Et dans ce moi, composé d’un être double, d’une âme qui pense et don corps qui a des besoins certains, mais si difficiles à démêler d’avec ses passions, pour qui sera la préférence, ou de l’âme qui ne pense que des choses douteuses et ne remue que des obscurités ? […] Tour à tour poétique et pittoresque, ingénieux et subtil, il ôte aux esprits les plus difficiles l’envie de remarquer quelques traces des défauts du temps parmi tant de beautés aimables que lui inspire le désir de plaire aux âmes pour les sauver.
Il était difficile de ne pas dire un peu plus qu’on ne pensait, et que le cœur même ne parlât pas comme quelqu’un qui se sent écouté. […] Ses défauts mêmes, cette humeur difficile, ces scrupules, cet entêtement pour les titres, la crainte de déroger presque plus forte que celle de mal faire, une ambition par tentations et par velléités, soit qu’il aimât mieux être jugé capable des places que de les prendre, soit que ce fût sa vocation de s’en approcher d’assez près pour voir ce qui s’y fait, et de n’y pas atteindre pour avoir le temps d’en écrire ; tout semblait l’inviter à être le grand peintre d’une époque de décadence.
Ce problême n’est pas difficile à résoudre. […] Ils conviennent que parmi les Ouvrages de M. de Voltaire, il y en a quelques-uns d’excellens ; mais ils soutiennent [on commence à les croire, & on les croira de plus en plus] qu’il y en a beaucoup de médiocres & un grand nombre de mauvais : que le talent de saisir les rapports éloignés des idées, de les faire contraster, semble lui être particulier ; mais qu'il y met trop d'affectation, & que les productions de l'art sont sujettes à périr : qu'il n'a que l'éloquence qui consiste dans l'arrangement des mots, dans leur propriété, & non celle qui tire sa force des pensées & des sentimens, qui est la véritable : qu'il n'a aucun systême suivi, & n'a écrit que selon les circonstances, & presque jamais d'après lui-même : que le plus grand nombre de ses Ouvrages ne sont faits que pour son Siecle, & que par conséquent la Postérité n'en admettra que très-peu : que si la gloire du génie n'appartient qu'à ceux qui ont porté un genre à sa perfection, il est déjà décidé qu'il ne l'obtiendra jamais, parce qu'il ressemble à ce fameux Athlete, dont parle Xénophon, habile dans tous les exercices, & inférieur à chacun de ceux qui n'excelloient que dans un seul : que son esprit est étendu, mais peu solide ; sa lecture très-variée, mais peu réfléchie ; son imagination brillante, mais plus propre à peindre qu'à créer : qu'il a trop souvent traité sur le même ton le Sacré & le Profane, la Fable & l'Histoire, le Sérieux & le Burlesque, le Morale & le Polémique ; ce qui prouve la stérilité de sa maniere, & plus encore le défaut de ce jugement qui sait proportionner les couleurs au sujet : qu'il néglige trop dans ses Vers, ainsi que dans sa Prose, l'analogie des idées & le fil imperceptible qui doit les unir : que ses grands Vers tomdent un à un, ou deux à deux, & qu'il n'est pas difficile d'en composer de brillans & de sonores, quand on les fait isolés : enfin, que la révolution qu'il a tentée d'opérer dans les Lettres, dans les idées & dans les mœurs, n'aura jamais son entier accomplissement, parce que les Littérateurs qu'il égare, & les Disciples qu'il abuse, en les amusant, peuvent bien ressembler à Charles VII, à qui Lahire disoit, On ne peut perdre plus gaiement un Royaume ; mais qu'il s'en trouvera parmi eux, qui, comme ce Prince, ouvriront les yeux, chasseront l'Usurpateur, & rétabliront l'ordre.
Il est de ceux dont il convient de parler à l’heure où ils disparaissent, car il est compliqué, difficile à comprendre, et la postérité n’a le temps de se souvenir que de ce qui se détache avec unité et netteté. […] Évariste Dumoulin (alors rédacteur en chef du Constitutionnel), suggérant et appuyant les solutions les plus fermes, et il fut de ceux qui, en ces moments difficiles, ne se démentirent pas.
