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1435. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

Ce que la République était pour le général romain, la Restauration le fut pour M. de Marcellus : un engagement auquel il ne voulut jamais manquer, véritable homme d’honneur de la Restauration. […] Homère, par M. de Marcellus, la Bible, par Chateaubriand, eussent été deux livres précieux pour la littérature française ; elle manque d’antiquités, ils lui auraient donné ce qui lui manque. […] J’ai à me plaindre des Ansariés qui ont massacré un de mes frères ; j’espère que ces pistolets ne manqueront jamais personne, qu’ils protégeront tes jours, et qu’ils vengeront la cause de ton amie. » « Il partit, et il brûla cinquante-deux villages.

1436. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

J’ai été comme ébloui ; j’ai cru sentir la voûte du ciel s’écrouler sur moi, le plancher manquer sous mes pieds, le soleil et la nuit se confondre et entrer pêle-mêle, comme sous un coup de marteau, dans ma tête ; je n’ai pas eu le temps de respirer, j’étais essoufflé, ou plutôt il m’a semblé que j’étais poussé par une main puissante à travers des espaces incommensurables, tantôt répugnants, tantôt délicieux, tantôt par force, tantôt par plaisir ; ici affreuse stérilité, là fécondité prodigieuse, hurlements affreux d’un côté, musique caressante de l’autre ; allant où je ne voulais pas aller, m’arrêtant où je ne voulais pas m’arrêter, mais allant toujours, comme si la poigne du Juif errant m’eût déraciné de terre pour me contraindre à le suivre jusqu’en enfer ; en un mot, Monsieur, ce livre m’a souvent révolté, toujours entraîné, et je suis arrivé au bout en maudissant la route ; mais, comme la roue précipitée sur une pente d’abîmes où il lui est impossible de s’arrêter, j’étais moulu quand j’ai été au fond. […] J’ai été paysan, Monsieur, et je n’ai jamais vu dans nos montagnes le pain, le maïs, la rave, le lait de la chèvre ou de la vache manquer à l’innocence des enfants ou à la pénurie des vieillards, à quelque porte que Dieu vînt y frapper par la main de ces privilégiés de sa Providence. […] J’ai vu des années où le blé était rare et cher, et où les châtaignes mêmes manquaient ; mais je dois déclarer en toute vérité que je n’ai jamais vu une famille indigente souffrir de froid et de faim pendant qu’il y avait une étable pour la réchauffer chez le voisin, des galettes sur la nappe écrue de la table, du lait dans l’écuelle des autres enfants ! […] Misère du suicidé qui s’est manqué et qu’on repêche du flot, humble, contraint, et méditant peut-être un deuxième suicide !

1437. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

Le sort en est jeté, j’écris ce livre : qu’il soit lu par mes contemporains ou par la postérité, n’importe ; il peut bien attendre un lecteur pendant un siècle, puisque Dieu lui-même a manqué, durant six mille années, d’un contemplateur tel que moi. » Cette expression hardie d’un orgueilleux enthousiasme prouve la force intérieure du génie. […] Nul homme, quelque dépravé qu’il soit, ne dira qu’il ne faut pas de morale ; car, celui même qui serait le plus décidé à en manquer, voudrait encore avoir à faire à des dupes qui la conservassent. […] « C’est manquer, dit-elle, tout à fait de respect à la Providence, que de nous supposer en proie à ces fantômes qu’on appelle les événements : leur réalité consiste dans ce qu’ils produisent sur l’âme, et il y a une égalité parfaite entre toutes les situations et toutes les destinées, non pas vues extérieurement, mais jugées d’après leur influence sur le perfectionnement religieux. […] Il n’a manqué à cette femme, pour être la première des femmes d’action et des femmes de gloire, que l’échafaud de Marie-Antoinette ou de madame Roland.

1438. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre II. La poésie lyrique » pp. 81-134

Et à juste titre il s’est peu servi de la rime, qui depuis les excès des Parnassiens, est devenue à nos oreilles tellement insupportable, qu’une rime riche maintenant nous paraît plutôt une faute de goût et un manque de beauté qu’une preuve d’art ou de sentiment. » Son âme, qui s’apparente parfois à celle des poétesses ultra-romantiques, se complaît dans des décors de nature idéalisée suivant le cœur de Mme de Staël. […] Il ne pouvait pas ne pas l’être et, précisément, les défauts dont on lui tient rigueur, et que nous signalerons (surtout son manque de mesure), témoignent en faveur de l’intensité lyrique de ses dons. […] Tu le suivras : la rame a bondi sur la mer ; Mais avant qu’à tes pieds manque le sable amer. […] Ce ne sont ni les sujets ni les couleurs qui manquent aux épopées.

