quelle expression gouvernée et sobre !
Or, il est bien certain que cette chose est commune à Hérodote, ancien et véritable historien, aussi bien qu’à ces poètes, afin que je passe sous silence ce qu’il a de particulier en ce qui sent à plein son vrai chrétien. » L’expression va peut-être un peu loin, mais au fond Saliat a raison.
Mais il paraît que le bœuf aussi a la même horreur pour ce qui brille… Aux yeux de ces sortes d’esprits, Léopold Ranke, passant de l’état d’historien qui sent, se passionne et peint sa pensée, à l’état d’historien systématique et décoloré, est un grand esprit qui s’élève ; et si, à cette suppression de sentiment ou de mouvement, à cette recherche amoureuse sans amour de l’expression abstraite, à cette généralisation vague quand elle n’est pas fausse et fausse dès qu’elle s’avise de préciser, on ajoute la gravité, ce masque des têtes vides qui cache si bien, dans tant de livres contemporains, la platitude de la niaiserie sous l’imposance du sérieux, vous avez un de ces historiens composés de qualités négatives tels que les rationalistes philosophiques et littéraires conçoivent leur historien — leur caput mortuum — et l’ont souvent réalisé.
Il y a là, à beaucoup de places, des tendresses de cœur et des simplicités d’expression qui font venir tout naturellement à l’esprit le doux nom de Souza.
Ce sont d’énormes poëtes abstraits, mais le moindre poëte vivant, avec la plus modeste des fleurs à la bouche, le moindre poëte d’expression vaut mieux que tout cela, et, je finirai par ce blasphème philosophique, fait plus véritablement que tous ces abstracteurs de quintessence pour l’avancement moral du genre humain.
Lacombe avec une audace d’expression qui est une fortune, Louis XI ne crut pouvoir mieux faire pour sauver sa royauté, menacée par les grands vassaux, que de reconstituer cette organisation préservatrice quand elle s’en allait en pièces de toutes parts.
Catholique du Syllabus, — du Syllabus qui n’est pas une nouveauté de ces derniers temps, mais l’expression dernière du catholicisme éternel, — il n’a pas craint de regarder à la clarté fixe de cette lumière les choses d’une époque où la société, désespérée, est à l’extrémité de tout, et où l’on peut jeter sans inconvénient une dernière fois le dé de la vérité à travers les dés pipés d’une partie à peu près perdue, et qu’il est peut-être impossible maintenant de gagner !
Dans le Rétif de la Bretonne, même clarté d’expression et d’exposition, même santé de style, même intérêt de notions acquises ; et si le critique ne vaut pas là le voyageur, c’est que le critique doit avoir des principes au nom desquels il juge et les œuvres et les hommes, et que Gérard de Nerval, romantique en ceci, n’en a pas… Telle est, en ses œuvres, la supériorité relative de Gérard de Nerval.
L’auteur des Odes funambulesques, … Ce barbouillé de blanc, De jaune, de vert et de rouge, est l’expression d’une tendance, d’un système, d’une école.
V C’est que le poète, je l’ai dit, est la grande affaire, la grande réalité dont on doive se préoccuper quand il s’agit de Henri Heine, tellement poète qu’il emporte tout dans le tourbillon de sa création ou de son expression poétique.
Les noms d’Hercule, d’Évandre et d’Énée passèrent donc de la Grèce dans le Latium, par l’effet de quatre causes que nous trouverons dans les mœurs et le caractère des nations : 1º les peuples encore barbares sont attachés aux coutumes de leur pays, mais à mesure qu’ils commencent à se civiliser, ils prennent du goût pour les façons de parler des étrangers, comme pour leurs marchandises et leurs manières ; c’est ce qui explique pourquoi les Latins changèrent leur Dius Fidius pour l’Hercule des Grecs, et leur jurement national Medius Fidius pour Mehercule, Mecastor, Edepol. 2º La vanité des nations, nous l’avons souvent répété, les porte à se donner l’illustration d’une origine étrangère, surtout lorsque les traditions de leurs âges barbares semblent favoriser cette croyance ; ainsi, au moyen âge, Jean Villani nous raconte que Fiesole fut fondé par Atlas, et qu’un roi troyen du nom de Priam régna en Germanie ; ainsi les Latins méconnurent sans peine leur véritable fondateur, pour lui substituer Hercule, fondateur de la société chez les Grecs, et changèrent le caractère de leurs bergers-poètes pour celui de l’Arcadien Évandre. 3º Lorsque les nations remarquent des choses étrangères, qu’elles ne peuvent bien expliquer avec des mots de leur langue, elles ont nécessairement recours aux mots des langues étrangères. 4º Enfin, les premiers peuples, incapables d’abstraire d’un sujet les qualités qui lui sont propres, nomment les sujets pour désigner les qualités, c’est ce que prouvent d’une manière certaine plusieurs expressions de la langue latine.
Ce caractère historique des premiers pères de famille nous est conservé par l’expression spondere, qui dans son propre sens, veut dire, promettre pour autrui ; de ce mot fut dérivé celui de sponsalia, les fiançailles.
Du moins peut-on remarquer que le style de la Tempête paraît, plus qu’aucun autre ouvrage de Shakespeare, s’éloigner de ce type général d’expression de la pensée qui se retrouve et se conserve plus ou moins partout, à travers la différence des idiomes. […] Autant le sentiment est vrai et profondément connu et compris, autant l’expression en est souvent factice, chargée de développements et d’ornements où se complaît l’esprit du poëte, mais qui ne se placent point naturellement dans la bouche du personnage. […] En revanche, l’expression, dans Pétrarque, est presque toujours aussi naturelle que le sentiment est raffiné ; et tandis que Shakspeare présente, sous une forme étrange et affectée, des émotions parfaitement simples et vraies, Pétrarque prête à des émotions mystiques, ou du moins singulières et très-contenues, tout le charme d’une forme simple et pure. […] Mais puisque l’auteur de Périclès a introduit Gower dans sa pièce, il est tout naturel de penser qu’il a suivi surtout l’ouvrage de ce poëte dont il a même évidemment emprunté plusieurs expressions. […] Il a ainsi donné à sa pièce, sauf la liberté de quelques expressions, une couleur beaucoup plus morale que celle des récits où il a pu puiser, et où le mari finit toujours par être dupe, et l’amant heureux.
À tous, selon l’expression de ce dernier, il inspirait dès lors plus que de l’estime ; c’était du respect. […] Il n’est jamais plus satisfait que quand il peut revêtir sa propre pensée de l’expression de quelque ancien sage ; et, par exemple, il tire à lui et détourne ici à son objet, en l’accommodant quelque peu, ce beau mot du philosophe Charron traitant de Dieu même : « Le plus expédient est que l’âme s’élève par-dessus tout comme en un vide vague et infini, avec un silence profond et chaste et une admiration toute pleine de craintive humilité. […] Cependant un fait grave dans sa vie intellectuelle s’était passé en 1840, un fait auquel il accorde la valeur d’une initiation : il avait lu Auguste Comte, il l’avait connu en personne, et la parole, la doctrine du philosophe l’avait, selon son expression, subjugué.
La sensibilité naïve et compatissante qui sait nous intéresser à cette chétive et laborieuse existence, à la pauvreté toujours en éveil dès avant l’aurore, cette expression simple du réel qui rappelle presque le poète anglais Crabbe, mise surtout en regard des richesses de ton où s’est complu l’ami de Phrasidame, montrerait à quel point Théocrite eut véritablement toutes les cordes en lui. […] Je ne puis donner à de la simple prose la richesse de rhythme et la splendeur d’expression qui relèvent sans doute la nudité du tableau original ; mais qu’on sache bien qu’elles la relèvent et qu’elles l’accusent plutôt encore davantage, bien loin de la corriger. — Simétha est donc allée voir cette procession de Diane avec une amie : « Déjà j’étais à moitié de la route, en face de chez Lycon, quand je vis Delphis et Eudamippe allant ensemble. […] Cette expression de Grâces était très-générale et très-large chez les Grecs ; elle signifiait à la fois les actions de grâces qu’on rend, les bienfaits qu’on reçoit, et aussi ces autres Grâces aimables qui ne sont pas séparables des Muses.
« Voilà pourquoi, quand les habitants de Prague qui venaient de sentir les premières, les puissantes délices de son talent dans un drame purement comique, les Noces de Figaro, lui demandèrent un drame à la fois comique et tragique, il s’associe le poète d’Aponte pour lui écrire presque sous sa dictée le poème de Don Juan. » Je veux peindre les passions violentes, écrivait-il à son père ; mais les passions violentes ne doivent jamais être exprimées ni en poésie ni en musique jusqu’à provoquer le dégoût même dans les situations horribles ; la musique, selon moi, ne doit jamais blesser les oreilles ni cesser d’être la musique, c’est-à-dire la beauté de l’expression chantée. […] Après avoir ainsi traité tous les genres et parlé toutes les langues dans les œuvres diverses, Mozart se résume dans un effort suprême et nous donne, avec la partition de Don Juan, la plus complète expression de son génie. […] Est-ce que cette langue des sons, par son vague même et par l’illimitation de ses accents, n’est pas plus illimitée dans ses expressions que les langues où le sens est borné par la valeur positive du mot et par la syntaxe, cette place obligée du mot dans la phrase !
Platon ne dit pas en propres termes que Dieu est le premier moteur, et c’est Aristote qui plus tard trouvera cette formule ; mais la pensée, si ce n’est l’expression, est de lui ; et le disciple, sous ce rapport comme sous bien d’autres, n’a été que l’écho de son maître. […] L’objet du huitième est sa nourriture et les lieux qu’il habite ; le neuvième traite de ses mœurs, s’il est possible d’user de cette expression ; Aristote y dit quelles sont les habitudes des différents animaux ; avec qui d’entre eux ils vivent réciproquement, soit en société, soit en guerre ; comment ils pourvoient à leur conservation et à leur défense. […] Le style de l’Histoire des animaux est aussi abondant que les choses ; il est pur, coulant, et son plus grand ornement est la propriété des expressions et la clarté.
Un peintre aurait pu étudier sur ce visage si mobile les expressions de tous les sentiments : joie, peine, énergie, découragement, ironie, espérances ou déceptions, il reflétait toutes les situations de l’âme. […] Le malheureux avait une belle main, selon l’expression du maître d’écriture qu’on lui avait donné à sa sortie du collège. […] C’est ce que j’ai lu de plus éloquent dans l’expression de la douleur. » XX C’est vers ce temps qu’il imagina de prendre son rang, la gloire et la fortune d’assaut par un coup de main.
Leur chant alors, quand ils se rencontraient sur le bord du nid, se faisait remarquer par un petit gazouillement et des accents de joie que je n’ai jamais entendus dans aucune autre occasion : c’était, je m’imagine, la douce, la tendre expression du plaisir qu’ils se promettaient, et dont ils semblaient jouir par anticipation sur l’avenir. […] Ses yeux semblaient vouloir sortir de leurs orbites, il grinçait des dents avec une expression de haine, et ses intentions se manifestaient par un sourd grognement. […] Les lèvres du fugitif s’entrouvrirent avec une expression de joie et d’amour ; l’éclatante rangée de ses dents d’ivoire semblaient envoyer un sourire à travers l’obscurité du soir qui s’épaississait autour de nous. « Maître, me dit-il, ma femme, bien que noire, est aussi belle, pour moi, que la femme du président l’est à ses yeux ; c’est ma reine, et je regarde mes enfants comme autant de princes.
Il n’est pas moins superficiel de supposer que le gouvernement n’est que l’expression de la volonté du plus grand nombre, en sorte que le suffrage universel serait de droit naturel et que, ce suffrage étant acquis, il n’y aurait qu’à laisser la volonté du peuple s’exprimer. […] Les jésuites ont fait de l’éducation une machine à rétrécir les têtes et aplatir les esprits, selon l’expression de M. […] Pouvons-nous concevoir le sentiment des artisans, des cultivateurs de l’Attique devant ces monuments qui leur appartenaient, qu’ils comprenaient, qui étaient bien réellement l’expression de leur pensée ?
Avant d’aller plus loin, fixons la valeur de cette expression, l’Art, qui revient souvent sous notre plume. […] Pourtant ces myriologies composites, les grands testaments de l’Inde surtout, étendues de poésie plutôt que poëmes, expression à la fois sidérale et bestiale des humanités passées, tirent de leur difformité même on ne sait quel air surnaturel. […] Peut-être la plus haute expression de l’Allemagne ne peut-elle être donnée que par la musique.
Or, plus le règne de la raison s’accroîtra, plus la littérature véritable, qui est l’expression de la pensée humaine, s’accroîtra en œuvres de tout genre, et dans ces œuvres il y aura des chefs-d’œuvre. […] Pages de voyage XXVII C’était au printemps de 1810 ; j’avais dix-neuf ans, une taille élancée, de beaux cheveux non bouclés, mais ondulés par leur souplesse naturelle autour des tempes, des yeux où l’ardeur et la mélancolie se mariaient dans une expression indécise et vague qui n’était ni de la légèreté ni de la tristesse. […] Les traits de son visage, trop arrondis et trop obtus aussi, ne conservaient aucunes lignes pures de beauté idéale ; mais ses yeux avaient une lumière, ses cheveux cendrés une teinte, sa bouche un accueil, toute sa physionomie une intelligence et une grâce d’expression qui faisaient souvenir, si elles ne faisaient plus admirer.
Je dis unique, et les commentaires du docteur Lowth ne me feront pas revenir sur cette expression. […] Écoutons, soit dans la bouche du jeune Élihu, le moins âgé et par conséquent le moins endurci de ses amis, soit dans la bouche de Job lui-même, après son accès de blasphème, cette admirable philosophie antédiluvienne, devenue la philosophie du désert de Hus, philosophie que l’homme n’aurait jamais inventée si elle ne lui eût été révélée d’en haut par ses communications plus intimes et plus directes avec la sagesse divine dans cette enfance de l’humanité, non encore déchue à l’époque où Dieu lui-même, comme un père et comme une mère (selon l’expression sanscrite), faisait dans un Éden quelconque l’éducation de sa créature. […] C’est par là que l’âme devient humaine, et, si j’ose le dire, sans qu’on se méprenne à mon expression matérielle, c’est-à-dire en contact par ses sensations avec la matière, si inférieure cependant à l’intelligence.
La reine Moé (Moé : sommeil, ou mystère), en robe sombre, d’une beauté régulière et mystique, ses yeux étranges à demi fermés, avec une expression de regard en dedans, comme les portraits d’autrefois. […] Les yeux narquois vous regardent drôlement avec une expression qui vous trouble. […] Le regard d’aigle avait disparu quand je le vis ; la cage était restée ; quelque chose d’inquiet, de contraint, de timide, qui se résolvait en expression affectueuse et triste. […] Le Crime de Sylvestre Bonnard restera comme un des romans les plus réussis d’aujourd’hui, parce qu’il est écrit sincèrement et que rien ne vaut que par la vérité d’impression et d’expression. […] En tenant compte de ces conditions particulières, on trouve dans l’Oncle Benjamin de véritables qualités d’écrivain, c’est-à-dire la franchise de l’idée, la netteté de l’expression.
Le titre seul de mon livre disait assez tout cela, ce semble ; et si je me servais souvent de cette expression générale la littérature contemporaine, c’était évidemment pour abréger ou éviter des répétitions. […] Il a fait plus : il a proclamé comme une renaissance littéraire, l’avènement de l’école dont ce roman est l’expression la plus récente. […] » L’expression varie ; la pensée est partout la même. […] Le roman nous fournit ici, sous une forme plus libre, plus franche et plus acerbe, l’expression de cette funeste doctrine. […] Ce sentiment de malaise, de douloureuse anxiété, trouva, chez quelques poètes, une éloquente expression.
., qui contient bien d’autres licences de pensées et d’expression ! […] La belle, loin d’être désarmée, répond par une expression encore plus décolletée et que nous n’osons reproduire. […] On y supprima quelques expressions un peu trop décolletées. […] L’acte, ou les actes bons ou mauvais, sont reçus, appris, joués, entonnés (qu’on nous passe l’expression), de gré ou de force au public, qui l’avale comme les boulettes dont on gave le dindon à engraisser. […] Ainsi, lorsqu’il faudrait de l’énergie, on ne trouve chez lui que des agréments ; la finesse est souvent plus dans l’expression que dans la pensée ; la délicatesse du sentiment est rendue de telle sorte, que cela frise l’afféterie.
L’idéal de l’artiste est au contraire le monde matériel, le monde de la forme et des sens, qu’il s’efforce de transfigurer par l’expression et l’idée. […] Elle avait pris seulement l’expression fixe de ses maux… Pourquoi Dieu avait-il créé un être uniquement pour souffrir ? […] Si vous n’êtes pas littéralement obsédé par votre sujet, vous risquez de ne trouver ni l’expression ni le style. […] Le plan est fait ; il s’agit de trouver des pensées, ce qui est extrêmement important, puisque c’est la force d’une pensée qui fait son expression, et que l’image elle-même n’est qu’une pensée. […] Simplifiez encore vos formules, calculez vos expressions, résumez-vous, concrétisez-vous, voyez si ce que vous avez écrit ne peut pas être mieux dit.
Koszul qui l’a finement étudié, indique à plusieurs reprises un contraste assez vif entre l’expression intime et l’expression publique de sa pensée. […] Ils instruisent un procès en détournement d’expressions et de pensées. […] Berret, que l’âme soit, suivant l’expression des spirites, désincarnée pour aller revêtir la forme supérieure dont sa moralité l’a rendue digne. […] Je lisais récemment une critique de Booz endormi où l’on chicanait le poète sur quelques expressions prosaïques ou excessives. […] Il lui a manqué une certaine probité dans la pensée et dans l’expression qui rehausse l’honneur de l’écrivain et assure de l’autorité morale à son nom.
Les premières lettres de son Werther expriment cette disposition enivrée et enchantée avec un feu, une vie, un débordement d’expression que rien n’égale et que lui-même, vieilli, se reconnaissait impuissant à ressaisir : En vérité, disait-il en écrivant ses mémoires, le poète invoquerait vainement aujourd’hui une imagination presque éteinte ; vainement il lui demanderait de décrire en vives couleurs ces relations charmantes qui autrefois lui firent de la vallée qu’arrose la Lahn un séjour si cher. […] Il faudrait posséder le talent du plus grand poète pour rendre l’expression de ses gestes, l’harmonie de sa voix et le feu de ses regards.
Quant aux femmes je ne dis pas qu’elles aient dû et qu’elles puissent inspirer des têtes de Vierges, comme on pourrait en trouer en d’autres pays ; elles sont trop brunes, le regard trop brillant pour cela ; mais elles ont une fermeté d’expression, une démarche si distinguée, une taille si souple, qu’il devait suffire de comprendre la nature dans ce qu’elle a d’élevé pour la traduire en peinture, de manière à laisser dans la pensée du regard quelque chose de noble et de généreux. […] Quant à nous, mon cher Delaroche, je ne vous offre pas notre secours… Depuis longtemps je déplore qu’un autre ordre de choses n’ait pu s’établir entre nous, et je vous jure que je n’éprouve aucun sentiment de jalousie pour ceux qui, plus heureux que nous, seront à même de vous donner des marques de dévouement ; tout en enviant leur sort, dites-leur que nous les bénissons, que nous les bénirons, s’ils aiment nos enfants comme les leurs… » Nous, public, qui ne nous trouvons introduit que par accident et par faveur dans ces discussions si particulières et qui, sous une forme ou sous une autre, se rencontrent dans presque toutes les familles, notre rôle n’est pas, on le pense bien, d’avoir le moindre avis sur le fond ; faisons la part de ce qu’il peut y avoir d’exagération naturelle dans l’expression d’Horace, dans cette émulation et cette rivalité de tendresse, et disons-nous que, si nous entendions Delaroche, il aurait sans doute, pour répondre, son éloquence à lui, et il en avait beaucoup.
» M. de Latour, en excellent professeur qu’il était et nourri aux sources classiques, avait remarqué dans les vers de Mme Valmore des négligences, des faiblesses, ou même peut-être des préciosités d’expression, des semblants de recherche, qui pouvaient nuire quelquefois à l’effet d’une inspiration toujours sincère. […] On y lit une bien belle et touchante lettre, où Mme Tastu raconte elle-même, d’un accent poétique et spirituel, l’odyssée de sa vie, — une véritable odyssée pleine de péripéties et de tristesses : l’expression de courage ressort naturellement de cette lecture, non exempte d’une certaine teinte de gaieté, la gaieté de la résignation.
Mais l’expression fléchit dans les vers qui suivent. […] On n’est tout à fait soi, tout à fait original, que dans sa langue ; on n’atteint que là à ce qui est proprement la signature du poète, la particularité de l’expression.
La foi y manquait, elle n’était pas remplacée par le luxe des expressions ; c’était de l’admirable dorure, ce n’était pas de l’or. […] Moins grand cependant que s’il eût été toujours honnête, vrai, juste, et que sa grandeur eût été aussi honnête, aussi vraie, aussi juste dans le sens qu’il fut magnifique dans l’expression ; mais il eut du génie ; il en eut même plus qu’aucun écrivain de son pays et de son temps.
Philosopher, c’est savoir les choses ; c’est, suivant la belle expression de Cuvier, instruire le monde en théorie. […] Mais il n’en est pas ainsi dans les sciences morales, où les principes ne sont que des à-peu-près, des expressions imparfaites, posant plus ou moins, mais jamais à plein sur la vérité.
Darwin (Erasme) professe la même théorie, en substituant au mot « vibration » l’expression « mouvements sensoriels. » Bien que son système soit plein d’ « hypothèses absurdes », il a eu le mérite de voir que la psychologie est subordonnée aux lois de la vie, et de couper court par là à des questions mal posées et à des problèmes factices. […] Lewes, citant plus loin, p. 648, une expression analogue de Vogt, manifeste peu de goût pour ces phrases à effet, visant à terrifier et qu’il appelle « des coups de pistolet. » 232.
La littérature française sous Louis XIV avait été une admirable expression de la société contemporaine ; elle était donc nationale, indigène, et en même temps elle traduisait avec une si rare perfection quelques-uns des sentiments éternels de l’humanité, qu’on voulut en faire le modèle de toutes les littératures à venir. […] Ce n’est pas une conjecture ; j’atténue au contraire l’expression de la colère poétique sur les lèvres du vieux maître : s’il a porté ce jugement sur Notre-Dame de Paris, de quels termes se serait-il servi pour condamner Salammbô ?
Pour lui, il songe à réformer la langue comme le reste ; et même c’est par là, selon lui, qu’il faudrait commencer ; car une découverte qu’il croit avoir faite, c’est que « nos langues sont plus savantes que nos idées, c’est-à-dire annoncent des idées, des connaissances qui n’existent pas, et qui cependant fixent tous les jours les efforts d’une quantité prodigieuse de scrutateurs. » Ces scrutateurs se repaissent tant bien que mal de ce qui leur apparaît sous forme d’expressions consacrées. […] Il y a dans cette douleur et cette expression de mépris de Sieyès un excès maladif, et le Lycurgue, qui s’est brisé contre l’expérience humaine, a tourné au misanthrope.
C’est que précisément, en vertu de la force qui appartient à toute idée, l’image intérieure d’un coup sur la tête nous paraîtrait un coup réel si elle était seule, si sa force propre et sa tendance à produire des mouvements n’était pas contrebalancée par la force d’autres idées, ou, selon l’expression de Taine, refrénée. […] Si on lui lisait quelque chose dans la soirée, il se réveillait le lendemain matin l’esprit plein des pensées et des expressions entendues la veille, et il les écrivait de la meilleure foi du monde, sans se douter qu’elles ne lui appartenaient pas.
Après quoi, selon son expression, il a été cautérisé. […] C’est vraiment inouï, ce qu’a fait écrire ce livre, où je défie de trouver, je ne dirai pas un mot cochon, mais une expression vive, — ce qu’a fait écrire ce livre aux purs du journalisme.
L’Église catholique tolère cette société, quand elle y est forcée ; mais elle la tolère, selon l’expression de M. […] A moins d’admettre ou la préexistence des âmes, ou une sorte de panthéisme humanitaire, comment comprendre cette expression théologique que tous les hommes ont péché en Adam ?
Plus vous étudierez les maîtres et les disciples venus après eux, — pater et juvenes patre digni , et plus vous trouverez qu’ils obéissent au même art poétique, où il est enseigné que la poésie est une imitation des actions, des paroles et des mœurs de nos semblables ; que cette imitation, pour être exacte et fidèle doit être conforme aux mœurs et aux usages des temps dont on parle, et que c’est justement dans la juste expression des caractères que les poètes font paraître cet art de l’imitation qui est un art si charmant, lorsqu’il est fidèle et complet ; même le mensonge est agréable s’il a les apparences de la vérité. […] Moïse, Homère, Platon, Virgile, Horace ne sont au-dessus des autres écrivains que par leurs expressions et par leurs images : il faut exprimer le vrai pour écrire naturellement, fortement, délicatement. » Il disait encore :« Amas d’épithètes, mauvaises louanges ; ce sont les faits qui louent et la manière de les raconter.
L’auteur seroit un des plus agréables historiens de la nation, s’il étoit moins diffus, plus circonspect dans ses termes ; s’il avoit moins employé d’expressions qu’il croyoit naturelles, & dont l’usage du monde lui auroit fait sentir l’indécence ; s’il eût moins recherché l’esprit & les agrémens ; si son coloris eût toujours répondu à la dignité de la matiere. […] Il n’est pas inférieur à Bossuet, & si l’on n’y trouve pas la même force de pinceau, ni la même pompe d’expression, on en est bien dédommagé par la netteté & par la pureté du style, par la solidité du raisonnement, & par la noble indépendance des préjugés.
Eh bien, cette fable anthropomorphique j’ai peur que vous ne trouviez cette expression trop technique, je vous en demande pardon en passant elle a été très pratiquée par La Fontaine, et vous retrouverez ses caractères très souvent. […] Les bons moines ont trouvé tout simplement un arbre habité par deux espèces de gens, par des souris d’un côté, par un hibou de l’autre, mais qui n’avaient aucun rapport entre eux, pas même un rapport alimentaire, si je peux me servir de cette expression.
Il faut en conclure seulement, peut-être, que par moments, dans le détail de l’expression, il s’est laissé aller en pur artiste à un caprice d’énergie exorbitante qui distrait et donne le change sur l’ensemble de sa pensée ; mais l’intention générale, la philosophique moralité de son inspiration n’est pas douteuse ; elle ressert manifestement de ses compositions les plus importantes, de la Curée, de la Popularité, de l’Idole, de Melpomène ; elle est écrite en termes magnifiques, au début et à la fin du volume, dans les pièces intitulées Tentation et Desperatio ; car ce livre, né de la révolution de Juillet, pour plus grande analogie avec elle, entr’ouvre le ciel d’abord et nous leurre des plus radieuses merveilles ; puis de mécompte en mécompte, il tourne au désespoir amer et crève sur le flanc comme un chien.
Il faut lui savoir gré pourtant, un gré sérieux, d’avoir, en plus d’une circonstance, opposé aux abus littéraires cette expression franche, cette contradiction indépendante qui, dans une nature de conciliation et d’indulgence comme la sienne, avait tout son prix.
A chaque grande révolution politique et sociale, l’art, qui est un des côtés principaux de chaque société, change, se modifie, et subit à son tour une révolution, non pas dans son principe tout à fait intérieur et propre, qui est éternel, mais dans ses conditions d’existence et ses manières d’expression, dans ses rapports avec les objets et les phénomènes d’alentour, dans la nature diverse des idées, des sentiments dont il s’empreint, des inspirations auxquelles il puise.
Agréez, je vous prie, Monsieur, avec l’expression de ma reconnaissance, celle de ma considération la plus distinguée.
En général, la recherche des écrits latins du moyen âge se lie de près, non seulement à la connaissance du fonds littéraire commun de ces temps, mais aussi à l’étude philologique de notre langue, beaucoup de mots français, d’expressions françaises, plus ou moins altérés de l’ancien latin, ayant contracté cette altération dans leur forme de basse latinité.
Sa tête, presque toujours inclinée en avant, a en général une expression triste, que parfois éclaire et déchire, en dépit de tout, le confiant sourire de la jeunesse, et, pour dernier trait, j’ajouterais, si ce n’était abuser même des privilèges excessifs de l’hypothèse, qu’en le regardant silencieux, je songe irrésistiblement aux quatrains adressés en 1829 à Ulric G.
La loi, expression de la volonté générale, est tyrannique comme cette volonté elle-même.
L’expression [Greek : ê patrios phônê], dans les écrivains de ce temps, désigne toujours le dialecte sémitique qu’on parlait en Palestine (II Macch., VII, 21, 27 ; XII, 37 ; Actes, XXI, 37, 40 ; XXII, 2 ; XXVI, 14 ; Josèphe, Ant., XVIII, VI, 10 ; XX, sub fin. ; B.
Tel est le caractère de la formule bovaryque : elle n’est pas la conclusion d’un raisonnement, elle est l’expression d’un mode de vision et peut devenir aussi une méthode de vision.
Cette identification de « l’analyse » et de la mise à mort du réel, topos au moins aussi vieux que le Faust de Goethe, trouve une nouvelle expression à l’époque de la « décadence », décrite par exemple selon Bourget dans ses Essais de psychologie contemporaine comme un abus de « l’esprit d’analyse », inséparable de toutes ces « maladies de la volonté » (Ribot) caractérisées par le primat de « l’intelligence » sur « l’instinct ».
Je vois le soleil se lever, se coucher, se relever plus d’une fois avant que j’aie pu vous réconcilier avec une pensée qui valoit à peine quelques momens. » Le grand argument de La Mothe, en faveur de son opinion, étoit que la prose peut dire tout ce que disent les vers ; au lieu que les vers ne sçauroient dire tout ce que dit la prose ; qu’elle comporte, aussi bien que la poësie, l’enthousiasme, l’invention, les images, les figures hardies, la pompe de l’expression.
Quels souvenirs et quelle expression dans le regret qui les accompagne !
Qu’on me pardonne l’expression favorite de nos poëtes dramatiques.
; supposez enfin que toute cette gourme d’esprits faussés, mais non pas faux, qui est en eux, tombe un jour comme elle doit tomber sous peine de perdre le talent dont ils ont le germe, et vous aurez deux écrivains, — ou un écrivain à deux têtes, comme l’aigle d’Autriche — d’une expression étincelante, et chez qui la race mettra son feu !
