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1130. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

Le monde marche ; il se développe de plus en plus dans les voies qui semblent le plus opposées à celles de Pascal, dans le sens des intérêts positifs, de la nature physique travaillée et soumise, et du triomphe humain par l’industrie. […] Le livre de Pascal, dans l’état où il nous est venu, et dans la hardiesse ou le décousu des restitutions récentes, ne saurait être pour personne un livre d’apologétique exact et complet : ce ne peut être qu’une lecture ennoblissante, et qui reporte l’âme dans la sphère morale et religieuse d’où trop d’intérêts vulgaires la font déchoir aisément.

1131. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence de la chaire. » pp. 205-232

Son établissement miraculeux, son triomphe sur les démons & sur les passions des hommes, la violence qu’elle nous commande de faire à nos desirs, la réformation du cœur, la sublimité de ses mystères & de ses dogmes, l’éternité de gloire & de supplices qu’elle nous présente, l’héroisme de ses généreux athlètes  ; toutes ces idées, véritablement grandes, prêtent plus à l’éloquence, au génie heureusement né pour l’art oratoire, que les intérêts des plus grands états. […] Mais toutes les tentatives réunies de ces ridicules ennemis du goût & des vrais intérêts de la religion, furent inutiles & tournèrent contr’eux-mêmes.

1132. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Essai, sur, les études en Russie » pp. 419-428

On peut même ajouter que les pays catholiques ont profité du reflet des lumières que les pays protestants leur ont renvoyé ; qu’un tel préjugé, enseveli par la raison dans des contrées où un clergé ambitieux n’avait plus l’intérêt ni le crédit de le soutenir, a entraîné la honte et enfin la ruine du même préjugé dans la contrée voisine, au grand déplaisir des prêtres. […] Il serait à désirer qu’on eût aussi des catéchismes de morale et de politique, c’est-à-dire des livrets où les premières notions des lois du pays, des devoirs des citoyens, fussent consignées pour l’instruction et l’usage du peuple ; et une espèce de catéchisme usuel, qui donnât une idée courte et claire des choses les plus communes de la vie civile, comme des poids et mesures, des différents états et professions, des usages que le dernier d’entre le peuple a intérêt de connaître, etc.

1133. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Des mariages opérés par la force, le partage des emplois et des dignités entre les hommes les plus considérables des deux peuples, la division même d’une partie des propriétés, rien n’avait pu encore effacer la distinction de Romains et de Sabins : mais ce que n’avaient pu faire des circonstances si propres à confondre les intérêts divers et les prétentions opposées, la haute sagesse de Numa le fit. […] Maintenant, éclairés par des expériences de plus d’un genre, et rendus à notre véritable existence sociale, convenons qu’il n’y a qu’un moyen de réunir tous les partis ; c’est de sentir les raisons de tous, de condescendre à toutes les opinions, de ne point s’attaquer mutuellement avec les armes toujours inconvenantes de l’ironie ou du sarcasme, de se mettre à la place de tous les intérêts.

1134. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIII. Des éloges ou panégyriques adressés à Louis XIV. Jugement sur ce prince. »

On ne le louait pas seulement, comme on loue tous les princes, par intérêt, par reconnaissance, par flatterie, par habitude, par vanité ; on le louait encore par admiration et par enthousiasme. […] Il faut, pour le bonheur d’un peuple, que l’industrie soit exercée et ne soit pas fatiguée ; il faut qu’il soit encouragé au travail par le travail même ; que chaque année ajoute à l’aisance de l’année qui la précède ; qu’il soit permis d’espérer quand il n’est pas encore permis de jouir ; que le laboureur, en guidant sa charrue, puisse voir au bout de ses sillons la douce image du repos et de la félicité de ses enfants ; que chaque portion qu’il cède à l’État, lui fasse naître l’idée de l’utilité publique ; que chaque portion qu’il garde, lui assure l’idée de son propre bonheur, que les trésors, par des canaux faciles, retournent à celui qui les donne ; que les dépenses et les victoires, tout, jusqu’au sang versé, porte intérêt à la nation qui paie et qui combat ; et que la justice même, en pesant les fardeaux et les devoirs des peuples, n’use pas de ses droits avec rigueur, et se laisse souvent attendrir par l’humanité, qui n’est elle-même qu’une justice.

1135. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

L’absence d’œuvres importantes ne nous permet point d’étayer encore une affirmation sérieuse, mais des essais d’un grand intérêt doivent retenir l’attention. […] Le roman et le théâtre y gagneront-ils un jour un intérêt nouveau, et le rang qu’ils auront, peut-être, usurpé jusque-là ? […] Dans la Griffe (1905), la Rafale (1906), le Voleur, les affaires de cœur et les affaires d’intérêt étaient solidaires. […] En conclusion, l’auteur exprimait le vœu que les hommes d’État cherchassent beaucoup plus qu’ils n’avaient fait jusque-là, « une harmonisation de l’intérêt particulier et de l’intérêt général ». […] C’est le livre témoin de la génération qui avait vingt ans en 1914 ; à ce titre, il est d’un intérêt inégalé. « Récapitulons », disait Laforgue.

