Quand on nie la personnalité de Dieu, on doit nier la personne humaine. […] Mais M. d’Héricault l’a mis en saillie dans la sienne, parce qu’il était réellement en saillie dans l’histoire de l’an II ; M. d’Héricault a bien compris que la Terreur n’était plus qu’une chose sans visage, quand elle ne portait pas celui de Robespierre… On peut dire de l’historien de Thermidor qu’il ôte des mains de Michelet la tête de Robespierre, coupée, par cet innocent bourreau, en l’honneur et au profit de la canaille, qui n’en a pas, et qu’il l’a restituée à celui qui, devant Dieu et devant les hommes, a individualisé la Terreur.
Il la préférait même à la gloire, qu’il aimait pourtant avec une passion presque égale en intensité aux facultés que Dieu lui avait données pour devenir l’un des premiers hommes de son siècle. […] Si, comme le disent nos Saints Livres, à nous autres chrétiens, Dieu nous a faits à son image, il semble qu’il ait mis plus de lui dans le cœur de l’homme que dans son intelligence, — et c’est pour cela que la Correspondance de Balzac touche, surtout, par les lettres du cœur qui y sont écrites.
Guy Livingstone est le frère du Giaour, de Lara, de Conrad le Corsaire, moins coupable sans doute que ces sombres figures de la Force blessée au cœur et qui continuent de vivre avec la fierté de la Force jusqu’au moment où, d’un dernier coup, Dieu les achève… C’est un héros de Lord Byron resté au logis (at home), dans son ordre social, qui a été très bon pour lui et qui lui a donné à peu près tout ce que l’ordre social peut donner : la naissance, la fortune, l’éducation, les relations, tout ce qui s’ajoute à la force individuelle dans un pays où l’ordre social est si bien fait qu’un homme s’y dira, avec la certitude qu’on n’a jamais ailleurs, dans les pêles-mêles que l’on prend pour les sociétés : « Je nais ici, et c’est là que je puis mourir. » Comme les héros de Lord Byron, Guy Livingstone est un de ces Puissants taillés pour l’Histoire, et qui les jours où l’Histoire se tait, — car il y a de ces jours-là dans la vie des peuples, — débordent de leur colosse inutile le cadre de la vie privée. […] La Bible, — cette éducation de l’Angleterre, ce livre grand et terrible où le Dieu jaloux frappe Satan, l’autre jaloux, — la Bible a empreint pour jamais l’imagination anglaise de sa grandeur et de sa terribilité, et c’est elle que je vois rayonner de son feu sombre et âpre aussi bien dans Richardson, qui a fait Lovelace, que dans Milton, qui a fait Satan ; aussi bien dans ce nouvel écrivain qui ajoute dans Livingstone une grande figure à ces grandes figures aimées et hantées par l’imagination de son pays, que dans ce Byron dont il est l’enfant intellectuel.
Il n’a vu ni le dehors ni le dedans de ce Condamné politique de Dieu, en prison dans ses organes et en prison sur sa mappemonde, ce double pénitentiaire parfaitement construit, avec ses climats et ses langues, qui, à lui seul, dirait la faute, quand l’Histoire, plus certaine que la Philosophie, ne nous la dirait pas, et il a eu la prétention superbe, froide, mais naïve, de pénétrer les essences, de saisir l’absolu dans sa notion la plus précise et la plus profonde, de construire enfin ici-bas scientifiquement la vérité (je parle sa langue, non la mienne). […] — qui crut un jour pouvoir forcer la porte du pénitentiaire de Dieu, en mariant les langues, dans lesquelles nous sommes déportés, pour en faire une communauté et une langue universelle, Leibnitz aussi laissa surprendre sa religion et son génie à cette bêtise impie d’un optimisme, interdit nécessairement à un monde en chute, — mais c’est Hegel qui devait élever à l’état de principe le pressentiment de Leibnitz !
devant Dieu par la foi, par l’abnégation, par l’œuvre collective, ils ont comme l’identité de la même vertu, de la même sagesse, de la même sainteté, et on pourrait tous les prendre les uns pour les autres, si Dieu n’avait pas donné à quelques-uns d’entre eux la différence qui compte devant l’Histoire, la différence ou d’un de ces caractères ou d’un de ces génies qui, en attendant l’égalité du Ciel, font la gloire et l’originalité parmi nous !
Après Rabelais, après Callot, après Voltaire, après le xviiie siècle, nul n’aurait osé, puisqu’il faut dire le mot, croire au diable, et Chateaubriand, on s’en souvient, eut besoin de toutes les magies de sa païenne rhétorique pour faire accepter le démon à l’imagination retiédie d’une époque cadavéreuse d’athéïsme, qui croyait que c’était bien assez de revenir vers Dieu ! […] Pendant que la philosophie s’embrouille sans conclure ou… se tait, pendant que sur cette question des esprits, de tradition comme Dieu et comme la chute de l’homme par toute la terre, le panthéisme, l’éclectisme et le rationalisme nient l’histoire et ferment les yeux aux faits contemporains, le catholicisme se lève et vient dresser devant la science embarrassée le problème éternel qu’il a toujours résolu, lui, de, la même manière, à toutes les époques de son histoire.
IV Je voudrais pouvoir citer ces deux pièces pour donner une idée de la poésie de Gères quand elle atteint son point culminant, — son zénith ; je voudrais citer aussi l’Incerta et occulta, non moins belle, mais je suis arrêté par un des mérites de ces pièces la longueur, la puissance du souffle… L’Arbre devenu vieux n’a pas moins de cent dix-neuf strophes… Or, ces longues poésies sont venues et sont faites comme les roses, pour lesquelles Dieu ne s’est pas repris… Les feuilles d’une rose ne sont plus la rose ; des vers pris à des poésies bien venues n’en donnent ni le mouvement, ni l’unité, ni la vie ! […] Il s’est plaint, avec la passion d’une âme enfermée sous une écorce, de ces choses de Dieu qui nous écrasent : l’immobilité et l’éternité.
Voulez-vous bien sourire et rendre grâce à Dieu. […] Chacun reçoit des deux, chacun donne de soi ; Dans ce trait d’union Dieu lui-même se glisse !