Or, à côté du sentiment et de la grâce de la paternité dans un homme de génie, il y a en Joseph de Maistre un sentiment bien plus étonnant et bien plus rare, un sentiment qui fait moins son train dans les cœurs et qui surtout, dans cette correspondance-ci (Correspondance diplomatique)44, s’élève en lui jusqu’à la plus haute raison et la plus haute vertu, sans cesser pour cela d’être une grâce, sans cesser d’être une chose charmante d’expression, et ce sentiment-là, c’est le respect voulu et maintenu de tout ce qu’on pourrait ne plus estimer ou mépriser peut-être.
Seulement, arrivé à la fin de la description qu’il en fait, l’auteur de Royalistes et Républicains, qui ne sait rien de plus que ce qu’il voit, recommence, avec moins d’expression et d’énergie, le cri de Mallet-Dupan, et c’est tout !
Mais il est l’expression de tout un système de livres dont on peut craindre l’encombrement, et même le succès !
Moi aussi, je pense comme Daly que l’art est un symbole, — l’expression symbolique des hautes convenances d’ordre et de vérité souveraine, la prescience universelle des choses qu’il faut nommer et connaître, l’inventaire innocent du bien et du mal, de ce qu’il faut imiter et de ce qu’il faut écarter.
… L’expression du livre en question l’atteste encore plus que les opinions qu’on y trouve.
Même la catastrophe, en vue de laquelle l’histoire tout entière a été écrite par le mélodramatique auteur des Couronnes sanglantes, même cette catastrophe est sans émotion partagée, sans expression digne des faits pathétiques dont le récit déborde à chaque pas !
C’est un moraliste de petit salon, qui épingle des observations assez fines, sur le métier à dentelles d’une femme… La femme, avec sa simplicité, sa raison dans les petites choses, son expression fluide et gracieuse, a été assez bien jouée par lui.
Mais elles doivent l’être comme l’expression d’un homme qui a une âme charmante, capable de faire oublier, en lisant ses lettres, les erreurs et les débilités de son esprit, — et c’est ici que la Critique va prendre son cœur à deux mains pour dire toute la vérité sur un livre qui lui a donné tant de plaisir… Doudan est, en effet, sur bien des points, un débile et un erroné.
L’âme ingénue de Mademoiselle de Condé, cette âme suave comme l’enfance, l’innocence et l’aurore, a dans l’expression de l’amour la transparence absolue.
Cabanis, qui a la froideur et les insinuations du serpent, est à coup sûr très supérieur à La Mettrie, entraîné par une expression à outrance et un tempérament désordonné !
Pour qui la lit, en effet, avec le genre d’esprit et d’attention qui pénètre les livres, celui-ci, pâle, exsangue, d’un amour exténué, avec son expression bien plus métaphysique que vivante, s’adresse formellement et essentiellement à des moines, tournant le dos au monde proprement dit ; voulant rendre le correct plus correct, proposant — et il ne faut pas s’y tromper, car la méprise serait grossière — la vie parfaite et de conseil, et non pas la vie de précepte.
Il n’a ni la verve brûlante, ni la redoutable force d’expression qu’il faudrait pour faire, détaillée ou sommaire, une terrible exécution de l’Erreur, et pour la laisser sur la place, foudroyée ou déshonorée à jamais !
Je ne crois pas que l’homme de ces effroyables pages eût, s’il eût vécu, fait, je ne dis pas mieux, mais plus fort que cela… Créateur, s’il l’avait été, ses créations n’auraient jamais eu l’énergie du cri que pousse en lui la simple créature… Il fallait, dans une âme assoiffée de vivre comme il n’en exista peut-être jamais, la fureur et l’horreur de la mort pour exaspérer l’expression, telle qu’elle est ici, jusqu’au génie.
Trop fin pour être fort, cet homme de bonne compagnie, ce lettré pâle et blond, a finassé avec l’expression de ses haines ou de ses ressentiments politiques, et il a raté le pamphlet, — le pamphlet, qui n’est ni une affaire de réticence ni un zézaiement de salon ou d’académie !
Son Alceste est faux, ridiculement faux ; mais le xviie siècle, dont il le fait l’expression dans une de ses plus méprisables manifestations, mais le xviie siècle est, dans son livre, regardé d’une vue nette et courageusement jugé.
Henri Cantel26 Il y a en ce moment, sur le premier plan de la publicité occupé par les revues à grosse armature, un recueil modeste qui s’appelle la Revue française, et qui est bien nommé ; car il parle un très bon français et il est l’expression de l’amour des lettres, qui a été jusqu’à ce jour une passion française.
Ce poète, ce grand seigneur, cet homme de cour, qui n’aima jamais que deux paysannes, deux filles tout près de la nature, rencontrées au bord des rivières et des bois : Simples glayeuls, à couleur arc-en-cine, et qu’il engrava en ses vers sous les noms, de Marie et de Cassandre, — car la troisième, qu’on y trouve aussi sous le nom de Synope, il n’est pas bien sûr qu’il l’ait aimée, — aima donc au-dessous de lui, comme les hommes vraiment grands, qui descendent presque toujours vers la femme qu’ils aiment, tandis que les petits veulent monter vers elle, — et il eut dans l’expression de son double amour une ampleur d’embrassement, un si vaste réchauffement de cœur, un emportement de geste si impérieux dans la caresse, que ses Sonnets et ses autres pièces intitulées : Amours, effacent par la passion, le mouvement et l’image, tout ce qui a jamais parlé d’amour.
Le prêtre, qui, s’il est digne de sa fonction, ne doit, selon la magnifique expression d’Arnaud de Brescia, n’avoir soif que du sang des âmes, ne le leur fait répandre qu’à la condition de leur commander !
Eugène Sue, qui a de la couleur et de l’expression pour tout mérite — le fracas des événements dans ses romans les plus vantés n’en étant point un à nos yeux — ne pouvait devenir un homme de style, car on ne le devient pas, on l’est.
A coup sûr, jamais les doctrines, ou plutôt l’absence de doctrines que nous combattons : l’égoïsme sensuel, orgueilleux et profond, l’immoralité par le fait, quand elle n’est pas dans la peinture et dans l’indécence du détail, le mépris réfléchi de tout enseignement, la recherche de l’émotion à outrance et à tout prix, et le pourlèchement presque bestial de la forme seule, n’ont eu dans aucun homme de notre temps, où que vous le preniez, une expression plus concentrée et plus éclatante à la fois que dans Edgar Poe et ses œuvres.
Il semble, cependant, par un souvenir de son règne, que là même, l’ostentation orgueilleuse de la puissance, et ce je ne sais quoi d’asiatique et de barbare qu’Alexandre recevait du contact de ses ennemis vaincus, venaient altérer, dans les arts qui touchent à l’expression matérielle de la grandeur, la sublime pureté du génie grec.
La littérature et les honnêtes gens I La littérature, malgré ses fautes, est restée une des expressions les plus vivaces, les plus populaires, de la civilisation et de la société françaises. […] Tel est, réduit à sa plus simple expression, tout ce drame intime du Lys dans la vallée. […] C’est, du reste, une de ses méthodes : quand il arrive à une des phases culminantes de ses récits, s’il craint que son lecteur ne remarque pas assez à quel point la scène résume une des faces de la société ou du cœur humain, il s’arrête, et s’écrie avec une complaisance naïve pour son propre ouvrage : « La tragédie antique n’a pas de tableau plus pathétique… » Ou bien : « Vous avez là, dans son expression la plus haute, la Révolte se posant en face de la Loi » ; ou bien encore : « Le drame prend ici des proportions formidables : ce n’était pas moins que la lutte de l’individu contre le Despotisme social ! […] Hugo lui a répliqué, toujours avec la même aménité de langage et le même bonheur d’expressions : En marchant, je le sais, j’afflige votre foi, Votre religion, votre cause éternelle, Vos dogmes, vos aïeux, vos dieux, votre flanelle, Et dans vos bons vieux os, faits d’immobilité, Le rhumatisme antique appelé royauté ! […] Ennemi de cette centralisation moderne qu’il accuse de nous avoir déshabitués du soin de sauvegarder nous-mêmes notre dignité et nos intérêts, et d’avoir facilité tour à tour les deux extrêmes contraires à la liberté véritable, l’éminent écrivain la retrouve à cette dernière phase de l’ancien régime, où nous n’étions pas accoutumés à la chercher, et il voit en elle, non pas la précieuse conquête de 89, suivant l’expression consacrée, mais la cause et l’effet tout ensemble de l’affaiblissement de l’esprit national et libéral dans les diverses classes et de leur préparation fatale à toutes les entreprises du pouvoir ou de l’anarchie.
Alors, origine des religions est une expression un peu ambitieuse. […] Et quant à sa laborieuse méthode de travail elle témoigne de la difficulté qu’il éprouvait à coordonner ses idées et à trouver l’expression définitive. […] Cet état singulier se prolongeait quelquefois pendant plusieurs minutes, puis son visage pâlissait encore plus et prenait une expression désespérée. […] L’expression nous est restée : monter au ciel. […] Il y a des choses belles, il n’y a pas de Beauté : c’est une expression abrégée.
Pour employer l’expression qu’il applique à un autre, il faisait au Saint-Sépulcre ses remontes de littérature et ses provisions d’amour. […] Son expression pesante ne lui a pas permis une grande diffusion au-delà de Bellegarde. […] Cette parole, sous l’Empire, n’avait pas d’expression écrite, et se dissipait avec la fumée des bivouacs. […] La confession d’une nature originale, l’expression d’une personnalité sincère, sont même reconnus comme la valeur essentielle de la littérature. […] Il est de ces hommes étranges, qui, selon sa propre expression, enivrent l’histoire.
Il force son impression ou son expression ; il veut paraître, être remarqué ; partant, il exagère. […] Des élèves de Raphaël atténuent ses figures pour, leur donner l’expression mystique. […] L’auteur a, au plus haut degré, le tact et la divination historiques, le talent et le goût de l’expression délicatement précise. […] Pour exprimer le rôle de la colonnade qui enserre la cella, l’auteur a trouvé des réussites d’expressions tout à fait neuves et vraiment supérieures. […] De là, d’abord la variété de son style, ses réussites dans les genres les plus opposés, son aptitude à peindre l’expression morale comme la perfection physique, une scène d’histoire moderne comme une légende de mythologie antique, l’Exécution du major Davel et Minerve jouant de la flûte.
Cet ordre nouveau est exception encore, étant choix d’abord, disposition ensuite, expression enfin. […] Il est le modèle même de tous ceux, et ils sont plus nombreux qu’on ne croit, que l’amour de la forme entraîne à l’amour du fond dont cette forme a été l’expression. […] Il y a des expressions qui font plaisir sous la plume de M. […] Il revient souvent sur cette idée et sur cette expression qui est si vraie autant qu’elle est vive. […] Mais, même où ils admirent du plus grand cœur, ils sont sobres ; ils ont de la tenue dans la forme et dans l’expression.
On distinguait Melchior à sa barbe blanche, Gaspar à son air de jeunesse, et le bon Balthazar à l’expression naïve de son visage noir comme la nuit. […] Stella révèle à Faustus la plus haute expression de la musique. […] Saint-Cyr de Rayssac a bien des défauts : chez lui, l’expression est parfois molle et incertaine. […] La vérité est que, loin d’être un initiateur, André Chénier est la dernière expression d’un art expirant. […] Dans leurs gestes essentiels tient l’expression complète des sentiments humains.
Que dites-vous de cette petite expression ? […] Il confesse son catholicisme à toutes les lignes de son livre et par toutes les expressions possibles, rien n’y manquant que les trois mots : « je suis catholique ». […] Quelle exactitude dans la peinture de sentiments complexes et confus, et quelle expression simple et forte de toutes les misères humaines ensemble ! […] L’expression a sans doute trahi la pensée de notre critique Mais revenons à Henri Heine. […] commence à tendre vers l’expression… c’est encore trop, marque une tendance vague à prendre une expression indécise ; mais rien de plus… C’est à peu près cela.
Donc, je crois, selon l’expression de Stéphane Mallarmé, le vers libre viable ; quoi qu’il arrive désormais, il existe ; il peut régner, il peut être utilisé occasionnellement ; ceci c’est sa fortune, sa chance, son hasard, en tout cas il est. […] Moréas croyant peu à l’idée, et féru de la forme, l’entendait dans un autre sens ; outre que ses vers faisaient montre souvent de connaissances étendues, il ne dédaignait pas d’intercaler dans ses œuvres en grande proportion des traductions, ou, selon son expression, des paraphrases. […] Henri de Régnier, qui le sait d’ailleurs, que si je suis resté à peu près le seul symboliste, c’est que j’étais un des rares qui l’étaient vraiment de fond, parce que le symbolisme était l’expression de leur tempérament propre et de leur opinion critique. […] Ainsi les romantiques, pour augmenter les moyens d’expression de l’alexandrin, ou, plus généralement, des vers à jeu de syllabes pair (10, 12), inventèrent le rejet qui consiste en un trompe-l’œil transmutant deux vers de douze pieds en un vers de quatorze ou de quinze et un de neuf ou dix. […] Voilà une des caractéristiques du poète : assez peu difficile sur le choix de son sujet, et sur l’ordre de l’émotion, il sait colorer d’expression son fond un peu terne et il sait dominer, et concréter sobrement une sentimentalité sans grand raffinement, au moins à ce début de sa vie littéraire.
C’est l’expression, l’expression seule qu’adoucit, qu’atténue, qu’enveloppe et que mortifie le bon Ducis. […] Il s’emporte et ne surveille plus ses expressions. […] Ils avaient un art de peuple artiste, très simple en son fond (je les ai imités en cela), très vaste et multiple et varié en ses moyens d’expression. […] Il est l’expression large, puissante, colorée et enthousiaste, de sentiments très généraux. […] Mais j’ai eu la précaution de ne mettre dans sa bouche que des expressions tirées des prophètes eux-mêmes.
Excusez mon bavardage, et recevez l’expression de mes sentiments les plus distingués9. […] J’ai cru devoir passer quelques expressions par trop romantiques aussi. » Quel est l’écolier qui ne sait pas aujourd’hui que Falstaff n’est point un grand jugé ni un lord mais bien un faux brave plein d’esprit, personnage fort plaisant, aussi célèbre en Angleterre que Figaro l’est en France ? […] 7º On nous dit : le vers est le beau idéal de l’expression : une pensée étant donnée, le vers est la manière la plus belle de la rendre, la manière dont elle fera le plus d’effet. […] Le personnage tombe à n’être plus qu’un rhéteur dont je me méfie pour peu que j’aie d’expérience de la vie, si par la poésie d’expression il cherche à ajouter à la force de ce qu’il dit.
Dans un voyage en Asie, il a fait la découverte et l’achat d’une soixantaine de manuscrits, parmi lesquels, il y a une « Vie d’Alexandre » non plus écrite cette fois, par ceux que, selon son expression, il avait derrière lui, mais par ceux, qu’il avait devant lui, par ses ennemis. […] Dès ce temps, elle mettait en moi l’amour des vocables choisis, techniques, imagés, des vocables lumineux, pareils, selon la belle expression de Joubert, « à des miroirs où sont visibles nos pensées », — amour qui, plus tard, devenait l’amour de la chose bien écrite. […] » Vendredi 28 octobre « Oui, ce volume que je viens de terminer, me dit Poictevin, avec sa figure d’halluciné, ce volume, il est fait avec la sueur de mon âme… J’aurais voulu lui donner, comme épigraphe, la traduction du mot medullitus de saint Bonaventure… mais moelleux, c’est commun, ça ne rend pas l’expression latine… et méduleux, c’est botanique. » Mercredi 2 novembre. […] Oui, ce gros et épais normalien, il est pour le travail courant, sans prétention, lui, qui ne laissera dans toute sa prolixe et abondante copie, ni un jugement durable, ni une pensée, ni une phrase, ni une expression… lui, ô blasphème !
Le mal est présent à tout pour protester… Le bien a l’unité, le mal a l’ubiquité. » Cette antithèse philosophique ne pouvait manquer d’inspirer à Hugo une série d’antithèses poétiques qui en sont l’expression figurée, depuis la « profondeur morne du gouffre bleu », l’identification du ciel et de l’abîme, jusqu’aux oppositions perpétuelles de l’ombre et de la lumière126. […] Le panthéisme même n’est chez lui qu’une expression de la Nature, qui n’exclut pas le moi de Dieu. […] Brunetière, l’arrangement et l’apprêt : Maintenant que je puis, assis au bord des ondes, Emu par ce tranquille et profond horizon, Examiner en moi les vérités profondes, Et regarder les fleurs qui sont dans le gazon. » Quel apprêt y a-t-il dans l’expression de cette vérité que, tout d’abord, une grande douleur ne peut rien voir en dehors d’elle, rien penser de ce qui n’est pas elle, rien regarder de la nature, de cette nature souriante qui lui semble une ironie ? […] Sans méconnaître l’abus de l’antithèse chez Hugo, il faut comprendre aussi que c’était pour lui l’expression exacte des antinomies qu’il trouvait au fond même de ses idées.
J’ai passé la nuit hier avec Mélanie. » (J’adoucis l’expression.)
Ce scrupule a été poussé si loin qu’on a vu des critiques de l’esprit le plus distingué rendre à dessein leur expression incomplète, plutôt que d’employer le mot de l’école, alors qu’il était le mot propre.
L’expression [Greek : gnôstoi] peut, il est vrai, convenir aux « parents. » Luc cependant (II, 44) distingue les [Greek : gnôstoi] des[Greek : sungeneis].
Dans les lettres publiées on voit un peu trop peut-être la mère de madame de Grignan ; et malgré le charme des narrations, la justesse des observations, la finesse naïve des expressions, la grâce des tours, et enfin la solidité des pensées que répand en courant sa plume légère, on ne peut se dissimuler qu’il y règne au fond un peu de monotonie.
Il a fait passer dans notre langue cette poësie d’expression, ce stile pittoresque qui caractérise les prophêtes.
Il cita le morceau où ce jésuite dit : « Une traduction en vers ne sçauroit manquer de sacrifier souvent l’essentiel à l’accessoire, & d’altérer les pensées & les expressions de l’auteur, pour conserver les graces de la versification. » Mais, d’un autre côté, le président Bouhier pouvoit se réclamer du jésuite Tarteron, qui, après avoir donné la traduction des Satyres, des Épîtres & de l’Art poëtique d’Horace, avoit été vingt ans sans oser entreprendre celle des Odes, dans la persuasion qu’elles ne pouvoient être bien rendues qu’en vers.
Combien de fois n’est-il pas arrivé qu’une musique qui nous avait d’abord déplu, nous a ravis ensuite lorsque l’oreille à force de l’entendre est parvenue à en démêler toute l’expression et la finesse ?
Il l’a tellement que, les faits montrés, il conclut à peine dans l’expression contre les hommes coupables de ces faits, et qu’il épargne à Henri IV, par exemple, ce que certainement un autre catholique, moins terrassé que lui dans son espérance, n’eût jamais voulu lui épargner !
Michelet l’a pensé comme nous ; Michelet n’a pas toujours feuilleté l’Histoire pour y porter le trouble ou pour l’y trouver… Celle du passé a dû lui apprendre que la France, selon l’heureuse expression d’un moraliste anglais, n’a jamais eu de salique que sa monarchie, et l’histoire du présent a dû ajouter à cette notion vraie que, sur cette vieille terre du Vaudeville et de la Galanterie, la femme continue d’être pour les hommes, malgré l’épaisseur de leurs manières et la gravité de leurs cravates, la première et la plus chère de toutes les préoccupations.
L’expression de Saint-Simon semble pétiller de plus de génie naturel, de plus de génie de naissance, à travers son incorrection, insoucieuse et hardie !
., — qui trahissent le journaliste sur la brèche qui ne tire pas toujours juste par l’expression, — c’est un écrivain du xviie siècle à faire croire qu’il en est un.
Ôtez le pittoresque de l’expression dans cette page terrible des Soirées de Saint-Pétersbourg, écrite ainsi pour faire mieux sentir la vérité de sa thèse, de Maistre, en parlant du bourreau, n’a posé que la nécessité de la peine de mort pour la conservation de tout ordre social, ce qu’on peut soutenir, n’est-il pas vrai ?
Toute sa vie, cet homme, qui n’avait que des opinions et qui eut très peu de métaphores pour les exprimer (dans cette correspondance de deux volumes je n’en ai compté qu’une seule, c’est quand, après l’insurrection Indienne, il compare l’Angleterre à un gros homard qui a perdu son écaille), toute sa vie, cet écrivain, qui trouva hardie l’expression, pour dire la république, « d’une servitude agitée », eut la prétention d’être la passion en personne, — un dévorant, un dévoré par elle, et peut-être crut-il en être un.
Il l’est par l’expression et par le fond des choses, et comme il est tel dans le dix-neuvième siècle, il est très au-dessous, en réalité, des hommes du dix-huitième, car l’erreur, changée d’époque, ressemble à un monstre déterré.
Langue sans nom d’humilité volontaire, que Vincent, ce grand artiste en abaissements, s’était faite, et dont il nous a donné toute la rhétorique dans un seul précepte ravissant : « Entre deux expressions, — disait-il, — retenez toujours la plus brillante pour en faire un sacrifice à Dieu dans le fond de votre cœur, et n’employez que celle-là qui, moins belle, ne plaît pas tant, mais édifie. » L’humilité est, je crois, en effet, le caractère de sainteté de Vincent de Paul encore plus que l’amour ; personne, même parmi les saints, n’a eu cette soif de bassesse ; personne n’a dit comme cet homme : « Donnez-moi encore ce verre de mépris !
III À son originalité dans la conception de son livre qui tient à ses idées premières, aux assises mêmes de son esprit, et qu’il met audacieusement, pour la première fois, sous cette forme difficile du conte, pour les faire mieux briller sous cette forme vivante, comme on retourne et l’on fait jouer un diamant à la lumière du jour pour l’épuiser de tous ses feux, Ernest Hello ajoute aujourd’hui une originalité qui n’est plus celle de ses idées, mais de leur expression et de la vie spéciale qu’il sait leur donner, et il obtient ce résultat superbe que l’exécution de l’artiste vaut la conception du penseur !
bien heureux d’avoir à son service la faculté de l’enthousiasme, cette expression du feu du cœur qui se tord autour de son idée, et qui en cache, au moins, dans sa flamme, l’absurdité !
ces cris pathétiques et tout-puissants que nous n’entendons plus à la scène, Mme Desbordes-Valmore les a quelquefois fixés dans une expression qui nous les fait entendre encore, et qu’un génie plus grand que le sien eût fait éternelle, car les langues vieillissent ; les plus belles strophes s’écaillent ou se désarticulent ; les magnificences des poésies laborieuses finissent par pâlir et passer ; mais où le Cri a vibré une fois avec énergie, il vibre toujours, tant qu’il y a une âme dans ce monde pour lui faire écho !
Ce poème de Napoline, personnel de sujet, ne le fut point par la forme et par l’expression.
Ainsi, encore, l’originalité du dialogue et du comique d’expression, que personne, et Molière lui-même, n’a surpassé.
Toute sa vie, ce satyrique, qui avait pourtant à son service l’expression vengeresse, resta stoïque et doux.
À une époque encore où les poètes les plus chrétiens d’inspiration introduisent dans leur Christianisme poétique je ne sais quel lâche élément épicurien, car la douleur elle-même a sa sensualité, rien de plus frappant que de voir ce que jusque-là on n’avait pas vu : le Stoïcisme en poésie nous écrivant, par la main la plus douce qui ait jamais existé, des vers de cette virilité d’idées et de cette simplicité d’expression : Hélas !
Quoique le romancier voie les réalités, et, quand il s’agit de les nommer, ne barguigne pas, le cynisme de ce terrible Richepin, qui ne craignait pas autrefois d’être cynique, qui n’hésitait jamais devant l’expression et se jetait à corps perdu sur elle, n’a plus guères, dans tout ce livre, que quelques traits fort rares, et encore le romancier ne s’y arrête pas, ou, s’il les ose, le croiriez-vous jamais ?
L’esprit, qui emporte la pièce par le mordant de l’expression, marque profondément de son caractère ce livre, qu’on trouvera cruel.
L’esprit qui emporte la pièce par le mordant de l’expression marque profondément de son caractère ce livre qu’on trouvera cruel.
Il a beaucoup de chaleur dans l’esprit et dans l’expression.
Encore que nous n’acceptions pas leurs indications sur tous les points, et qu’en particulier certaines divergences (mais d’expression peut-être plus encore que de pensée ?)
n’écris pas pour un homme, mais pour les hommes : attache ta réputation aux intérêts éternels du genre humain : alors la postérité reconnaissante démêlera tes écrits dans les bibliothèques ; alors ton buste sera honoré et peut-être baigné de larmes chez des peuples qui ne t’auront jamais vu, et ton génie, toujours utile, selon la belle expression d’un de nos poètes, sera contemporain de tous les âges, et citoyen de tous les lieux.
Il y aura, pour ainsi dire, un frottement et un choc continuel entre le sentiment et le signe, entre l’expression et l’idée.
S’il lui manque de ces expressions originales, et dont quelquefois une seule représente une masse d’idées, il a ce coloris toujours égal, qui donne de la valeur aux petites choses, et qui ne dépare point les grandes ; il n’étonne presque jamais l’imagination, mais il la fixe : il emprunte quelquefois de la poésie, comme Bossuet ; mais il en emprunte plus d’images, et Bossuet plus de mouvements.
Tels sont, monsieur, les sentiments avec lesquels j’ai reçu son diplôme et que je vous supplie de lui rendre dans les expressions les plus fortes. […] Dites, sur ma parole, que cette traduction, pleine d’harmonie et de la plus grande richesse d’expression, une des plus difficiles à faire en toute langue, est une des mieux faites dans la nôtre. […] Aimée de cet homme, amoureux d’elle et fou comme trente-six fous, c’est son expression, il vous paraît bien de s’être assurée de sa société trois fois la semaine au Louvre ? […] Je prie Mlle Caminski d’agréer l’expression de mon respect. […] Recevez l’expression de mon parfait respect, et offrez-en autant, de ma part, à Mlle Caminski.
Les splendides déesses reparaissent avec leur nudité primitive, sans songer qu’elles sont nues ; on voit bien à la tranquillité de leur regard, à la simplicité de leur expression, qu’elles l’ont toujours été et que la pudeur ne les a point encore atteintes. […] L’est-il pour Sidney qui, pendant des heures entières, s’est appesanti sur l’expression de ces yeux, qui a fini par voir en eux toutes les beautés du ciel et de la terre, qui, auprès d’eux, trouve toute lumière terne et tout bonheur fade ? […] Les divines figures, les regards sérieux ou profonds, les expressions virginales ou passionnées qui éclataient à chaque pas dans les premiers poëtes ont disparu ; on ne voit plus ici que des minois agréables peints par des vers agréables. […] Nul n’a produit au jour, par des expressions plus éclatantes et plus originales, la séve poétique qui coule dans tous les esprits du siècle. « L’injuste oubli, dit-il, secoue à l’aveugle ses pavots, et traite la mémoire des hommes sans distinguer, entre leurs droits à l’immortalité. […] Le sentiment de la puissance et de la prospérité humaine a fourni à la Renaissance son premier ressort, son modèle idéal, sa matière poétique, son caractère propre, et maintenant il lui fournit son expression définitive, sa doctrine scientifique et son objet final.
Chaque être est expression de Dieu. Il a des expressions imparfaites ; à qui le dites-vous ? […] Oui, jeunes gens, « faites de la politique » (expression triviale, que M. […] Le Bon sont plutôt des expressions de tendances que des conclusions. […] Mais je crois surtout qu’il est l’expression, qu’il est l’organe de ses craintes, beaucoup plus et que de ses désirs et que de ses croyances.
L’innocence se fournit des interprétations qui sont toujours pures comme elle, et il est des expressions avec lesquelles il est bon qu’elle se familiarise avant de chercher à les comprendre. […] Malgré une grande vérité d’expression et une remarquable justesse de mouvements, le résultat est presque toujours grotesque. […] Malgré tout ce qu’on en a dit, il me semble difficile de nier que M. le ministre ait raison et que les croyances, même des sectes chrétiennes les plus tolérantes, ont dû se trouver blessées de certaines expressions. […] Elle se composait surtout de bijoux d’un grand prix et d’objets de curiosité, en un mot, de souvenirs, expression qui, en pareil cas, n’est qu’une antiphrase honnête pour désigner des cadeaux dont on a oublié le donateur et l’occasion. […] Tout cela n’est pas bien grave, dira-t-on, et au siècle dernier on voyait de fort honnêtes personnes peintes enroues de carrosse, — c’était une expression du temps.
Mais de quel art d’expression choisi et mesuré ne faut-il pas être le maître pour atteindre victorieusement à ce miraculeux objet ! […] Je me trouve en présence de deux expressions d’art absolument dissemblables, un équilibre français et un équilibre grec. […] il ne s’agit pas de confondre puissance de vie et puissance d’expression. […] Non d’un rythme tout gratuit, et indépendant de l’idée ; déjà on s’efforce instinctivement vers un mode d’expression surtout émouvant et fidèle, mais par quels moyens empiriques, hasardeux, incohérents ! […] Corollaire : la strophe sera l’expression totale analytique, harmonique de la pensée.
Que Shakspeare et les poëtes nerveux rassemblent un tableau dans le raccourci d’une expression fuyante, brisent leurs métaphores par de nouvelles métaphores, et fassent apparaître coup sur coup dans la même phrase la même idée sous cinq ou six vêtements ; la brusque allure de leur imagination ailée autorise ou explique ces couleurs changeantes et ces entre-croisements d’éclairs. […] Les audacieuses expressions, les excès de style, font entendre la voix vibrante de l’homme qui souffre, qui s’indigne et qui veut. « Les livres, dit-il dans son Aréopagitique, ne sont pas absolument des choses mortes ; ils contiennent en eux une puissance de vie pour être aussi actifs que l’âme dont ils sont les enfants. […] Des expressions terribles viennent accabler les oppresseurs des livres, les profanateurs de la pensée, les assassins de la liberté, « le concile de Trente et l’inquisition, dont l’accouplement a engendré et parfait ces catalogues et ces index expurgatoires, qui fouillent à travers les entrailles de tant de vieux et bons auteurs par une violation pire que tous les attentats contre leurs tombes478. » Des expressions égales flagellent les esprits charnels qui croient sans penser et font de leur servilité leur religion. […] Devais-je marquer des maladresses, des bizarreries, des expressions chargées, héritage de la Renaissance, une dispute philosophique, œuvre du raisonneur et du Platonicien ?