1136. (1902) Propos littéraires. Première série

Voilà le problème, voilà l’intérêt du roman. […] Simon sur Lavigerie, sur Guillaume II et sur Renan sont de haut intérêt. […] Jules Simon, très digne du reste de tous ses aînés, est d’un très grand intérêt. […] Cette partie du livre n’est pas mal faite et ne manque pas d’intérêt. […] Si nous étions sûrs de quelque chose, nous n’y aurions aucun intérêt.

1137. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — Notice sur M. G. Duplessis. » pp. 516-517

Lorsqu’en parcourant les manuscrits ou les vieux livres, il découvrait quelque pièce curieuse, inconnue ou très rare, et qu’il jugeait de quelque intérêt pour ses confrères les amateurs, il la faisait imprimer ou réimprimer à quelques exemplaires, et quelquefois dans les mêmes caractères gothiques que l’ancienne édition ; il faisait précéder la réimpression d’une petite notice, où il ne disait que l’essentiel, où il ne criait jamais à la découverte, et qu’il ne signait que de ses simples initiales (G. 

1138. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « VII » pp. 25-29

Les loges étaient des mieux occupées ; ce parterre d’étudiants intelligents et tapageurs faisait diversion et ajoutait à l’intérêt du drame.

1139. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLVIII » pp. 188-192

La politique continue de prendre tout l’intérêt ; à peine sorti d’un orage, on rentre dans un autre.

1140. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXIV » pp. 294-298

L'intérêt piquant et dramatique de la séance était que M.

1141. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXI » pp. 323-327

Mais ce que tous les esprits sérieux liront avec intérêt, c’est le livre qui retrace la vie et le caractère d’Abélard.

1142. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame de Genlis sur le dix-huitième siècle et la Révolution française, depuis 1756 jusqu’à nos jours — I »

Il y a plus : bien avant sa venue d’Altona, et un peu avant son départ pour Londres, madame de Genlis avait pris une part non moins active à d’autres luttes, d’un intérêt non moins puissant, quoique plus profane ; elle fut patronne des clubs avant d’être mère de l’Église ; c’était toujours prêcher, et cette prédication disposait à l’autre.

1143. (1875) Premiers lundis. Tome III « Lafon-Labatut : Poésies »

Raynouard, nous dit le biographe, touché de tant d’infortunes et des grâces naïves du petit Sicilien, lui témoigna le plus vif intérêt, se plaisant à le faire babiller dans son idiome natal, auquel l’accent de sa voix enfantine prêtait encore plus de charme. » Après un temps de repos, les voyageurs partirentpour le Bugue, petite ville du Périgord, où était né le père qui bientôt y mourut.

1144. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Augier, Émile (1820-1889) »

Que, dans Gabrielle, qui est une comédie d’une haute moralité, il mît hardiment, dans la bouche des personnages contemporains, le ferme alexandrin du xviie  siècle ; que, dans l’Aventurière, il fît passer, à travers ce même vers classique le souffle du lyrisme et de la fantaisie ; que, pris d’une vertueuse indignation, il marquât, dans le Mariage d’Olympe, la fille triomphante avec le fer rouge de la satire ; qu’après un regard épouvanté sur les progrès d’un luxe corrupteur, il dénonçât la courtisane mariée, la lionne pauvre ; — toujours il nous faisait admirer et applaudir des œuvres d’une composition solide et harmonieuse, d’un intérêt poignant et irrésistible.

1145. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé aux funérailles de M. Stanislas Guyard, Professeur au Collège de France »

L’intérêt hors ligne que présente l’assyriologie le frappa ; il est probable que, s’il eût vécu davantage, il eût de plus en plus tourné ses études de ce côté.

1146. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre X » pp. 83-88

Boisrobert, qui veillait aux intérêts du cardinal dont il était secrétaire, eut l’adresse de se faire admettre à quelques séances de cette société ; il proposa au cardinal de lui donner une forme légale, de l’augmenter, et de s’en établir le protecteur.

1147. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 348-354

C’est assurément sans intérêt, comme sans ressentiment, qu’ils ont débité, M. de Voltaire, entre autres, que Maître Freron n’étoit qu’un Polisson, un Sicophante, un Ivrogne, un Ane, un Insecte, une Chenille, un Vermisseau.

1148. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Doyen  » pp. 153-155

Si le peintre eût gardé cette proportion entre ses figures, les hommes auraient été des pygmées, et l’ouvrage aurait perdu son intérêt et son effet.

1149. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 28, du temps où les poëmes et les tableaux sont apprétiez à leur juste valeur » pp. 389-394

Il se forme encore de nouveaux maîtres dans les arts qui jugent sans intérêt et avec équité des ouvrages calomniez.

