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1345. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre IX. La pensée est-elle un mouvement ? »

cette cause extérieure inconnue que nous appelons chaleur peut, dans certaines conditions, disparaître à nos sens et cesser d’être sentie comme chaleur ; alors il se passe en dehors de nous un autre phénomène, qui est précisément l’équivalent de la chaleur perdue, à savoir, un phénomène de mouvement. […] Sans doute l’âme n’est pas détruite par là même, et elle conserve encore virtuellement la puissance de penser ; mais la pensée actuelle, mais la pensée individuelle, la pensée enfin accompagnée de conscience et de souvenir, cette pensée qui dit moi, celle-là seule qui constitue la personne humaine et à laquelle notre égoïsme s’attache, comme étant le seul être dont l’immortalité nous intéresse, que devient-elle à ce moment terrible et mystérieux où l’âme, en rompant les liens qui l’unissent à ses organes, semble en même temps rompre avec la vie d’ici-bas, en dépouiller à la fois les joies et les misères, les amours et les haines, les erreurs et les souvenirs, en un mot perdre toute individualité ?

1346. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Police générale d’une Université et police, particulière d’un collège. » pp. 521-532

Il ne faut pas perdre du temps et des soins à cultiver l’esprit bouché d’un enfant à qui la nature n’a donné que des bras qu’on enlèverait à des travaux utiles. […] Il y a bien de la différence entre une erreur d’ignorance ou d’inadvertance et une erreur faite d’industrie ; celle-ci tient en garde l’élève : s’il l’aperçoit, sa petite vanité est satisfaite, elle l’habitue à se méfier, elle le forme insensiblement à la recherche de la vérité, elle lui inspire l’esprit d’invention ; l’autre perd le temps et ne rend que du mépris.

1347. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre IV : Règles relatives à la constitution des types sociaux »

Le développement historique perd ainsi l’unité idéale et simpliste qu’on lui attribuait ; il se fragmente, pour ainsi dire, en une multitude de tronçons qui, parce qu’ils diffèrent spécifiquement les uns des autres, ne sauraient se relier d’une manière continue. […] Mais elle perd cet avantage si ces types n’ont été constitués qu’après que tous les individus ont été passés en revue et analysés tout entiers.

1348. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IV. Des changements survenus dans notre manière d’apprécier et de juger notre littérature nationale » pp. 86-105

Il faudrait également que je caractérisasse à la fois et Delille que nous venons de perdre, et M. de Chateaubriand qui est encore dans la force du talent, doués, l’un d’une immense richesse de détails poétiques, l’autre d’une imagination vaste et féconde, placés tous les deux sur les derniers confins de notre ancien empire littéraire, et venant terminer d’une manière admirable toutes les traditions de notre double langue classique dont le règne va finir : ce qu’il y a de plus remarquable dans l’association que je fais ici de ces deux noms, c’est que leurs ouvrages, honneur éternel de cette époque, sont à la fois des monuments littéraires et des monuments de nos anciennes affections sociales. […] Remarquons, de plus, que les envahissements de cette littérature ont commencé chez nous à une époque où la langue était fixée, et, qu’il me soit libre de le dire, au moment où nos traditions nationales perdaient déjà de leur autorité et de leur vénération parmi les peuples.

1349. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Introduction. Du bas-bleuisme contemporain »

La première punition de ces jalouses du génie des hommes a été de perdre le leur, — le génie de la mise, cette poésie d’elles-mêmes, dont elles sont tout ensemble le poëme et le poëte. […] C’est maintenant une espèce perdue.

1350. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Buloz »

Ce qui aurait perdu un autre homme lui réussissait. […] Si Buloz, ce fort connaisseur en ennui grave, était content, on entrait à la Revue des Deux Mondes ; mais si on était amusant, on était perdu et on restait à la Revue de Paris.

1351. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Sainte Térèse » pp. 53-71

Dans ses ardeurs vers Dieu, le feu qui la consume, ce feu mystique, est blanc comme la neige, à force d’être concentré, et voilà pourquoi les âmes accoutumées à la grossièreté de la terre et à l’expression violente et morbide de ses passions peuvent trouver sans couleur et sans fulgurance cette flamme divinisée en Dieu, et qui a perdu l’écarlate de la flamme humaine ! […] À certaines places de ce récit merveilleux où le surnaturel a complètement remplacé la nature, on voit surgir du fond de cette Contemplative, éperdue et perdue dans son Dieu, une raison plus forte que toutes ces flammes, qui met la main sur le cœur qui palpite et dit à ce cœur : « N’es-tu pas ta proie à toi-même ?