1439. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « H. Forneron » pp. 149-199

Malheureusement, dans une histoire où le Catholicisme tient une si grande place qu’il semble tenir toute la place, il faudrait le sens profond et nécessaire du Catholicisme, et il manque à Forneron. […] III Mais quand une fois ceci est dit, — et ceci est plus qu’une critique, c’est la négation absolue de l’histoire religieuse que j’avais rêvée et qui continuera de manquer sur le xvie  siècle ; — ceci dit, — qui est plus qu’une critique, car c’est un regret et presque une mélancolie, — l’Histoire des ducs de Guise par Forneron, ce rationaliste du xixe  siècle, qui, à cette heure de démocratie éperdue, avait pourtant la force d’être royaliste encore et qui osait se préoccuper de l’unité du pouvoir politique et mesurer la gloire des hommes à ce qu’ils ont fait pour elle, est un livre dédoublé, hélas ! […] Ce livre a la puissance personnelle des facultés qui font le talent, mais il a l’impuissance de son siècle, — d’un siècle à qui manque radicalement le sens des choses religieuses, et il en faut au moins la connaissance et la compréhension pour en parler dans une histoire où elles tiennent une si grande place. […] Il l’a poursuivie jusque dans les armées aux commandements contradictoires, et où un homme comme Hoche, terrorisé par la Convention, manquait à sa parole de chef de guerre et se déshonorait par le massacre de Quiberon.

1440. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Proudhon » pp. 29-79

Figurez-vous ce qu’aurait dit Voltaire lui-même, en retrouvant, lui d’une si princesse élégance, ces impiétés, qui manquaient déjà de distinction sur ses lèvres, sur les lèvres de ce paysan : En aurait-il ri ? […] C’est là même l’infériorité de ce livre posthume, auquel la dernière main a manqué et que j’ai l’audace de trouver beau. […] Le mérite de ce magnifique livre, — inachevé comme tant de choses belles qui gagnent peut-être à être inachevées, — comme cette statue de l’Amour du grand Michel-Ange, déterrée après sa mort, et à laquelle il manquait un bras ; — le mérite de ce livre ne s’arrête qu’aux endroits où Proudhon cesse d’être chrétien — le chrétien qu’il est de nature — et se heurte à sa philosophie… Livre profond et éloquent ! […] L’éditeur est-il donc un porteur de quelle de Bas-Bleu, pour n’avoir pas mis ici le nom de ces dames, que Proudhon, dont le front aurait crevé tous les masques, n’eût pas manqué d’écrire à la tête de son livre ?

1441. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

Plusieurs passages, et des plus curieux, manquaient, entre autres les portraits de tous les grands personnages du conseil d’Espagne. […] « Le lever, le coucher ; les deux autres changements d’habits tous les jours, les chasses et les promenades du roi, tous les jours aussi, il n’en manquait jamais ; quelquefois dix ans de suite sans découcher d’où était le roi, et sur pied de demander un congé, non pas pour découcher, car en plus de quarante ans il n’a jamais couché vingt fois à Paris, mais pour aller dîner hors de la cour et ne pas être de la promenade. » Vous êtes une décoration, vous faites partie des appartements ; vous êtes compté comme un des baldaquins, pilastres, consoles et sculptures que fournit Lepautre. […] C’est « la plus grande plaie que la patrie pût recevoir, et qui en devint la lèpre et le chancre. » Lorsqu’il apprend que d’Antin veut être pair, « à cette prostitution de la dignité », les bras lui tombent ; il s’écrie amèrement : « Le triomphe ne coûtera guère sur des victimes comme nous. » Quand il va faire visite chez le duc du Maine, bâtard parvenu, c’est parce qu’il est certain d’être perdu s’il y manque, ployé par l’exemple « des hommages arrachés à une cour esclave », le cœur brisé, à peine dompté et traîné par toute la volonté du roi jusqu’à « ce calice. » Le jour où le bâtard est dégradé est une « résurrection. » « Je me mourais de joie, j’en étais à craindre la défaillance. […] « Madame de Castries était un quart de femme, une espèce de biscuit manqué, extrêmement petite, mais bien prise, et aurait passé par un médiocre anneau ; ni derrière, ni gorge, ni menton ; fort laide, l’air toujours en peine et étonné ; avec cela une physionomie qui éclatait d’esprit et qui tenait encore plus parole. » Il les palpe, il les retourne, il porte les mains partout, avec irrévérence, fougueux et rude.

1442. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — II. (Suite.) » pp. 346-370

Son but, par cette quantité d’idées et de vues qu’il essayait chaque jour, son vœu du moins bien évident était de clore la Révolution le plus tôt possible, d’arriver à un gouvernement régulier, à l’ordre ; mais les hommes manquaient encore aux choses, et il est souvent infligé aux sociétés en détresse de les désirer longtemps. […] Où trouvez-vous que je manque ou d’éloquence, ou de sensibilité, ou d’imagination ? […] Et elle se justifie aussi sur les obscurités qu’on lui a reprochées ; puis elle revient au point essentiel et qui la pique : Mais je crois que l’ouvrage ne manque pas de style, c’est-à-dire de vie et de couleur, et qu’il y a, dans ce qu’on peut remarquer, autant d’expressions que d’idées… En vérité, ajoute-t-elle, comme pour s’excuser de sa louange, je me crois sûre que l’auteur et moi nous sommes deux ; femme jeune et sensible, ce n’est pas encore dans l’amour-propre qu’on vit.