Comme jamais on n’avait vu d’ascension plus haute et plus rapide, on ne vit guères non plus de prostration plus soudaine, de renversement plus à fond… Jamais manque de transition plus complet entre la grandeur et la petitesse, et, que Dieu me pardonne de tels mots en parlant d’un tel homme ! […] En dehors de l’inspiration, Auguste Barbier est quelque chose d’un déplorable et d’un lamentable qui prouvent combien peu le génie dépend des circonstances dont les théories à la mode le font dépendre, et que Dieu peut allumer cette flamme sur les plus grotesques trépieds.
II Le voici donc tout entier, ce livre qui, je l’ai dit, nous donne un Richepin aussi contenu qu’il avait été jusque-là incontinent, et aussi moral qu’on peut l’être sans Dieu ; car M. […] Plume appuyée, mordante, solidement éclatante, même quand elle appuie sur les choses vulgaires, procédant d’habitude par comparaisons plus pratiques que poétiques, mais qui font entrer l’objet comparé dans l’esprit du lecteur comme un coup de cette bûche emmanchée — le marteau des fendeurs de bois — qui enfonce le coin de fer dans le tronc noueux de l’arbre abattu… Vous voyez qu’ici, dans l’homme aux opinions et aux créations antiviriles de ce roman à petite morale, puisqu’elle est vide de Dieu, se retrouve le mâle que nous connaissions.
C’est toujours la morale de tous ses livres, à elle, et de ceux de son père, qui dit « toi et moi » comme s’il n’y avait dans le monde que des amants et des maîtresses, et que l’amour supprimât du même coup la société et Dieu ! […] Quelle que soit l’intention, que Dieu seul peut juger (et qu’il jugera, madame !)
C’est toujours la morale de tous ses livres à elle et de ceux de son père, qui dit « toi et moi », comme s’il n’y avait dans le monde que des amants et des maîtresses, et que l’amour supprimât du même coup la société et Dieu ! […] Quelle que soit l’intention, que Dieu seul peut juger (et qu’il jugera, madame), quelle que soit l’intention qui anime en secret Lui et Elle, c’est un scandale sans doute, que ce livre, un misérable scandale, qui n’est pas fait pour agiter deux jours une saine et honnête littérature ; mais, hors cela, c’est un coup manqué !
Guy Livingstone est le frère du Giaour, de Lara, de Conrad le Corsaire, moins coupable sans doute que ces sombres figures de la Force blessée au cœur et qui continuent de vivre avec la fierté de la Force jusqu’au moment où, d’un dernier coup, Dieu les achève… C’est un héros de lord Byron, resté au logis (at home), dans son ordre social, qui a été très-bon pour lui et qui lui a donné à peu près tout ce que l’ordre social peut donner : la naissance, la fortune, l’éducation, les relations, tout ce qui s’ajoute à la force individuelle dans un pays où l’ordre social est si bien fait, qu’un homme s’y dira, avec la certitude qu’on n’a jamais ailleurs dans les pêles-mêles que l’on prend pour les sociétés : Je nais ici, et c’est là que je puis mourir. […] La Bible, — cette éducation de l’Angleterre, ce livre grand et terrible où le Dieu jaloux frappe Satan, l’autre jaloux, — la Bible a empreint pour jamais l’imagination anglaise de sa grandeur et de sa terribilité, et c’est elle que je vois rayonner de son feu sombre et âpre aussi bien dans Richardson, qui a fait Lovelace, que dans Milton qui a fait Satan, aussi bien dans ce nouvel écrivain d’aujourd’hui qui vient d’ajouter dans Livingstone une grande figure à ces grandes figures aimées et hantées par l’imagination de son pays, que dans ce Byron dont il est l’enfant intellectuel.
Leur Dieu, c’est le Jéhovah de la Bible, sorte de bête féroce, assez analogue à Moloch et à Khamos. […] Et ce Dieu, ils le font apparaître comme un vague Croquemitaine. […] Et Nietzsche est, avant tout, un poète, soit : un être qui connaît en lui un univers dont il est le seul Dieu. […] Elle a vaincu l’idée de Dieu qui trouvait son application par l’absolutisme guerrier et par la théocratie. […] C’est piller tous les raisins d’une treille en détournant l’attention du vigneron par de solennelles fariboles : Dieu, la patrie, la légalité, etc.
Il se retourna contre ses propres actes, et, ne pouvant supporter ses remords, il tomba aux pieds d’un prêtre et demanda au Dieu de son enfance l’absolution des erreurs de sa jeunesse : âme tendre et meurtrie, il se fit panser par cette piété charitable qui adoucit ses douleurs, corrigea ses légèretés et transforma ses repentirs en vertus. […] C’est ce sentiment qu’on voit percer à son insu dans la naïve correspondance de Mathieu de Montmorency avec sa Juliette ; il n’est pas amoureux, et il est jaloux ; on sent que, pour conserver plus sûrement la pureté de celle qu’il conseille, il veut, pour ainsi dire, la confier à Dieu et l’enivrer d’un mysticisme éthéré pour l’empêcher de respirer l’encens de la terre ; c’est ce qui donne aux lettres de Mathieu de Montmorency un ton mixte, moitié d’amant, moitié d’apôtre, que quelques personnes trouvent chrétien et que nous trouvons un peu faux à l’oreille. […] Dieu et vous me défendez de me décourager tout à fait : j’obéirai. […] « Faites tout ce qu’il y a de bon, d’aimable, ce qui ne brise pas le cœur, ce qui ne laisse jamais aucun regret ; mais, au nom de Dieu, au nom de l’amitié, renoncez à ce qui est indigne de vous, à ce qui, quoi que vous fassiez, ne vous rendrait pas heureuse. » XI Ce langage d’un directeur spirituel touchait la jeune femme du monde, parce qu’elle était assez clairvoyante pour lire entre les lignes ce que l’ami se cachait à lui-même ; mais elle jouait avec le feu de l’autel, elle ne s’en laissait pas consumer. Cette piété prématurée n’était pour elle qu’une perspective de l’âge avancé ; l’ivresse du monde ne lui laissait pas le temps des réflexions ; la trempe même de son âme ne l’inclina jamais à la dévotion : celle qui n’avait pas assez de passion pour les hommes n’en avait pas assez non plus pour Dieu ; mais elle se prêtait complaisamment tantôt à ces voix qui voulaient la séduire, tantôt à ces voix qui voulaient la sanctifier.
