, d’un ton mi-triomphant, mi-gouailleur, jeter à un cocher, auquel il apportait une consommation sur son siège : « Maintenant, mon vieux, tout est permis, tu peux faire tout ce qui te fait plaisir !  […] Il me dit n’avoir plus au monde qu’un seul plaisir, la causerie. « Et encore, ajoute-t-il, je n’ai pas le charme humain de cette si bonne chose, je n’ai pas le sourire de ceux avec lesquels je m’entretiens, et dans la nuit où je vis, la causerie avec des vivants a quelque chose d’une conversation avec de purs esprits.

1107. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

Celui-là porta la ruine chez les hommes ; celui-là ne m’a laissé le plaisir ni de me couronner de fleurs, ni de savourer la coupe profonde, ni de prolonger la douce harmonie des flûtes et les joies de la nuit. […] Quel plaisir désormais peut se rencontrer pour moi ? […] Ô nef de Crète, à la blanche voilure, qui, traversant les flots bruyants de la mer, amenas ma souveraine de son fortuné palais aux plaisirs d’un funeste a hymen !

1108. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Variétés littéraires, morales et historiques, par M. S. de Sacy, de l’Académie française. » pp. 179-194

C’est plaisir, là-dessus, de l’écouter lorsque soi-même on a un goût vif pour l’orateur romain, pour le philosophe de Tusculum : on aime à être surpassé en enthousiasme ; on s’associe, on se prête à cette sorte d’ivresse qu’il cause à un esprit ordinairement rassis ; on est édifié de retrouver à l’improviste comme un Rollin plus jeune, aussi sincère, mais plus transporté et tout de feu en présence des modèles. Il faut l’entendre, au sortir de ce beau fleuve romain et cicéronien où il vient de s’abreuver pour la centième fois, célébrer cette ampleur et cette finesse de parole, cette transparence lumineuse, cette riche abondance de mots, et cet art savant qui les épand si nombreux, si faciles sans qu’il y en ait jamais un d’inutile ou de perdu : Quand on se laisse simplement entraîner, dit-il, par la lecture, c’est une musique délicieuse qui vous flatte : l’esprit sent la justesse des accords sans se rendre un compte exact de son plaisir, et ne fait qu’apercevoir instinctivement une nuance délicate de la pensée sous chacune des expressions dont la phrase s’embellit.

1109. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens, par M. Le Play, Conseiller d’État. »

On prendra idée de la masse de notions précises ainsi amassées par lui et passées ensuite au creuset, pour ainsi dire, de son rigoureux esprit, en sachant que depuis 1829 jusqu’en 1853, c’est-à-dire pendant vingt-quatre ans, il fit un voyage de six mois chaque année, et un voyage d’étude, non une tournée de plaisir. […] L’un de ces hommes rares, chez qui la conscience en tout est un besoin de première nécessité et dont le plus grand plaisir comme la récompense est dans la poursuite même d’un travail et dans l’accomplissement absolu d’une fonction, il fit ainsi son métier de métallurgiste avec passion et scrupule ; il épuisa la connaissance détaillée qu’on en peut avoir.

1110. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LA REVUE EN 1845. » pp. 257-274

Ce n’est pas seulement pour eux un devoir, c’est un plaisir ; car la position de la Revue et des écrivains qui y prennent la plus grande part n’a jamais été plus nette, mieux assise et plus franchement dessinée. Quand je dis que c’est un plaisir, je vais bien pourtant un peu loin : c’en serait un certainement dans toute autre circonstance, mais dans celle-ci, nous pouvons en faire l’aveu, la satisfaction de démontrer clairement son bon droit se trouve très-mélangée par l’affliction que tout esprit vraiment littéraire éprouve à voir de telles scènes dégradantes et les noms connus du public qui y figurent.

1111. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre III »

« Il prenait d’ailleurs plaisir à conter toutes ses angoisses devant le moindre mouvement à faire, le transport de sa chaise à son lit, le plus petit choc prenant tout le suraigu douloureux d’une opération chirurgicale, et ses terreurs, chaque soir, devant la nuit qui venait, et le besoin impérieux, apeuré, qu’il avait de ce tic-tac d’une pendule. »47 La neurasthénie à forme cérébrale, pour être d’allure moins suppliciante, est tout aussi féconde. […] Nous les attribuerons, avec le Dr Régis, aux intoxications variées dont, à plaisir, l’auteur du Horla avait pris soin lui-même de compliquer sa mentalité.

1112. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre V. De la lecture. — Son importance pour le développement général des facultés intellectuelles. — Comment il faut lire »

Si l’on visait à donner une connaissance pratique de l’ancienne langue, si l’on avait aussi de bons textes appropriés aux nécessités scolaires, ce ne serait pas une grande affaire, et ce serait un plaisir de lire couramment quelques vieux auteurs. […] Le pourquoi, le comment, le lieu même du plaisir ou de la douleur, nous n’en avons cure.