1150. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Gérard de Nerval »

Si Gérard de Nerval avait seulement écrit les Excentriques au front du livre où sont réunis les articles faits pour les journaux ou pour des revues, ces biographies, tout au plus spirituelles, qui n’ont que l’intérêt raccourci des anecdotes et dont le titre, souvent déplacé, semblait promettre davantage, on n’aurait peut-être rien à objecter contre son titre, quoiqu’il pût trouver sans grand peine des types d’excentricités plus frappants, plus dramatiques, plus exceptionnels enfin, que les types qu’il nous a décrits.

1151. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Eugène Chapus »

Ce sont là des mérites très positifs et très éclatants ; mais les Chasses royales ont un intérêt plus général et plus animé.

1152. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Mercier » pp. 1-6

Seulement, ce qui fit trembler pour Clarisse ne pouvait troubler personne pour le Tableau de Paris, œuvre informe à peu près oubliée, et sur laquelle Desnoiresterres a pu pratiquer tous les arrangements et retranchements jugés nécessaires dans l’intérêt de l’ensemble.

1153. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — V »

Précisément parce que le sujet est du plus grand intérêt, il m’est impossible de vous satisfaire.

1154. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

Ils prirent donc le parti de s’éloigner, et rien ne les a, dans la suite, attachés plus fortement à nos intérêts que cette différence de manière et de caractère des deux peuples qu’ils ont vus s’établir dans leur voisinage. […] Mackenzie à travers les Montagnes Rocheuses, est d’un grand intérêt. […] Serait-ce l’intérêt personnel ? […] Ceci va m’entraîner dans une discussion de quelque étendue : que l’intérêt du sujet m’en fasse pardonner la longueur. […] Enfin, pour l’intérêt même de notre gloire et la perfection de nos ouvrages, nous ne saurions trop nous attacher à la vertu : c’est la beauté des sentiments qui fait la beauté du style.

1155. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

La lutte horrible et moderne des passions et des intérêts a trouvé son héraut dans Balzac. […] Où réside l’intérêt de cette pseudo-précision ? […] Mais il peut arriver que ces illustrations aient assez de relief pour primer l’intérêt des textes. […] Tandis que les grands artistes nous font camarades d’admiration ou de pitié, eux nous font amis de compassion et d’intérêt. […] Le chapitre qui concerne les ouvriers tire un intérêt capital des préoccupations actuelles.

1156. (1936) Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours pp. -564

Ce que nous noterons, c’est l’importance et l’intérêt des écrits politiques, trop méconnus. […] C’est le thème que trente ans après George Sand tirera du même fonds, des mêmes intérêts de sexe. […] Mais précisément l’intérêt de ce site, c’est pour elle le quart d’heure de conversation écrite qu’il peut suggérer. […] Il reste un des prosateurs de son temps qu’on relit avec le plus d’intérêt et même d’amusement. […] Le terme vient à la génération suivante, celle du romantisme, et la signature est alors magnifiquement honorée, capital et intérêts.

1157. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

Si j’avais un conseil à donner aux jeunes poètes, dans l’intérêt de leur bonheur, sinon de leur talent, je leur dirais : « Imitez cet homme, soyez comme il l’a été, tour à tour agité et raisonnable et toujours laborieux. […] C’est là du détail, de l’atome, de l’infiniment petit, dont l’intérêt est fort médiocre. […] Comme eux, il se laissait gouverner par ses caprices, n’hésitant pas entre son intérêt et son plaisir, n’humiliant sa fierté devant personne, fût-ce devant le Roi ou l’Empereur. […] Déclarons-le tout de suite, ce livre ne présente pas l’intérêt d’art du premier. […] Hermann est donc seul à lutter contre d’immuables traditions, contre le déchaînement des préjugés et la coalition des intérêts.

1158. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite et fin.) »

Il y avait quelque chose de fort imposant dans ce cortège qui marchait avec une grande rapidité et comme s’il craignait d’être rattrapé par un ennemi. » Je passe sur le reste du voyage où les contrariétés mêmes, les retards et les coups de vent tournent à intérêt et sont au profit de la curiosité ; jamais six semaines d’une vie ne furent employées plus vivement (mars-mai 1845). […] Chacun de nous veut sans doute arriver au même but, puisque nos intérêts si chers sont aussi les mêmes ; mais la manière d’y arriver est différente. […] Son cas était vraiment digne d’intérêt.

1159. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

L’intérêt de la dette, qui n’était que de 45 millions en 1755, s’élève à 106 millions en 1776, et monte à 206 millions en 1789564. […] « Plaçaient-ils leurs capitaux dans ses emprunts, ils ne pouvaient jamais compter sur une époque fixe pour le payement des intérêts. […] Extrait des états dressés par les contrôleurs généraux, I, 175, 205. — Rapport de Necker, I, 376. — Aux 206 millions, il faut ajouter 15 800 000 pour les frais et intérêts des anticipations.