Se conformer, se proportionner au prochain, n’estimer les dons de son esprit que comme des avantages qui nous sont prêtés d’en haut, dont le fruit appartient à tous et l’honneur à Dieu seul, tel était le principe des écrits de Port-Royal. […] Celui que Dieu avait choisi pour une tâche particulière, si habile qu’il y fût, ne s’y croyait néanmoins que l’instrument de tous. […] Pour lui, l’exil n’est qu’une épreuve ordinaire, parce que la patrie est partout où est Dieu, partout où l’on peut emporter le dépôt de la doctrine. […] Mais ces différences ne servaient qu’à faire les affaires communes, et les caractères n’étaient que des aptitudes particulières, distribuées par Dieu même, aux diverses parties de la tâche de tous. […] Il dit de saint Charles Borromée : « Dieu l’autorisa… par son illustre naissance parmi les honnêtes gens du monde, par sa dignité de cardinal parmi les ecclésiastiques et les princes, par ses grandes richesses parmi les pauvres, par sa haute piété parmi les bons, par ses humiliations parmi les pécheurs… » Et plus loin : « Il lui donna une force d’esprit extraordinaire pour entreprendre de graves choses ; une constance immobile pour les exécuter et les achever ; une charité ardente et généreuse pour marcher sans crainte parmi la peste, parmi les torrents ; une vigueur de corps infatigable pour visiter incessamment son diocèse ; une humilité de pénitent public pour confondre l’impénitence publique ; enfin, toutes les qualités divines et héroïques nécessaires à un évêque pour réformer les désordres de l’Église, et pour abolir cet abus si déplorable des confessions imparfaites, des absolutions précipitées, des satisfactions vaines, et des communions sacrilèges. » 70.
« Dieu a-t-il prévu que je serai à jamais malheureux ? […] Dieu n’est qu’un tyran horrible et absurde !… Dieu, la Matière, la Fatalité ne font qu’Un… Les hommes sortent du néant, ils y retournent. » Le doute torturait René ; jamais il n’eut l’énergie de s’élever à une conviction matérialiste. Les romantiques ont eu la même faiblesse ; quelques-uns, par bravade, ont lancé à Dieu des insultes ainsi qu’à un ennemi personnel, mais ils tremblaient en les proférant. […] Le cerveau de l’artiste de génie n’est pas, selon l’expression de Hugo, « le trépied de Dieu », mais le creuset magique où s’entassent pêle-mêle les faits, les sensations et les opinions du présent et les souvenirs du passé : là, ces éléments hétérogènes se rencontrent, se confondent, se fusionnent et se combinent pour en sortir œuvre parlée, écrite, peinte, sculptée ou chantée ; et l’œuvre née de cette fermentation cérébrale est plus riche en vertus que les éléments qui concourent à sa formation : c’est ainsi qu’un alliage possède d’autres propriétés que les métaux qui entrent dans sa composition.
A l’instant où il allait frapper, il s’est senti retranché de la communauté humaine, et retranché de Dieu. Un des chambellans réveillé dans l’ombre en sursaut a murmuré : « Dieu nous assiste ! […] Il parla de Dieu, et l’on se mit à « adorer l’Etre suprême ». […] Mais les uns et les autres sont l’étonnement et le scandale des enfants de Dieu. […] Mais enfin, dans tout ceci, elle pourrait croire d’abord qu’elle agit en religieuse, en servante de Dieu, et non en femme qui se venge.
ma foi, c’est égal, c’est tout de même extraordinaire ; et (poursuivit-il en regardant le ciel), quoique Eugène Sue fasse fondre les cœurs, ce qu’on peut demander à Dieu, c’est qu’il envoie souvent des hommes pareils sur la terre. » — Dans le même article, on attribue à Lacordaire un calembour qui n’est pas de lui : « Les Mystères de Paris suent le crime », aurait-il dit.
Je ne sais ce que c’est que son Jesus et son Ange avec les attributs de la Passion ; je ne connais pas mieux ses Jeux d’enfants, et Dieu merci, je verrai la fin de cet examen.
Le Traité de l’amour de Dieu, l’Introduction à la vie dévote, ses Lettres à différentes personnes & sur différens sujets, sont autant de chef-d’œuvres de lumieres & de sentiment, capables de dompter les esprits rebelles, & d’émouvoir les cœurs endurcis.
L’Aurore déployoit l’or de sa tresse blonde, Et semoit de rubis le chemin du Soleil ; Enfin ce Dieu venoit au plus grand appareil Qu’il soit jamais venu pour éclairer le Monde.
Pour vaincre mon amour, j’ai long-temps combattu ; Et j’aurois vainement employé ma vertu, Si Dieu, par ses bontés, n’eût aidé mes foiblesses.
Nous sommes des Français, sacré nom de Dieu ! […] Jour de Dieu ! […] La Beauté figurait la forme de Dieu. […] La Beauté étant la forme de Dieu, il appert que la chercher induit à chercher Dieu, que la montrer c’est le montrer. […] Dieu merci !
Le poète s’abîme en Dieu, lui offre, avec de vraies larmes, ses douleurs. […] L’idée de Dieu domine son œuvre, la pénètre, l’imprègne tout entière. […] Le livre se divise en trois parties : Ascension dans les ténèbres, Dieu, le Jour. […] Dieu est, à cet égard, un prodigieux monument de rhétorique. […] Dès lors, l’hypothèse d’un Dieu créateur devient superflue. — Mais cet atome (répond le poète) qui donc l’a créé, si ce n’est Dieu ?
La nature, Dieu merci, ne lui à pas été marâtre. » Son premier écrit français connu (je laisse de côté l’introuvable Marfore) est son Instruction à la France sur la vérité de l’histoire des Frères de la Rose-Croix, publiée en 1623. […] Gassendi comme il est le mien, nous a engagés pour dimanche prochain à aller souper et coucher nous trois en sa maison de Gentilly, à la charge que nous ne serons que nous trois et que nous y ferons la débauche : mais Dieu sait quelle débauche ! […] Je ne dis pas toutefois qu’un peu de régime ne fasse grand bien, et que tant de livres qu’écrivent tous les jours les médecins de vita proroganda soient inutiles ; mais aussi en faut-il demeurer dans leurs termes, et ne pas attendre des remèdes l’éternité que Dieu seul s’est réservée. » — Et dans les Coups d’État (chap. […] Je pense que j’en mourrai, si Dieu ne m’aide (25 novembre 1653). » — Les érudits composèrent à l’envi des vers latins sur la mort du confrère qui les avait si libéralement servis. […] Et au nombre des causes de ces mystérieuses vicissitudes, Naudé ne craint pas de mettre « la grande bonté et providence de Dieu, lequel, soigneux de toutes les parties de l’univers, départit ainsi le don des arts et des sciences, aussi bien que l’excellence des armes et établissement des empires, ou en Asie, ou en Europe, permettant la vertu et le vice, vaillance et lâcheté, sobriété et délices, savoir et ignorance, aller de pays en pays, et honorant ou diffamant les peuples en diverses saisons ; afin que chacun ait, part à son tour au bonheur et malheur, et qu’aucun ne s’enorgueillisse par une trop longue suite de grandeurs et prospérités. » C’est là une belle page et digne de Montaigne.