1113. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre II. La critique »

En réalité, Sainte-Beuve, se couvrant de quelque dessein scientifique, a poursuivi son plaisir. Et ce plaisir, c’était le spectacle de l’individu vivant.

1114. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Deux tragédies chrétiennes : Blandine, drame en cinq actes, en vers, de M. Jules Barbier ; l’Incendie de Rome, drame en cinq actes et huit tableaux, de M. Armand Éphraïm et Jean La Rode. » pp. 317-337

À une époque de civilisation avancée et de littérature savante, après Virgile, après Horace, après Lucrèce, sous le règne du plus vertueux des empereurs, de celui qui nous a légué cet admirable bréviaire de perfection morale : Ta eis eauton, dans la ville la plus riche et la plus cultivée de la Gaule romaine, des milliers d’hommes, dont un bon nombre, apparemment, étaient d’honorables bourgeois, se réunissaient pour le plaisir de voir torturer longuement et horriblement d’autres hommes. […] Il y a du mouvement, de la variété, des coups de théâtre qui, pour être facilement prévus, n’en font pas moins de plaisir, des fins d’actes qui sont toutes « à effet », des scènes tumultueuses à personnages nombreux et qui sont très bien réglées.

1115. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lamartine, Alphonse de (1790-1869) »

Il suggère les plaisirs et les mélancolies de la solitude et du silence, le sens et le tourment de la destinée humaine, la peur et le dégoût du monde, la langueur exquise des rêveries, l’ivresse de la vie intérieure. […] Bien qu’il faille se méfier de la désinvolture affectée de Lamartine et des déclarations d’indifférence qu’il croit devoir faire, par bon ton, à l’égard de ses poésies, il est certain que la Chute d’un Ange est l’œuvre de son plaisir.

1116. (1863) Molière et la comédie italienne « Textes et documents » pp. 353-376

  Enregistré au contrôle général de l’argenterie par moi, intendant et contrôleur général de ladite argenterie, et des menus plaisirs et affaires de la chambre de Sa Majesté, les jour et an de l’autre part. […] Mezzetin s’acquitta si bien de cette mission que le roi le nomma camérier intime, trésorier des menus plaisirs, et l’anoblit.

1117. (1890) L’avenir de la science « XXI »

Certes, s’il ne fallait voir dans la vie que repos et plaisir, on devrait maudire l’agitation de la pensée et traiter de pervers ceux qui viennent, pour satisfaire leur inquiétude, troubler ce doux sommeil. […] La poésie devint égoïste et n’eut plus de valeur que comme accompagnement délicat du plaisir, l’origina-lité fut déplacée.

1118. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

Rien, ajoutoit-on, de ce qui est du ressort de l’imagination ne devra être souffert dans un état, parce qu’elle est sujette à des écarts ; qu’elle se frappe de l’agréable, encore plus que de l’utile ; & que l’amour du plaisir & de la frivolité ne gagne que trop tous les esprits. […] Sa frivolité, son amour pour le plaisir, le feu de son imagination, le rendoient incapable de toute étude serieuse & suivie.

1119. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre II. Des livres de géographie. » pp. 5-31

C’est le plaisir de la surprise qu’on éprouve quelquefois en lisant le Voyageur françois ou la connoissance de l’ancien & du nouveau monde, à Paris chez Vincent 1765. en plusieurs volumes in-12. […] Mais quelque plaisir qu’on prenne à lire de pareils livres, il faut recourir aux originaux, si l’on veut avoir des connoissances sures & étendues.

1120. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Nièces de Mazarin » pp. 137-156

“Lui, à chasser ces coquins qui attentaient au bon plaisir de Dieu.” […] Notre adorable La Fontaine, qui passe si malhonnêtement pour une bête de génie, s’y transforme en homme dont les femmes ne riaient pas, ce qui cause un plaisir immense !

1121. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre premier : M. Laromiguière »

Elles vous portent et vous font avancer d’elles-mêmes ; on n’a pas besoin d’effort, on pense sans le vouloir, et l’on ne s’aperçoit de son progrès et de ses découvertes qu’au plaisir paisible dont insensiblement on se trouve pénétré. […] On a dit que le propre de l’esprit français est d’éclaircir, de développer, de publier les vérités générales ; que les faits découverts en Angleterre et les théories inventées en Allemagne ont besoin de passer par nos livres pour recevoir en Europe le droit de cité ; que nos écrivains seuls savent réduire la science en notions populaires, conduire les esprits pas à pas et sans qu’ils s’en doutent vers un but lointain, aplanir le chemin, supprimer l’ennui et l’effort, et changer le laborieux voyage en une promenade de plaisir.