Cette modestie si difficile à observer me rappelle un mot de Diderot, parlant, en 1767, d’un « jeune poète appelé Chamfort, d’une figure très aimable, avec assez de talent, les plus belles apparences de modestie, et la suffisance la mieux conditionnée. […] Ce que je connais de mieux en ce genre, c’est celle de Satan dans le Paradis perdu. » Mais il était difficile, on en conviendra, à l’ancienne société de deviner cet orgueil de Satan dans le sensible et anodin auteur de La Jeune Indienne, ou dans le peintre tragique si adouci de Zéangir.
Cette habitude de la création, cet amour infatigable de la maternité qui fait la mère, enfin cette maternité cérébrale, si difficile à conquérir, se perd avec une facilité étonnante23. » Quel est donc le sentiment dominateur et animateur du génie ? […] C’est là un travail fort difficile.
Il est difficile d’admettre que M. […] Guizot est latitudinaire, avec quelle liberté il fait son choix entre les dogmes, laissant de côté ceux qui peuvent être les plus désagréables à l’imagination de notre siècle (le diable, les peines éternelles, le petit nombre des élus…), pour ne conserver que ce qui lui paraît le strict nécessaire, il est difficile de voir dans cette théologie choisie et triée autre chose qu’un demi-christianisme logiquement entraîné au rationalisme.
Mais il auroit été difficile que l’auteur eût composé quinze vol. s’il n’avoit voulu écrire que pour les gens de goût. […] Une Histoire Ecclésiastique est une entreprise si longue & si difficile, qu’il n’est pas étonnant que M.
La chose est assez difficile à déterminer. […] Le concevoir est aisé, le nommer est difficile.
Il est difficile de dire mieux : « Je peins de hommes ! […] Incontestablement il est difficile d’écouter parler les hommes pendant toute une journée sans croire qu’ils sont bien inférieurs à des animaux.
Mais voici des faits difficiles à dissoudre, difficiles à râper et à réduire à rien, tant l’épaisseur en est formidable : Néron, l’incendie de Rome, le siège de Jérusalem, et il s’agit de savoir s’il va bien les peindre !
Je ne dis pas qu’il suffise d’être du monde pour en parler, mais il est difficile d’en parler si on n’en est pas. […] Vous étiez un artiste complet, un esprit haut, inquiet, une âme dont l’accès devait être difficile et le commerce très sûr.
Toutefois, dans son ensemble, et précisément parce qu’elle est pratiquée par de nombreux esprits d’espèces fort diverses, la littérature déconcerte souvent par sa richesse et sa variété ; la valeur relative et la valeur absolue se confondent, les goûts se contredisent, les idées heurtent des opinions personnelles, et, dans l’enchevêtrement des causes, des effets, des précurseurs, des attardés, des formes traditionnelles, des formes neuves et sincères, il est presque aussi malaisé de dégager la ligne essentielle qu’il est difficile de définir « la vie ». […] Dès que nos intérêts économiques, politiques ou autres sont enjeu, il nous est difficile de céder à un raisonnement qui porte précisément sur ce cas particulier de nos intérêts ; la vision d’une loi très générale, aussi vieille que l’humanité et inhérente à la nature humaine, serait d’une éloquence bien plus persuasive pour les bons esprits, et donnerait à la masse elle-même cette foi en ses destinées qui lui manque depuis longtemps, et qui seule est créatrice des grandes œuvres.
On lit encore à vingt ans son Hippolyte, mais il est difficile qu’à trente on puisse le lire. […] Il est toujours facile de rassembler des regles, & toujours difficile de les mettre en œuvre.
Sa plus grande dissimulation en causant était de ne pas dire tout ce qu’elle pensait et ce qu’elle savait, mais elle ne s’abaissait jamais au mensonge ; elle aimait par goût la vérité, et « à s’approcher d’elle le plus qu’elle pouvait toujours. » Sa littérature nous est connue ; elle nous a dit elle-même ses lectures ; elle était devenue plus difficile avec les années : « Elle aimait (c’est le prince de Ligne qui parle) les romans de Le Sage, Molière et Corneille. — “Racine n’est pas mon homme, disait-elle, excepté dans Mithridate.”
