Incomplet, excessif, violent pour les sentiments comme pour les idées, il est en tout sans trêve et sans nuances. […] Aussi, à tout ce qu’il aime et croit, comme à tout ce qu’il repousse, il attache involontairement une idée sacrée de sainteté ou de malédiction ; il adore ou il déteste, il bénit ou il exècre. […] En relisant bien des choses que j’ai écrites, je ris de moi-même de bon cœur ; cela me met dans une grande défiance de mes propres idées d’abord, et puis de celles des autres. […] — Je ne crois pas que depuis que le monde est monde, il y ait eu un mouvement si prodigieux d’idées au milieu du silence de tout ce qui est institué pour parler. […] L’idée d’un grand rival se présente inévitablement à l’esprit.
Sur son rôle en politique, de même : il s’en fait une idée très-nette, très-bien définie. […] Mais que cet homme-là m’a volé d’idées ! […] Etienne a l’idée de le faire entrer au Journal des débats pour les feuilletons de théâtre, à la place de Duviquet, successeur de Geoffroy. […] Le désordre et l’embrouillement étaient dans ses idées comme dans ses affaires ; il avait besoin de tout. […] Rouget de Lisle avait eu, à un moment, une idée funeste, où il se mêlait du bizarre.
L’idée que je voudrais développer ici sous forme historique et biographique est une idée plutôt morale que littéraire. […] Voilà, va-t-on dire, bien de l’appareil et des préparations pour de simples articles ; mais quand une idée nous a une fois saisis, nous autres gens de pensée et de caprice, elle nous mène plus loin souvent que nous ne voudrions ; elle nous tient et nous obsède jusqu’à ce que nous l’ayons conduite à bonne fin et mise au jour. […] Mais ayant fait deux fois naufrage et ayant perdu en dernier lieu, à son retour de Saint-Domingue, tout le fruit de ses économies, il se dégoûta de la mer et conçut l’idée de se consacrer au ministère évangélique. […] On voit bien percer çà et là quelques-unes des idées radicales qui sortirent plus tard à la chaleur de la fournaise ; mais ce ne sont que de faibles indices et qui, à eux seuls, ne prouveraient rien. […] Jean-Bon Saint-André, porté et véritablement bombardé à la Convention par un parti longtemps combattu et qui avait comme enlevé sa nomination de vive force en demandant et en obligeant de faire l’élection à haute voix, y arrivait plein d’idées absolues, de rêves de progrès et d’amélioration immédiate.
Les derniers travaux sur la Révolution française ont éclairci sans doute bien des points, mais n’ont peut-être pas également simplifié les idées. […] Mais quand on a ainsi fait preuve de largeur d’idées et d’un sentiment historique aussi impartial, aussi désintéressé qu’on le peut désirer d’une nature intelligente, on n’en est que plus à l’aise pour apprécier, pour définir à leur avantage et à leur honneur les hommes du premier mouvement, du plus manifestement légitime de tous, de celui de 89, et particulièrement ceux d’entre eux qui furent les plus irréprochables, les plus éclairés et les plus purs. […] Il nous représente bien en sa personne tout ce qu’il y avait de lumières, de raisonnables idées de réformes, de sages vues administratives et pratiques, de vœux philosophiques honorables et de justes pressentiments politiques, dans les hommes de la seconde moitié du xviiie siècle. […] En parcourant tous ces registres, je voyais la progression des idées fausses à mesure qu’elles s’éloignent des bons principes ; je retrouvais la cause des désordres qu’entraînent toujours, dans les opérations administratives, l’instabilité des règles, la variation des décisions, la multiplicité des écritures et l’innovation des formes. […] J’acquérais ainsi l’habitude du travail, de la maturité dans mes idées ; je m’étais déjà exercé sur divers objets, j’avais vu différents pays, beaucoup d’hommes et de choses ; j’avais donc, dès cette époque, des opinions arrêtées sur les intérêts et les devoirs des hommes, sur la morale, sur l’administration, sur la politique.
Esprit supérieur lui-même et ami de la vérité, mais ami ambitieux, et bien moins à l’abri que Fontenelle des intempéries et des contagions de son temps, Condorcet a ses propres idées qu’il ramène trop complaisamment à travers l’exposé qu’il fait de celles des autres. […] Dès ce moment, faites-vous à l’idée que vous ne verrez jamais rien de ce que vous entendez devoir le réaliser parmi nous. […] Il est à croire qu’aux diverses époques, et dans ces lieux différents, Pariset ne professa point tout à fait, dans la même rigueur, les mêmes idées dont la source première remontait à la société d’Auteuil et à Cabanis. […] L’idée qu’il s’était formée du style académique a contribué à égarer Pariset et à le faire abonder dans les exagérations de sa nature. […] Voilà l’idée vraie du genre exprimée avec modestie par un homme supérieur qui s’y est lui-même exercé.
Mais s’ils en ont eu à quelque moment l’idée ou la velléité, ils n’ont pas osé ; ils n’ont pas assez aimé la pure chose universitaire jour cela. […] Qu’ils me pardonnent ce regret où il entre une si haute idée de ce que je leur reconnais avant tout, de leur talent même. […] Guizot songe toujours à la politique d’à côté : Si j’appliquais aujourd’hui à ces études historiques de 1820, dit-il dans sa préface de 1851, tous les enseignements que, depuis cette époque, la vie politique m’a donnés, je modifierais peut-être quelques-unes des idées qui y sont exprimées sur quelques-unes des conditions et des formes du gouvernement représentatif. […] Guizot, qu’on juge de l’effet, de l’intérêt du spectacle mêlé à la satisfaction de l’esprit ; qu’on y répande cette émotion générale et communicative qui régnait aisément pendant toute cette fin de la Restauration, et qui faisait croire à l’unité d’une opinion publique à la fois juste et puissante, et l’on comprendra ce qu’ont été ces fêtes de l’intelligence, dont les livres mêmes qui en sont sortis ne donnent qu’une idée froide et décolorée. […] Cousin a exposé une théorie qui peut s’appeler la théorie des appas, et dans laquelle il a mêlé bien des idées ingénieuses et en partie vraies, à d’autres qui sont singulières et un peu hasardées.
Ce ne sont donc pas, en général, des foyers d’idées neuves. […] Mais le contrecoup des idées émises par les novateurs se fait sentir peu à peu aux établissements d’instruction. […] Faudra-t-il donc renoncer à des idées caressées dès l’enfance, à des talents qu’on a pris tant de peine à cultiver ? […] En notre siècle, sous l’action des idées démocratiques, le purisme a été vaincu ; les mots nouveaux ont fait en foule irruption. […] Le poète entend bafouer, j’imagine, dans ces harangues d’apparat la pauvreté d’idées, l’absence de sentiments forts et sincères.