1352. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VIII. M. de Chalambert. Histoire de la Ligue sous le règne de Henri III et de Henri IV, ou Quinze ans de l’histoire de France » pp. 195-211

Elle devait rester politique et se perdre à jouer ce triste jeu de raquette, d’équivoques, de juste-milieu, qui va de saint Louis à Henri IV, et qui dit : fils d’Henri IV contre les catholiques et fils de saint Louis contre les protestants ! […] Et, type merveilleusement approprié de la politique à double sourire de sa maison, le bon et loyal Henri fut un finaud qui finit par se prendre dans sa propre finesse, car il est mort poignardé pour avoir voulu faire ce qui, plus tard, a perdu sa race, de la conciliation entre les partis et des fusions impossibles.

1353. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Gaston Boissier » pp. 33-50

Boissier y perdra son latin, ce qui sera une perte, mais ne diminuera pas plus la corruption romaine que le Christianisme. […] Boissier a cette magie… Je me suis intéressé, moi qui le pénétrais pourtant, à toute la peine qu’une nature souple, gracieuse et veloutée comme la sienne, s’est donnée pour saisir délicatement de ses fines dents de rat érudit et pour ronger, sans faire le bruit scandaleux d’une vaste déchirure, le bas de cette aube divine du Christianisme, qui traîne dans les siècles et qui y passe, sans perdre jamais un seul fil de sa trame sacrée, au-dessus du museau de tous les rongeurs !

1354. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Goethe »

Il la perdit avant la jeunesse : fleur d’onze heures, à midi passée ! […] Goethe, qui a joui d’un bonheur sans égal durant sa vie, ce Polycrate moderne qui aurait pu jeter toutes ses bagues — sans crainte de les perdre — aux carpes du Rhin ; Goethe, qui n’était pas né sur le trône et qui a montré pour la première fois au monde ébahi la poésie aux affaires, qui a été tout ensemble Richelieu et Corneille ; son Excellence M. de Goethe, qui avait été un beau jeune homme, puis un beau vieillard ; qui fut aimé d’amour dans sa vieillesse comme Ninon de l’Enclos dans la sienne ; qui mourut tard, en pleine gloire, en pleine puissance, que dis-je ?

1355. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IX. L’abbé Mitraud »

Cette absence de théorie, — nous ne disons pas absolument : d’idées, — ce renvoi aux calendes grecques d’un second volume, cette discrétion d’un homme qui sait gouverner sa philosophie intérieure, car, s’il y avait un prix Montyon de la réticence, il serait gagné par M. l’abbé Mitraud, tout cela, qui aurait perdu un autre homme devant la Critique, ne s’est pas retourné contre lui. […] Mitraud, qu’il ne faudrait pas cependant dilater au point de le perdre, ce christianisme de l’Utopie, que la Philosophie aime à embusquer partout dans l’intérêt de son service et qui, sur les débris des institutions monarchiques, ferait volontiers descendre, — et toujours sous la forme d’une colombe, — un Saint-Esprit par trop désarmé !

1356. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Gustave Flaubert » pp. 61-75

(cela fait trembler) la moyenne des femmes dans les sociétés sans croyances, cette espèce d’être faible sans grandes passions, sans l’étoffe des grandes vertus ou des grands vices, inclinant de hasard au bien comme au mal, selon la circonstance, et qui, positives et chimériques tout, à la fois, se perdent par la lecture des livres qu’elles lisent, par les influences et les suggestions du milieu intellectuel qu’elles se sont créé, et qui leur fait prendre en horreur l’autre milieu dans lequel elles sont obligées de vivre. […] Grand talent, qui penche vers les petites choses et qui peut s’y perdre, s’y noyer, comme s’il était petit !

1357. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’architecture nouvelle »

Nous appelons beauté ce que nos pères, aux yeux desquels l’Univers insoupçonné n’existait pas, appelaient monde, c’est-à-dire un grain de sable perdu dans l’immensité. […] Il ne s’ensuit nullement qu’un palais de Ninive, un temple grec, une cathédrale du Moyen-âge ou un palais de la Renaissance, doivent à nos yeux, perdre leur caractère de beauté ; pas plus qu’Eschyle n’est effacé par Shakespeare ou Shakespeare par Wagner.

1358. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Conclusion »

Car si, par hasard, les moments de la durée réelle, aperçus par une conscience attentive, se pénétraient au lieu de se juxtaposer, et si ces moments formaient par rapport les uns aux autres une hétérogénéité au sein de laquelle l’idée de détermination nécessaire perdît toute espèce de signification, alors le moi saisi par la conscience serait une cause libre, nous nous connaîtrions absolument nous-mêmes, et d’autre part, précisément parce que cet absolu se mêle sans cesse aux phénomènes et, en s’imprégnant d’eux, les pénètre, ces phénomènes ne seraient pas aussi accessibles qu’on le prétend au raisonnement mathématique. […] Nous verrions enfin que l’idée même de détermination nécessaire perd ici toute espèce de signification, qu’il ne saurait être question ni de prévoir l’acte avant qu’il s’accomplisse, ni de raisonner sur la possibilité de l’action contraire une fois qu’il est accompli, car se donner toutes les conditions, c’est, dans la durée concrète, se placer au moment même de l’acte et non plus le prévoir.

