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1064. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Vigny. Œuvres complètes. — Les Poèmes. »

Toutes ces choses, il faut les voir dans ce poème incroyable, que Raphaël essaierait peut-être de peindre, s’il revenait au monde, et où les traits pareils a ceux-ci tombent à travers des magnificences d’expressions radieuses, comme de blanches larmes divines : Puisque vous êtes beau, vous êtes bon sans doute !

1065. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Charles Didier » pp. 215-226

Un livre de récits qui se suivent n’est point un collier, quoique, même dans un collier, le fil qui passe à travers les perles doive être tout ensemble solide et fin… Ou M. 

1066. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Duranty » pp. 228-238

Leur gaieté même est âpre, quand ils plaisantent, et l’on voit, à travers la jeunesse de l’un et la maturité de l’autre, la tête de mort d’un siècle vieux… Enfin, — et c’est là le plus grand reproche qu’on puisse leur adresser, — observateurs de la vie sensible et descripteurs acharnés et presque chirurgicaux du défaut et du vice humain, pour tout ce qui tient à la vie morale, ce sont d’indifférents sourds-muets.

1067. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre XI. De la géographie poétique » pp. 239-241

* Tite-Live assure qu’à l’époque de Servius Tullius, le nom si célèbre de Pythagore n’aurait pu parvenir de Crotone à Rome à travers tant de nations séparées par la diversité de leurs langues et de leurs mœurs.

1068. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Elle est d’abord très circonscrite ; sa lueur incertaine, vacillante, semble nous arriver à travers un brouillard épais. […] Beaucoup plus tard, dans la légende de Faust, on trouve encore de vives traces de la passion populaire pour ces voyages merveilleux à travers les mers et les airs, dans l’ancien et le nouveau monde. […] Il s’en va vers Babylone où il épouse la fille du Sultan ; il revient avec elle à Naples sur un pont qu’il jette à travers les airs. […] Mais les idées pythagoriciennes étaient alors comme flottantes dans toute l’Italie ; elles y circulaient à travers Platon, Aristote et saint Augustin. […] Les yeux fixés sur Béatrice, qui elle-même lève le regard vers les hauteurs éthérées, il monte avec elle, par la vertu de l’attraction divine, à travers les airs.

1069. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

Aussi, lorsque j’entrai à Paris par ce misérable faubourg Saint-Marceau, et qu’il me fallut ensuite avancer comme à travers un sépulcre fétide et fangeux vers le faubourg Saint-Germain, où j’allais loger, mon cœur se serra fortement, et je n’ai pas souvenance d’avoir éprouvé, dans ma vie, pour cause si petite, une plus douloureuse impression. […] Ayant pris terre sur cette côte et me lassant d’attendre que le vent redevînt favorable pour reprendre la route de Lerici, je laissai la felouque avec mes effets, et, prenant avec moi quelques chemises, mes écrits dont je ne me séparais plus et un seul de mes gens, j’enfourchai un bidet de poste, et, à travers les précipices de l’Apennin dépouillé, je me rendis à Sarzana, où je trouvai mes chevaux, et où il me fallut attendre la felouque plus de huit jours. […] Il fuit à travers les Orcades, et, après de tragiques aventures, il débarque en Bretagne, près de Morlaix, et se rend à Paris avec quelques amis compromis dans sa cause.

1070. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) » pp. 161-239

En marchant à travers des ajoncs, des genêts ou des genévriers, vous êtes attiré vers quelque hallier d’où vous avez entendu s’élever un son doux, assez semblable à la syllabe chit plusieurs fois répétée ; le père et la mère troglodyte voltigent autour des jeunes rameaux ; et bientôt vous voyez un petit qui, d’une aile faible encore, mais en toute hâte, rentre sous le buisson, en poussant un cri étouffé. […] À partir de ce moment, nous fîmes tranquillement route ensemble à travers les bois. […] Les lèvres du fugitif s’entrouvrirent avec une expression de joie et d’amour ; l’éclatante rangée de ses dents d’ivoire semblaient envoyer un sourire à travers l’obscurité du soir qui s’épaississait autour de nous. « Maître, me dit-il, ma femme, bien que noire, est aussi belle, pour moi, que la femme du président l’est à ses yeux ; c’est ma reine, et je regarde mes enfants comme autant de princes.

1071. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

S’il en est parmi nous qui veulent connaître l’histoire de leur foi, les occupations de la vie commune, l’insuffisance de l’éducation, ne leur permettent pas d’y faire assez de progrès pour sa rendre familière cette grande éloquence du dogme, et se diriger à travers les obscurités des mystères. […] Bossuet les a vus et suivis dans leur passage à travers cette vie ; il n’a pu les fréquenter sans faire amitié avec eux. […] Le christianisme ne croit pas qu’il y ait excès à s’aider de toutes nos facultés pour faire pénétrer la lumière au fond de notre âme, à travers nos doutes, nos langueurs et nos ajournements.