Socrate avait ouvert le ciel ; Aristote, sans méconnaître le ciel, et en plaçant toujours Dieu et la providence au-dessus des phénomènes terrestres, professa la spiritualité de l’âme comme suprême espérance de tout. […] Platon le rêveur dans le temps d’Aristote, Rousseau et les utopistes de nos jours, ont prétendu s’inscrire en faux contre ce fatum des choses, et, quand nous voulons revenir à Dieu, nous revenons à Aristote. […] Quand l’homme le plus criminel paraîtra après sa mort au jugement de son créateur, et que Dieu l’interrogera sur ses doctrines politiques, s’il peut lui répondre : « J’ai fait tous les crimes, mais j’ai contribué à préserver le gouvernement en me sacrifiant », Dieu pourra lui pardonner, car ce criminel n’aura pas péché contre le Saint-Esprit ! […] Mais cette perpétuité est indispensable dans la théorie de Socrate : “Dieu verse l’or, non point tantôt dans l’âme des uns, tantôt dans l’âme des autres, mais toujours dans les mêmes âmes.” Ainsi Socrate soutient qu’au moment même de la naissance, Dieu mêle de l’or dans l’âme de ceux-ci ; de l’argent, dans l’âme de ceux-là ; de l’airain et du fer, dans l’âme de ceux qui doivent être artisans et laboureurs.
Le repas terminé, notre mère, qui ne négligeait aucune occasion d’élever à Dieu l’âme de ceux dont elle était chargée, paraissait, suivie de ses filles et un livre à la main, à la porte de la cuisine. […] Elle faisait une courte lecture de piété appropriée à l’intelligence et à la condition de cette famille : c’était le plus souvent un petit épisode tout rural et tout pastoral de la Bible, suivi d’un petit commentaire qui faisait sentir à ces pauvres gens la similitude de leur vie à la vie des patriarches aimés de Dieu, puis une courte prière pour bénir le jour et le lendemain. […] Cela ne vous apprend-il pas qu’il y a autant d’intérêt et de ce qu’on appelle poésie dans la domesticité d’une maison bien tenue que dans la solennité des actes de la vie héroïque, et que tout le génie de celui qui raconte une histoire ou un poème comme celui-là est de faire sortir, par la fidélité de sa description, ce que Dieu a mis de grâce, de beauté, de dignité et de sentiment en toute chose humaine ? […] Ils sont les lecteurs du poème de Dieu ! […] Il n’a reçu de Dieu ni le sens de la nature, ni le sens de la famille, ni le sens de la vertu.
. — Et cependant, du moins, tout ce que je voyais alors agissait sur moi pour me ranimer ; tout me faisait fête dans la nature ; c’était vraiment un concert de la terre, des cieux, de la mer, des forêts et des hommes ; c’était une harmonie ineffable, qui me pénétrait, que je méditais et que je respirais à loisir ; et quand je croyais y avoir dignement mêlé ma voix à mon tour, par un travail et par un succès égal à mes forces et au ton du chœur qui m’environnait, j’étais heureux ; — oui, j’étais heureux, quoique seul ; heureux par la nature et avec Dieu. […] Il écrivait dans une note : « Je rends grâces à Dieu ; « De ce qu’il m’a fait homme et non point femme ; « De ce qu’il m’a fait Français ; « De ce qu’il m’a fait plutôt spirituel et spiritualiste que le contraire, plutôt bon que méchant, plutôt fort que faible de caractère. […] Il s’est tourné vers Dieu d’où vient la paix et la joie. […] Il va de l’amitié à l’amour comme il a été de l’incrédulité à l’élan vers Dieu.
Chanter, c’est éclater devant l’homme ou devant Dieu. […] Quand l’homme est heureux de son loisir et de son travail, il chante ; c’est l’enthousiasme du bien-être qui lui donne alors la mélodie et le diapason ; c’est Dieu lui-même qui a composé cette musique universelle qui cherche ses notes dans les émotions inarticulées de l’air écrit dans le cœur, et c’est le cœur qui bat la mesure avec ses vives ou lentes palpitations. […] Les temples, pleins de l’ombre de Dieu, sont aussi pleins du chant des hommes ; les cantiques sont l’encens des cœurs ; ils jaillissent des lèvres dès que l’homme se croit en présence de la Divinité. […] Aucune victoire n’est complète qu’après que le Te Deum , qui pousse l’armée et le peuple au pied des autels du Dieu de la patrie, a porté ses notes triomphales et reconnaissantes jusqu’au ciel !
— Dieu ! […] Dieu ! […] CLXXI Cependant je tombai à genoux pour bénir Dieu d’avoir pu seulement entendre le son de ses chaînes ; toute ma crainte était qu’on ne m’éloignât tout à l’heure de l’asile que le hasard m’avait ouvert la veille ; j’aurais été contente d’être une pierre scellée dans ces murailles, afin qu’on ne pût jamais m’arracher d’auprès de lui ! […] — Grâce à Dieu !
Quand « assouvi de son rêve », Dieu voudra détruire la race humaine par le déluge, Kaïn la sauvera. […] J’ai fait ce que j’ai pu, je vous remets à Dieu, Cria-t-elle, et Jésus vous ouvre son royaume16 ! […] Ils prisent assez haut l’honneur de Dieu pour le venger par des supplices, et le salut de leurs frères pour y employer les bûchers. […] Le diable n’y peut rien, maître, non plus que Dieu, Et j’estime aussi peu, sans haine et sans envie, Les choses de la mort que celles de la vie20.