1359. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXI. De Thémiste, orateur de Constantinople, et des panégyriques qu’il composa en l’honneur de six empereurs. »

« J’ai perdu un jour, disait Titus, car je n’ai fait aujourd’hui de bien à personne. […] non, le jour où vous avez dit une parole qui doit être la leçon éternelle des rois, ne peut être un jour perdu.

1360. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Il importe que le bienfait intérieur n’en soit pas perdu. […] Ils ont perdu le goût du vin et la connaissance des bons crus. […] Il l’a déjà entièrement perdue. […] Le type n’en est certainement pas perdu. […] Vous êtes perdu et bien perdu. » Encore ce médecin avait-il l’excuse qu’il n’existe aucun traitement rationnel du cancer.

1361. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

La notion du beau se perd comme celle du vrai et du bien. […] ma tête se perd ! […] Chez nous, l’esprit de famille a perdu il y a longtemps sa sainte autorité. […] Nous avons perdu cette susceptibilité de conscience qui est comme la pudeur de l’âme. […] Non seulement la vie a perdu son caractère sérieux en perdant son but élevé, le devoir ; mais les sentiments même les plus vifs, les plus spontanés du cœur humain semblent avoir perdu aussi de leur naïveté et de leur parfum.

1362. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

Au sommet il place ceux où tout le peuple est forcé d’avoir le patriotisme à l’état pur, sans quoi tout est perdu. […] Bientôt ce qui reste de liberté devient insupportable : un seul tyran s’élève et le peuple perd tout, jusqu’aux avantages de sa corruption. […] Quand la populace se mêle de raisonner, tout est perdu.  » (A Damilaville, leravril 1766.) […] Vous êtes perdus si vous oubliez que les fruits sont à tous et que la terre n’est à personne. » Que faire donc ? […] Les grands princes, à force d’acheter les troupes des plus petits, cherchent de tous côtés à payer des alliances, c’est-à-dire presque toujours à perdre leur argent.

1363. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « IX » pp. 33-36

En ce sens, non, tous les efforts de vingt ans n’ont pas été perdus, les efforts critiques surtout.

1364. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXIV » pp. 141-143

Il y a de jolis vers ; elle a du genre de talent de son père : Ève perdit l’Éden, afin de le rêver !

1365. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Sur les Jeune France. (Se rapporte à l’article Théophile Gautier, page 280.) »

Elles se perdent et disparaissent aujourd’hui dans l’ensemble du mouvement ; elles sont déjà oubliées de ceux même qui y assistèrent, et il faut, pour les y ramener avec précision, qu’une page d’une lettre toute jaunie, retrouvée entre deux feuillets d’un livre, vienne avertir et réveiller du plus loin leur mémoire.

1366. (1874) Premiers lundis. Tome II « Achille du Clésieux. L’âme et la solitude. »

En abordant, comme il le fait dans ses derniers morceaux, une poésie plus soutenue et plus figurée, M. du Clésieux aura à se garder de perdre la clarté simple de ses premiers essais.

1367. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 364-367

Quelqu’un lui répondit, dit-on, qu’ayant perdu la tête, il n’avoit plus besoin de chapeau.

1368. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 451-455

Une Actrice se croit fille de conséquence ; L’Acteur se perd par sa fatuïté.

1369. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Brenet » p. 257

Il vit, sa femme a des cotillons, ses enfans ont des souliers, et le talent se perd.

1370. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 23, quelques remarques sur le poëme épique, observation touchant le lieu et le tems où il faut prendre l’action » pp. 179-182

Que le poëte choisisse donc son sujet en des tems qui soient à une distance convenable de son siecle, c’est-à-dire en des tems que nous n’aïons pas encore perdus de vûë, et qui soïent cependant assez éloignez de nous pour qu’il puisse donner aux caracteres la noblesse necessaire sans qu’elle soit exposée à être démentie par une tradition encore trop recente et trop commune.

1371. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XVI. Le dévouement de yamadou havé »

Leurs adversaires avaient perdu leur roi et leur armée fut anéantie.