Un grand talent triomphait de toutes ces considérations ; mais il était néanmoins difficile aux femmes de porter noblement la réputation d’auteur, de la concilier avec l’indépendance d’un rang élevé, et de ne perdre rien, par cette réputation, de la dignité, de la grâce, de l’aisance et du naturel qui devaient caractériser leur ton et leurs manières habituelles.
Pascal, qui a fait une si profonde réflexion sur le travail de l’écrivain, et qui, là comme en toute chose, a vu plus nettement et plus loin que personne, a remarqué la peine que donne cette recherche nécessaire : « La dernière chose qu’on trouve en faisant un ouvrage est de savoir celle qu’il faut mettre la première. » Et soit qu’on ait parlé, ou entendu les autres parler, n’a-t-on pas pu remarquer souvent comme il est difficile de finir ?
Aussi n’est-il pas difficile de s’expliquer ce qui advint de la littérature.
Et pourtant tout bien réfléchi et au risque de me contredire encore une fois, il m’est extrêmement difficile de m’apitoyer sur le cas de M.
Cela est autrement difficile.
La mort, d’ailleurs, allait dans quelques jours lui rendre sa liberté divine, et l’arracher aux fatales nécessités d’un rôle qui chaque jour devenait plus exigeant, plus difficile à soutenir.
Mais qu’il n’y ait pas trouvé quelque rapport avec ce qui se passait à la cour ; qu’il n’ait pas vu, pas soupçonné que la situation du marquis de Montespan eut quelque rapport avec celle d’Amphitryon, celle de Louis XIV avec celle de Jupiter, qu’il n’ait eu aucune intention en disant dans sa pièce : Un partage avec Jupiter N’a rien du tout qui déshonore, c’est ce qu’il est difficile de croire d’un homme qui était au courant de toutes les aventures galantes de la cour, et ne négligeait, que dis-je ?
Avouons-le, c’est une tâche d’autant plus difficile que le problème devient, de jour en jour, plus compliqué.
Assurément, pour se hausser à une pareille lâche, pour n’avoir pas peur d’une si difficile entreprise, il fallait croire en soi, et, il n’y a pas de milieu, il fallait être quelque chose comme un Montesquieu, doublé d’une madame de Staël, ou bien… un jeune homme et même deux !
… C’est une raison au contraire pour qu’elle l’ose, car, le difficile, voilà ce qui tente les esprits vraiment courageux.
… Les livres sur l’éducation sont prodigieusement difficiles et rares ; malgré des tentatives et des travaux assez nombreux, on peut même dire qu’il n’y en a pas.
Épaisseurs difficiles à percer !
À cela près de deux ou trois peut-être, j’ai dit toutes les sources dans lesquelles l’auteur de L’Esprit révolutionnaire avant la Révolution a puisé son livre, et on vient de voir qu’elles ne sont ni bien nombreuses, ni bien profondes, ni bien difficiles à trouver.
Les tuniques de Nessus universitaires ne brûlent pas, mais elles collent… et c’est tout de même diablement difficile de les arracher !
Il y avait là un petit entre-deux difficile à passer sans accroc et sans encombre, et, pour le franchir, M.
Rien de l’art d’écrire, rien du sentiment de l’écrivain n’est dans cette adorable chose pour laquelle on cherche un nom, difficile à trouver… Quoi qu’il en soit, un tel recueil n’en est pas moins bon à opposer aux livres actuels.
Les chefs de dynastie le savent bien, qu’il n’y a rien de plus difficile et de plus grand !
Il y a bien des âmes, parmi les plus fortes comme parmi les plus faibles, que l’approche du dernier moment a tout à coup décomposées, depuis le maréchal de Biron, qui faisait trembler ses bourreaux et les planches de son échafaud, sur lequel il courait, terrible comme à la bataille, prêt à faire une massue du billot qui attendait sa tête, jusqu’à la misérable Du Barry, griffant au visage l’homme de la guillotine, comme une chatte forcée ; depuis l’héroïque Masséna, mourant platement dans son lit, en disant « qu’il ne croyait pas si difficile de mourir », jusqu’à la foule de ceux-là qui ne sont pas des héros, et qui, ne disant rien de leur désespoir, meurent comme le loup d’Alfred de Vigny, en silence.