1072. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

Cette charmante petite ivresse de la vie qu’il porte en lui-même lui donne le vertige ; il ne voit le monde qu’à travers une vapeur doucement colorée ; jetant sur toutes choses un curieux et joyeux regard, il sourit à tout, tout lui sourit. […] La science populaire et, à beaucoup d’égards, la science ancienne ne voyaient le monde qu’à travers l’homme et le teignaient de couleurs tout humaines. […] La critique consiste à retrouver, dans la mesure du possible, la couleur réelle des faits d’après les couleurs réfractées à travers le prisme de la nationalité ou de l’individualité des narrateurs.

1073. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

Il en résulte que les représentations de Bayreuth, au lieu d’être la réalisation parfaite d’une intention artistique, ne sont toujours encore qu’une indication de cette intention et l’expression de la volonté de quelques personnes à travers les louables efforts de chanteurs et de musiciens qui sont loin de savoir de quoi il s’agit, et qui s’adressent à un public qui ne le sait pas mieux qu’eux. — Toujours est-il qu’à Bayreuth se trouve réuni un ensemble exceptionnel et unique de conditions qui permettent une réalisation aussi parfaite que possible à l’heure présente de l’idée wagnérienne : en joignant la connaissance de la vie et des écrits de Wagner a l’audition de ces drames à Bayreuth, on peut arriver à saisir l’idée fondamentale du maître, sa conception de l’art. […] Toute cantatrice en appétit de millions, remorquée à travers l’ancien monde et le nouveau par des banquiers juifs ou des colonels américains, fait alterner sur ses affiches le rôle d’Elsa et celui de Lakmé. […] Je crois que cette Revue elle-même n’eut point la marche sûre des grands dévouements : elle nous donna de précieuses informations, nous renseigna, avec netteté et conscience, sur tels faits extérieurs que nous désirions connaître ; mais en refeuilletant sa collection, je ne vois pas que rien s’en dégage de définitif : la figure de Wagner n’y apparaît point, qu’éparse et par ébauches rapides ; le sens de ses œuvres n’y est guère saisi ni exprimé qu’à travers les partis-pris et les rhétoriques de systèmes littéraires bien restreints ; les choses même de l’actualité y sont jugées avec des principes flottants, comme sous l’influence de bonnes ou mauvaises digestions, d’humeurs en va et vient, de colères d’un moment et d’étranges balancements psychologiques, Ici aussi, on a voulu garder sa vie.

1074. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

Il y a donc eu, à travers les siècles, action et réaction mutuelle de tous les cerveaux humains, jusqu’à ce qu’ils fussent en harmonie, comme des horloges marquant la même heure au cadran de la logique, — et aussi l’heure vraie, l’heure que commande l’évolution de la nature, où toujours ce qui est est et trouve dans ce qui précédé sa raison d’être. […] Il y a une grammaire sociale comme une logique sociale, et on peut dire que la grammaire est, elle aussi, une science de la vie, car elle promulgue à sa façon les lois de la vie en commun pour des êtres capables de sympathiser et de coopérer à travers le temps, à travers l’espace.

1075. (1894) Textes critiques

se fraye un passage à travers une plaine chaotique de cadavres d’où s’irradie, dirait-on, une lueur de lune morte. […] L’ermite aux pieds noirs et fourchus a enfoncé sa double croix à travers le joujou terrestre, et voici que trois oiseaux de nuit fleurissent la croix supérieure, mordant chacun l’une des clefs importantes rapportées pur le cormoran des trous d’humidité froide, sternutatoires même aux mains. […] Il n’est pas artificiel en ce sens qu’il ne donne pas à l’artiste la réalisation de l’extérieur vu à travers soi ou mieux créé par soi.

1076. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

Un vélum noir voilait de deuil l’Arc de Triomphe de la gloire impériale ; la lumière des becs de gaz et des lampadaires filtrait, lugubre, à travers le crêpe ; des couronnes d’immortelles et de peluches, des portraits de Hugo sur son lit de mort, des médailles de bronze, portant gravé : Deuil national…, enfin tous les symboles de la douleur désespérée avaient été réquisitionnés, et pourtant la multitude immense n’avait ni regrets pour le mort, ni souvenirs pour l’écrivain : Hugo lui était indifférent. […] — Ma mère était une brigande de la Vendée ; à quinze ans elle fuyait à travers le Bocage, comme Madame Bonchamp, comme Madame de La Rochejacquelein, écrit-il en 1831, dans la préface des Feuilles d’automne. […] Mais il lui fallait à tout prix trouver quelqu’un, sur qui rejeter la responsabilité de ses odes royalistes, qui l’embarrassaient davantage que le boulet ne gêne le forçat pour fuir à travers champs : il prit sa mère4.