1122. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XX. De Libanius, et de tous les autres orateurs qui ont fait l’éloge de Julien. Jugement sur ce prince. »

Cet éloge, où un particulier loue un prince avec lequel il a quelque temps vécu dans l’obscurité, pouvait être précieux ; le souvenir des études de leur jeunesse et cette heureuse époque où l’âme, encore neuve et presque sans passions, commence à s’ouvrir au plaisir de sentir et de connaître, devait répandre un intérêt doux sur cet ouvrage ; mais nous ne l’avons plus, et nous n’en pouvons juger ; nous savons seulement qu’il était écrit en grec. […] Il apprit, dans la retraite, dans l’étude, dans l’éloignement des plaisirs, à se former et à commander aux hommes ; il est vrai que peut-être il fut forcé à la vertu par le malheur.

1123. (1875) Premiers lundis. Tome III « Viollet-Le-Duc »

Je recommande encore l’article d’Isaac Habert, poëte descriptif et didactique, dont on lit avec plaisir un fragment noble et pur, et, au XVIIe siècle, celui de Coutel, qui a disputé à madame Des Houlières ses Moutons.

1124. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hervilly, Ernest d’ (1839-1911) »

Il a porté un jour ses rêves dans les polders de la Hollande… Après avoir applaudi la Belle Saïnara, nous aurions un extrême plaisir à écouter au Théâtre-Français cette autre comédie à l’affabulation ingénieuse, la Fontaine des Beni-Menad.

1125. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 192-197

Comme au printemps naissent les roses, En la Paix naissent les plaisirs.

1126. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 122-127

Après un rude hiver, un printemps radouci Renaît avec ses fleurs ; il nous faut vivre ainsi, Et chercher les plaisirs aux ennuis tout contraires, Pour retourner après plus dispos aux affaires.

1127. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 190-194

A sa fatale vue, D’un plaisir séducteur tu sens ton ame émue : Cet Enfant est pour nous un plus grand ennemi Que ces Monstres hideux dont ton ame a frémi.

1128. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Horace, et les mauvais écrivains du siècle d’Auguste. » pp. 63-68

Il se fit connoître à Rome, dans cet âge heureux des plaisirs, de l’audace & de la fortune.

1129. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Ne lui connaissons-nous pas ces plaisirs ? […] De l’agonie de son énergie il veut tirer d’intenses plaisirs. […] Eu attendant le mariage, Julie a demandé de secrets plaisirs à son professeur. […] Sombre plaisir que de la respirer ! […] A leur école, on pratiquerait quelque temps la vertu avec plaisir.

1130. (1895) Hommes et livres

Il n’en va guère autrement au théâtre : le plaisir du spectateur qui paye est la seule loi. […] Ce qui semble plus difficile à croire, c’est que la tragédie ait jamais donné à personne le plaisir de l’illusion. […] Même dans ses tragi-comédies, Hardy ne cherche pas seulement le plaisir des yeux et l’intérêt de curiosité. […] Le petit abbé arrivait avec ses charcuteries : un cadeau fait toujours plaisir, même aux princes. […] C’est plaisir de sentir le contact de cette réalité substantielle, si souvent éliminée de son grand ouvrage.

1131. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

» — Cela fait toujours plaisir. […] Croisons nos plaisirs. […] Il se fait donc plaisir tous les matins en dépensant son fluide oratoire. Ce libertin de Voltaire a remarqué que faire des idées pour celui qui pense, c’est un peu un plaisir pareil à celui de faire des enfants. […] Sa fureur de plaisirs lui retirait de ses forces.

1132. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Tels sont Nash, Decker et Greene ; Nash, satirique fantaisiste, qui « abusa de son talent, et conspira en prodigue contre les bonnes heures33  » ; Decker, qui passa trois ans dans la prison du Banc du Roi ; Greene surtout, charmant esprit, riche, gracieux, qui se perdit à plaisir, confessant ses vices34 publiquement, avec des larmes, et un instant après s’y replongeant. […] sache bien qu’il y a toutes sortes de plaisirs dans l’enfer ! […] » — Puis des épées, du poison, des fusils, des cordes, des aciers envenimés — se présentent à moi pour que j’en finisse avec moi-même. —  Il y a longtemps que je me serais tué — si le plaisir délicieux n’avait pas vaincu le profond désespoir. —  N’ai-je pas évoqué l’aveugle Homère pour me chanter — les amours de Pâris et la mort d’Œnone ? […] —  Nous courons après la grandeur, comme les enfants après les bulles soufflées dans l’air. —  Le plaisir, qu’est-ce ? […] —  La mort, et la perte éternelle de tout ce que nous aimons, la jeunesse, la force, le plaisir, la compagnie, l’avenir, la raison elle-même.