La philosophie, qui s’embusque partout où elle peut tirer de là sur la religion, ne s’est pas contentée de nier la divinité de Jésus-Christ dans les livres d’une exégèse difficile, de bouleverser le sens des prophéties, de discuter et de dénaturer les miracles.
Ce que je dirai donc de la Bible de Gustave Doré n’a pas la prétention d’être de la Critique d’art, cette chose savante et difficile.
Ce n’est pas seulement Cousin tout seul, le subjugant Cousin, qui a persuadé à Gérard du Boulan que ce type d’Alceste — ce type translucide pour tout regard sain et pur — est une création compliquée, mystérieuse et difficile à pénétrer, quand on n’est pas un perçant déchiffreur d’hiéroglyphes.
C’est à faire croire que toute cette poésie de Hugo n’est pas si géniale qu’on le dit, ni si spontanée d’inspiration qu’elle se donne, et qu’elle pourrait bien n’être, au fond, que de la poésie à procédé, une clef difficile peut-être à faire jouer dans la serrure, une manivelle ou un ressort dont il faut connaître le sens.
Charles Baudelaire, il y en aurait certainement assez pour fixer l’attention de la Critique et captiver les connaisseurs ; mais dans ce livre difficile à caractériser tout d’abord, et sur lequel notre devoir est d’empêcher toute confusion et toute méprise, il y a bien autre chose que du talent pour remuer les esprits et les passionner… M.
C’est le prêtre bien autrement difficile à peindre, parce qu’il est double comme un centaure, mêlé d’homme et presque de bête, tant cet homme invaincu est fougueux !
Théophile Gautier, eut un jour la fantaisie d’art de faire un livre du passé dans le style du passé, et, dans le passé, il prit, pour se couler tout vivant dans son génie, le plus difficile génie auquel l’imitation pût atteindre.
Et si ce n’était pas une vraie femme de chambre (comme je le voudrais) qui eût écrit ces Mémoires, timbrés de sa qualité, de son impayable qualité, et qui, pour cela, semblaient nous promettre des révélations auxquelles le génie lui-même ne pourrait pas se substituer, je me disais que c’était au moins un esprit hardi, pénétrant, riche en expériences de tout genre, amères ou bouffonnes, consommé dans l’observation de la vie, cette étude qui nous mange le cœur, pour vouloir jouer ce difficile rôle de femme de chambre qui veut tout dire dans un livre, que ce livre soit, d’ailleurs, d’un moraliste de fonction, ou d’un romancier !
Après Richelieu, il serait difficile de ne pas dire un mot des panégyriques ou éloges adressés au cardinal Mazarin.
Ce temps du moyen âge, qu’on appelle encore parfois une époque de ténèbres, a enfanté tous les grands inventeurs, toutes les vérités vraiment difficiles à découvrir. […] Il fallait avoir demandé conseil à Ballanche dans quelque circonstance difficile et délicate pour apprécier tout ce qu’il y avait de connaissance parfaite des hommes et du monde sous cette apparence de distraction et de rêverie. […] Une figure de jeune femme a toujours passé pour ce qu’il y a de plus difficile dans la peinture. […] Il est plus difficile de se placer en dehors de toute réalité et de toute raison dans un écrit sainement versifié que dans une œuvre en langage libre. […] C’est là sans doute une définition bien difficile, même après les nombreux traités de rhétorique, de prosodie et de grammaire qui ont énuméré et décrit les divers genres de style et les qualités qui leur sont propres.
Ce n’est pas difficile de tuer. […] Il comprend aussi que, du moment que ce devoir est à ce point difficile, il cesse par là même d’être douteux. […] Mais, au reste, il me serait difficile de vous faire sentir le mérite particulier de la comédie de M. […] La vielle… C’est plus difficile à expliquer. […] Gymnase : l’Âge difficile, comédie en trois actes, de Jules Lemaître.
Le comique lubrique est très difficile à analyser. […] C’est que, « tout de même », c’est un peu plus difficile. […] Il était difficile de ne pas se brouiller avec lui : il était susceptible et violent. […] C’est ce que j’ai fait à peu près (et comme, du reste, elle est claire, ce n’est pas difficile) au cours de cette petite étude. […] Voltaire, quoique l’admirant beaucoup et même le comprenant, ce qui est beaucoup plus difficile, avait été vague.
