Il est si vrai que le christianisme jette une éclatante lumière dans l’abîme de nos passions, que ce sont les orateurs de l’Église qui ont peint les désordres du cœur humain avec le plus de force et de vivacité.
Mais un romain, contemporain de Cesar, qui voudroit sacrifier sa propre fille seroit un scelerat, il violeroit un précepte sacré de la loi naturelle sans être excusé par les loix de sa patrie : car il y avoit long-tems deslors que les romains avoient défendu de sacrifier des victimes humaines, et qu’ils avoient même obligé les peuples libres qui vivoient sous leur protection, à garder cette défense.
Je n’entens pas ici par impossible ce qui est au-dessus des forces humaines, mais ce qui paroît impossible, même en se prêtant à toutes les suppositions que le poëte sçauroit faire.
Notre principal objectif, en effet, est d’étendre à la condition humaine le rationalisme scientifique, en faisant voir que, considérée dans le passé, elle est réductible à des rapports de cause à effet qu’une opération non moins rationnelle peut transformer ensuite en règles d’action pour l’avenir.
Il s’enfonça dans la forêt ne voulant plus voir d’êtres humains.
Il a été, avant tout, écrivain dans le sens humain de ce mot.
Pour les esprits qui ne passent pas leur vie à couper en quatre des fils de la Vierge avec de microscopiques instruments, il n’y a que trois femmes en nature humaine et en histoire : La femme de l’Antiquité grecque (car la matrone romaine, qui tranche tant sur les mœurs antiques, n’est qu’une préfiguration de la femme chrétienne), la femme de l’Évangile, et la femme de la Renaissance, — pire, selon nous, que la femme de l’Antiquité, pire de toute la liberté chrétienne dont la malheureuse a si indignement abusé.
« Le Roman bourgeois — dit avec raison Asselineau — est le premier roman d’observation qu’ait produit la littérature française. » La manière de l’auteur, ce vieux raillard, comme parlerait Rabelais (le père à tous de ces observateurs ricanants de la nature humaine et du monde), la manière de l’auteur, incisive, colorée, gauloise, étreignant la réalité, et quelquefois jusqu’au cynisme, est caractérisée avec beaucoup de bonheur par Charles Asselineau.
Comme il est agréable de songer que le cerveau humain peut être l’instrument, l’outil d’un si bel assemblage de considérations !
Mais aussi lorsqu’un prince humain et bienfaisant, tel qu’il y en eut plusieurs, avait cessé de vivre, et que les prêtres récitaient ses actions en présence du peuple, les larmes et les acclamations se mêlaient aux éloges ; chacun bénissait sa mémoire, et on l’accompagnait en pleurant vers la pyramide où il devait éternellement reposer… Depuis trois mille ans, ces usages ne subsistent plus, et il n’y a dans aucun pays du monde, des magistrats établis pour juger la mémoire des rois ; mais la renommée fait la fonction de ce tribunal ; plus terrible, parce qu’on ne peut la corrompre, elle dicte les arrêts, la postérité les écoute, et l’histoire les écrit.
Seulement le philosophe est autorisé à développer surtout le premier, que la presque totalité des humains néglige. […] Le mécanisme humain est lui-même monté pour obtenir cet anéantissement, cette zone obscure autour d’un point clair. […] Teste figure à l’état de tension un style humain qu’Amiel et Bergeret épousent dans sa détente. […] La volonté de Teste ressemble bien à celle du jeune Descartes, décomposée par Descartes mûri en un souvenir de chaleur de foie et une théorie de la volonté humaine, infinie autant que celle de Dieu. […] La possession de ces hommes et de ces femmes par Teste, la facilité avec laquelle il les déduit, les fait, voilà l’ordre mâle que le style humain d’Amiel équilibre par un ordre féminin.
Cette transformation, par l’expiation, du criminel en dieu, est certainement une des plus belles idées qui aient passé par un cerveau humain. […] Némésis, c’est la force divine qui réprouve et qui punit l’orgueil humain et toutes les manifestations de l’orgueil humain. […] Voltaire dit quelque part d’Iphigénie que c’est le chef-d’œuvre de l’esprit humain. […] Je n’y puis plus tenir, j’enrage, et mon dessein Est de rompre en visière à tout le genre humain. […] tout souillé du sang des malheureux humains, Ton sang, lâche Néron, épouvante les mains !
Où donc, si ce n’est dans le cœur humain, Corneille avait-il puisé ces combats si touchants de l’amour et de la piété filiale dans Chimène ; de l’honneur et de l’amour dans Rodrigue ? […] Convient-il à un littérateur qui a des principes, je ne dis pas de dénigrer injustement Corneille, mais de calomnier le cœur humain ? […] Ce poète nous a laissé sur la première représentation de Britannicus, à laquelle il assista, des détails extrêmement curieux et très intéressants pour l’histoire de l’esprit humain. […] À quel point les petites passions ne peuvent-elles pas dégrader la raison humaine ! […] Cette folie, est dans la nature de l’esprit humain ami du merveilleux, indifférent pour ce qu’il connaît, avide de ce qu’il ne connaît pas : c’est
Des cris d’angoisse venaient de là-haut, de cette espèce de grappe humaine suspendue. […] Cette sépulture des marins n’est plus violable par aucune main humaine. […] Arrivons à l’être humain. […] D’un accent ironique et gouailleur, l’auteur nous soumet une des plus cruelles énigmes du cœur humain. […] Pesant le prix de la vie humaine dans le positivisme, M.