1160. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre II. Lois de la renaissance et de l’effacement des images » pp. 129-161

Chaque sensation tendant à renaître dans son image, la sensation deux fois répétée laissera après elle une tendance double, à cette condition pourtant que l’attention soit aussi grande la seconde fois que la première ; d’ordinaire elle ne l’est pas, parce que, la nouveauté diminuant, l’intérêt diminue ; mais si d’autres circonstances renouvellent l’intérêt, ou si la volonté fait son office, la tendance incessamment accrue accroîtra incessamment pour l’image les chances de résurrection et d’intégrité. […] Il fut attaqué d’une fièvre cérébrale, et, pendant son délire, il répétait avec beaucoup d’ordre plusieurs discussions qu’il avait entendues sur les intérêts politiques de diverses puissances, au point que l’ambassadeur, qui n’avait jamais regardé son domestique que comme un homme dévoué, venait l’écouter et projetait d’en faire son secrétaire ; mais l’affection du cerveau se dissipa et le malade en guérissant perdit toute mémoire. » (Grimaud de Caux, cité par Duval Jouve, Traité de logique, 159).

1161. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

Mais les caractères en ont de la vérité, soit comme personnages historiques, soit comme hommes de tous les temps ; et l’on se prête volontiers à une fiction qui fait dire aux orateurs ce qu’ils ont le plus d’intérêt à taire. […] Nous voilà donc glissant insensiblement dans l’amour de notre bien-être, à la merci d’une certaine modération de tempérament, dont notre raison n’aura pas l’honneur, et nous déterminant dans nos jugements par nos humeurs ou nos intérêts. […] Quel tendre intérêt pour nos misères, que dis-je ?

1162. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « II »

L’immense intérêt de cette représentation consistait en ceci : quel effet allait produire ce drame, si éloigné (plus encore peut-être que Les Maîtres Chanteurs) de tout ce que nous avons coutume de voir et d’entendre au théâtre ? […] Mais les retards qu’il a subis avant d’être joué en France, les coupures grotesques qu’on lui inflige, les sottes critiques dont il a été longtemps l’objet, démontrent une fois de plus que la cause wagnérienne est intimement liée aux intérêts des musiciens français, car cette cause est celle de la bonne musique, de la poésie expressive, du drame réel ; en un mot, de l’art sincère et vrai. […] L’intérêt de la pièce repose sur un conflit moral qui se noue et se dénoue dans l’âme d’Elsa.

1163. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

Renan dit languissamment : « il n’y en a pas un seul de vraisemblable », la vertu n’est plus que « cette déception suprême qui nous pousse à nous sacrifier à une fin hors de nos intérêts les plus clairs », et comme il faut essayer pourtant d’expliquer une chose si monstrueusement incompréhensible, M.  […] Tout était dit dans une seule fois, et ce qui suivait n’avait plus qu’un intérêt de logique et d’érudition assez médiocre. […] Par intérêt pour son avenir et par reconnaissance pour son passé, il sauvera de la vermine de ses doutes — la maladie pédiculaire de sa pensée — cette première et dernière idée, qui ne lui appartient pas mais qu’il a ramassée au courant du siècle et des fleuves de l’érudition allemande, et qui l’a fait ce qu’il est encore, c’est-à-dire, pour les niais de l’incrédulité, un penseur, et pour les médiocres en littérature, un délicieux écrivain.

1164. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

La peinture de ces mouvements intérieurs, leurs effets, les rencontres comiques ou terribles des caractères, des intérêts, des passions, voilà le vrai domaine du romancier comme de l’auteur dramatique. […] Si les drames humains se passent surtout dans la conscience, si c’est là qu’est le véritable intérêt littéraire, ces drames sont particulièrement attachants là où la conscience est la plus complexe et la plus développée. […] Si je trouvais dans ces livres nouveaux une profonde sympathie pour les humbles et les déshérités de notre société, je me sentirais disposé à leur égard à une certaine indulgence ; mais je l’avouerai franchement, j’y trouve plus de curiosité que d’intérêt véritable.

1165. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

Oui, en apparence ; en réalité, il est intermittent. « Ce que l’on appelle faire attention à un objet, c’est, strictement parlant, suivre une série d’impressions ou d’idées connexes, avec un intérêt continuellement renouvelé et approfondi. […] I Le procédé par lequel l’attention volontaire se constitue est réductible à cette unique formule : Rendre attrayant par artifice ce qui ne l’est pas par nature, donner un intérêt artificiel aux choses qui n’ont pas un intérêt naturel. J’emploie le mot « intérêt » au sens vulgaire, comme équivalent à cette périphrase : ce qui tient l’esprit en éveil. […] Dans la deuxième période, l’attention artificielle est suscitée et maintenue par des sentiments de formation secondaire : l’amour-propre, l’émulation, l’ambition, l’intérêt au sens pratique, le devoir, etc. […] L’écolier dans sa salle d’étude, l’ouvrier dans son usine, l’employé dans son bureau, le marchand derrière son comptoir aimeraient mieux le plus souvent être ailleurs ; mais l’amour-propre, l’ambition, l’intérêt ont créé par répétition un entraînement durable.