Mais Éloa n’appartient certainement qu’à Vigny, et il est bien difficile de croire qu’en écrivant la Chute d’un ange, Lamartine ne s’en soit pas souvenu. […] Car, après tout, il n’y a rien de plus facile que d’écrire inintelligiblement, mais, sous cet inintelligible, s’il y a par hasard quelque chose, le difficile serait précisément de réussir à l’en dégager. […] Spronck pourra répondre qu’en fait de questions difficiles il en a déjà trop touchées dans son livre, et qu’il en a surtout trop tranchées. […] À plus forte raison, parce que la question est encore plus difficile, sont-elles bien incomplètes et bien superficielles aussi, les quelques pages de ce livre où M. […] À la vérité, ce sont les plus difficiles à faire marcher à faire parler, à faire vivre sur la scène.
Il gagne à cette difficile épreuve d’être vu de près. […] Plutarque, peu de temps après son mariage, eut quelques démêlés avec les parents de sa femme, gens difficiles, ou intéressés peut-être, ce que nous nous gardons bien de juger. […] On conçoit d’ailleurs combien, dans l’antiquité, toute investigation historique était lente, difficile, incertaine. […] Voilà ce qu’il est difficile d’affirmer à coup sûr. […] Au reste, il est difficile d’atteindre sur ce point à tout l’enthousiasme des critiques anglais.
Leur activité a été proportionnée à ce que demande le siècle : il serait difficile de les suivre chacun, surtout ceux qui ont combiné la littérature et l’industrie. […] CLXXVI Dans l’âge mûr, on arrive naturellement à être moins superficiel, mais en même temps il devient plus difficile d’être léger. […] CXCV Vous qui êtes appelé à écrire sur l’art, rappelez-vous bien ceci : La vie humaine, la vie sociale a existé sous toutes sortes de formes au complet et avec son charme : quand elle s’est évanouie, rien n’est si difficile que de la ressaisir. […] L’amour de la vérité est un, et celui qui ment sans vergogne pour mieux faire ses gorges chaudes aux dépens d’un honnête homme, son contemporain, nous montre qu’il ne doit pas être bien scrupuleux, ni difficile en preuves, quand il s’agit de ses saints et oracles dans le passé. […] Je suis tout fier aujourd’hui en relisant cet article : dans un détroit difficile et toujours assez périlleux à franchir, je faisais comme le pilote côtier qui donne son coup de main, et qui aide le noble vaisseau à doubler l’écueil ou à trouver la passe.
Mais comme on n’y peut atteindre, ni s’y soutenir sans de grands efforts, sans le travail qui fait du privilège de bien écrire le plus difficile de nos devoirs envers nos semblables, il n’est pas étonnant que Boileau, qui enjoint le travail, qui immole la liberté de chacun à l’utilité de tous, soit toujours attaqué. […] Ils rimaient donc richement des pauvretés, ou s’amusaient à emprisonner des pensées lâches et vagues dans les liens d’une métrique difficile, qui rendait le contraste plus ridicule. […] D’autres censeurs se sont offensés de l’estime qu’il fait des transitions, « le plus difficile chef-d’œuvre de la poésie », écrit-il à Racine128. […] Au fond, il n’avait pas tort de se montrer plus difficile sur ce point que Molière lui-même, lequel tenait aux aparté comme à un moyen commode d’effet, dont le spectateur souffre volontiers l’invraisemblance s’il y trouve à rire. […] On regrette qu’un esprit si viril, qui a enseigné l’art de travailler lentement, s’épuise à peindre un lutrin, à allumer poétiquement une chandelle, à parodier les plaintes de Didon dans le discours d’une perruquière délaissée, et les paroles d’or de Nestor dans la harangue de la Discorde aux amis du trésorier ; à décrire un combat à coup d’in-folio arrachés de la boutique de Barbin ; et l’on revient aux Satires, à l’Art poétique et aux Épîtres, « ces chefs-d’œuvre, dit Voltaire, de poésie autant que de raison175. » Dans une nation civilisée, où la poésie n’est point la forme naturelle et directe du discours, mais un art de convention difficile et savant, l’écrivain qui fait choix, pour s’exprimer, de la langue des vers, ne doit l’appliquer qu’à des pensées qui mettent l’esprit dans un haut état, et qui le disposent à entendre quelque chose d’exquis dans une langue inusitée.