Il n’en est pas moins vrai que, pour occuper les premiers rangs dans l’ordre de l’art, la condition est un certain équilibre et une ordonnance entre les éléments humains, une volonté supérieure qui en dispose, tout en les déchaînant, une élévation qui, au sommet, triomphe des orages eux-mêmes et se rit des déchirements au sein d’une sereine clarté. […] Enfin, il y a dans mon âme naturellement douce quelque chose d’indompté qui brise avec fureur et à leur seule idée les chaînes misérables de nos institutions humaines. […] Je suis devenu avare : mon trésor est la solitude ; je couche dessus avec un bâton ferré, dont je donnerais un grand coup à quiconque voudrait m’en arracher. » « La solitude est plus que jamais pour mon âme ce que les cheveux de Samson étaient pour sa force corporelle. » Mais cette solitude n’est pas tout à fait aussi farouche qu’elle en a l’air ; et avec toutes ces austères résolutions, si un ami arrive, il est du plus loin le bienvenu : « Il y a des voix humaines que j’aime à entendre résonner dans ma Thébaïde.
Il est simple, celui-là, je l’avoue, car c’est un tarif, et encore l’est-il moins que ce fameux Périple où perce un petit coin de merveilleux à travers le grec, — ne fût-ce que ces peaux de gorilles prises pour des peaux humaines et qui étaient appendues dans le temple de Moloch (traduisez Saturne), et dont je vous ai épargné la description […] (Songez donc que les sacrifices humains n’étaient pas complètement abolis EN GRÈCE à la bataille de Leuctres ! […] L’âme humaine n’est point partout la même, bien qu’en dise M.
L’homme d’esprit en lui, le philosophe avait parfois quelque remords de son bonheur qui lui ôtait de la curiosité : « Ma vie est heureuse, écrivait-il pour lui seul (26 février 1825), heureuse, mais uniforme ; je n’ai presque aucun désir qui me soit personnel ; j’ai aussi peu de craintes, sauf celles qui se rapportent aux destinées du genre humain. […] Elle oublie qu’en prenant le genre humain entier, ceux qui font entrer des vérités bienfaisantes dans leur religion ne sont pas un contre cent… » Et, tout en raisonnant de la sorte, il se laisse mener par sa femme au sermon ; il est tel de ces sermons qu’il trouve assez à son gré. […] Mais l’analyse de tous les sentiments du cœur humain est si admirable, il y a tant de vérité dans la faiblesse du héros, tant d’esprit dans les observations, de pureté et de vigueur dans le style, que le livre se fait lire avec un plaisir infini.
Homère a comparé les générations humaines, — Horace a comparé la succession des mots et vocables à la frondaison des bois, aux feuilles passagères qui verdissent, gardent leur fraîcheur plus ou moins de temps, puis jaunissent et tombent. […] Il était systématiquement sceptique, sauf dans les matières de foi qu’il réservait par prudence et pour la forme, refusant la certitude à l’esprit humain par toute autre voie. […] Il y a dans le cours des choses humaines, et des choses littéraires en particulier, de véritables instants décisifs, des crises : un bon conseil bien donné, bien frappé à ce moment, un coup de main de l’esprit fait merveille et peut faire événement.
Ces trois classes étaient divisées elles-mêmes en sections dont les objets d’étude répondaient à un exact dénombrement des connaissances humaines. […] Gardons-nous toutefois de méconnaître ce qu’il y avait de grand, d’utile, d’applicable à une société républicaine et libre dans ce premier programme, tracé tout en vue du travail et de l’émulation des membres, du concert et du progrès des connaissances humaines. […] Misère et infirmité de l’esprit humain !
Il sait que, à l’endroit où il voit une figure humaine, il n’y a qu’un mur tendu de papier vert. En d’autres termes, l’image de ce mur tendu de papier vert entre en conflit avec la sensation de la figure humaine qui apparaît au même endroit ; par son simple accolement, elle la nie. […] Mais ils se font contraste par leurs précédents et par leurs suites, le premier étant le produit harmonieux de toutes les tendances réunies de la plante humaine, le second étant le grossissement exagéré d’un élément désaccordé, qui, comme un organe hypertrophié et soustrait à la vie générale, se développe à part et monstrueusement, en dépit des autres dont il trouble le jeu concordant.
Puis il fit quelques visites à Charles X dans son exil, visites qu’il ébruita, au retour, par des sarcasmes ; la pudeur de ses amis les lui fit retrancher de l’impression ; mais je les ai moi-même entendus chez madame Récamier, sa dernière amie, et j’en ai gémi pour l’honneur du cœur humain ; il y flattait les ennemis de tous les trônes par des moqueries domestiques. […] « J’avais une tête très froide et très bonne, dit l’auteur d’Atala, et le diplomate, aussi grand que juste et ambitieux dans ses vues, avait le cœur cahin-caha pour les trois quarts et demi du genre humain. » Voici le cri du commentaire, cette fois plus juste que bienséant, arraché à M. de Marcellus par la flagrante ingratitude envers l’âme de Juliette (madame Récamier), oubliée si cruellement pour des affections légères à l’âge du poète : « Je crois, dit-il, qu’il faut rétablir ainsi cette phrase : J’avais une très froide et très bonne tête, et, après, le cœur cahin-caha pour les trois quarts et demi du genre humain.