Là, les lettrés pourront trouver plaisir de choix, plaisir à leur goût qui est raffiné, soit que l’analyse psychologique y marche sur des pointes d’aiguille, soit que la poésie ne s’y déploie que dans sa plus subtile expression, soit que le thème de l’ouvrage bouleverse les notions intellectuelles et morales courantes sur lesquelles les hommes sont à l’ordinaire d’accord. […] S’ils n’offraient au public mêlé qui pouvait assister aux représentations de leurs ouvrages rien de ce qui prend l’homme par les sens, un spectacle brillant, des scènes de tuerie, des coups, du sang et des clameurs, ils faisaient parler à leurs personnages (mis à part quelques tours et quelques mots conventionnels, rançon de la mode du temps, le mot chaînes, le mot flamme dans l’expression des sentiments de l’amour) un langage poli, mais cependant clair et direct : il suffisait d’écouter pour entendre. […] Le respecter, c’est accepter « l’informe », l’honorer, le diviniser comme seul moyen d’expression. […] Si l’art est la plus haute expression de l’homme, de quel droit en chasser les sentiments et les pensées par lesquels il s’élève à Dieu ? […] Le « peuple fidèle » du Canada, qui aura échappé à la division, a déjà fait écho au « peuple fidèle » de France qui aujourd’hui se sent les coudes et qui travaille avec nous patiemment au renouveau d’un grand art dramatique, expression de la chrétienté.
Comparons ces deux couples d’expressions : le style dorique et le style gothique, — le style de Bossuet et le style de Flaubert. […] « Nous apprécions, dit-il, notre pensée beaucoup trop d’après l’expression de celle des autres. » Nous l’apprécions alors, elle mobile, d’après des points de repère fixes, soit les mots d’autrui, soit les nôtres qui deviennent invariables une fois que nous les avons prononcés. Le caractère ambigu et fuyant de leur vers défend la poésie de Mallarmé et de Valéry contre cette expression fixe et cet invariable, leur donne du jeu, leur permet de vivre différemment dans chaque lecteur. […] Valéry se refuse à cette préparation, ne cherche pas à ménager entre la vie intérieure et son expression poétique le médiateur plastique d’un plan logique. […] Quoiqu’il en soit des découvertes futures et du renouvellement qui pourra jaillir, à tel moment, en lui, n’oublions pas qu’un poète peut fort bien se contenter d’un sujet, ou de quelques sujets, indéfiniment variés par des richesses d’expression que Valéry possède mieux que personne.
Quelques écrivains, médiocrement penseurs, doués seulement d’une vive sagacité littéraire, ouvrirent dès l’abord une ère nouvelle pour l’expression ; le goût, qui implique le choix et l’exclusion, les poussa à se procurer l’élégance à tout prix et à rompre avec les richesses mêmes d’un passé dont ils n’auraient su se rendre maîtres. […] Naudé, lui, n’avait aucun de ces caractères qui étaient propres au siècle nouveau ; il ne se souciait en rien de l’expression littéraire, il ne s’en doutait même pas ; et pour ce qui est d’innover et de renchérir en fait de système, s’il avait jamais pensé à le faire, c’eût été dans les lignes mêmes et comme dans la poussée du xvie siècle, en reprenant quelque grande conception de l’antiquité et en greffant la hardiesse sur l’érudition. […] On sent, à ses frais inaccoutumés d’éloquence, qu’il parle au pontife lettré, au poëte disert, à l’Urbanité même (il fait le jeu de mots), à celui qui, suivant son expression, a moissonné tout le Pinde, butiné tout l’Hymette, et bu toute l’Aganippe.
Soit que cette mort lui ait été cachée jusqu’à sa sortie de prison ; soit qu’il ait craint, en exprimant sa douleur, d’irriter davantage le duc de Ferrare ; soit encore que le neveu du geôlier, son jeune confident, pressentant quelque danger à laisser ébruiter les expressions du désespoir de Torquato, en ait anéanti le témoignage, rien n’indique, dans les lettres ou dans les poésies du Tasse à cette époque, un contrecoup de cette mort sur son cœur. […] On n’y entendait que les chants sourds des religieux dans leur église, leurs pas sur les dalles des longs cloîtres, et le retentissement régulier des vagues du golfe sur la plage sonnante de la Maddalena, selon l’expression d’Alfieri. […] Mais ici son courage lui fut inutile, son nom avait suffi : le brigand Sciarra, qui chantait déjà, dans ses rochers, les stances épiques de la Jérusalem, ainsi que les gondoliers de Venise les chantent encore sur les lagunes, ayant appris que le Tasse était au nombre des voyageurs arrêtés par la peur de sa bande à Mola di Gaëta, lui envoya un sauf-conduit avec les expressions du respect et de l’enthousiasme.
Le langage, si utile aujourd’hui pour l’expression de nos pensées, est lui-même un instrument d’erreur quand il s’agit de retracer l’évolution de nos pensées ; il nous fait juger l’animal d’après l’homme, l’enfant d’après l’adulte et même d’après l’adulte civilisé du XIXe siècle. […] Son utilité consiste à remplacer les objets par des images qui les représentent dans leurs traits principaux et qui en sont pour notre esprit, selon l’expression de Taine, les substituts. […] L’expression a divers degrés, selon que l’analogie est plus ou moins grande entre l’objet représenté et la représentation qui en est le substitut.
Au reste, nous traduisons perpétuellement le temps en espace, comme le montre l’expression même : un espace de temps, et réciproquement nous traduisons l’espace en temps, comme lorsque nous désignons une distance par deux heures de marche. […] « Le besoin à satisfaire et l’innervation motrice sont les expressions de la vie dans tout animal. […] « Par cette nécessité seule, continue Kant, on fonde a priori la possibilité de principes apodictiques concernant les rapports du temps, ou d’axiomes du temps en général, comme celui-ci : — Le temps n’a qu’une dimension. » Cet axiome, selon nous, n’est que l’expression analytique de notre représentation constante, la traduction d’un fait de conscience sans exception.
À ma demande, s’il travaille, il hésite d’abord, puis me dit que oui, qu’il travaille au lit, les longues heures qu’il ne dort pas, ajoutant bientôt que malheureusement, le matin, les mots à couleur, les sonorités qu’il a trouvées, — ce sont ses expressions, — c’est délavé, éteint. […] Renan déclare n’avoir pas plus lu que les autres, mais j’affirme sur l’honneur, — et les gens qui me connaissent, pourraient attester qu’ils ne m’ont jamais entendu mentir, — j’affirme que les conversations données par moi dans les quatre volumes, sont, pour ainsi dire, des sténographies, reproduisant non seulement les idées des causeurs, mais le plus souvent leurs expressions, et j’ai la foi, que tout lecteur désintéressé et clairvoyant, en me lisant, reconnaîtra que mon désir, mon ambition a été de faire vrais, les hommes que je portraiturais, et que pour rien au monde, je n’aurais voulu leur prêter des paroles qu’ils n’auraient pas dites. […] Puis après moi, un discours plein de tact du maire, et après le maire, un discours d’un académicien de l’Académie de Rouen, à peu près vingt-cinq fois plus long que le mien, et contenant tous les clichés, tous les lieux communs, toutes les expressions démodées, toutes les homaiseries imaginables : un discours qui le fera battre par Flaubert, le jour de la résurrection.
Toutefois il ne serait peut-être pas impossible de réduire à leur juste expression ces qualités fameuses. […] » Traduction : le bûcher. » De même par cette expression d’allure pacifique, alors usitée, la « réunion des religionnaires », il faut entendre le plus souvent leur extermination par la force armée, la roue, le gibet, la mutilation, les galères et les outrages de toute nature. […] Je ne suis pas protestant : — je crois même que toute religion qui prend comme expression complète de la vérité du monde un livre quel qu’il soit, Bible ou Coran, est radicalement fausse, — mais il est de toute évidence que le protestantisme, s’étant détaché de Rome et ayant inscrit le libre examen en tête de son programme, a réalisé un progrès immense sur le catholicisme autoritaire et pourri.
Lors même que M. de Lamartine aurait écrit en son propre nom, et comme l’expression de ses propres impressions, ce qu’il n’a écrit que sous le nom d’Harold ; lors même qu’il penserait de l’Italie et de ses peuples autant de mal que le supposent gratuitement ses adversaires, le fragment cité ne mériterait aucune des épithètes qu’on se plaît à lui donner. […] Une révélation de son génie inné lui avait fait imiter sans efforts l’expression des fortes sensations : effroi, amour, contemplation, tristesse, deuil, désespoir, sur le visage et dans la pose du corps, pour produire sur l’œil ce que la poésie dramatique ou épique la plus éloquente produit sur l’imagination la plus sensible.
Je n’atténue rien, et je transcris, autant que, possible, les expressions mêmes du grand historien philosophe. […] Et je ne sais rien de plus beau, de plus riche de sens et de poésie, de plus saisissant par la grandeur et l’importance de l’idée exprimée, et en même temps par la simplicité superbe et la rapidité précise et ardente de l’expression, que ces trente vers où nous est rendue présente, comme dans un large éclair, la suprême découverte de la science et la conception la plus récente de l’unité du monde physique.
Comparant donc Byron à Goethe, au milieu de tant d’autres écrivains de notre temps plus ou moins atteints de cet esprit général de doute et de désespoir, nous n’hésitions pas à donner à Byron la supériorité sur Goethe, comme poète caractéristique de l’époque ; car nous trouvions dans Byron, pour employer une expression même de ce poète, une plus grande vitalité du poison. […] Il raconte donc une multitude de faits personnels pour montrer comment de toute son existence sortit un jour Werther, écrit (ce sont ses expressions) dans une sorte de somnambulisme.
Nous aurons à étudier ce qui peut donner à la parole toute sa force, au langage toute sa puissance, à la pantomime toute son expression. […] Il faut : 1º Que la prononciation des mots soit nette et distincte ; 2º Que les repos de la parole soient nécessaires ou motivés ; 3º Que les intonations et inflexions de la voix soient justes ; 4º Que le mouvement de la diction soit mesuré sur le sens des mots ; 5º Que l’expression des gestes et de la physionomie soit naturelle.
Les expressions en apparence contradictoires de « conscience inconsciente », « sensations non senties », souvent employées en pareil cas, n’auraient pas embarrassé la question, si l’on avait nettement distingué entre la sensation et la perception. […] Il finit par cette conclusion : « Que l’existence — l’absolu — nous est connue dans l’acte de sentir qui, dans son expression la plus abstraite, est changement, externe et interne.
Pour nous, l’idée est l’effet conscient, l’expression d’un certain état total de l’esprit, en relation avec telle ou telle action extérieure : c’est un rapport déterminé et constant du moi au non-moi. […] Ajoutons que les verbes, passifs et actifs, qui subsistent les derniers, sont l’immédiate expression des émotions et des volitions.
Espinas, d’ailleurs, finit par reconnaître que l’évolution, ici, suppose un finalisme immanent ; mais, avec Spencer, il considère ce finalisme comme une simple « expression » du mécanisme, et il le rattache, en dernière analyse, à la loi de « la persistance de la force ». Nous croyons, au contraire, que c’est le mécanisme qui est une « expression » du finalisme immanent de la volonté, et que la persistance de la force se rattache à la persistance de la volonté primordiale.
Bouillant de verve et de pensée, Et fort de ses expressions, L’orateur, sur la foule, autour de lui pressée, Promenoit à son gré toutes les passions. […] Expression même de Bossuet.
« Là (c’est-à-dire quand ils sont arrivés à Bourg-la-Reine), là se doit trouver un valet de pied du Roi (expression amusante de La Fontaine pour dire un exempt, un officier de police) qui a ordre de nous accompagner jusques à Limoges. » Qui a ordre de nous accompagner. […] La première lettre est une lettre où La Fontaine — pardonnez-moi la familiarité de l’expression — fait une scène à sa femme.
On a relevé avec moquerie les expressions turgescentes de ce talent gonflé par trop souvent de vide. […] Cet art inouï du vers, si consommé qu’il est indépendant de ce qu’il exprime, ne peut guères être senti, du reste, que par les poètes, par ceux qui sont du bâtiment, comme dit l’excellente expression populaire.
Elle témoigne de sentiments aussi honorables pour vous qu’ils sont agréables pour moi ; puisque, suivant votre expression, la nouvelle fortune de la France est venue vous chercher, jouissez des faveurs qu’elle vous donne : elles ne sauraient être mieux placées que dans des mains aussi reconnaissantes que les vôtres.
Laissez-vous faire, ne craignez pas tant de sentir comme les autres, n’ayez jamais peur d’être trop commun ; vous aurez toujours assez dans votre finesse d’expression de quoi vous distinguer. » Mais je n’aurais pas affecté non plus de paraître plus prude que je ne le suis et qu’il ne convient de l’être à ceux qui ont commis, eux aussi, leurs poésies de jeunesse et qui ont lu les poètes de tous les temps ; j’aurais ajouté de grand cœur : « J’aime plus d’une pièce de votre volume ; les Tristesses de la lune, par exemple, joli sonnet qui semble de quelque poète anglais, contemporain de la jeunesse de Shakespeare.
Mais style et magie de l’art, facilité, souplesse et abondance pour tout dire, regard scrutateur pour beaucoup démêler, connaissance profonde de la foule, de la cohue, de l’homme vain, vide, glorieux, mendiant, vagabond, savant, sensuel ; intelligence inouïe de la forme, expression sans égale de la grâce, de la beauté matérielle et de la grandeur ; reproduction équivalente et indestructible d’un gigantesque monument ; gentillesse, babil, gazouillement de jeune fille et d’ondine, entrailles de louve et de mère, bouillonnement dans un cerveau viril de passions poussées au délire, l’auteur possède et manie à son gré tout cela.
» C’était bien un maître de Fénelon en effet, celui qui, avec Pellisson, Bussy et Bouhours, et plus qu’aucun d’eux, contribua à mettre en honneur la culture polie, la régularité ornée et simple, à conduire la langue, selon sa propre expression, dans un canal charmant et utile 42.
Ce Guillaume Colletet, singulièrement enclin, selon l’expression de Ménage, aux amours ancillaires, avait épousé, l’une après l’autre, trois de ses servantes, et en était, pour le moment, à sa troisième et dernière, appelée Claudine, dont la beauté, jointe à la réputation d’esprit que lui faisait son mari débonnaire, attirait chez elle une foule d’adorateurs.
L’homme ainsi défini et restreint, la destinée de l’homme n’est plus que celle du moi et de l’esprit ; celle du corps, qui est distincte, ne saurait être comptée que comme embarras et obstacle ; du moment qu’il y a en nous quelque chose qui n’est pas nous, selon l’expression de M.
Tenir à la fois présents tous les ressorts, y avoir l’œil pour les tendre et les détendre insensiblement : prendre une détermination dans les crises, la maintenir ou ne la modifier qu’autant qu’il faut pendant les difficultés et les lenteurs de l’exécution ; être naturellement secret ; porter légèrement tout ce poids sans que le front en ait un nuage ; entremêler la paix à la guerre, et, sans faiblir, les mener de front, songer en toutes deux au nécessaire, c’est-à-dire aussi, chez de certaines nations, à la grandeur des résultats et à la gloire : dans le même temps exalter les courages et continuer d’apaiser les passions, les tenir comprimées de telle sorte que les gens de bien, selon la belle expression de Richelieu, dorment en paix à l’ombre de vos veilles, et que les laborieux dont la masse de la société se compose se livrent en tous sens au développement légitime de leur activité, que dis-je ?
Tantôt on se représente la puissance comme un despote141 ; tantôt comme un roi légitime142, tantôt comme un bel individu humain143, tantôt comme une loi abstraite indépendante des puissances particulières144, tantôt comme une loi abstraite simple expression des puissances particulières145, et l’on façonne là-dessus son Dieu et son prince.
Et il continue ainsi, incriminant tout le monde, et Rome surtout et les moines : mais ne sent-on pas ce que le rythme même, cette strophe de quatre vers, avec son allure régulière, sa forte vibration, sa solidité large, a de favorable à l’expression oratoire de la pensée ?
(Remarquez-vous que « bras prosternés » et « frileux comme la neige » sont des expressions bizarres et douteuses, qu’il ne faut pas trop presser non plus la comparaison des lis renversés, et qu’avec tout cela — ou j’ai la berlue — ces trois vers sont très beaux ?)
Bossuet, dans quelques lignes sur la mort de Bouhours, relève « certaines expressions affectées et de mode, dont il s’est servi dans sa traduction de l’Évangile, et les déclare indignes, non seulement de l’Évangile, mais encore de tout ouvrage sérieux. » C’est la seule oraison funèbre que Bouhours obtienne de son ami.
Tout au bout, une scène minuscule, encadrée de rideaux de bois peint ; quelques coups de pinceau sur le mur de fond offrent la plus simple expression d’une marine casquée d’une lune symbolique.
Le Livre de Daniel donna en quelque sorte aux espérances messianiques leur dernière expression.
Mais c’est un idéaliste accompli, la matière n’étant pour lui que le signe de l’idée, et le réel l’expression vivante de ce qui ne paraît pas.
Jésus est à la fois très idéaliste dans les conceptions et très matérialiste dans l’expression.
Cette sublime personne, qui chaque jour préside encore au destin du monde, il est permis de l’appeler divine, non en ce sens que Jésus ait absorbé tout le divin, ou lui ait été adéquat (pour employer l’expression de la scolastique), mais en ce sens que Jésus est l’individu qui a fait faire à son espèce le plus grand pas vers le divin.
Et, cependant qu’il explique « l’œuvre de sang », sa maîtresse reste « suspendue aux lèvres de Stelio, fascinée par leur instinctive expression cruelle ».
Pour nous servir d’une expression trivialement expressive, il y avait à boire et à manger dans son culte, et ses fêtes, qui gorgeaient les sens, offraient en même temps à l’esprit des philtres divins.
Des expressions qui semblent de terribles lieux communs reviennent avec insistance ; il faut les comprendre : Dans la bouche des filles, mon cœur volage, mon cœur en gage, mon avantage, etc., sont toujours un euphémisme pour un mot trop clair et devenu trop brutal, que le vieux français traitait avec moins de réserve.
Il n’est guère de jeune poète qui n’ait d’abord voisiné avec eux dans la chambre aux miroirs avant de rentrer, selon l’expression d’Albert Samain, « dans la vérité de son cœur ».
Après quoi la révolution politique faite cherche son expression, et la révolution littéraire et sociale s’accomplit.
L’expression étoit convenable.
Dans certains cas, on voit la faculté du langage articulé, ou entièrement perdue, ou profondément altérée ; cependant l’intelligence demeure saine, dit-on ; les organes vocaux sont dans un état normal, sans paralysie ; enfin les autres modes d’expression (écriture, geste, dessin) continuent à subsister.
En un sens, la théorie classique, comme on l’appelle, convient par un côté à notre philosophie, car elle proclame l’idéal comme loi suprême de l’art, de même que nous considérons l’absolu et le divin comme cause suprême de la nature ; elle préfère, comme nous-mêmes, l’âme au corps et la raison aux sens ; elle place le beau dans l’expression de la vérité et du sentiment, non dans l’imitation colorée et violente des formes matérielles : par ces différentes raisons, la critique classique que représente M.
Ses contes, où la science des mœurs était, comme dans la société, revêtue d’expressions spirituellement décentes, devinrent une galerie de portraits frappants de ressemblance ; et dans ses tableaux malins, piquants et variés, le peintre habile eut l’art d’amuser surtout ses modèles.
Elle a de l’expression.
Elle fait une classe à part. » Mais cette pauvre phrase qui, après avoir affirmé l’amitié entre homme et femme, la nie et en fait une classe à part ; cette phrase peu honorable pour la netteté d’esprit de La Bruyère, — moraliste du reste plus piquant que profond et dont habituellement l’expression pique plus que la pensée, « ne pouvait engendrer rien de bien lucide, dans la tête, qui l’est très peu, de Mme Haller.
À travers ses compilations d’histoire et de voyages, écrites sans expression et sans couleur et où un déisme insignifiant est affirmé comme pour couvrir des marchandises suspectes, on sent le libre penseur qui, au tournant d’une phrase, salue presque respectueusement le honteux, grotesque et simiesque Darwin, — la Bête du temps, — et on croit ailleurs deviner çà et là le positiviste très peu positif qui se dissimule… Au vague de son esprit, sans conclusion comme sans vue fixe, Faliés ajoute le vague des doctrines, et si, parmi les civilisations qu’il pouvait étudier et dont il a oublié les principales, il a choisi (pour parler comme lui) les civilisations américaines, c’est qu’il a obéi — la chose n’est pas plus grosse que cela — au hasard de ses lectures et à la préférence de ses admirations.
Et il a écrit sur bien des choses, sur lui-même, sur la création, sur l’homme, sur la religion, les beaux-arts, la poésie, l’antiquité, et toujours il n’a été préoccupé que de cette combinaison : la clarté de la pensée dans l’expression transparente.
Guizot l’a touchée, cette question, avec cette hauteur impassible de langage qui peut toucher hardiment à tout et voudrait bien l’amener à la lumière, mais il la laisse bientôt retomber dans les ténèbres qui l’enveloppent, — et ceux qui aiment Shakespeare restent épouvantés, ou du moins inquiets, en face de ces Sonnets, d’un sentiment et d’une expression tellement androgynes qu’on se demande si le génie qui parle ainsi est le génie de l’amour ou le génie de l’amitié… Tel est pourtant l’incomplet de cette histoire et de cette critique que nous a donné Guizot dans cette œuvre, trop courte d’ailleurs, intitulée la Vie de Shakespeare.
Montesquieu, c’est la pénétration réfléchie, c’est la volonté savante dans l’expression calculée, c’est la rétorsion la plus prudente dans la pensée, et c’est la mesure aussi et la modération, qui tue en n’ayant pas l’air d’y toucher.
Malgré tout ce qu’il y avait de largeur politique dans l’esprit d’Auguste, il n’avait point eu l’idée d’une institution qui permît de faire arriver à l’Empereur l’expression de ce que les provinces attendaient de son gouvernement et de sa justice.
Quand la France aura un Shakespeare, nous saurons alors les affres de ce temps… On sortait des guerres civiles d’Armagnac contre Bourgogne, de la folie de Charles VI, des déportements d’Isabeau, mais on était entré dans une période non moins funeste : la guerre étrangère, l’invasion par les Anglais, et tous ces désastres et toutes ces incomparables misères invétérées depuis tant d’années, et qui allaient durer trente ans encore, « Quand le roi Charles VII commença la guerre pour son droit, — nous dit un vieux historien avec une expression tragique, — il y avait soixante-dix ans que la France était dans le sang et dans la misère… Il n’y avait de toutes parts que déchirements, confusions, frayeurs, solitude… Le paysan, dénué de chair et de graisse, n’avait que les os… encore étaient-ils foulés !
Soit pour la femme, soit pour l’enfant, ces deux racines, horizontale et verticale, qui attachent nos cœurs à la terre, disait Jean-Paul avec une expression inspirée, soit pour l’homme même qui les opprime, pour la créature humaine enfin, la douleur et la misère ont leur source là où aucune philosophie et nulle économie politique ne sauraient pénétrer jamais.
Mais cette hauteur de raillerie impénétrable et glacée ne tenterait qu’un esprit grandiose, et, il faut bien l’avouer, la vulgarité abaissée de l’expression, le style, enfin, cette voix qui trahit un homme quand il aurait tous les déguisements autour de sa pensée, attestent assez haut que Bellegarrigue est sérieux, qu’il est naïf dans sa dégradante apothéose.
Elle a dit quelque part, avec cette expression hardie qu’elle avait, comme un page, dans cette société qui montrait sa gorge comme on ne la montre plus, mais qui était collet-monté dans le langage ; elle a dit, de je ne sais plus quelle froideur de son temps : « C’était de la citrouille fricassée dans de la neige. » Elle n’était pas de la citrouille, elle, mais elle était de l’ananas !
C’est un esprit sans verve et sans couleur, laborieusement monotone dans son expression, toujours la même, et dont l’unique procédé dans la plaisanterie est de dégrader les choses élevées en les comparant aux choses basses, et de les dégrader encore en comparant les choses basses aux choses élevées… Tout le temps de son livre, il ne cesse de se balancer comme un singe sur cette puérile et fatigante escarpolette de l’antithèse.
Saint Louis, qui, plus que Charlemagne lui-même, fut l’expression la plus pure et la plus douce de la Royauté parmi les hommes, ne la fut que parce qu’il était saint.
Le travail d’Ernest Hello est l’expression d’un inconsolable regret.
La vieille société, cette société qui s’en va du monde et que Μ. de Girardin reconduit jusqu’à la porte avec des injures, a surtout pour expression, dans sa pièce, la marquise de La Rochetravers, mère du jeune marquis Roger, chef de la maison et de la branche aînée, comme l’on disait autrefois.
Son portrait, mis à la tête du volume et très ressemblant, rappelle, par son énergie de dogue, la tête de Granier de Cassagnac, — cette autre grande plume de guerre, — mais avec une expression plus gaie.
C’est là ce qui donne, selon moi, à ces lettres si simples, si peu surprenantes d’expression, si peu romanesques dans leur tour et dans leurs événements, passionnées infiniment dans leur profondeur mais de très peu de bouillonnement à la surface, quelque chose de si particulièrement attachant.
, et il ajoute, pour l’excuser, cette atténuation à la Sainte-Beuve : « On poussait alors à l’extrême l’expression des sentiments. » Inconcevable disposition d’esprit !
Métaphysicien comme Mallebranche, avec la poésie d’expression au service de la métaphysique que Mallebranche, malgré son chapitre des Passions (admiration d’école !)
L’action de la foi par l’obéissance est humainement, si on peut risquer l’expression, la physique du catholicisme.
Le livre des Docteurs du jour porte cette marque glorieuse d’être l’expression exaspérée ou désespérée du sentiment paternel, que les docteurs d’aujourd’hui comme d’hier ont pour sagesse de vouloir arracher du cœur des hommes et de leurs législations !
Appuyé sur cette force qu’il appelle volonté, et qui est, selon lui, le principe du monde : « consciente par accident, — dit-il, — inconsciente par essence, s’objectivant un moment dans l’homme, mais immanente et indestructible », et dont il ignore tout, sinon qu’elle est, Schopenhauer a donné de l’Athéisme une traduction et une expression nouvelles.
Dieu lui a donné une organisation d’élite, un mélange de force et de tendresse, une expression poétique et spirituelle en même temps… Mais j’ai dit que je ne parlerais pas de l’orateur.
II Il faut bien le dire : le livre des Sophistes grecs et des Sophistes contemporains est moins un livre de philosophie qu’un livre de critique, et encore de critique de sens commun, mais supériorisée par l’expression.
À l’optimisme de sa nature s’ajoute, du moins pour l’expression de sa pensée, la modération d’un tempérament plus équilibré qu’énergique.
Car c’est là qu’il faut toujours en revenir avec Quinet, ce gourmand et ce malade de mots… C’est cette fureur de l’expression gongorique et de l’image, qui donne à ce livre de la Création cet air lyrique et oraculaire qu’aucun autre ouvrage du même auteur n’eut au même degré que celui-ci, malgré sa prétention scientifique.
Intermédiaire entre ceux qui écrivent et ceux qui lisent, mais avant tout marchande comme son époque, elle ne tient compte que des profits à faire et elle ne se préoccupe plus du côté élevé de sa fonction et de l’influence très légitime qu’elle pourrait exercer sur l’esprit de son temps et sur son expression, la littérature.
Il peut avoir son originalité propre et ses mérites particuliers dans le détail, l’expression des passions et le tour d’observation de son œuvre ; il peut être comme observateur et comme écrivain très différent de la manière de Balzac ; mais, de conception, il est timbré de cet homme qui a mis son cachet — sa griffe de lion — sur tous les esprits de notre temps.
Pour Le Sage, trop compté, par l’opinion badaude, parmi les grands romanciers, il ne s’agit, dans le roman, ni du développement dramatique des passions, ni de l’originalité des caractères, ni, à force d’observation, de l’invention dans la réalité humaine, ni de l’expression idéale des sentiments, ni de la beauté littéraire du langage.
Féval est l’expression la plus féconde et la plus brillante.
Si pour bien voir il faut avoir le regard pur, qui l’eut jamais plus essuyé de toute écume, et de toute ombre, colère, mépris, terreur, pessimisme quelconque, que cet observateur, aux yeux clairs, qui traduit toujours son observation avec une expression de la même clarté que son regard ?
C’est surtout à propos de ces esprits imitateurs qu’il faut rappeler l’incorrecte mais énergique expression proverbiale : « un de perdu, deux de retrouvés !
Les lettres de la sœur Saint-Gatien, très supérieures à celles d’Éliane, sont d’une vérité consommée dans les détails retenus de leur expression.
Tout homme qui veut être applaudi, dénature sa pensée ; ou il en cache une partie pour faire davantage briller l’autre, ou il saisit un rapport qui étonne et qui est plus singulier que vrai ; ou il détache ce qui devrait être fondu dans l’ensemble, et le met en saillie, ou pour avoir l’air de s’élever et de voir de plus haut, il généralise un sentiment qui ne conserve sa force qu’autant qu’il est lié à une situation ; ou il ajoute au sentiment même, et pour étonner il exagère, ou par une expression recherchée il veut donner une tournure fine à ce qui devrait être simple, ou il tâche d’unir la finesse à la force pour surprendre par l’assemblage de deux qualités contraires, ou enfin pour arrêter et fixer partout l’attention, il multiplie les détails et néglige la grandeur et la marche de l’ensemble.