Mais il fallait que Wagner conquît un public à son idée, et qu’il fît, d’abord, connaître quelque partie de ses œuvres nouvelles. […] Aussi cette émotion cruelle qui s’exprime dans ces œuvres doit-elle appartenir à l’idée même du monde que l’artiste perçoit et traduit dans elles. […] Ainsi, par exemple, dans sa Neuvième Symphonie, dont la première partie nous montre l’idée du monde sous son jour le plus sombre. […] — L’Idée. — Schopenhauer, comme Platon, entend par Idées, des entités douées d’une réalité d’un ordre plus élevé que celle qui appartient aux phénomènes. — Ce sont les études artistiques qui ont amené Schopenhauer à élaborer son système philosophique ; pour comprendre sa doctrine des Idées, il faut étudier son Esthétique. […] Il faut bien saisir, cependant, que, pour Schopenhauer, les Idées ont autant de réalité objective, que subjectîve ; ces deux ne sont qu’un pour lui.
On chercherait en vain chez l’auteur anglais un récit contenu et impassible, une scène où l’écrivain ait l’art supérieur de laisser porter de leur poids propre les événements et les idées qu’il exprime et retrace. […] Il ne pénètre pas non plus la violente beauté des passions, la profondeur des âmes, les grands élans de l’ambition, de la luxure, de l’amour, de la colère, les sourds conflits des idées et des sentiments, des convictions et des actes qu’impose la vie. […] Les idées sont chez Dickens rares et faibles. […] Enfin aucune idée générale n’a eu sur son esprit, pourtant si facile à s’agiter, assez d’ascendant pour l’émouvoir. […] Le sentiment bien plus que les idées étant ce qui constitue le caractère, en déterminant les élans de la volonté, les actes, la conduite, Dickens fut exactement dans la vie ce qu’il apparaît dans ses livres.
L’idée fixe de Poe, l’idée qui régna sur sa raison, qui la foudroyait, mais qui, en la frappant, la trouvait impassible, c’est l’idée de sa damnation, sans rémission et sans miséricorde. […] Sans Ligeia et Morella, où le poète inattendu et puissant jaillit d’une idée ridicule, que le monde moderne, qui n’a pas d’idées à lui, a trouvée dans le bagage de l’Orient et de l’Antiquité, — la métempsycose, — il n’y aurait pas un seul des Contes publiés là qui pût être considéré autrement que comme les tours de force d’un jongleur. […] Ainsi, comme invention, comme idée première, rien n’est plus commun, rien n’est moins genuine que cela. […] La contradiction entre sa nature et ses idées lui donne une noirceur, une perversité, une impénitence du révolté qui verse le sinistre à flots dans ses inventions. […] Au lieu de se placer au-dessus d’elles, comme les penseurs originaux, il pille les idées de son temps, et ce qu’il en flibuste ne méritait guères d’être flibusté.
A-t-on idée d’une pareille inélégance ? […] L’idée a paru bizarre. […] Quel chaos d’idées ou quelle hypocrisie ! […] Alors mon Valette a une idée. […] Paul Desjardins ait jamais l’idée de placer M.
Tout cela créait des liens d’une profondeur dont nous n’avons plus l’idée. […] C’était un vieillard dont la vie, les idées, les habitudes formaient avec celles du pays le plus singulier contraste. […] Un temps fut où il avait eu des rapports avec les gens du pays, leur avait dit quelques-unes de ses idées ; personne n’y comprit rien. […] Il m’exposa en breton (il ne savait pas un mot de français) ses idées sur la fin de toute poésie et sur l’infériorité des nouvelles écoles. […] Les événements qui suivirent la Révolution de 1848 me fortifièrent dans cette idée.
Darwin, on le sait, l’explique par l’attention qu’on porte sur son visage lorsqu’on a l’idée qu’un autre vous regarde : c’est cette attention qui appellerait le sang sur le visage même. […] Or, dans toute passion, il y a d’abord un élément intellectuel, — perception ou idée, — puis un élément sensible, — plaisir et douleur, — enfin un élément volitif, — désir et aversion. […] Ajoutez enfin l’idée de l’objet qui cause la peine ou le plaisir, vous aurez la répulsion consciente et le désir. […] Là, toute idée tendant à se réaliser, l’idée seule des émotions d’autrui devient elle-même une émotion. […] Si même il est assez intelligent pour concevoir l’idée de l’univers il vit de la vie universelle.
non pas sans doute par les idées de notre intelligence, bien plutôt par les phénomènes de notre sensibilité. […] Nous avons vu, en deux maîtres de la langue, en Rousseau et en Chateaubriand, ces deux grandes tendances se déterminer, et de l’un à l’autre, les facultés discursives, le raisonnement, les idées s’atténuer, l’émotion grandir et la puissance poétique. […] En même temps, il publiait ses ballades, pour donner une idée de la poésie des troubadours, ces rapsodes chrétiens qui savaient manier l’épée et la guitare 725. […] Quinet,Idées sur la philosophie de l’histoire de Herder, 3 vol. in-8. 1828. […] Le Globe était libéral : il accueillit pourtant les idées littéraires des romantiques. — Les articles de Deschamps dans la Muse française furent réunis en 1829 (le Jeune Moraliste du xixe siècle).
Il résiste absolument à l’idée de se passer du Parlement ou de l’écraser par le peuple, de le purger violemment comme quelques-uns le conseillaient. […] — Je sais qu’encore aujourd’hui, ajoute-t-il, les misérables gazettes (qui traitent) de ce temps-là sont pleines de ces ridicules idées. […] En 1675 pourtant, il fut saisi d’une idée qui parut extraordinaire et qui causa une grande admiration à ses contemporains : c’était de renoncer au chapeau, et, se dépouillant de la dignité de cardinal, d’aller vivre en Lorraine dans une retraite absolue. […] Il mourut le 24 août 1678, tendrement regretté d’elle et loué dans des termes qui sont la plus belle oraison funèbre, laissant l’idée de l’homme le plus aimable et du commerce le plus aisé, et d’un délicieux et parfait ami. […] Une idée me tient à l’esprit depuis quelques instants, et je ne résisterai pas à la dire.