Il a fini par douter de Dieu et de toute chose. […] Mais cet esprit novateur, cet esprit qui renverse toute tradition, toute autorité, et qui cherche, devient nécessairement un esprit de doute et de scepticisme, aussitôt qu’il a passé certaines limites et qu’il ne veut plus connaître de point d’arrêt ; et il devient nécessairement un esprit d’athéisme, s’il poursuit encore longtemps sa course sans rencontrer Dieu. […] « À quoi bon des temples pour qui conçoit la grandeur et l’unité de Dieu ? […] Jésus lui-même, dans l’Évangile, ne vit-il pas dans la retraite, au bord des lacs, au sein des déserts, contemplant la grandeur de Dieu et la misère des hommes ?
Le philosophe emploie la méthode déductive ; d’un principe unique, je pourrais dire d’un axiome, il tire l’existence de Dieu, l’existence du monde, toute une série de corollaires enchaînés comme les théorèmes d’Euclide. […] Il met en doute l’existence du monde extérieur, et il ne peut la démontrer (circuit étrange) que par l’existence de l’âme qui perçoit le monde et par l’existence de Dieu qui, étant parfait, ne peut avoir voulu tromper l’homme en lui donnant de fausses perceptions. […] L’existence de l’âme et de Dieu était pour lui plus certaine que celle de tout ce qu’il voyait et touchait. Par un renversement complet des rôles, les philosophes du siècle suivant se moquent de Descartes, et Diderot, Helvétius, d’Holbach doutent de tout ce qui ne tombe pas sous les sens, nient l’âme et Dieu.
… Dieu ! […] » Elle jette impérieusement à Dieu, à elle-même, cette décisive question. […] C’est un drame en cinq actes, le drame émotionnel d’une âme pieuse : Le souvenir de soi-même, d’abord, devant le Dieu ; une plainte, les émois de la honte : ayez pitié, Maître, de moi ! […] Dans sa célèbre « Autobiographie », il nomme ce retour « une inspiration enviable », tandis qu’il qualifie le chant de triomphe lui-même de « vacarme insignifiant »… Dieu le lui pardonne !
Là, il nous a donné le spectacle d’une bouffonnerie soularde émaillée de toutes sortes d’esprit : d’une olla podrida de calembours, d’épigrammes, de bêtises, d’allusions à Dieu et au diable, d’exagérations comiques, de portraits bizarres, de charges à la fois de vaudevilliste et de rapin en état d’ivresse : tout cela entremêlé de remuements frénétiques, de démanchements de torse, de grattements de singe, de hop de cirque. […] Acharné railleur de la religion, et comme toute cette génération, dont la Pucelle fut la nourrice, inépuisable en voltairianismes, en malices de petit journal contre le gouvernement de Dieu, sa charte (la Bible), ses ministres responsables. Un orateur de salon et de coin de cheminée, un charmant causeur, ami des paradoxes et des thèses sceptiques, mordant à droite, à gauche, niant les principes, rapetissant les hommes avec des anecdotes inédites, les gros faits avec de petits détails, plus jaloux de paraître ne pas ignorer que de savoir à fond, de charmer l’attention que de la subjuguer, de briller que de convaincre, et médisant de Dieu, des hommes et des choses pour la plus grande gloire de la conversation. […] Le parti des universitaires, des académiques, des faiseurs d’éloges des morts, des critiques, des non producteurs d’idées, des non imaginatifs, choyé, festoyé, gobergé, pensionné, logé, chamarré, galonné, crachaté, et truffé et empiffré par le règne de Louis-Philippe, et toujours faisant leur chemin par l’éreintement des intelligences contemporaines, n’a donné, Dieu merci, à la France ni un homme, ni un livre, ni même un dévouement.
Dix-huit strophes y recommandent de confondre l’antique au biblique et au moderne ; dix pages de vers envolés et fugaces constatent que la femme ne se livre plus en don gratuit ; seize pages à quatre strophes redisent de mille façons ironiques que Dieu n’a pas besoin de l’homme pour parachever ses œuvres. […] S’il parvient dans la Légende des siècles à faire passionnément déclamer Dieu, saint Jean, Mahomet et Charlemagne, le Cid, les conseillers du roi Ratbert, des thanes écossais, une montagne et une stèle, on peut en conclure sa grande souplesse d’esprit, et aussi l’intérêt mal concentré, superficiel et passager, qu’il porte à toutes ces ombres et ces symboles. […] Sur des thèmes comme ceux-ci : la nature révèle Dieu ; il faut faire l’aumône ; l’argent que coûte un bal serait mieux employé en charités ; les riches ne sont pas toujours heureux ; il faut se contenter de peu ; les malheurs de l’exil ; il est beau de mourir pour la patrie, etc., etc., M. […] Que l’on relise une pièce comme Dieu est toujours là ; on y verra exposés avec la plus irritante certitude, ces aphorismes ; l’été est chaud, le pauvre humble, l’orphelin doux et triste, les chaumières fleuries, le riche charitable, les enfants « innocents, pauvres et petits ».
Ceux-là semblent avoir écrit et mesuré avec le doigt de Dieu les astres, la nature, les animaux, les grandeurs, les formes, les âmes répandues dans les êtres de la création, toute pleine pour eux d’évidence divine, d’intelligence animale et d’amour universel. […] Ils ont sur lui l’avantage de voir Dieu plus clairement à travers ses œuvres, et de sentir palpiter partout l’âme de la nature. […] Mais cependant cette tragédie même avait par sa nature pathétique, pour le cœur humain, l’intérêt palpitant et passionné qui attache l’âme aux combats du cirque, aux grands crimes, comme aux grandes vertus sur la scène où les peuples jouent les drames de Dieu. […] Les Machiavel, les Robespierre, les Danton ne sont au fond que des dupes qui ont mis leur génie à la torture pour chercher dans le crime ce que Dieu a caché dans la conscience et dans la vertu.