Supposez le plus grand talent, — Chateaubriand, par exemple : — lorsqu’il manque de sincérité, lorsqu’il prend un rôle, avec quelque éclat qu’il le joue, il ne nous convainc pas, il ne nous touche pas : nous sentons, si vous me permettez l’expression, qu’il y a une paille dans son génie. […] Et nous trouvons presque un plus grand plaisir à entendre exprimer d’une manière si juste des sentiments qui ne sont pas les nôtres, qu’à entendre même les nôtres, quelquefois, contrefaits par des expressions où l’on ne sent point le naturel, et qui les faussent en les exagérant ou en les simulant. […] Les autres, au contraire, quel que soit leur mérite, ne veulent point qu’on les oublie ; ils veulent qu’on sache qu’ils sont là, qu’ils ont du talent ; qu’on s’en aperçoive à toute minute, à chaque phrase ; de sorte que parfois la trop grande couleur des expressions nous éblouit, ou bien le cliquetis des mots nous empêche d’entendre les idées. […] Les gentilshommes eux-mêmes, quand ils étaient dénués de fortune, se faisaient volontiers les suivants, les domestiques (c’était l’expression du temps) de gentilshommes plus aisés, qu’ils acceptaient ou prenaient pour maîtres, c’est-à-dire pour suzerains. […] Autrefois les ultra-classiques, entichés d’idées bizarres ou exagérées au sujet de la dignité et de la noblesse du style, critiquaient ce vers et cette expression, — indignes, selon eux, de la tragédie.
Mais l’expression est vague, et nous dirions, pour plus de précision, que la tendance considérée est un instinct, si ce n’était justement à la place d’un instinct que surgissent dans l’esprit ces images fantasmatiques. […] Elle commence, et pour qu’elle termine il faut, selon l’expression consacrée, que les circonstances s’y prêtent. […] Elle ne suscitait d’ailleurs dans notre esprit aucune image, en dehors de son expression verbale. […] Dans la religion que nous appellerons dynamique, la prière est indifférente à son expression verbale ; c’est une élévation de l’âme, qui pourrait se passer de la parole. […] Son rôle est d’élaborer la religion dont nous avons traité jusqu’à présent, celle que nous appelons statique et dont nous dirions que c’est la religion naturelle, si l’expression n’avait pris un autre sens.
Probablement (je dois cette suggestion à André Gide) de cette expression qui paraît avoir été usuelle dans la famille Flaubert : mener la vie de garçon. […] Il va à l’expression littéraire de ce dégoût. […] » Il est curieux que le voyage d’Orient ait dégoûté Du Camp comme Flaubert de l’exotisme et l’ait tourné aussi vers l’expression de la vie. […] Il s’applique à l’observation et l’expression de cette petitesse. […] Avec ses « profondeurs d’expression muette comme le visage d’un imbécile », la casquette contient déjà tout Yonville-l’Abbaye.
Vers le matin, il commence sa toilette, qu’il interrompt à chaque minute pour corriger une ligne, modifier une expression, ajouter une idée qui doit assurer le succès de son entreprise. […] Il en avait retenu jusqu’aux plus petites circonstances, et les expressions si simples de la pauvre Marie ne sortirent jamais de sa mémoire. […] Virginie n’avait que douze ans: déjà sa taille était plus qu’à demi formée ; de grands cheveux blonds ombrageaient sa tête ; ses yeux bleus et ses lèvres de corail brillaient du plus tendre éclat sur la fraîcheur de son visage: ils souriaient toujours de concert quand elle parlait ; mais quand elle gardait le silence, leur obliquité naturelle vers le ciel leur donnait une expression d’une sensibilité extrême, et même celle d’une légère mélancolie. […] Il partage les transports de Paul au départ de Virginie ; il ne trouve plus d’expressions assez fortes pour rendre ce qu’il éprouve.
La littérature, expression de la société, révèle ce mal, et l’augmente encore. […] Voyez donc ce qui est dans votre âme (car encore une fois, Homme, tu ne peux te séparer de la femme ; la femme est en toi, elle fait partie de ta nature) : vous avez dans l’âme deux maux synallagmatiques, si je puis employer cette expression des légistes : l’égoïsme, et la volupté. […] Tous les arts qui sont l’expression d’une société véritable font défaut aujourd’hui, comme cette société. […] Rien ne concourt, rien ne consent, pour répéter l’admirable expression d’Hippocrate.
Ceux-ci, pour la plupart impressionnistes purs, réduits à traduire dans leurs ouvrages leurs seuls états de sensibilité, ne dissimulaient que le néant et la puérilité sous l’obscurité de leur expression. […] Il s’en explique ainsi dans le chapitre des « Beaux contrastes de Sienne » : « Les jeunes gens du Sodoma, qui mêlent à la vigueur physique attestée par leurs muscles d’athlètes une expression intellectuelle si aiguë qu’elle en devient douloureuse, sont une vision épuisante. […] Il en a tous les dons et tous les moyens d’expression. […] Elle est à la fois l’expression de cet appétit d’anarchie et de destruction et de cet appétit d’un bonheur insaisissable, d’un chimérique Eldorado qui reposent côte à côte au fond des cœurs ravagés. […] Ses expressions tendaient douloureusement vers une simplicité biblique… » Tel était M.
Le boulangisme, surtout l’affaire Dreyfus, c’est-à-dire des manques graves de flair et d’intelligence, l’ont réduit peu à peu à une expression politique qui, si l’on en croyait le langage parlementaire, approcherait fort de zéro. […] Expression même de la République, elle a évolué avec la République et selon les mêmes rythmes. […] du temps de l’affaire Dreyfus en aura peut-être été l’expression la plus claire. […] Et l’expression « Évangile des Droits de l’Homme » s’écrit couramment. […] Précisément, à l’époque de la Chambre bleu-horizon et du triomphe des Intérêts, cette expression était à la mode : la Société France, le bilan de la Société France.
qu’elle est splendide, car cette tristesse se complaît dans sa propre expression et refuse d’être consolée. […] On a cru généralement que l’abus des expressions recherchées, le manque de simplicité qui caractérisent sa phrase, provenaient du désir de faire de l’effet. […] Et qui de nous, sur les montagnes, n’a jamais éprouvé « la stupeur muette », « la terreur sacrée » à laquelle Amiel tout à l’heure donnait une si magnifique expression ? […] Expression naïve d’une foi qui n’a point ici-bas sa raison suffisante, que tout contredit, que rien n’ébranle et qui fait redevenir celui qui s’y attache aussi simple qu’un petit enfant ! […] Elle n’est que l’expression d’une œuvre graduelle de renouvellement et d’illumination intérieure dont son âme fut constamment le théâtre.
Ils ont tous l’air de faire, suivant l’expression de l’un d’eux, des essais de bonne foi sur eux-mêmes. […] Elle a une vision intense des choses et, comme son maître Vallès, elle a le don de l’expression hardiment frappée, qui fait relief, qui fait médaille. […] Il sent et saisit leur âme, leur donne une expression humaine, dussent elles paraître fantastiques et irréelles. […] On peut en comparer les fragments épars « à des compartiments étanches et impénétrables » ; l’expression est, je crois, de M. […] » Mais ce sont là des boutades où l’expression dépasse la pensée, et il est au moins une chose que le philosophe voulait laisser debout : c’est la morale de l’Évangile.
Quelques-unes de ses maximes ont été refaites plus de trente fois, jusqu’à ce qu’il fût arrivé à l’expression nécessaire. […] Segrais, Huet, lui trouvaient plus de sagacité que d’équité, et ce dernier même remarquait très-finement que l’auteur n’avait intenté de certaines accusations à l’homme que pour ne pas perdre quelque expression ingénieuse et vive dont il les avait su revêtir147.
— Ajax en révolte s’écriait : Je me sauverai malgré les Dieux ; et Lucrèce : Je m’abîmerai à l’insu des Dieux. » Il s’attachait, dans la lecture du livre, à dessiner l’âme du poète, à ressaisir les plaintes émues que le philosophe mettait dans la bouche des adversaires, et qui trahissaient peut-être ses sentiments propres ; il relevait avec soin les affections et les expressions modernes, cet ennui qui revient souvent, ce veternus, qui sera plus tard l’acedia des solitaires chrétiens, le même qui engendrera, à certain jour, l’être invisible après lequel courra Hamlet, et qui deviendra enfin la mélancolie de René. […] Si Lucrèce nous rend avec une saveur amère les angoisses des mortels, nul aussi n’a peint plus fermement et plus fièrement que lui la majesté sacrée de la nature, le calme et la sérénité du sage ; à ce titre auguste, le pieux Virgile lui-même, en un passage célèbre, le proclame heureux : Félix qui potuit rerum , etc… Quoi qu’il en soit cependant de l’énigme que le poëte nous propose, et si tant est qu’il y ait vraiment énigme dans son œuvre, c’était aux expressions de trouble et de douleur que s’attachait surtout notre ami ; le livre III, où il est traité à fond de l’âme humaine et de la mort, avait attiré particulièrement son attention ; dans son exemplaire, chaque trait saillant des admirables peintures de la fin est surchargé de coups de crayon et de notes marginales, et il s’arrêtait avec réflexion sur cette dernière et fatale pensée, comme devant l’inévitable perspective : « Que nous ayons vécu peu de jours, ou que nous ayons poussé au-delà d’un siècle, une fois morts, nous n’en sommes pas moins morts pour une éternité ; et celui-là ne sera pas couché moins longtemps désormais, qui a terminé sa vie aujourd’hui même, et celui qui est tombé depuis bien des mois et bien des ans : Mors aeterna tamen nihilominus illa manebit ; Nec minus ille diu jam non erit, ex hodierno Lumine qui finem vitaï fecit, et ille Mensibus atque annis qui multis occidit ante. » Notre ami était donc en train d’attacher ses travaux à des sujets et à des noms déjà éprouvés, et les moins périssables de tous sur cette terre fragile ; il voguait à plein courant dans la vie de l’intelligence ; des pensées plus douces de cœur et d’avenir s’y ajoutaient tout bas, lorsque tout d’un coup il fut saisi d’une indisposition violente, sans siège local bien déterminé, et c’est alors, durant une fièvre orageuse, qu’en deux jours, sans que la science et l’amitié consternées pussent se rendre compte ni avoir prévu, sans aucune cause appréciable suffisante, la vie subitement lui fit faute ; et le vendredi 19 septembre 1845, vers six heures du soir, il était mort quand il ne semblait qu’endormi.
Un mot piquant ne peut pas en être l’expression ; il n’en est que la parodie. […] Il est presque l’égal de La Bruyère pour la conduite des effets ménagés, pour l’artifice calculé des développements, pour la brièveté des résumés poignants, pour la raideur assommante des ripostes inattendues, pour la multitude des réussites littéraires, pour l’exécution de tous ces morceaux de bravoure, portraits, descriptions, parallèles, invectives, où, comme dans un crescendo musical, la même idée, diversifiée par une série d’expressions toujours plus vives, atteint ou dépasse dans la note finale tout ce qu’elle comporte d’énergie et d’éclat.
Il avait renouvelé l’étude de la littérature selon l’esprit, de Mme de Staël ; il développait le principe, que la littérature est l’expression de la société, et il avait choisi les deux cas les plus favorables peut-être qu’il y ait à la démonstration de ce principe : il faisait l’histoire de la littérature du xviiie siècle, et l’histoire de la littérature du moyen âge. […] Il était nécessairement un peu superficiel, et prenait un peu extérieurement les œuvres ; il avait cependant beaucoup de lectures et de connaissances, plus d’idées que son expression trop peu serrée n’en montre : c’était enfin un orateur littéraire, très agréable et suffisamment solide, qu’on peut encore aujourd’hui écouter avec profit.
C’était une courtisane, s’il faut le dire tout d’abord ; une de ces femmes de trouble et de vertige qui semblent nées, suivant la magnifique expression du duc de Saint-Simon, pour faire, de par le monde, « les plus grands désordres d’amour ». […] Un esprit gai, ardent, subtil, joyeux et périlleux, comme le feu, répand sur ces cinq actes sa verve d’enfer : chatteries de mots, ruses d’expression, piqûres mortelles, dissimulées sous les ailes des saillies volantes, manières de tout dire, de sous-entendre plus encore et de chatouiller les plaies vives en déchirant leurs bandeaux.
D’un autre côté, l’impitoyable froideur d’analyse, et les prétentions à l’érudition, de Flaubert m’inclinaient à penser qu’après tout il pourrait bien sortir des plis de l’auteur de Madame Bovary un Renan de second degré et de seconde portée, mais qui, hardi et précis d’expression autant que l’autre est lâche et vague, ne craindrait pas de nous donner, dans un livre d’impartialité moins chattemite, quelque explication avilissante de la vie du plus grand des Solitaires chrétiens… Je ne m’imaginais, certes ! […] Flaubert ne recule jamais devant la nudité de l’expression.
Ne lui demandez ni élévation ni profondeur ; ce n’est pas un Sieyès, ce n’est pas un Hegel que l’abbé de Saint-Pierre ; ce n’est pas un de ces penseurs difficiles à qui l’expression manque.
Et hier encore, une femme qui s’est révélée à elle-même et aux autres en ces tout derniers temps, Mme Ackermann, la docte solitaire de Nice, me donnait une fête de l’esprit en me récitant sa poésie philosophique, le Nuage, admirable d’expression et de couleur comme de vérité.
« Ne refusez pas l’expression de ma reconnaissance ; elle est très-sincère et très-profonde.
Les guerres civiles et l’esprit philosophique ont corrigé de ce faux goût ; car le malheur, dont les impressions ne sont que trop vraies, exclut les sentiments affectés, et la raison fait disparaître les expressions qui manquent de justesse.
Tous les sentiments chez lui sont tour à tour effleurés, puis quittés ; un air de tristesse, un éclair de malice, un mouvement d’abandon, un élan d’éloquence, vingt expressions passent en un instant sur cet aimable visage.
De ce qu’il y a de plus ignominieux dans le métier des lettres : de chercher, selon leurs viles expressions, « du bruit pour de l’argent ».
Il est retourné aux moyens anciens d’expression poétique, les trouvant sans doute tout à fait suffisants et parfaitement adaptés à son but.
On ne saurait rendre l’ampleur et le procédé habituel de cette poésie, si on ne l’a entendue dans son récitatif lent et majestueux ; c’est un flot large et continu, une poésie amante de l’idéal et dont l’expression est toute faite aussi pour des lèvres harmonieuses et amies du nombre.
C’étaient des tableaux réalistes transfigurés par le lyrisme du sentiment et de l’expression.
En religion, on les tenait pour ignorants et peu orthodoxes 590 ; l’expression « sot Galiléen » était devenue proverbiale 591.
Noter ces aptitudes, c’est simplement ramasser des notions multiples dans une sorte d’expression algébrique.
J’ai les bras raccourcis aussi bien que les jambes, et les doigts aussi bien que les bras ; enfin je suis un raccourci de la misère humaine. » Qui sait si cette apparence simiesque ne fut pas une des causes qui déterminèrent le succès de Scarron, si elle ne contribua pas à faire de lui la vivante expression du goût littéraire contemporain ?
Sa vivacité et sa simplicité d’expressions, de tons, d’attitudes, lui donnent un pouvoir particulier d’exciter en nous la sympathie.
Dans ces sociétés animées par la conversation des femmes, tous les intérêts se placent par la parole entre toutes les frivolités ; la raison la plus solide, l’imagination la plus active y apportent leurs tributs ; les aines les plus sensibles y versent leurs effusions ; les esprits les plus affinés y apportent leurs délicatesses : là, tous les sujets se prêtent aux conditions que la conversation impose ; les matières les plus abstraites s’y présentent sous des formes sensibles et animées, les plus compliquées avec simplicité, les plus graves et les plus sérieuses avec une certaine familiarité, les plus sèches et les plus froides avec aménité et douceur, les plus épineuses avec dextérité et finesse, toutes réduites à la plus simple expression, toutes riches de substance et surtout nettes de pédanterie et de doctrine.
La noble Chambre fut près d’oublier un moment sa gravité dans un enthousiasme jusqu’alors sans exemple ; toutes les arrière-pensées, d’ordinaire prudentes et voilées, reconnaissant tout d’un coup leur expression éclatante, se révélèrent.
Ce que dit Monsieur Racine dans la préface des plaideurs, que les atheniens étoient bien sûrs quand ils avoient ri d’une chose qu’ils n’avoient pas ri d’une sotise, n’est que la traduction du latin que nous venons de citer, et ceux qui ont repris l’auteur françois de l’avoir écrit, lui ont donné, pour me servir de l’expression de Montagne, un soufflet sur la jouë de Ciceron, témoin qu’on ne peut reprocher dans le fait dont il s’agit.
Sous cette unique expression, on confond des phénomènes très différents et qui auraient besoin d’être distingués.
Et dites-moi, je vous prie, quel est l’homme supérieur qui se résignerait aujourd’hui à rentrer dans ce huis-clos étouffant de la décentralisation, et qui s’habituerait à cette pensée : « Tout ce que j’ai dans la tête, toutes ces idées que je sens vivre, marcher, s’agiter dans mon cerveau, je vais les produire au dehors, les formuler dans une magnifique expression, pour qu’elles meurent entre Angoulême et Barbezieux ?
Il est aussi dans les membres de phrase courts en même temps qu’ils sont sourds, des membres de phrase déprimés du commencement, auxquels s’oppose le membre de phrase final, non pas allègre, mais libre, mais libéré, s’espaçant discrètement, mais s’espaçant et prenant du champ et qui semble comme l’expression du soulagement et de la reprise de la vie dans un sourire : « les yeux des jeunes filles y sont (verts et bleus à la fois) comme ces vertes fontaines où sur un fond d’herbes ondulées se mire le ciel. » Ainsi, en lisant à haute voix, vous vous pénétrez des rythmes qui complètent le sens chez les écrivains qui savent écrire musicalement ; du rythme qui est le sens lui-même en sa profondeur ; du rythme qui, en quelque façon, a précédé la pensée (car il y a trois phases : la pensée en son ensemble, en sa généralité : « Je suis né en Bretagne » — le rythme qui chante dans l’esprit de l’auteur, qui est son émotion elle-même et dans lequel il sent qu’il faut que sa pensée soit coulée — le détail de la pensée qui se coule en effet dans le rythme, s’y adapte, le respecte, ne le froisse pas et le remplit) ; du rythme enfin qui, parce qu’il est le mouvement même de l’âme de l’auteur, est ce qui, plus que tout le reste, vous met comme directement et sans intermédiaire en communication avec son âme.
Reybaud est visible ; tous les critiques n’entrent pas dans des détails aussi domestiques ; mais que de fois des théories sur l’art, des vues historiques, toutes les recherches de l’esprit et de l’expression tiennent-elles la place de l’analyse que j’attends !
Croit-il qu’il me serait difficile de découvrir chez lui un mot douteux, une expression hâtive ?
Où il n’y a pas de société, il ne peut y avoir que l’expression d’une société étrangère.
Dandy d’érudition, comme d’expression !
C’est, par le fait, l’expression la plus glorifiante de cette opinion européenne que Goethe (j’en demande bien pardon à Shakespeare !)
Monselet, qui a étudié le xviiie siècle sans précaution, et qui était, il y a quelques jours encore, visage contre visage avec la face de satyre du chèvre-pieds littéraire Rétif de la Bretonne, l’auteur du Paysan perverti, a échappé si peu à l’influence du xviiie siècle pour le déshabillé du détail et la crudité de l’expression, qu’il se donne, sans aucun embarras, dans la préface même de son livre, pour une espèce de continuateur de Louvet de Couvray, quoiqu’il vaille infiniment mieux de toutes manières que ce misérable écrivain, de fausse élégance et de faux monde, ce Girondin du vice, « tout laitage aigri et cantharides noyées », comme disait Byron de Lewis.
Manon Lescaut est tout simplement l’expression du matérialisme du xviiie siècle rejoignant et embrassant au bout d’un quart de siècle, le matérialisme du xixe , qui avale le livre et le trouve bon… Trop près de la Révolution française et venant d’un homme trop médiocre pour qu’on fît beaucoup d’attention à son roman, il fut publié quand le sang allait tout à l’heure passer par flots sur cette société, fondue en boue, et qui avait été les chiffons du xviiie siècle.
S’il n’a pas l’imagination créatrice du poète, c’est-à-dire du faiseur, il a celle de l’expression, qui est aussi de l’imagination de poète, mais de poète qui sent et qui vibre au lieu de créer.
Il ne faudrait pas non plus, selon l’expression de Joséphin Péladan, traiter Léonard de Vinci comme un simple Vélasquez. […] « Qui se considère de la sorte s’effrayera de soi-même… Je vois ces effroyables espaces de l’univers qui m’enferment… Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraye. » Tout cela est magnifique d’expression. […] En d’autres passages, le cœur pour Pascal, c’est l’affectivité, l’amour, ou, selon son expression fort orthodoxe, la charité. […] J’admets volontiers que ce ne furent là que des boutades dont l’expression ne répondait pas à la véritable pensée de Schiller. […] L’expression dont vous devez vous souvenir comme étant répréhensible, voulait seulement dire aimer dans le sens le moins sensuel de ce mot élastique, et j’ai dû commettre quelque stupidité égoïste en racontant mon histoire.
Mais, suivant son expression, Stendhal avait couvert la toile. […] Il n’était même pas de ceux qui, suivant son expression, ne considéraient plus la religion que comme une poésie. […] Il y résumait toute sa personnalité, toute sa doctrine, et la seconde n’était — naturellement, dans son cas — que l’expression de l’autre. […] L’espace et le temps pourraient bien ne constituer, selon l’expression de Kant, que des formes de notre sensibilité. […] André Gide est allé au Congo et jusqu’au lac Tchad dans un accès d’« exodisme », suivant l’expression récemment inventée par M.
L’expression est parfaitement exacte. […] On dit ; « Le bienfaiteur sans le savoir » et « le prophète sans le savoir » et « le protégé sans le savoir » et « l’intrigant sans le savoir », etc., toujours avec solécisme et amphibologie ; mais tout le monde comprend et l’expression passe même pour exquise. […] Cette expression aussi est amphibologique ; mais elle est juste dans tous les sens. […] L’autre ne veut et n’admet, même en peignant ses monstres, que les plus nobles formes, les plus belles expressions des passions humaines. » Voilà. […] Voilà qui est bien, quoique peut-être un peu audacieux dans l’expression : ce qui vient après est supérieur, toujours, par ce seul fait qu’il vient après.
Son dilettantisme s’est complu à laisser, suivant une de ses expressions, les lobes de son cerveau engager entre eux des entretiens prolongés. […] Une lettre peu connue, qu’il adressa au conseil municipal de Rouen après la mort de Bouilhet, renferme une expression, indignée jusqu’à l’éloquence, de sa colère contre la médiocrité d’idées de la bourgeoisie. […] L’expression d’« homme fort » est à la mode. […] » Et le romancier ajoute : « Quelle superbe expression de l’unité d’une vie composée toute pour qu’un homme se consacre à la vérité ! […] J’en suis saoul, qu’on me passe l’expression.
Il n’emprunte les idées ni les expressions de personne ; ce qu’il voit, ce qu’il dit, il le voit et il le dit pour la première fois. […] L’imprimé de 1809 donne ici une version différente et qui mérite d’être reproduite, parce qu’elle ne laisse pas d’être heureuse et qu’elle semble de la plume même de l’auteur : « … Alors le Chevalier n’est plus le même homme : toutes ses lumières s’éteignent ; enveloppé de ténèbres, s’il parle, ce n’est plus avec la même éloquence ; ses idées n’ont plus la même justesse, ni ses expressions la même énergie, elles ne sont qu’exagérées ; on voit qu’il se recherche sans se trouver : l’original a disparu, il ne reste plus que la copie. » Cette expression : il se recherche sans se trouver, nous paraît d’une trop bonne langue pour ne pas provenir de Mme du Deffand.
Ce genre d’histoire a son mérite quand il ne s’agit pour l’historien que de bien regarder et de bien faire voir les faits ; mais regarder ce n’est ni sentir ni juger : le regard n’est pas un sentiment, le regard n’est pas un jugement ; le regard n’est qu’une perception presque indifférente, et, s’il est permis de se servir d’une expression souvent citée depuis que M. […] On qualifia ce départ des expressions les plus injurieuses. […] C’était, en un mot, un ambassadeur accompli, mais point un ministre dirigeant ; bien entendu qu’on ne prend ici cette expression que dans son acception la plus élevée.
À mes yeux donc, l’amour, dans le roman ou sur les planches, ne vaut pas par lui-même, mais par l’analyse des sentiments qu’il engendre et par l’expression qu’il revêt. Et cette expression, je l’aime mieux subtile et belle que sommaire et ravalée : voilà tout. […] Il a une espèce de générosité vague, d’autant plus effrénée dans son expression que les mobiles et l’objet en demeurent un peu confus.
La loi, telle que vous l’entendez, expression de la volonté générale, change tous les vingt ans. […] « Depuis l’Évangile jusqu’au Contrat social, ce sont les livres qui ont fait les révolutions. » La littérature est « l’expression de la société » d’aujourd’hui et le fabricateur de la société de demain. […] Il s’est maintenu dans cette double ligne, persuadé que son affirmation n’était point antichrétienne, ce qui est vrai, mais convaincu qu’elle confirmait son christianisme et n’en était que l’expression suprême, ce qui n’est pas démontré. […] Trois idées dominent tout l’ouvrage : les littératures sont l’expression et aussi les ferments d’activité morale des sociétés ; — le progrès existe, venant des littératures, et revenant à elles aussi, du fond de la conscience nationale, en telle sorte qu’il n’y a pas un siècle qui ne soit supérieur au précédent ; — les lettres fondent la liberté et elles en vivent. […] Ainsi que dans l’esprit de chacun de nous, l’expression naît de l’idée, mais à son tour donne à l’idée conscience d’elle-même, fait qu’elle vit et peut produire au lieu de rester incertaine et inféconde, de même si une littérature exprimait réellement l’âme d’un peuple, ce ne serait pas trop de dire qu’elle ne serait point autre chose que cette âme même, et le principe de vie qui animerait tout.
« Adieu, vous qui êtes meilleure que vous ne croyez (j’embrasserais Mme de Montrond sur les deux joues pour cette expression). […] Barbet, le plus aimé qui fut jamais au monde, adieu. » Le moment où Benjamin Constant peut réfuter avec une entière sincérité les petites méfiances de Mme de Charrière et où il continue d’être pleinement sous le charme du souvenir est si court et si prompt à s’envoler, que nous donnerons encore quelques pages qui en sont la vive et bien affectueuse expression. […] Il est impossible d’avoir plus d’esprit que ce jeune homme et une expression plus heureuse. […] L’expression est de Michaud l’académicien, très-bon journaliste, mais qui aussi, comme tel, savait, employer au besoin contre l’adversaire l’arme de la calomnie. […] Ce sont exactement les mêmes expressions qu’au début d’Adolphe : « … Je me donnai bientôt par cette conduite une grande réputation de légèreté, de persiflage, de méchanceté… On disait que j’étais un homme immoral, un homme peu sûr : deux épithètes heureusement inventées pour insinuer les faits qu’on ignore, et laisser deviner ce qu’on ne sait pas. » 183.
Expressions de Mme de Motteville. […] et où l’on ne dira que juste par cette expression de pitié, qui sera encore, à bien prendre, une générosité d’âme.
Mais cette façon d’envisager la nature, dont le discours du grand-prêtre Génius est demeuré l’expression la plus philosophique en notre littérature, a plutôt abouti à des conclusions relâchées de morale et à une poésie de plaisir ; il n’en est sorti aucune grande peinture naturelle. […] Nulle part il n’a montré aussi vivement que dans ces deux ouvrages, et dans la Chaumière surtout, qui, après Paul et Virginie, approche le plus, comme a dit Chénier, de la perfection continue, ce tour de pensée et d’imagination antique, oriental, allant naturellement à l’apologue, à la similitude, qui enferme volontiers un sens d’Ésope sous une expression de Platon, dans un parfum de Sadi.
Toute cette philosophie écrite a été dite, et elle a été dite avec l’accent, l’entrain, le naturel inimitable de l’improvisation, avec les gestes et l’expression mobile de la malice et de l’enthousiasme. […] C’est là que j’ai entendu Roux et Darcet exposer leur théorie de la terre, Marmontel les excellents principes qu’il a rassemblés dans les Éléments de la Littérature, Raynal nous dire à livres, sous et deniers, le commerce des Espagnols à la Vera-Cruz et de l’Angleterre dans ses colonies », Diderot improviser sur les arts, la morale, la métaphysique, avec cette fougue incomparable, cette surabondance d’expression, ce débordement d’images et de logique, ces trouvailles de style, cette mimique qui n’appartenaient qu’à lui, et dont trois ou quatre seulement de ses écrits nous ont conservé l’image affaiblie.
« Diane. » Cette lettre, cette pitié, et cette magnifique expression trouvée : « on diroit que les précipices sont en haut », prouvent que le sortilége de Diane était dans son génie et dans son cœur autant que dans sa fabuleuse beauté. […] Bien que ces lettres textuelles, nous le répétons ici, n’aient aucune authenticité matérielle à nos yeux, bien qu’elles portent même des traces de mensonge et d’impossibilité dans l’excès même des scélératesses et des cynismes qu’elles expriment, il est certain qu’elles se rapprochent beaucoup de la vérité, car un témoin grave et confidentiel des entretiens de Darnley et de la reine, à Glascow, donne de ces entretiens une relation parfaitement conforme au sens de cette correspondance ; il relate même des expressions identiques à celles de ces lettres et qui attestent que, si les paroles ne furent pas écrites, elles furent pensées et prononcées entre la reine et son mari.
Mais à peine avait-il écrit ces lignes impies qu’il rougissait de les avoir écrites et qu’il s’en vengeait en écrivant d’une main plus ferme les pages les plus solides de pensée et les plus magnifiques d’expression sur l’existence de Dieu dans ses œuvres, sur la conscience, ce code vivant de la morale une et éternelle, sur la moralité ou sur l’immoralité des actes humains, moralité ou immoralité qui suppose une peine ou une rémunération finale, et par conséquent une immortalité. […] Cette résolution de Voltaire, d’éviter à tout prix la persécution et le martyre par des professions de foi prononcées avec le rire de la dérision sur les lèvres, donne à sa physionomie historique une expression de sarcasme, moitié défi, moitié feinte, qui ajoute le ridicule à l’incrédulité, mais qui diminue la dignité et la grandeur du philosophe.