Qu’Oreste baigné du sang de sa mère tremble à l’aspect des furies vengeresses dont il se croit entouré ; que Macbeth et Richard III poursuivis par leurs remords pensent l’être par leurs victimes, cet égarement de leurs esprits est la punition de leurs crimes ; et la nature même a créé de tels supplices pour les coupables échappés à la justice humaine. […] Mais quels sont donc, je vous prie, vos spectateurs, s’il leur faut des combats de gladiateurs, des victimes humaines livrées aux bêtes féroces, et des bourreaux enfin pour derniers personnages de vos poèmes ? […] Après qu’on a vu se reproduire en Allemagne, en Écosse, en France, les doctrines et la philosophie transcendantale des platoniciens d’Alexandrie, on ne doit pas s’étonner de l’altération des théories littéraires· En littérature comme en philosophie, il n’y a que deux routes ouvertes à l’esprit humain, celle de l’observation et celle de l’extase.
Peu porté et peu exercé à observer, n’ayant dans ses longues journées de Combourg presque point de créatures humaines avoir, sensible aux dehors surtout, il ne connaîtra guère des autres que les masques et les silhouettes. […] Comme il sent en soi, et ne sent pas en autrui les passions humaines, il s’estime différent, unique, donc supérieur. […] Son dessein était de « prouver que, de toutes les religions qui ont jamais existé, la religion chrétienne est la plus poétique, la plus humaine, la plus favorable à la liberté, aux arts et aux lettres ; que le monde moderne lui doit tout ; … qu’il n’y a rien de plus divin que sa morale, rien de plus aimable, de plus pompeux que ses dogmes, sa doctrine et son culte ; … qu’elle favorise le génie, épure le goût, développe les passions vertueuses, donne de la vigueur à la pensée, offre des formes nobles à l’écrivain, et des moules parfaits à l’artiste649…. » Ce vaste dessein d’apologie se développait à travers quatre parties : Dogmes et doctrines, Poétique, Beaux-Arts et Littérature, Culte.
Jamais on n’aura mieux vu combien l’esprit humain est incompressible, et combien il est chimérique de prétendre l’enfermer dans les règles étroites d’un système qu’à notre époque, où à côté d’une brillante école de romanciers uniquement épris de réalités, s’est formée une école de poètes réfugiés, comme le savant de Hawthorne en sa serre, dans un monde absolument artificiel. […] Ainsi, dans cet art, les tableaux de la nature, les actions des humains, tous les phénomènes concrets ne sauraient se manifester eux-mêmes : ce sont là des apparences sensibles destinées à représenter leurs affinités ésotériques avec des Idées primordiales. […] Mais enfin, le passé de l’esprit humain lui échappe en partie et, quand il a essayé d’établir les prolégomènes du naturalisme dans le roman et au théâtre, il a montré beaucoup d’incertitude.
L’esprit français, dans les monuments que je viens d’apprécier, c’est l’esprit humain sous la forme française ; il restait à le voir avec sa propre physionomie, non plus à la recherche d’un idéal littéraire, mais se prenant lui-même pour sujet unique de son étude. […] A voir de quelle hauteur le premier regarde les choses, on pourrait croire qu’il n’aperçoit rien sur la terre qui soit digne d’admiration, sinon ce qu’il appelle le dessein de Dieu dans les choses humaines. […] Il avait l’humeur trop indépendante, il aimait trop la vérité comme un avantage et un droit sur les autres, il croyait trop en chrétien à la liberté humaine pour être propre à la politique.
Jamais homme ne fut moins porté à s’occuper de philosophie proprement dite ; tout ce qui est du domaine de la science positive, tout ce qui est mathématique ou raisonnement abstrait lui répugnait tant que l’auteur de la logique n’a jamais exercé la moindre influence sur lui ; Hegel et Wagner sont les deux antipodes du genre humain. […] De même que pour l’art il ne cessait d’enseigner que c’est par les sens qu’elle doit être perçue, sans l’intermédiaire de la réflexion, de même qu’il était l’adversaire de tout art purement littéraire, qu’il datait la décadence humaine de l’invention de la machine à imprimer (X, 176), et qu’il regrettait le temps où l’on ne connaissait les poèmes qu’en les entendant réciter à haute voix, et les drames qu’en les voyant jouer sur la scène (III, 127), de même toute abstraction spéculative lui répugnait et lui semblait inutile. […] Par contre, il enseigne : « Vérité, réalité, sensualité, sont trois termes identiques… il n’y a d’autre preuve de l’être que l’amour, que les sens. » Et Wagner nous dit : « Ce qui m’attira vers Feuerbach, ce fut que cet écrivain renie la philosophie et qu’il donne de la nature humaine une explication dans laquelle je crus reconnaître l’homme artiste tel que je l’entendais moi-même » (III, 4).