1133. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Herckenrath et je le suis avec plaisir dans ses expositions. […] C’est le plaisir que l’on prend à faire souffrir pour faire souffrir. Comment l’infliction d’un mal à un semblable peut-elle être une source de plaisir ? […] Il éprouvait du plaisir à manger, non à tuer, non à faire souffrir. […] Hæckel me fait plaisir en lui disant quelques petites choses aimables.

1134. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

Je ne méritai guère d’être châtié ; mais, malgré ma tranquillité ordinaire, il eût été dangereux de le tenter, et j’aime à penser que, faisant en rhétorique le portrait du cheval parfait, je sacrifiai un succès au plaisir de peindre celui qui, en apercevant la verge, renversait son cavalier. » Ce ne sont pas seulement les écoliers de rhétorique, ce sont quelquefois les hommes qui sacrifient un succès, c’est-à-dire la chose possible, au plaisir de peindre ou de faire une action d’où résulte le plus grand honneur à leur rôle, la plus grande satisfaction à leurs sentiments. […] Tout en profitant avec plaisir, comme lecteur, de ces instructives et continuelles confrontations, j’aime mieux La Fayette insistant sur les inconséquences opérées par corruption. […] Nous avons eu le plaisir de prévoir cet événement et la bonne fortune de le préparer. » Ainsi, La Fayette se félicite de l’émancipation de l’Amérique du Sud, et il ne songe à aucune restriction dans son espoir. […] En arrivant très-rapidement à Paris, nous vîmes bien qu’elle était fort malade ; mais il y eut dès le lendemain un mieux que j’attribuai un peu au plaisir de nous revoir… « Voilà bien des souvenirs que j’aime à déposer dans votre sein, mon cher ami ; mais il ne nous reste que des souvenirs de cette femme adorable à qui j’ai dû un bonheur de tous les instants, sans le moindre nuage. […] Ce qu’elle m’a laissé de recommandations est dans le même sens, me priant de lire, pour l’amour d’elle, quelques livres, que certes j’examinerai de nouveau avec un véritable recueillement : et appelant sa religion, pour me la faire mieux aimer, la souveraine liberté, de même qu’elle me citait avec plaisir ce mot de Fauchet : « Jésus-Christ mon seul maître. »  —  On a dit qu’elle m’avait beaucoup prêché ; ce n’était pas sa manière

1135. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

À peine eut-il appris que M. de Saint-Pierre était Français, que, perdant sa gravité, il se livra sans réserve au plaisir de voir un compatriote et de l’entendre parler de la patrie. […] L’imagination de notre jeune législateur s’enflammait à tous ces récits ; il brûlait de voir cette femme extraordinaire, et cependant il ne voulait ni l’adorer en esclave, ni marcher à ses côtés comme un instrument de ses plaisirs ou de ses volontés. […] Dans ce temps-là surtout, où cette île faisait peu de commerce aux Indes, le simple voisinage y était un titre d’amitié ; et l’hospitalité envers les étrangers, un devoir et un plaisir. […] Elles prenaient plaisir à les mettre ensemble dans le même bain et à les coucher dans le même berceau. […] Si je te touche seulement du bout du doigt, tout mon corps frémit de plaisir.

1136. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

« Rien, évidemment, qu’obéir à la consigne, exécuter la loi… la loi équitable qui a succédé à l’affreux règne du bon plaisir ! […] DORLOTON. — Je me couche parce que ça me fait plaisir. […] Fuster n’est pas un révolté de la forme du vers français et c’est plaisir de le lire dans ses inspirations et sa clarté. […] Ce plaisir nous a été donné en lisant un livre paru ces jours derniers. […] C’est de cette conviction qu’est né le plaisir que j’ai eu à lire les Images sentimentales de M. 

1137. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Il goûte ces plaisirs secrets de petite curiosité malsaine qui sont le péché ordinaire, sauf exceptions, Dieu merci, des vieux savants solitaires et confinés. […] … On ne saurait croire le plaisir qu’un Français sent à dénigrer nos meilleurs ouvrages, et à leur préférer les fariboles venues de loin. […] Réunir beaucoup de documents sur l’espèce humaine, c’est là son plaisir, et le plus souvent il se borne à écrire les Caractères. […] Elle ne s’abandonne ni à l’amour, ni même au plaisir d’être aimée, parce qu’elle ne s’oublie jamais. […] Le critique explique toutes choses, mais au plaisir qu’il prend à en expliquer quelques-unes, sa secrète inclination se révèle.

1138. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

j’aimai toujours la joie et les plaisirs, soit quand j’étais chez moi, soit quand j’en étais éloigné. […] Après qu’on l’a du bain ôté, il se coucha dans un beau lit, qui était fait à grand plaisir. […] Il aimait, à sa manière, les plaisirs de l’esprit. […] Avec Philippe-Auguste, elle reprit le goût des lettres ; et les plaisirs de l’esprit, arrangés comme on le pouvait alors, entrèrent dans ses délassements. […] Toutefois le charme du récit, la fidèle expression du costume, font lire cette traduction avec le même plaisir qu’un agréable roman de nos jours.