Âgé de trente-cinq ans, il se tourna à cette œuvre avec le feu et la précision qu’il mettait à toute chose : de nouveaux désordres plus graves, qui survinrent dans sa santé, l’empêchèrent de l’exécuter avec suite, mais il y revenait à chaque instant dans l’intervalle de ses douleurs ; il jetait sur le papier ses idées, ses aperçus, ses éclairs. […] C’est là, sans doute, l’idée chrétienne de la corruption originelle et de la Chute ; mais, à la manière dont Pascal s’en empare, il la fait sienne en quelque sorte, tant il la pousse à bout et la mène loin : il fait de l’homme tout d’abord un monstre, une chimère, quelque chose d’incompréhensible. […] Après avoir accepté avec confiance ce mode d’interprétation par les choses extérieures et la démonstration de Dieu par la nature, Fénelon, dans la seconde partie de son Traité, aborde un autre ordre de preuves ; il admet le doute philosophique sur les choses du dehors et s’enferme en soi, pour arriver au même but par un autre chemin et pour démontrer Dieu par la seule nature de nos idées. […] Fénelon, en se plaçant dans cet état de doute à l’instar de Descartes, s’assure d’abord de sa propre existence et de la certitude de quelques idées premières. […] Pascal, il faudrait y rectifier en beaucoup d’endroits les idées imparfaites qu’il y donne de la philosophie du paganisme ; la véritable religion n’a pas besoin de supposer, dans ses adversaires ou dans ses émules, des défauts qui n’y sont pas.
Dante appartient encore au lyrisme par l’œuvre de sa première jeunesse, la Vita nuova ; mais son génie est surtout épique ; avant l’exil déjà, il a conçu l’idée de la Divine Comédie. […] J’y insiste : le principe féodal et théocratique de la première ère ne s’est réalisé en Italie que d’une façon très incomplète ; son évolution a été contrariée par l’anarchie politique, par la survivance de l’idée latine dans les communi, et par un paganisme indestructible. […] Qui pourrait triompher contre la force d’une idée ? Tous les hommes passent, qu’ils portent la tiare ou la couronne ; l’idée est éternelle, dans un enfantement toujours renouvelé de plus grande liberté. […] Ces morts, qui s’appelaient Dante et Pétrarque, ont brisé la pierre des sépulcres ; Giusti l’avait prédit ; ils vivent aujourd’hui plus radieux que jamais, au cœur même de cette nation italienne qu’ils ont rêvée, qu’ils ont voulue, qu’ils ont créée, eux, les chefs d’une légion héroïque au service de l’Idée.
Or l’échange des marchandises amène l’échange des idées. […] Tu n’auras pas sans doute exprimé tes idées, tes sentiments, ta nature ; mais tu n’auras pas perdu ton temps et ta peine. […] Il réclame des idées hautes et même, si possible, des idées neuves. […] Les idées, auxquelles les œuvres littéraires servent de véhicule, sont formées en partie par l’état du monde environnant. Mais à leur tour ces idées le transforment dans la mesure qui leur appartient.
C’est simplement une suite d’études reliées par un thème commun et dominées par une idée commune. […] Toutes nos forces se sont dépensées en mots, en idées, en projets, en vœux, en résolutions. […] Je me garde d’ailleurs d’attacher à cette idée un sens de réprobation. […] Que le sol où fleurissent tant d’idées malsaines fût à nouveau labouré et ensemencé ? […] Les meilleures de ses œuvres et de ses idées continueront à féconder le monde.
Un homme que l’histoire nommera d’un nom que nous épargnerons à sa vieillesse, Lamennais, fut le premier de notre temps qui reprit, dans les Paroles d’un croyant, bien plus avec l’éclat de sa renommée qu’avec l’éclat d’un talent qui pâlissait et qui allait mourir, cette idée révolutionnaire et menteuse de l’hostilité de la religion et du pouvoir. Lui, l’homme incomparable longtemps, qui avait nourri son génie de la forte substance de la vérité, il eût dû savoir plus que personne combien l’idée qu’il soulevait était démentie par tous les faits et toutes les assertions de l’histoire. […] L’abbé Cadoret a bien compris ce que nous disions plus haut des ennemis du pouvoir : c’est que les plus dangereux sont ceux-là qui se réclament contre lui de l’autorité des idées religieuses, et il n’a pas voulu lui laisser de tels adversaires. […] Quoique cette polémique soit animée de l’esprit de charité de son auteur, elle doit nuire cependant à l’effet d’un livre qui, s’il fût resté à cette hauteur de généralité et d’enseignement d’où tombent plus largement et avec plus de poids dans les esprits les idées justes et les connaissances approfondies, eût dissipé beaucoup d’erreurs courantes dans un milieu où les grands publicistes catholiques, comme Suarez et Bellarmin par exemple, ne pénètrent pas.
Il donna ses obélisques à Rome, ses lois à la Grèce, ses institutions religieuses à une partie de l’Orient, ses colonies et ses usages à plusieurs pays de l’Asie et de l’Europe ; il n’eut presque sur tout que des idées vastes ; ses ruines même nous étonnent, et ses pyramides, qui subsistent depuis quatre mille ans, semblent faire toucher le voyageur aux premiers siècles du monde. C’est dans ce pays que l’on conçut une des idées les plus grandes et les plus utiles à la morale qu’il y ait jamais eu. […] Les législateurs de l’Égypte eurent les premiers l’idée d’attacher l’homme fortement à quelque chose qui lui survive, et de l’intéresser encore quand il ne serait plus ; ils virent que l’opinion reste sur la terre, quand l’homme en disparaît, et qu’elle porte à travers les siècles, la renommée et le mépris ; ils soumirent donc l’opinion à la loi : alors la loi atteignit l’homme au fond de la tombe, et l’on redouta quelque chose sur la terre, même au-delà de la vie. […] Tout cela ensemble, surtout chez une nation austère et grave, devait affecter profondément et inspirer des idées augustes de religion et de morale.
En dévotion, nous avons par Port-Royal ses examens secrets de conscience : les raffinements de scrupules y passent toute idée. […] Ses idées de pénitence suivirent de près. […] Le philosophe ne pratique que l’intérêt et ne prêche que l’idée pure146. […] Si Balzac et les académistes de cette école n’ont jamais l’idée que par la phrase, La Rochefoucauld lui-même, le strict penseur, sacrifie au mot. […] Mais une grave affection morale, un grand trouble de sensibilité était intervenu vers 1829, et avait produit une vraie déviation dans l’ordre de mes idées.
Ses yeux suivaient les regards et les mouvements de ceux qui causaient ; on aurait dit qu’elle allait au-devant de leurs idées. […] On n’était pas accoutumé à une telle virilité romaine d’idées et d’accents sous une main de jeune femme. […] Necker et la déférence de Louis XVI à ses avis lui avaient ouvertes, ne tarda pas à dépasser les idées de 89 et à détrôner le roi. […] La force ou l’idée, voilà alternativement le gouvernement de la France ; mais il n’y a point de place pour le gouvernement de convention et de préjugé. […] Elle faisait silence, cependant, de peur d’être entendue des Jacobins et de Robespierre, le Marius des idées dont J.