1077. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

À travers ces lueurs d’un talent néfaste mais énergique, on entrevoit nettement que si la poésie est vivante, l’âme est morte avant d’être née. […] Il est blessé à mort, il s’affaisse entre les bras de ses témoins ; une tache de sang suinte à travers son habit blanc de Pierrot ; les traits de son visage décoloré voudraient rire encore, mais ils agonisent malgré lui, et sous ce faux rire on sent que la pointe de l’épée a touché le cœur. […] toi, le savais-tu, froide et cruelle amie, Qu’à travers cette honte et cette obscurité, J’étais là, regardant de ta lampe chérie, Comme une étoile au ciel, la tremblante clarté ?

1078. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

Marius-Ary Leblond ont étudié l’officier à travers le Roman moderne. […] Il voit, à travers eux, l’âme de leurs auteurs avec une netteté qui effraie un peu, et déroute, par la complication, par la disposition variée de mille détails. […] « Celui-ci se défend énergiquement de faire de l’exotisme et prétend rechercher à travers la complexité algérienne le type et la mentalité persistantes de la race latine dont il voudrait l’unification morale.

1079. (1926) L’esprit contre la raison

L’essai de Crevel réagit à des articles, livres et chroniques, qui sont dans l’actualité la plus récente : diatribes de Henri Massis contre l’Orient, et les Bolcheviksg, comptes rendus critiques de la traduction du Journal de Keyserling ou encore d’Anabase par Aragon dans La Révolution surréaliste… À travers l’opposition esprit/raison, Crevel reprend d’un point de vue philosophique le récit de l’avènement du surréalisme, après les grands récits de fondation mythique de Breton et d’Aragon. […] Cette dualité éprouvée, à travers le divorce entre le corps et l’être, ce clivage du sujet, non identique à soi-même, viennent pulvériser l’illusion de maîtrise et d’unité du sujet qui fonde la rationalité. […] Car, tandis que les modes littéraires passent, Aragon possède ce qui dure au-delà de toutes les vicissitudes de l’opinion à travers les générations: un tempérament original, le charme, la fantaisie et un style d’une élégance tranchante […] ».)

1080. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

Bouquiner au hasard à travers sa bibliothèque, s’étendre sur son divan et y fumer d’innombrables petites pipes, en songeant vaguement à la page commencée et en ruminant des épithètes, c’est là ce qu’il appelait « travailler comme un nègre ». […] Je crois qu’il m’a reconnu ; du moins il passait son gros nez et ses deux grosses pattes à travers les barreaux, dans une intention visiblement bienveillante, tandis que ses yeux semblaient d’or rouge, à l’ombre de son épaisse toison noire. […] Ses joies (comme la plupart de ses travaux) impliquent un don d’extraordinaire patience… N’ayant donc pas les vertus qu’il faut pour bien voir un feu d’artifice, j’ai repris mon long vagabondage à travers les rues. […] J’espère que les étrangers, même les plus jaunes et les plus noirs, s’y imprégneront, fût-ce à leur insu, de cette ironie indulgente qu’on trouve surtout chez nous, et dont l’abus nous perdra peut-être, mais qui serait un grand bienfait si elle se pouvait répandre, à doses modérées, à travers le monde. […] Les âmes de gloire effrénées, Par un essor inattendu, Se plongent dans leurs destinées À travers l’obstacle éperdu.

1081. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

À travers les siècles, ses actes de macération et d’humilité nous arrivent encore sous une forme riante. […] Ce n’était pas un ennemi de Dieu, au contraire ; seulement il paraissait voir Dieu à travers ses œuvres, à travers ses plantes qui guérissent, à travers ses phénomènes célestes, maritimes, terrestres, qui sont des signes où certains peuvent lire. […] Puis viennent les temps où la politique prend le dessus ; des articles de journal, éloquents mais poursuivis, conduisent le prosateur en prison, il y redevient poète et, si son corps est enfermé, sa pensée qui a des ailes s’envole à travers les grilles. […] « Dans les troncs effilés et oscillants monte la sève alimentée au sol humide, — autour de l’écorce, à travers les feuilles, sur la surface de l’eau, s’épand, se masse ou se vaporise l’atmosphère bleuâtre, dorée, dense ou légère. […] Mon refrain est semblable toujours, à travers les millions de bouches qui l’ont proféré ; et il ne demeure rien de mes ivresses… que le péché !

1082. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

Au sortir du xviiie  siècle, les amateurs d’idées, qui se plaisent à regarder le beau conflit des théories à travers le monde, cherchent un homme qui soit bien la négation complète du xviiie  siècle. […] De Maistre en a de ce genre, mais amusantes, jetées (le plus souvent du moins) à travers la grêle cinglante et étourdissante des boutades, des paradoxes et des traits à l’humour. […] Rousseau, sur ce point, le Rousseau du Contrat, a été en réaction contre tout son siècle ; mais à travers l’influence de Rousseau, qui, du reste, n’a pas été compris tout de suite, les idées antérieures ont continué de s’infiltrer et se répandre. […] Le progrès de la littérature à travers les siècles est infiniment difficile à observer avec certitude. […] Elle entrait peu dans l’art antique, et, partant, tout l’art classique français sorti de la Renaissance, en pleine maturité au xviie  siècle, et se prolongeant par imitation à travers le xviiie , la laissait un peu indifférente.