1372. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Théocrite »

Théocrite I La poésie grecque, qui commence avec Homère, et qui ouvre par lui sa longue période de gloire, semble la clore avec Théocrite ; elle se trouve ainsi comme encadrée entre la grandeur et la grâce, et celle-ci, pour en être à faire les honneurs de la sortie, n’a rien perdu de son entière et suprême fraîcheur. […] Au sortir de là, on perd de vue le poëte. […] Et ceux qu’elles regardent d’un œil de joie, ceux-là n’ont rien à craindre des breuvages funestes de Circé. » Il semble indiquer par là que c’est un de ces breuvages de passion insensée qui l’a un moment égaré dans l’intervalle, mais qui n’a pas eu puissance de le perdre, parce qu’il possédait le préservatif souverain des Muses. […] Comme cet amour de Phèdre la jette dans de grands crimes, elle ne pouvait être excusable que par l’ivresse de ses sens (c’est Vénus tout entière, etc., etc.) ; et d’ailleurs, puisque cet amour est combattu, on regagne à la noblesse des remords ce qu’on perdait à la grossièreté des désirs. » Il serait fort aisé de railler La Motte, et, comme dernier terme de ce perfectionnement amoureux dont il parle, de le montrer lui-même, le soupirant platonique et perclus de la duchesse du Maine, à qui il adressait tant d’agréables fadeurs ; l’Altesse y répondait comme une bergère de vingt ans, quand elle en avait cinquante. […] » Et encore : « Cette frange de son manteau que Delphis a perdue, moi maintenant je l’effile brin à brin et je la jette dans le feu dévorant. » Puis soudainement ici poussant un cri comme si elle ressentait une morsure : « Ah !

1373. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

Cependant, quatre ans après, la Grèce put se croire fatalement perdue ; ce n’était plus une armée, c’était un empire qu’on levait contre elle. […] Les Grecs, quand ils entendirent cette page, lue par Hérodote, aux jeux Olympiques, sa rappelèrent sans doute le « malfaisant Oneiros » du second chant de l’Iliade, ce Songe menteur, traître masqué des sommeils perplexes, que Zeus envoie à ceux qu’il veut perdre. […] Le vertige saisit sur son comble la souveraineté sans obstacle et sans garde-fou ; il lui fait perdre le sens des réalités, et la notion des limites. […] Le nuage marcha vers Salamine, et se perdit dans la mer. […] Les deux Masques de la Tragédie et de la Comédie, à peine ébauchés, auraient perdu leurs yeux et leurs voix, pareils à ceux des fontaines taries dont le souffle se retire avec l’eau qu’ils ne versent plus.

1374. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

Il se trouve que la moitié de nos titres a été perdue par nous et l’autre moitié par le notaire. […] * * * — Quand on est très ennuyé, la vie perd de sa réalité ; il semble qu’il y ait du songe dans les faits, les spectacles, les passants. […] Le plus souvent c’est un tour du lac, où les jeunes escortent sa barque sur des périssoires, ou bien encore elle entraîne dans les allées du parc un groupe, auquel elle jette en marchant, et en retournant un bout de profil, une conversation coupée, à tous moments, par un grand cri d’appel : Tine, Tine, ou : Tom, Tom, — un cri d’appel à un de ses roquets perdu dans un massif. […] * * * — Quelquefois une dernière innocence reste à la femme perdue : le rire. […] 7 septembre Tous nos vœux, toute notre ambition serait maintenant d’avoir assez de santé pour nous enterrer et nous perdre dans le travail infini, et n’en sortir que pour jouir de la contemplation amoureuse, de la jouissance, de la possession de quelque admirable objet d’art au-dessus de notre fortune, à la hauteur de notre goût.

1375. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Un original garçon que ce Degas, un maladif, un névrosé, un ophtalmique à un point, qu’il craint de perdre la vue, mais par cela même un être éminemment sensitif, et recevant le contrecoup du caractère des choses. […] La tapisserie, on peut le déclarer à la stupéfaction de bon nombre de gens, la tapisserie est un art perdu. […] * * * — En province, toute puissance de travail se perd, au bout de quelque temps, dans le farniente plantureux de la vie matérielle. […] Dans deux ans, il ne fera plus que sa besogne, ne lira plus un livre, perdra la curiosité des choses de l’esprit, deviendra un estomac. […] » C’est la princesse qui se retourne, et rassemble toute sa meute de petits chiens : Mie, la petite chienne paralysée, Nina, la chienne gymnaste, Miss l’impotente : hippopotamesque petit animal, — et enfin Dick, abruti par les grandeurs, et qui se perd toutes les cinq minutes.