La littérature suit la destinée de la nation et l’évolution des idées. […] Rendre l’idée par l’expression la plus éloignée de l’idée, la moins nécessaire et la moins attendue, voilà le résumé de toutes les règles, et c’est pour cela que l’allégorie triomphe et s’étale insolemment, ennuyeusement, dans les écrits du xive siècle : elle est devenue surtout classique et obligatoire depuis le Roman de la Rose. […] Il y a en lui, sinon un poète, du moins un écrivain ; et si l’on considère certain goût pour les lieux communs, certaine pente à procéder par idées générales et par raisonnements liés, on dirait peut-être qu’il y a en lui un commencement d’orateur. […] Cette déesse Fortune, c’est l’avant-garde de toute l’antiquité païenne, idées et formes, qui fait son entrée dans les cerveaux des barbares du Nord. […] Comme on voit, l’idée de Maurice de Sully a fait son chemin.
Montrez-moi une idée qui ne soit pas une chose physique dans ses œuvres ! Montrez-moi une idée morale, un jugement, une opinion, — même politique ! […] Il fait avec les idées d’art ce qu’il fait avec la nature. […] Il voulut se faire des idées avec des impressions, comme font ceux qui n’ont pas d’idées. […] Tout ce qu’on pourrait dire ne saurait donner une idée de cette platitude.
La jouissance en semble absente ; l’idée du beau n’y a point d’accès. […] D’où vient cette idée de la femme si originale et si neuve ? […] Ses idées ne sont que des frémissements ou des élans de la chair et du sang. […] Faute d’idées, il débite des odes. […] Reste à savoir quelles idées l’ont rendu populaire.
Lui aussi, comme Raphaël et Titien, il a son idée de l’homme, idée inépuisable de laquelle sortent par centaines les figures vivantes et les scènes de mœurs, mais combien nationales et originales ! […] Dans l’universelle renaissance, et dans la puissante floraison de toutes les idées humaines, l’idée germanique du devoir végète comme les autres. […] Voilà les idées qui se lèvent dans ces esprits incultes. […] L’idée du beau y manque, et qu’est-ce qu’une littérature sans l’idée du beau ? […] L’idée du Dieu parfait, juge rigide. 2.
Ils reproduisent non seulement les idées des hommes de l’âge de pierre, mais encore les idées des bêtes. […] L’idée du devoir est parfois effrayante. […] Mais il voit l’envers des idées. […] Ils n’ont d’idée sur rien. […] En toutes choses, il changeait d’idées à mesure que les idées changeaient autour de lui.
Et puis, tenez, une idée philosophique à laquelle je tiens beaucoup, c’est que le génie des peuples modernes n’a pas tant besoin d’être ni excité ni endoctriné par tels ou tels hommes. Aucune idée fausse ne me blesse plus que celle qui considère le genre humain comme incapable d’avoir trouvé et fixé la vraie morale s’il n’avait eu l’Évangile. De même, sans Voltaire, je vois toutes les idées libérales entrer dans le monde par tous les pores. […] Puissions-nous en avoir transmis quelque idée sensible et durable à nos lecteurs ! […] en me laissant l’idée (arrive jusqu’ici, je puis dire la certitude) qu’il n’entendrait guère me répondre, ce dont en effet tout son esprit le laisse peu capable.
Ainsi cette lumière sentie est toute subjective ; elle n’existe que par le sujet sentant, et en lui ; elle est déjà une sensation consciente — et — à quelque degré — une idée. […] Puis, prenant l’offensive à leur tour, les mêmes philosophes demandent aux spiritualistes s’ils savent eux-mêmes comment l’âme pense, et si l’on est plus éclairé sur ce comment inconnu, en admettant un substratum occulte dont nul ne se fait une idée. […] Mais quand on cherche à expliquer la formation, dans la monade mentale, d’idées d’objets qui occupent de l’étendue dans l’espace, on rencontre des difficultés insolubles. […] De quelque manière que l’on explique la pensée, soit que l’on admette, soit que l’on rejette ce que l’on a appelé les idées innées, on est forcé de reconnaître qu’une très grande partie de nos idées viennent de l’expérience externe. Les idées innées elles-mêmes ne sont que les conditions générales et indispensables de la pensée, elles ne sont pas la pensée elle-même.
Les montagnes, en Histoire, sont les idées générales d’où l’on voit tout et d’où l’on résume tout, et M. […] Et, bien loin d’être une décadence pour Rome et une dégradation de son ancienne République, l’Empire réalisa l’idée romaine par excellence. […] Et je l’ai dégagée parce que j’aime, pour mon compte, les conclusions de cette forte thèse ; — parce qu’elle soufflette largement, comme les servantes de Boileau, les histoires modernes et toutes les idées sur la liberté politique dont la philosophie et le libéralisme les ont bourrées ! […] L’idée de leur conquête a longtemps partagé le monde féodal en fils de vainqueurs et en fils de vaincus, — insolence biffée par M. de Coulanges, qui nie la conquête, pièces en main. […] Il a compris que, pour se débarbouiller des idées historiques de ces derniers temps, il fallait se plonger aux sources, et il s’y est plongé.
Le principe chrétien, c’est la rencontre directe de l’âme avec Dieu. » Et l’effort pour se passer de Dieu, dans les idées du comte de Gasparin, — le croira-t-on jamais ? […] — c’est de fonder une Église, c’est d’établir une autorité extérieure après avoir reconnu l’intérieure, c’est d’avoir un symbole, des sacrements, une hiérarchie, un culte, une discipline, enfin tout cet ensemble de choses nécessaires vers lequel toute idée religieuse — d’où qu’elle vienne ! […] Pour lui, de cela seul que l’idée est chrétienne, elle n’est plus soumise à la loi qui régit les autres idées dans toutes les sphères de notre activité. […] Le grain de sénevé apporté par la main du Divin Semeur ne devait pas lever sur le sillon… Cette incroyable idée chrétienne ne devait chercher ni son accroissement, ni son organisation. […] la moralité du monde chrétien en proie aux erreurs les plus monstrueuses, — aucun de ces événements, qu’il fallait comprendre, n’a été jugé dans cette histoire au bout de la langue, et dans laquelle tout roule précipitamment et pêle-mêle, emporté par cette idée que l’Église romaine n’est pas la véritable Église, parce qu’elle a eu l’audace de vivre, de s’organiser et de devenir un gouvernement !