Nous ne parlerons pas du Tableau du Genre humain, de l’Histoire du Parlement, de la Philosophie de l'Histoire, ni de tant d’autres Ouvrages, prétendus historiques, qui ne sont capables de piquer la curiosité que par la hardiesse & la licence, qui y attaquent les objets les plus respectables. […] Nous n’insisterons pas davantage sur ce tableau si humiliant pour la Littérature, pour la Philosophie, & pour l’Esprit humain en général : nous l’avons mis dans le plus grand jour dans le Tableau philosophique de l’Esprit de cet Ecrivain, & nous nous faisons un devoir de ne pas nous recopier. […] L’amour de l’indépendance qu’il prêche dans ses Ecrits, amour qui flatte naturellement tous les Hommes ; l’apologie qu’il fait souvent des foiblesses humaines ; la tolérance & l’humanité, qu’il ne cesse de recommander, & dont tout le monde a besoin, n’ont pas peu contribué à décider en sa faveur les Hommes de tous les états, de tous les âges, assez foibles pour croire sur parole, & trop peu réfléchis pour rien approfondir.
Chamfort a le tort de dire de ces choses extrêmes qu’il ne faut jamais adresser à tout le genre humain en masse, pas plus qu’à un seul homme en particulier ; car, après de telles violences de jugement, on n’a plus qu’à se tourner le dos pour la vie et à ne se revoir jamais. […] Quelle singulière contradiction chez un homme qui se déclara si ardent partisan du progrès et de l’émancipation du genre humain ! […] Cet observateur satirique, qui avait tant méprisé le public et conspué le genre humain, étonnait maintenant Mme Roland elle-même par sa confiance dans un peuple neuf mené par des violents.
Il fallait que l’humain fût frappé dans ces choses de grâce et d’élégance, que je croyais intangibles par la maladie, dans ces dons d’homme comme il faut, d’homme bien né, d’homme bien élevé ! […] C’étaient des élancements qui ressemblaient à des envolées d’oiseau blessé, en même temps que sur sa figure apaisée, aux yeux congestionnés de sang, au front tout blanc, à la bouche entr’ouverte et pâlement violette, était venue une expression qui n’était plus humaine, l’expression voilée et mystérieuse d’un Vinci. […] Cette affirmation ne me touche guère, parce que j’ai la conscience de l’avoir plus aimé, qu’aucun de ceux qui diront cela, n’ont jamais aimé une créature humaine.
Un jour donc qu’il regardait piteusement son maître fondre des sels dans l’écuelle habituelle de ses purgations, et qu’il voyait, la chose faite, tout-à-coup le marchand de journaux porter l’écuelle à sa bouche, alors cet animal éclatait de rire, du rire le plus humain. […] La compassion ne vient que par la connaissance et le contact des misères humaines. […] Tourguéneff soutient, lui, que ça n’est pas… Il prétend que l’amour est un sentiment qui a une couleur toute particulière, et que Zola fera fausse route, s’il ne veut pas admettre cette couleur, cette chose qualitative… Il affirme que l’amour produit chez l’homme, un effet que ne produit aucun autre sentiment… que c’est chez l’être véritablement amoureux, comme si on retranchait sa personne… Il parle d’une pesanteur au cœur qui n’a rien d’humain… Il parle des yeux de la première femme qu’il a aimée comme d’une chose tout à fait immatérielle… et qui n’a rien à faire avec la matérialité.
Cependant, il est fort possible et bien conforme au mécanisme de l’esprit humain que la trouvaille rouge-gorge ou rodkielke soit spontanée dans chacune des langues où on la rencontre. […] On ne devrait pas laisser les cuistres toucher à des organismes aussi délicats que le langage : du moins pourra-t-on désormais leur enseigner que les « tropes » sont une branche de la psychologie générale et qu’il faut réfléchir très longtemps avant que d’oser couper en deux morceaux et tailler à arêtes vives un bloc verbal que l’esprit humain laisse volontairement informe. […] Je crois que cela revient à dire que tous les cerveaux humains sont des horloges très compliquées et très fragiles, mais toutes construites sur le même plan et douées des mêmes rouages.
Encore une fois, c’est un mensonge, cette morale en pleine bouffonnerie, en pleine licence, en plein exercice de l’amour, de la colère, de la tromperie, de la gourmandise et des plus mauvais instincts du cœur humain. […] Alors, et malgré soi, l’on s’incline en présence de ces grandes œuvres, justement parce qu’elles sont les œuvres les plus dangereuses de l’esprit humain ! […] Ces grands hommes, l’honneur de l’esprit humain, reconnaissaient très volontiers les devoirs de la critique ; ils étaient, avant tout, de véritables hommes de lettres, et ils prouvaient, par leur exemple, que cette qualité d’homme de lettres est la plus grande et la plus honorable dont se puisse décorer un galant homme.
Vertu, vice, religion, politique, art, industrie, les plus hautes sphères de l’activité humaine ne sont pour elle que des sujets, plus ou moins heureux, de trumeaux à badigeonner. Les principes, la conscience, les questions morales qui dorment sous le sol de l’histoire, et qui en sont le feu central et la vie, tous ces profonds problèmes, qui forment le sens même de la Destinée humaine, ne lui importent guère. […] Moraliste vaincu par le rococo, qui parle de Dieu et de l’ordre, en regardant le médaillon de madame de Pompadour et en trouvant Louis XV diablement heureux, il résume cependant, un peu trop comiquement pour un écrivain qui depuis trente ans s’efforce d’être grave, la pensée qui est le fond de la lâcheté humaine : Si on pouvait se sauver en se damnant, je serais canonisé demain !