1443. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

. — L’homme que nous verrons si modéré, si tolérant, si timide même, ne manque pas d’une certaine énergie ardente que ses autres qualités recouvrent. […] En parlant des mots d’abord nobles, de quelques mots employés par Malherbe lui-même, mais qui finirent par être déshonorés dans un emploi familier, et qu’il fallut expulser alors de la langue de choix : « C’est le cheval de parade, dit-il, qui, sur ses vieux jours, est envoyé à la charrue20. » Ailleurs (préface du troisième volume), quand, voulant marquer que la poésie d’une époque exprime encore moins ce qu’elle a que ce qui lui manque et ce qu’elle aime, il dit : « C’est une médaille vivante où les vides creusés dans le coin se traduisent en saillies sur le bronze ou sur l’or, » ceci n’est-il pas frappé, de l’idée à l’image, comme la médaille même ? […] Toutes ses qualités de précision, de propriété, de suite, de sagacité fine et de relief en peu d’espace, y sont fondues entre elles, et en équilibre avec le sujet même, qui ne demandait ni un certain essor ni une certaine flamme dont l’auteur ne manquerait peut-être pas, mais qu’il s’interdit.

1444. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

Crinet de la Coucaratcha, dans le Juge de Deleytar 55, il a poussé un peu loin la pointe, il a grossoyé et charbonné à plaisir la raillerie ; mais l’entretien certes n’y manque pas. […] Latréaumont, malgré l’habileté de l’agencement, manquait d’un genre de ressources : la tentative de livrer Quillebeuf aux Hollandais et de soulever la Normandie en 1674, était par trop dénuée de raison ; une telle échauffourée n’allait même pas à se colorer selon les perspectives du roman. […] En vain l’auteur semble le croire corrigé vers la fin, dans sa vie heureuse avec Marie ; le temps seul lui a manqué pour rompre encore ; un an ou deux de plus, et je réponds qu’Arthur aurait traité cette Marie comme il avait traité Catherine, Marguerite et Hélène.

1445. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

Ce qui reste de la pensée et de la vie intérieure des hommes, par rapport au courant continuel de leur esprit, n’est jamais que le fragment des fragments ; il nous manque les intermédiaires, ce qu’en ses ébauches surtout supprimait pour soi cette pensée rapide, parce qu’elle le supposait connu, ce que les amis habituels avaient chance de savoir tout simplement mieux que nous ne le devinons. […] Qu’on veuille encore une fois se représenter l’état vrai de la question : des deux puissances qui sont aux prises chez Pascal et dont l’une triomphe, il en est une que nous comprenons tout entière, que nous sentons toujours et de mieux en mieux, le scepticisme, et quant à l’autre, quant au remède pour lui souverainement efficace et victorieux, nous sommes de plus en plus en train de l’oublier, ou du moins de le transformer vaguement, de n’y pas attacher tout le sens effectif ; de là nous nous trouvons induits, en jugeant Pascal, à transporter en lui le manque d’équilibre qui est en nous, à le voir plus en doute et plus en détresse qu’il n’était réellement sous ses orages. […] Il manque encore ici quelque chose dans la rapidité d’un billet écrit surtout avec l’intention d’être agréable.

1446. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

Les sophismes, les aperçus appelés ingénieux, quoiqu’ils manquent de justesse, tout ce qui diverge enfin, doit être uniquement considéré comme un défaut. […] Mais si vous prenez du raisonnement ce qui trouble l’instinct, sans atteindre à ce qui peut en tenir lieu, ce ne sont pas les qualités que vous possédez qui vous perdent, ce sont celles qui vous manquent. […] Le type de ce qui est bon et juste ne s’anéantira plus ; l’homme que la nature destine à la vertu ne manquera plus de guide ; enfin (et ce bien est infini) la douleur pourra toujours éprouver un attendrissement salutaire.

1447. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

Le préjugé et l’intérêt pourraient seuls en ternir l’évidence ; mais jamais cette évidence ne manquera à une tête saine et à un cœur droit. […] Une forme d’esprit si universelle ne peut manquer de leur sembler naturelle ; ils sont comme des gens qui, ne parlant qu’une langue et ayant toujours parlé aisément, ne conçoivent pas qu’on puisse parler une autre langue, ni qu’il y ait auprès d’eux des muets ou des sourds  D’autant plus que la théorie autorise leur préjugé. […] Si l’une de ces conditions manque, la raison, surtout la raison politique, est absente. — Chez le paysan, chez le villageois, chez l’homme appliqué dès son enfance au travail manuel, non seulement le réseau des conceptions supérieures fait défaut, mais encore les instruments internes qui pourraient le tisser ne sont pas formés.