1139. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

— Ne vous plaignez pas, monsieur Commendeur, j’avais la tête, moi ; enfin, je vois avec plaisir que vous digérez mieux… Plus de la moitié de la truite ! […] En suivant pas à pas la vie de Balzac, je commencerai par constater avec plaisir que rien dans son enfance ne dénotait ce qu’il serait un jour. […] Le ton de la conversation, reproduit dans les livres, donne la plus grande somme de plaisir au lecteur, en lui rappelant la vie. […] En affaire de goût il se préoccupera du plaisir, en affaires de morale il se préoccupera du bonheur, bien que ce ne soit pas là la condition de sa conduite morale. […] Plus le verre qui renferme un liquide est clair et mince, mieux on voit le liquide ; plus le style est clair et simple, mieux on comprend la pensée : pourquoi l’obscurcir, le charger à plaisir ?

1140. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Ponsard » pp. 301-305

Viennet avait abordé, l’autre jour, dans une de ces spirituelles et mordantes épîtres qui font tant de plaisir chaque année à son public académique et tant d’honneur à sa verte vieillesse.

1141. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXVII » pp. 153-157

Ils abondent comme à plaisir dans le tranchant, le choquant, le désobligeant.

1142. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLI » pp. 167-171

La Revue suisse voit avec plaisir qu’elle avait frappé d’avance dans le même sens et qu’en tirant sur le temps, elle avait atteint juste aux mêmes endroits.

1143. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « de la littérature de ce temps-ci, a propos du « népenthès » de m. loève-veimars (1833). » pp. 506-509

dites que c’est là le trait distinctif de la littérature de ce temps, et plus d’un écrivain qu’on lit non sans plaisir et qui vous paraît facile vous avouera, s’il l’ose, qu’il corrige, qu’il rature et qu’il recopie beaucoup.

1144. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 2. Caractère de la race. »

La forme dégradée du type français, c’est l’esprit gaulois, fait de basse jalousie, d’insouciante polissonnerie et d’une inintelligence absolue de tous les intérêts supérieurs de la vie ; ou le bon sens bourgeois, terre à terre, indifférent à tout, hors les intérêts matériels, plus jouisseur que sensuel, et plus attaché au gain qu’au plaisir.

1145. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vacquerie, Auguste (1819-1895) »

Jules Lemaître J’ai pris le plus vif plaisir à la représentation de Souvent homme varie.

1146. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Étienne Dolet, et François Floridus. » pp. 114-119

Il étoit extrême en tout, dans ses éloges & dans ses critiques, dans ses plaisirs & dans le travail.

1147. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Le père Bouhours, et Barbier d’Aucour. » pp. 290-296

Les gens du monde la lisoient avec plaisir.

1148. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Chœur. » pp. 21-24

En effet, ou le chœur parlait dans les entr’actes de ce qui s’était passé dans les actes précédents, et c’était une répétition fatigante ; ou il prévoyait ce qui devait arriver dans les actes suivants, et c’était une annonce qui pouvait dérober le plaisir de la surprise ; ou enfin il était étranger au sujet, et par conséquent il devait ennuyer.

1149. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la comédie chez les Anciens. » pp. 25-29

Ici, tous les événements sont produits par des personnages qui ont dessein de les faire naître ; et souvent le spectateur prévient ces événements : ce qui diminue infiniment son plaisir.

1150. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre IV. Des Ecrits sur la Poétique & sur divers autres genres de Littérature. » pp. 216-222

Le public a vu avec plaisir les préceptes de nos plus grands maîtres réunis dans un seul corps d’ouvrage ; & comme on n’a pas touché au style des morceaux qu’on a rassemblés, il y a de la variété dans chaque chapitre.

1151. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Vien » pp. 202-205

Il a la main droite appuyée au pli de son bras gauche qui en se relevant indique d’une manière très significative la mesure du plaisir qu’il promet.

1152. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

Ils se lançaient en mer sur leurs barques à deux voiles, abordaient au hasard, tuaient, et allaient recommencer plus loin, ayant égorgé en l’honneur de leurs dieux le dixième de leurs prisonniers, et laissant derrière eux la lueur rouge de l’incendie. « Seigneur, disait une litanie, délivrez-nous de la fureur des Jutes. » « De tous les barbares18, ce sont les plus fermes de corps et de cœur, les plus redoutés », ajoutez les plus « cruellement féroces. » Quand le meurtre est devenu un métier, il devient un plaisir. […] Ajoutez-y le plaisir de se battre. […] Jusqu’au seizième siècle, le corps de la nation, dit un vieil historien, ne se composa guère que de pâtres, gardeurs de bêtes à viande et à laine ; jusqu’à la fin du dix-huitième, l’ivrognerie fut le plaisir de la haute classe ; il est encore celui de la basse, et tous les raffinements des délicatesses et de l’humanité moderne n’ont point aboli chez eux l’usage des verges et des coups de poing. […] L’ivresse violente et les paris dangereux, c’est de ce côté qu’ils donnent prise ; ils sont enclins à rechercher, non les plaisirs doux, mais l’excitation forte. […] Lutter pour lutter, c’est là leur plaisir.