1166. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

L’Académie des sciences fera un « code des intérêts » ; celle des Beaux-Arts perfectionnera nos facultés d’imagination et de sentiment, et fera un « code des sentiments ». […] Ce qui trompe les utopistes sur ce point, c’est l’intérêt évident, éclatant, que l’humanité aurait à ce qu’il en fût ainsi. Si l’intérêt des hommes est d’accord avec une au moins, et importante, de leurs passions ; si l’intérêt personnel et l’altruisme concourent, pour peu qu’ils voient clair, à désirer que l’humanité vive d’ensemble, sans guerre, sans rivalité et sans concurrences, comment se fait-il qu’il soit si difficile d’établir cet état d’accord général ? […] Surtout la collectivité universelle de Fourier est précisément chimérique parce que ce n’est pas même sur l’amour qu’il la fonde, mais sur un peu d’amour et beaucoup d’intérêt bien entendu, et que jamais l’homme ne met son intérêt dans un bonheur partagé, dans un bonheur sien, égal à celui des autres. […] Telle conséquence, telle application des principes généraux du catholicisme peut être contraire aux idées ou aux intérêts du gouvernement.

1167. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — Post-scriptum » pp. 154-156

Or je maintiens que le marquis d’Argenson, philosophe et citoyen, philanthrope en son temps, s’occupant des intérêts du genre humain, et qui écrivait tous les matins ses idées pour qu’elles ne fussent point perdues, appartient à quiconque sait le lire, le comprendre et le peindre ; et si un éditeur de sa famille vient après un siècle nous l’arranger, nous l’affaiblir, lui ôter son originalité et l’éteindre, je lui dirai hardiment : « Laissez-nous notre d’Argenson. »

1168. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XII » pp. 47-52

Je le lis, c’est du plus haut intérêt, philosophique, systématique et à la fois nourri d’observations physiques et microscopiques.

1169. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LX » pp. 231-236

Dans la troisième lettre, la question prend une importance excessive ; elle est proclamée une cause toute nationale, à laquelle de nobles et pieuses intelligences portent le plus vif intérêt.

1170. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Comtesse Merlin. Souvenirs d’un créole. »

« Elle parlait pourtant assez bien espagnol, nous dit l’auteur du récit, mais elle n’en prononça pas un mot.Il semble que dans les grandes douleurs, on revient à la langue naturelle, comme on se réfugie dans le sein d’un ami. » L’arrivée de la jeune Mercedès à Cadix, puis à Madrid où elle retrouve sa mère, sa famille ; l’état de la société peu avant l’invasion des Français ; les accidents gracieux qui formaient de légers orages ou des intérêts passagers dans cette existence de jeune fille, puis l’invasion de Murat, la fuite de Madrid, le retour, la cour de Joseph, et le mariage ; tels sont les événements compris dans ces deux premiers volumes de Souvenirs.

1171. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre III. De la comédie grecque » pp. 113-119

On n’avait point encore imaginé de soutenir la curiosité par une intrigue romanesque ; l’intérêt des aventures particulières dépend absolument du rôle que jouent les femmes dans un pays.

1172. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 92-99

Plein de chaleur & d’intérêt, il sait donner la vie à tout ce qu’il peint, & la Nature même devient plus intéressante par les charmes que son pinceau répand sur tous les objets.

1173. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 489-496

Helvétius, en passant rapidement sur l’abus de ses talens, en plaignant ses illusions, en rendant justice aux bonnes qualités que je lui avois reconnues, & en m’indignant, par intérêt pour lui, contre une fausse Philosophie qui fut toujours l’ennemie de sa réputation & de son repos.

1174. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Taraval » pp. 282-283

Voilà un double intérêt bien marqué.

1175. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 26, que les jugemens du public l’emportent à la fin sur les jugemens des gens du métier » pp. 375-381

En ces sortes de choses où les hommes ne croïent point avoir un intérêt essentiel à choisir le bon parti, ils se laissent ébloüir par une raison qui peut beaucoup sur eux.

1176. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Remarque finale. Le Temps de la Relativité restreinte et l’Espace de la Relativité généralisée »

Et peut-être ne serait-elle pas sans intérêt pour le physicien.

1177. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Ce n’était point que toutes ces pages fussent sans intérêt, mais l’ensemble du choix ne me paraissait pas cadrer avec mes intentions de revue intransigeante. […] Leur intérêt le plus varié serait de n’être point uniquement consacrer à la littérature et aux littérateurs ; on y rencontre M. de Saint-Vallier, M.  […] C’est tout au moins une tentative d’un grand intérêt et un beau but que le poète s’est proposés ; comment y est-il arrivé. […] Béranger emporte avec lui une forme bourgeoise, sans grand intérêt. […] Lazare, de pauvres esprits, des mystiques de nul intérêt, on n’a pas le droit de les représenter comme l’élite de l’humanité… : ceci est de l’appréciation purement personnelle.