2 Marcelin Berthelot Ἔν τὸ πᾶν Un et tout ; c’est le symbole de la science sacrée des anciens, et c’est aussi l’expression du génie de Victor Hugo. […] Il a su transmuter la substance de tout en substance poétique, ce qui est la condition expresse et première de l’art, l’unique moyen d’échapper au didactisme rimé, cette négation absolue de toute poésie ; il a forgé, soixante années durant, des vers d’or sur une enclume d’airain ; sa vie entière a été un chant multiple et sonore où toutes les passions, toutes les tendresses, toutes les sensations, toutes les colères généreuses qui ont agité, ému, traversé l’âme humaine dans le cours de ce siècle, ont trouvé une expression souveraine.
Rien de plus simple cependant, et il est bien probable que, si un incident extérieur n’était venu me tirer brusquement du milieu honnête, mais borné, où s’était passée mon enfance, j’aurais conservé toute ma vie la foi qui m’était apparue d’abord comme l’expression absolue de la vérité. […] Des idées, des sentiments m’apparurent, qui n’avaient eu d’expression ni dans l’antiquité, ni au xviie siècle.
Les paysans, rançonnés, massacrés, se réfugient dans les villes fortes, ou se terrent dans les forêts, « remettant tout, suivant l’énergique expression d’un chroniqueur, aux mains du diable ». […] Il est rare aujourd’hui qu’un journal soit seulement l’organe d’une opinion, le moyen d’expression d’un groupe politique.
Alexandre, selon l’expression des Anglois, de M. […] Les plus considérables, & les seules peut-être qui méritent le nom de parodie, sont celles de ces poëmes qu’on détourne à un autre sujet par le changement de quelques expressions ; ou bien celles de ces poëmes faits exprès dans le goût sublime sur un sujet qui ne l’est pas.
Elle remarqua le lien nécessaire qui joint la pensée d’un peuple à celle de ses écrivains, et conclut par le célèbre aphorisme : La littérature est l’expression de la société. […] Hegel avait dit aussi : « L’artiste par conséquent ne prend pas, quant aux formes et aux modes d’expression, tout ce qu’il trouve dans la nature, et parce qu’il le trouve ainsi ; mais s’il veut produire de la véritable poésie, il saisit seulement les traits vrais, conformes à l’idée de la chose ; et, s’il prend la nature pour modèle, ce n’est pas parce qu’elle a fait ceci ou cela de telle façon, mais parce qu’elle l’a bien fait. » (De l’Esthétique, t.
La bourgeoisie est l’expression d’une certaine tendance humaine à jouir bestialement des réalités matérielles. […] Les figurants se tiennent mal, et ne vagissent que des expressions sans nouveauté, mais une scène est écrite.
Au milieu de tout ce qu’elles renferment de gracieux, d’aimable, de tendre même au point de vue de la famille, il fait remarquer qu’on n’y rencontre jamais l’expression d’un sentiment religieux, pieux, jamais une larme de tendresse ou de tristesse, une parole d’humilité ou de compassion.
Il y aurait bien ici quelque chose à dire pour le style et pour le rapport des images ou des expressions entre elles : un mélange de deux mondes, qui, tombant dans une âme, la saisit sous une double étreinte… Ce n’est pas très-régulier ni d’une analogie bien suivie.
Le Play se tourna dès lors à étudier l’ouvrier sous tous les aspects et dans toutes les conditions de son existence ; il fit ces monographies exactes et complètes qui ne laissent rien à désirer et qui sont d’excellentes esquisses à la plume ; il photographia, selon son expression, des types d’ouvriers et de familles.
Mordre l’inconnu est dur ; le goût, ce je ne sais quoi d’indéfinissable qui devrait être de tous les temps et de toutes les écoles, rejette de pareilles expressions.
Le maître ne voulait que me faire tomber d’une main, et de l’autre main, suivant sa propre expression, me relever plus ou moins ; mais il a appelé pour cela trop de monde.
Pour moi donc, n’en déplaise aux mânes du guerrier Pylæmenès, si, dans l’un et l’autre chant où il apparaît, je rencontre, jaillissantes à chaque pas, de ces beautés d’expression comme je viens d’en indiquer, et particulièrement de ces comparaisons uniques et aussi surprenantes que naturelles, j’ai ma réfutation intérieure suffisante, j’ai ma démonstration toute trouvée que c’est toujours du même Homère.
C’est qu’avec beaucoup d’imagination il est naturellement peu coloriste, et qu’il a besoin, pour arriver à une expression vivante, d’évoquer, comme par un soubresaut galvanique, les êtres de l’ancienne mythologie.
Il ne faut pas prendre ici l’expression actif dans le sens que lui donnent les psychologistes.
Vous me demandez ce que j’aurais dit : je vous envoie ce que j’avais préparé, en le réduisant à sa plus simple expression : c’est surtout quand on se sent inutile, qu’il convient d’abréger. » 69.
Par ses innombrables légendes de saints, par ses cathédrales et leur structure, par ses statues et leur expression, par ses offices et leur sens encore transparent, il a rendu sensible « le royaume de Dieu », et dressé le monde idéal au bout du monde réel, comme un magnifique pavillon d’or au bout d’un enclos fangeux7.
Le caractère (et non la régularité, la noblesse, la généralité, éléments classiques de la beauté) doit être l’objet de l’imitation, de l’expression littéraires.
. — L’ampleur des formes est favorable à l’expression de la bonté. — Une génération qui n’aimerait que la première jeunesse et ne serait pas policée par le commerce des dames resterait grossière. — Une femme qui aime et qui est bonne peut, à tout âge, donner le bonheur, douer le jeune homme. » Il vous apparaîtra de nouveau, si vous pesez les mots de cette dernière phrase et si vous en cherchez le commentaire dans le texte du chapitre, que le naturisme de Michelet n’est pas précisément le naturisme de Molière.
Gautier est, après le maître, l’expression la plus distinguée.
Ce sera lui qui étendra les idées des autres hommes, qui sous la forme du sentiment, développera les pensées qui reposoient au fond de leurs cœurs, & qui placera sur leurs lévres cette expression juste & facile dont il leur aura donné l’exemple.
L’expression naïve de leurs sentimens vole sans effort sur leurs lévres, ils osent se montrer tels qu’ils sont ; la confiance s’établit, le rapport de goût se fortifie, l’amitié les unit à jamais, ils pensent ensemble, & ils n’ont point à craindre que la cupidité vienne briser des nœuds dont le charme fait toute la force.
On sent mieux, et, par conséquent, on dit mieux ce que l’on produit que ce que l’on emprunte des autres par le secours de la mémoire… Le geste et l’inflexion de voix se marient toujours avec le propos au théâtre, tandis que, dans la comédie apprise, le mot que répète l’acteur est rarement celui qu’il trouverait s’il était livré à lui-même. » L’effet produit par la commedia dell’arte était donc plus grand que celui produit par la comédie soutenue, et cela précisément à cause de la spontanéité de l’expression.
Tout rationalisme sociologique et moral est une expression de la volonté sociale d’un groupe ; une affirmation de la domination de la société sur l’individu.
L’expression, « Fils de la femme » pour le Messie se trouve une fois dans le livre d’Hénoch, LXII, 8.
Le mot nécessité est également une expression impropre, qui devrait même être bannie de toutes les sciences physiques ou morales.
C’est dans ces considérations qu’il me semble raisonnable de chercher les vrais motifs des suppositions bizarres que renferme la lettre à madame d’Heudicourt, et des expressions pleines d’humeur sans conviction qui la caractérisent.
Ce père serait, comme on voit, un parrain médiocre ; c’est le fruit sec de l’égoïsme dans la plus ingrate expression du mot.
Mais d’abord définissons cette expression, l’école.
Tout, dans les tableaux qu’il trace, jusqu’à ses germanismes & aux expressions singulières, marque l’empreinte de son ame.
La distinction des deux sujets est le seul point fondamental ; quant à la participation de l’un et de l’autre (selon l’expression de Platon), vous pouvez la supposer aussi intime qu’il vous plaira, pourvu qu’elle n’aille pas jusqu’à l’absorption.
Guizot s’appuie, et c’est de bonne guerre, sur l’aveu des philosophes eux-mêmes, qui reconnaissent que la philosophie est divisée en systèmes éternellement opposés, éternellement les mêmes, qu’elle tourne toujours dans le même cercle, sans jamais avancer, variant les expressions et les formes de ses hypothèses, mais retombant toujours dans les mêmes hypothèses.
Cette médiocrité contente et tranquille, qui nourrit, doucement l’amour-propre, saut effrayer celui de personne, qui permet de se croire quelque chose sans trop de vanité, et aux autres de nous compter pour rien sans trop d’injustice, cette médiocrité d’or, pour appliquer ici une belle expression d’Horace, fait jouir ceux qui l’ont en partage d’une félicité obscure, et par là même plus assurée et plus durable.
Quoique l’intuition suraiguë de la Visionnaire ne défaille nulle part, non plus que l’expression, sous la plume qui écrit pour elle, cependant, à cause probablement du pathétique de la passion du Sauveur, qui écrase tous les pathétiques de toutes les tragédies humaines, le Récit de la Passion paraît supérieur à la Vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ et à celle de sa Mère.
Non, ce ne fut point le Roi de la Critique, ni même le Prince, ni même — j’ose le dire — un critique du tout, dans le sens juste et profond de l’expression.
Perdue dans son rêve de suprématie, au milieu des nuages d’encens dont elle s’entoure, « l’âme idéaliste de la France », pour répéter une expression typique récemment employée à la tribune de la Chambre, ne laisse apercevoir qu’une pitié dédaigneuse à l’égard des « barbares » qui avoisinent son territoire sacré.
L’expression de « Temps physique » eût parfois été à double sens ; avec celle de « Temps mathématique », il ne peut pas y avoir d’équivoque.
Il semble que cette nation spirituelle et vive, dans un climat doux et voluptueux, livrée à tout ce qui peut amuser l’imagination et enchanter les sens, s’occupe plutôt à jouir des impressions qu’elle reçoit qu’à les transmettre, et dans l’expression des arts même, cherche encore plus à intéresser les sens que l’âme et l’esprit.
S’il y a dans la musique une expression, un sentiment très indépendant de l’attirail scientifique, de l’harmonie et des morceaux d’ensemble ? […] Ce peuple savant et poli semble avoir employé le beau idéal uniquement pour l’expression des formes physiques, et presque jamais pour celle des caractères, des sentiments et des idées morales. […] Ce sonnet n’est point indigne de Corneille ; mais il n’a pu trouver grâce aux yeux de Voltaire, qui déclare que Corneille n’était point fait pour les sonnetset pour les madrigaux ; il tourne en ridicule quelques expressions de l’épître, qui lui paraissent trop pompeuses ; il eût voulu sans doute que Corneille dît des douceurs à la régente, qu’il la cajolât comme il cajolait, lui, les princesses allemandes, assez bonnes pour le souffrir, et, qui pis est, pour s’en faire honneur. […] Il se répand en éloges qui ne paraissent pas s’accorder avec sa modestie ordinaire, mais qui ne sont au fond que l’expression franche et naturelle de son sentiment sur cette tragédie. […] Si Corneille, dans son examen, a l’air de tant se complaire dans sa Rodogune ; s’il trouve qu’elle réunit tout, la beauté du sujet, la nouveauté des fictions, la force des vers, la facilité de l’expression, la solidité des raisonnements, la chaleur des passions, les tendresses de l’amour et de l’amitié ; on dirait que Voltaire a pris un malin plaisir à déchirer cet objet des complaisances et de la tendresse de son auteur : il reconnaît la beauté du sujet ; mais les fictions lui paraissent plus absurdes que nouvelles, les vers plutôt ampoulés que forts, l’expression plus guindée que facile, les raisonnements plus subtils que solides, les passions plutôt outrées que vives, l’amour et l’amitié plus fades que tendres : c’est le résultat du commentaire, qui semble d’un bout à l’autre appartenir à la satire beaucoup plus qu’à une juste critique.
Ils n’ont cependant de répréhensible que cette expression les vrais amants, qui tient un peu trop de la galanterie romanesque. […] Les ordres de la voix ; c’est la première fois qu’on s’était servi d’une pareille expression. […] Le cœur dur de soi-même idolâtre n’est que le commentaire de la marâtre, et ce commentaire est d’une expression malheureuse : le ton en est sentencieux et plein de morgue. […] Le malheureux besoin est une expression très impropre. […] On remarque quelques expressions qui peuvent blesser notre délicatesse : le jaloux n’est pas toujours scrupuleux dans le choix des épithètes qu’il donne à sa femme.
J’ai tâché de montrer en eux l’homme autant que l’œuvre, et dans les deux, l’expression d’une société. […] Quelques-uns de ces Russes atteignaient du premier coup les conceptions désolées et les grossièretés d’expression auxquelles nous sommes venus tout récemment, à force de labeur ; si c’est là un mérite, il importait de leur en restituer la priorité. […] … Quand la mère vit ses fils déjà en selle, elle se précipita vers le plus jeune, dont le visage laissait paraître quelque expression de tendresse ; elle saisit l’étrier, se cramponna à l’arçon ; le désespoir dans les yeux, elle ne voulait plus lâcher prise. […] Le talent de l’écrivain, dans ses meilleures productions, n’était que l’émanation directe de cette terre, une communication spontanée de la poésie des choses ; il n’est pas une page de son œuvre où l’on ne sente, suivant l’expression de Griboïédof, « la fumée de la patrie ». […] La langue, elle aussi, est plus riche, plus souple, plus moelleuse, telle qu’aucun écrivain ne l’avait encore portée à ce degré d’expression.
La critique ne sera jamais que la rencontre de deux esprits, l’un créateur, l’autre analyseur, et l’expression de l’effet qu’aura produit le premier sur le second. […] Et, en effet, de même qu’on a dit de Voltaire : « conservateur en tout, sauf en religion », de même il faudrait dire de l’Encyclopédie : « révolutionnaire en tout, sauf en littérature, comme le siècle dont elle est l’expression, l’image, le représentant, et aussi le guide ». […] Une âme et une intelligence du dix-huitième siècle, unies à une imagination du dix-neuvième et à un don d’expression tout personnel, c’est Victor Hugo. […] Les expressions de son amitié furent aussi touchantes que celles de sa colère avaient été impétueuses… » Voilà Voltaire professeur. […] Cette forme qui excluait toute action théâtrale excluait aussi ces grandes expressions des passions, ces tableaux frappants des infortunes humaines, ces traits terribles et perçants qui arrachent le cœur.
Ce n’est pas seulement le distingué et le délicat qu’on aime en lui : cette jeunesse dissolue adore chez Musset l’expression de ses propres vices ; dans ses vers, elle ne trouve rien de plus beau que certaines poussées de verve où il donne comme un forcené. […] C’est depuis qu’ils ont cette prétention que l’expression de penseur revient si souvent avec une affectation ridicule dans le vocabulaire des poètes. […] Je répondis par cette lettre, qui est l’expression la plus naturelle de ma pensée : Mon cher ami, Troubat me dit que vous désirez mon avis sur Turquety. […] Rien de plus rare que ce vrai goût dans l’expression chez quelques-uns des écrivains même qui se sont posés récemment en amis et en défenseurs du goût classique et de l’ancienne simplicité.
On a vu dans tous les dieux des forces de la nature personnifiées et dans leurs aventures l’expression figurée des principaux phénomènes naturels, on a réduit toutes les histoires d’amour des antiques divinités à des mythes astronomiques ou météorologiques. […] Puis l’expression était heureuse ; c’était un charmant exemple de ce que les grammairiens appellent une « alliance de mots ». […] Le romanesque est surtout un rêve moral, et il se passe de l’expression plastique. […] Peut-être même a-t-il vu verser du champagne dans les pianos, ce qui est, comme on sait, le « comble » et l’expression suprême de la haute vie. […] Car « le bien est le but de ce monde, et l’amour est l’expression intense du bien ».
S’il ne sait pas saisir la grâce en mouvement et noter ces nuances d’expression, presque insaisissables, qu’un écrivain subtil a nommé la « féerie du visage humain », du moins il est incomparable dans l’art de préciser en un pur contour les beautés sereines et stables. […] On y voit comment, après le départ de Grévy et avant la fuite de Boulanger, tout le monde, sans distinction de parti, s’appliqua très consciencieusement à revenir sur une mesure trop vite accordée à des rancunes ou à des frayeurs, dont l’expression avait été peu noble. […] Les lèvres rasées ont une vilaine expression de chicane. […] Jacques Andarran… La plupart de ces figures sont présentées avec le bonheur d’expression dont M. de Vogüé nous a donné maintes preuves. […] Bourget n’est peut-être éloigné de cette opinion que par les nuances changeantes dont s’atténue et dont se voile l’expression de sa pensée.
Le monde de Balzac est sorti de ses livres pour venir habiter parmi nous ; et ses héros sont aujourd’hui nos maîtres. » Vous lisez cela et vous craignez que l’expression vive ait dépassé la pensée de M. […] Leur expression surtout se modifie. […] Les romans et la doctrine sont, en deux fois, l’expression de leurs goûts, de leurs aptitudes et aussi de leurs infirmités. […] … — Je n’aime pas beaucoup cette expression. — Oui, je vous quitte… Étriquée dans son chagrin comme dans ses joies, elle me regarde sans parler. […] Elle l’affiche, parfois, d’une regrettable manière, en supposant qu’il faut à ses idées la singularité du style et de nouveaux modes d’expression.
Il consiste dans le désaccord d’une pensée pauvre et d’une expression riche, et dans la débilité du jugement, qui fait tantôt de la pitié, tantôt de la colère, tantôt du dégoût, tantôt de la mélancolie, la règle forcenée de l’univers et du style. […] Elle a trouvé sa véritable expression avec le cinéma actuel, qui frappe les yeux, en effleurant à peine l’esprit. […] Il en possède les deux principaux caractères : 1° divinisation de l’impulsion sexuelle ; 2° prédominance formidable des moyens d’expression sur les idées ou sentiments à exprimer, en un mot inflation verbale, avec dépréciation consécutive de la valeur réelle des mots. […] Il a infligé à l’expression lyrique la même monotonie que le naturalisme a infligée à l’expression du réel. […] Brunetière, et tous ceux qui, avec lui, proclament faillite ce qui est remplacement, sont des niais, ou, si vous préférez une expression plus polie, des serins.
» — Ce n’est pas étonnant, dit-il, j’ai un ami — il affectionne ce terme en parlant de ses serviteurs — qui a été mon professeur pendant dix ans et qui est resté ici avec moi : c’est un Parisien et un puriste ; et m’avez-vous entendu me servir d’une expression peu orthodoxe ? […] Toujours élégante, ingénieuse (on y remarque tout au plus deux ou trois anglicismes : dissatisfait ; éliciter, pour : faire jaillir) qui n’ont certainement été employés que parce qu’ils semblaient rendre plus exactement certaines expressions du texte. […] Soutenue par sa fierté blessée et la hauteur qui lui était naturelle, immobile comme un marbre, mais la mort dans le cœur, elle prononça avec fermeté le oui qui la liait à un inconnu qu’elle haïssait d’avance ; puis ses yeux se portèrent avec une expression indicible sur le Roi, qui pâlit quand ce regard se croisa avec le sien. […] Nous ne sommes plus au grand siècle où l’on cherchait dans toutes les productions du génie cette fermeté et cette sobriété de caractère qui étaient l’expression de la raison parfaite. […] Le tout raconté avec le charme qui se dégage de toute œuvre présentée avec la simplicité de l’expression et la sincérité de l’impression.
Cet ancien dragon devait les réussites de sa carrière à l’étalage d’un civisme dont l’expression enthousiaste ne connaissait pas de bornes. […] Il voulait, selon ses propres expressions, demeurer près d’un intérêt constant, qui faisait le bonheur de sa vie intérieure. […] Leurs hommages au héros acclamé par les multitudes étaient moins l’expression de leurs sentiments qu’une habile concession à l’opinion publique, absolument « emballée ». […] Ces fortes expressions d’un grand poète ne sont point des figures de rhétorique. […] » On trouve l’exacte expression de « cet état d’âme » dans l’imagerie populaire de ce temps-là.
Ceux-ci ne cessent jamais d’être des hommes, et ce sont tous, pour me servir d’une expression qui revient souvent sous la plume du Maître, ce sont tous, du plus grand jusqu’au plus petit, « de bons bougres », si semblables au fond, malgré leur différenciation apparente, charriés en foule par des forces inconnues, dans l’immense remous social, vers ces fins mystérieuses encore qui sont celles de l’espèce humaine ! […] Ainsi Émile Verhaeren, notre Hugo, dans ses visions magnifiques et tragiques, où se mêlent encore assez d’« échos intérieurs » pour faire de ses poèmes les plus complètes expressions de paysages vus à travers un état d’âme, — et d’états d’âme vus à travers un paysage. […] Et je comprends moins encore ces magnificences de visions que l’expression de symboles qui le sont véritablement.
Nul n’était plus capable de saisir les travers au passage que le prince qui, selon l’expression fort juste de la Harpe, avait établi une sorte de législation des bienséances. […] Quand il marche, tout se croit également menacé… Qui veut entendre combien la raison préside dans les conseils de ce prince n’a qu’à prêter l’oreille, quand il lui plaît d’en expliquer les motifs… La noblesse de ses expressions vient de celle de ses sentiments, et ses paroles précises sont l’image de la justesse qui règne dans ses pensées. […] Préface de Bérénice : « Ils ne songent pas qu’au contraire toute l’invention consiste à faire quelque chose de rien, et que tout ce grand nombre d’incidents a toujours été le refuge des poètes qui ne sentaient dans leur génie ni assez d’abondance ni assez de force pour attacher durant cinq actes leurs spectateurs par une action simple, soutenue de la violence des passions, de la beauté des sentiments et de l’élégance de l’expression. » 214.
Là-dessous le Thabor, une colline ronde comme un dessus de pâté, où sont aplatis, et comme désossés, trois apôtres-marionnettes, de vraies caricatures de l’ahurissement ; puis en bas une incompréhensible mêlée d’académies, de têtes d’expression à copier dans les collèges, de bras aux brandissements tels qu’on les voit dans les tragédies de Saint-Charlemagne, d’yeux, où un professeur bien appliqué semble avoir mis le trait de force dans le point visuel. Dans tout cela, pas un atome du sentiment, qui, chez Simon Memmi, Filippo Lippi, Botticelli, Pietro di Cosima, enfin chez les plus petits primitifs, donnèrent à ces scènes, l’expression d’émotion recueillie, presque de componction, enfin de cette sainte placidité dans l’étonnement, angélisant, pour ainsi dire, les yeux de ceux qui assistent à un miracle. […] La rue lépreuse avec son air de cul-de-sac provincial, et qui fait brusquement le coude à une petite entrée de Saint-Germain-des-Prés : une rue où le bric-à-brac coulait sur le pavé, où des fauteuils étaient à cheval sur le ruisseau, une rue où l’on marchait au milieu de cadres dédorés, une rue où aux devantures et sur les portes, c’était un méli-mélo de vieux portraits sur des chaises n’ayant plus que des sangles, des tapisseries représentant des saintes brodées à l’aiguille, des crucifix, des portoirs de fayence, des fontaines de cuivre, des plats en étain, une ferronnerie et une ferraillerie moyenâgeuses, et des bouts de cors de chasse, passant sous des habits de membres de l’Institut, et des guitares pendues sur des châssis, représentant des têtes d’expression de femmes grecques en turban de Mme de Staël, peintes aux années philhellènes, et des ciels de lit aux vieilles soieries faisant des auvents de boutiques.
De ces trois éléments de son opposition, les deux premiers devaient mourir parce qu’ils n’étaient que des esprits de parti ; mais le troisième élément de l’opposition de Béranger était immortel comme la philosophie de la raison et comme la charité des peuples dont il était l’expression. […] La royauté de Juillet, expression confuse des trois oppositions incompatibles, mal conciliées par Béranger en 1830, bonapartisme, républicanisme, orléanisme, ne pouvait aboutir, un jour ou l’autre, qu’à un avortement. […] La France, selon l’expression de Béranger, n’avait pas eu le temps de le concevoir encore et de le porter à maturité.
George Sand imite M. de Balzac aussi bien dans les formules énigmatiques, ampoulées, incorrectes, faussement originales, que dans les expressions triviales du jargon populaire. […] Il faut donc démolir, nous nous servons de votre expression favorite, il faut donc démolir l’ouvrage que nous n’avons aucun intérêt à louer. […] Buloz ait pris au sérieux une lettre qui se clôt par ces paroles : « Daignez agréer, monsieur, avec toute ma reconnaissance pour vos bons procédés, l’expression de ma considération la plus distinguée. » En effet, on a des compliments affectueux pour ses inférieurs, des compliments empressés pour ses égaux, de la considération distinguée pour le commun des martyrs ; mais il n’y a que les princes et les jolies femmes que l’on prie de daigner agréer les sentiments que l’on a ou que l’on n’a pas pour eux ; vous voyez donc bien, mon cher ami, que M.
Les uns ont éprouvé de la colère ; les autres, de la stupeur, bien entendu, dans la mesure où la correction mondaine permet l’expression de ces deux sentiments, en général trop expressifs. […] L’apparition soudaine des grands steamers dans la brume, les hallucinations qu’elle provoque dans la nuit, sont rendues par Knut Hamsun avec une force, une terreur, une grandeur d’expression inconnues à M. […] Qui sait si ce n’est pas dans le péché que la plupart des grands hommes ont puisé le secret de leur force, et l’expression de leur beauté, et le frisson de leurs douleurs ? […] l’accueil glacial que je reçus de ce grand homme, sa physionomie sèche, la solennité vide de son expression générale me déconcertèrent tout d’abord. […] Il écrit parce qu’il y a en lui une force supérieure qui le pousse à écrire des choses essentielles, à crier ses pensées, à donner la vie et l’expression aux idées qui tourmentent son cerveau et y bouillonnent.
En matière d’analyse intérieure et de confession, la sincérité tourne si vite à des formules apprises, à un poncif, à un mécanisme, son expression directe est si tôt écrasée et usée, qu’il est nécessaire de lui donner des expressions inverties, de, lui tourner momentanément le dos, de la transposer sur un plan de fantaisie, de la retremper par cette gymnastique qu’est précisément l’ironie. […] Une Année dans le Sahel et surtout Un Été dans le Sahara sont bien écrits sous le signe et dans la hantise de la peinture, mais aussi dans une liberté qui sait se dégager, quand il le faut, des images, pour arriver à l’expression de l’intelligence pure. […] Son style descriptif n’aboutit pas, comme celui de Chateaubriand et de Loti, à une vision nouvelle des paysages rendue par une expression littéraire nouvelle. […] Mais si ce critique est aussi un peintre, comme Fromentin, il sera intéressé plus spécialement par les « moyens d’exaltation » ou simplement d’expression. […] Ma monade centrale tolère telle ou telle agrégation comme son expression provisoire ; mais elle ne se fait pas illusion sur la fragilité de cette configuration.
S’il s’agit des Aspects, je mets au défi quiconque d’y découvrir une expression qui sorte du ton admis dans les lettres. […] Un individualisme mal compris fit qu’on rechercha des formes inusitées pour l’expression de sentiments rares, et c’est ainsi que le vers libre, très bon instrument en soi, servit aux cacophonies les plus étranges. […] Comme il comportait une notion du lyrisme plus large que les précédentes, le vers libre, aboutissant de la révolution romantique, était le moyen d’expression qu’imposaient les circonstances. […] Une expression de raillerie farouche s’en dégage, et je n’oserais l’envisager si je ne découvrais au-dessus un bouleau dont les branches retombantes flattent les reins et les flancs du monstre comme pour l’apprivoiser… Qu’il est beau cet arbre ! […] Son invention de la nature lui fournit des expressions poignantes qui, mieux que tout discours balancé, rendent la violence de son émotion.
On a pu voir si c’était un excentrique, et la meilleure preuve du contraire n’est-elle pas le choix précisément du sujet de sa conférence, de cette poésie sublime et chaste jusque dans l’expression de la plus véhémente passion ? […] Je demande en toute humilité, et comme préambule, qu’on me permette d’ajouter que mon premier séjour à Londres fut d’un genre frivole (pour ne pas user d’une expression plus forte), et que j’y perdis, très probablement, cet esprit sérieux dont je me suis depuis lors si rarement écarté. […] Chacun est libre d’avoir son opinion, mais en matière d’art, je n’ai de préférence ni pour l’un ni pour l’autre, si les intéressés sont dans le royaume des égaux, expression de Victor Hugo dans son bel ouvrage sur « William Shakespeare ». […] Son dialogue est un inépuisable divertissement, au plus noble sens du mot « spirituel », et rempli des « high spirit » et « animal spirit » des Anglais, expressions peu traduisibles en Français, car les mots « belle humeur » et « bonne humeur » n’offrent qu’une idée inexacte de leur sens. […] Blond, un peu replet, avec une bonne figure pleine de santé, il me plut tout soudain ; il accueillit l’expression de ma très sincère gratitude par une poignée de mains dont l’étreinte devait durer jusqu’à sa mort.
» Mourir sans l’avoir dit, disons-nous à notre tour, mourir en montrant la dignité de la mort, et en se gardant bien de souiller la sublimité de son cœur par la turpitude de son expression. […] Devant cette victoire prodigieuse et médiocre, devant cette victoire sans victorieux, ce désespéré se redresse ; il en subit l’énormité, mais il en constate le néant ; et il fait plus que cracher sur elle ; et, sous l’accablement du nombre, de la force et de la matière, il trouve à l’âme une expression, l’excrément.
Son faux sourire, expression habituelle de sa bouche, devait éclater quand il était seul, et ses confidences ouvertes devaient démentir ses prétentions cachées. […] Dans le Cosmos, selon l’antique expression d’Aristarque de Samos, qui préludait au système de Copernic, le soleil (avec ses satellites) n’est qu’une des étoiles innombrables qui remplissent les espaces.
Les oraisons funèbres sont des sermons, à tel point que le plan, les idées, parfois les expressions même sont communes au Sermon sur la Mort et à l’Oraison funèbre de la Duchesse d’Orléans. […] Cette misérable dégénérescence de l’éloquence religieuse trouve son expression parfaite dans l’abbé Maury, le plus fleuri, le plus harmonieux, le plus froid, le plus vide et ie moins sincère des orateurs que, par habitude, on continue d’appeler chrétiens : Maury est à Bossuet ce que Fontanes est à Racine.