1083. (1923) Nouvelles études et autres figures

Les bêtes sauvages se sauvent en grinçant des dents et en hurlant à travers les taillis. […] Shelley pardonna généreusement et, après un court exil, le rappela, j’allais dire sous sa tente, car il menait à travers l’Angleterre une vie de nomade. […] et au génie aventureux qui cherche à travers le monde une âme pareille à son âme et qui meurt sans l’avoir trouvée. […] À travers l’individuel il vise l’universel. […] On n’idéalisait point l’Italie ou l’Espagne à travers les œuvres de leurs poètes.

1084. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

Ainsi Byron nous est clairement apparu à travers ses mémoires mutilés, mais véridiques encore91. […] Pour tout résumer de l’opinion actuelle sur Mirabeau, — comme homme privé, il est jugé plus indulgemment, plus affectueusement même à travers ses désordres ; — comme renommée de grand citoyen, il a déchu, ou plutôt il a été dégradé : — comme tête politique, il a grandi.

1085. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

Il ne faut pas repasser le crayon sur le pur dessin de cette figure fine et hardie, grandiose et gracieuse, intelligente et souriante ; vouloir ressaisir ce profil simple et net, modeste et fier ; oser retoucher ces jours d’enfance dont elle fixait, à travers les grilles de l’Abbaye ou de Sainte-Pélagie, en couleurs si distinctes, la fraîcheur et les enchantements, depuis l’atelier de son père au quai des Lunettes et cet enfoncement favori du petit salon où elle avait élu domicile, depuis les catéchismes de l’église Saint-Barthélemy, la retraite au couvent de la rue Neuve-Saint-Étienne pour sa première communion, et les promenades au Jardin des Plantes, jusqu’à son séjour heureux et recueilli chez sa grand’maman Phlipon dans l’île Saint-Louis, son retour au quai paternel proche le Pont-Neuf et ses excursions du dimanche au bois de Meudon. […] Il se passe en effet, il se noue et se dénoue entre Mme Roland et Bancal, durant ces deux années, une espèce de roman ; oui, un roman de cœur, dont, à travers les distractions des grands événements et la discrétion du langage, on poursuit çà et là les traces à demi couvertes.

1086. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

Toujours, nous le croyons, le goût et l’art donneront de l’à-propos et quelque durée aux œuvres les plus courtes, et les plus individuelles, si, en exprimant une portion même restreinte de la nature et de la vie, elles sont marquées de ce sceau unique de diamant, dont l’empreinte se reconnaît tout d’abord, qui se transmet inaltérable et imperfectible à travers les siècles, et qu’on essayerait vainement d’expliquer ou de contrefaire. […] Elle ne fut pas une pyramide de granit à base immobile ; elle n’eut rien de ces harmonieuses et pures constructions de l’art, qui montent avec lenteur à travers des siècles fervents vers un Dieu adoré et béni.

1087. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « François Ier, poëte. Poésies et correspondance recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac, 1 vol. in-4°, Paris, 1847. »

Sans doute, la poésie alors était fort mêlée, et confuse ; pourtant, dès qu’un vrai talent se rencontre, il sait se faire sentir, et lorsqu’à travers les pièces de François Ier il s’en glisse quelqu’une de Marot, de Mellin de Saint-Gelais, ou même de la reine Marguerite, le ton change notablement, le courant vous porte, et l’on est à l’instant averti. […] Elle le loue de sa clémence envers les révoltés de La Rochelle ; elle l’admire avec exaltation surtout pour sa loyale conduite et ses chevaleresques représailles envers Charles-Quint, son grand ennemi, lorsqu’il le fêta si royalement durant ce hasardeux passage à travers la France : L’Ytalien à grand peine l’a creu, Car la bonté, qui de Dieu est venue, De l’infidelle est tousjours incongnue.

1088. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

Tout cela n’aboutit qu’à gêner le talent : la satire trouvera toujours moyen de passer à travers les mailles du réseau. […] On avait commencé par ouvrir la fenêtre, par l’ouvrir toute grande ; mais, aussitôt après, on s’est mis à y poser des barreaux et des grilles, et si serrées, si étroites, qu’à peine si on peut respirer l’air à travers.

1089. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

Plus d’un songeur à cette époque a laissé bien des fois ses yeux et sa pensée pénétrer indiscrètement à travers les barreaux de l’antique grille cadenassée, tordue, branlante, scellée à deux piliers verdis et moussus, bizarrement couronnée d’un fronton d’arabesques indéchiffrables. […] Est-ce que cela vous fait quelque chose que je vous entende chanter à travers le volet ?