Entre philosophes, la dédicace d’un livre, n’est-ce pas comme un mariage d’idées ? […] Ce livre qui, de la personne très peu connue jusqu’ici et maintenant plus étudiée de Saint-Martin et de ses idées, s’élève jusqu’à la hauteur d’une discussion et d’un jugement sur le mysticisme en général, est une œuvre qui veut être impartiale et sévère. […] Le temps a marché sur les hommes qui croyaient au grand mystique des voies intérieures et qui sympathisaient à ses idées. […] En Allemagne, où l’on n’a pas plus peur des mots que des idées, il s’était hautement et fièrement organisé. […] En les lisant, on est surtout frappé de cette idée que le dix-huitième siècle, dans sa haine contre le catholicisme, n’a pas seulement trouvé, pour la servir, des raisonneurs et des impies, comme l’affreuse société qui soupait contre Dieu chez d’Holbach, mais aussi des âmes d’élite, des cœurs tendres, aux intentions pures, de nobles esprits qui croyaient au ciel.
D’autres idées le prirent à cette époque : il avait dû aller en Grèce avec son ami Colin ; mais ce dernier ayant été obligé par des raisons privées de retourner en France, Farcy ajourna son projet. […] En politique, il adoptait les idées généreuses, propices à la cause des peuples, et embrassait avec foi les conséquences du dogme de la perfectibilité humaine. […] Farcy se disait pourtant que cette disproportion entre ce qu’il savait en idées et ce qu’il avait éprouvé en sentiments devait cesser dans son âme, et qu’il était temps enfin d’avoir une passion, un amour. […] La suite manque, mais l’idée de la pièce avait d’abord été crayonnée en prose. […] Son idée fixe, sa crainte était le manque de direction ; il cherchait les chefs du mouvement, des noms signalés, et il n’en trouvait pas.
Les sensations qui viennent des sens et des viscères, il les additionne, les combine, les modifie, et par un mode de transformation profondément mystérieux, les élabore en idées. […] On n’a jamais douté que nos perceptions et idées aient leur origine dans la sensation. […] Cette activité donne naissance à une suite d’idées, en vertu de la loi d’association. […] Ainsi s’explique le phénomène du rêve et la croyance à la réalité objective de nos idées et de nos sensations. […] Lewes demander à l’hérédité une solution toute nouvelle sur l’origine des idées.
Mais ce n’est pas tout, elle nuit profondément à l’idée du livre. […] Y aurait-il, comme on l’a dit, une atmosphère des idées ? […] Feydeau, cette idée-là aurait pu produire quelque chose d’utile et de grand. […] Une idée puissante galvaudée et du talent, oui, mais d’une équivoque originalité. […] Il a sur les idées un siècle de plus.
Émile de Girardin se vantait d’avoir une idée par jour. […] Paris, source des idées et roi de la mode ! […] Loin de fournir des idées à la province, Paris vit des idées que la province lui apporte. […] Il me semble que les idées d’un homme qui produit quelque chose d’excellent valent bien les idées d’un homme qui ne produit rien du tout. […] Voilà, je crois, l’idée qu’on peut se faire de M.
Un esprit est fertile ou fécond en grandes idées. […] Les différences consistent dans les idées propres à chaque sujet, dans les figures, dans les tropes ; ainsi un personnage de comédie n’aura ni idées sublimes ni idées philosophiques, un berger n’aura point les idées d’un conquérant, une épitre didactique ne respirera point la passion ; & dans aucun de ces écrits on n’employera ni métaphores hardies, ni exclamations pathétiques, ni expressions véhémentes. […] On peut être sérieux par humeur, & même faute d’idées. […] voilà certainement des idées très-combinées, qui ne dépendent de nous en aucune maniere. […] est-il un homme qui prévoie l’idée qu’il aura dans une minute ?
La disette des idées et la modestie du cœur confinaient le bourgeois dans son enclos héréditaire. […] Dimanche, entre M. de Sotenville lui-même et George Dandin, l’intervalle était immense : habits, logis, mœurs, caractère, point d’honneur, idées, langage, tout différait. […] À une nuance près, on trouve chez eux la même société que chez un grand seigneur, les mêmes idées, le même ton. […] La plupart ne savent rien et ne sont que des marchands de chicane ; les plus instruits n’ont en politique que des idées d’écoliers. […] Le Tableau de Paris, par Mercier (12 vol.), est la peinture la plus exacte et la plus abondante des idées et des aspirations de la classe moyenne de 1781 à 1788.
L’idée d’opposer à Tristan ce personnage était plus philosophique que poétique ; aussi Wagner l’abandonna-t-il. […] Mais — quelle preuve que l’idée de Parsifal le hantait ! […] je répondrais que cela est impossible … mes idées à ce sujet ne me sont venues que comme artiste créateur… » (X, 322). […] Dans les circulaires d’invitation pour les Patrons, Wagner développe encore une fois l’idée de Bayreuth. […] Cet article ne fait que mettre en évidence cette idée du parallélisme entre les mythes.
George Sand, dont le talent vieillissant a pris des fanons de plus en plus tombants, a voulu — dans l’ordre des idées, bien entendu ! […] Ce que c’est pourtant qu’une idée ! Il y a une idée dans ce livre ; seulement, cette idée, qui pipe jusqu’aux Dominicains, n’y est pas réalisée de manière à payer un prêtre et un religieux de la peine frivole d’avoir lu un roman plein d’inconséquence et de superficialité. […] L’idée qui a passé (sous l’empire de qui ou de quoi ?) […] L’idée de ses romans ou de ses drames a été quelquefois ingénieuse ; géniale, jamais !
Platon l’invitait à se tourner vers le monde des Idées. […] De là l’idée de se représenter la totalité de l’univers matériel, inorganisé et organisé, comme une immense machine, soumise à des lois mathématiques. […] Ce qu’on étudie d’ordinaire sous ce nom est moins la pensée même qu’une imitation artificielle obtenue en composant ensemble des images et des idées. Mais avec des images, et même avec des idées, vous ne reconstituerez pas de la pensée, pas plus qu’avec des positions vous ne ferez du mouvement. […] Mais, pas plus que la chaleur ne préexistait dans la balle, l’idée ne faisait partie intégrante de la pensée.