1376. (1894) Textes critiques

. — Johannes Vockerat et Anna Mahr, Dieu l’un pour l’autre, selon une tant vieille théorie, au souffle des trains — chœur antique — dans les sabliers vides et du tictac lunaire horé de fugitifs ailerons, perdent tout appui séparés. […] La grosse chouette noire griffue sur les rails a ricané le départ d’Anna Mahr ; et Johannes, frappant pour l’avertir d’ouvrir son linceul le plat tambour de l’eau, la tête plongeante de graine flottante qui crèverait vers le nadir sa collerette horizontale, se perd dans un cercle — toujours — mais grandissant de diamètre jusqu’à l’infini, avec les bornes de sa Solitude.‌ […] Les beaux vers d’Albert Samain se perdent dans le piétinement, et Gabriel Randon a la courage de les déclamer aux murs des dos tournés et aux murailles de l’entassement des têtes fuyantes. […] Quelques mots sur les décors naturels, qui existent sans duplicata, si l’on tente de monter un drame en pleine nature, au penchant d’une colline, près d’une rivière, ce qui est excellent pour la portée de la voix, sans vélum surtout, dut le son se perdre ; les collines suffisent, avec quelques arbres pour l’ombre. […] Amusons-nous, certes, mais ne perdons pas notre temps en petits coups d’épingles puérils et à côté.

1377. (1884) Articles. Revue des deux mondes

Quand une aristocratie domine depuis longtemps, elle s’endort peu à peu dans l’orgueil et la mollesse ; elle perd l’habitude de penser. […] Ce n’est donc pas peine perdue que de parcourir ce noble édifice, à peine entamé par vingt-deux siècles ; toute obscurité d’ailleurs est écartée par l’érudition exacte et sûre du guide qui s’offre à nous. […] On lui a même fait l’honneur de croire qu’Aristote s’était enrichi, sans le nommer, de ses dépouilles ; il serait un de ceux dont, au dire de Bacon, le philosophe de Stagyre aurait étouffé la gloire, « de même que les sultans de Constantinople se débarrassaient des frères qui portaient ombrage à leur pouvoir. » Mais Aristote a cité tous ses devanciers, et surtout Démocrite, dont il parle en maint endroit avec éloge ; il avait même discuté ses opinions dans un traité spécial qui est perdu. […] Ces dessins, malheureusement perdus, sont mentionnés, par exemple, à propos de la forme de la matrice et de la sortie des œufs de la seiche. […] La pensée d’Aristote est désormais souveraine dans le domaine de l’histoire naturelle, et cette royauté, elle ne devait plus la perdre ; son génie est le génie même de la philosophie zoologique.

1378. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

Aujourd’hui celle société supérieure a perdu l’empire. […] D’autres, oubliant le travail et la vie, restent immobiles sur la plage, perdus dans la contemplation du miroir magique. […] Dans un village, à douze lieues de Paris, ils demandent au principal propriétaire, comment il peut perdre tout son temps à lire. […] Elle perdait la vue, et n’avait pas de lectrice ; il s’offrit, fut accepté. […] … Qu’est-ce que perdre un nom, et qu’est-ce qu’un nom à présent ?

1379. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Il avait perdu son ascendant en se faisant subalterne. […] Il faut être comme tout le monde, sinon l’on cesse d’être « un honnête homme », et l’on est un homme perdu. […] Il y apprendrait une autre chose, perdue aussi, la dignité, qui est comme la rançon du rang. […] Si je prenais votre parti, je perdrais les voix du Missouri ». […] Qu’est-ce que ces soucis d’un jour et d’un atome perdu dans les deux gouffres du temps et de l’espace !

1380. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Le reste du monde nous regarde comme des gens perdus, et nous méprise. […] Molière, revenu sur ses pas, lui adressa la parole, mais, ne soupçonnant pas la ruse, il se remit en route et sa valise fut perdue pour lui. […] Raisin essaya d’attirer la foule par d’autres divertissements ; mais ses représentations avaient perdu leur principal attrait : elles cessèrent bientôt d’être suivies. […] Celui-ci s’en acquitta si bien et doubla, pendant le souper, l’amphitryon avec un tel zèle, que tous les convives eurent bientôt perdu la raison, tous, jusqu’au sage Boileau lui-même. […] Dans le temps même où Molière perdait son ami, la mort vint lui enlever une protectrice.

1381. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

Ne nous amusons pas à dissiper des nuages dans un ciel serein ; c’est du temps perdu, ou plutôt fort mal employé. […] Le poète marche rapidement et nous entraîne à sa suite vers un but qu’il ne perd pas de vue, et qu’il nous fait entrevoir de moment en moment. […] Car nous avons perdu le secret d’Aristophane pour affranchir les personnages publics de leur tragique solennité, et pour les remplir de vie et de liberté comiques. […] Après une courte transition qu’on appelle la comédie moyenne, Ménandre, dont les ouvrages sont perdus, créa la nouvelle comédie, et la porta d’abord à son plus haut point de perfection. […] Qui la quitte, la perd.