1153. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

Lorsque le soir un domestique frisé et revêtu d’une livrée bleu-clair avec des boutons armoriés se présente devant vous et se met avec un zèle extrême en devoir de tirer vos bottes, vous sentez que si, au lieu de sa pâle et maigre figure, apparaissaient tout à coup à vos yeux les larges pommettes et le nez épaté d’un jeune rustre que son maître a enlevé depuis peu à la charrue, mais qui a déjà eu le temps de découdre en plus de dix endroits les coutures du kaftane 5 de nankin qu’on vient de lui faire endosser, — ce changement vous causerait un indicible plaisir, et que vous vous exposeriez très-volontiers au danger d’avoir vos pieds mis en sang par la maladresse de ce valet improvisé. […] Comme tous les peuples enfants qui ont de grands souvenirs dans leur histoire, les Russes ont des chanteurs de cantons, de villages, de steppes, qui luttent ensemble pour le plaisir des auditeurs attablés. […] Il en jouait avec plaisir, et passait alternativement des notes les plus aiguës aux plus basses : mais il s’arrêtait de préférence aux premières, qu’il s’efforçait de soutenir avec une étonnante flexibilité de gosier. […] Ses modulations étaient très-hardies, et quelquefois il changeait de ton d’une façon très-originale ; un connaisseur l’aurait écouté avec plaisir, et un Allemand l’aurait trouvé insupportable. […] tu nous as fait plaisir, — cria Obaldouï sans lâcher l’entrepreneur tout épuisé. — Oui, vraiment, tu nous as fait plaisir.

1154. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

Le fond de nos plaisirs était toujours et exclusivement littéraire. […] Je n’ai éprouvé qu’avec M. de Talleyrand seul le plaisir d’esprit que me fait goûter jusqu’à l’ivresse la conversation de Béranger. Elle est aussi juste et aussi fine que celle du grand diplomate, mais on s’y abandonne bien plus au plaisir d’intelligence qu’on éprouve, car on sent la conscience sous le génie et le cœur sous le mot. […] Nous nous confondons, parfaitement inconnus dans ce torrent d’hommes et de femmes pressés d’affaires, d’ambition, de plaisir, qui monte et redescend sans cesse à cette heure les larges trottoirs du boulevard depuis la Bastille jusqu’à la Madeleine. […] Il y a dans cette sensation des frissons intérieurs d’isolement posthume et de plaisir philosophique que les hommes jeunes et avides de regards ne peuvent comprendre.

1155. (1888) Épidémie naturaliste ; suivi de : Émile Zola et la science : discours prononcé au profit d’une société pour l’enseignement en 1880 pp. 4-93

Dans cette dernière élucubration, qui n’offre qu’une série sans trêve d’abjections et d’immondices accumulés à plaisir, l’intention de l’écrivain de se moquer du public est si évidente que ses partisans les plus forcenés en sont atterrés, et c’est un reproche que je leur adresse. […] Les naturalistes loin de perfectionner la langue sont en train de la gâter à plaisir. […] Il est d’ailleurs le plaisir le plus économique, ne prenant que le temps qu’on veut bien lui consacrer, et, s’il n’est pas dérobé au travail obligé, on est en droit de dire qu’il ne coûte rien. C’est un plaisir qu’on goûte sans besoin de compagnie le soir, quand la corvée est finie, la distraction est là, sous la main, sans dérangement, sans aucun frais. […] Seulement, il les gâche à plaisir.

1156. (1925) Comment on devient écrivain

On veut écrire, non pas parce qu’on croit avoir quelque chose à dire, mais pour le plaisir de faire parler de soi. […] Encore ne lit-on pas ces ouvrages pour le plaisir de les lire, mais pour pouvoir dire qu’on les a lus. […] On relira toujours avec plaisir celles de Maupassant, Arène et Daudet, et même celles de Mérimée. […] Racine était très sensible à la critique et avouait qu’elle lui donnait plus de chagrin que les louanges ne lui causaient de plaisir. […] Elles sont, sans plus, un studieux plaisir : ce qui est bien quelque chose.

1157. (1887) Études littéraires : dix-neuvième siècle

» — A quoi bon les plaisirs ? […] Mais celui qui n’a jamais pris plaisir même à se sentir au milieu d’eux, il pourra être un grand poète, nous venons, ce me semble, de le voir ; il ne sera jamais un peintre de L’humanité. […] Vigny cédera au plaisir de s’amuser au jeu des idées, sans y croire. […] Ils font plaisir à tout le monde. […] C’est plaisir de voir comme un Voltaire a l’instinct de son côté faible, se garde, le plus souvent, de toute attitude, de tout oubli qui prêterait à la dérision.