1448. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis »

Venez donc, et ne manquez pas d’apporter avec vous la lyre d’Orphée. » Quels que fussent les progrès de Côme dans la doctrine de son philosophe favori, il y a lieu de croire qu’il appliquait à la vie active et réelle les préceptes et les principes qui étaient pour les subtils dialecticiens de son siècle une source si abondante de disputes interminables. […] Rien ne manquait à cette maison pour changer cet empire volontaire en sceptre. […] La cérémonie était commencée quand François Pazzi et Bandini, voyant que l’une des principales victimes, Julien, était en retard et manquait au sacrifice, allèrent au-devant de lui pour presser sa marche, et l’ayant trouvé en chemin, affectèrent l’enjouement et la familiarité d’anciens compagnons de plaisirs, pour le prier de se rendre à l’église et pour tâter, en l’embrassant, s’il n’avait point de cuirasse sous ses habits ; ils badinèrent même avec lui en entrant dans l’église, pour prévenir tout soupçon et l’empêcher de songer à revenir sur ses pas.

1449. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

Le malheur fut que le génie manqua aux faiseurs de mystères. […] Voilà, en somme, l’esprit des farces : un bon sens tout terre à terre, un manque essentiel de confiance, de charité, de tendresse, une moralité réduite à peu près à la honte d’être dupe, avec une instinctive sympathie pour les dupeurs en tout genre. […] Étant du xve  siècle, et profondément bourgeoise, l’œuvre manque manifestement d’élévation morale : elle est plutôt prosaïquement insoucieuse de l’idéal moral, qu’effectivement immorale.

1450. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

Il manque de probité, non de pénétration. […] Les larmes lui manquent, et la pitié. […] Elle avait voulu seulement s’assurer de quoi ne pas manquer de pain en sa vieillesse.

1451. (1895) La musique et les lettres pp. 1-84

— Je signale, que le risque manque à réimprimer nos classiques, au fur et à mesure de la demande. […] le conscient manque chez nous de ce qui là-haut éclate. […] Nœud de la harangue, me voici fournir ce morceau, tout d’une pièce, aux auditeurs, sur fond de mise en scène ou de dramatisation spéculatives : entre les préliminaires cursifs et la détente de commérages ramenée au souci du jour précisément en vue de combler le manque d’intérêt extra-esthétique. — Tout se résume dans l’Esthétique et l’Économie politique.

1452. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Comme l’archer Pandarus d’Homère, il cherche longtemps dans son carquois une flèche droite et acérée, mais cette flèche ne manquera pas le but. […] L’exposition du poème, la description du site, la peinture de la vie des bohémiens n’occupent que dix-sept vers, et cependant que manque-t-il au tableau ? […] Il me semble qu’il y avait mieux à faire avec ce héros étrange, précurseur de Pierre le Grand, à qui peut-être il n’a manqué pour réussir et faire souche de souverains qu’un peu plus de prudence et moins de douceur.

1453. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Outre donc ce qui manquait à l’ordre des vérités philosophiques transmises par l’antiquité au monde moderne, tout un ordre nouveau de vérités morales devait venir du christianisme par la voix de la Réforme, c’est-à-dire de la renaissance de l’antiquité chrétienne. […] Le prodigieux travail de sa jeunesse lui avait donné la facilité de la parole et de la plume, une conception nette et rapide à laquelle l’expression ne manquait jamais ; outre une mémoire incroyable qui lui permettait de reprendre une dictée longtemps interrompue à l’endroit même où il l’avait laissée, et une sobriété pour le sommeil, qui doublait la longueur de sa vie. […] Son style exact précis, vigoureux, manque de couleur et d’onction.

1454. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Il a failli manquer à son serment ; il a un instant reculé d’un demi pied devant les infidèles et il ne veut pas mourir sans être absous de cette faute. […] Au temps de Louis XI, qui est bien près d’être celui de Machiavel, la ruse, le manque de parole sont procédés familiers ; la finesse dégénère en déloyauté, l’habileté en fourberie. […] Il ne manque pas de caractères contredisants à qui l’on fait aimer ce qu’on cherche à leur faire haïr et ceux-là sont le châtiment des propagandistes à outrance.

1455. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — Y. — article » pp. 529-575

En attendant que nous nous procurions les secours qui nous manquent pour l'achever, nous croyons ne pouvoir mieux terminer celui-ci, que par quelques réflexions contre les Détracteurs de la Religion, qui osent lui attribuer la plus grande partie des maux qui affligent le genre humain. […] Nous sommes bien éloignés de vouloir avilir nos Contemporains : mais quelle comparaison entre ces temps de grandeur & d'élévation, de franchise & de bonne foi, où la soumission religieuse contenoit les esprits, fixoit les sentimens, régloit les mœurs, & ce temps de vertige où tout paroît permis, où l'on n'est retenu par aucun frein, où l'on craint plus de manquer aux bienséances qu'à la vertu, où les rangs décident la Justice, où l'intérêt public est continuellement sacrifié à l'intérêt particulier ? […] Nous savons qu'on rencontre parmi les vicieux & les criminels, des hommes persuadés de la vérité de la Religion : mais quelle différence entre l'homme qui manque aux devoirs de la Religion, en conservant dans son cœur le respect pour cette Religion même, & l'homme effréné, qui se livre par principe à ses passions, à sa perversité naturelle ou acquise, parce qu'il a déjà abjuré au dedans de lui-même la Religion qui combat ses mauvais penchans !