1178. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

Et peut-être ne sera-t-il pas sans intérêt. […] Brunetière aurait servi les intérêts de la critique, par la conception qu’il s’est faite d’elle et par les exemples qu’il a donnés. […] Il a montré que si la critique cesse d’être objective, elle perd aussitôt sa raison d’être : c’est ce qui fait l’intérêt de sa lutte contre l’impressionnisme. […] On peut comprendre toutes choses et en préférer une. » Il n’est pas sans intérêt de connaître les préférences d’un critique. […] Il suffit que la jeunesse ait répondu à l’appel qui lui était fait, et qu’elle ait compris où sont ses véritables intérêts… M. 

1179. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Ce sont des conseils de philosophie positive et d’intérêt bien entendu. […] L’essence du chrétien est le sacrifice des intérêts matériels à ce qu’il croit être le vrai. […] La morale n’est plus tout à fait un calcul d’intérêt bien entendu, c’est-à-dire qu’elle commence à devenir morale. […] c’est chose connue, celle qui ne serait pas aimée aurait tort aux yeux du lecteur, et tout intérêt disparaîtrait ; car l’intérêt, c’est la lutte de ces deux passions féminines également justifiées et dont aucune n’a le devoir de céder devant l’autre. […] Je vois très bien l’intérêt de Mme de Gromance à intercéder pour l’abbé Guitrel.

1180. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

» ; et si elle est vraie, ce qu’il se dit intérieurement, c’est : « Quel intérêt a cette femme à me faire dire que j’ai été son amant et quel intérêt a mon oncle à me faire proclamer que je l’ai jauni ?  […] les bourgeois ont toujours une certaine faiblesse, ou tout au moins une telle curiosité, — comme on en a toujours pour ce qui ne vous ressemble point — qu’elle n’est pas loin de ressembler au moins à de l’intérêt. […] Nous avions intérêt à cela. […] Elle est faible et surtout de peu d’intérêt comme fond des choses. […] Donc, pas d’intérêt véritable, car l’intérêt dramatique est précisément ceci : souhaiter aux personnages ce qu’ils se souhaitent, eadem velle, eadem nolle.

1181. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Il étoit donc de l’intérêt des Gaulois d’étudier avec soin la langue Latine, puisque, sans cette étude, leur éloquence leur devenoit inutile : d’ailleurs la nécessité leur en faisoit une loi. […] La simplicité des mœurs, une dévotion peu éclairée, les objets de notre vénération mis en action sous les yeux, tout concouroit à porter dans l’ame la plus vive impression & le plus grand intérêt. […] Qui devoit par conséquent juger avec plus d’autorité, de connoissance & d’intérêt les beautés & les défauts des ouvrages des Anciens ? […] De-là naquirent l’intérêt sordide, les faux airs & les ridicules de toute espèce. […] N’est-on jamais la dupe de l’art du déclamateur, dont l’intérêt est de glisser légèrement sur les endroits foibles ou défectueux, & d’appuyer sur quelques beautés de détail ?

1182. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Ma biographie »

Je fus reçu par Victor Hugo ; cette circonstance piquante ajouta à l’intérêt de la séance. […] Mais, si l’enfant au seuil, ou quelque vieille assise, Venait rompre d’un mot le songe qu’il songeait, Avec intérêt vrai comme il interrogeait ! […] Avec intérêt vrai comme il interrogeait ! […] Voici la lettre du chancelier (Mme Sainte-Beuve était morte le 17) : « (Lundi 18 novembre 1850). — Mon cher confrère, les nombreuses et douloureuses pertes que j’ai faites dans le cours de ma longue vie n’ont point épuisé en moi, grâce au ciel, la faculté de sentir profondément les misères de même nature qui atteignent autour de moi les personnes auxquelles je porte un véritable intérêt ; et vous êtes à coup sûr au nombre de celles-là.

1183. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

On vit bien ensemble, quand on vit ensemble depuis la naissance jusqu’à la mort, familièrement, avec les mêmes intérêts, les mêmes occupations et les mêmes plaisirs : tels des soldats avec leurs officiers, en campagne, sous la tente, subordonnés quoique camarades, sans que la familiarité nuise au respect. « Le seigneur les visite souvent dans leurs métairies, cause avec eux de leurs affaires, du soin de leur bétail, prend part à des accidents et à des malheurs qui lui portent aussi préjudice. […] Songez à la grandeur d’un pareil attrait : gouvernements, commandements, évêchés, bénéfices, charges de cour, survivances, pensions, crédits, faveurs de toute espèce et tout degré pour soi et pour les siens, tout ce qu’un État de vingt et vingt-cinq millions d’hommes peut offrir de désirable à l’ambition, à la vanité et à l’intérêt se trouve rassemblé là comme en un réservoir. […] De fait, il n’y eut jamais de salon si bien tenu, ni si propre à retenir ses hôtes par les plaisirs de toute sorte, par la beauté, la dignité et l’agrément du décor, par le choix de la compagnie, par l’intérêt du spectacle. […] En effet, la différence des manières, la séparation des intérêts, la distance des idées sont si grandes, qu’entre les plus exempts de morgue et leurs tenanciers directs, les contacts sont rares et lointains.