Ces considérations permettent peut-être de juger une théorie qui a vite fait fortune : celle qui veut que fatalement la division du travail, condition nécessaire de tout progrès humain comme de tout perfectionnement biologique, entraîne l’inégalité. […] L’avenir est à l’unité de type du genre humain. — L’avenir est à la variété des types individuels120. — Telles sont les deux conclusions, contraires en apparence, que semble imposer aux anthropologues, qu’ils soient polygénistes ou monogénistes, l’analyse ethnique des groupes qui mènent le progrès. […] Si le droit romain, au lieu de rester un droit local et un droit de classe, devait être un droit humain et individualiste, l’hétérogénéité de ceux qu’il avait à faire vivre ensemble n’en est-elle pas, pour une part, responsable124 ?
Le poëte adresse à un ami cette majestueuse complainte, où la grandeur est décrite sans emphase, et le néant des efforts humains déploré sans faiblesse : « Ces champs, ô douleur ! […] Il faut l’avouer cependant : la différence saisie par un tel maître échappe à des yeux plus faibles ; et, dans cette périlleuse carrière du mysticisme, la suspension de l’âme humaine pour laisser place à Dieu seul, l’amour contemplatif porté jusqu’à l’extase, sans tomber dans le quiétisme, sont pour nous une douteuse énigme. […] Son expression trop vive matérialise le type qu’elle adore ; et, sous les noms d’amour et d’époux, le charme d’un culte tout spirituel, pour une beauté toute céleste, disparaît dans le trouble d’une passion qui semble trop humaine.
La sensibilité humaine est le principe d’où part la tragédie : le pathétique en est le moyen ; l’horreur des grands crimes & l’amour des sublimes vertus sont les fins qu’elle se propose. […] Dans les connoissances humaines, un philosophe démontre ce qu’il peut ; croit ce qui lui est démontré ; rejette ce qui y répugne, & suspend son jugement sur tout le reste. […] ouvrage que nous réclamons ici, comme appartenant au dictionnaire des connoissances humaines, pour suppléer à ce qui manque aux nôtres de profondeur & d’étendue). […] La patrie d’un sage est la terre, son héros est le genre humain. […] La vertu qui se suffit, est une vertu plus qu’humaine : il n’est donc ni prudent ni juste d’exiger que la vertu se suffise.
C’est en effet à ce moment, sous l’influence et par un effet du concours de toutes ces causes, que la littérature devient vraiment humaine, dans le sens le plus large du mot, en même temps que vraiment naturaliste ou naturelle. Qu’y a-t-il de plus « naturel » que la comédie de Molière, si ce n’est la tragédie de Racine ; et qu’y a-t-il de plus humain ? […] Quelque diverses que soient ces œuvres, le premier mérite en est d’être de tous les temps, de tous les lieux, vraies de l’homme universel et non pas seulement du Français du xviie siècle, naturelles en tant qu’humaines, humaines parce que naturelles, — et si je ne craignais que l’expression ne parût un peu métaphysique, — je dirais : un fragment de nature et d’humanité réalisé sous l’aspect de l’éternité. […] Naturelles en tant qu’humaines, disions-nous tout à l’heure ; et maintenant il nous faut dire : nationales en tant qu’universelles, et universelles en tant que nationales. […] Brunetière, La Moralité de la doctrine évolutive, Paris, 1896]. — Que la valeur morale de l’apologie de Pascal subsiste tout entière en tant que la certitude rationnelle n’est pas la seule forme ou la seule espèce de certitude ; — que l’homme ne naît pas bon ; — et que rien d’humain ne s’organise sur des principes purement humains.
Or je maintiens que le marquis d’Argenson, philosophe et citoyen, philanthrope en son temps, s’occupant des intérêts du genre humain, et qui écrivait tous les matins ses idées pour qu’elles ne fussent point perdues, appartient à quiconque sait le lire, le comprendre et le peindre ; et si un éditeur de sa famille vient après un siècle nous l’arranger, nous l’affaiblir, lui ôter son originalité et l’éteindre, je lui dirai hardiment : « Laissez-nous notre d’Argenson. »
Je crois qu’il serait injuste d’imputer le scepticisme réel aux principaux éclectiques de l’école : ils ont sur deux ou trois points des convictions, des principes ; ils ont foi intellectuellement à la liberté humaine et au spiritualisme de l’âme ; mais, à part ces quelques points, le reste est court et le symbole intérieur pourrait sembler bien flottant.
Plus vrai encore fut l’Alphonse Karr de la première jeunesse, maigre, nerveux, vétu d’une blanche robe de moine, irrité par le spectacle de la Bêtise humaine, et ne portant alors qu’une légère et noire moustache de Scaramouche, qui semblait ponctuer la poésie de son génie railleur, venu en droite ligne d’
Il est probable que, dans une anthologie des poètes depuis 1885, des morceaux comme la Complainte des nostalgies préhistoriques, la Complainte de la Lune en province, celle du Pauvre Corps humain, celle de l’Oubli des morts, tels lieds de l’Imitation de Notre-Dame la Lune, ou la pièce ix des Derniers vers, apparaîtraient comme de passionnés et poignants chefs-d’œuvre pour porter avec un parfait honneur le nom de Jules Laforgue.