Je lance une idée, longuement méditée, et j’attends désormais les opinions de la critique, avant d’en dire davantage. […] Ce sont là des avantages certains pour qui étudie l’histoire des mœurs, des idées et des sentiments. […] Toute idée est le résultat d’un ensemble infiniment complexe et individuel ; mais renoncer aux idées, parce qu’elles sont subjectives, ce serait renoncer à la vie. […] Dans la réalité toutefois, toute forme est imparfaite, toute idée incomplète, parce que l’homme ne saurait se soustraire au relatif. […] À première vue, il semble que ce soit la note personnelle, par opposition aux idées plus générales ; à y regarder de près, on se persuade du contraire
Mais à travers cette occupation spéciale, une autre idée d’observation plus étendue ne les avait pas quittés ; ils s’étaient attachés à étudier les divers ressorts du grand ensemble qu’ils avaient sous les yeux, et leur tâche officielle dignement remplie, ils viennent de nous reproduire la double face de la civilisation américaine tout entière, l’un, M. de Beaumont, la société civile et les mœurs dans le roman de Marie ; l’autre, M. de Tocqueville, la société politique et les lois, dans l’ouvrage que nous annonçons. […] En quittant l’état social de nos aïeux, se demande-t-il, en jetant pêle-mêle derrière nous leurs institutions, leur idées et leurs mœurs, qu’avons-nous mis à la place ? […] » Il se rassure toutefois par l’idée qu’une loi aussi doit régir ces destinées sociales en apparence égarées, et qu’un avenir plus fixe et plus calme ne manquera pas à la civilisation européenne si lente en son enfantement. […] Tout ce qu’ajoute M. de Tocqueville sur cet intéressant sujet et en conséquence de sa distinction lumineuse, mérite d’être étudié, et appartient à l’idée la plus fondamentale qui le préoccupe, celle de nos destinées européennes futures. […] Son idée est que les peuples, même dans leurs développements les plus éloignés, ne peuvent se séparer jamais des circonstances qui ont accompagné leur naissance et leur formation.
Il sent qu’elles ne peuvent s’en passer, et cette idée fait naître en lui la tentation de le refuser. […] Si l’on voulait que le principal mobile de la république française fût l’émulation des lumières et de la philosophie, il serait très raisonnable d’encourager les femmes à cultiver leur esprit, afin que les hommes pussent s’entretenir avec elles des idées qui captiveraient leur intérêt. […] En bornant l’étendue des idées, on n’a pu ramener la simplicité des premiers âges ; il en est seulement résulté que moins d’esprit a conduit à moins de délicatesse, à moins de respect pour l’estime publique, à moins de moyens de supporter la solitude. […] Ou la morale serait une idée fausse, ou il est vrai que plus on s’éclaire, plus on s’y attache. […] L’homme de génie peut devenir un homme puissant, et sous ce rapport, les envieux et les sots le ménagent ; mais une femme spirituelle n’est appelée à leur offrir que ce qui les intéresse le moins, des idées nouvelles ou des sentiments élevés : sa célébrité n’est qu’un bruit fatigant pour eux.
Et, dans la mesure où il est libre, il ne peut élire que des idées qui arrivent à lui un temps nécessairement longs après leurs conceptions, soit après que la nature des choses les avait suggérées à des penseurs, par conséquent au moment même où les choses qui n’ont garde de stagner imposent à des synthétistes plus récents des philosophies plus adéquates. […] Schwob analyse : « Quand nous saisissons des choses leurs rapports de position, nous les classons suivant la cause et l’effet ; quand nous les envisageons suivant leurs relations de ressemblance et de grandeur, nous les classons suivant les idées logiques de notre esprit… on peut imaginer que les choses ont entre elles d’autres rapports que le rapport scientifique et le rapport logique. » Mais on peut même dire qu’elles n’ont ni l’un ni l’autre de ces deux rapports qui sont tous deux des façons subjectives de représentation d’un inconnu. […] Des procédés variés d’association d’idées ; la ressemblance, une association ; la position, autre association ! […] Et alors scrupules, inquiétudes rétrospectives, ridicules des enquêtes, idée fixe dégénérant en folie. […] Lavedan paraît avoir une idée un peu confuse de l’élégance moderne… Ses bonshommes, il les a faits exprès des crétins prétentieux, et le livre où ils s’agitent, amusant sans doute, est d’un satirique assez snob et guindé.
Jamais un vrai poëte, jamais le Tasse, Despréaux, Racine & Pope, n’eurent de pareilles idées. […] Il les représenta se donnant la torture pour un mot, les yeux étincelans, les ongles rongés, faisant mille gestes convulsifs & ridicules pour amener des idées. […] Pour faire passer ses idées, & pour engager les jeunes gens dans la route qu’il étoit tout glorieux de leur tracer, il ne parla d’abord de mettre en prose que les pièces de théâtre. […] Quand La Mothe crut avoir familiarisé le public avec l’idée d’avoir une tragédie sans vers, il étendit son systême à l’ode. […] Il se consoloit de l’idée d’être aveugle & infirme, par celle de faire parler de lui & d’avoir beaucoup de partisans.
L’Expiation de Saveli vaut beaucoup mieux, sans doute, par certains détails russes qui n’appartiennent pas en propre à l’auteur, et par l’idée même, qui en est le fond ; mais l’exécution en est si pauvre et d’une telle simplicité sans couleur, que cette exécution n’est jamais, un instant, à la hauteur de l’idée qui l’a inspirée. Il fallait une bien autre femme que Mme Henry Gréville, ce bas-lilas, ce talent à nuances douces, pour tirer puissamment parti de cette idée, inépuisablement féconde ! […] Femme très moderne, inclinant au bas-bleu, puisqu’elle a fait plus d’un livre (car le bas-bleuisme n’est pas de faire un livre, mais d’en faire plus d’un), elle vit, du moins dans ses livres, en dehors des idées religieuses. […] Seulement, si l’œuvre n’est pas ce qu’elle aurait dû être, on voit — avec regret — ce qu’était primitivement la tête de la femme qui l’a conçue et la santé d’un esprit dans lequel la grande idée de la Chute et du Péché originel, si impopulaire et si insultée en ce temps de bâtardise et de révolte orgueilleuse, est restée debout, comme une colonne, dans le vide des autres idées écroulées, qui auraient pu la corroborer et la soutenir… II Mais cette tête que je crois née très bien faite, a été pétrie par le monde moderne qui l’a déformée et appauvrie.