Il les a bien ramassés, il les a bien ouverts tout grands, ces fruits cruels, ces fruits funestes, pour qu’on vît mieux l’immonde poussière qui emplit la bouche qui y mord… C’est là le mérite de ce livre d’une immoralité inconsciente, ou Dieu elle devoir n’apparaissent une seule fois dans la pensée de personne, et qui, par là, n’est plus qu’un daguerréotype, l’exact daguerréotype, peut-être, de la triste société de l’auteur, Maîtrisé par son sujet beaucoup plus qu’il ne le maîtrise, l’auteur de Fanny a de la force et beaucoup de talent quand il est dans son sujet, mais il n’en a point quand il faudrait être au-dessus. […] Il a le choix de beaucoup de manières, parce qu’il n’en subit aucune, parce qu’il ne sent en lui jamais cette irrésistible inspiration qui fait des hommes de vrai génie des esclaves de Dieu comme le soleil. […] Il y a des duels, les duels, la seule chose poétique des romans modernes avec la platitude, s’accroissant chaque jour de nos mœurs, mais poétiques à trop bon marché, quand l’auteur qui se les permet n’en relève pas le lieu par trop aisément commun, par quelque chose qui leur donne du caractère, et, pour Dieu ! […] Sainte-Beuve l’avait ondoyé sur le front byronien de Daniel, mais aujourd’hui il l’a tenu sur les fonts de baptême de la publicité, dans la personne de Catherine d’Overmeire, et il a répondu, à haute et intelligible voix, de son talent devant les hommes et devant Dieu.
« Rien ne dompte la conscience de l’homme, car la conscience de l’homme, c’est la pensée de Dieu.
Quittons ces vanités, lassons-nous de les suivre : C’est Dieu qui nous fait vivre, C’est Dieu qu’il faut aimer ! […] Que t’a servi de fléchir les genoux Devant un Dieu fragile et fait d’un peu de boue, Qui souffre et qui vieillit pour mourir comme nous ?
C’est ainsi que son premier chant, que nous avons vu commencer par ces gentillesses et presque ces mièvreries ingénieuses sur le sopha, se termine par cette tirade ou par ce couplet rural et patriotique tout ensemble : Dieu fit la campagne, et l’homme a fait la ville. […] Il répondait, quand on regrettait qu’il n’entreprit plus rien de son propre fonds : « L’esprit de l’homme n’est pas une fontaine, mais une citerne ; et le mien, Dieu le sait, est une citerne brisée. » Mais il trouvait encore des inspirations courtes et vives, et des jaillissements du cœur. […] Il se figurait avoir commis un péché, je ne sais lequel, le seul irrémissible, et qui avait rendu son âme déserte du côté de Dieu.
Villars, qui se flattait que, sans sa blessure, on aurait, remporté la victoire, ne se prévalait pas trop du moins lorsqu’il écrivait au roi : « Si Dieu nous fait la grâce de perdre encore une pareille bataille, Votre Majesté peut compter que ses ennemis sont détruits. » Enfin, quoiqu’on n’ait pu empêcher Mons d’être assiégé et pris comme l’avait été Tournai, le royaume ne fut pas entamé, et l’on espéra que la leçon donnée à l’arrogance des alliés, aux Hollandais particulièrement qui avaient le plus souffert, rendrait la paix moins difficile. […] Durant cette campagne de 1709, elle lui écrivait agréablement qu’en lui voyant faire tant de miracles, on le regardait à Saint-Cyr comme un saint : « Je vais demander à Dieu, avec les dames de Saint-Cyr, de vous protéger et de vous rendre tel qu’elles croient que vous êtes. » Je serai plus bref sur les deux campagnes suivantes (1710-1711). […] Dieu me punit, je l’ai bien mérité : j’en souffrirai moins dans l’autre monde.
Il souffrait et l’on souffrait autour de lui d’être hors d’état de rien entreprendre et de ne pouvoir renouveler la leçon de La Marsaille : « Au nom de Dieu, écrivait Tessé le 30 juin 1694. que le roi se détermine à prendre la vaisselle d’argent de cent hommes qui la lui enverront de bon cœur, et ayons une fok dans la vie de quoi donner les étrivières à tous ces gens-là. […] Je vous expose, mon très cher frère, avec sincérité de cœur, les sentiments dans lesquels je suis, non sans bien des réflexions sur le passé et l’avenir de ce qui me regarde. » Et il terminait en s’appliquant cette parole de l’Écriture : « Deus dédit, Deus abstulit… Dieu me l’a donné, Dieu me l’a ôté : que son saint nom soit béni !
Quelquefois, surtout en lisant les relations des Missionnaires, je serais tenté de m’affliger de ma profonde nullité, qui m’ôte tout moyen d’être jamais utile à l’œuvre de Dieu. […] pourquoi s’obstiner à vouloir rendre à Dieu des services qu’il ne veut pas recevoir de nous ? […] A souffrir : ce doit être ma façon de glorifier Dieu.
. — Pourtant il y a des peuplades entières qui en mangent, et qui n’en sont peut-être pas plus mal avec Dieu pour cela. […] Je crois qu’être moral, c’est espérer : moi, je n’espère pas ; j’ai blasphémé la nature et Dieu peut-être, dans Lélia ; Dieu qui n’est pas méchant, et qui n’a que faire de se venger de nous, m’a fermé la bouche en me rendant la jeunesse du cœur et en me forçant d’avouer qu’il a mis en nous des joies sublimes ; mais la société, c’est autre chose : je la crois perdue, je la trouve odieuse, et il ne me sera jamais possible de dire autrement.
Elle a cela pour elle, Que les sots d’aucun temps64 n’en ont pu faire cas, Qu’elle nous vient de Dieu, — qu’elle est limpide et belle, Que le monde l’entend et ne la parle pas. […] Après cette suavité première, succède aussitôt la grandeur : l’entrée du jeune inconnu dans l’église, sans respect et aussi sans mépris, son attente agitée, ses pas distraits sous les voûtes sonores, contrastent avec le génie des solitudes de Dieu. […] L’âme, rayon du ciel, prisonnière invisible, Souffre dans son cachot de sanglantes douleurs ; Du fond de son exil elle cherche ses sœurs ; Et les pleurs et les chants sont les voix éternelles De ces filles de Dieu qui s’appellent entre elles.
Crois-moi donc, conservons notre 23 juin intact : c’est le destin qui l’a arrangé, c’est Dieu qui l’a voulu ; aussi son souvenir ne nous donne-t-il que de la joie. » Si Ernest eût vécu à une époque chrétienne, j’aime à croire qu’il ne se fût pas marié après la perte de son amie, et qu’il fût entré dans quelque couvent, ou du moins dans l’Ordre de Malte. […] C’est, au contraire, un trait parfait et bien naturel de la part d’une telle femme en notre temps que de lui entendre dire : « Sais-tu, Ernest, que pendant ton absence et dans l’espérance d’adoucir les regrets que j’éprouvais de ne plus te voir, j’ai fait bien des efforts pour devenir dévote à Dieu ? […] Dieu me le pardonnera, je l’espère, puisque je m’en accuse sans détour ; mais à chaque ligne je substituais ton nom au sien !