C’est quand il parle des eaux calmes, des eaux presque mortes, et qu’il assimile les silencieux aquariums aux cerveaux humains, où les idées glissent ou rampent, où les actinies s’entr’ouvrent un instant, c’est par le détail heureux qu’il est poète.
Nulle autre cause de cette étonnante supériorité, que la connoissance profonde du cœur humain, qu’une observation subtile qui saisissoit avec justesse les vices & les ridicules par-tout où ils se trouvoient, qu’une délicatesse de tact qui discernoit, à coup sûr, ce qu’il y avoit de plus saillant dans les travers de la Société, que l’art enfin de les présenter sous un jour propre à les rendre sensibles, & à les corriger par une plaisanterie sans aigreur, sans apprêt, & toujours si naturelle, que l’effet en étoit immanquable.
Au milieu de toutes ces disputes, soutenues de part & d’autre avec tant de chaleur, à travers ce fatras d’injures & de libèles, parmi ces révolutions continuelles de la république des lettres, le lecteur pourra suivre le fil de nos connoissances, les progrès du goût, la marche de l’esprit humain.
Quand l’esprit humain fait un pas, il faut que tout marche avec lui ; tout change avec ses clartés ou ses ombres : ainsi il nous fait peine à présent d’admettre de petites divinités, là où nous ne voyons plus que de grands espaces.
S’il avoit continué dans le même goût, l’histoire des connoissances humaines, nous pourrions nous flatter d’avoir un ouvrage aussi intéressant qu’approfondi.
C’est une chose bien douce pour nous, leur a-t-on répondu, que de retrouver sur la toile l’image vraie de nos pères, de nos mères, de nos enfants, de ceux qui ont été les bienfaiteurs du genre humain, et que nous regrettons.
Au lieu de cueillir des fleurs, il cueillait avec délicatesse les plus belles idées, les plus beaux récits, les plus beaux dialogues qui aient germé dans l’esprit humain.
Ce qui fait l’étonnant mérite de la Princesse de Clèves et de Madame de La Fayette, ce sont les nuances les plus tendres et les plus choisies qu’on ait jamais vues fleurir, un matin, dans la délicatesse humaine, et que madame de la Fayette nous a offertes avec l’adorable simplicité qui prend de l’eau de source dans ses belles mains pour nous montrer combien elle est pure.
À quelque raillerie méprisante qu’il se soit emporté contre la science humaine, si Pascal est un sceptique, où trouverez-vous un croyant ? […] On ne retombe pas, sans un peu d’ennui, des scènes si largement humaines de la seconde partie, dans ce récit d’aventures et de friponneries vulgaires. […] » Mme de Lambert disait de son côté : « Puisque ce sentiment est si nécessaire au bonheur des humains, il ne faut pas le bannir de la société, il faut seulement apprendre à le conduire et le perfectionner. […] Mais on avait pu dire, avec tout autant de raison, que la durée moyenne d’une existence humaine aurait difficilement contenu tout ce qui se presse d’événements dans celle de Gil Blas. […] De huit volumes dont son Cléveland se compose, il y en a deux d’uniquement consacrés aux aventures du héros dans les déserts d’Amérique, parmi les humains Abaquis et les féroces Rouintons.
Ils sont la sauve-garde du corps humain. […] Il devoit être la gloire de la nation, le triomphe de l’esprit humain ; & jamais phénomène littéraire n’a causé plus de scandale. […] On parvint à renverser la prétendue base sur laquelle portoient toutes les connoissances humaines. […] Il marqua le sol d’où l’on avoit transplanté l’arbre des connoissonces humaines. […] Il eût sçu pardonner aux foiblesses humaines.
Ce dernier rapport, il est vrai, est le seul qui puisse tomber directement sous notre observation, et, lorsque nous définissons le premier par le second en faisant intervenir l’idée de limite, nous nous conformons aux conditions de notre logique humaine. […] Pareillement, dans ces sociétés humaines dont les caractères fixes ou changeants sont l’objet de l’histoire, les éléments, aisément saisis, nous font comprendre l’ensemble. Car ces éléments sont les individus humains dont une société à une époque donnée n’est que la collection, et nous n’avons point de peine à démêler leurs traits communs. […] Par exemple, il s’agit pour l’astronome de chercher comment se sont formées les diverses planètes, pour le géologue de montrer comment se sont formées les couches étagées de l’écorce terrestre, pour le minéralogiste de découvrir comment se sont formées les différentes roches, pour le naturaliste de savoir comment se sont formées nos espèces végétales et animales, pour l’historien de démêler comment se sont formées les époques successives d’une même société humaine et les différents traits d’un caractère national. […] C’est ainsi que depuis quinze ans l’on a retrouvé les traces et marqué les progrès successifs de la race humaine qui a précédé notre époque géologique ; et une loi toute récente, celle de la conservation de la force, dérive par transformation toutes les forces actuelles des forces primitives que la nébuleuse de Laplace enfermait à son plus ancien état120.