Elles contiennent l’idée qu’on a de ce talent, mais elles ne la modifient pas. […] Quand on ne peut plus montrer dans une figure placée et comme appendue, ainsi qu’un grand portrait, dans la préoccupation contemporaine, un trait oublié que l’admiration n’avait pas vu ou que quelque autre trait d’à côté plus développé ou plus puissant avait recouvert et caché, il faut s’en détourner sous peine de pléonasme d’idées, car la critique, cette observatrice qui se sert tout à la fois du télescope et du microscope, est tenue d’apercevoir dans ce qu’elle regarde quelque chose qu’on ne voyait pas, sous peine de manquer à son devoir. […] Telle était l’idée de Joseph de Maistre, que vous retrouvez sous toutes les pages qu’il a écrites ici ou là : ici plus profondément, plus splendidement, — mais en appuyant moins là-bas, mais partout ; — cette idée est le sol, le sous-sol et la superficie de toutes ses théories politiques, de toutes ses dissertations d’histoire. Eh bien, cette idée immense, utopique ou fausse si vous voulez, mais sublime, de la souveraineté, n’a pas régné que sur la pensée de Joseph de Maistre, elle a régné aussi sur tous les actes de sa vie, et elle a communiqué au royalisme de ce pauvre gentilhomme de Savoie, pour lequel le roi qu’il servait eut toutes les royales ingratitudes et toutes les royales indifférences, quelque chose de si continûment et de si obscurément héroïque, que le héros ressemble, ma foi ! […] C’en est un autre de voir l’histoire de ces redoutables temps passer à travers la tête de Joseph de Maistre, et s’y teindre des idées et des couleurs de ce grand esprit éclatant !
Janin avait eu l’heureuse idée d’une édition des Œuvres de Fréron, mais cela parut bientôt trop lourd à ses mains potelées. […] Mais ces divers passages, qui donnent une idée fort nette du genre d’esprit de Fréron, de sa manière de penser et d’exprimer sa pensée ; ne donnent pas du tout la manière personnelle du critique… Le penseur y est. L’homme des idées générales y brille dans son éther. Mais l’homme de ces idées générales, appliquées à l’œuvre et à l’auteur que Fréron critique, n’y est pas. […] Un homme de génie peut traiter le même sujet qu’a immortalisé Molière. » Idée hardie très moderne, sur laquelle Fréron est revenu cent fois.
Seulement, tout métaphysicien qu’il puisse être, l’auteur des Études de médecine générale est encore plus traditionaliste que philosophe, et il laisse à sa vraie place la métaphysique dans la hiérarchie de nos facultés et de nos connaissances, en homme qui sait que, sans l’histoire, les plus grands génies philosophiques n’auraient jamais eu sur les premiers principes que quelques sublimes soupçons… M. le docteur Tessier, qui croit à la science médicale, qui la défend contre les invasions sans cesse croissantes de la physique, de la chimie et d’une physiologie usurpatrice, donne pour chevet à ses idées le récit Moïsiaque, dont tout doit partir pour tout expliquer, et l’enseignement théologique et dogmatique de l’Église. […] Tessier avec infiniment de justesse, Cabanis, qui avait contre l’Église et les idées religieuses les haines perverses de son époque, voulait, dans la civilisation de l’avenir, remplacer les prêtres, dont le rôle était fini (pensait-il), par les vingt mille médecins qui allaient toucher en haut et en bas à toutes les réclamations de la société moderne et la gouverner en la retournant sur son lit de douleur. […] En effet, les doctrines matérialistes sont scientifiquement ce que sont, politiquement, les doctrines démagogiques, troublant également la tradition, et les unes violant aussi bien l’histoire, dans le monde des idées, que les autres, dans le monde des faits ! […] Tessier, qui est peut-être, à sa manière, un chef de dynastie, — car, ou nous nous trompons beaucoup, ou il a toute une famille d’idées puissantes, à établir, — M. […] Tessier, le retour aux idées spirituelles et chrétiennes dans l’enseignement de cette science immense, — la médecine, — ce n’est donc pas de l’invention, mais c’est mieux.
L’auteur de ce volume a souvent éprouvé que ses idées n’allaient pas aussi vite que les événements… On doit donc s’attendre à trouver, dans ce livre, des idées qui ont vieilli… (Souvenirs et Regrets !) […] » Et plus bas encore il ajoute : « N’allons pas en vouloir aux événements pour avoir fait triompher d’un côté de la Manche les idées qui nous sont chères, parce qu’elles ont succombé ailleurs. […] Ces idées-là, qui jonchent tant de livres à cette heure et qui doivent périr, car ce qui périt le plus vite, d’une génération à une autre, ce sont les idées générales, qui ne sont pas plus grandes que l’esprit de tous et que, pour cette raison, les esprits inférieurs, c’est-à-dire la majorité des esprits, trouvent à leur portée. Ces pauvres idées, déjà si éreintées par l’usage qu’on en a fait, ce n’est pas Rémusat, cet édulcoré aigri, qui leur communiquera de la vie, et on regrette d’avoir à les traverser encore une fois avant d’arriver au meilleur de son livre, c’est-à-dire à cette partie résistante de l’Histoire qui n’a rien à faire avec le pamphlet aux navets !
C’est celle d’un vieillard plein de sens, accoutumé au spectacle des choses humaines, qui ne s’échauffe pas, ne s’éblouit pas, admire avec tranquillité et blâme sans indignation ; sa marche est mesurée, et il ne la précipite jamais : semblable à une rivière calme, il s’arrête, il revient, il suspend son cours, il embrasse lentement un terrain vaste ; il sème tranquillement, et comme au hasard sur sa route, tout ce que sa mémoire vient lui offrir ; enfin partout il converse avec son lecteur : c’est le Montaigne des Grecs ; mais il n’a point comme lui cette manière pittoresque et hardie de peindre ses idées, et cette imagination de style que peu de poètes même ont eue comme Montaigne. […] Il eut le bonheur de casser bien vite une table de marbre : cet accident, qui lui fit une querelle, le rendit tout entier à la philosophie et aux lettres ; il avait ce tact du ridicule qui tient à un esprit délié et fin, et cette arme légère de la plaisanterie, qui consiste presque toujours à faire contraster les objets, ou en réveillant une grande idée à côté d’une petite chose, ou une petite idée à côté d’une grande. De ce rapprochement ou de ce contraste, naît le ridicule que les peuples simples ignorent, que les peuples à grand caractère méprisent, mais qui est si à la mode chez toutes les nations, dans cette époque où les vices se mêlent aux agréments, et où l’esprit ayant peu de grandes choses à observer, multiplie par le loisir ses idées de détail. […] Telle est à peu près l’idée et le plan de cet éloge. […] Quoiqu’alors la Grèce fût esclave des Romains, on se souvenait encore des sentiments que l’ancienne liberté inspirait ; et quand l’éloquence trouvait une âme noble, cette éloquence faisait revivre les idées des Miltiade et des Périclès ; c’est ainsi que dans la populace de Rome moderne, il y a eu des temps où l’on entrevoyait les descendants des Scipions.