1456. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

Olympe atteint le but que Clorinde a manqué. […] Elle manque d’importance, de gravité, de sérieux historique, de foi en elle-même. […] On le voit à travers notre analyse, ce qui manque au drame de M. 

1457. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

Rien n’y manqua. […] Les Joseph Grippa ne manquent pas plus aux Filangieri que les Torregiani aux Michel-Ange et les Scudéry aux Corneille. […] Elle en est à manquer son coup.

1458. (1913) La Fontaine « III. Éducation de son esprit. Sa philosophie  Sa morale. »

Remarquez, de plus, que La Fontaine manque rarement une occasion d’attaquer les stoïciens. […] Si tu te plains de n’avoir pas une jolie voix, je t’ôterai de plus ton plumage. » Avis aux hommes qui regrettent toujours de n’avoir pas les qualités qui leur manquent et qui les réclament à la Destinée. […] Tous ces animaux qui tombent dans une disgrâce — presque tous du moins — y tombent parce qu’ils ont manqué de prévoyance, de prudence, qu’ils n’ont pas été avisés.

1459. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

Les socialistes allemands disent que nous manquons à la doctrine, mais lui, il savait encore mieux qu’eux ce que c’est que le socialisme. […] Ce qui manquait à ces esprits intuitifs et bien intentionnés, c’est cette discipline intellectuelle que donne une culture plus forte et mieux équilibrée que leur éducation incomplète de primaires ; c’est encore cette discipline morale de la foi religieuse qu’ils n’avaient pas et que même ils combattaient comme attentatoire à l’idée fausse qu’ils se faisaient de la liberté humaine. Cette double discipline de l’esprit et du cœur nous manquait d’ailleurs, à nous Français ; nous n’étions ni assez cultivés, ni assez religieux, de là cet état anarchique où nous vivions dans l’avant-guerre.

1460. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre x »

Après la guerre, il manquera à la France des intelligences, des pensées, des bras : c’est vous, les gosses d’aujourd’hui, qui serez la jeunesse de demain. […] Écoutez la missive d’un jeune chevalier français, au cœur pur :‌ Ma chère J… Comment vous remercier de tout le bien que vous me faites : par vos lettres si pleines de chaudes paroles qui réconfortent, si douces comme celles d’une sœur aînée qui me manque, mais que je trouve en vous… Que puis-je faire pour vous prouver ma reconnaissance ? […] Voilà deux croyants, direz-vous : il n’en manqua jamais.

1461. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Ainsi, le savant abbé Massieu, d’une pureté attique dans le langage de sa dissertation, veut-il, devant l’Académie des inscriptions et belles-lettres, représenter fidèlement la poésie de Pindare, il a soin de la traduire dans une prose si bien paraphrasée qu’il n’y reste pas le moindre souffle lyrique ; et il ne manque pas cependant de s’excuser des témérités qu’il croit y voir encore, et d’en demander grâce pour l’original. […] La voix, dont les hardis préludes chantant, il y a plus d’un quart de siècle, la grandeur du conquérant de l’Europe en cellule il Sainte-Hélène, célébraient cet aigle qui, abattu et captif, Manque d’air dans la cage, où l’exposent les rois ; cette voix, aujourd’hui proscrite par un contrebas de la fortune, ne serait pas embarrassée pour rendre l’expression littérale et l’accent même du poëte thébain, pour nommer l’oiseau domestique, non moins que sa cage ; et, sans avoir besoin de l’aigle, personnage noble en tout temps, elle dirait ce coq guerroyant au logis (ἐνδομάχης), dont s’effrayait le bon abbé Massieu. […] Voltaire n’a pas manqué de trouver cette autorité poétique frivole et peu concluante.

1462. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — I » pp. 246-260

La Bruyère fut surtout frappé chez le jeune abbé du manque absolu de tact, de la confiance à se mettre en avant soi et ses idées, de la distraction sur tout le reste, et de ce parfait oubli des nuances sociales. […] Ce qui lui manquait précisément, c’était le grain de malice.

1463. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite.) »

Schouvaloff comment ils m’avaient disposée en leur faveur ; je leur marquais un profond mépris ; je faisais remarquer aux autres leur méchanceté, leur bêtise… Comme il y avait grand nombre de gens qui les haïssaient, je ne manquai pas de chalands. […] Je viens de dire que je plaisais, par conséquent la moitié du chemin de la tentation était faite, et il est en pareil cas de l’essence de l’humaine nature que l’autre ne saurait manquer ; car tenter et être tenté sont fort proches l’un de l’autre, et malgré les plus belles maximes de morale imprimées dans la tête, quand la sensibilité s’en mêle, dès que celle-ci apparaît, on est déjà infiniment plus loin qu’on ne croit, et j’ignore encore jusqu’ici comment on peut l’empêcher de venir.