Samedi 4 février Parmi les écrivains, il n’y a jamais eu un brave, qui ait déclaré qu’il se foutait de la moralité ou de l’immoralité, qu’il n’était préoccupé que de faire une belle, une grande, une humaine chose, et que si l’immoralité apportait le moindre appoint d’art à son œuvre, il servirait de l’immoralité au public carrément, et sans mentir, et sans professer hypocritement qu’il faisait immoral dans un but moral, quelques criailleries que cela pût amener chez les vertueux journalistes, conservateurs ou républicains… Lundi 6 février F… vient déjeuner, et c’est pour moi un plaisir de revoir ce grand diable, que j’ai vu tout petit garçon. […] Oui, tout ce monde, devant ces lithographies avant la lettre, devant cette merveilleuse « Comédie humaine » au crayon, réalisée avec un procédé, à l’heure actuelle complètement perdu, tout ce monde semble avoir une taie sur l’œil. […] Car incontestablement, c’est la même littérature ; la réalité des choses humaines vue par le côté triste, non lyrique, le côté humain, — et non par le côté poétique, fantastique, polaire, de Gogol, le représentant le plus typique de la littérature russe. […] Au milieu de la tirade dramatique du neuvième tableau, dite d’une manière trop mélo, par Mme Crosnier, Porel lui crie : « Mouchez-vous là, et ne craignez pas de vous moucher bruyamment. » Or, cette chose humaine fait la tirade nature, et lui enlève le caractère théâtre qu’elle avait, avant. […] Sarcey, ce mangeur de prêtres, par cette droite agissant contre moi, l’auteur de l’Histoire de la Société pendant la Révolution, de l’Histoire de Marie-Antoinette… Il y a vraiment dans les choses humaines, à l’heure présente, trop d’ironie !
La voici : Dharma, un ascète en odeur de sainteté en Chine et au Japon, s’était défendu le sommeil, comme un acte trop complaisamment humain. […] Dimanche 1er mai Aujourd’hui, où l’on ne sait pas si la société française « sera mise à cul » et si un gros morceau de Paris ne sera pas dynamité, l’heureux Poitevin fait son entrée chez moi, tout réjoui, tout hilare, tout rayonnant de l’enfantement de trois ou quatre épithètes, disant à ce propos, assez éloquemment, qu’il n’y a de synonymes que pour les âmes non nuancées, et avec ces épithètes, il m’apporte la primeur de cette phrase : « Le signe de la croix inscrit sur la personne humaine les quatre points cardinaux de l’espace spirituel, dans la rose des vents de la destinée humaine. » Je traverse en sortant de mon Grenier, les Champs-Élysées. […] Et je pensais en moi-même, aux effets littérairement et peut-être physiquement fantastiques, que pourraient produire chez les humains l’injection de testicules de féroces, l’injection de lions, l’injection de tigres. […] Toutefois, je dois le dire, l’aspect un peu sévère de la femme, le sérieux de sa physionomie, le milieu de gravité mélancolique, dans lequel elle se tenait, quand j’étais encore un tout petit enfant, m’imposaient une certaine intimidation auprès d’elle, et comme une petite peur de sa personne, pas assez vivante, pas assez humaine. […] Mais plus familiers, plus humains, ces bourdaloues de Saxe, à l’anse faite d’un tortil de ronce, enguirlandée de trois ou quatre fleurettes, et où la blancheur de la porcelaine est semée de petits bouquets : bourdaloues d’une forme plus contournée, plus serpentante, plus amoureuse des parties secrètes de la femme.
Duchesnois », interrompit Talma d’un ton de modération grandiose et humaine, « tu ne penses pas, tu ne penses pas ce que tu dis là. […] Il n’y a point de justice à espérer d’une nation qui a été dix ans ivre de gloire, et qui vient, par un retour nécessaire des choses humaines, d’être abattue sous le poids des revers et des humiliations. […] Il rejette tous les secours humains que la faiblesse maternelle de Josabeth lui suggère pour sauver l’enfant. […] Shakespeare, selon nous, prend l’homme dans ses mains puissantes et lui fait plonger ses regards dans les abîmes tantôt sublimes, tantôt vertigineux du cœur humain.
Ainsi donc, il dut beaucoup dès le principe à sa famille et à sa race du bon pays d’Artois, comme il l’appelait ; même lorsqu’il affligeait ses proches par ses écarts et qu’il les étonnait par ses aventures, il continuait de leur être fidèle par bien des traits et de leur appartenir d’une manière reconnaissable : et aujourd’hui, après un siècle presque écoulé, lorsque la renommée a fait le choix dans ses œuvres, lorsque l’oubli a pris ce qu’il a dû prendre et que, seule, la partie immortelle et vraiment humaine survit, — aujourd’hui, en leur apportant plus que jamais ce renom de grâce, de facilité, de naturel, de pathétique naïf, qui est son lot et qui le distingue, il trouve encore à leur emprunter de cette estime solide, de cette autorité bien acquise et de cette considération publique universelle qui s’ajoute si bien à la gloire. […] Il y a une trace de respect humain : vers la fin, dans la première version, le chevalier Des Grieux était montré comme sur la voie de la pénitence dans le sens chrétien et dans l’idée de grâce, et comme se livrant entièrement aux exercices de la piété.
Quant à Villehardouin, toujours dévoué au bien commun et à l’union de l’armée qui lui semble le premier des devoirs, il représente à merveille ce composé de bon sens, d’honneur et de piété qui consiste à remplir religieusement les engagements de tout genre, même humains, une fois contractés ; en chaque occurrence, il tâche, entre les divers partis proposés, de se tenir au meilleur ; et, s’il y eut une sorte de moralité dans l’esprit et la suite de cette croisade si étrange par ses conséquences, c’est en lui et autour de lui qu’il faut la chercher. […] Voilà le côté politique et prudent ; mais l’autre côté généreux et grandiose, je ne le dissimulerai pas, comme l’ont trop fait dans leurs divers récits des écrivains raisonnablement philosophes : la grandeur du courage et l’héroïsme, ce sont là aussi des parties réelles qui, même après des siècles, tombent sous l’œil de l’observation humaine.