L’idée du christianisme est familière à Amiel, mais sa réalité lui échappe, car l’idée du christianisme n’est pas encore le christianisme. […] Jusqu’alors Scherer s’était mû dans les idées générales. […] C’est enfin, assure-t-il, un fait conforme à l’idée que la créature possède de Dieu. […] Malgré tout et quoi qu’il en eût, les faits étaient au service d’une idée qu’ils exprimaient, dont ils n’étaient qu’une réalisation passagère : l’idée d’un progrès dans le devenir. […] L’idée chrétienne.
Son esprit que je suppose supérieur, en plaçant des idées centrales parmi les idées isolées et traînantes de la société où elle se trouve, fera éprouver le charme de ce que j’appelle harmonie à toutes les personnes qui l’écoutent. L’esprit brillant s’annonce par un doux frémissement, qui anime à la fois toutes les idées chez les personnes bienveillantes qui l’entendent. […] Le nom de l’antique Caton n’est pas suffisant pour nous réconcilier avec l’idée d’un vieillard abécédaire, d’un vieillard qui se remet aux éléments (turpis et ridicula res est elementarius senex). […] Il y a plus : en écrivant ce qui nous frappe, nous donnons des couleurs aux idées. […] — Il faut ne jamais oublier que ni les idées ni les sentiments ne viennent du dehors, qu’ils sont en nous, que ce qui vient du dehors n’est que l’excitation qui commence leur vie toute spirituelle.
L’aristocratie anglaise, qui a parfois de ces bonnes idées-là, a imaginé de donner à une opinion politique le nom d’une vertu. […] Il est temps que les hommes de l’action prennent leur place derrière et les hommes de l’idée devant. […] Toutes ces phrases, expression d’une idée unique, l’idée divine, écrivent lentement le mot Fraternité. […] Est-ce une idée ? […] L’idée du grain de poussière est dans le mot granit.
Et l’idée que nous construisons la matière avec nos états intérieurs, que la perception n’est qu’une hallucination vraie, vient de là également. C’est cette idée que nous n’avons cessé de combattre quand nous avons traité de la matière. […] C’est ainsi que nous avons pu assister au phénomène de l’association des idées, et à la naissance des idées générales les plus simples. […] La généralité naissante de l’idée consiste donc déjà dans une certaine activité de l’esprit, dans un mouvement entre l’action et la représentation. […] Ainsi, par l’idée de tension nous avons cherché à lever l’opposition de la qualité à la quantité, comme par l’idée d’extension celle de l’inétendu à l’étendu.
Il y a une action et une réaction continuelles du monde des faits sur le monde des idées, et du monde des idées sur le monde des faits. […] Elle recevra de lui sa foi, ses sentiments, ses idées ! […] Telles sont les idées bizarres que font naître ces sortes de maladies. […] Feydeau vient-il parler d’idées au public ? […] C’est l’idée et la doctrine que M.
On n’a pas l’idée de la vélocité de leur action. […] Déjà La Motte, en France, le ridicule La Motte-Houdard, avait eu l’idée d’une tragédie en prose avant Gœthe. […] Lorsqu’il se trouvait à bout d’idées ou sans idées (ce qui était beaucoup plus fréquent), il se pipait et pipait les autres avec les mots nature, vie, ensemble et force des choses. […] Il ne l’est nulle part, ni dans aucun ordre d’idées, ni dans aucun ordre de faits. […] L’idée commune y plane sur ces ailes d’oie, d’envergure de condor, qu’a l’idée commune, qui voudrait, au besoin, tasser tout l’esprit humain sous ces bêtes d’ailes.
Il y a deux intentions dans la publication de ce livre, l’intention littéraire et l’intention politique ; mais, dans la pensée de l’auteur, la dernière est la conséquence de la première, car l’histoire des hommes ne présente de poésie que jugée du haut des idées monarchiques et des croyances religieuses. […] Les beaux ouvrages de poésie en tout genre, soit en vers, soit en prose, qui ont honoré notre siècle, ont révélé cette vérité, à peine soupçonnée auparavant, que la poésie n’est pas dans la forme des idées, mais dans les idées elles-mêmes.
quelle dépense d’idées ! […] Idée ingénieuse ! […] La même idée est venue à Calemard de la Fayette. […] Singulier phénomène à notre époque qu’une âme d’où toute idée moderne est absolument bannie. […] La pièce est bien pleine de l’idée première.
Mais à cette idée nous nous sentions pris de timidités invincibles. […] Qui n’a pas ses idées à sa majorité, ne les aura jamais. […] Le poète excelle dans ces vues prises de haut sur les idées, la configuration ou la politique d’un temps. […] Certes, c’est là un spectacle navrant, plein d’idées lugubres et de réflexions amères ! […] Son idée, sinon sa main, a mis un cachet sur toutes ses œuvres.
Je cherche à combiner intimement ces deux idées, l’idée de l’amour et l’idée d’un lapin dépouillé et arrangé en ragoût. […] et cela nous venge un peu de ce gros poupard troué de fossettes qui représente l’idée populaire de l’Amour. […] L’idée d’un combat de coqs appelle naturellement le souvenir de Manille ou de l’Angleterre. […] Peinture de genre implique un certain prosaïsme, et peinture romanesque, qui remplissait un peu mieux mon idée, exclut l’idée du fantastique. […] Frémiet représente l’intelligence humaine portant partout avec elle l’idée de la sagesse et le goût de la folie.
Les marionnettes répondent exactement à l’idée que je me fais du théâtre, et je confesse que cette idée est particulière. […] Il n’avait ni plan d’aucune sorte, ni idée quelconque. […] Suivez, par le monde, l’histoire des idées et des mœurs. […] C’est cette belle idée que M. […] Il était modéré, et l’idée du possible ne le quittait jamais.
Il aurait été tenté depuis de revenir nous voir vers 1810, et de se rafraîchir dans l’idée de Paris ; on se serait lié avec lui, et lui avec nous ; il y aurait eu échange et prêté rendu comme avec Alexandre de Humboldt. […] Le recueil intitulé la Lyre et l’Épée le transporta ; il eut l’idée de s’enrôler à la suite dans le même genre, et il composa à son tour un petit poëme sur la vie de soldat. […] S’il était occupé d’une grande idée, ses paroles coulaient avec une inépuisable richesse ; on croyait alors être au printemps, dans un jardin où tout est en fleur, où tout éblouit et empêche de penser à se cueillir un bouquet. […] « C’est une très jolie idée de ma fille », disait Gœthe. […] Vous les publierez d’abord dans les Almanachs, dans les Revues, mais ne vous conformez jamais à des idées étrangères ; agissez toujours d’après votre inspiration propre.