1464. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LA REVUE EN 1845. » pp. 257-274

Ce n’est point à cette révolution même que je l’impute, mais au manque absolu de direction morale qui a suivi, et auquel les hommes d’État les mieux intentionnés n’ont pas eu l’idée, ou le temps et le pouvoir, de porter remède. […] Ce lien qui, disait-on, avait quelquefois manqué aux divers travaux critiques de la Revue, ce lien dont nous avons trop senti nous-même, à de certains jours, le relâchement, et que nous nous sommes efforcé bien souvent de rattacher, il existe désormais, il est formé manifestement ; les attaques mêmes du dehors et l’union des agresseurs nous le démontrent.

1465. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « L’abbé Prevost et les bénédictins. »

Ne deviez-vous pas prévoir, et moi aussi, les peines que nous ne manquerions pas de nous causer tôt ou tard, et les extrémités fâcheuses où elles pourroient aboutir ? […] Lorsqu’il apprit que son plan avait manqué et qu’il se trouvait dans la situation d’un fugitif que personne ne protégeait, il songea à sa sûreté personnelle très-compromise.

1466. (1875) Premiers lundis. Tome III « Sur le sénatus-consulte »

Il tend à rendre au Corps législatif quelques-unes des attributions vitales qui lui manquaient. […] Nous signalons ce prospectus aux amateurs : il nous a été impossible de nous le procurer ; il manque à la Bibliothèque nationale, bien qu’il soit indiqué comme déposé, sur le Journal de la Librairie.

1467. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre II. L’homme »

Faute d’issue, l’ambition était petite ; faute de communications, l’envie manquait ; on n’essayait pas d’imiter Paris. […] Dès que j’ai un grain d’amour, je ne manque pas d’y mêler tout ce qu’il y a d’encens dans mon magasin. » En toutes choses il exagérait, et sincèrement.

1468. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VII. Induction et déduction. — Diverses causes des faux raisonnements »

Si l’on accuse certaines personnes, et les femmes surtout, de manquer de logique, c’est que, dans leurs raisonnements, les images viennent brusquement expulser les idées, et introduire des objets concrets qui intéressent la sensibilité : l’argumentation commencée selon l’ordre de la raison se poursuit selon l’ordre du cœur ; la conclusion n’a plus la valeur d’une nécessité universelle, mais d’une volonté individuelle. […] Ici se présentent deux écueils où l’on ne manque guère de se heurter, et souvent on ne fait qu’aller de l’un à l’autre.

1469. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre I. Les théories de la Pléiade »

Manque une idée directrice : la connaissance nette du mérite essentiel par où valent les œuvres antiques. […] Bien des mots manquaient encore à la langue ; quand l’esprit se gonflait de tant d’idées, il fallait bien que le vocabulaire se remplît : il était impossible de ne pas innover beaucoup dans l’expression.

1470. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « III. Quelques mots sur l’explication de textes »

Là même où domine l’idée, où la vérité plus que la beauté a été l’objet de l’écrivain, l’impression et l’interprétation personnelle sont à leur place : tout le monde ne voit pas tout ; les œuvres fortes ne se livrent qu’aux forts esprits ; et l’on se propose précisément, par l’exercice dont nous parlons, de former chez les jeunes gens une habitude d’aller au-delà du sens grossier que nul ne manque d’apercevoir, et un art de rassembler — dirai-je de mobiliser   rapidement toutes leurs facultés, pour arracher au texte le plus possible de son secret. […] Il est clair qu’elle ne pouvait manquer de s’organiser, lorsque les textes français se trouveraient dans une condition analogue à celle des textes sacrés, ou des textes de l’antiquité classique.

1471. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Joséphin Soulary »

Soulary a beau s’en moquer : il lui manque absolument. Je n’ignore pas qu’il manque aussi à beaucoup de Parisiens ; mais enfin, s’il y a des provinciaux à Paris, il y en a peut-être encore plus en province.

1472. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Barbey d’Aurevilly. »

L’impression qui se dégage de ses livres est plus forte que toutes les professions de foi de l’écrivain. « L’homme, lisons-nous dans l’Imitation, s’élève au-dessus de la terre sur deux ailes : la simplicité et la pureté. » Ces deux ailes manquent étrangement à l’auteur d’Une vieille maîtresse. […] L’abbé Sombreval, le prêtre athée et marié, qui feint de se convertir pour que sa fille ne meure pas ; l’orgueilleux, farouche et impassible abbé de la Croix-Jugan, effroyable sous les cicatrices de son suicide manqué ; le chevalier de Mesnilgrand, le truculent et flamboyant athée…, il les voit immenses, il les aime, il bouillonne d’admiration autour d’eux.