1158. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Aimant tout ce qu’aimait Horace, et comme lui placé dans un siècle où il n’y avait pas mieux à faire, il célèbre le plaisir, le repos, et se fait une voluptueuse sagesse. […] C’est ce qui arriva au jeune écrivain pour le salon de peinture de 1822, dont il rendit compte dans le Constitutionnel ; ces mêmes articles parurent durant l’année, réunis en brochure, Quoi qu’en puisse penser aujourd’hui l’auteur, très-sévère sur ces premiers essais et dès longtemps mûri en ces matières, j’ose lui assurer que cette brochure se relit encore avec plaisir, avec utilité. […] Il y a là comme une mélancolie rapide qui ajoute à l’émotion heureuse et qui se mêle, pour l’aiguiser, à l’ivresse de la gloire non moins qu’à celle du plaisir. […] Tous ceux qui ont le plaisir de connaître depuis longtemps M. […] En même temps que le détail se multiplie à plaisir sous son regard et se décompose en ses moindres points, l’ensemble prend de la construction et de la grandeur ; il y a toujours des horizons.

1159. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

Moi, pendant ce temps-là, je m’en vais comme en deuil Par ce côté désert, évitant qu’on me voie, Ajournant à plus tard tout plaisir, toute joie ; Et derrière les monts, dans les airs transparents, Le soleil m’éblouit de ses rayons mourants, Et d’un dernier regard il semble aussi me dire Que l’heureuse jeunesse avec lui se retire. Pour toi, sauvage oiseau, lorsque le soir viendra Des jours qu’à vivre encor le Ciel t’accordera150, Tu ne te plaindras point, docile à la nature, Passereau solitaire, et ton secret murmure N’ira pas regretter la saison du plaisir ; Car c’est le seul instinct qui fait votre désir. […] J’avais espéré que ces chères études soutiendraient un jour ma vieillesse, et je croyais, après la perte de tous les autres plaisirs, de tous les autres biens de l’enfance et de la jeunesse, en avoir acquis un du moins qu’aucune force, qu’aucun malheur ne me pourrait enlever ; mais j’avais vingt ans à peine quand, par suite de cette maladie de nerfs et de viscères qui me prive de l’usage de la vie et ne me donne même pas l’espérance de la mort, ce cher et unique bien de l’étude fut réduit pour moi à moins de moitié ; depuis lors, et deux ans avant l’âge de trente ans, il m’a été enlevé tout entier, et sans doute pour toujours. […] Sinon que, pour consolation en ces derniers temps, j’ai acquis des amis tels que vous ; et votre compagnie, qui me tient lieu de l’étude, et de tout plaisir et de toute espérance, serait presque une compensation à mes maux, si la maladie me permettait d’en jouir comme je le voudrais, et si je ne prévoyais que bientôt peut-être ma fortune va m’en priver encore, en me forçant à consumer les années qui me restent, sevré des douceurs de la société, en un lieu beaucoup mieux habité par les morts que par les vivants ; votre amitié me suivra toutefois, et peut-être la conserverai-je même après que mon corps, qui déjà ne vit plus, sera devenu poussière. […] Le monde ni le ciel n’ont vu choses si belles : De l’un naît tout le bien aux natures mortelles, Et le plus grand plaisir, ici-bas départi, Sur ce vaste océan d’où chaque être est sorti.