1382. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quatorzième. »

Pendant que Lille est aux abois, il perd plusieurs heures à assister à une procession générale pour le succès de nos armes. […] Ainsi le moyen de se délivrer des petites choses c’est d’être présent à de plus petites encore ; c’est de s’écouter d’un peu plus près, de s’enfoncer de la défiance dans le soupçon : c’est d’aller au plus profond de soi, de se creuser, de se poursuivre, dût-on perdre sa route dans ces vains efforts pour s’atteindre. […] Il se plaint de notre versification, qui perd plus, dit-il, qu’elle ne gagne par les rimes. […] Tandis qu’elles cherchent des qualités d’emprunt, elles perdent leurs qualités originelles ; et rien n’est si rapide que cette corruption, les esprits ne pouvant s’attacher à la chimère du mieux sans que le bien leur devienne insupportable. […] Correspondance de Fénelon avec le duc de Bourgogne, pendant et après la guerre malheureuse où nous fûmes battus en Flandre et où nous perdîmes Lille.

1383. (1925) La fin de l’art

Que de temps perdu ! […] Mais il faudrait des images pour faire sentir ce que nous avons perdu. […] L’or, étant commun, perd toute valeur. […] Ajoutez dix pour cent pour les frais de vente, le prix des assurances et vous trouverez que l’acquéreur aura payé, surtout s’il n’a pas le placement immédiat de son achat, pas très loin de douze cent mille francs pour une curiosité périssable, qu’un accroc peut disqualifier, pour un tableau qui a déjà perdu beaucoup de beauté originelle et qui en perdra un peu tous les ans. […] On croit que je la connais ; je l’ai étudiée et l’étudié encore tous les jours, mais c’est précisément pour cela que je m’y perds encore, car elle est pleine de contradictions.

1384. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

Le bon écrivain scientifique doit surtout employer ce procédé de Darwin qui, se sentant perdu dans des phrases tortueuses, s’arrêtait brusquement d’écrire pour se parler ainsi à lui-même : « Enfin, que veuxtu dire ?  […] D’où il suit que la vie est pour nous un infini numérique où se perd la pensée. « D’autre part, les associations et relations d’idées sans nombre que l’objet vivant éveille en nous, ou qu’il nous fait entrevoir confusément sous l’idée actuellement dominante, sont comme l’image intellectuelle de sa propre infinité. […] Il y a entre les deux combinaisons une nuance, presque imperceptible, mais elle existe : le vers perd un effet et une image lorsqu’on ne sent plus l’hésitation et le déplacement du temps fort qui devrait tomber sur ombre et glisse sur horrible, en produisant une surprise de l’oreille destinée à rendre le saisissement de l’effroi. […] Nous sommes aussi vieux qu’au jour de ta naissance ; Nous attendons autant, nous avons plus perdu : Plus livide et plus froid, dans son cercueil immense, Pour la seconde fois Lazare est descendu. […] Car c’est une loi de la nature que rien ne se perde et ne disparaisse, mais c’est une autre loi aussi que tout ne soit jamais absolument le même et que tout se transforme, réunissant ainsi l’attrait du nouveau à l’attachement au passé.

1385. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

Si pourtant nous préférons supposer que quelques-uns des descendants de A et de I se sont si profondément modifiés, qu’ils ont plus ou moins complétement perdu les traces de leur parenté mutuelle, en ce cas leur place légitime dans une classification naturelle sera plus ou moins difficile à reconnaître, comme on le constate à l’égard de quelques-uns des organismes vivants. […] Néanmoins, on peut concevoir que le plan général d’un organe ait pu s’altérer au point de se perdre complétement par l’atrophie de plus en plus marquée et finalement par la résorption complète de certaines parties, ou par la soudure, la réduplication ou la multiplication des autres, variations que nous savons être toutes dans les limites du possible. […] Tel aurait été le cas à l’égard des yeux des animaux qui vivent dans les cavernes obscures, et des ailes des oiseaux qui habitent les îles océaniques, et qui, n’étant que rarement forcés de prendre leur vol, ont finalement perdu la faculté de voler. […] Mais si chaque nouveau degré d’atrophie s’héritait, non à l’âge correspondant, mais de plus en plus tôt et enfin dès l’une des premières phases de la vie, comme nous avons des raisons pour le croire possible, l’organe rudimentaire tendrait à se perdre complétement, et finirait par un avortement complet. […] Cette exception s’expliquerait encore en supposant que les variations du Culbutant à courte face, qui, on l’a vu, ne culbute plus, sont dues à des réversions à d’anciens caractères perdus.

1386. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

Tout au plus certains souvenirs confus, sans rapport à la situation présente, débordent-ils les images utilement associées, dessinant autour d’elles une frange moins éclairée qui va se perdre dans une immense zone obscure. […] À vrai dire, c’est dans des hypothèses physiologiques de ce genre que viennent se perdre, bon gré mal gré, toutes ces théories de la reconnaissance. […] Le malade de Lissauer avait complètement perdu la faculté de se diriger dans sa maison 29. […] Enfin le sujet qui a perdu l’intelligence de la parole entendue la récupère si on lui répète le mot à plusieurs reprises et surtout si on le prononce en le scandant, syllabe par syllabe 56. […] Nous allons approfondir ces états virtuels, et, en pénétrant plus avant dans le mécanisme intérieur des actions psychiques et psychophysiques, montrer par quel progrès continu le passé tend à reconquérir son influence perdue en s’actualisant.