Plus la tendance originelle et unique grandit, plus elle trouve difficile de maintenir unis dans le même être vivant les deux éléments qui, à l’état rudimentaire, sont impliqués l’un dans l’autre. […] Au début, les avantages et les inconvénients de l’instrument fabriqué et de l’instrument naturel se balancent si bien qu’il est difficile de dire lequel des deux assurera à l’être vivant un plus grand empire sur la nature. […] Il lui est difficile d’aller loin dans plusieurs directions à la fois. […] Or, il est difficile d’imaginer une société dont les membres ne communiquent pas entre eux par des signes. […] Entre l’effet et la cause la disproportion, ici, est si grande qu’il est difficile de tenir la cause pour productrice de son effet.
Avec la littérature, les femmes sauvaient tout un ensemble de notions qu’il est difficile de déterminer. […] De tous les contacts superficiels, de tous les frôlements, le plus difficile à obtenir d’une jeune fille, c’est le contact intellectuel. […] Idéal (si l’on ose dire) bien difficile à réaliser. […] La joie de se grandir par un acte difficile : qui comprend cela ? […] Leur position va devenir plus difficile que ne le fut, sous le règne de la foi, la position des incrédules.
Tracer le tableau du règne de Louis XIV était une entreprise tout autrement difficile. […] Le devoir de l’historien devient aussi plus difficile à remplir. […] Quand on ne veut reconnaître dans l’homme que l’homme physique, il est difficile que la morale ne soit pas réduite à devenir la science du bien-être. […] Il est difficile de concevoir comment on peut parvenir à un pareil délire dans les opinions, à une emphase si ridicule dans les paroles. […] Enfin le moment arriva où, tout devenant chaque jour plus difficile, chacun, depuis le trône jusqu’au dernier rang de l’État, sentit le besoin de connaître son droit et sa règle.
c’est si difficile à acquérir, et c’est peut-être impossible à retrouver ! […] Quant à Horace, il est peut-être plus difficile encore d’être son semblable que son égal, et Chaulieu n’a été ni l’un ni l’autre. […] Je pense avec vous que bien écrire un roman en italien est une des choses les plus difficiles ; mais je trouve cette difficulté dans d’autres sujets, quoiqu’à un moindre degré, et avec la connaissance non pas complète, mais très-sûre, que j’ai des imperfections de l’ouvrier, je sens aussi d’une manière presque aussi sûre qu’il y en a beaucoup dans la matière76. » Fauriel, à ces raisons ingénieuses, ne contestait qu’à demi ; il avait pourtant aussi de quoi opposer. […] Ce n’était point assurément par la crainte des jugements, mais par conscience, qu’il se montrait si difficile ; mais, lui qui avait tant lu, il devait savoir mieux qu’un autre combien de vues neuves, profondes et vraies seraient restées inconnues, combien d’ouvrages de la plus haute importance n’auraient jamais vu le jour, si leurs auteurs ne s’étaient pas résignés à y mêler beaucoup de peut-être et beaucoup d’à-peu-près. […] C’est un peu la raison pour laquelle il a été difficile à un public paresseux de l’apprécier à toute sa valeur ; car il importe de le lire consécutivement pour saisir la chaîne entière des idées, dont l’une n’anticipe jamais sur l’autre et dont chacune ne sort qu’en son lieu.
Babylas, labeur d’autant plus difficile que la psychologie du personnage est plus élémentaire. […] Je tente d’expliquer une méthode ; c’est plus difficile que de dire son impression sur le résultat obtenu. […] Il m’est vraiment difficile d’admettre le patois, l’argot, les fautes d’orthographe, les apocopes, tout ce qui, atteignant la forme de la phrase ou du mot, en altère nécessairement la beauté. […] Ensuite, l’argot est difficile à manier ; Jehan Rictus, malgré son abondance, évolue assez difficilement parmi les écueils de ce vocabulaire. […] Flaubert devait beaucoup à Chateaubriand ; il serait difficile de nommer le maître des Goncourt.