1160. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

Un de nos jeunes et curieux amis a fait, il y a bien des années déjà, une étude de Naudé en cette Revue 223 ; il s’est appliqué à toute sa vie, s’est étendu sur ses divers ouvrages, et a pris plaisir autour de l’érudit. […] Quant à ceux qui avaient écrit en français, tels que Bodin, Charron et Montaigne, il n’y pouvait voir que ses compagnons de plaisir, tant c’était facilité de les aborder au prix des autres. […] Le chapitre VII, dans lequel il commente à sa guise le conseil d’Aristote, que celui qui veut se réjouir sans tristesse n’a qu’à recourir à la philosophie, nous le montre, au milieu de cette fougue du temps, savourant ce profond plaisir du sceptique qui consiste à voir se jouer à ses pieds l’erreur humaine, et laissant du premier jour échapper ce que, vingt-cinq ans plus tard, il exprimera si énergiquement dans le Mascurat  : « Car, à te dire vrai, Saint-Ange, l’une des plus grandes satisfactions que j’aie en ce monde, est de découvrir, soit par ma lecture, ou par un peu de jugement que Dieu m’a donné, la fausseté et l’absurdité de toutes ces opinions populaires qui entraînent de temps en temps les villes et les provinces entières en des abîmes de folie et d’extravagances. » Aussi quelle pitié pour lui que la Fronde, et que toutes les frondes ! […] La rose, dans l’antiquité, était l’emblème à la fois du plaisir et du mystère ; c’est pourquoi on la suspendait aux festins : Est rosa flos Veneris, eujus quo furte laterent, Harpocrati matris dona dicavil Amor. […] Et encore (page 370) il enfile toutes sortes d’historiettes sur des réponses faites par bévue, et se moque en même temps de la rhétorique ; il y trouve son double compte d’enfileur de rogatons érudits et de moqueur des tours oratoires. — Il ne trouve pas moins son double compte de fureteur historique et de défenseur du Mazarin, lorsqu’il se donne (page 266) le malin plaisir d’énumérer tous les profits et pots-de-vin de l’intègre Sully, lequel « tira trois cens mille livres pour la démission, de sa charge des Finances et de la Bastille ; soixante mille pour celle de la Compagnie de la Reine-Mère ; cinquante mille pour celle de Surintendant des Bâtiments ; deux cens mille pour le Gouvernement de Poitou ; cent cinquante mille pour la charge de Grand-Voyer, et deux cens cinquante mille pour récompense ou plutôt courretage de beaucoup de bénéfices donnés à sa recommandation. » Et le fin Naudé part de là pour opposer le désintéressement du Mazarin ; mais il tenait encore plus, je le crains bien, à ce qu’il avait lâché en passant contre cette renommée populaire de Sully.

1161. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

Elle a beau compter 80 000 âmes142, être l’une des plus vastes cités du royaume, elle est remplie, peuplée, occupée par la vie d’un seul homme ; ce n’est qu’une résidence royale, arrangée tout entière pour fournir aux besoins, aux plaisirs, au service, à la garde, à la société, à la représentation du roi. […] Ceci n’est que le cadre ; avant 1789, il était rempli. « On n’a rien vu, dit Chateaubriand, quand on n’a pas vu la pompe de Versailles, même après le licenciement de l’ancienne maison du roi ; Louis XIV était toujours là147. » C’est un fourmillement de livrées, d’uniformes, de costumes et d’équipages, aussi brillant et aussi varié que dans un tableau ; j’aurais voulu vivre huit jours dans ce monde ; il est fait à peindre, arrangé exprès pour le plaisir des yeux, comme une scène d’opéra. […] Joignez-y les capitaineries des princes jusqu’à Villers-Cotterets et Orléans ; cela fait, autour de Paris, un cercle presque continu, ayant trente lieues de rayon, où le gibier, protégé, remisé, multiplie, fourmille pour les plaisirs du roi. […] Il s’amuse et amuse ses hôtes ; chez lui, c’est tous les jours une nouvelle partie de plaisir. […] Duc de Luynes, XV, 455 et XVI, 219 (1757). « Le maréchal de Belle-Isle avait 1 200 000 livres de dettes contractées, un quart pour ses bâtisses de plaisir, le reste pour le service du roi.

1162. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

Et si les paroles manquent à mon angoisse, les larmes abondent à défaut des vers ; je pleure malheureux et je repleure les lyres, les trompettes, les couronnes de laurier, les études, les plaisirs, les affaires, les banquets, les loges, les palais où je fus avec vous, tantôt noble serviteur, tantôt compagnon familier de vos fêtes ! […] Quand le temps est contraire, nous passons les journées et les longues heures du soir à écouter de la musique et des canzones ; car un de ses plus vifs plaisirs est d’entendre nos improvisateurs rustiques, dont il envie la facilité à versifier, la nature, à ce qu’il prétend, ayant été moins prodigue envers lui à cet égard. Quelquefois aussi nous dansons avec les jeunes filles de Bizaccio, un des divertissements qui lui fait le plus de plaisir ; mais plus souvent nous restons assis au coin du feu, et nous y revenons souvent sur l’esprit qu’il prétend lui être apparu à Ferrare ; et véritablement il m’en parle de telle sorte que je ne sais trop qu’en dire et qu’en penser. » Pendant cette douce détente de l’âme et de l’adversité du poète, son poème, revu et perfectionné, se multipliait en Italie et en France avec la rapidité surnaturelle d’une œuvre qui correspondait précisément au siècle, aux mœurs, à la religion, aux contrées de l’Europe, dans lesquelles il devenait, en naissant, national. […] Les chevreaux qui bondissent dans la plaine, les poissons qui se jouent dans les ondes, les oiseaux qui étalent au soleil leur superbe plumage, voilà mes spectacles et mes plaisirs. […] « Quelques jours après, le Tasse m’ayant fait le plaisir de me venir voir, comme cela lui arrive souvent, je lui montrai cette note dont il fut ravi, et ayant pris la plume il écrivit dessous : Divin !

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