1473. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lamartine, Alphonse de (1790-1869) »

Vous devez vous attendre aussi à vous voir bannir de notre terre d’anarchie et d’ignorance, et il manquera à votre exil le triomphe que […] Il est en effet à l’âge des chefs-d’œuvre, à cette maturité où le poète atteint toute sa puissance de conception et possède en même temps une expérience qui lui manquait dans ses premières années.

1474. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Seconde partie. » pp. 35-56

Que lui manque-t-il alors pour rétablir l’ordre dans l’Univers ? Il ne lui manque que la puissance ; il a le droit d’aimer, de hair ; il a vû tout ce qui blessoit cet ordre, la maladie des Empires, la contradiction des Loix, la Force égorgeant l’Equité ; il a frémi à la fois d’un mouvement de tendresse & d’indignation ; il a voulu terminer les débats antiques de l’horrible oppresseur, & du foible opprimé ; & si dans l’excès de son zèle, il s’est égaré dans ses vûes sublimes, du moins les succès du crime ne lui en ont point imposé, & n’ont point fatigué sa constante vertu.

1475. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre III. La commedia dell’arte en France » pp. 31-58

En tout cas, si Henri avait compté sur eux pour assouplir l’humeur peu traitable de ses sujets, il manqua totalement son but. […] Croyez-vous que, si j’en voulais une, il me manquerait une impératrice pour le moins ?

1476. (1842) Essai sur Adolphe

Si haut que fût placé le fruit doré de ses espérances, le courage ne lui manquerait pas avant de le cueillir. […] Dans la crédulité de son cœur, elle attendra de ce nouvel engagement la paix et la sécurité qui ont manqué au premier ; elle croira que les autres femmes, humiliées de son triomphe, se rallieront autour d’elle.

1477. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre I. L’intuition et la logique en Mathématiques. »

Je voudrais citer des exemples et certes ils ne manquent pas ; mais pour accentuer le contraste, je voudrais commencer par un exemple extrême ; pardon, si je suis obligé de le chercher auprès de deux mathématiciens vivants. […] Nos pères n’auraient pas manqué de dire : « Il est évident que toute fonction continue a une dérivée, puisque toute courbe a une tangente. » Comment l’intuition peut-elle nous tromper à ce point ?

1478. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné, par M. le baron Walckenaer. (4 vol.) » pp. 49-62

Ce mariage manqua par l’habileté de cette jeune fille, qui, à peine sortie de l’enfance, savait des manèges et des ruses qui eussent fait honneur à une héroïne de la Fronde. […] On comprendra qu’étant de cette humeur, elle ne devait pas manquer sur ses pas de téméraires et d’indiscrets ; on le comprendra mieux encore, quand on aura su d’elle-même quelle était sa beauté ; et il ne paraît pas qu’elle l’ait exagérée en aucun trait.

1479. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Journal de la campagne de Russie en 1812, par M. de Fezensac, lieutenant général. (1849.) » pp. 260-274

Après le premier mouvement de retraite manqué sur Kalouga, l’armée dut se rabattre sur la grande route de Smolensk toute désolée et dévastée, et repasser par les traces sanglantes qu’elle s’était faites. […] Aux objections que lui faisaient quelquefois les généraux de brigade, un peu mous et un peu indécis, ce semble, il répondait vivement « qu’il ne s’agissait que de se faire tuer, après tout, et que l’occasion était trop belle pour la manquer ».

1480. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VI. Les localisations cérébrales »

Leuret, par exemple, fait observer qu’à mesure que l’on descend de l’homme aux animaux inférieurs, ce ne sont pas les parties antérieures du cerveau qui viennent à manquer, ce sont les postérieures, celles-là précisément où Gall localise les facultés animales. […] Les lobes olfactifs, qui manquent chez l’homme, mais qui existent chez les animaux, sont liés au sens de l’odorat.

1481. (1854) Préface à Antoine Furetière, Le Roman bourgeois pp. 5-22

Néanmoins, bien qu’à la fin de chaque partie l’auteur ait soin de nous en montrer les acteurs pourvus, ceux-ci par un mariage, ceux-là par la fuite, on sent, à la brusquerie avec laquelle est terminé le dernier chapitre, que le plan n’est pas exactement rempli et que le livre manque de conclusion. […] Les malheurs qui l’ont assailli dans ses dernières années ne l’excusent que trop de s’être manqué de parole à lui-même.

1482. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Jules Janin » pp. 137-154

… D’ailleurs, tout comme il manquait du sens impersonnel de la Critique, Jules Janin manquait également du sens fécond de l’inventeur.