1184. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

« D’autres enfin ont été surpris que tout à coup, me déclarant pour les intérêts d’une école abandonnée depuis longtemps, j’aie fait choix d’une secte qui, au lieu de nous éclairer, semble nous plonger dans les ténèbres. […] Lisez-le ; on aime toujours l’homme privé dans l’homme public : « Toutes les fois que j’ai songé aux meilleurs moyens d’être utile à ma patrie et de servir ainsi sans interruption les intérêts de la république, pensées qui me préoccupent souvent et longuement, rien ne m’a paru plus propre à ce dessein que d’ouvrir à mes concitoyens, comme je crois l’avoir déjà fait par plusieurs traités, la route aux nobles études. […] Car notre patrie ne nous a point donné les trésors de la vie et de l’éducation pour ne point en attendre un jour les fruits, pour servir sans retour nos propres intérêts, protéger notre repos et abriter nos paisibles jouissances ; mais pour avoir un titre sacré sur toutes les meilleures facultés de notre âme, de notre esprit, de notre raison, les employer à la servir elle-même, et ne nous en abandonner l’usage qu’après en avoir tiré tout le parti que ses besoins réclament. […] La législation, selon lui, n’était que la nature morale de l’homme bien interrogée, bien écoutée, bien rédigée selon les circonstances spéciales et les vrais intérêts du peuple romain.

1185. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIe entretien. L’Imitation de Jésus-Christ » pp. 97-176

La nature travaille pour son propre intérêt et considère quel avantage elle peut tirer d’autrui : la grâce, au contraire, examine, non ce qui lui est utile et avantageux, mais plutôt ce qui peut servir à plusieurs. […] La nature rapporte tout à elle-même, elle ne combat et ne dispute que pour ses intérêts : mais la grâce rapporte toute chose à Dieu, qui en est la source ; elle ne s’attribue aucun bien et ne s’arroge rien avec présomption ; elle ne conteste point, et ne préfère point son avis à celui des autres ; mais elle soumet tous ses sentiments et toutes ses lumières à la sagesse éternelle et au jugement de Dieu. […] La nature travaille toujours pour son propre intérêt, pour se contenter et pour s’établir ; mais la grâce ne travaille que pour l’intérêt de Dieu, et veille incessamment sur les mouvements du cœur, pour le préserver du péché.

1186. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques, et du discours de M. Mignet. » pp. 291-307

Quand il y a eu un éclat intérieur, un déchirement, les survivants l’arrangent et le dissimulent dans l’intérêt de la cause. […] Ici, maître de son terrain, manœuvrant de pied ferme, prenant son temps et ses mesures, il étudie les faits, il les ordonne et les combine, il les appuie et les enchaîne dans des compositions savantes qui ont de l’intérêt, du jugement, de la force et des parties d’éclat.

1187. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

On conçoit qu’avec tous ces souvenirs vivants, en présence de ces membres d’une famille qui est encore aujourd’hui pour la cité ce qu’elle était il y a plus d’un siècle, la fête qui se célébrait, il y a quinze jours, dans la jolie ville d’Hesdin n’était pas une solennité ordinaire, toute d’apparat et de curiosité ; il s’y mêlait un intérêt amical et commun, et ce n’était que justice. […] D’une grande incurie et d’une parfaite indifférence pour les intérêts matériels, il ne put toutefois s’y soustraire, et il fut toujours commandé par eux : la plus grande partie de sa vie se passa dans les assujettissements laborieux desquels il ne retirait que le strict nécessaire.

1188. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

Villehardouin, qui nous donne cette impression à travers son récit, ne la démêlait sans doute qu’imparfaitement lui-même : il n’y avait point de contradiction déclarée alors entre ces intérêts du monde et ceux de la religion ; les mêmes hommes qui pourvoyaient aux uns étaient sincèrement préoccupés des autres : toute la différence n’était que dans la proportion et dans la mesure ; mais la part faite au ciel, même quand elle ne venait qu’en seconde ligne, restait encore grande. […] Qu’il y eût, dès le siècle de ce dernier, des politiques habiles et consommés, cela est hors de doute ; et l’Église, particulièrement, en eut alors qui en remontrèrent au monde : que, de plus, l’État de Venise fût déjà et dès longtemps habile avec suite et très avisé à ses intérêts, même à travers les acclamations et les pleurs de l’enthousiasme, nous en avons la preuve également ; mais la disposition moyenne des esprits, l’atmosphère morale, à Venise et ailleurs, était autre aux premières années du xiiie  siècle qu’à la fin du xve .

1189. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

Il avait fait précéder sa visite de quelques vers légers, et Voltaire lui répondait par une lettre toute de grâce, d’intérêt, et même de conseils : Aux Délices, 5 avril (1755). […] Si vous continuez, je vous dirai bientôt par jalousie ce que je vous dis à présent par l’intérêt que vous m’inspirez pour vous.