La méthode, qui est comme une première vérité générale et éternelle, et donne de la vie à tout écrit ; l’invention ; l’expression parfaite de toutes les vérités générales intéressées dans le débat ; le style, par lequel se révèlent avec éclat ces trois grandes qualités des écrits durables. […] Les écrits de Pascal sont plus parfaits que ceux de Descartes : non que le style de Descartes soit en aucun endroit moins clair, moins précis, moins frappant que sa matière ne le voulait ; mais cette matière n’a pas eu besoin de toutes les nuances d’expression, de toute la force d’accent, qui varient et passionnent la langue de Pascal.
C’est là qu’il se forma, par le raisonnement et la comparaison, un style d’une exactitude admirable dont les tours et les expressions étaient à tout le monde, mais qui lui appartenait en propre par la force même du consentement qu’il y donnait. […] On oubliait le fond par trop d’attachement à l’expression, on se flattait dépenser assez noblement, si l’on savait se passer de quelque mot proscrit.
C’est une des bonnes ruses de l’instinct social d’avoir ainsi présenté ses propres suggestions comme l’expression de ce qu’il y a de plus intime et de plus personnel dans l’individu. […] Cela permet à la société, tout en le formant, en s’en servant, de l’exalter comme l’expression de la libre personnalité, de la personnalité idéale de l’homme — ce qui est vrai en un sens — et de le faire ainsi accepter plus volontiers par la partie égoïste du moi.
Il y a trop de musique dans la musique du théâtre, elle en est toute surchargée ; et, pour employer l’expression naïve d’un homme justement célèbre, du chevalier Gluck : Notre opéra pue de musique ! […] Enfin, dans la seconde partie, Fourcaud relève l’expression de l’orchestre, le jeu des thèmes, des leitmotive ; il commente l’action ou les paroles des personnages : « Ce qu’ils avouent, les instruments le confirment ; et ce qu’ils taisent, la symphonie le révèle ».
Expression légitime pour désigner notre volonté en tant qu’elle a pour ressort : 1° notre caractère même ; 2° l’idée de sa propre causalité. […] L’impossibilité du contraire n’est qu’une expression indirecte de ce qu’il y a d’unique et d’original dans la réalité actuelle.
Elle redit sous des formules plus étudiées, avec des expressions plus littéraires, mais elle ne fait que redire les ironiques petites chamaillades, le tendre ferraillement d’esprit de ces moments-là, — en un mot le fraternel duel à huis clos de l’Expérience et de l’Illusion. […] Elle retrace enfin avec des souvenirs bien personnels et vécus — l’expression est acceptée aujourd’hui — des sentiments qui ont le mérite de représenter rigoureusement, à la scène, les sentiments humains et contradictoires de deux hommes d’âge différent, confondus et mêlés dans une même existence.
» leur dit-il en langage vulgaire, « ne perdez pas de temps à mettre en sûreté les faibles animaux qui peuplent votre sainte retraite : tout annonce l’approche du roi Douchmanta (c’est lui-même), qui se livre au plaisir de la chasse. » Puis, reprenant le langage des vers, comme cela a lieu dans le drame toutes les fois que l’expression s’élève avec le sentiment ou avec la description : « Déjà », dit-il, « un tourbillon de poussière soulevé par les pieds des chevaux retombe sur vos vêtements d’écorce, tout humides encore et suspendus aux branches où ils achèvent de se sécher, semblables à ces nuées d’insectes qui, par un beau rayon de soleil, viennent s’abattre en foule sur les arbres de la forêt… « … Tenez-vous en garde surtout, ô pieuses ermites, contre cet éléphant sauvage chassé par la meute, qui répand l’effroi dans le cœur des vieillards, des femmes et des enfants ! […] Quand je réfléchis sur la puissance de Brahma et sur les perfections de cette femme incomparable, il me semble que ce n’est qu’après avoir réuni dans sa pensée tous les éléments propres à produire les plus belles formes, et les avoir combinés de mille manières dans ce dessein, qu’il s’est enfin arrêté à l’expression de cette beauté divine, le chef-d’œuvre de la création.
Il est si facile de voiler notre ignorance sous des expressions telles que « le plan de la création », « l’unité de type », etc., et de penser qu’on a donné une explication, quand on a seulement répété un fait ! […] Les expressions d’affinités, de parenté, de communauté de type, de morphologie, de caractères d’adaptation, d’organes rudimentaires ou avortés, etc., cesseront d’être des métaphores et prendront un sens absolu.
Nous nous félicitons d’abord d’y avoir au moins relevé une expression nouvelle : l’auteur nous dit que ce qui domine le phénomène est une sensation d’« inévitabilité », comme si aucune puissance au monde ne pouvait arrêter les paroles et les actes qui vont venir. […] Si l’on ne le dit pas, c’est sans doute que l’expression paraîtrait contradictoire, qu’on ne conçoit pas le souvenir autrement que comme une répétition du passé, qu’on n’admet pas qu’une représentation puisse porter la marque du passé indépendamment de ce qu’elle représente, enfin qu’on est théoricien sans le savoir et qu’on tient tout souvenir pour postérieur à la perception qu’il reproduit.
Jeannin se hâte d’en informer Villeroi ; et les voilà encore à attendre une heure plus favorable, « se disant, selon l’expression de l’un d’eux, qu’il y avait plusieurs heures au jour, et que les cœurs et les volontés des princes étaient aussi sujets au changement comme les occasions s’en présentaient ».
C’est tout ce qu’on peut dire de lui au milieu des doctrines positives et naturalistes qu’il tempérait et variait dans l’expression, sans les presser d’ailleurs autrement et sans les modifier au fond.
Mais en même temps et en attendant que cette épopée encore à naître fut venue, Ramond, vers 1807, savait fort bien déterminer le caractère littéraire d’un siècle qui était le sien et qui a aussi sa force et son originalité : On le dépréciera tant qu’on voudra ce siècle, disait-il, mais il faut le suivre ; et, après tout, il a bien aussi ses titres de gloire : il présentera moins souvent peut-être l’application des bonnes études à des ouvrages de pure imagination, mais on verra plus souvent des travaux importants, enrichis du mérite littéraire… Nos plus savants hommes marchent au rang de nos meilleurs écrivains, et si le caractère de ce siècle tant calomnié est d’avoir consacré plus particulièrement aux sciences d’observation la force et l’agrément que l’expression de la pensée reçoit d’un bon style, on conviendra sans peine qu’une alliance aussi heureuse de l’agréable et de l’utile nous assure une place assez distinguée dans les fastes de la bonne littérature.
Il y a des âmes nées guerrières ; elles le sont par l’instinct qui les pousse aux périls, par les ressources de génie qu’elles y trouvent, et les talents, chaque fois imprévus, qu’elles y déploient, comme par l’ardeur croissante dont elles s’y enflamment ; elles le sont aussi, pendant et après l’action, par l’expression et par la parole.
Bien qu’il ait vécu à côté de Bossuet, il n’en a reçu aucun rayon pour l’expression, et sa manière de dire se passe toute dans l’ombre.
On était arrivé cependant, en examinant bien les divers écrits de Vauvenargues, à n’y pas voir seulement un jeune homme plein de nobles et généreux sentiments, de pensées honorables à l’humanité, doué d’un talent d’expression singulièrement pur, et d’une sorte d’ingénuité élevée de langage, — le meilleur des bons sujets et le modèle des fils de famille ; ce premier Vauvenargues qui se dessine, en effet, dans quelques réflexions et maximes souvent citées de lui, ce premier Vauvenargues que chaque âme honnête porte en soi à l’origine avant le contact de l’expérience et la flétrissure des choses, était dépassé de beaucoup et se compliquait évidemment d’un autre en bien des points de ses ouvrages.
Mme Récamier a désormais sa place assurée, et l’une des meilleures, dans le rayon de bibliothèque consacré aux femmes françaises ; elle vit, et, pour reprendre une expression de M.
Il a des mots d’une expression poignante, des mouvements sentis, éloquents, mais aussi (et j’en ferai juge les plus désintéressés) des paroles d’injustice.
Je force à peine l’expression.
Le génie de la langue et de l’expression ne va pas plus loin.
Le beau semble appartenir plus exclusivement à l’Antiquité : l’intérêt, la curiosité, l’expression fidèle et variée de tout ce qui se fait et de tout ce qui se passe sous nos yeux, sans aucune préoccupation de l’idéal, sont des parties plus volontiers réservées aux modernes : « Le vrai est ce qu’il peut, », semble être le plus souvent leur devise.
On parle toujours du vis comica ; l’expression est tirée de cette épigramme latine de César.
« L’immensité des moyens, des efforts et des pertes que révéla cette expédition porta au comble, pensait-il, l’effet tragique de la guerre : il fallait que la pitié et l’épouvante coulassent à pleins bords. » Nous avons là l’expression fidèle, l’écho direct de la pensée allemande en 1813.
Beugnot », était l’expression naturelle qui venait en parlant de lui.
Talleyrand écrivait d’Amérique à Mme de Staël, pour activer sa bienveillance : « Si je reste encore un an ici, j’y meurs. » — Mme de Genlis, dans ses Mémoires (tome V, p. 54), cite en entier une lettre de M. de Talleyrand, à elle adressée et datée de Philadelphie : c’est une lettre agréable, mais probablement retouchée en quelques points par la femme de lettres qui aimait à émousser toute expression vive ou trop naturelle.
Il n’est pas vrai, malheureusement, qu’on ne soit jamais entraîné que par les qualités qui promettent une ressemblance certaine entre les caractères et les sentiments : l’attrait d’une figure séduisante, cette espèce d’avantage qui permet à l’imagination de supposer à tous les traits qui la captivent, l’expression qu’elle souhaite, agit fortement sur un attachement, qui ne peut se passer d’enthousiasme ; la grâce des manières, de l’esprit, de la parole, la grâce, enfin, comme plus indéfinissable que tout autre charme, inspire ce sentiment qui, d’abord, ne se rendant pas compte de lui-même, naît souvent de ce qu’il ne peut s’expliquer.
Je me sers de l’expression temporel, parce que l’esprit de parti déifie la cause qu’il adopte, en espérant de son triomphe des effets au-dessus de la nature des choses.
Elles sont le refuge des honnêtes gens à qui la grande curiosité, le sentiment du beau et le don de l’expression ont été refusés.
L’essai est la forme supérieure de la critique ; il se rattache directement aux sciences psychologiques et contemplatives, il touche autant à la poésie qu’à la philosophie, il est l’expression morale des arts.
Il est aussi quelques autres, avertis combien la forme de Mallarmé le traduit fidèlement, simplement, qu’il est modèle de pensée libre, hardie, harmonieuse, d’expression originale, non professeur d’un procédé.
À la Sorbonne, l’expression s’emploie couramment.
Nous, de même, nous chercherons à enrichir l’esprit humain par nos aperçus, bien plus qu’à faire lire l’expression même de nos pensées.
Mais ils sont l’expression d’une profonde vérité historique.
De là les défauts du style banal et des expressions usées.
Ils sentaient peut-être que ce qu’on appelait le style leur manquait et ils prétendaient pourtant, avec quelque raison, à un certain mérite d’expression dont le nom n’existait pas encore.
En tout cas, quand on est jeune, fût-on la distinction même, on glisse vite sur ces défauts à une première lecture ; on s’attache à ce qui plaît, à ce qui nous offre l’expression idéalisée la plus moderne de nos sentiments, de notre situation ou de notre désir.
La Nuit de mai et celle d’octobre sont les premières pour le jet et l’intarissable veine de la poésie, pour l’expression de la passion âpre et nue.
Sa démarche était noble et légère, et rappelait cette expression de Virgile : Incessu patuit dea.
Il est bien vrai qu’au moment où il se demande si la nature entière n’est pas un fantôme, une illusion des sens, et où, pour être logique, il se place dans cette supposition d’un doute absolu, il est bien vrai qu’il se dit : « Cet état de suspension m’étonne et m’effraie ; il me jette au-dedans de moi dans une solitude profonde et pleine d’horreur ; il me gêne, il me tient comme en l’air : il ne saurait durer, j’en conviens ; mais il est le seul état raisonnable. » Au moment où il dit cela, on sent très bien, à la manière même dont il parle et à la légèreté de l’expression, qu’il n’est pas sérieusement effrayé.
La pensée sociale ou logique sociale a son expression dans le langage, et l’intime union des deux vient de ce que la pensée, comme le langage, est au fond un moyen de communication et de communion entre l’individu et le groupe.
On nous raconte que lorsqu’on ouvrit le crâne de Pascal, on y découvrit (ce sont les expressions mêmes des médecins) « une abondance de cervelle extraordinaire. » Malheureusement on ne pensa pas à la peser.
Et le don d’être amie, Expression bien heureuse que La Fontaine a inventée et rendue célèbre.
Mais il pourra dire, avec un rare malheur d’expression, Propos de Table de Victor Hugo, ce qui met aussitôt le poète en une fâcheuse posture pseudo-rabelaisienne.
De là le jugement du critique ancien qui nous dit : « Des a poëtes lyriques, Horace est presque le seul digne d’être lu ; car il s’élève par moment, il est plein d’enjouement et de grâce, et, dans la variété de ses images et de ses expressions, il déploie la plus heureuse audace.
I Le jeune Henri Beyle, vers 1798, était un petit garçon avisé, intelligent, déjà observateur, sensiblement vicieux, et vaniteux au-delà de toute expression ; et cela ne le distingue point infiniment de beaucoup de jeunes Français de quinze ans. […] Ou elles ne sont que l’expression de ses préjugés et de ses rancunes, ou, quelquefois, elles sont ingénieuses, nouvelles, fécondes même, mais non pas fécondes pour lui. […] Il s’en vante un peu, n’ayant pas de tact, ou, si l’on veut, pas d’élégance, mais d’une façon simple encore, et avec l’expression d’un étonnement naïf qui fait sourire et devrait faire pleurer : « Ne suis-je pas, dès ma naissance, disgracié de la nature et de l’humanité ? […] L’idéalisme poétique, et le déisme qui en est l’expression accomplie, est un long détour par lequel l’humanité cherchant l’absolu s’est égarée, avant de se rendre compte du véritable objet de ses recherches et du véritable et unique moyen d’y atteindre. […] Convaincu, avec raison, que la poésie vraie est l’expression de nos sentiments en toute leur vérité, il se mettait lui-même dans ses vers avec une naïveté absolue.
A ces banales insultes l’auteur oppose le tableau de ce qu’était ce gouvernement modéré et paternel : il montre en Savoie le clergé et la noblesse ne formant pas de corps séparé dans l’État ; les libertés de l’Église gallicane observées par opposition à ce qui avait lieu en Piémont ; le haut clergé sans faste, exemplaire de mœurs ; le bas clergé (expression qui était inconnue) jouissant de toute considération, et la noblesse elle-même paraissant assez souvent dans cette classe des simples curés. […] Une de ses expressions favorites, et qui lui revenait bien souvent, était à brûle-pourpoint. […] Un de ses plus vrais griefs contre Bacon, c’est qu’il le voit comme une plume de paon de la philosophie, un bel-esprit amoureux de l’expression et content quand il a dit : les Géorgiques de l’âme. […] Voilà l’expression humble et vraie d’une sorte d’obscurité humaine jusqu’au sein de la foi ; il en a tenu trop peu de compte dans ses écrits. — Se rappeler pourtant le beau passage assez analogue des Considérations, que j’ai cité au commencement de cet article.
Mais le sens, mais la propriété de l’expression ? […] Par moments aussi, le ton s’élève, et, de la petite idylle toute parfumée de thé, de vin tiède et de fleur de pêcher, passe au tableau de guerre, à la scène pathétique, quelquefois à la pensée profonde, sans toutefois jamais enfreindre les règles que s’est imposées l’auteur, et qui sont la concision pour l’expression, la brièveté quant à la phrase et la discrétion dans les procédés mis en œuvre. […] Enfin, ce sempiternel amour de la vie dans l’art, de concert avec celui de l’inspiration, sa canaille de frère, pour me servir d’une expression de notre critique, détermine les préférences de M. […] Edouard Lockroy, alors à ses débuts en politique, que le maître éduquait pour les choses parlementaires à venir, selon sa propre expression, « comme une matrone renseigne une nouvelle épousée », ne l’ai-je pas entendu dire de sa grosse voix sourde et fatiguée : « Je n’aime pas Gambetta.
Le scénario n’est qu’un élément matériel et relativement superficiel : ce qui constitue l’existence organique et pour ainsi dire l’âme d’un ouvrage, c’est la personnalité de la pensée, l’expression, le style. […] La littérature est aussi un art et ne doit négliger aucun moyen d’expression. […] Il n’est pas douteux que les Christs byzantins ont une expression douloureuse, émaciée, qui annonce un peu la manière du Greco. […] Il y a une expression vulgaire, et péjorative d’intention, qui, mieux interprétée, affirme une vérité rassurante. […] On ne considère que son étonnante maîtrise, sa verve caustique, ses trouvailles d’expression, encore plus agréables lorsqu’il n’abuse pas du catéchisme poissard ; et l’on s’en divertit paisiblement, en dilettante.
Une allégorie est l’expression d’idées par des images. […] On y voit la double face et, si l’on veut, les deux versants de la littérature suisse d’expression française, l’un local, l’autre universel. […] Il y a là au contraire, ou, si l’on veut, aussi bien, l’expression d’une parfaite loyauté intellectuelle. […] Mais le grand roman, le roman-nature, pour reprendre l’expression de tout à l’heure, ce n’est pas cela, c’est de la vie, je veux dire quelque chose qui change et quelque chose qui dure. […] Et il va de soi que la faute n’en est pas à la littérature, mais bien au plaisir, qui ne se révèle pas susceptible d’expression littéraire.
« Il ne peut pas s’en tenir à l’expression simple ; il entre à chaque pas dans les figures, il donne un corps à toutes ses idées. » Je lui applique à la lettre son jugement sur Carlyle. […] La fière franquette de son style — je lui emprunte une de ses expressions — lui donne toujours l’air d’écrire au débotté ou, selon son terme, « le cul sur la selle ». […] Il leur révéla le prix de « la vie vivante », les intéressa à la vision et à l’expression directe des choses. […] Avant lui, Platon45, Xénophon avaient dit de même ; l’expression était entrée dans la langue commune des Athéniens, bien digne d’un peuple artiste. […] Ne m’occupant ici que des opinions littéraires de Barbey d’Aurevilly et de leur expression dans ses articles de critique, je ne parle pas de ses audaces d’une autre sorte et si scabreuses dans ses romans.
Je suis vraiment étonné de trouver chez cet homme, qui malgré tout ce qu’on dit, a des expressions d’observateur, quelquefois de voyant, et qui a fait, selon moi, un très remarquable article sur les Clarisses aux pieds nus, je suis étonné de trouver un reporter ordinaire, avec ses qualités d’ignorance, sa brouillonnerie de cervelle, et encore, avec des yeux si fermés aux choses d’art. […] Un succulent dîner, dans le commencement de la benoîte digestion duquel, à l’instar des trois mots du festin de Balthazar, éclate la gueulée de la Marseillaise d’un café des Champs-Élysées : chant de révolution, qui fait lever de son assiette la tête de la baronne, et lui fait dire avec l’expression de l’Argent prenant peur : « Ah ! […] Et après souper, c’est une vraie réjouissance pour tout le monde, que les imitations de Gibert, ayant à la fin, le pouvoir, selon l’expression de Mme Charpentier, de dégeler Zola, qui a l’air ennuyé, souffrant.
On y trouve quelquefois des fautes de langage, des expressions on peu trop familieres, des circonlocutions languissantes qui se ressentent de la précipitation avec laquelle ce professeur écrivoit. […] Cet Ecrivain a l’imagination belle, l’expression noble, une éloquence admirable. […] Mais ses expressions ne sont pas toujours justes & propres.
Quand il parle de sa compagnie, de son régiment, de sa troupe, il a le sentiment camarade et fraternel, il a l’expression sympathique et vibrante. […] Sa langue est svelte, son bon sens fin, spirituel, sa gaieté excellente, son naturel saisissant ; son expression prompte est presque toujours celle que la réflexion eût choisie.
Il y a une petite fossette indiquée au menton ; le visage est rond et bien plein, le front large : une perruque poudrée encadre cette physionomie dont l’expression, dans son ensemble, est douce et pleine de bienveillance. […] Mais que des journaux, qui se piquent d’accepter et de vouloir le régime nouveau, combattent ouvertement, par des raisonnements empruntés à l’ordre légal, cette expression publique de pieux souvenirs ; qu’ils viennent nous montrer dans Bories et ses compagnons des hommes pleins de courage sans doute, mais contraires aux lois ; qu’ils nous rappellent avec patelinage que ce fut un jury et non un tribunal révolutionnaire, non une cour prévôtale, qui fit tomber ces têtes ; — comme si ce jury n’avait pas été désigné par le préfet, contrôlé par le président du tribunal et présidé par un agent du pouvoir ; — que, par une induction odieuse, jésuitique et impie, ils ne voient dans Bories et ses compagnons que des ennemis de cette Restauration dont MM. de Polignac, de Peyronnet et autres étaient aussi les ennemis à leur manière, et qu’ils assimilent sans pudeur les victimes de 1822 aux traîtres de 1830, il y a là une révélation profonde sur la manière dont un certain parti juge ce qui s’est passé en juillet, et un précieux éclaircissement sut les arrière-pensées qu’il nourrit.
Permettez-moi de reprendre une à une vos expressions : « Le pape s’évada et s’enferma à Gaëte. » Quel jour ? […] Veuillez agréer, avec l’expression de mes regrets, l’assurance de ma haute considération.
« Il n’est pas d’État à qui je refuse plus péremptoirement le beau nom de république (chose publique) qu’à celui où la multitude est souverainement maîtresse. » XVI Les deuxième, troisième, quatrième et cinquième livres, déchirés par les vers, ne nous présentent que des lambeaux ; mais chacun de ces lambeaux éclate de quelque vérité lumineuse ou de quelque expression vive qui fait reconnaître le génie d’un sage et d’un politique. […] Une telle vie est la route qui te conduira au ciel et dans l’assemblée de ceux qui ont vécu, et qui, maintenant délivrés du corps, habitent le lieu que tu vois………………………………… « Mon père me montrait ce cercle qui brille par son éclatante blancheur au milieu de tous les feux célestes, et que vous appelez, d’une expression empruntée aux Grecs, la Voie lactée.
Deux anecdotes d’une indécence révoltante sur une courtisane de Venise, sans autre sel que le cynisme des expressions, sont, avec ces rixes d’intérieur, les seules traces de sa résidence à Venise. […] un tel homme n’a pu être aimé des dieux, selon l’expression antique, et l’impureté de l’organe aurait altéré, en passant par sa bouche, l’évangile même du peuple dont on a voulu le faire, quelques années après, le Messie.
J’ai aussi des parents cependant ; car, pour me servir de l’expression d’Homère : Je ne suis point né d’un chien ou d’un rocher, mais d’un homme ! […] Mais, indépendamment de l’expression de la physionomie et du ton de plaisanterie que la parole écrite ne peut rendre dans le dialogue de Platon, physionomie et accent qui devaient donner leur véritable signification un peu railleuse à ces paroles du sage, il convient de se souvenir que Socrate ne rejetait pas, dans sa pensée, l’idée de ces dieux inférieurs, de ces divinités secondaires, de ces personnifications populaires des attributs du Dieu unique, nommés par toutes les nations de noms divins qui n’attentaient pas à la divinité unique et suprême.
« Il est facile de comprendre qu’à un semblable discours, prononcé avec cette grâce, cet air de majesté jointe à la plus pénétrante douceur, et cette amabilité qui étaient particulières à Pie VI, les expressions me manquèrent absolument pour lui répondre. […] C’est l’expression qui m’échappa alors dans mon enthousiasme.
Ajoutez aux traits que nous venons d’indiquer une physionomie franche et calme, une coupe de visage hardie, un œil vif, ardent, pénétrant et fixe comme l’œil du faucon, un accent étranger, des expressions insolites, brièvement pittoresques, fortement colorées, spirituelles sans le paraître : vous aurez le portrait à peu près exact de l’historien des oiseaux, de l’Américain Audubon. […] C’étaient des méthodistes qui venaient accomplir dans cette solitude, loin des profanes et des sceptiques, leurs rites pieux : le tumulte discordant de leurs voix criardes était l’expression de leur enthousiasme.
La vérité de toutes ces scènes, où Molière, selon une expression du temps, transportait tout son domestique, vient de cette ressemblance, — que voilaient la pudeur de l’honnête homme et le désintéressement de l’homme de génie, — entre sa propre situation et celle de ses personnages. […] Les gens de goût y reconnaissent l’expression la plus parfaite de l’esprit de société dans notre pays.
Il nous fait voir aussi une robuste esquisse d’une femme nue, d’une Italienne, d’une créature courte et élastique, d’une panthère selon son expression, qu’il dit, avec un regret dans la voix, ne pouvoir terminer : un de ses élèves, un Russe étant devenu amoureux d’elle, et l’ayant épousée. […] » Gibert, avec une langue technique, qui donne les plus grandes jouissances aux amateurs de l’expression, une langue juste, précise, peinte, parle de cette voix artificielle, de cette voix de tête ou de nez, que certains chanteurs se font : voix métallique à résistance indéfinie, tandis que les voix naturelles des gens qui chantent avec l’émotion de leur poitrine, est plus vite cassée.
Au lieu de cela, il s’est usé à vouloir créer méthodiquement une science conjecturale, et je crois sentir chez lui, à travers la limpidité de l’expression, de la fatigue et comme de l’élévation dans le vide42.
Ce sont les expressions les plus simples de la langue ; les mots de tendresse, de charme, de langueur, y reviennent souvent et ont sous la plume de l’abbé Prévost une douceur et une légèreté de première venue qu’ils semblent n’avoir qu’une fois : par exemple, au moment où, au sortir de sa captivité, Des Grieux revoit Manon et où, accompagné de son libérateur, M. de T., il s’empresse d’aller pour la délivrer à son tour : « … Elle comprit que j’étais à la porte.
C’est ainsi qu’il a dit encore en parlant des femmes et de l’amour-passion (car l’expression est de lui), et en convenant qu’il ne l’avait jamais éprouvé : « En France, les grandes passions sont aussi rares que les grands hommes. » À mes yeux, la vérité de l’ouvrage de M. de Meilhan consiste surtout dans cette nuance générale, relative à son moment.
Je ne fais que lui appliquer ici l’éloge et les expressions mêmes de ses contemporains.
[NdA] L’expression est de M. de Talleyrand parlant de Bailly dans une séance de l’Institut en 1796.
Mellin de Saint-Gelais suit le texte et le délaie ; il en fait simplement, une paraphrase en gros, sans lutter d’expression, sans chercher d’équivalent.
Bussy donne sans doute l’idée d’une certaine naïveté dans l’expression ; mais c’est le naturel dans le raffiné.
Entre ce procédé de moderne bénédictin et celui de Pline, ou, si l’on veut, de l’ancien Balzac qui ne lisait que pour trouver de belles sentences et de belles expressions à recueillir et à enchâsser, il y a, ce semble, un milieu qui est le bon, qui est celui de Montaigne, qui est l’union de la pensée et de la forme, la lecture vivifiée par l’esprit, le suc et la fleur.
Ses outrances d’expression, quand elles frappent dans une pensée juste, l’enfoncent et la fixent comme avec des clous d’or ou d’airain.
Saussure est de ces esprits parfaits qui unissent dans une haute et juste mesure les éléments les plus différents, l’exactitude du physicien, le jugement froid de l’observateur, la sagacité du philosophe, l’amour et le culte de la nature, l’imagination qui l’embrasse ; avec cela, n’accordant rien à l’effet, à la couleur, à l’enthousiasme ; et quand il devient peintre, n’y arrivant que par la force du dessin, par la pureté de la ligne, la clarté de l’expression, et, comme il sied au savant sévère, avec simplicité21.
L’homme de 1791 est toujours là, qui en a beaucoup vu et qui pense qu’il peut en voir beaucoup encore ; philosophe, philanthrope, expansif, très verbeux, et ne choisissant pas, ne mesurant pas toujours ses expressions : la quantité l’emportait sur la qualité.
Dans sa courte année de gouvernement, Casimir Perier, luttant contre les périls publics et contre un mal intérieur qui le minait, « hardi avec doute et presque avec tristesse », selon l’expression de M.
L’historien reconnaît, en effet, ses bonnes intentions, sa tendre pitié pour le peuple et toutes ses vertus chrétiennes, mais il marque en même temps les étroitesses et les limites d’esprit de ce vénérable enfant, et il trouve, pour peindre le contraste de cette manière d’être individuelle avec les vertus publiques et les lumières étendues si nécessaires à un souverain, des expressions qui se fixent dans la mémoire et des couleurs qui demeurent dans les yeux.
Le vieux poète joue aux fables avec le jeune enfant ; il lui en récite, il lui en emprunte, il en compose sur des sujets de son choix (le Chat et la Souris), et il se déclare d’avance battu et vaincu : « Il faut, lui dit-il en tête de son douzième livre qui lui est tout dédié, il faut, Monseigneur, que je me contente de travailler sous vos ordres ; l’envie de vous plaire me tiendra lieu d’une imagination que les ans ont affaiblie ; quand vous souhaiterez quelque fable, je la trouverai dans ce fonds-là. » Et aussi, en récompense, quand La Fontaine meurt, on trouve parmi les thèmes ou les versions du jeune prince un très joli morceau sur cette mort (in Fontani mortem), un centon tout formé de la fleur des réminiscences et des plus élégantes expressions antiques.
Elle ne ressemblait pas à Frédéric qui se passait de lecture allemande et ne lisait que des ouvrages français ; elle en lisait aussi en russe et trouvait à cette langue adoptive, qu’elle s’appliquait à parler et à prononcer en perfection, « bien de la richesse et des expressions fortes. » Les Annales de Tacite qu’elle lut en 1754 seulement, c’est-à-dire à l’âge de vingt-cinq ans, opérèrent, dans sa tête une singulière révolution, « à laquelle peut-être la disposition chagrine de mon esprit à cette époque, nous dit-elle, ne contribua pas peu : je commençais à voir plus de choses en noir, et à chercher des causes plus profondes et plus calquées sur les intérêts divers, dans les choses qui se présentaient à ma vue. » Elle était alors dans des épreuves et des crises de cœur et de politique d’où elle sortit haute et fière, avec l’âme d’un homme et le caractère d’un empereur déjà.