1090. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

« Ce dernier cri est presque un écho fidèlement répété : « Levez-vous vite, orages désirés, qui devez emporter René dans les espaces d’une autre vie… » Mais René a plus d’énergie que Lamartine et que tous les Jocelyns du monde quand il continue en ces immortels accents : « La nuit, lorsque l’aquilon ébranlait ma chaumière, que les pluies tombaient en torrent sur mon toit, qu’à travers ma fenêtre je voyais la lune sillonner les nuages amoncelés, comme un pâle vaisseau qui laboure les vagues, il me semblait que la vie redoublait au fond de mon cœur, que j’aurais eu la puissance de créer des mondes. […] On dirait qu’un nouvel instrument musical fait résonner ses sons dans les concerts de l’esprit ; on croit entendre les soupirs du vent dans les roseaux, les secousses du vent d’orage dans les vastes cimes des forêts, les chutes des cataractes dans les abîmes, les éclats de la foudre entre les rochers, et quelque chose de plus pathétique encore, les battements intimes du cœur, les frissons de l’âme, le suintement des larmes à travers la peau, et les cris muets de la tristesse humaine cherchant en vain des mots pour dire ses angoisses.

1091. (1911) Enquête sur la question du latin (Les Marges)

., esprits tous très différents les uns des autres, surtout si nous les apprécions à travers leurs langages particuliers. […] La pierre est restée sauve, et sur cette pierre la France a bâti sa cathédrale, d’où notre génie gothique est sorti sain et sauf… Je vous dis bien des choses à tort et à travers ; je voulais terminer par une simple observation sur ce prétendu danger que l’abandon du latin ferait courir à la langue française.

1092. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre IV. L’ironie comme attitude morale » pp. 135-174

Les autres, en dehors de lui, il ne les connaît qu’à travers lui-même, à travers ses perceptions et ses idées.

1093. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XII, les sept chefs devant Thèbes. »

. — Terrible image, répétée, trait pour trait, par l’histoire, à travers les siècles. […] Un persiflage mélancolique vient et revient à travers leurs plaintes, celui du litige tranché par le glaive, de la réconciliation dans la mort.

1094. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

Ce qui caractérise le génie de premier ordre, c’est précisément d’être ainsi orchestral et d’avoir à la fois ou successivement les tonalités les plus variées ; de paraître impersonnel non parce qu’il l’est réellement, mais parce qu’il réussit à concentrer et à associer plusieurs individualités dans la sienne propre ; il est capable de faire à tour de rôle prédominer tel sentiment sur tous les autres et à travers tous les autres ; il obtient ainsi plusieurs unités d’âme, plusieurs types qu’il réalise en lui-même et dont il est le lien. […] A dix ans, « déjà tourmenté du désir de sortir de lui-même, de s’incarner en d’autres êtres dans une manie commençante d’observation, d’annotation humaine, sa grande distraction pendant ses promenades était de choisir un passant, de le suivre à travers Lyon, au cours de ses flâneries et de ses affaires pour essayer de s’identifier à sa vie. » (Daudet, Trente Ans de Paris ; Revue bleue, p. 242, 25 février 1888.)

1095. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

Elle est comme cette colonne qui semble s’allonger sur la mer au lever de Sirius, laiteuse traînée de lumière qui se pose immobile sur le frémissement des flots, et qui, à travers l’infini de la mer et des cieux, relie l’étoile à notre globe par un rayon. […] Rien ne m’explique, et seul j’explique l’univers : On croit me voir dedans, on me voit à travers ; Ce grand miroir brisé, j’éclaterais encore.

1096. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

qu’il faut bien que la critique ait desséché votre cœur et corrompu votre esprit, pour que, dans ce lamentable spectacle d’hier soir, vous n’ayez vu en effet qu’une petite comédienne de seize à dix-sept ans, qui joue une comédie en vers, qui imite à s’y méprendre mademoiselle Mars ; une belle personne en sa fleur qui étale de son mieux sa main, son pied, son sourire, son doux regard, et qui circule lestement à travers les vieux hommes qui l’entourent. […] Il n’est pas fâcheux, chemin faisant à travers les comédies et les drames, de rencontrer des préceptes et des exemples dont la critique, attachée à son œuvre, puisse faire son profit. — Entre l’ignorance et le défaut d’esprit, il y a encore ce danger : le trop d’esprit !

1097. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

Pour un poète et pour un critique qui a l’expérience de la vie et qui jette sur les œuvres de la pensée le regard serein d’une maturité pleine et contenue, quelle plus belle place et quelle plus noble attitude que de faire asseoir sa renommée, en lui reployant ses longues ailes, aux pieds d’Homère et de Virgile, — de ce groupe souverain qui couronne le sommet de l’Histoire ; d’être à Virgile à son tour, par l’interprétation de son génie, ce que fut Virgile à Homère, et d’éclairer pieusement d’un flambeau le radieux guide qui conduit à travers les siècles le grand aveugle dans la nuit ! […] mais c’est un Trissotin ; et de fait, Sainte-Beuve l’était de nature, à travers son esprit et son goût, et il l’était tellement qu’un jour il disait devant moi à une pâtissière, chez laquelle il était entré pour manger des gâteaux : « Madame, aimez-vous les vers ?