L’Espagne, sous Philippe III et sous son ministre le duc de Lerme, était redevenue volontiers pacifique ; les Pays-Bas de Flandre étaient alors gouvernés par les archiducs Albert et Isabelle, et ce couple humain, modéré, souhaitait rendre le repos et les bienfaits d’une bonne administration aux peuples depuis si longtemps épuisés, remis en leur tutelle. […] Deux grands rois qu’on a essayé de séparer de votre amitié sont demeurés fermes et constants en leur première affection, et n’ont eu ensemble qu’un même avis en la conduite de cette affaire… La plus grande prudence aux affaires d’importance est de se servir de l’opportunité, et de considérer qu’en peu de temps les changements arrivent en l’instabilité des choses humaines et des volontés des hommes, qui rendent impossible ce qui était auparavant aisé.
Les collèges et les académies occupent donc le cercle entier de la vie humaine, où ils se touchent sans se confondre, parce que leur objet est différent. […] Il y a bien des années que, lisant de suite ce recueil des notices historiques de Vicq d’Azyr, simple étudiant alors et en chemin d’être médecin moi-même, mais hésitant encore entre plusieurs velléités ou vocations, il m’a été donné d’en saisir le doux intérêt et le charme ; en passant de l’un à l’autre de ces personnages, je sentais varier mes propres désirs ; chacun d’eux me disait quelque chose ; l’idée dominante que l’auteur avait en vue et qu’il exprimait dans la vie de chacun de ces savants m’apparaissait tour à tour et venait me tenter, même lorsque cette idée dominante n’était que des plus modestes : car il y a cela de particulier dans la touche de Vicq d’Azyr, qu’une sorte de sympathie y respire et que le coloris léger n’y dérobe jamais le fonds humain.
Il faut prendre la destinée humaine dans son superbe ensemble et dans toute sa grandeur. […] Aucune femme honnête ne venait égayer la vie de ces rats de livres à forme humaine.
L’organisme des sociétés ressemble fort à celui du corps humain. […] Guizot un billet qui honore son cœur, sur le départ de son cousin Charles X, embarqué sans accident à Cherbourg : « Enfin, voici des dépêches de nos commissaires qui me soulagent le cœur. » C’est humain, ce n’est pas royal de ton.
Fénelon ne se fait là-dessus aucune illusion, et, à bien lire sa Correspondance, il en ressort que, pour être guéri non sans peine de « ses défauts les plus choquants », le prince ne lui paraît nullement arrivé à la perfection humaine et royale. […] Je le suppose sur le trône et vivant son cours de nature : vingt ans s’écoulent ; la génération dont est Diderot s’élève et grandit, et l’on est en présence de cette armée de jeunes savants désœuvrés et travailleurs, qui, à chaque recommandation, à chaque sommation de se disperser et de se ranger, répondent et s’écrient par la bouche ardente de leur chef : « Je ne veux rien être dans la société ; je ne veux être ni homme en place, ni médecin, ni homme de loi… je ne veux être que le serviteur et l’artisan de l’intelligence humaine !
« Exemple étrange des vicissitudes humaines ! […] » Ce sont là de ces étonnements que j’appelle naïfs, et les vicissitudes humaines, de 1796 à 1827 ont eu, on l’avouera, des coups de dés plus renversants.
Tout ce qui est d’intelligence générale et qui intéresse l’esprit humain appartient de droit à la littérature. […] De quelle façon les premiers hommes qui, après le besoin de se loger et de s’abriter, eurent l’idée de se faire un tombeau ou d’élever un monument, un temple en l’honneur de l’Être qu’ils adoraient, de quelle façon instinctive et inexpérimentée s’y prirent-ils dans les différents groupes de la famille humaine ?
Tantôt, flottant entre un passé gigantesque et un éblouissant avenir, égarée comme une harpe sous la main de Dieu, l’âme du prophète exhalera les gémissements d’une époque qui finit, d’une loi qui s’éteint, et saluera avec amour la venue triomphale d’une loi meilleure et le char vivant d’Emmanuel ; tantôt, à des époques moins hautes, mais belles encore et plus purement humaines, quand les rois sont héros ou fils de héros, quand les demi-dieux ne sont morts que d’hier, quand la force et la vertu ne sont toujours qu’une même chose, et que le plus adroit à la lutte, le plus rapide à la course, est aussi le plus pieux, le plus sage et le plus vaillant, le chantre lyrique, véritable prêtre comme le statuaire, décernera au milieu d’une solennelle harmonie les louanges des vainqueurs ; il dira les noms des coursiers et s’ils sont de race généreuse ; il parlera des aïeux et des fondateurs de villes, et réclamera les couronnes, les coupes ciselées et les trépieds d’or. […] On doit désirer (sans toutefois en être bien certain) qu’ils aient plus raison que Lenglet-Dufresnoy dans ses Pièces curieuses sur Rousseau. — Contradiction des jugements humains, même chez les plus compétents !