Cette traduction d’un gaulois riant, avec tous ses défauts d’exactitude à peu près inévitables, eut pour effet de populariser, de nationaliser de bonne heure l’ouvrage en français, de le faire aimer et goûter, d’y infuser un degré de naïveté qui est plutôt dans le sens que dans les expressions de l’auteur grec.
Si l’on prend en effet l’édition de Florus qu’a donnée en 1852 Otto Iahn d’après les manuscrits, l’auteur latin y paraît fort rabaissé, un simple abréviateur de Tite-Live, un rhéteur sans aucune originalité, imitateur de Lucain pour l’expression et de l’un des deux Sénèque pour les idées.
L’auteur de l’Année littéraire, qui pardonnait encore moins un souper triste qu’un mauvais ouvrage, me demanda avec une sorte d’impatience quelle était cette bamboche (ce fut son expression) qui parlait au lieu d’écouter, qui avait le ton si affirmatif, nous régentait depuis deux heures et se pavanait à table en empereur de rhétorique. » Après le récit de Dorat, voici celui de La Harpe : « J’étais encore au collège quand je dînai avec lui chez M.
Sa poésie, pour nous, expression fidèle de sa manière d’être, est trop directe ou trop linéaire, si je puis dire ; elle ne passe point par une création : c’est une poésie qui a du nombre, un certain éclat, mais qui ne se transforme et ne se transfigure jamais à travers l’imagination.
C’eût été une tentative moins facile et plus belle d’aborder l’âme du grand homme, de la retracer, non point par des expressions générales qui conviendraient aussi bien au métromane durant la représentation de sa tragédie, mais par une analyse rapide et forte qui ne convînt qu’au seul Colomb entre tous ; de nous le reproduire tel qu’il dut être, doutant par moments de lui-même, de ses inductions, de ses calculs, et se laissant aller à de mortelles défaillances, puis recommençant avec anxiété et les calculs et les inductions, s’enhardissant à mesure qu’il les recommence, et, certain encore une fois de sa conclusion, se relevant avec un geste sublime, comme plus tard Galilée quand il s’écriait : Et pourtant elle tourne !
Elle a l’égoïsme généreux, une soif furieuse de bonheur pour elle et pour les autres ; de là, pour les autres, la pitié, l’appel énergique à la justice, la haine de l’oppression ou du despotisme ; pour elle, l’expression violente de l’individualité, la révolte contre toutes les contraintes et les limites ; elle veut le plus possible se développer en tout sens ; elle veut jouir d’elle-même.
Louis Dumur, use d’une plus forte expression : « l’Académie, dit-il, dispense à pleines mains la paralysie et la mort ».
Findlater conclut que si cette analyse du verbe est correcte, l’affirmation de l’existence ne trouva pas d’expression dans les premières périodes du langage : la copule réelle liant le sujet avec le prédicat était la préposition contenue dans le cas oblique de l’affixe pronominal.
Je noterai tel feuilleton de lui (celui du jeudi 24 décembre 1840, par exemple, sur Agnès de Méranie), duquel, après l’avoir lu, j’écrivais pour moi seul cette note que je retrouve, et que je donne comme l’expression nette de ma pensée : Excellent feuilleton.
Le mot était lâché, il ne s’agissait, pour Marie comme pour son frère Murray, que de regarder à travers ses doigts, selon l’expression vulgaire, et de laisser faire sans se mêler de rien.
Et il ajoute, dans un sentiment excellent, qui trouve de lui-même l’expression simple : On ne peut attendre des belles-lettres d’autre récompense qu’un peu de consolation et d’espérance ; et si, par bonheur, les hommes et les esprits que j’aime se trouvent de moitié dans ma récompense, eh bien !
Cette jeune fille royale, qui croit naturellement au droit de sa race, veut exprimer par là que la fidélité à ses rois dans le malheur est un devoir et une vertu ; mais, même quand il n’en serait pas tout à fait comme elle le pense, son expression droite et naïve ne l’a point trompée ; elle dit vrai encore : car ce qui n’était plus un devoir de fidélité peut-être, en était un pour le moins d’humanité, et quiconque a passé le seuil du Temple en ces trois années et y a paru compatissant à de telles infortunes, mérite l’estime, de même que quiconque y a passé sans être touché au cœur ni serviable, a une mauvaise marque.
Il a le sentiment prompt, facile, l’expression nette et simple, parfois émue.
Il y a une expression en grec qui m’a toujours frappé : pour signifier un homme d’importance, un héros, un chef, on dit : Ceux qui sont autour de lui.
Son attitude, son sang-froid, la promptitude et la propriété de ses réponses, sa profonde connaissance de la matière et des conséquences politiques qu’elle recelait, son intrépidité à maintenir les droits de ses compatriotes, ses expressions pleines de trait et de caractère, tout contribue à faire de cet interrogatoire un des actes historiques les plus significatifs et l’un de ces grands pronostics vérifiés par l’événement : Si l’acte du Timbre était révoqué, lui demanda-t-on en finissant, cela engagerait-il les assemblées d’Amérique à reconnaître le droit du Parlement à les taxer, et annuleraient-elles leurs résolutions ?
Car le snob ne se risque pas à discourir ; son grand art, où quelques-uns vraiment excellent, est de composer et parer son silence ; toute la science de son jeu est de ne point s’expliquer, de s’en tenir à une attitude, à une expression, à un geste, tout au plus à quelque adjectif.
Les philosophes ont longtemps essayé, selon l’expression de M.
On peut en effet, sans dénaturer le sens de cette expression, appeler institution, toutes les croyances et tous les modes de conduite institués par la collectivité ; la sociologie peut alors être définie : la science des institutions, de leur genèse et de leur fonctionnement8.
Mentionnons ces expressions curieuses et passons.
Les six nouvelles qui forment les Païens innocents s’appellent : la Gloriette, — le Curé de Minerve, — le Dernier Flagellant, — l’Hercule chrétien, Jean de l’Ours, — l’Histoire de Pierre Azam, — et la Chambre des Belles Saintes, et elles sont, à notre avis, de petits chefs-d’œuvre d’expression, comme doit l’être, de rigueur, cette simple création d’une nouvelle, intaille ou relief d’une seule idée, travaillée avec les caresses de l’Amour.
Je ne me sers pas de l’expression : paysage ; elle serait trop étroite.
Elle offre, dans son éclat d’expression, quelques allusions obscures, quelques souvenirs que l’esprit ne saisit pas assez vite ; mais la terreur du ton prophétique n’en est pas affaiblie.
… Et sa voix tranquille et railleuse prenait une expression de douceur, de pitié infinie… On a vécu des années ensemble, dormi l’un contre l’autre, confondu ses rêves, sa sueur. […] La voix de Lucie avait pris, en disant cela, une expression farouche ; et, sans bien expliquer la cause, Mornas devina un péril. […] Un prestidigitateur qui devait le remplacer sur l’estrade laissait passer dans son sourire une expression ignoble de jalousie. […] Je ne la quittai point du regard et je crus surprendre dans ses beaux yeux une expression de tristesse ; j’en fus bouleversé. […] Il est vrai que, pour ceux-là, la libre pensée est devenue une carrière et qu’elle n’a rien de commun avec celle qui, chez Littré, était l’expression sincère de ses convictions.
Les Grecs les plus subtils auraient été forcés d’approuver cet art, et il y a une chose qu’ils auraient même admirée et adorée, la malice française de l’expression : ils aimaient beaucoup ce genre de choses, sans y être précisément très forts. » Il s’écartait donc de plus en plus, non seulement du romantisme allemand, mais de l’Allemagne elle-même, et il commençait sans doute à se demander « s’il y a des classiques allemands », c’est-à-dire s’il y a eu des écrivains allemands d’un génie assez général, assez universel, assez inactuels, tout en fondant leur réputation de leur vivant, assez conquérants de l’avenir par la grandeur de leur pensée et par la force impérissable de leur expression, pour rester, pour grandir ou au moins pour ne pas déchoir cinquante ans après leur mort ; et peut-être commençait-il à répondre non, comme il l’a écrit plus tard dans Humain, trop humain : « Des six grands ancêtres de la littérature allemande, cinq sont en train de vieillir incontestablement, ou ont même déjà vieilli… Je fais abstraction de Goethe… Mais que dire des cinq autres ? […] Il secoua les influences qui avaient pesé sur lui, d’un coup d’épaule, sec et dur et définitif ; il se guérit de ses maladies — ce sont ses expressions — par une médication spontanée, très énergique et radicale : « Il était en effet grand temps de prendre congé 1. […] Avant Socrate, ce qui existait, ou du moins ce qui avait le premier rang et le pas devant, c’était l’homme instinctif, qui, en sa plus haute expression, était l’artiste et le poète. […] Mais cet arrière-plan de ses conceptions et cette pensée de derrière la tête, sont, je le répète, restés confus ; les passages de ses œuvres où ils apparaissent et en quelque sorte se glissent, sont assez rares : l’expression qu’il leur donne, quelquefois lumineuse à souhait, comme on vient de voir, est plus souvent hésitante et obscure. […] Car il s’entend à donner les deux expressions à un même pli de son visage.
Racine est le « classique » par excellence, si cette expression de « classique » emporte ensemble l’idée de la perfection et celle d’une fusion intime du génie français avec le génie de l’antiquité grecque et de la romaine, nos deux saintes nourrices. […] C’est, de toutes les proses du xviie siècle, la plus légère, la plus dégagée, — et celle aussi qui contient le moins d’expressions vieillies. […] Au fond, — et malgré l’extrême décence (je ne dis pas la timidité) de l’expression dans Racine, — c’est l’amour des sens, et c’est le degré supérieur de cet amour-là, la pure folie passionnelle. […] Ils ne songent pas qu’au contraire toute l’invention consiste à faire quelque chose de rien, et que tout ce grand nombre d’incidents a toujours été le refuge de poètes qui ne sentaient dans leur génie ni assez d’abondance ni assez de force pour attacher durant cinq actes les spectateurs par une action simple, soutenue de la violence des passions, de la beauté des sentiments et de l’élégance de l’expression. […] Nulle part Racine ne s’est mieux souvenu du dialogue en vers iambiques de Sophocle et surtout d’Euripide, dialogue où le rythme soutient les familiarités du langage et, par sa continuité, permet de passer insensiblement de ces familiarités mêmes aux expressions les plus poétiques.
Je n’insisterai pas sur certaines magnificences un peu ambitieuses, sur certaines expressions un peu trop « intenses » qui montrent que M. […] Il eût voulu (ce sont ses propres expressions) jeter la sonde dans ce terreau fumant, pullulant de germes. […] Puis, très soigneusement, avec un choix très méritoire d’expressions et de tours, sur un ton que Callimaque aurait adopté s’il avait connu la Tentation de saint Antoine et les Opinions de M. […] Plusieurs artistes, dont quelques-uns sont très grands, nous ont enseigné que tout est indifférent, sauf l’expression magnifique de la Beauté. […] Gustave Flaubert fut, avec moins de philosophie, un apôtre encore plus fougueux de la Littérature, conçue comme l’expression plastique des choses par un artiste insoucieux de leur valeur morale.
Les mots sont pris dans une acception de hasard ; et l’on invente des mots inutiles, faute d’avoir analysé un peu sa pensée : l’on s’apercevrait alors que notre langue est assez riche pour procurer à toute idée française une expression française. […] Et ils ont cette « inexpression hallucinante » qu’on remarque aux yeux des fous et de certains mineurs, aux reflets « d’eau, de ciel, de feu, de foules, de chairs maquillées et de cheveux teints qui composent la surface des pierres précieuses : inexpression formidable qui, avec un peu d’imagination neurasthénique, contient et projette sur nous, en rayons multicolores, avec toutes les expressions de la vie visible, toutes les expressions centuplées de la vie qui se cache dans l’inconnu ». […] Mais le symbole est, dans les arts, dans la littérature notamment, l’expression des sentiments et des idées qui ne se laissent pas définir ou étiqueter d’un mot cru. […] Un personnage du Passé vivant regarde un pastel de La Tour, un fragile visage à la double expression spirituelle et passionnée : « Le peintre avait saisi le passage de l’une à l’autre. […] Plus que jamais il est content, s’il peut écrire : « Il n’y a rien dans ce qu’on va lire, que l’expression d’une chose vue, d’une chose nue.
Sully-Prudhomme se console : mieux vaut mille fois l’expression qui traduit un peu faiblement un sentiment puissant que l’expression emphatique qui exagère et enfle une pensée médiocre. […] On y trouverait à peine quelques légères défaillances d’expression. […] Pourquoi alors ne pas chercher l’expression vraie ? […] À tous, elle donne un sentiment, une expression qui sont moins en eux qu’ils ne viennent d’elle-même. […] N’êtes-vous pas surtout choqués de ce perpétuel matérialisme d’expressions à propos de phénomènes moraux ?
malheureux que vous êtes, laissez agir, laissez parler votre âme ; elle se peindra sur tous vos traits, elle dirigera tous vos mouvements, elle modulera toutes vos expressions. […] Le jargon de leurs coteries passa dans toutes les productions, il tint lieu de justesse dans les expressions, et de vérité dans les idées, il éloigna du beau naturel ; enfin, c’en était fait du goût et du véritable esprit : le galimatias allait pour jamais prendre leur place, si Molière en foudroyant l’idole n’eût détruit son culte. […] ne devrait-il pas au moins payer d’un soupir tant d’expressions tendres, tant de traits délicats échappés successivement du cœur de son amante ? […] Grandval y joignait la grâce, l’amabilité, la décence, à l’expression de la tendresse la plus délicate, la plus vive. […] Malheur au comédien si, dans toutes ses expressions, dans tous ses mouvements, dans tous ses gestes, il ne laisse échapper le sentiment avec autant de facilité qu’il s’échappait du cœur et de la plume de notre philosophe amoureux !
Il est un des modes d’expression de notre espèce au même titre que la science par exemple. […] Ma nature me pousse à combattre les dirigeants parce qu’ils sont laids, parce qu’ils sont l’expression de la médiocrité régnante et parce qu’ils n’usent que du mensonge le plus répugnant pour se maintenir. […] Suivant l’expression du génial auteur que je vous impose en ce moment, « les blancs assument l’importance ». […] La science, apanage glorieux, dignité de l’homme parvenu à l’âge de raison, lui apprend à s’aimer lui-même, et, tout en obéissant aux fatalités qu’il ne peut éluder, à se concevoir comme la plus haute expression de la volonté de vivre sur la terre. […] Avertis par l’expression de ses yeux, Protée, Jacques et Tranquille se lèvent également.
Sur ce, Renan dit : « Les Allemands ont peu de jouissances, et la plus grande qu’ils peuvent se donner, ils la placent dans la haine, dans la pensée et la perpétration de la vengeance. » Et l’on remémore toute cette haine vivace, qui s’est accumulée depuis Davout, en Allemagne s’ajoutant à la haine léguée par la guerre du Palatinat, et dont la colère expression survivait dans la bouche de la vieille femme, me montrant, il y a quelques années, le château d’Heidelberg. […] Moi je lui jette : « Tout très grand écrivain de tous les temps ne se reconnaît absolument qu’à cela, c’est qu’il a une langue personnelle, une langue dont chaque page, chaque ligne est signée, pour le lecteur lettré, comme si son nom était au bas de cette page, de cette ligne, et avec votre théorie vous condamnez le xixe siècle, et les siècles qui vont suivre, à n’avoir plus de grands écrivains. » Renan se dérobe, ainsi qu’il en a l’habitude dans les discussions, se rejette sur l’éloge de l’Université, qui a refait le style, qui, selon son expression, a opéré le castoiement de la langue, gâtée par la Restauration, déclarant que Chateaubriand écrit mal. […] Renan revient de Chateaubriand à son idée fixe, que le vocabulaire du xviie siècle contient toutes les expressions dont on a besoin en ce temps, les expressions même de la politique, et il se propose de faire, pour la Revue des Deux Mondes, un article dont il veut tirer tous les vocables du cardinal de Retz, attardant longtemps sa pensée et sa parole autour de cette misérable chinoiserie. […] Une expression et une image, nées du siège.
L’image lui paraît « extérieure », placée devant lui, « dans la direction du rayon visuel… Elle a la grandeur et les attributs du modèle ; je distingue ses traits, la coupe de ses cheveux, l’expression de son regard, son costume et tous les détails de sa personne. […] Il faut laisser de côté les mots de raison, d’intelligence, de volonté, de pouvoir personnel, et même de moi, comme on laisse de côté les mots de force vitale, de force médicatrice, d’âme végétative ; ce sont des métaphores littéraires ; elles sont tout au plus commodes à titre d’expressions abréviatives et sommaires, pour exprimer des états généraux et des effets d’ensemble.
Et çà et là aussi on aperçoit la profonde expression de leurs grands yeux rêveurs. « Des larmes, chante l’une d’elles, de vaines larmes, je ne sais pas ce qu’elles veulent dire. — Des larmes sorties de la profondeur de quelque divin désespoir — s’élèvent dans le cœur et se rassemblent dans les yeux — lorsqu’on regarde les heureux champs de l’automne — et qu’on pense aux jours qui ne sont plus1530. » — Voilà la volupté exquise et étrange, la rêverie pleine de délices et aussi d’angoisses, le frémissement de passion délicate et mélancolique que vous avez déjà trouvés dans Winter’s Tale ou dans la Nuit des Rois. […] Il a si bien peint l’expression changeante de ces yeux fiers ou candides !
Sa taille est élevée ; sa stature est mince et souple ; ses membres, un peu longs comme dans toutes les natures nobles, sont rattachés au buste par des jointures presque sans saillie ; ses épaules, gracieusement abaissées, se confondent avec les bras et laissent s’élancer entre elles un cou svelte qui porte légèrement sa tête sans paraître en sentir le poids ; cette tête, veloutée de cheveux très fins, est d’un élégant ovale ; le front, siège de la pensée, la laisse transpercer à travers une peau féminine ; la voûte du front descend par une ligne presque perpendiculaire sur les yeux ; un léger sillon, signe de la puissance et de l’habitude de la réflexion, s’y creuse à peine entre les deux sourcils très relevés et très arqués, semblables à des sourcils de jeune fille grecque ; les yeux sont bleus, le regard doux, quoique un peu tendu par l’observation instinctive dans l’homme qui doit beaucoup peindre ; le nez droit, un peu renflé aux narines comme celui de l’Apollon antique : il jette une ombre sur la lèvre supérieure ; la bouche entière, parfaitement modelée, a l’expression d’un homme qui sourit intérieurement à des images toujours agréables ; le menton, cet organe de la force morale, a beaucoup de fermeté, sans roideur ; une fossette le divise en deux lobes pour en tempérer la sévérité. […] La scène de la première entrevue de Goethe avec Gretchen est biblique par sa naïveté ; lisez-la de sa main : « Quand le vin commença à manquer sur la table, un des jeunes gens appela la servante, et je vis entrer une jeune fille d’une beauté éblouissante, et d’une modestie d’attitude et d’expression qui contrastait avec le lieu où nous étions.
Cette héroïque folie de l’esprit humain n’avait pas eu encore son expression complète dans une épopée. […] L’imagination ne se salit pas avec lui, elle s’enjoue, si le seigneur français me permet cette mauvaise expression dans sa langue.
Trois propositions liées, qui sont des expressions différentes de la même vérité : la société est à la nature ce que le mal est au bien. […] Il l’y établit en souveraine : elle y devient objet d’étude et d’expression.
L’expression de leurs sentiments pourra différer, mais le fond en sera le même ; et ce fond, invariable parmi les diversités infinies des caractères et des situations, c’est le cœur humain. […] Pour être passées dans les mœurs et dans les lois, les vérités qu’il a défendues ou revendiquées n’ont rien perdu de leur à-propos ni du feu d’éloquence dont il en a animé l’expression.
Mais, je ne peux considérer comme tels, ceux qui prétendent m’aimer comme artiste, et croient devoir me refuser leur sympathie comme homme (IV, 288). » Et, autre part : « Je demande à ceux qui doivent me comprendre, seulement de me voir tel que je suis en réalité et non autrement, et de ne reconnaître dans mes communications artistiques comme essentiel que ce qui leur est révélé de moi suivant ma volonté et mon moyen de m’exprimer. » En prenant l’expression « ennemis de Wagner au sens wagnérien du mot, c’est-à-dire en l’appliquant à ceux qui ne le comprennent ni ne l’aiment comme il voulait l’être, on peut dire que la majorité du parti wagnérien français est ennemie de Wagner. […] Il en résulte que les représentations de Bayreuth, au lieu d’être la réalisation parfaite d’une intention artistique, ne sont toujours encore qu’une indication de cette intention et l’expression de la volonté de quelques personnes à travers les louables efforts de chanteurs et de musiciens qui sont loin de savoir de quoi il s’agit, et qui s’adressent à un public qui ne le sait pas mieux qu’eux. — Toujours est-il qu’à Bayreuth se trouve réuni un ensemble exceptionnel et unique de conditions qui permettent une réalisation aussi parfaite que possible à l’heure présente de l’idée wagnérienne : en joignant la connaissance de la vie et des écrits de Wagner a l’audition de ces drames à Bayreuth, on peut arriver à saisir l’idée fondamentale du maître, sa conception de l’art.
La logique, en un mot, est l’expression des lois de l’action réciproque au sein de toute société, c’est-à-dire du déterminisme social. […] La « fonction synthétique » de la pensée n’est que l’expression et le dérivé de la fonction synthétique du vouloir ; et c’est cette dernière fonction qui est la vraie origine de toute notre constitution psychique.
Nous le trouvons frappé en plein cœur et, selon son expression, « découragé de faire et de continuer à être ». […] L’expression de ses yeux était comme un grand étonnement… La main devint glacée… C’était fini… J’ai voulu user ma douleur… Je ne suis pas sorti d’ici… Je n’aurais jamais pu y rentrer. » Après un silence : — « Pour cet enfant… c’était une manie, une toquade… J’avais toujours peur… Quand je revenais, en descendant de gondole, mes yeux se portaient aux fenêtres de suite… Je craignais toujours voir un accident, un attroupement, je ne sais quoi… Oh !
Nous l’avons ce vieil ami devant nous, dans la voiture, et nous sommes péniblement remués et frappés au cœur, par sa faiblesse, l’abandon de son corps voûté, les quintes de sa petite toux de gorge qui ne cesse pas, la souffrance qui traverse visiblement l’expression de sa figure, l’absorption qui la fait muette, enfin tout cet aspect navrant d’un homme qui s’en va. […] Ces moyens ne font pas des soldats bien attachés au drapeau ; loin de là, ils sont toujours prêts à passer pour le plus petit avantage de l’autre côté, si bien que là-bas l’expression déserter n’existe pas ou ne s’emploie jamais… et la peur du passage à l’ennemi est telle, qu’un moment Juarez était forcé de faire surveiller son infanterie par sa cavalerie.
Année 1868 1er janvier Allons, une nouvelle année… encore une maison de poste, selon l’expression de Byron, où les Destins changent de chevaux ! […] Il me dit que c’est la plus étonnante créature du monde, un cerveau merveilleux, mais un cerveau qui serait, selon son expression, dans une assiette, n’ayant aucune corrélation avec sa personne, sa conduite, son état et son esprit dans la vie, la laissant « enfantine et dinde au possible ».
Ainsi se marquent les grandes scènes guerrières des Souvenirs de Sébastopol et de la Guerre et la Paix, dont l’exactitude prodigieusement nouvelle, le singulier et menu relief prennent l’attention, sans que rien d’oratoire, de stylé, les recommande, sans qu’ils importent par autre chose qu’une observation, une imagination, une expression aussi proche de la vérité qu’on peut la concevoir. […] Les détails de style, d’agrégation de phrases, la composition, la succession des chapitres, leur nombre, le développement des événements, toute cette mise en œuvre extérieure de l’expression est subordonnée à la nécessité d’englober la masse des faits psychiques et humains qui passionnent et remplissent l’Âme de l’auteur ; ces faits, les scènes où ils se révèlent, les circonstances qui les provoquent sont innombrables ; d’autre part, ils ne peuvent ni être ordonnés en série comme les incidents d’un récit unipersonnel, ni résumés, par rapports de dépendance en lois, comme les concevrait une intelligence philosophique moins soucieuse de leur reproduction que de leur classification.
C’était bien dans ce pays intérieur, dans ce pays du logis, du home, où chaque maison, selon la grande expression de lord Chatam, est une « inviolable forteresse », que devait naître cette histoire intime qui, dans la vie de tout homme public, double son histoire extérieure. […] Parler du danger de certaines expressions est de la pusillanimité de rhétorique.
Ainsi, nous disions que plusieurs états de conscience s’organisent entre eux, se pénètrent, s’enrichissent de plus en plus, et pourraient donner ainsi, à un moi ignorant de l’espace, le sentiment de la durée pure ; mais déjà, pour employer le mot « plusieurs », nous avions isolé ces états les uns des autres, nous les avions extériorisés les uns par rapport aux autres, nous les avions juxtaposés, en un mot ; et nous trahissions ainsi, par l’expression même à laquelle nous étions obligés de recourir, l’habitude profondément enracinée de développer le temps dans l’espace. […] Il n’en est rien cependant, et par cela même qu’il déroule notre sentiment dans un temps homogène et en exprime les éléments par des mots, il ne nous en présente qu’une ombre à son tour : seulement, il a disposé cette ombre de manière à nous faire soupçonner la nature extraordinaire et illogique de l’objet qui la projette ; il nous a invités à la réflexion en mettant dans l’expression extérieure quelque chose de cette contradiction, de cette pénétration mutuelle, qui constitue l’essence même des éléments exprimés.
Il entend par là que l’individualité de l’atome consiste dans le point mathématique où se croisent les lignes de force, indéfinies, rayonnant à travers l’espace, qui le constituent réellement : chaque atome occupe ainsi, pour employer ses expressions, « l’espace tout entier auquel la gravitation s’étend », et « tous les atomes se pénètrent les uns les autres 103 ». […] Mais notre imagination, préoccupée avant tout de la commodité de l’expression et des exigences de la vie matérielle, aime mieux renverser l’ordre naturel des termes.
il répondit : « Nous sommes trois frères, adorateurs de la vérité et de la justice : le premier la prêche, le second l’écrit, et moi je la soutiendrai jusqu’au dernier soupir. » Le nom de Mézeray était celui d’un canton, d’un réage, selon l’expression du pays, où la famille Eudes possédait quelque pièce de terre26.
L’auteur a ingénieusement construit cette notice avec les paroles mêmes, autant que possible, avec les expressions et les mots du prince : dans ce travail M. de Reiffenberg, à qui l’on a pu reprocher quelquefois des légèretés et des rapidités comme érudit, s’est montré de la plus agréable et de la plus française littérature.
Et c’est ainsi qu’à côté des choses bien vues et bien dites, et qui sont l’expression de sa pensée, ses lettres en contiennent tant d’autres qui ne sont que de méchants propos et des remplissages.
Avec quel sentiment chevaleresque ce noble chanoine réserve ses belles expressions de douleur pour la mort du brave et noble chevalier dont la perte est à déplorer, tant sa loyauté était grande, sa foi pure, sa valeur terrible à l’ennemi, et son amour fidèle !
Mais n’est-ce donc rien que ce bon sens continu de l’expression, cette absence de tout ton faux, et une élégance ferme et précise qui est aussi une des formes excellentes de l’art d’écrire ?
Il est dit de Salomon qu’on le craignait, voyant la sagesse qui était en lui. » Jusqu’à la fin il se méfie, et il combat dans son élève ce qui a été une habitude invétérée jusqu’à l’âge de vingt-huit ans, le trop de raisonnement, le trop de spéculation opposé à l’action, et une certaine complaisance minutieuse et petite, soit dans le sérieux, soit dans le délassement : « Les amusements puérils apetissent l’esprit, affaiblissent le cœur, avilissent l’homme, et sont contraires à l’ordre de Dieu. » Fénelon, dans toute cette description morale, ne marchande point sur l’expression.
Ainsi, quoi que vous entendiez dire, quoi qu’il puisse tôt ou tard se révéler des variations, des contradictions subséquentes ou antérieures, de M. de Chateaubriand, un point nous est fermement acquis : jeune, exilé, malheureux, vers le temps où il écrivait ces pages pleines d’émotion et de tendresse adressées « Aux infortunés », — sous le double coup de la mort de sa mère et de celle de sa sœur, — les souvenirs de son enfance pieuse le ressaisirent ; son cœur de Breton fidèle tressaillit et se réveilla ; il se repentit, il s’agenouilla, il pria avec larmes ; — la lettre à Fontanes, expression et témoignage de cet état d’exaltation et de crise mystique, est écrite de la même plume, et, si je puis dire, de la même encre que l’ouvrage religieux qu’il composait à ce moment et dont il transcrivait pour son ami quelques pages.
Arrivé à Chaillot, où il passait les étés depuis trente ans, Bailly s’y voit l’objet d’une ovation, ou plutôt d’une fête patriarcale et champêtre, « fête sans faste, dont la décente gaieté et les fleurs firent tous les frais », et qu’on lui donne chez lui, dans les différentes pièces de sa maison et de son jardin : Je ne dis rien de trop en disant que je fus embarrassé par cette foule presque entière, qui se pressait autour de moi avec les plus vives expressions de l’amour et de l’estime, une joie pure et douce, une paix qui annonçait l’innocence : cette fête était vraiment patriarcale ; elle m’a donné les plus délicieuses émotions, et m’a laissé le plus doux souvenir.
Lui qui a si bien senti l’individualité et comme le génie de chaque montagne, n’a-t-il pas dit : « Une fois que le Marboré s’est saisi du spectateur, on n’est plus où l’on est, et il n’y a plus que lui dans tout ce qui mène à lui. » En 1793, arrêté trois fois au milieu de ses paisibles herborisations, recueilli ici, insulté là, il n’avait qu’un pas à faire pour franchir la frontière, il ne songea point à émigrer : il n’aurait voulu compromettre ni son vieux père ni aucun des siens ; et puis il était de ceux (selon sa belle expression) qui respectaient jusque dans son délire la mère qui les frappait.