1098. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

Elle a considéré qu’une paysanne était, aussi bien qu’une reine, une âme en marche, à travers la douleur et la joie, vers une éternité. […] Je pensais, dans ce court instant qui ne se renouvellera jamais, que ces jeunes filles seraient demain dispersées à travers le monde, afin de se dévouer, elles, chefs-d’œuvre de pureté, à l’éducation des filles perdues ; elles toucheraient de leurs mains, de leurs lèvres, les créatures les plus rejetées ; elles vivraient avec celles dont le vice leur était le plus détestable ; elles se pencheraient sur toutes les hontes et se relèveraient avec une pensée intacte ; elles donneraient leur amour, qu’elles ont refusé au monde, à ce que le monde a corrompu, puis abandonné.

1099. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre II. La qualité des unités sociales. Homogénéité et hétérogénéité »

En ce sens la proportionnalité ne saurait être visée qu’à travers une certaine uniformité. […] Que l’imitation aille, comme le veut son théoricien136, de l’intérieur à l’extérieur, du mental au physique, ou au contraire, comme nombre d’observations tendraient à le prouver de l’extérieur à l’intérieur, du physique au mental137, — que l’on commence par imiter les façons de se vêtir, de s’abriter, de se nourrir avant d’imiter les façons de penser, ou inversement, — il est acquis que l’imitation, en transportant d’un individu à l’autre, à travers les milieux ethniques les plus divers non pas seulement quelques caractères insignifiants, mais les caractères les plus nombreux et les plus importants, transforme, à des degrés d’ailleurs divers, l’intérieur comme l’extérieur des hommes, leur physique comme leur mental.

1100. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Mémoires du comte d’Alton-Shée »

Il lisait dès lors toutes sortes de livres, de journaux, un peu à tort et à travers.

1101. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier après les funérailles »

Que de miel, que de rosée à travers les ronces !

1102. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — II »

quel autre aurait pris garde à ce roi déchu, oublié par ses pairs au grand jour des restaurations légitimes, et se promenant depuis lors à travers l’Europe, avec son signe ineffaçable sur le front, sans être ni maître, ni sujet, ni citoyen ?

1103. (1874) Premiers lundis. Tome II « Alexis de Tocqueville. De la démocratie en Amérique. »

Mais à travers cette occupation spéciale, une autre idée d’observation plus étendue ne les avait pas quittés ; ils s’étaient attachés à étudier les divers ressorts du grand ensemble qu’ils avaient sous les yeux, et leur tâche officielle dignement remplie, ils viennent de nous reproduire la double face de la civilisation américaine tout entière, l’un, M. de Beaumont, la société civile et les mœurs dans le roman de Marie ; l’autre, M. de Tocqueville, la société politique et les lois, dans l’ouvrage que nous annonçons.

1104. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre IV. Unité et mouvement »

qu’il les garde jusqu’à ce que tes crimes soient mûrs, et qu’alors il précipite son indignation sur toi, le perturbateur de la paix du pauvre monde … » Voilà le lien de la pièce et comme l’âme : cette malédiction, qui porte avec elle une puissance fatale, ira s’accomplissant à travers le drame, jusqu’à ce que, toutes les victimes marquées par elle étant épuisées, leurs spectres se présentent au seul qui reste, à leur assassin, Richard III, et l’avertissent que son heure est venue.

1105. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVIII. Gentils conteurs » pp. 218-231

Je dis : « La fontaine sinue à travers le bois, et puis la rivière s’étale dans la plaine. » Quoi ?

1106. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IX. L’antinomie politique » pp. 193-207

Son exemple a fortifié à travers les générations le dogme absolutiste et mystique de la souveraineté de la Loi, même mauvaise, injuste et oppressive.

1107. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre III. Éducation de Jésus. »

Les charmantes impossibilités dont fourmillent ses paraboles, quand il met en scène les rois et les puissants 140, prouvent qu’il ne conçut jamais la société aristocratique que comme un jeune villageois qui voit le monde à travers le prisme de sa naïveté.

1108. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIX. Progression croissante d’enthousiasme et d’exaltation. »

Le Père leur enverra d’en haut son Esprit, qui deviendra le principe de tous leurs actes, le directeur de leurs pensées, leur guide à travers le monde 880.

1109. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre V, la Perse et la Grèce »

On entrevoit, à travers quelques versets de la Bible, ses palais de marbre revêtus de pourpre, avec leurs lits d’or dressés sur des paves de porphyre.