1483. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XV. M. Dargaud » pp. 323-339

Ce n’est rien moins que quatre volumes chargés de ce titre qui oblige et qui ne manque pas d’une certaine grandeur : Histoire de la Liberté religieuse en France et de ses fondateurs, sujet triste et terrible qu’il n’a pas envisagé comme nous l’envisagerions, nous… nous le savons bien. […] En effet, ce n’est presque jamais la vérité du fait ou du jugement politique, — l’Hôpital excepté, — qui manque à cette très noble histoire, c’est la vérité dans la conception de la nature humaine que l’auteur ne saisit pas telle qu’elle est.

1484. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — Se connaître »

Quand nous saurons exactement ce que nous sommes, quel est notre état positif, ce que nous possédons et ce qui nous manque, il est impossible que nous ne consacrions pas toutes nos forces à nous guérir et à reconquérir le terrain perdu. […] La France semble encore posséder en elle des ressources suffisantes pour prendre ce dernier parti ; il est temps toutefois qu’elle se décide, car le manque de décision équivaut lui-même à la ruine.

1485. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XVII » pp. 70-73

Teste, qui s’en iraient échouer dans des siéges à la Cour de cassation ; et on prendrait des hommes plus frais et moins criblés d’échecs (car ces deux ministres ont vu manquer en leurs mains presque tous leurs projets de lois).

1486. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Une discussion dans les bureaux du Constitutionnel »

Qu’est-ce qu’une biographie où manquent les principaux traits ?

1487. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de mademoiselle Bertin sur la reine Marie-Antoinette »

Les pièces officielles n’y manquent pas, les décrets du Comité de salut public, l’interrogatoire et l’inventaire de la Dubarry, les arrêtés du parlement, que sais-je ?

1488. (1874) Premiers lundis. Tome II « Le poète Fontaney »

Fontaney était un homme parfaitement distingué, dans le sens propre du mot, un de ces hommes auxquels il n’a manqué qu’une situation plus heureuse et plus élevée qui fît valoir en eux tous les mérites de l’esprit et du caractère.

1489. (1875) Premiers lundis. Tome III « Viollet-Le-Duc »

Viollet-Le-Duc ne manque pas : Semblables au François qui, durant son jeune aage, Et du Tibre et du Pô fraye le beau rivage : Car, bien que nuict et jour ses esprits soyent flattez Du pipeur escadron des douces voluptez, Il ne peut oublier le lieu de sa naissance ; Ains, chasque heure du jour, il tourne vers la France Et son cœur et son œil, se faschant qu’il ne voit La fumée à flots gris voltiger sur son toict.

1490. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Tailhède (Raymond de la) = La Tailhède, Raymond de (1867-1938) »

Là, le jeune poète me semble apporter tout simplement à nos lettres ce genre de poésie qui leur manquait, au témoignage des meilleurs juges du xviie  siècle.

1491. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVI. Consultation pour un apprenti romancier » pp. 196-200

Victor du Bled n’a jamais chiffonné que l’histoire de France de Dauban, si, malgré son âme lamartinienne, il n’osa jamais s’essayer dans la fiction personnelle, cette lacune de son éducation n’y est-elle pas pour beaucoup qu’oncques il ne manqua de respecter aucun pucelage, y compris hélas le sien ?

1492. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VII. Objections à l’étude scientifique d’une œuvre littéraire » pp. 81-83

Mais que de choses nous manquent encore pour avoir une connaissance pleine et entière d’un individu !

1493. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 309-314

Quoique la force & l'élégance ne soient pas son caractere dominant, elle ne manque ni d'esprit, ni d'imagination ; elle est d'ailleurs quelquefois gaie, toujours honnête, & ne s'est attachée qu'à des sujets que tout Poëte peut traiter sans honte, & tout Lecteur lire sans remords.

1494. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre V. Moralistes. — La Bruyère. »

La Bruyère nous manque ; la Révolution a renouvelé le fond des caractères.

1495. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre premier. Du Christianisme dans l’éloquence. »

D’ailleurs, on ne manquait pas de modèles, puisqu’on avait entre les mains les chefs-d’œuvre du forum antique, et ceux de ce forum sacré, où l’orateur chrétien explique la loi éternelle.

1496. (1761) Salon de 1761 « Peinture — Vien » pp. 131-133

Il a plusieurs qualités de ce grand maître ; mais il lui manque sa force et son génie.

1497. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une conspiration sous Abdul-Théo. Vaudeville turc en trois journées, mêlé d’orientales — Troisième journée. Tout s’explique » pp. 234-240

Comme ces mécréants ne manqueraient pas de souiller d’incongruités grammaticales les oreilles immaculées d’Abdul-Théo, je demande qu’ils ne soient pas interrogés.

1498. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Paul Nibelle »

, l’auront déchirée davantage, cette sensibilité aura des profondeurs, des intonations, des creux qui lui manquent aujourd’hui et qui lui donneront du caractère.

1499. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

Il y manquait cependant un point : la règle morale. […] Voyons maintenant ce qui lui manque. […] Ne croyons pourtant pas que Charron manque absolument d’originalité. […] Mais il naît égaré ; mais la première des vérités lui manque. […] Sous ce dernier aspect, rien ne lui a manqué que le bonheur.

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