Tandis que dans les ordres d’idées différents, en politique, en religion, en philosophie, chaque homme, chaque œuvre tient son rang, et que tout fait bruit et nombre, le médiocre à côté du passable, et le passable à côté de l’excellent, dans l’art il n’y a que l’excellent qui compte ; et notez que l’excellent ici peut toujours être une exception, un jeu de la nature, un caprice du ciel, un don de Dieu. Vous aurez fait de beaux et légitimes raisonnements sur les races ou les époques prosaïques ; mais il plaira à Dieu que Pindare sorte un jour de Béotie, ou qu’un autre jour André Chénier naisse et meure au xviiie siècle. […] En effet, durant les quinze années qui suivent, jusqu’en 1693, il ne publia que les deux derniers chants du Lutrin ; et jusqu’à la fin de sa vie (1711), c’est-à-dire pendant dix-huit autres années, il ne fit plus que la satire sur les Femmes, l’Ode à Namur, les épîtres à ses Vers, à Antoine, et sur l’Amour de Dieu, les satires sur l’Homme et sur l’Équivoque.
Otway, en mendiant le morceau de pain qui l’étouffa ; Gilbert, la tête troublée par le chagrin, avalant une clef à l’hôpital, sentirent bien amèrement à cet égard, quoique hommes de lettres, toute la vanité de la philosophie. » XXXV Voici un autre passage de l’Essai sur les Révolutions, où l’idée majestueuse de Dieu se fait jour comme un pressentiment ou comme un remords parmi les doutes, et manifeste l’immortalité de l’âme surnageant au scepticisme du jeune homme. […] « Il est un Dieu. Les herbes de la vallée et les cèdres du Liban le bénissent, l’insecte bruit ses louanges, et l’éléphant le salue au lever du soleil, les oiseaux le chantent dans le feuillage, le vent le murmure dans les forêts, la foudre tonne sa puissance, et l’Océan déclare son immensité ; l’homme seul a dit : « Il n’y a point de Dieu !
Le Dieu était-il devenu fou, ou péchait-il contre lui-même en rendant une pareille sentence ? […] Il ne faut point offenser l’hôte terrible, le Dieu qui punit le crime, et qui, même aux Enfers, ne lâche point les mortels. » — Pour tout concilier, il va s’en rapporter à son peuple ; c’est lui qui jugera et qui décidera. […] » — L’autre répond tristement : « Ce serait le plus grand des dons, mais le Dieu que tu pries est inexorable. » — « N’ignores-tu pas, comme nous, l’avenir ?
« Où étiez-vous, disait Dieu à Job, lorsque je jetais les fondements de la terre ? […] Il élève la pensée, il l’agrandit, il la trouble et la confond aussi par cette hardiesse qui consiste à se mettre si résolument dans ce récit, soi, simple mortel, en lieu et place de Dieu, de la Puissance infinie. […] Tel de ses chapitres sur l’homme semble être d’un idéaliste qui croit à peine à la matière : ses discours sur la nature et ses Époques sont d’un naturaliste qui se passerait aisément de Dieu.
Mme de Motteville n’est point une royaliste aveugle : elle croit au droit des rois, mais aussi à la justice qui en est la règle, et que Dieu, selon elle, leur inspire souvent, et qu’il leur a presque toujours suggérée dans ce royaume de France. […] Cette religion éclairée et soumise lui a dicté dans ses Mémoires quelques pages qu’on peut dire charmantes autant qu’elles sont solides et sensées, sur les querelles du temps, sur les disputes du jansénisme et du molinisme, auxquelles les femmes n’étaient pas les moins pressées de se mêler : Il nous coûte si cher, dit-elle en se souvenant d’Ève, d’avoir voulu apprendre la science du bien et du mal, que nous devons demeurer d’accord qu’il vaut mieux les ignorer que de les apprendre, particulièrement à nous autres qu’on accuse d’être cause de tout le mal… Toutes les fois que les hommes parlent de Dieu sur les mystères cachés, je suis toujours étonnée de leur hardiesse, et je suis ravie de n’être pas obligée de savoir plus que mon Pater, mon Credo et les Commandements de Dieu.
Il profite d’un moment de mieux pour faire ce que tout bon serviteur et fidèle sujet faisait alors : de même qu’il s’arrange pour se réconcilier avec Dieu, Gourville veut voir une dernière fois le roi ; il se fait conduire sur son passage à Versailles, reçoit de lui un dernier mot d’attention et de bonté, et, ce devoir accompli, il rentre dans sa chambre pour n’en plus sortir. […] Il eut de quoi les satisfaire tous plus ou moins ; il en loue Dieu et ne paraît pas douter que les moyens par lesquels sa fortune s’accrut n’aient été suffisamment légitimes. […] Depuis quelques années, je compte de ne pouvoir pas vivre longtemps ; au commencement de chacune, je souhaite pouvoir manger des fraises ; quand elles sont passées, j’aspire aux pêches ; et cela durera autant qu’il plaira à Dieu.
Un ambassadeur de Perse en Moscovie écrira à Usbek sur les Tartares une demi-page, qui serait aussi bien un chapitre de L’Esprit des lois (lettre lxxxi) ; Rica, tout à côté, fera la critique la plus fine du babillage des Français et des diseurs de riens en société : puis Usbek dissertera sur Dieu et sur la justice dans une lettre fort belle et qui porte loin. […] Montesquieu (car c’est lui ici qui parle, ainsi qu’il parlera en son nom jusqu’à la fin de sa vie), tâche d’y établir en quoi cette idée de justice ne dépend point des conventions humaines : « Et quand elle en dépendrait, ajoute-t-il, ce serait une vérité terrible qu’il faudrait se dérober à soi-même. » Montesquieu va plus loin : il tâche même de rendre cette idée et ce culte de justice indépendants de toute existence supérieure à l’homme ; il va jusqu’à dire, par la bouche d’Usbek : Quand il n’y aurait pas de Dieu, nous devrions toujours aimer la justice, c’est-à-dire faire nos efforts pour ressembler à cet Être dont nous avons une si belle idée, et qui, s’il existait, serait nécessairement juste. […] Je suis charmé de me croire immortel comme Dieu même.