1387. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

Le législateur doit n’en pas perdre une seule. […] De cela, je le félicite et le glorifie ; je ne perds pas une occasion de l’en louer. […] Mais ne perdons point le bâton, et tenons-nous bien par la main. […] C’est donc un soin bien inutile d’essayer de renouer une tradition dont l’esprit s’est perdu, et qui n’a peut-être jamais existé. […] Chantez votre Dieu. » Ils n’ont point beaucoup pris cette habitude ; mais ils en ont perdu de mauvaises.

1388. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Le château mystérieux du Grand Meaulnes est perdu légendairement dans les sables de la Sologne comme le domaine d’Antinea est perdu dans les sables du Sahara, et l’art qui obtient ici le plus d’effet est évidemment celui dont les moyens sont les plus sobres. […] Enfant perdu de la destinée, enfant perdu de bataillon d’Afrique, enfant perdu de la grande guerre, Bob a suivi sa chance, souvent mauvaise et parfois bonne. […] C’est sur cette voie qu’il a ramassé la brebis perdue pour la porter vers son foyer. […] Un romancier, s’il trouve un bon traducteur, ne perd que peu à la traduction. […] Faute d’un point, vous perdrez le prix d’éloquence.

1389. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Lamartine.] » pp. 534-535

Comme ces pièces premières de Lamartine n’ont aucun dessin, aucune composition dramatique, comme le style n’en est pas frappé et gravé selon le mode qu’on aime aujourd’hui, elles ont pu perdre de leur effet à une première vue ; mais il faut bien peu d’effort, surtout si l’on se reporte un moment aux poésies d’alentour, pour sentir ce que ces élégies et ces plaintes de l’âme avaient de puissance voilée sous leur harmonie éolienne et pour reconnaître qu’elles apportaient avec elles le souffle nouveau.

1390. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bourget, Paul (1852-1935) »

. — Profils perdus (1884)

1391. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dorchain, Auguste (1857-1930) »

Tout le long du livre, il se pose cette seule question : « S’il doit, ou non, perdre sa candeur, et s’il peut se permettre de consommer l’œuvre de chair en dehors du mariage ? 

1392. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XX. Conclusion » pp. 499-500

au navire encore perdu dans le brouillard ou la nuit194.

1393. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 343-347

[Pierre de] On ne sait pas où est né cet Auteur, mais c’est une bien petite gloire perdue pour sa patrie.

1394. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 497-500

On perd bien du repos pour faire un peu de bruit, Et ce bruit ne vaut pas la peine qui le suit.

1395. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre III. Des Ruines en général. — Qu’il y en a de deux espèces. »

Nous ne saurions peindre l’émotion que nous causèrent ces chants religieux ; nous crûmes ouïr une voix du ciel qui disait : « Chrétien sans foi, pourquoi perds-tu l’espérance ?

1396. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre V. Ruines des monuments chrétiens. »

Dans les ordres grecs, les voûtes et les cintres suivent parallèlement les arcs du ciel ; de sorte que, sur la tenture grise des nuages ou sur un paysage obscur, ils se perdent dans les fonds ; dans l’ordre gothique, au contraire, les pointes contrastent avec les arrondissements des cieux et les courbures de l’horizon.

1397. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Pierre » pp. 200-201

Depuis une douzaine d’années il a toujours été en dégénérant, et sa morgue s’est accrue à mesure que son talent s’est perdu.

1398. (1763) Salon de 1763 « Peintures — La Grenée » pp. 206-207

Gardez-vous bien de mettre cette ébauche en couleur ; ce serait du temps et de l’huile perdus.

1399. (1763) Salon de 1763 « Sculptures et gravures — Falconet » pp. 250-251

Appuyez-y votre doigt, et la matière qui a perdu sa dureté, cédera à votre impression.

1400. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

Parmi ces gens dévoués, le plus grand nombre, il faut leur rendre justice, s’est tout d’abord laissé séduire par les Alcine qu’ils allaient arracher au mal ; et ils ont joyeusement perdu santé et fortune, et souvent mieux que cela dans leur expédition manquée. […] Unique descendant des comtes Mignon de la Bastie et ancien colonel de la garde impériale, il vient, au moment où commence le livre, de perdre une fortune immense que, depuis la Restauration, il avait su acquérir au Havre, dans le commerce d’outremer. […] Cet homme-là, Hassan, Rolla ou Franck n’aime en vérité que lui-même et ne se perd pas un instant de vue. […] Ces héros ne sont pas très changés de ce qu’ils étaient naguère ; les caporaux n’ont plus en main le terrible bâton, classique représentant de la discipline ; mais pourtant ce bâton n’est pas perdu ; tous les soldats raides et inflexibles dans leurs mouvements, l’ont certainement avalé. […] Ils ont perdu des tours, des églises, la vieille bourse ; mais ils ont sauvé la banque et les gros livres.