Il est de même très difficile d’éviter toujours de personnifier le mot de nature ; mais par nature j’entends seulement l’action combinée et le résultat complexe d’un grand nombre de lois naturelles, et par lois, la série nécessaire des faits telle qu’elle nous est connue aujourd’hui. […] Tous les horticulteurs qui ont opéré des croisements savent combien il est difficile de féconder une fleur exposée à l’humidité ; et cependant quelle multitude de fleurs ont leurs anthères et leurs stigmates pleinement exposés aux intempéries atmosphériques ! […] La figure ci-contre nous aidera à comprendre ce problème un peu difficile. […] Il en résulterait que ces deux genres se seraient ainsi fondus en convergeant dans un seul plus riche en formes ; mais, en raison de la force du principe d’hérédité, il semble difficile que ces deux groupes d’espèces nouvelles ne forment pas au moins deux sections bien tranchées dans ce genre supposé unique78.
J’aurais voulu, par exemple, un La Mennais devenu catholique et libéral, comme au lendemain de l’Avenir, mais ayant la force de demeurer tel sous le coup même des encycliques et malgré l’appel et l’attrait de la démocratie : je l’aurais désiré s’enfermant pendant quelque temps dans un religieux silence, et n’en sortant depuis qu’à de rares intervalles par des écrits de réflexion et d’éloquence où il aurait tout concilié, tout maintenu du moins, où il n’aurait rien sacrifié, où il serait resté opiniâtrément le prêtre de la tradition antique et des espérances nouvelles : en s’attachant à un tel rôle bien difficile sans doute, mais si fait pour imposer à tous le respect et l’estime, il aurait fini, sans la chercher, par retrouver son heure d’action et d’influence, et il n’aurait pas eu à l’acheter au prix de la considération.
Il était difficile, en effet, qu’on en découvrit, car ils ignoraient le mouvement, et ils ne se connaissaient même pas les uns les autres ; Bourbotte seul connaissait Goujon pour l’avoir rencontré dans une mission aux armées.
« La raison qu’il disait pourquoi il fallait plutôt rimer des mots éloignés que ceux qui avaient de la convenance, est que l’on trouvait de plus beaux vers en les rapprochant qu’en rimant ceux qui avaient presque une même signification ; et s’étudiait fort à chercher des rimes rares et stériles, sur la créance qu’il avait qu’elles lui faisaient produire quelques nouvelles pensées, outre qu’il disait que cela sentait son grand poète de tenter les rimes difficiles qui n’avaient point été rimées265. » Pour peu qu’on soit familier avec la poésie romantique, on ne peut avoir de doute sur la valeur et la portée de ces idées.
Si elle n’est pas plus drôle au lecteur, elle est plus difficile au rédacteur.
Nous n’avons pas le droit d’être fort difficiles.
Il est difficile de placer le Golgotha à l’endroit précis où, depuis Constantin, la chrétienté tout entière l’a vénéré 1159.
Le sujet, fort complexe, tout de détails et d’épisodes, était difficile à grouper en livre.
Comment trois hommes, ajoute-t-on, de profession & de goûts différens, trois hommes qu’on sçait avoir été brouillés depuis, & qui ne se sont jamais rien reproché l’un à l’autre qui fut relatif aux couplets, auroient-ils projetté, exécuté, conduit une manœuvre infâme, aussi difficile & aussi réfléchie.
Ce qui fait, dit-il, que les grands poëtes de l’antiquité ont été traduits en vers avec beaucoup de succès chez nos voisins, & ridiculement chez les François, c’est la différence du génie des langues, La nôtre ne sçauroit se plier à rendre les petites choses ; à nommer, sans causer du dégoût (tant nous sommes des Sybarites dédaigneux & difficiles) les instrumens des travaux champêtres & des arts méchaniques.
Si ces lumières peuvent diminuer nos plaisirs, elles flattent en même temps notre vanité ; on s’applaudit d’être devenu difficile, on croit avoir acquis par là un degré de mérite.