1110. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — La synthèse »

L’on aura atteint au bout de ces travaux le résultat le plus haut auquel tend tout l’embranchement des sciences organiques : la connaissance d’un homme analyse et reconstitué, de ses fibres intérieures, des délicates agrégations de cellules cérébrales traversées par le jeu infiniment mouvant et complexe des ondes récurrentes, de ce centre de la trame intime de vibrations qui, phénomène physiologique pour l’observateur idéal placé au dehors et percevant son envers, est, pour ces cellules mêmes, immatérielles ou s’ignorant matière, de la pensée, des émotions, des douleurs, des joies, des souvenirs d’êtres et de choses, — jusqu’à l’aboutissement même des nerfs infiniment déliés, infiniment ramifiés, qui par des voies encore inconnues, à travers l’encéphale, le cervelet, la moelle allongée et la moelle épinière, recevant les répercussions actives de tout ce travail intérieur, conduiront aux muscles, à l’épiderme, à cette surface de l’homme colorée et conformée, — jusqu’aux êtres qui forment les antécédents de ce corps, — jusqu’à ceux qui le touchèrent ou dont les actes, par des manifestations proches ou lointaines, l’affectèrent, le réjouirent ou le contristèrent, — jusqu’aux cieux qui se reflétèrent dans ses yeux, — jusqu’au sol qu’il foula de sa marche, — jusqu’aux cités ou aux campagnes dont la terre souilla ses pieds et résorba sa chairec.

1111. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre II. Mme Le Normand »

Et je ne parle pas des faits — des faits oubliés — de la liaison avec Talleyrand, par exemple, des discussions avec Lewis, de l’intimité avec les Grey, et surtout du séjour de Byron à Coppet ; mais y est-elle saisie dans sa nature, surprise à travers les idées reçues, plus ou moins injustes sur elle ?

1112. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIII. Mme Swetchine »

bien, dans ces pages que le pédantisme peut appeler des œuvres, mais qui n’en sont pas, il n’y a que pensées de femme, sensations de femme, expérience de femme, mélancolie de femme à travers ses gaietés… de femme !

1113. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Kœnigsmark »

Nous le jugeons à travers elle.

1114. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Quitard »

III Et cette objection que je commence par faire à Quitard, je ne la lui ferais pas si je l’estimais moins, si je n’éprouvais pas une sérieuse considération et une grande estime pour un homme qui, tout philologue qu’il puisse être, ne s’est pas laissé dévorer par le travail rongeur des mots, et a bien moins songé — tout en chassant aux proverbes et aux locutions proverbiales à travers les langues et les littératures — à nous donner des curiosités de formes littéraires qu’à construire une histoire de mœurs par l’expression, chose délicate et difficile !

1115. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Prévost-Paradol » pp. 155-167

ce n’est point cependant à travers cette phraséologie artificielle, quoiqu’il y soit reconnaissable, que le sophiste m’est le plus distinctement apparu, ce sophiste fatal que ne manque jamais, dans un temps donné, de traîner après soi le rhéteur.

1116. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Taine » pp. 231-243

Taine, que le critique ajoute à son âme naturelle et nationale cinq à six âmes artificielles ou acquises, et que sa sympathie flexible… (rappelez-vous le fameux vers d’Auguste Barbier, qui ne le disait pas de la Critique) : Ouvrant à tout venant et sa jambe et son cœur, l’introduise en des sentiments éteints ou étrangers… « Le meilleur fruit de la Critique — dit encore l’auteur du Carlyle — est de nous déprendre de nous-mêmes, de nous contraindre à faire la part du milieu où nous sommes plongés, de nous enseigner à démêler les objets eux-mêmes à travers les apparences passagères dont notre caractère et notre siècle ne manquent jamais de les revêtir… » Telles sont les propres paroles de M. 

1117. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Gustave III »

Mais Léouzon-Leduc se soucie bien d’aller chercher les mystères de la nature humaine à travers les écorces, obscures ou transparentes, de l’Histoire !

1118. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVI. M. E. Forgues. Correspondance de Nelson, chez Charpentier » pp. 341-353

… Spontané de génie sur mer, comme le grand Condé le fut sur terre, pour être Nelson comme l’autre fut Condé, s’étant tout simplement donné la peine de naître ; inspiré, illuminé, rapide, Nelson fut d’âme ce qu’il était de génie, tout aussi naïf, tout aussi involontaire, et tout aussi résolu à aller devant lui à travers tout obstacle, et ses fautes mêmes vinrent de cette spontanéité téméraire de cœur qui le fît se donner sans se reprendre, — candide jusqu’à l’aveuglement — à une femme qui l’a déshonoré un jour, car derrière lady Hamilton il y a Caracciolo ; derrière le vice il y a un crime ; derrière le serment profané de l’époux à l’épouse, il y a le serment militaire, le serment de l’homme aux hommes, honteusement violé !