1401. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

En face de Hume, de Voltaire, ils fondent une secte monacale et convulsionnaire, et triomphent chez eux par le rigorisme et l’exagération qui les perdraient chez nous. […] Et si un homme ne l’a pas, il y a dix à parier contre un qu’on découvrira qu’il en est dépourvu, et alors tout son travail et toutes les peines qu’il a prises pour la feindre sont perdus. […] On s’afflige de voir tant de travail perdu ; on s’étonne que, pendant tant de générations, des hommes si vertueux, si zélés, si réfléchis, si loyaux, si bien munis de lectures, si bien exercés par la discussion, ne soient parvenus qu’à remplir des bas-fonds de bibliothèques. […] Je quitterai mes affaires, je perdrai mon temps, je jetterai mon argent, j’entreprendrai des ligues, je payerai des amendes, j’irai en prison, je mourrai à la peine : il n’importe ; je n’aurai pas fait de lâcheté, je n’aurai pas plié sous l’injustice, je n’aurai pas cédé une seule parcelle de mon droit. […] Chez nous, M. de Conflans, qui par lâcheté a perdu sa flotte, en est quitte pour une épigramme ; ici, l’amiral Byng, qui par prudence a évité de risquer la sienne, est fusillé.

1402. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

Quelle raison avez-vous de vivre comme vous vivez et de perdre votre temps ? […] — Avez-vous appris, disait un autre, que Paul Temitch a perdu vingt mille roubles au jeu ? […] Que Dieu me préserve du malheur de le perdre ! […] Mais lorsqu’il s’agit de lui révéler le fatal événement, il faillit en perdre la tête. […] Erochka, qui avait perdu de vue Guérassime, était rentré à la maison pour y raconter ce dont il avait été témoin.

1403. (1898) La cité antique

Par leur victoire ils avaient sauvé Athènes, mais par leur négligence ils avaient perdu des milliers d’âmes. […] La maison et le champ étaient comme incorporés à elle, et elle ne pouvait ni les perdre ni s’en dessaisir. […] Tout cet ensemble était compris dans le titre de citoyen et se perdait avec lui. […] En la perdant, il perdait tout. […] L’exilé perdait donc tout cela en perdant la religion de la patrie.

1404. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Gardons-nous de nous abandonner au charme dangereux de cette étrangeté : c’est le chant de la Sirène qui perd celui qui s’y arrête. […] Tout aussitôt elle prend une piste, puis revient sur elle-même, car elle aurait peur de perdre quelque avantage à s’engager trop avant. […] Ce n’est pas seulement amour d’indépendance qui sent ce qu’elle va perdre en se remettant aux mains d’un autre… c’est encore raffinement d’esthétique qui repousse les exigences d’un maître. […] Je veux supposer qu’il n’ait rien perdu de cette lucidité première qui fit son indépendance. […] Il ne se laisse pas éblouir, il ne perd pas un instant la tête.

1405. (1925) Portraits et souvenirs

Tout ce qui illustre M. de Valmont perdrait Mme de Merteuil. […] Parfois même, il s’envolait et se perdait dans les nues. […] Son labeur prodigieux y perdrait quelque chose qui la rehausse. […] Mandrin a fort à perdre en la compagnie où on le met d’ordinaire. […] Ce fut cette louable ambition qui me perdit.

1406. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « [« Pages extraites d’un cahier de notes et anecdotes »] » pp. 439-440

Je veux noter ici, chemin faisant, mille petits détails que ma mémoire perdrait et qui me plairont un jour comme souvenirs. » Ces premières notes sont presque toutes relatives au monde de Mme Récamier et aux personnages que j’y voyais ou qu’elle avait connus.

1407. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Franc-Nohain (1873-1934) »

Franc-Nohain, enfant perdu du vers libre, qu’il manie de toutes façons picaresques, et non, je le crois, sans par-ci par-là quelques parodies de ses contemporains.

1408. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Louÿs, Pierre (1870-1925) »

Pierre Louÿs ne pourront qu’étendre cet amour à ses poèmes, tant l’harmonie et la grâce sensuelle des phrases d’Aphrodite s’y retrouvent, avec le même souci de la forme et la même évocation aussi d’une beauté dont le culte semble s’être perdu.

1409. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Nodier, Charles (1780-1844) »

Il perdait les pierres précieuses comme le sable.

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