1190. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Ces Mémoires, quoique la première partie, assure-t-on, jusqu’à la fin de l’année 1700, soit du maréchal même, ne peuvent être considérés en effet que comme rédigés après coup sur ses lettres, bulletins et dépêches ; mais Anquetil, qui a été l’arrangeur, et qu’on doit suivre à partir de 1700, a très bien fait ce travail, qui gagne en avançant plutôt qu’il ne perd, et qui est d’un intérêt continu. […] En même temps qu’il ne perdait point de vue les intérêts du roi et qu’il restait Français zélé à Vienne, il se conduisait à l’armée de Hongrie comme un fidèle sujet de l’empereur, et il prit part, en y contribuant de son conseil autant que de son bras, à une grande victoire contre les Turcs.

1191. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

On a ensuite, il est vrai, l’admirable seconde guerre punique, les guerres de Macédoine et la première guerre d’Asie ; mais tout ce qui suit et ce qui eût été d’un si haut intérêt, manque, les luttes de Marius et de Sylla, la rivalité de Pompée et de César, la vraie histoire politique réelle, ces époques récentes que Tite-Live savait dans leur esprit et dans leur détail par les mémoires du temps, par les récits d’une tradition prochaine, par cette transmission animée et vivante qui est comme un souffle fécondant. […] Je me repens, dans tout ce qui précède, d’avoir l’air de critiquer seulement un ouvrage plein de mérite, d’intérêt, où, sauf la veine trop prononcée qui le traverse, tout est instructif, agréable même, d’une science exacte, d’une forte pensée, d’une expression frappante et qui se grave.

1192. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

Écoutez-le, l’éloge dans sa bouche a tout son prix : Consumé d’un mal incurable qui m’entraîne à pas lents au tombeau, je tourne souvent un œil d’intérêt vers la carrière que je quitte ; et, sans gémir de la terminer, je la recommencerais volontiers. […] c’est un bel état, bien intéressant et qui exige bien des connaissances. » — Et Rousseau énumère avec intérêt tout ce qu’il faut savoir. — « Mais, vous devez savoir la botanique ? 

1193. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

Dans cette pleurésie qu’elle a et qu’on traite tout de travers (car l’absurdité autour d’elle éclate de toutes parts et sous toutes les formes), elle a près de son lit des dames placées par l’Impératrice, et elle entend d’elles, à leur insu, et devine beaucoup de choses qu’elle a intérêt à connaître : « Je m’étais accoutumée, dit-elle, pendant ma maladie, d’être les yeux fermés ; on me croyait endormie, et alors la comtesse Roumianzoff et les femmes disaient entre elles ce qu’elles avaient sur le cœur, et par là j’apprenais quantité de choses. » Elle sait qu’avant tout, à ses débuts, il faut plaire, — plaire à l’Impératrice d’abord, personne faible, crédule, pleine de préventions et de petitesses ; plaire à la nation aussi, et paraître soi-même en être éprise. […] Elle ne ressemblait pas à Frédéric qui se passait de lecture allemande et ne lisait que des ouvrages français ; elle en lisait aussi en russe et trouvait à cette langue adoptive, qu’elle s’appliquait à parler et à prononcer en perfection, « bien de la richesse et des expressions fortes. » Les Annales de Tacite qu’elle lut en 1754 seulement, c’est-à-dire à l’âge de vingt-cinq ans, opérèrent, dans sa tête une singulière révolution, « à laquelle peut-être la disposition chagrine de mon esprit à cette époque, nous dit-elle, ne contribua pas peu : je commençais à voir plus de choses en noir, et à chercher des causes plus profondes et plus calquées sur les intérêts divers, dans les choses qui se présentaient à ma vue. » Elle était alors dans des épreuves et des crises de cœur et de politique d’où elle sortit haute et fière, avec l’âme d’un homme et le caractère d’un empereur déjà.

1194. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Un peu de prêcherie n’y messied pas, c’est accordé : il ne s’agit que d’y observer le goût, la vraisemblance, la raison, d’y entretenir l’intérêt, de n’y pas introduire l’ennui. […] C’est insensé : car d’abord Raoul n’a point là-dessus de parti pris absolu et irrévocable ; car, de plus, Sibylle, qui exerce un grand ascendant sur lui, doit espérer, Dieu aidant, de modifier son opinion et de l’amener à la sienne ; car, même chrétiennement parlant, il n’y a pas lieu, en pareil cas, de jeter le manche après la cognée, puisque saint Paul a écrit que « la femme fidèle justifierait le mari infidèle. » Aussi, à partir de ce moment, tout intérêt selon moi, cesse raisonnablement de s’attacher à Sibylle, qui se conduit en personne peu éclairée, en fille volontaire et opiniâtre, en fanatique fidèle à la lettre plus qu’à l’esprit, et, pour trancher le mot, comme une petite sotte.

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