Mêlant ses idées religieuses si honorables à ses combinaisons de finance, il suppose que Colbert devait à son génie politique d’être plus religieux qu’un autre : « Un grand administrateur s’attache plus fortement qu’un autre à l’idée d’un Dieu. » Dieu, quelque part, est appelé, par un singulier rapprochement de termes, « l’Administrateur éternel ». […] La sottise, selon lui, est comme ce premier vêtement de peau que Dieu fit à Adam et à Ève avant de les chasser du Paradis : « Cette robe de peau qui doit couvrir notre nudité, ce sont les erreurs agréables, c’est la douce confiance, c’est l’intrépide opinion de nous-mêmes ; dons heureux auxquels notre corruption a donné le nom de sottise, et que notre ingratitude cherche à méconnaître. » Et il énumère tous les trésors qui y sont renfermés.
L’Orateur sacré joue un plus grand rôle, celui d’être l’interprête de son Dieu, & l’organe de la Religion. […] On trouvera l’apologie de ce Jésuite dans l’Art de prêcher la parole de Dieu publié à Paris en 1687. […] Entr’autres opinions singulieres que l’on trouve rêpandues dans cet écrit, on est étonné que l’auteur y soutienne celle-ci, que les Chrétiens sages & éclairés croient qu’il vaut mieux écouter un beau & bon Sermon pour mieux pratiquer les vertus, que de demander à Dieu la grace de bien pratiquer ces vertus ; & il ose traiter ceux qui pensent différemment, d’Idolâtres, de Payens, de Quakers, & de Fanatiques ignorans.
Tombons-nous d’assez haut, grand Dieu ! […] Mais les lois qui n’en suivent pas les dérèglements ont cru imiter Dieu en en faisant un peuple à part, exclus de tout nom, de toute succession, de toute faculté de tester, et, par conséquent, de faire souche et lignée ; en un mot, un peuple dévoué à l’obscurité la plus profonde, sans consistance, sans existence, la plus vive image du néant. […] Au dehors, le bon ordre, la conservation des familles, la paix et l’honneur des mariages, la source des alliances, la solidité des établissements, tout crie en faveur de ces lois ; au dedans de nous-même, une voix puissante se fait entendre qui les canonise et nous les fait respecter comme l’explication des lois de Dieu même. » Quelle accablante autorité dans la pensée et dans le style !
C’est l’éloquence donnée à pur don comme la beauté, existant comme la beauté, et qu’il avait comme la beauté, cet homme à qui Dieu avait tout donné et qui n’ajouta rien aux dons de Dieu, fascinant mais lâche génie ! […] S’il n’était plus chrétien comme on lui avait appris à l’être en ses premières années, il avait emporté et gardé de son christianisme ce fort déisme qui allait à son royalisme, — qui est même le royalisme en philosophie, car Dieu, en métaphysique, c’est le Roi !
“Lucrèce, en effet, est le premier parmi les poètes qui ait chanté l’unité de Dieu, et l’on est forcé de reconnaître que le mot nature est pour lui une expression équivalente au terme qui nous retrace le régulateur de l’univers.” […] M. de Pongerville nous est personnellement inconnu ; et son livre, grâces à Dieu, nous l’était encore jusqu’à ces derniers temps.
Il jeta un regard sur les siens leva une de ses mains au ciel, et dit à haute voix : « — Fasse Dieu que tous les hérétiques qui sont ici rassemblés n’entendent pas, les infidèles, de quelle manière est torturé un chrétien ! […] Il tourna les regards autour de lui : Dieu !
Lui, formé pour la méditation et la valeur ; elle, pour la douceur et la grâce attirante ; lui, pour adorer Dieu seul ; elle, pour adorer Dieu en lui. » 53.
« Je ne sais pas combien de temps je serai ici (à la cour) ; j’y suis venue avec des dispositions soumises qui durent encore ; et je suis résolue, puisque vous l’avez voulu, de me laisser conduire comme un enfant, de tâcher d’acquérir une profonde indifférence pour les lieux et pour les genres de vie auxquels on me destinera, de me détacher de tout ce qui trouble mon repos et de chercher Dieu dans tout ce que je ferai. […] Dieu veuille que ce ne soit que sur le mien, et qu’en effet, la déférence que j’ai pour vous, et l’envie de trouver du repos ne soient pas les motifs qui me fassent agir !
Là, seul comme le matin, plus seul encore, car aucun chevrier n’oserait se hasarder dans des lieux pareils à ces heures que toutes les superstitions font redoutables, perdu dans l’obscurité, il se laissait aller à cette tristesse profonde qui vient au cœur quand on se trouve, à la tombée du soir, placé sur quelque sommet désert, entre les étoiles de Dieu qui s’allument splendidement au-dessus de notre tête et les pauvres étoiles de l’homme qui s’allument aussi, elles, derrière la vitre misérable des cabanes, dans l’ombre, sous nos pieds. […] Montrer dans le burg les trois choses qu’il contenait : une forteresse, un palais, une caverne ; dans ce burg, ainsi ouvert dans toute sa réalité à l’œil étonné du spectateur, installer et faire vivre ensemble et de front quatre générations, l’aïeul, le père, le fils, le petit-fils ; faire de toute cette famille comme le symbole palpitant et complet de l’expiation ; mettre sur la tête de l’aïeul le crime de Caïn, dans le cœur du père les instincts de Nemrod, dans l’âme du fils les vices de Sardanapale ; et laisser entrevoir que le petit-fils pourra bien un jour commettre le crime tout à la fois par passion comme son bisaïeul, par férocité comme son aïeul, et par corruption comme son père ; montrer l’aïeul soumis à Dieu, et le père soumis à l’aïeul ; relever le premier par le repentir et le second par la piété filiale, de sorte que l’aïeul puisse être auguste et que le père puisse être grand, tandis que les deux générations qui les suivent, amoindries par leurs vices croissants, vont s’enfonçant de plus en plus dans les ténèbres.
Dieu la première fois a dit lui-même fiat lux, la seconde fois il l’a fait dire. […] C’est parce qu’ils ont un modèle, l’Homme, et parce qu’ils ont un maître, Dieu.