1119. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Henri de L’Épinois » pp. 83-97

IV Je n’ai point à entrer dans le détail immense des faits à travers lesquels cette légitimité sublime a agi pendant tant de siècles sans jamais forfaire à elle-même, ni quand, pour défendre les corps aussi bien que les âmes, elle s’appuya, un jour, du temps de Léon, sur Charlemagne ; un autre jour, du temps de Grégoire VII, sur la grande Mathilde ; sur Othon, au temps des effroyables anarchies romaines ; et, plus tard, sur elle-même.

1120. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Félix Rocquain » pp. 229-242

Félix Rocquain, qui, dans son livre, ne parle que par la voix des autres, doit penser, s’il en prend la peine, comme les voix dont son livre est l’écho… Évidemment, en effet, il doit être, dans l’intimité de sa conscience d’historien, de l’avis de ces hommes dont il répète les mots comme un commissionnaire qui fait sa commission, et sa pensée doit transpirer à travers les citations qu’il leur emprunte.

1121. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Du Deffand »

Une des reines du xviiie  siècle, douée de tous les dons aimables par lesquels on était reine alors, une Titus femelle, les délices du genre humain, comme disait d’elle une de ses amies, une des plus éblouissantes soupeuses de cette époque où le souper était « une des quatre fins de l’homme et où l’on oubliait les trois autres », un des esprits les plus teintés de ce rouge audacieux que les femmes mettaient sur leurs joues pour qu’on vint l’essuyer, se plaint, à travers les rires de tout le monde et même des siens, d’un ennui que ne connaît personne, de cet inexorable ennui dont parle quelque part Bossuet, que certainement elle ne lisait pas !

1122. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Nelson »

… Spontané de génie sur mer comme le grand Condé le fut sur terre, pour être Nelson, comme l’autre fut Condé, s’étant tout simplement donné la peine de naître, inspiré, illuminé, rapide, Nelson fut d’âme ce qu’il était de génie, tout aussi naïf, tout aussi involontaire et tout aussi résolu à aller devant lui à travers tout obstacle, et ses fautes mêmes vinrent de cette spontanéité téméraire de cœur qui le fit se donner sans se reprendre — candide jusqu’à l’aveuglement — à une femme qui l’a déshonoré un jour ; car derrière Lady Hamilton il y a Carracciolo, derrière le vice il y a un crime, derrière le serment profané de l’époux à l’épouse il y a le serment militaire, le serment de l’homme aux hommes, honteusement violé !

1123. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Collé »

Les curieux seuls le lisent, et parmi ces curieux (le petit monde est bâti sur le grand) vous trouvez une majorité de connaisseurs qui se fourre l’idée du chansonnier à califourchon sur le nez et qui ne voit plus clair à travers de pareilles lunettes.

1124. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « X. Doudan »

Quoiqu’il ressemble à Joubert par l’accent, le coloris, le platonisme, et ce que je me permettrai d’appeler : la sensualité de l’immatériel, Joubert a une autre religion littéraire et d’autres assises dans la pensée que ce capricieux Doudan, qui s’amuse à sauter, avec tant de grâce, à travers tous les cerceaux du paradoxe, et qui avait bien ses raisons pour résister à ses amis qui lui conseillaient de faire un livre.

1125. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sophie Arnould »

Ils s’abandonnent… Ils ont, pour le xviiie  siècle, l’amour, comme on le représentait précisément au xviiie  siècle, avec le bandeau mythologique qu’on lui nouait alors autour de la tête, — ce bandeau à travers lequel on voit ce qu’on aime et on ne voit pas ce qu’on n’aimerait plus, si on le voyait !

1126. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVI. Médecine Tessier »

À travers les lignes droites ou les sinuosités de l’argumentation supérieure de M. 

1127. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Léon Aubineau. La Vie du bienheureux mendiant et pèlerin Benoît-Joseph Labre » pp. 361-375

Diogène, avec le manteau d’Antisthène qu’il avait ramassé à la borne et à travers les trous duquel passait l’orgueil qui crevait les yeux de Platon, Diogène ne buvait dans sa main et ne roulait devant lui son tonneau que pour se passer des hommes et être, tout à son aise, outrageusement insolent avec eux ; mais Benoît Labre, qui s’était fait le pauvre errant dont la main n’avait pas honte de se tendre à l’aumône, ressuscitait, par le spectacle de sa misère, la pitié et la charité dans les cœurs… Ce pauvre volontaire de Jésus-Christ, comme il s’appelait lui-même, fut, à ses risques et périls, tout le temps qu’il vécut, une prédication silencieuse, autrement éloquente que la parole des plus éloquents… C’était, continuée, vivante et incessante, la prédication du sublime sermon sur la montagne, — qu’admirait Rousseau, messieurs les philosophes !

1128. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Charles De Rémusat »

Excepté Horace Walpole peut être, ce persifleur de salon, qui est de proportion avec la largeur du lorgnon carré à travers lequel il le guigne, Rémusat a manqué ses portraits historiques.

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