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656. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

Il ne se rattache pas plus directement à l’ancienne école française, à Marot, ni à Villon qu’il semble ignorer, ni aux vieux poètes épiques, non imprimés alors et oubliés profondément ; d’ailleurs il n’en eût su que faire. […] Ces anciens Malherbe, pour se distinguer des autres du même nom qui se trouvent en Normandie, s’appelaient Malherbe aux Roses, à cause qu’ils portaient dans leurs armoiries d’hermines à six roses de gueules. […] Il y a eu, depuis Malherbe, peu de nos poètes qui l’aient égalé dans cet art charmant des Anciens, de rendre poétiquement des détails géographiques : rien ne donne plus d’âme et de vie à un tableau. » Et déjà pâle d’effroi lui paraît divin. — De ces remarques d’André Chénier sur Malherbe, bon nombre sont exquises, toutes sentent l’homme du métier et l’élève délicat des Anciens ; mais quelques-unes, je l’ai dit, semblent bien jeunes et ne sont pas encore d’un maître. […] Vu de près, l’homme est moins grand ; il a établi une école de grammaire dans l’entre-deux des colonnes ; il est comme ces anciens artistes à qui on donnait un logement au Louvre : il habitait volontiers une soupente à deux pas de la Colonnade. […] On voit frissonner la draperie entremêlée à l’acier. — Les Anciens en sont pleins, de ces vers pittoresques de son ou de lumière ; les langues alors étaient plus jeunes et voisines des sensations.

657. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

Connaît-on de très anciens textes où se lisent de pareilles récriminations ? […] Pour expliquer la perte de tant de livres anciens, il n’a songé qu’au hasard. […] On imita les Anciens, les Italiens, les Espagnols, les Anglais. […] C’est une doctrine, et celle même de l’ancienne. […] Jamais les anciens n’ont conçu l’idéal moral sous la forme d’une loi ou d’un commandement. » La morale pour les anciens c’est la coutume, l’usage.

658. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Virgile et Constantin le Grand par M. J.-P. Rossignol. »

Rossignol, que depuis la majestueuse épopée jusqu’à la vive épigramme aiguisée en un simple distique, chaque poëme eut son style et son harmonie, ses mots, ses locutions, son dialecte propre, son rhythme particulier ; et quoique la limite qui séparait deux genres fût quelquefois légère et peu sensible, il n’en fallait pas moins la respecter, sous peine d’encourir l’anathème d’un goût difficile et ombrageux. » L’auteur donne ici de piquants exemples tirés de la métrique des anciens ; le déplacement d’un seul pied suffisait pour changer tout à fait le caractère et l’effet d’un chant. […] Les anciens grammairiens avaient déjà fait en partie ces remarques, et l’illustre critique Valckenaer les avait confirmées. […] Sur neuf cent quatre-vingt-dix-sept vers de Théocrite, il y en a sept cent quatre-vingt-six qui offrent cette circonstance métrique ; et pour quiconque a pénétré la délicatesse habile et même subtile des anciens en telle matière, ce ne saurait être l’effet du hasard.

659. (1874) Premiers lundis. Tome I « J. Fiévée : Causes et conséquences des événements du mois de Juillet 1830 »

Il est plus sage de s’en tenir à la monarchie française, de lire notre histoire, d’admettre sincèrement l’autorité des faits ; et alors on conviendra que notre ancienne monarchie a toujours porté en elle deux inconvénients si graves qu’ils en balançaient tous les avantages : la vieillesse des rois et leur minorité. […] Dans l’ancien ordre de choses, la France avait succombé sous ces quatre vieillesses royales. […] Sainte-Beuve signale en ces termes son ancien article que nous allons reproduire : « Comme il m’est arrivé de parler bien des fois des mêmes hommes et que c’est par suite de ce commerce réitéré que je me hasarde ainsi à les juger en définitive, j’indiquerai encore quelques lignes de moi sur la nature de talent et d’esprit de M. 

660. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — I »

« Aujourd’hui nous sommes arrivés à une de ces époques critiques où l’ancienne solution, l’ancien dogme ne suffisent plus. […] Les masses, elles, ont encore cette haine, cette foi de destruction contre l’ancien dogme qui leur tient lieu de religion ; mais quand cette foi elle-même n’existera plus, alors les plus grands désordres auraient lieu si une nouvelle solution ne se présentait.

661. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Francis Lacombe »

Maîtrisé par l’idée spéciale de son livre, il a passé vite sur tous les caractères qui distinguent le monde moderne de l’ancien monde ; car il n’y a qu’une grande division en histoire, et c’est la croix de Jésus-Christ qui l’a faite. Le monde ancien finit à cette croix qui s’élève ; le monde moderne y commence ; et ce qu’on a appelé le Moyen Âge n’est que la jeunesse du monde chrétien, qui ne finira plus sur la terre. […] En effet, le droit municipal des anciens (municipes) n’était qu’un droit d’émancipation personnelle en ces temps d’inégalité, tandis que le droit communal des modernes est le droit de tous à la communion sociale, en vertu de l’égalité humaine.

662. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre V. »

Pour les anciens mêmes, c’était un symbole de l’antique poésie plutôt qu’un législateur véritable et un poëte. […] Lui-même ajoute, en prenant il témoin les curieux amateurs de l’ancienne poésie, qu’il restait d’Orphée des hymnes très courts et en petit nombre. […] Pausanias60, si studieux explorateur de la Grèce, au temps des Antonins, a décrit, sans exprimer de doute, le monument d’Arion, du moins fort ancien, s’il n’était vrai ; et, dans le siècle suivant, un polygraphe assez judicieux, Élien, citait une ode de ce poëte fabuleux sur la merveille de son sauvetage inespéré.

663. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

Combien il y a peu, dans notre ancienne poésie lyrique, de ces pièces de vers qu’on puisse relire ainsi à chaque printemps ! […] Rendant hommage aux poètes français du xvie  siècle, à ceux que Malherbe avait eu le tort de trop dépriser, et leur faisant jusqu’à un certain point réparation, Godeau, dans le discours qui servait de préface à la première édition de Malherbe, ajoutait pourtant : « La passion qu’ils avaient pour les anciens était cause qu’ils pillaient leurs pensées plutôt qu’ils ne les choisissaient. » Et il fait sentir que la méthode habile et combinée, cette méthode d’abeille par laquelle Horace imitait les Grecs, a succédé en France, grâce à Malherbe, à l’imitation confuse, à l’importation trop directe et trop entière des originaux grecs eux-mêmes. Balzac, dans son xxxie  entretien, ne nous le dit pas moins nettement ; après avoir parlé de cette première forme indigeste et avide qu’avait prise chez nous l’imitation des anciens : Les imitations de Malherbe, remarque-t-il, sont bien moins violentes, sont bien plus fines et plus adroites, il ne gâte point les inventions d’autrui en se les appropriant. […] Son gentilhomme de campagne, il ne va pas le demander aux anciens ; il l’a sous les yeux, et il le décrit d’après nature : Il laboure le champ que labourait son père : Il ne s’informe point de ce qu’on délibère Dans ces graves Conseils d’affaires accablés ; Il voit sans intérêt la mer grosse d’orages, Et n’observe des vents les sinistres présages Que pour le soin qu’il a du salut de ses blés. […] On aura plus tard d’éclatants retours, et plus d’un jet moderne surpassera en puissance et en largeur la source première : on ne retrouvera plus cette veine charmante et trop peu suivie, qui n’a d’ancien qu’une plus douce couleur, cette veine non plus italienne, ni grecque, ni espagnole, mais purement française de ton et de goût jusque dans ses réminiscences d’Horace.

664. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Mémoires ou journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guetté. Tomes iii et iv· » pp. 285-303

Il reproche à l’abbé Bossuet de lui retirer la confiance de son oncle, de refroidir celui-ci pour tout ce qui n’est pas sa famille, de l’isoler de ses plus anciens serviteurs et domestiques, et de le circonvenir pour tâcher plus sûrement d’être son héritier dans son évêché, comme son légataire pour ses manuscrits et pour le plus clair de sa dépouille. […] Il n’y avait que lui, en effet, qui pût bien lire les manuscrits et s’y reconnaître en qualité d’ancien secrétaire. […] L’abbé Le Dieu revoit et met au net les manuscrits de la Politique, des Élévations, des Méditations sur les Évangiles, et il fait grandement valoir ce travail qu’il ne poursuit qu’à son aise : « L’abbé (Bossuet) m’a paru étonné de ce que je ne lui donnais que cela, trouvant les cahiers en petit nombre ; mais je suis bien résolu de ne m’en pas hâter davantage, et pour le profit que j’en reçois, ce n’est pas la peine de me tant fatiguer. » C’est le cas de dire comme cet ancien ministre à la tribune : Est-ce clair ? […] Le Dieu, avant de partir de Meaux, se munit d’une lettre de Mme de La Maisonfort, ancienne et fidèle disciple de Fénelon, et qui vivait reléguée à Meaux dans un couvent d’ursulines. […] En lui envoyant copie de la Lettre latine de Bossuet au pape Innocent XI sur l’éducation du dauphin, il dit : « Je le fais bien valoir à cet abbé par la lettre que je lui écris, parce qu’avec de pareilles gens si méprisants il faut faire le gascon… Nous verrons comment notre abbé le recevra ; je veux qu’il sente le besoin qu’il a de moi. » — D’ailleurs il est heureux à sa manière, il s’arrange et s’acoquine à Meaux ; il achète une maison, grande affaire ; il se cache pour cela sous le nom du chanoine Blouin ; dès qu’on le sait, les anciennes jalousies contre lui se réveillent.

665. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

Comme il est capable de tout ce qu’il veut entreprendre, il est extrêmement louable d’avoir employé quelques heures de son loisir à la traduction des anciens poètes latins, qui contiennent tant de belles et rares choses où les curieux et les savants trouvent leur satisfaction. Il ne faut point prendre garde si tous ces anciens auteurs sont appelés profanes, et si quelques-uns ont quelques termes libres et impurs : le soleil jette ses rayons sur la boue, de même que sur les choses précieuses, sans être endommagé ; cet astre apporte du changement aux substances qu’il éclaire, et le sage en fait de même de tout ce qui est soumis à ses ordres. […] Il nous raconte quelque temps après (dans sa préface des Histoires des anciens comtes d’Anjou, 1681), qu’un ami à qui il avait fait cadeau d’un de ces rares exemplaires de son Athénée ne put se résoudre à lui en faire compliment à cause des vers qu’il y avait entremêlés, et que ce même ami à qui il donna à lire quelques jours après sa version en vers du prophète Daniel s’excusa de lui en dire un seul mot, prétextant que sa vue était très affaiblie. […] Ce personnage a fait vœu de traduire tous les vers latins anciens, et a presque déjà accompli son vœu, n’ayant pardonné ni à Plaute, ni à Lucrèce, ni à Catulle, Tibulle, Properce, ni à Horace, ni à Virgile, ni à Lucain, ni à Perse, ni à Juvénal, ni à Martial, ni à Stace même, comme vous avez vu. […] Ils avaient d’abord été en bons termes ; mais Marolles, lui ayant demandé des avis sur sa traduction de Virgile, s’était choqué de ceux qu’il avait reçus, et, comme il ne pouvait se retenir sur tout ce qu’il avait dans l’esprit et que sa tête fuyait en quelque sorte, il s’était mis à harceler Chapelain de sa plume à la rencontre, à lui chercher noise sur une ancienne traduction de Guzman d’Alfarache que celui-ci avait faite dans sa jeunesse, et depuis il était entré (chose plus grave) dans la conspiration de La Ménardière et de Linières contre La Pucelle, jusqu’à être « le promoteur du libelle du premier et son correcteur d’imprimerie ».

666. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

Dans le chapitre intitulé la Critique et les Honnêtes Gens, titre qui rappelle à dessein l’épigraphe de l’ancien recueil périodique le Conservateur et sa célèbre devise : le Roi, la Charte et les Honnêtes Gens, M. de Pontmartin expose ses principes et plante son drapeau. […] Cuvillier-Fleury, ancien adversaire orléaniste, il s’est laissé aller au-delà du juste depuis le rapprochement qui s’est opéré entre eux, ce qui a fait dire à quelqu’un : « Cuvillier-Fleury et Pontmartin sont deux politiques sous forme littéraire, qui, même quand ils ont l’air de se faire des chicanes, se font des avances et des minauderies, et qui tendent sans cesse à la fusion sans y arriver jamais. » Tous deux hommes d’ancien régime, c’est à qui désormais rivalisera de courtoisie avec l’autre, pour montrer qu’il n’est pas en reste et qu’il sait vivre. […] Et ce père, de la part de qui le magistrat lui remet une lettre cachetée et de très ancienne date, qui était en dépôt chez lui, une lettre à grandes phrases et passablement déclamatoire, est-il naturel qu’il en ait voulu pendant dix ans à sa fille (car il a beau dire, il lui en veut), pour un mouvement d’enfant qui, entre les deux, lui a fait choisir sa mère ; que, pendant dix ans, il ne lui donne aucun signe d’affection et qu’il la mette, quand elle reviendra à lui, dans cette alternative cruelle de tout ou rien ? […] Que M. de Pontmartin est faible dans les Lettres anciennes, et qu’il est même médiocrement familier avec Horace.

667. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. (suite et fin). »

Le Noir, autrefois théologal de Séez, et qu’un ancien grief particulier avait aigri contre tout l’épiscopat. […] Le rôle de spectateur désintéressé était évidemment le meilleur ; c’était celui de l’abbé Legendre : « Tant que dura, dit-il, cette comédie dont je connaissais les acteurs, le plaisir que j’avais les après-dîners d’en apprendre les scènes nouvelles aidait à me délasser du travail sérieux du matin. » Quelques années après, lors de la querelle des Anciens et des Modernes, qui s’émut à l’occasion du poème du Siècle de Louis le Grand, lu par Perrault à l’Académie, en 1687, M. de Harlay ne pensa plus à rétablir la paix et l’union parmi ses confrères ; mais il s’amusa à faire traiter devant lui la question ; il fit plaider le pour et le contre par deux avocats d’office qu’il désigna : Martignac, ancien précepteur de son neveu, et l’abbé de La Vau. Martignac tenait pour les Anciens, La Vau pour les Modernes. […] Il paraît qu’à propos du prélat on avait aussi jasé de Mme de La Meilleraye ; c’étaient des histoires déjà anciennes que le scandale présent ravivait.

668. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

Ce qui lui est resté de distinct entre ses plus anciens et ses premiers souvenirs, ce n’est aucun fait particulier, mais « la vision très nette de certains lieux, la note exacte de l’heure et de la saison, et jusqu’à la perception de certains bruits qui n’ont cessé depuis de se faire entendre : « Peut-être vous paraîtra-t-il assez puéril de me rappeler qu’il y a trente-cinq ans tout à l’heure, un soir que je relevais mes pièges dans un guéret labouré de la veille, il faisait tel temps, tel vent ; que l’air était calme, le ciel gris ; que des tourterelles de septembre passaient dans la campagne avec un battement d’ailes très sonore, et que tout autour de la plaine, les moulins à vent, dépouillés de leur toile, attendaient le vent qui ne venait pas. […] D’un autre côté, Augustin, l’ancien précepteur, jeune lui-même, établi à Paris où il lutte contre les difficultés d’un début, est un auteur pur, un publiciste acharné, un ambitieux d’idées et de principes. […] Un voyage qu’elle fait aux Trembles avec lui, et où il repasse près d’elle tous ses anciens souvenirs ravivés et aiguisés par des impressions toutes nouvelles, ce séjour de deux mois, que la présence de M. de Nièvres n’amortit qu’à peine, n’est guère propre à remettre en paix le cœur du pauvre Dominique. […] Or, il n’y avait que deux solutions tout à fait vraies à la situation de Dominique et de Madeleine : ou bien la chute de Madeleine, résultat de leur commune imprudence ; ou bien le départ, en effet, de Dominique, trop timide, et qui a usé le plus fort de sa passion, déjà ancienne, dans des luttes stériles ; mais alors la vérité qu’il faudrait dire, c’est que Madeleine chez qui, au contraire, la passion est dans son plein et à son comble, doit lui en vouloir et le mépriser un peu de l’avoir amenée là pour reculer ensuite. […] C’est à la tombée de la nuit : « le bois sombre de quelques meubles anciens se distingue à peine, l’or des marqueteries ne luit que faiblement ; des étoffes de couleur sobre, des mousselines flottantes, tout un ensemble de choses pâles et douces y répand une sorte de léger crépuscule et de blancheur, de l’effet le plus tranquille et le plus recueilli ; l’air tiède y vient du dehors avec les exhalaisons du jardin en fleur ; mais surtout une odeur subtile, plus émouvante à respirer que toutes les autres, l’habite comme un souvenir opiniâtre de Madeleine ».

669. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Réminiscences, par M. Coulmann. Ancien Maître des requêtes, ancien Député. »

Coulmann Ancien Maître des requêtes, ancien Député25. […]  » La réminiscence est, en un mot, un réveil fortuit de traces anciennes dont l’esprit n’a pas la conscience nette et distincte. […] Une femme d’esprit disait en parlant d’un ancien amant qui avait pris toute sa jeunesse : « Il m’a laissée là quand il m’a vue flétrie ; mais je me suis dit : Je vais me venger et lui jouer un bon tour, je resterai son amie. » Mme Dufrenoy avait pensé à peu près la même chose, mais elle l’avait dit sans un malin sourire et d’un ton plus élégiaque et tout sentimental : Amour, redonnez-lui le dessein de me plaire ; Mais, quoi que l’ingrat puisse faire, Ne sortez jamais de mon cœur ! […] Dans ce salon de Mme Davillier, où se réunissaient toutes les illustrations libérales du temps, anciens ministres de l’Empereur, anciens généraux, députés de l’Opposition, académiciens alors populaires, Benjamin Constant était l’homme d’esprit par excellence, et il rayonnait de tous ses traits.

670. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

Puis il passa à la littérature moderne, la compara à l’ancienne, se montra toujours le même en fait d’art comme en fait de politique, partisan de la règle, de la beauté ordonnée, et, à propos du drame imité de Shakespeare, qui mêle la tragédie à la comédie, le terrible au burlesque, il dit à Goethe : “Je suis étonné qu’un grand esprit comme vous n’aime pas les genres tranchés.” […] En histoire, sa méthode rappellerait plutôt, chez les anciens, celle de Polybe ; guerre, administration, finances, il embrasse tout, il expose tout, comme il l’a étudié, avec précision, continuité, et sans lâcher prise jusqu’au dernier détail. […] Encore l’horreur de l’événement moderne dépassait-elle l’horreur des événements anciens de toute la puissance des moyens de destruction imaginés par la science. […] Les princes, les peuples se trompent, a dit un ancien, et des milliers de victimes succombent innocemment pour leur erreur. Je crois reconnaître, dans ce mot d’un ancien, le vers d’Horace : Quidquid delirant reges, plectuntur Achivi ; ce que La Fontaine a traduit à sa guise :        Hélas !

671. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Œuvres de Barnave, publiées par M. Bérenger (de la Drôme). (4 volumes.) » pp. 22-43

Celui-ci, en effet, a écrit une Relation de ce retour de Varennes, relation encore manuscrite, et dont j’ai pu lire une copie dans le cabinet de l’ancien et toujours gracieux chancelier de France, M.  […] Lorsque les événements qu’il a redoutés le plus sont consommés, il y souscrit, il abandonne ses anciens chefs et ses anciens principes, et cherche seulement, dans la nouvelle marche, à former encore l’arrière-garde et à retarder la marche de la colonne révolutionnaire, à la suite de laquelle il se traîne à contrecœur. […] C’est ainsi qu’un ancien, un ami de Cicéron ou de Thraséas, pouvait parler de sa fin prochaine au milieu des siens, et savait mourir. […] Je dois à la bienveillance de M. le marquis de Jaucourt, ancien ministre d’État, lequel a beaucoup connu Barnave, quelques explications qui répondent à la question que je me suis posée au sujet des rapports du célèbre orateur avec la Reine.

672. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Mais après la Renaissance, et quand on se remit à faire des odes à l’instar des anciens, on tomba dans l’artificiel, Ronsard en tête. […] Le Brun le sentait bien ; il aurait voulu associer le public à son inspiration et renouer à quelque degré la chaîne électrique des anciens. […] Puisqu’il fait appel à l’Antiquité, nous dirons que Le Brun, dans ces vers odieux, nous rappelle un ancien poète grec, d’un bien vilain nom, Hipponax, « dont la médisance, dit Bayle, n’épargna pas même ceux à qui il devait la vie, qui etiam parentes suos allatravit ». […] … Mais qu’avons-nous à apprendre à ceux qui ont lu son ancienne invocation À Némésis, et quelle rage pourrait étonner de sa part après l’imprécation contre sa mère ? […] [NdA] Avec le chevalier Du Puy-des-Islets, un ancien chevau-léger, qui sema longtemps de ses petits vers les Almanachs des Muses.

673. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — I. » pp. 127-148

En ces pays neufs, il y a moins de distance entre les classes que dans les pays anciens. […] Après un an de séjour, Franklin va faire une visite à Boston pour obtenir de son père la permission de s’établir ; il est bien vêtu, il a de l’argent en poche et le fait sonner devant ses anciens compagnons d’imprimerie dans une visite à son frère, qui ne le lui pardonne pas. […] Vieux, ayant passé une journée, à Auteuil, à dire des folies avec Mme Helvétius, à lui conter qu’il voulait l’épouser et qu’elle était bien dupe de vouloir être fidèle à feu son mari le philosophe Helvétius, Franklin écrit le lendemain matin de Passy, à sa voisine, une très jolie lettre, dans laquelle il suppose qu’il a été transporté en songe dans les champs Élysées ; il y a trouvé Helvétius en personne, qui s’y est remarié, et qui paraît très étonné que son ancienne compagne prétende lui être fidèle sur la terre. Pendant qu’il cause agréablement avec Helvétius, survient la nouvelle Mme Helvétius apportant le café qu’elle vient de préparer : À l’instant, continue l’enjoué vieillard, je l’ai reconnue pour Mme Franklin, mon ancienne amie américaine. […] Dans un petit journal de voyage écrit à l’âge de vingt ans (1726), pendant son retour de Londres à Philadelphie, parlant de je ne sais quelle peinture atroce qu’on lui fait d’un ancien gouverneur de l’île de Wight : Ce qui me surprit, dit-il, ce fut que le vieux bonhomme de concierge qui me parlait de ce gouverneur eût une si parfaite notion de son caractère.

674. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

Richelieu, né le 5 septembre 1585, cadet d’une ancienne famille du Poitou, avait été d’abord destiné aux armes. […] À quel point Montesquieu n’était-il pas imbu de l’ancien esprit parlementaire ou de l’idée philosophique moderne, le jour où il lui échappa une telle parole ! […] Le jour même de l’arrestation du prince de Condé, on voit tous les anciens conseillers, y compris Sully, reparaître au Louvre et faire des représentations à la reine sur ce coup d’État qui les consterne et dont ils n’apprécient pas la nécessité. […] On a dans ses Mémoires une lettre adressée au jeune roi, dans laquelle un bon Français, que ne désavoue pas Sully, s’indigne de voir le maréchal d’Ancre, sa femme et Mangot, « ces trois créatures, avec leur Barbin et Luçon, régir tout le royaume, présider aux conseils d’État, disposer des dignités, armes et trésors de France, etc. » L’ancien ministre de Henri IV méconnaît et renie le successeur qui maintiendra et accroîtra l’œuvre de Henri IV. […] Il nous montre avec ironie le roi que Luynes fait monter sur une table de billard pour qu’il puisse être vu plus aisément des compagnies de la ville et des ordres de l’État qui viennent le complimenter : « C’était, dit-il, comme un renouvellement de la coutume ancienne des Français qui portaient leurs rois, à leur avènement à la couronne, sur leurs pavois à l’entour du camp. » Il montre Luynes le plus dangereux ennemi du maréchal d’Ancre, parce qu’il l’était moins encore de sa personne que de sa fortune, et « qu’il lui portait une haine d’envie, qui est la plus maligne et là plus cruelle de toutes ».

675. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — I. » pp. 287-307

Il l’a été d’autant plus dangereusement qu’il y a porté la sincérité de sa manie et un curieux arrangement de détail : il a groupé et construit sur le compte de son ancien ami quantité de minuties et de misères, pour en faire des indignités. […] Grimm n’a jamais fait étalage d’érudition, mais toutes les fois qu’il s’est agi de juger ce qui avait rapport aux anciens, il s’est trouvé plus en mesure que la plupart des hommes de lettres français : il avait un premier fonds de solidité classique, à l’allemande. […] Né vingt-cinq ans avant Goethe, Grimm appartenait à cette génération antérieure au grand réveil de la littérature allemande, et qui essayait de se modeler sur le goût des anciens, ou des modernes classiques de France et d’Angleterre. […] Cette Correspondance, qui dura sans interruption jusqu’en 1790, c’est-à-dire pendant trente-sept ans, et qui ne cessa, pour ainsi dire, qu’avec l’ancienne société française sous le coup de la Révolution, est un monument d’autant plus précieux qu’il est sans prétention et sans plan prémédité. […] Le seul tort de Grimm peut-être fut d’avoir trop traité cette plaie, à partir d’un certain jour, comme si elle était physiquement incurable, et, dans son esprit de clairvoyance et de fermeté, d’avoir trop oublié cet autre mot touchant de son ancien ami : « Il n’y eut jamais d’incendie au fond de mon cœur qu’une larme ne pût éteindre. » Il est plus que douteux que Grimm eût réussi à éteindre l’incendie chez Rousseau, même à force de larmes, mais il ne l’a pas tenté.

676. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre I. Shakespeare — Sa vie »

Disons seulement que le plus ancien dont la tradition, la légende peut-être, ait gardé le souvenir, était un romain, Vipsanius Minator, qui employa son exil à augmenter, au profit de la domination de son pays, la muraille romaine dont on voit encore quelques pans, semblables à des morceaux de collines, près d’une baie nommée, je crois, la baie Sainte-Catherine. […] Le vestiaire de Black-Friars était fermé d’une ancienne tapisserie de corps et métiers représentant l’atelier d’un ferron ; par des trous de cette cloison flottante en lambeaux, le public voyait les acteurs se rougir les joues avec de la brique pilée ou se faire des moustaches avec un bouchon brûlé à la chandelle. […] En 1606, dans le temps où Jacques 1er d’Angleterre, l’ancien Jacques VI d’Écosse, écrivait contre Bellarmin le Tortura torti, et, infidèle à Carr, commençait à regarder doucement Villiers, qui devait l’honorer du titre de Votre Cochonnerie, il fit Coriolan. […] Ce lord Southampton était l’ancien habitué de Black-Friars, auquel Shakespeare, en 1589, avait dédié un poëme d’Adonis ; Adonis était alors à la mode ; vingt-cinq ans après Shakespeare, le cavalier Marini faisait un poëme d’Adonis qu’il dédiait à Louis XIII. […] Shakespeare avait pu, par exemple, sans soulever de réclamation, mettre sur la scène son ancienne aventure de braconnier et faire de sir Thomas Lucy un grotesque, le juge Shallow, montrer au public Falstaff tuant le daim et rossant les gens de Shallow, et pousser le portrait jusqu’à donner à Shallow le blason de sir Thomas Lucy, audace aristophanesque d’un homme qui ne connaissait pas Aristophane.

677. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

En voyant aujourd’hui à quel poids spécifique on a réduit l’édition ancienne, on se demande si c’est par respect ou par enthousiasme pour Rivarol, que les éditeurs du présent volume se sont donné les airs de faire un choix dans ses ouvrages, de prendre ceci ou de laisser cela, au nom de leur propre goût à eux, éditeurs, et de leurs préférences, ou si c’est plutôt par mépris bien entendu pour le public, qui n’aime et ne lit que les petits livres, quand il les lit toutefois… Ce qu’il y a de certain, c’est que nous n’avons pas là Rivarol ; c’est que nous n’avons en petit paquet que quelques paillettes de ce Pactole intellectuel, qui passa, en brillant, à travers le xviiie  siècle. […] Les pages que nous avons de lui ne sentent pas la lampe, comme disait cet Ancien, mais le lustre, le lustre allumé sur sa tête dans les salons du xviiie  siècle et qui éblouissait moins que lui ! […] En se faisant royaliste, il se classait… Les uns le disaient comte, d’une ancienne famille tombée. […] Ce furent ces aristocraties naturelles qui le portèrent, d’emblée, au cœur d’une société qui avait perdu son ancienne fierté et qui ne demandait plus son blason à personne, sinon pour monter — étiquette stupide !  […] Il nous avait annoncé il est vrai, pour plus tard, un autre volume sur Rivarol et sur son temps, et nous l’avons eu, mais ce volume, qui est une biographie très bien faite, dans laquelle M. de Lescure a prouvé la noblesse très ancienne de Rivarol, et le titre nullement apocryphe de comte porté par lui montre l’homme et non l’écrivain.

678. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

Ce rapport de dates est marqué dans un fragment d’une ancienne chronique en vers grecs107. […] Les frères d’Eschyle, les deux guerriers dignes de son nom par leur courage, comme son courage à lui-même était digne de son génie, le pressaient un jour d’écrire un hymne à l’honneur d’Apollon ; il leur répondit « que la chose était faite dès longtemps, et pour le mieux, par le poëte Tynnichos ; que si à l’œuvre de celui-ci il opposait maintenant une œuvre nouvelle et sienne, elle aurait même fortune que les statues récentes des dieux, en présence de leurs statues antiques : c’est-à-dire que celles-là, rudes et simples, sont réputées divines, et que les autres, plus jeunes et travaillées avec plus d’art, sont admirées, mais qu’elles ont moins du dieu en elles. » Devant Eschyle, son ancien de si peu d’années, Pindare dut raisonner de même ; et, content de sa gloire lyrique renouvelée sous tant de formes, liée à tant de faits royaux et domestiques, il n’avait pas à essayer cette autre gloire du théâtre élevée si haut dans Athènes. […] C’étaient peut-être les vers mêmes, que nous retrouvons, au début de la Théogonie108 : « Ayons les Muses en tête de nos chants, les Muses qui habitent le grand et fertile sommet d’Hélicon, et dansent de leurs pieds légers autour de la fontaine bleuâtre et de l’autel du puissant fils de Saturne ; les Muses qui, lavant aux sources du Permesse leur beauté délicate, auprès de l’Hippocrène, ou sur le divin sommet d’Holmios au plus haut de l’Hélicon, forment des chœurs gracieux, sous leurs pas tressaillants ; puis, élancées de là, sous le voile d’un épais nuage, ont marché dans la nuit, jetant d’harmonieuses clameurs, en hymnes à Jupiter porte-égide, à la sainte Junon, reine d’Argos aux brodequins dorés, à la fille du dieu porte-égide, Minerve aux yeux pers, à Phébus Apollon, à Diane chasseresse, à Neptune qui enceint la terre et l’ébranlé, à la vénérable Thémis, à Vénus aux roulantes prunelles, à Hébé parée d’une couronne d’or, à la belle Dioné, à l’Aurore, au Soleil immense, à la Lune brillante, à Latone, à Japet, au ténébreux Saturne, à la Terre, au vaste Océan, à la Nuit sombre et à la race sacrée des autres dieux : célébrons ces Muses, qui enseignaient une si belle chanson à Hésiode, occupé de paître ses agneaux, aux bords de l’Hélicon divin. » Cette poésie brillante et gracieuse, non moins ancienne que les chants homériques, mais indigène en Béotie, offerte aux yeux et gravée dans les temples de cette religieuse contrée, suffisait à dénouer la langue du jeune homme, né pour les vers, qui vivait dans ces lieux. […] La cause ancienne de cette opinion tenait sans doute à une sorte de rudesse des hommes de la Béotie, n’ayant pas eu, comme ceux d’Athènes, l’activité du commerce et des arts, vivant d’une vie plus simple, laboureurs et bergers, et ne pratiquant pas, comme les Spartiates, leurs voisins, cette forte discipline, cette vertueuse et austère pauvreté qui, seule aux yeux des Grecs, soutenait le parallèle avec la magnificence et le bon goût d’Athènes. […] » Ces paroles, qui rappelaient un ancien désastre, en même temps qu’elles en assignaient la cause, en disent assez sur les jeux de la Grèce.

679. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

Ainsi, non par l’imitation d’exemples ignorés, mais par une rencontre naturelle, la politesse sociale renaissait parmi nous, sous ces mêmes influences de chants et de poésie que les anciens regardaient comme ayant civilisé le monde. […] Maître à la fois de l’Allemagne, du royaume de Naples et de la Sicile, savant lui-même dans les langues anciennes et dans l’arabe, curieux d’Aristote comme d’Averroès, il fondait à Palerme une académie pour la langue vulgaire ; il y inscrivait et lui-même et ses deux fils, Enze et Mainfroy, tous deux faisant des vers, sans que le génie politique du dernier fût moins perfide et moins cruel. […] Et pourtant, si nous voulons, après Pindare, après Horace, donner une image de cette poésie sublime et calme qui retraçait, pour les anciens, les révolutions capricieuses du sort et les met tait au-dessous du courage et de la vertu, c’est au poëte de la Divine Comédie qu’il faudrait demander cet exemple. […] Ce génie créateur a derrière lui l’Orient et l’ancienne Italie. […] Quelle ode d’Horace, sur les premiers temps de Rome, égale ce tableau de l’ancienne Florence, dans le xve  chant du Paradis : « Florence, au milieu de cette enceinte antique d’où elle compte encore les heures du jour, vivait en paix, dans la sobriété et la pudeur.

680. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

En des époques plus anciennes encore, les troubadours accompagnent sur la viole d’amour les chansons, aubades et sérénades qu’ils composent en l’honneur de la dame de leurs pensées. […] Lorsque André Chénier essaie de reproduire la simplicité des idylles anciennes, David et son école se vantent de faire « de l’antique tout cru ». […] Il a toujours la mémoire tellement pleine d’œuvres d’art anciennes ou modernes qu’il voit la nature même à travers. […] Poètes, historiens, orateurs, philosophes avaient si bien vanté les anciens qu’on crut bon de se vêtir comme eux. […] En voyant l’Assemblée des Anciens, on eût pu croire qu’elle devait son nom à son costume.

681. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Violet, ancien marmiton au service du général Rochambeau, apprenait à danser à une vingtaine d’Iroquois. […] (Mais c’est plutôt que les anciens ne décrivaient pas pour décrire, ne décrivaient pas sans raison.) […] Les guerres de l’ancien régime apparaissent inoffensives. […] Mais alors, et par la force des choses, la Restauration semblait devenir une entreprise d’anciens impérialistes et d’anciens jacobins. […] Elle avait contre elle la plupart des bourgeois et tous les anciens soldats de l’empereur.

682. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

» Une telle modestie n’est pas l’usage ancien de la littérature. […] Et ainsi l’ancienne France aurait été fort dépourvue d’idées françaises… Ah ! […] On frémit : et est-ce qu’il va recommencer l’ancien manège ? […] À l’école des anciens, et avant l’émancipation. […] Ils recommencent une ancienne frénésie.

683. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

Les anciens et la littérature moderne faisaient alors l’objet de ses études. […] « Ces relations sont anciennes, elles datent de vingt ans ; elles me sont chères à plus d’un titre, car ce bâton, je le tiens de mon père, y compris la manière de s’en servir et la manière d’en parler. […] Aussi anciens que mes premiers, que mes plus informes essais ; car ce qui les distingue de tous les autres, c’est d’être aussi vifs au premier jour qu’au dernier, de s’étendre peu, mais de ne pas décroître. […] C’est une manière de transformation civilisée des anciennes invasions barbares : il y a aussi, selon le plus ou moins de talent, les simples pillards et les conquérants. […] La femme reste sans protecteur ; il l’épouse, il devient père, il est heureux ; il écrit à son ami de Suisse, confident de ses anciennes douleurs : « Envoyez-moi donc vos bossus, nous leur trouverons femmes… » Ceci me choque.

684. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIe entretien. Littérature politique. Machiavel » pp. 241-320

Ses anciens amis sont éloignés, les cours qu’il a fréquentées l’ont oublié ; les Médicis, quoique pleins d’estime pour lui, le regardent avec une certaine déplaisance ; ils craignent même les services d’un citoyen dont le mérite domine de trop haut les autres citoyens. […] Les provinces annexées aux États du prince nouveau, dit-il, ne peuvent y rester longtemps attachées tant que la race de leurs anciens souverains n’est pas éteinte. On en a conclu que Machiavel conseillait le meurtre des anciennes familles des princes vaincus. […] Tandis que ceci se passe au nord de l’Italie, les Sarrasins occupent en maîtres tout le midi et le littoral de l’Italie depuis Gênes jusqu’aux Calabres ; Rome, incapable de défendre ces plus belles contrées de l’Italie méridionale, se console en parodiant l’ancienne république, maîtresse du monde entre les murs croulants de la ville de Romulus et des Césars. […] Nous allons l’étudier avec vous dans son histoire récente ; nous allons conjecturer les conseils pratiques que lui donnerait aujourd’hui, s’il pouvait revivre, le plus ferme esprit politique, le plus sain appréciateur des réalités dans les choses, le plus hardi contempteur des chimères, que l’Italie ancienne ou moderne ait jamais produit, son premier patriote enfin.

685. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Mon séjour en Syrie m’éloigna encore davantage de mes anciens souvenirs. […] On a découvert au chef-lieu du département que certains usages anciens de l’île ne sont pas conformes à je ne sais quel code ; on a réduit une population douce et aisée à la révolte et à la misère. […] Il était partisan de l’ancien genre, de la complainte narrative, et il se mit à me chanter celle qu’il tenait pour la plus belle. […] Un des anciens bouddhas antérieurs à Cakya-Mouni atteignit le nirvana d’une étrange manière. […] La forme ancienne est Ronan, qui se retrouve dans les noms de lieu, Loc-Ronan, les eaux de Saint-Ronan (pays de Galles), etc.

686. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1882 » pp. 174-231

Je n’ai encore rien vu en peinture d’aussi vaporeusement lumineux, et d’une qualité de pastel aussi neuve, aussi en dehors des procédés anciens. […] Car cet ancien dîner littéraire de Magny, est devenu un dîner tout politique, et un dîner que les ministres, qu’on n’y voit presque jamais, honorent de leur présence, quand ils sont sous la remise. […] * * * — L’amputation brusque, féroce, d’une ancienne habitude, met en vous quelque chose de la tristesse hébétée d’un chagrin. […] Enfin, écrasée de fatigue, elle s’était assise sur un banc, qui existe encore en face de son ancien hôtel de la rue de Courcelles. […] Punaise en Angleterre, d’un monsieur très riche qui a demandé à changer de nom, et qui, le jour, où il a obtenu un nouveau nom, a vu les punaises, quitter, dans la bouche de ses concitoyens, leur ancienne dénomination, et s’appeler de son nouveau nom.

687. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre V. Des orateurs anciens et Modernes. » pp. 223-293

Des orateurs anciens et Modernes. […] Des Orateurs anciens. […] Après avoir suivi les meilleurs maîtres qui fussent pour lors à Rome, il alla dans la Grèce pour se perfectionner dans cette ancienne patrie des Arts. […] Les Anciens étoient naturellement si éloquens qu’ils portoient ce talent jusques dans l’histoire. […] Il substitue à la simplicité noble des anciens, le fard de la Cour de Néron.

688. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

L’ancienne tradition s’étant rompue, la nouvelle n’ayant pris ni le temps ni le soin de s’établir, il en résulte une grande incertitude dans les jugements : une très belle œuvre, neuve et émouvante, saisirait sans doute et réunirait les esprits, mais de simples vers où il y a du talent n’ont plus ce pouvoir. […] Que de bons et charmants feuilletons dans la bouche d’anciens ministres, et qui n’ont jamais été écrits ! […] Les anciens, d’Homère à Théocrite, de Catulle à Ovide, savaient cela. […] Le voyageur qui se sent entraîné par son instinct vers des lieux inconnus, se dit que ce sont certainement d’anciennes patries qu’il va revoir : J’habitai, je le sais, dans d’autres existences Ces pays radieux, et je suis convaincu Que je sais retrouver, à travers les distances, Tous les endroits certains où j’ai déjà vécu.

689. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Frédéric Baudry, à qui nous devons ce volume, est lui-même un érudit et un savant très-distingué en plus d’un genre, et cette application qu’il a mise, en fidèle Normand, à éditer ce Journal d’un ancien intendant de Normandie, ne doit être comptée dans sa carrière littéraire que pour un accident et presque un hors-d’œuvre. Ses travaux les plus importants et les plus suivis se sont depuis longtemps dirigés du côté de l’Orient, et du plus haut Orient ; élève de Burnouf, il a pris le sanscrit pour son domaine ; mais ce n’est point un philologue pur, et il a surtout marqué sa vocation scientifique originale en faisant avancer d’un pas la branche d’études qui tend à montrer que les anciens peuples venus d’Asie en Europe, et qu’on désigne sous le nom d’indo-germaniques, ont eu, à l’origine, un même système de mythes, comme ils ont en une même langue ; les liens primitifs de famille se dénotent chez eux par tous les signes. […] Il plaida dès son début quelques causes avec succès, à la satisfaction des anciens de l’Ordre. […] Quand il mourut, la Gazette de France parla de lui comme du plus vieux militaire de son temps et du plus ancien magistrat. 

690. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

M. de Senfft fut avec lui à Berlin, et depuis à Paris, sur un pied d’amitié et de confiance, auquel il dut, en 1809, la satisfaction de soustraire le fils aîné de Mmc la duchesse d’Esclignac, fait prisonnier en Espagne, à la rigueur des lois portées contre les Français pris les armes à la main. » On peut le remarquer, les parfaites liaisons de M. de Senfft à cette époque ne furent jamais qu’avec ceux qui, tout en servant alors la politique de Napoléon, avaient des restes d’ancien régime ou des avant-goûts et des prédispositions de régime futur différent. […] Mais il est curieux d’entrevoir l’intérieur des coulisses d’alors : l’abbé de Pradt, évidemment, causait beaucoup avec M. de Senfft, et pendant ce séjour même de Bayonne où il servait la politique de Napoléon, il la dénigrait et parlait contre dans le tête-à-tête ; l’ancien émigré, l’ancien constituant, le futur auteur de l’Ambassade de Varsovie, reparaissaient ou se révélaient en lui, et bouillonnaient, pétillaient, s’entrechoquaient pêle-mêle dans les apartés où il laissait son masque de courtisan. […] Mémoires du comte de Senfft, ancien ministre de Saxe (18061813) ; Leipsick, 1863.

691. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Un homme de son temps, au contraire, un habile que la nature avait doué d’une rare faculté philologique comme elle avait doué Malebranche d’un génie métaphysique éminent, avait entrepris cet examen puisé aux sources et avait fondé la véritable critique des Écritures en l’appuyant sur la connaissance de l’hébreu, des langues orientales prochaines qui en sont comme autant de branches, et sur la familiarité avec les anciens commentateurs juifs les plus compétents. […] Ici l’on remarque chez le peuple juif un singulier interrègne de prophètes depuis Malachie, le dernier des prophètes de l’ancien peuple, jusqu’à Jésus-Christ. […] Sur l’idéal de la liberté chez les Grecs, sur leurs philosophes, sur leurs poètes même et sur Homère dont il interprète la mythologie par le côté principalement moral, il a des pages senties qu’il n’aurait jamais écrites avant 1670, avant de s’être retrempé, pour son préceptorat du Dauphin, aux vives sources de l’ancienne littérature profane. […] L’idée de discuter le fond des anciens récits ne lui vient pas plus pour Tite-Live qu’elle ne lui est venue pour Moïse ; il s’applique d’ailleurs avant tout à l’esprit des institutions.

692. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Cet abbé de Haute-Fontaine, qui avait de grandes liaisons, les avait en quelque sorte transmises et léguées à son ancien secrétaire. […] Mais la réflexion que vous faites, monsieur, sur cette belle circonstance de l’histoire de ces anciens enfants des Saints, convient tout à fait à la haute idée qu’une religion aussi éclairée que la vôtre donne de l’image de Dieu qui est dans l’homme, et de l’alliance que Jésus-Christ a élevée à ia dignité de sacrement… » Et il prenait de là occasion pour citer, à son tour, plus d’une parole de l’Écriture se rapportant à l’union mystique du Verbe avec la nature humaine et du Sauveur avec son Église, toutes choses divines dont le mariage humain, en tant que sacrement, n’est que l’ombre et la figure. […] Elle est toujours fort gaie et fort contente, et vous garde de très-bon chocolat dont elle me fit goûter. » C’est ce que nous lisons dans une lettre de Racine à son fils aîné, alors à Versailles (30 janvier 1699). — Cette sœur chez qui on va passer une après-dînée n’est pas du tout, comme l’a cru un ancien annotateur, la religieuse de Melun ; ce ne pouvait être que la nouvelle mariée, Mme de Riberpré. […] » On est fâché d’y voir mêlé le nom de Racine. — (Tiré d’un Recueil manuscrit des plus anciens vaudevilles, provenant de la venue de M. 

693. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

Néanmoins la plupart des gouvernements n’appellent que les anciens nobles à se mêler de la politique ; et il n’y a d’ailleurs que les gouvernements représentatifs qui donnent à toutes les classes un intérêt direct aux affaires publiques. […] Comme ils sont naturellement penseurs et méditatifs, ils placent leurs idées abstraites, et les développements et les définitions dont leurs têtes sont occupées, dans les scènes les plus passionnées ; et les héros, et les femmes, et les anciens, et les modernes tiennent tous quelquefois le langage, d’un philosophe allemand. […] Il ne fallait pas moins que les circonstances particulières à l’ancienne France, et dans la France, à Paris, pour atteindre à ce charme de grâce et de gaieté qui caractérisait quelques écrivains avant la révolution. […] Peut-être fallait-il faire dire aux anciens ce qu’on voulait apprendre aux modernes, et rappeler le passé comme servant d’allégorie pour le présent.

694. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Madame Récamier. » pp. 121-137

Dans cette demi-retraite, qui avait un jour sur le couvent et une porte encore entrouverte au monde, cette ancienne amie de M. de La Rochefoucauld, toujours active de pensée, et s’intéressant à tout, continua de réunir autour d’elle, jusqu’à l’année 1678, où elle mourut, les noms les plus distingués et les plus divers, d’anciens amis restés fidèles, qui venaient de bien loin, de la ville ou de la Cour, pour la visiter, des demi-solitaires, gens du monde comme elle, dont l’esprit n’avait fait que s’embellir et s’aiguiser dans la retraite, des solitaires de profession, qu’elle arrachait par moments, à force d’obsession gracieuse, à leur vœu de silence. […] À ses nouveaux amis (comme elle voulait bien quelquefois les appeler), Mme Récamier parlait souvent et volontiers des années anciennes et des personnes qu’elle avait connues. […] Cousin sur Madame de Sablé, 1854, fin du chapitre ier , p. 63 : « Elle avait, dit-il de Mme de Sablé, de la raison, une grande expérience, un tact exquis, une humeur agréable. — Quand je me la représente telle que je la conçois d’après ses écrits, ses lettres, sa vie, ses amitiés, à moitié dans la solitude, à moitié dans le monde, sans fortune et très en crédit, une ancienne jolie femme à demi retirée dans un couvent et devenue une puissance littéraire, je crois voir, de nos jours, Mme Récamier à l’Abbaye-aux-Bois. »

695. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Walckenaer. » pp. 165-181

Avant que d’autres voix plus autorisées le fassent, je voudrais rendre un hommage bien dû à un homme d’investigation, de labeur et de conscience, à un érudit galant homme qui s’est exercé dans des branches bien diverses, qui a marqué par des travaux durables dans la géographie ancienne et dans l’histoire naturelle, et qui nous intéresse particulièrement comme l’un de nos devanciers et de nos guides dans l’histoire et la biographie littéraire. […] Dacier et Gosselin, il fut encouragé par eux dans son application à la géographie ancienne. […] Laissant de côté ses mémoires sur l’ancienne Gaule, qui le firent nommer dès 1813 à l’Académie des inscriptions, et les nombreux travaux de géographie qui ne cessèrent de l’occuper depuis lors, « d’usurper, comme il le dit, le plus grand nombre de ses moments de loisir », je ne voudrais insister ici que sur les services agréables que M.  […] C’est assez faire entendre aussi, je pense, ajoute-t-il, que les personnages ne sont pas des sauvages de l’Ancien ni du Nouveau Monde ; ils sont Français et costumés à la française : enfin, ce qui est encore plus extraordinaire, autant du moins qu’il a été possible à l’auteur, ils parlent français… ».

696. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Les romans de M. Edm. de Goncourt » pp. 158-183

Enfin il inventera ces étranges phrases disloquées, enveloppantes comme des draperies mouillées, mouvantes et plastiques qui semblent s’infléchir dans le tortueux d’une route : « Enfin l’omnibus, déchargé de ses voyageurs, prenait une ruelle tournante, dont la courbe, semblable à celle d’un ancien chemin de ronde, contournait le parapet couvert de neige d’un petit canal gelé » ; des phrases compréhensives donnant à la fois un fait particulier et une idée générale, des phrases peinant à noter ce que la langue française ne peut rendre et devenant obscures à force de torturer les mots et de raffiner sur la sensation : Ils savouraient la volupté paresseuse qui, la nuit, envahit un couple d’amants dans un coupé étroit, l’émotion tendre et insinuante, allant de l’un à l’autre, l’espèce de moelleuse pénétration magnétique de leurs deux corps, de leurs deux esprits, et cela, dans un recueillement alangui et au milieu de ce tiède contact qui met de la robe et de la chaleur de la femme dans les jambes de l’homme. […] L’organisation de ses sens et de son style, ressemble à ces instruments infiniment complexes mais infiniment sensibles de la physique moderne qui saisissent des phénomènes et permettent des approximations inconnues aux anciennes machines. […] Il sait goûter la malice d’une vieille pantomime italienne et en inventer de poétiques pour ses clowns, rendre la douceur de gestes et de caractère d’un soldat, ancien berger, la grâce native d’une actrice naturellement fine, s’arrêter aux idylliques visions enfantines qui fleurissent la folie d’une vieille idiote. […] Il a gardé beaucoup de sa fréquentation de l’ancienne France, de la France de Diderot et de Mlle de Lespinasse.

697. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

Ce n’est donc que ce que nous désignons aujourd’hui par les noms de déclinaison & de conjugaison (Voyez ces deux mots), & que les anciens comprenoient sous le nom général & unique de déclinaison. […] L’erreur que nous combattons ici n’est pas nouvelle ; elle prend sa source dans les ouvrages des anciens grammairiens. […] G chez les anciens a signifié quatre cents suivant ce vers. […] Pourquoi l’autorité des modernes le céderoit-elle sur ce point à celle des anciens, ou pourquoi ne l’emporteroit-elle pas, du-moins par la pluralité des suffrages ? […] « Les anciens étoient hommes, & par conséquent sujets à faire des fautes comme nous.

698. (1896) Hokousaï. L’art japonais au XVIIIe siècle pp. 5-298

Les deux anciens fiancés sont repris d’un sentiment amoureux. […] Cascade de Rôbén (nom d’un ancien prêtre), dans la montagne Ohyama, province de Sagami. […] Le même sujet vers 1807, plus ancien de 40 ans. […] Il est signé Manji, et provient de l’ancienne collection Wakai. […] 8º Un poète ancien en contemplation devant la lune.

699. (1875) Premiers lundis. Tome III « De l’audience accordée à M. Victor Hugo »

Les temps actuels, aurait-il dit, ne sauraient être comparés aux temps de l’ancienne monarchie pour le théâtre non plus que pour tout le reste. […] Puis, quand l’ancienne littérature est partout ; qu’elle occupe les places, les Commissions, les Académies ; que le gouvernement s’en rapporte à ses décisions en toute matière littéraire où il a besoin de s’éclairer ; quand, il y a quelques mois à peine, une pétition, signée de plusieurs auteurs classiques les plus influents, et tendant à obtenir pour eux le monopole du Théâtre-Français, est venue mourir au pied du trône ; n’y aurait-il pas, de la part du gouvernement du roi, peu de convenance et d’adresse à frapper d’interdiction la première œuvre dramatique composée depuis ce temps par un des hommes de la jeune littérature, une pièce avouée d’elle, réclamée par le public, et sur laquelle on veut bien fonder quelque espoir ?

700. (1875) Premiers lundis. Tome III « Maurice de Guérin. Lettre d’un vieux ami de province »

1º Il n’y a eu de contact direct entre l’ancienne Gaule et la Grèce que par la colonie grecque de Marseille. […] On voit dans la querelle des Anciens et des Modernes, où Racine et Boileau défendent Homère contre Perrault, combien il y avait peu, de part et d’autre, de sentiment vrai de l’antique.

701. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Mercier » pp. 1-6

Dans l’ordre matériel, réimprimer les anciennes œuvres est un fait qui correspond à la reproduction des anciennes formes dans l’ordre intellectuel et artistique.

702. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Saint-Marc Girardin »

Dans l’ordre matériel, réimprimer les anciennes œuvres est un fait qui correspond à la reproduction des anciennes formes dans l’ordre intellectuel et artistique.

703. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre IV. De la morale poétique, et de l’origine des vertus vulgaires qui résultèrent de l’institution de la religion et des mariages » pp. 168-173

Telle était la barbarie des nations à l’époque même où les anciens Germains voyaient les dieux sur la terre, où les anciens Scythes, où les Américains, brillaient de ces vertus de l’âge d’or exaltées par tant d’écrivains.

704. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Ces vers français de Fléchier qui rappellent ceux de d’Urfé, de l’ancien évêque Bertaut, ou encore ceux de Godeau, évêque de Vence, sont ce que j’appelle des vers élégants et polis d’avant Despréaux. […] Telle est la qualité nouvelle que la relation de Fléchier a acquise en vieillissant : ce qui, pour l’auteur devenu tout à fait grave, n’était plus qu’une bagatelle de société, ce qui a pu continuer de paraître tel en effet jusqu’à la fin du xviiie  siècle, et tant que dura l’ancienne monarchie, a pris, à la distance où nous sommes, toute l’importance d’un témoignage circonstancié, d’un tableau neuf et hors de prix. Là où Fléchier n’avait songé qu’à exercer sa plume et à badiner avec ses amis sur les singularités d’un voyage extraordinaire, il se trouve nous avoir ouvert un jour sur un coin de l’ancienne France qui, à travers ce style si poli, éclate d’autant plus brusquement à nos yeux. […] Une des idées les plus singulières qu’ont eues les contradicteurs des Grands Jours, lors de la première publication, ç’a été de supposer que je ne sais quel philosophe du xviiie  siècle y avait intercalé à plaisir des passages ou des historiettes malignes pour faire tort à la religion et à la noblesse, et pour décrier l’ancien régime. […] Il savait infiniment d’histoire, de généalogie, d’anciens événements de la Cour.

705. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

Pour moi, ce me semble, il n’est qu’une manière un peu précise de songer à la postérité quand on est homme de lettres : c’est de se reporter en idée aux anciens illustres, à ceux qu’on préfère, qu’on admire avec prédilection, et de se demander : « Que diraient-ils de moi ? […] En s’arrêtant à ce choix ingénieux et qui n’était pas sans à-propos dans le voisinage de la Sorbonne, l’auteur ne faisait qu’isoler et développer une des branches de cet ancien premier travail, resté inachevé, sur les sermonnaires. […] Patin ; puis, bientôt, par des articles approfondis sur des auteurs de son choix, il dégagea sa propre originalité, il la porta dans ces sujets anciens, en combinant, autant qu’il était possible à cette distance, la biographie et la critique, en poussant l’une en mille sens à travers l’autre. […] Ce suicide final qu’on raconte de Lucrèce ne lui semblait peut-être qu’un retour d’accès d’un mal ancien : « L’air d’autorité, écrivait-il, ne suffit pas à déguiser ses terreurs ; voyez, il s’en revient pâle comme Dante ; l’armure déguise mal l’émotion du guerrier. » Il croyait discerner, sous cet athéisme dogmatique, comme sous la foi de Pascal, le démon de la peur. […] Ceux-ci savent tout du premier jour, ils ne reconnaissent personne, ils sont à eux-mêmes leur propre autorité : statim sapiunt, statim sciunt omnia, … ipsi sibi exempla sunt ; tel n’était point Avitus… » Nous pourrions continuer ainsi avec les paroles du plus ingénieux des anciens bien mieux qu’avec les nôtres, montrer cette ambition honorable que poursuivait notre ami, non point l’édilit comme Julius Avitus, mais la pure gloire littéraire qu’il avait tout fait pour mériter, et dont il était sur le point d’être investi… et honor quem meruit tantum.

706. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

Il était impossible que l’influence de l’Italie ne se liât pas à celle de l’antiquité : c’était à vrai dire, on l’a vu, par l’Italie que s’était éveillée chez nous une intelligence, nouvelle des anciens, et que de nos scolastiques se dégageaient péniblement encore des humanistes. […] L’Italie commence à nous rendre ce qu’elle a reçu de nous : ses auteurs sont mis sur le pied des anciens, traduits et goûtés comme tels, Boccace après Pétrarque, et plus que lui, d’autant qu’il a de quoi charmer les courtisans avec les érudits. […] Rutebeuf n’eût pas demandé : où sont les preux des anciens temps ? […] Villehardouin, avec sa fine prudence, est encore, parmi nos chroniqueurs, le plus proche parent de Commynes : mais Commynes est un Villehardouin mûri, ouvert, allégé de bien des croyances anciennes, et lesté de bien des idées nouvelles. […] Près d’un siècle s’est écoulé entre rétablissement, de l’imprimerie143 dans le royaume et le triomphe de la Pléiade : si les derniers héritiers de l’ancienne littérature nationale avaient mis ce temps à profit, ni le xvie siècle, ni le xviie , ni le xviiie n’auraient ignoré le moyen âge.

707. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

Notre costume est bien étroit et bien artificiel comparé à l’ampleur simple et noble du costume antique : mais enfin ce n’est plus un mensonge comme celui de l’ancienne aristocratie. […] Mieux vaudrait l’ancienne idolâtrie, entourant de splendeur quelques individus, que cette pâle vie où la majesté de l’humanité ne serait pas représentée. […] L’école ancienne était pour tous les âges le gymnase de l’esprit. […] Ni le polythéisme ancien, qui renfermait aussi une si grande part de vérité, ni l’Inde, si savante sur Dieu, ne comprirent les choses de cette manière. […] Qui ne s’est arrêté, en parcourant nos anciennes villes devenues modernes, au pied de ces gigantesques monuments de la foi des vieux âges ?

708. (1888) Portraits de maîtres

Il appartenait à une de ces familles qui avaient le plus souffert du renversement de l’ancienne société. […] Il apprit beaucoup d’histoire, contrairement aux habitudes de l’ancien enseignement. […] C’est la farandole d’Avignon, c’est, comme aux jours de l’ancien Midi, l’impétueuse danse des épées ! […] À l’âge où l’on est encore un enfant, la mythologie, l’histoire des anciens n’avaient plus de secrets pour lui. […] Louis Blanc avait professé l’inutilité barbare de la Terreur et flétri son double caractère d’ancien régime et d’inquisition.

709. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

. — La tragédie des anciens remise sur la scène française. — Cléopâtre, Didon. […] C’est là certainement la plus ancienne origine des pièces chantées, et la première et grossière image des opéras. […] La société étant fort riche, acheta l’ancien hôtel des ducs de Bourgogne, tombé alors en ruine. […] C’est l’acte de rupture de l’ancien théâtre avec le nouveau. […] Comme dans sa Cléopâtre, il y eut des chœurs, ainsi que c’était l’usage chez les anciens.

710. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

Racine, à quelques années de là, ne-faisait que se conformer à la prononciation des anciens du Palais dans ce vers des Plaideurs où l’on pourrait croire qu’il a cédé à la rime : ISABELLE, déchirant le billet que lui a remis L’Intimé. […] Vaugelas, qui préférait les mots anciens restés dans l’usage, n’était nullement ennemi des mots nouveaux quand il les jugeait nécessaires. […] Il continua toute sa vie de balancer les opinions des Anciens, de les équilibrer les unes par les autres, de dire : « Ceci est juste, cela ne l’est pas ; il y a un milieu ; dans le doute il est bon de s’y tenir. » — Mais ce n’est point avec ces balancements et ces alternatives qu’on agit sur le public et qu’on entre dans les esprits, surtout quand le style est aussi neutre et aussi peu tranchant que la pensée. […] En adoptant des noms nouveaux, en multipliant des synonymes nombreux, voyants, saillants, excessifs, et en renchérissant à tout instant sur les anciens, l’usage ne fait, en somme, que répondre à des besoins ou à des caprices, ce qu’il importe de distinguer à temps, « et il se soustraira de plus en plus au Dictionnaire de l’Académie, si celle-ci, à l’exemple des grands politiques, ne se jette dans le mouvement pour le régulariser à son bénéfice64 » et au profit de tous. […] Moncourt, ancien élève de l’École normale.

711. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Nous n’entendons pas ici précisément parler des deux brochures politiques de M. de Chateaubriand : nous en serions fort mauvais juge, incapable que nous nous trouvons, par suite d’habitudes anciennes et de convictions démocratiques, d’entrer dans la fiction des races consacrées et des dynasties de droit. […] Il est né à Saint-Malo, d’une famille noble, des anciens Chateaubriand de Beaufort qui se rattachent aux premiers comtes, ensuite ducs de Bretagne. […] Béranger se vante d’être du peuple, M. de Chateaubriand revendique les anciens comtes de Bretagne ; mais tous les deux se rencontrent dans l’idée du siècle, dans la république future, et ils se tendent la main.  […] Il faut voir le portrait ineffaçable de ce père dur et révéré, au nez aquilin, à la lèvre pâle et mince, aux yeux enfoncés et pers ou glauques comme ceux des lions ou des anciens barbares. […] À côté de cette haute figure, vient la mère de M. de Chateaubriand, fille d’une ancienne élève de Saint-Cyr, et sachant elle-même par cœur tout Cyrus.

712. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

. — Ancien esprit du Tiers. — Les affaires publiques ne regardaient que le roi. — Limites de l’opposition janséniste et parlementaire. […] Si l’ancien décor se défait, c’est que les sentiments qu’il annonçait se défont. […] Rappelez-vous ce marquis dont on parlait tout à l’heure, ancien capitaine aux gardes françaises, homme de cœur et loyal, avouant aux élections de 1789 que les connaissances essentielles à un député « se rencontreront plus généralement dans le Tiers-état, dont l’esprit est exercé aux affaires ». — Quant à la théorie, le roturier en sait autant que les nobles, et il croit en savoir davantage ; car, ayant lu les mêmes livres et pénétré des mêmes principes, il ne s’arrête pas comme eux à mi-chemin sur la pente des conséquences, mais plonge en avant, tête baissée, jusqu’au fond de la doctrine, persuadé que sa logique est de la clairvoyance et qu’il a d’autant plus de lumières qu’il a moins de préjugés. — Considérez les jeunes gens qui ont vingt ans aux environs de 1780, nés dans une maison laborieuse, accoutumés à l’effort, capables de travailler douze heures par jour, un Barnave, un Carnot, un Roederer, un Merlin de Thionville, un Robespierre, race énergique qui sent sa force, qui juge ses rivaux, qui sait leur faiblesse, qui compare son application et son instruction à leur légèreté et à leur insuffisance, et qui, au moment où gronde en elle l’ambition de la jeunesse, se voit d’avance exclue de toutes les hautes places, reléguée à perpétuité dans les emplois subalternes, primée en toute carrière par des supérieurs en qui elle reconnaît à peine des égaux. […] C’est pourquoi, pendant les vingt dernières années, l’ancien régime a beau s’alléger, il semble plus pesant, et ses piqûres exaspèrent comme des blessures. […] À quoi bon les études sur l’ancienne France ?

713. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre IV. Chateaubriand »

Il était d’une branche cadette d’une famille ancienne de Bretagne, fils d’un cadet qui, embarqué comme mousse, s’enrichit en Amérique par d’assez rapides voies, que les Mémoires d’outre-tombe ne daignent point expliquer. […] La Révolution éclate ; son père était mort : il réalise un de ses rêves anciens, et débarque à Baltimore, en 1791644. […] Tirer la conclusion définitive de la querelle des anciens et des modernes, montrer qu’à l’art moderne il faut une inspiration moderne (Chateaubriand disait chrétienne), ne pas mépriser l’antiquité, mais, en dehors d’elle, reconnaître les beautés des littératures italienne, anglaise, allemande, écarter les anciennes règles qui ne sont plus que mécanisme et chicane, et juger des œuvres par la vérité de l’expression et l’intensité de l’impression, mettre le christianisme à sa place comme une riche source de poésie et de pittoresque, et détruire le préjugé classique que Boileau a consacré avec le christianisme, rétablir le moyen âge. l’art gothique, l’histoire de France, classer la Bible parmi les chefs-d’œuvre littéraires de l’humanité, rejeter la mythologie comme rapetissant la nature, et découvrir une nature plus grande, plus pathétique, plus belle, dans cette immensité débarrassée des petites personnes divines qui y allaient, venaient, et tracassaient, faire de la représentation de cette nature un des principaux objets de l’art, et l’autre de l’expression des plus intimes émotions de l’âme, ramener partout le travail littéraire à la création artistique, et lui assigner toujours pour fin la manifestation ou l’invention du beau, ouvrir en passant toutes les sources du lyrisme comme du naturalisme, et mettre d’un coup la littérature dans la voie dont elle n’atteindra pas le bout en un siècle : voilà, pêle-mêle et sommairement, quelques-unes des divinations supérieures qui placent ce livre à côté de l’étude de Mme de Staël sur l’Allemagne. […] Dans les Natchez, œuvre de jeunesse, bien que publiée tardivement, le Nouveau Monde et l’Ancien Monde, l’homme de la nature, le sauvage, et l’homme de la civilisation, l’Européen ; il semble que la première idée de l’œuvre soit née d’une lecture de Rousseau. Dans les Martyrs, encore un ancien monde et un nouveau monde, le monde païen et le monde chrétien, la beauté gracieuse et la sainteté sublime : où Corneille n’avait vu que deux âmes (dans Polyeucte), faire voir deux sociétés, deux civilisations, deux morales, deux esthétiques ; ce que Bossuet avait indiqué d’un trait sobre et sévère, en prêtre qui instruit (dans le Panégyrique de saint Paul, et ailleurs), le développer en artiste, pour la beauté et pour l’émotion.

714. (1911) Enquête sur la question du latin (Les Marges)

La magistrature, la diplomatie, la littérature se tient encore, ainsi que certaines professions libérales (barreau, officiers ministériels, etc…), mais tout le reste est perdu pour l’ancienne culture. […] -S. — Je n’ai pas perdu mon goût pour le latin du moyen-âge, le latin parallèle au plus ancien français. […] Steeg lui-même, nourri de bonnes lettres anciennes, comme le fondateur de son église, Jean Calvin, l’auteur de l’Institutio christianæ religionis… Non, en conscience, en toute liberté d’esprit, je ne crois à l’influence du latin sur la politique. […] S’inquiétant des mêmes soucis qui agitent les esprits actuels, Sainte-Beuve disait notamment : « Ne pas avoir le sentiment des Lettres, cela, chez les anciens, voulait dire ne pas avoir le sentiment de la vertu, de la gloire, de la beauté, en un mot de tout ce qu’il y a de véritablement divin sur la terre : que ce soit là encore notre symbole. […] La nouvelle Sorbonne ne trouverait pas plus grâce devant eux que l’ancienne ; la science leur déplaît autant que la littérature ; ils guillotinent avec le même entrain Lavoisier et André Chénier.

715. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Mémoires du comte d’Alton-Shée »

Et tout d’abord à le voir qualifié « ancien pair de France », plusieurs se sont figuré M. d’Alton-Shée comme un survivant de l’ancien régime, peu s’en faut comme un émigré et un revenant. […] Oui ; mais il a pris sa revanche par sa mémoire qu’il avait développée de bonne heure comme par pressentiment, qu’il a meublée de toutes sortes de beaux passages, de scènes dramatiques en prose et en vers, une vraie mémoire d’aveugle qui ressemble à celle des anciens poëtes et rapsodes, du temps où l’on n’écrivait pas ; il retient, il récite, il joue.

716. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IV. Des femmes qui cultivent les lettres » pp. 463-479

Je crois fermement que dans l’ancien régime, où l’opinion exerçait un si salutaire empire, cet empire était l’ouvrage des femmes distinguées par leur esprit et leur caractère : on citait souvent leur éloquence quand un dessein généreux les inspirait, quand elles avaient à défendre la cause du malheur, quand l’expression d’un sentiment exigeait du courage et déplaisait au pouvoir. […] Elles avaient sans doute, dans l’ancien régime, trop d’influence sur les affaires : mais elles ne sont pas moins dangereuses lorsqu’elles sont dépourvues de lumières, et par conséquent de raison ; leur ascendant se porte alors sur des goûts de fortune immodérés, sur des choix sans discernement, sur des recommandations sans délicatesse ; elles avilissent ceux qu’elles aiment au lieu de les exalter. […] Les anciens se persuadaient que le sort avait traversé leurs desseins quand ils ne s’accomplissaient pas.

717. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre II. Précurseurs et initiateurs du xviiie  siècle »

Il n’accorde guère aux anciens que le mérite un peu négatif d’avoir diminué le nombre des erreurs possibles, d’avoir en quelque sorte usé les plus fausses absurdités, qui auraient eu chance, s’ils ne les avaient essayées, de retenir quelque temps la raison moderne. […] La thèse est d’apparence inoffensive : Fontenelle y établit irréfutablement que les oracles des anciens n’ont pas été rendus par les démons. […] Au fond, cette innocente critique de la foi des anciens à leurs oracles est la première attaque que dirige l’esprit scientifique contre le fondement du christianisme466.

718. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VII »

Lui ôter le rythme et l’harmonie, c’est lire et épeler une à une, comme épèle un enfant, les notes de la symphonie héroïque. » Voilà, du coup, toute la poésie ancienne supprimée. […] Homère résume tout et suffit à tout, Il n’est ni un auteur classique ni un auteur ancien, il est le poète de tous les temps ; c’est un moderne.‌ […] Flaubert n’a connu ni son héroïne, ni la vie carthaginoise, ni le détail des batailles, ni le Festin des mercenaires, ni le Conseil des anciens, ni surtout son immortel Défilé de la Hache.

719. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « A. Grenier » pp. 263-276

Grenier, l’auteur de ce livre, fut un professeur, et il nous l’a dit : « C’est dans dix années de douce vie provinciale et « collégiale qu’il lut tous les auteurs anciens », et qu’il forgea et aiguisa la petite sagette que voici. […] Elle n’a pas à entrer dans l’examen de conscience fait bien indiscrètement, selon moi, dans son épilogue expiatoire… dans la peur du reproche — immérité, dit-il, — d’avoir critiqué l’enseignement moderne à travers l’enseignement ancien, et d’avoir écrit « une satire, historiquement allégorique », du corps enseignant actuel. La preuve — affirme-t-il — qu’une telle satire n’est pas possible, c’est que, par leur prédominance intellectuelle, les professeurs contemporains sont en voie de tout envahir parmi nous, comme, parmi les Anciens, d’autres professeurs avaient tout envahi, et comme si ce n’était pas ce mal même que, dans son livre, Grenier a si admirablement signalé !

720. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Brispot »

nous sommes arrivés à une époque où ceux qui aiment, vénèrent et se dévouent à propager les vérités du catholicisme, peuvent laisser là les argumentations inutiles, qui n’imposent plus au scepticisme même quand elles l’étonnent, et se contenter de reproduire les textes sacrés, d’où la lumière jaillit sur le monde des anciens sophistes et doit rejaillir de la même force sur les nouveaux. […] » Et l’auteur de la Vie de Jésus-Christ ne s’est pas contenté de ces noms anciens et illustres, l’éternel honneur des premiers temps. […] Ces modèles, dus au crayon de Notalis, de Matheus et de Spinx, et qui ont été retrouvés dans une pauvre cabane de paysans à Magny, sont d’une naïveté d’inspiration qui ferait croire qu’ils appartiennent à une époque d’une date plus ancienne que celle qu’ils portent, si on ne savait pas que l’Allemagne, par le fait seul du génie qui lui est personnel, peut, au xviie  siècle, équivaloir, en naïveté de touche et en candeur de sentiment, à ce que pouvaient être les autres nations de l’Europe au Moyen Âge.

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