Il n’y manquerait que l’expression : le bon sens y jaillirait de lui-même.
Et en effet, les paroles qu’on peut citer de Montluc contre l’invention de l’arquebuserie, et qui peuvent paraître piquantes d’expression, ne sont que des boutades ou des rancunes d’un vieux soldat qui en a été maltraité au visage13.
Il lui parle du jeune Grammont, qui est près de lui à ce siège, avec intérêt et désir de flatter le cœur d’une mère : « Je mène tous les jours votre fils aux coups et le fais tenir fort sujet auprès de moi ; je crois que j’y aurai de l’honneur. » Les expressions de tendresse, mon cœur, mon âme, s’emploient toujours sous sa plume par habitude, mais on sent que la passion dès longtemps est morte ; et enfin le moment arrive où, après quelques vives distractions qui n’avaient été que passagères, Henri n’a plus le moyen ni même l’envie de dissimuler : l’astre de Gabrielle a lui, et son règne commence (1591).
Jung, le mot célèbre de Mme de Sévigné à sa fille : « J’ai mal à votre poitrine » ; et l’expression la plus naturelle est celle de Henri.
Rohan le sentit, et cette mort lui arracha un cri de douleur dont il a consigné l’expression dans le premier de ses discours politiques.
[NdA] Expression du marquis de Lassay (Recueil de différentes choses, Lausanne, 1756, tome i, page 264). — Antérieurement, soit à Paris, soit à Rome, Mme des Ursins avait beaucoup vu le cardinal de Retz et avait pu prendre de lui ses premières leçons de politique ; il ne tiendrait même qu’à nous de croire qu’elle fut sa dernière galanterie : « On me mande, écrivait Bussy à Mme de Montmorency, que M. le cardinal de Retz achève de faire sa pénitence chez Mme de Bracciano qui, comme vous savez, était Mme de Chalais ; cela étant, je ne désespère pas de voir l’abbé de La Trappe revenir soupirer pour quelque dame de la Cour ; et si l’on va en paradis par le chemin que tient ce cardinal, l’abbé est bien sot de tenir le chemin qu’il tient pour y aller. » 57.
Quoi qu’il en soit de ces distinctions qui m’échappent un peu, Bonstetten resta toujours, en tant qu’écrivain français, vif, rapide, naturel, un causeur qui trouve son expression et qui ne la cherche jamais : en quoi il diffère du tout au tout des autres écrivains bernois, du respectable et savant Stapfer, par exemple, qui ne put jamais désenchevêtrer sa phrase française, et qui, avant d’écrire une seule ligne, se demandait toujours dans un embarras inextricable : N’est-ce pas un germanisme ?
L’expression est souvent sublime.
Je voudrais qu’il eût tout à fait supprimé les autres petites notes de critique littéraire dans lesquelles il se contente d’approuver son auteur et de dire : « Pensée noble et noblement exprimée… Distinction fine et vraie… Jolie expression, etc… » Il n’y a pas de raison pour ne pas mettre cela presque à chaque paragraphe.
Exemple : l’abbé Lacordaire parlant d’un bref adressé par Grégoire XVI aux évêques polonais, dans lequel le pontife s’était montré un peu faible de ton et d’expression envers le czar, avait cherché à excuser le père des fidèles en le comparant à Priam, qui vient réclamer le corps d’Hector, et qui, dans l’excès de son malheur, va jusqu’à baiser la main qui a tué son fils : « Quelle magnifique application, s’écrie Mroe.
C’est l’expression dont on s’est servi dans le Moniteur es parlant de lui le lendemain de sa mort mais aussi les plus dénués de la faculté du style qui fût jamais.
Je donne ces deux sonnets dans leur élévation modeste et leur suavité tout intérieure, accompagnée d’une certaine gaucherie dans l’expression.
Ce qui frappe, au milieu du rôle politique assumé par Mme de Staël et de tous les généreux sacrifices qu’elle a faits à ses sentiments et à ses convictions, c’est qu’elle reste femme, bien femme, ce qui n’est pas un trait désagréable, mais plutôt une expression intéressante de physionomie.
Louis XIV n’avait nullement une santé robuste et, selon une expression heureuse, il n’avait de la santé elle-même que la représentation.
L’autre ne veut et n’admet, même en peignant ses monstres, que les plus nobles formes, les plus belles expressions des passions humaines.
Mais l’on comprend très-bien, après cette merveilleuse campagne et cette sorte de pêche miraculeuse à laquelle on vient d’assister, et qui faisait de Foucault l’intendant modèle, celui qui était proposé à l’émulation de tous les autres, que Louis XIV, trop bien servi et trompé dans le sens même de ses désirs, ait cru pouvoir changer de système ; qu’il ait renoncé à l’emploi et au maintien des Édits gradués, précédemment rendus dans la supposition que les conversions traîneraient en longueur, et que, persuadé qu’il n’y avait plus à donner, comme on dit vulgairement, que le coup de pouce (tant pis pour le grand roi, s’il n’est pas content de l’expression, mais je n’en sais pas de plus juste), il se soit déterminé à révoquer formellement l’Édit de Nantes.
Havet, un écrivain qui sort tous les trois ou quatre ans de sa retraite et de son silence pour nous produire chaque, fois un chef-d’œuvre de critique en son genre, — que ce soit sur la Rhétorique d’Aristote, sur Pascal ou sur Isocrate, — a publié cette fois encore, dans la Revue des Deux Mondes, un essai de premier ordre pour le fond des idées comme pour l’élégance et la fermeté de l’expression ; il y a traité excellemment de cette Vie de Jésus.
L’expression, on le voit, y est naturelle, noble, élégante, poétique même, pas assez créée toutefois, pas assez vivement pittoresque, mais puisée dans l’impression et vraie.
C’est un morceau plein d’intelligence et de délicatesse, dans la pensée comme dans l’expression… Cependant, à mon avis, vous allez trop loin dans la note de la page cxxi, et votre éloge de la poésie française, depuis Corneille jusqu’à Voltaire, méconnaît les progrès et les besoins du temps actuel, qu’autrement vous sentez si bien.
On a de lui quelques sermons imprimés ; cela avait besoin du débit ; son expression manque d’originalité et de caractère.
Cette manière était noble sans être exagérée, et quoique ce prince fût naturellement timide, il avait assez travaillé sur son extérieur pour que sa contenance ordinaire fût ferme, sans la moindre apparence de morgue ; en public, son regard était assuré, peut-être un peu sévère, mais sans autre expression : en particulier, et surtout lorsqu’il adressait la parole à quelqu’un qu’il voulait bien traiter, ses yeux prenaient un singulier caractère de bienveillance, et il avait l’air de solliciter l’affection de ceux auxquels il parlait.
Il monte aujourd’hui dans la chaire évangélique comme autrefois il montait à la tribune, et devant les centres chrétiens, vacillants et troublés, que peuvent inquiéter en effet des menaces ou des promesses de tant de sortes, il pose de nouveau les principes, écarte d’un geste les difficultés inutiles, les tranche, indique les points de ralliement sûrs, les phares uniques et les seuls lumineux ; il résume, il récapitule, il coupe court aux idées vagues, aux illusions dites positives, aux aspirations vers tout avenir qui n’est pas le sien, et, selon une expression heureuse18, il dit à la critique et à la science, comme autrefois à la démocratie et à la Révolution : « Tu iras jusque-là, tu n’iras pas plus loin. » Ses contradicteurs, cette fois, ne s’appellent plus Thiers, Berryer, Odilon Barrot, Duvergier de Hauranne, Garnier-Pagès, Billault, Émile de Girardin : ce sont les Darwin, les Littré, les Renan, les Scherer, etc.
Il dit quelque part, en parlant des députés qui arrivent bons et sains de leurs provinces, et que l’esprit de Paris a si vite gâtés : « Si la province envoyait des Catons, Paris en ferait des Catilinas. » L’expression est forte, mais l’idée n’est pas absolument fausse.
N’ai-je pas raison de dire qu’il y a eu concours sur ce beau nom, et que chaque talent est venu mettre son trait respectueux à l’expression dernière de cette figure bienfaisante ?
Elle blâmait la légèreté et l’imprudence de Joseph II qui avait suscité toute cette tempête, et son ministre Kaunitz ne cachait point à M. de Breteuil, notre ambassadeur à Vienne, l’abattement de l’impératrice et son découragement que lui-même partageait : M. de Breteuil en a consigné l’expression dans ses dépêches.
En un mot, le comte Vitzthum ne laisse rien perdre de l’influence manifeste ou secrète du maréchal de Saxe ; mais certainement il exagère, au moins dans l’expression, lorsqu’il semble donner à entendre que Maurice, dans ces circonstances et dans les mois qui suivirent, parla en maître, que la paix et la guerre dépendaient de lui, qu’il gouvernait à cette heure la France, qu’il fit son coup d’État (les mots y sont).
Pour des choses neuves il n’a jamais d’expressions créées ; il n’a jamais la couleur qui saisit ni le trait qui grave.
Quoi qu’il en soit du charme et de la souplesse de l’expression dans ce remarquable écrit, c’est autrement qu’il me frappe, et plus profondément.
Mais notre objet n’a pu être ici que de donner un extrait, humble expression très en usage dans l’ancienne critique, dans celle qui se borne à rendre compte et à exposer.
Zola voulut être père d’une autre expression typique, et il lança le mot de Roman expérimental.
C’est l’imagination, pourrait-on dire, qui fait préférer ce genre d’expressions, et le véritable sens de cette idée, comme de toutes, est soumis au raisonnement.
Théorie superficielle, scabreuse, et qui renferme bien plus d’obscurité qu’on ne croirait d’abord, mais qui pour Rabelais n’est que l’expression d’une irrésistible et universelle sympathie.
Le réalisme de Marivaux est bien plus objectif que celui de Lesage : la satire s’y enveloppe jusqu’à disparaître dans l’expression impersonnelle.
Beaumarchais L’auteur de la pièce576 est lui-même une des plus extraordinaires expressions du siècle.
Ce ne sont ni les vocables curieux ni les expressions outrées qui donnent la sensation des objets : c’est, le plus souvent, un certain arrangement de mots fort simples et très connus.
Grâce à cette chasteté qui, pour ne pas corrompre les imaginations, « détruit le sentiment dans l’expression », l’âme s’intéresse à la description de son enveloppe, parce que c’est elle-même qui la décrit.
Mais si les symbolistes restaient farouchement individualistes et divisés sur les moyens d’expression, ils se trouvaient unis par une même idée fixe, un même sentiment immuable : la haine de la littérature commerciale, le culte de la poésie pure et la fureur de s’y consacrer.
Il se met alors à rêver d’une poésie éducatrice des foules, par le théâtre, mais dont la danse et la pantomime constitueraient les seuls moyens d’expression.
Le livre sacré est l’expression de ce premier état de l’esprit humain.
Vous ne trouverez pas un mot grossier, une locution basse, une expression licencieuse dans les écrits des Sévigné, des La Fayette, des La Suze, des Coulanges, des deux belles-sœurs Scudéry, qui ont précédé le règne de madame de Maintenon, ni dans ceux de femmes qui ont été fort dégagées des préceptes de son école : telle a été madame de Caylus, sa nièce et son élève ; telle a été la marquise de Lambert.
Barbey d’Aurevilly, écrivain et poseur admirable, noble sans doute, mais plus hautain que noble, et puissant par l’image, et par l’expression trouvée, et par le rythme bruyant et empanaché, et par la verve méprisante, mais dont la pensée est un squelette dont on entend à peine le pauvre cliquettement sous les pourpres triomphales qui le drapent, reproche continuellement lui aussi aux non-catholiques de ne point penser.
Elle le mit aux prises avec la réalité tout entière ; il y garda ses qualités pures, claires, limpides ; il y développa l’expression d’une probité plus mâle, et, dans cet ouvrage final et si longtemps médité, il put donner enfin toute sa mesure.
Il se consolait de ses disgrâces en se réfugiant dans le sentiment de la droiture et de la vertu : « Et c’est, comme vous savez, écrivait-il à M. de Montausier, le vrai bonheur de la vie : tout le reste n’est qu’illusion, et se passe à s’inquiéter ou de faux honneurs ou de fausses infamies. » Patru avait aisément de ces belles expressions antiques, et qui expriment la probité et l’innocence48.
Villemain, nous le savons, a été touché, et il a dû l’être, de ces efforts si honorables et si sincères tentés pour le conserver : il a lu à plusieurs personnes la lettre qui lui a été adressée par le ministre, et nous croyons ne pas nous compromettre en disant qu’au milieu des expressions personnelles de souvenir et de reconnaissance, elle contient à peu près ces termes : J’ai cédé à votre demande, en proposant au Prince de vous admettre à la retraite.
À vingt-quatre ans, l’abbé Gerbet annonçait un talent philosophique et littéraire des plus distingués ; en Sorbonne, il avait soutenu une thèse latine avec une rare élégance ; il avait naturellement les fleurs du discours, le mouvement et le rythme de la phrase, la mesure et le choix de l’expression, même l’image, ce qui, en un mot, deviendra le talent d’écrire.
Lebrun-Tossa insistait sur une expression si singulière et si évasive, et, à la suite d’un apologue assez plaisant, il arrivait à cette conclusion que je résume ainsi : « Quoi ?
Dans cette pièce, comme dans le discours en vers à Mme de La Sablière sur l’idée finale de conversion, comme dans le début de Philémon et Baucis, comme dans Le Songe d’un habitant du Mogol, La Fontaine a trouvé pour l’expression de ses vœux, de ses regrets et de ses goûts, un alexandrin plein et facile qui sait rendre coulamment le naturel, la tendresse, la hauteur de l’âme et l’indulgence, et qui se loge de lui-même dans la mémoire.
Il qualifie ainsi l’Ecclésiaste et le Cantique des Cantiques : — « Œuvres sans ordre, « pleines d’images basses et d’expressions grossières. » Peu de temps après, furieux, il s’écrie : On m’ose préférer Crébillon le barbare !
Mais nous croyons en même temps qu’il y a bien des places dans la maison du Seigneur ; qu’un certain classique n’est pas tout le classique ; que le parfait a toujours quelque imperfection qui permet de concevoir un autre genre de parfait ; que, par exemple, le classique du xviie siècle n’est qu’une forme de classique qui n’est pas sans défaut ; qu’on pourrait soutenir très-fortement que le classique grec lui est supérieur, et peut-être aussi que le classique anglais ou allemand (si l’on peut employer une telle expression) lui est égal ; que, pour comparer en toute justice ces différents genres de chefs-d’œuvre, il faudrait lire Goethe et Shakespeare avec la même préparation que nous lisons Racine ou Corneille : il faudrait se faire Anglais ou Allemand, tandis qu’il nous est si facile d’être Français.
Encore l’architecture ramène la pensée à la vie civile, en ce sens qu’un monument est fait pour recevoir une foule en vue de tel ou tel acte et doit jusqu’à un certain point avoir le caractère qui convient à cet acte, comme il a la forme qui s’y prête, et une école ne doit pas présenter les mêmes combinaisons de lignes qu’une église ; — et la musique seule est tout à fait l’art qui permet qu’on échappe à la vie et qui aide à en sortir ; et c’est l’expression même de la rêverie.
Il est tel chœur de Sophocle, tel sonnet de la Vita nuova, telle tragédie de Racine, qui résonnent dans l’âme comme le chant d’un dieu d’amour et de douleur ; et tant que l’humanité vivra, elle retrouvera, dans ces syllabes assemblées par un homme disparu, l’immortelle expression d’une âme toujours présente.
Il est la plus haute expression de l’amour, et l’amour c’est le rêve, le grand rêve poursuivi de l’humanité. […] Nous avons un poète et un poète admirable, plus grand que Musset peut-être, et plus magnifique que Victor Hugo, un poète dont les vers retentiront à tous les âges, comme la plus éloquente et la plus éblouissante expression du génie français. […] Il est tellement ouvert aux impressions qui effleurent à peine le commun des esprits doués et vibrants qu’il trouve cette expression admirable et étrange : « l’oreille voit ». […] Stéphane Mallarmé m’a dit qu’il ressemblait beaucoup, par l’expression du visage et par l’habitude du corps, à Edgar Poe ; non point l’Edgar Poe tel que nous le restituent les gravures mensongères, mais tel que M. […] Le style en est délicatement ouvragé, amoureusement ciselé — pas simple, non, mais ramené à l’expression suggestive, au verbe profond — et puissant aussi dans son élégante harmonie, évocateur dans son mystère, inquiétant, parfois.
Ne parle-t-on point, à propos de nos classiques, de lieux communs et d’expressions toutes faites ? […] Cette expression est fort belle et sera toujours neuve. […] Il est certain que Byron a cherché constamment l’expression capable de limiter l’extravagance de ses sentiments, et qu’il avait le sens et le regret de l’ordre classique. […] Quant à Goethe, faites attention que s’il fixe sur le monde un regard calme, c’est avec l’expression la plus triste et la plus passionnée. […] Et l’expression ne manque-t-elle pas de cette vertu cachée qui enchante en surprenant chez les véritables maîtres de la langue ?
L’expression de votre désir m’avait bien été transmise vers l’époque de votre visite rue Montagne-aux-Herbes-Potagères, mais étourdi par la vie fascinante que je menais à Paris, je n’avais eu ni le loisir, ni l’amour-propre d’y répondre. […] Un jour interpellé par une belle et noble dame sur la rareté de sa présence dans le monde, il minauda quelques excuses qui, ayant pour but de l’excuser aux yeux de la dame, eurent pour expression des termes peut-être un peu pédantesques, avec un air fort important par-dessus tout. […] Lamothe-Langon pour la gloire littéraire, qu’on soupçonne un commerce secret dont l’intention que je viens d’émettre serait une des expressions. […] L’Europe littéraire offrait jusqu’à cette époque la plus grande expression du luxe typographique ; elle avait pour rédacteurs quelques hommes déjà célèbres, et d’autres qui reçurent d’elle tout leur éclat.
L’expression de la substitution est donc obligée de se tronquer. […] Quand nous disons « l’enfant devient homme », gardons-nous de trop approfondir le sens littéral de l’expression. […] Elles tendent à se confondre avec leur propre définition, c’est-à-dire avec la reconstruction artificielle et l’expression symbolique qui est leur équivalent intellectuel. […] Aussi, ayant commencé par refuser aux Idées une existence indépendante et ne pouvant pas, néanmoins, les en priver, Aristote les pressa les unes dans les autres, les ramassa en boule, et plaça au-dessus du monde physique une Forme qui se trouva être ainsi la Forme des Formes, l’Idée des Idées, ou enfin, pour employer son expression, la Pensée de la Pensée.
Ne désirez-vous rien de plus mâle, de plus sûr, de plus animé dans les expressions de ce jeune Ottoman qui se voit entre Roxane et l’empire, entre Atalide et la mort ? […] » Sentiment féroce, à la vérité, mais d’une extrême énergie et d’une expression sublime. […] Madame de Sévigné n’employa pas des expressions plus relevées le jour même où elle eut l’avantage d’assister à une représentation d’Esther. […] En polissant l’expression, on acquiert un droit à la pensée ; le style en vers est une création. […] Molière lui-même fut souvent prodigue de ces expressions, que notre politesse a bannies de la conversation comme de la scène.
Selon l’expression de Vasari, ces sonnets donnèrent plus de renommée à ce peintre que n’auraient fait tous ses tableaux. […] Mais une expression extraordinaire, un coloris plus fort, une attitude bizarre d’un peintre moins bon nous saisit du premier coup d’œil, parce qu’on n’a pas coutume de la voir ailleurs. […] Ôtez-lui ces expressions de son temps qui surprennent aujourd’hui, et vous £207£ pourriez avoir un de ces descriptifs dans la pauvre manière du xviiie siècle. […] C’est sans doute pourquoi l’on rencontre chez lui un plus grand nombre d’expressions surannées que chez l’autre. […] « C’est qu’avec beaucoup d’imagination, remarque-t-il, il est naturellement peu coloriste, et qu’il a besoin, pour arriver à une expression vivante, d’évoquer, comme par un soubresaut galvanique, les êtres de l’ancienne mythologie.
Ces deux sentiments, si utiles à la vie sociale et qui établissent la solidarité entre les hommes, ont trouvé, ici ou là, chez les meilleurs et les plus célèbres écrivains, leur expression enflammée et lyrique. […] Par quel miracle Balzac et Shakespeare ont-ils ainsi assemblé en tumulte sur la place de leur imagination la race douée du langage et lui ont-ils donné son expression la plus hautaine ? […] L’essence de l’homme donne à l’homme la faculté de revêtir les masques les plus variés, les plus opposites d’expression. […] Suivant une expression qui fut initiatrice et qui nous est bien chère, noua désirons rêver sur le divin. […] Il affecte l’apparence de contes très simples qui s’avancent vers le lecteur, les mains chargées de vérités voilées, tous de visage analogue, bien que contractés par une expression différente.
Après la visite de Perrault, il écrit donc à Colbert, et le supplie résolument, sans marchander sur l’expression (janvier 1669) : Monseigneur, Oserai-je vous réitérer par cette seconde lettre les mêmes prières que j’ai déjà pris la hardiesse de vous faire par ma première, dont voici les mêmes termes ?
Ce sont là de ces mots qui touchant toujours, parce qu’ils tiennent à la fibre humaine ; et plus l’expression du sentiment est simple, plus on aime à la noter chez l’historien comme chez le poète.
Quelqu’un qui vous lirait sans vous connaître croirait, à cette expression, que vous avez été fait capucin ou trappiste malgré vous : car enfin votre emploi n’est pas celui que vous auriez voulu choisir, mais cette histoire est celle de presque tous les hommes ; j’en vois bien peu qui eussent fait par plaisir ce qu’ils sont obligés de faire par devoir.
Sur Vardes si mêlé aux intrigues de la cour de Madame, et qui n’était plus de la première jeunesse, « mais plus aimable encore par son esprit, par ses manières insinuantes, et même par sa figure, que tous les jeunes gens » ; — sur Lauzun, « le plus insolent petit homme qu’on eût vu depuis un siècle », excellent comédien, non reconnu tout d’abord ; — sur Bellefonds qui était creux et faux en tout, « faux sur le courage, sur l’honneur et sur la dévotion » ; — sur La Feuillade « fou de beaucoup d’esprit, continuellement occupé à faire sa cour, et l’homme le plus pénétrant qui y fût, mais qui souvent passait le but » ; — sur Marcillac, fils de La Rochefoucauld, c’est-à-dire de l’homme de son temps le plus délié et le plus poli, et qui lui-même réussit dans la faveur, « étant homme de mérite, poli, et sage de bonne heure, caractère que le roi a toujours aimé » ; — sur le chevalier de Rohan, au contraire, qui fut décapité pour crime de lèse-majesté, « l’homme de son temps le mieux fait, de la plus grande mine, et qui avait les plus belles jambes » (car il ne faut pas mépriser les dons de la nature, pour petits qu’ils soient, quand on les a dans leur perfection)75 ; — sur tous ces originaux et bien d’autres le témoignage de La Fare est précieux, de même que son expression est parfaite.
Mais vous préférez le monde moral, la pensée, l’expression d’un sentiment.
» Ici nous retrouvons quelques-unes des idées particulières et, si l’on veut, des préventions de Vauvenargues, un reste de gentilhomme, ou plutôt un commencement de grand homme ambitieux, qui aimerait mieux franchement être Richelieu que Raphaël, avoir des poètes pour le célébrer que d’être lui-même un poète ; qui aimerait mieux être Achille qu’Homère : « Quant aux livres d’agrément, ose-t-il dire, ils ne devraient point sortir d’une plume un peu orgueilleuse, quelque génie qu’ils demandent ou qu’ils prouvent. » Il ne permet tout au plus la poésie à un homme de condition et de ce qu’il appelle vertu, que « parce que ce génie suppose nécessairement une imagination très vive, ou, en d’autres termes, une extrême fécondité, qui met l’âme et la vie dans l’expression, et qui donne à nos paroles cette éloquence naturelle qui est peut-être le seul talent utile à tous les états, à toutes les affaires, et presque à tous les plaisirs ; le seul talent qui soit senti de tous les hommes en général, quoique avec différents degrés ; le talent, par conséquent, qu’on doit le plus cultiver, pour, plaire et pour réussir. » Ainsi la poésie, il ne l’avoue et ne la pardonne qu’à titre de cousine germaine de l’éloquence, et qu’autant qu’elle le ramène encore à une de ces grandes arènes qui lui plaisent, à l’antique Agora ou au Forum, ou à un congrès de Munster, en un mot à une action directe sur les hommes.
Pourquoi donc reculer devant l’expression entière de la nature humaine dans sa vérité ?
(N’est-il pas vrai que Montaigne communique de sa gaieté d’expression à son secrétaire ?)
Sa complexion est flegmatique et naturellement mélancolique… » Voilà une esquisse qui n’est pas à faire pitié, ce semble, et qui peut se voir encore après le portrait du Titien, Il fallut à Charles-Quint du temps, même après sa renonciation publique, pour se décharger de tous ses titres et de toutes ses couronnes, pour « se dénuer de tout », selon son expression sincère.
Deleyre était une de ces âmes-là, une âme sensible, inquiète, dépaysée, déclassée, tirée du cloître où elle n’avait pu rester, et souffrant dans la société d’où il lui tardait toujours de s’enfuir, une de ces organisations ébranlées comme il ne s’en trouve pas sous cette forme au xviie siècle, et comme il devait s’en rencontrer beaucoup au commencement du nôtre ; il allait avoir son expression, mais imparfaite et insuffisante encore, dans les Rêveries d’un Promeneur solitaire ou dans les Confessions.
L’abbé Legendre, qui a écrit jusqu’à quatre Éloges de M. de Harlay, sans compter ce qu’il en dit dans ses Mémoires ; qui l’a loué une première fois en français, mais un peu brièvement40, une seconde fois en français encore41 et en s’attachant à ne mettre dans ce second morceau ni faits, ni pensées, ni expressions qui fussent déjà dans le premier ; qui l’a reloué une troisième fois en latin42, puis une quatrième et dernière fois en latin encore43, mais pour le coup avec toute l’ampleur d’un juste volume, Legendre a commencé ce quatrième et suprême panégyrique qui englobe et surpasse tous les précédents par un magnifique portrait de son héros ; je le traduis ; mais on ne se douterait pas à ce début qu’il s’agit d’un archevêque, on croirait plutôt qu’il va être question d’un héros de roman : « Harlay était d’une taille élevée, juste, élégante, d’une démarche aisée, le front ouvert, le visage parfaitement beau empreint de douceur et de dignité, le teint fleuri, l’œil d’un bleu clair et vif, le nez assez fort, la bouche petite, les lèvres vermeilles, les dents très bien rangées et bien conservées jusque dans sa vieillesse, la chevelure épaisse et d’un blond hardi avant qu’il eût adopté la perruque ; agréable à tous et d’une politesse accomplie, rarement chagrin dans son particulier, mangeant peu et vite ; maître de son sommeil au point de le prendre ou de l’interrompre à volonté ; d’une santé excellente et ignorant la maladie, jusqu’au jour où un médecin maladroit, voulant faire le chirurgien, lui pratiqua mal la saignée ; depuis lors, s’il voyait couler du sang, ou si un grave souci l’occupait, il était sujet à des défaillances ou pertes de connaissance, d’abord assez courtes, mais qui, peu à peu, devinrent plus longues en avançant : c’est ce mal qui, négligé et caché pendant plus de vingt ans, mais se répétant et s’aggravant avec l’âge, causa enfin sa mort. » L’explication que l’abbé Legendre essaye de donner des défaillances du prélat par suite d’une saignée mal faite est peu rationnelle : M. de Harlay était sujet à des attaques soit nerveuses, soit d’apoplexie plus probablement, dont une l’emporta.
si vous le voulez à toute force, — vous voyez que je n’y tiens pas, pourvu qu’il ait un peu de malice et qu’il soit tout nu et bien gentil. » Je ne voudrais pas abuser du plaisir de citer parmi ces pages, déjà si nombreuses, d’un livre inachevé ; mais cette finesse de sentiment et d’analyse, cette délicatesse d’expression sous forme écrite, jettent certainement un jour sur le talent de Gavarni, et nous expliquent les distinctions secrètes de son crayon, même lorsque ensuite il ira, comme il dit, au cabaret.
Cette page est à joindre, pour l’ardeur et la vérité de l’expression, à toutes celles d’Alfred de Musset se rapportant à la même date morale.
Elle a cela de remarquable qu’elle fut écrite par lui pendant sa captivité d’Alger et que, dans son expression poignante, elle porte en quelque sorte la marque des fers : elle est de son époque héroïque et douloureuse12.
Oui, il était attentif à tout, même dans la conversation ; oui, quand une pensée, une expression heureuse, délicate ou vive, passait devant lui ou lui venait à l’esprit, il était empressé à la recueillir : toujours inquiet du mieux et de l’excellent, il l’amassait goutte à goutte et n’en laissait volontairement distraire aucune parcelle ; il s’y consumait, il se relevait la nuit quand il le fallait, et, comme il ne pouvait se servir seul, il faisait relever son monde, même en hiver, pour écrire une pensée qu’il craignait de perdre, et qui lui aurait échappé au réveil ; car plus d’une de nos pensées, et des meilleures, sont souvent noyées et englouties à jamais entre deux sommeils, comme les Égyptiens dans la mer Rouge.
La première condition du plan de Mirabeau est notre éloignement avec toute la famille hors de Paris, non pas à l’étranger, mais en France… » Si la reine avait été charmée de Mirabeau, celui-ci, comme nous l’apprend de son côté M. de La Marck, sortit de l’entrevue plein de flamme et d’enthousiasme, « La dignité de la reine, la grâce répandue sur toute sa personne, son affabilité lorsque avec un attendrissement mêlé de remords il s’était accusé lui-même d’avoir été une des principales causes de ses peines, tout en elle l’avait charmé au-delà de toute expression. » Quand on la voit plus tard produire exactement le même effet sur Barnave, il faut reconnaître qu’elle avait de près ce don des femmes, le charme, la fascination.
Il est permis de penser qu’en plaidant cette mauvaise cause Catinat sentait le côté juste des raisons qu’on lui opposait ; il a des expressions d’estime, et presque des éloges pour la partie adverse : « J’ai trouvé, disait-il dans sa lettre à Louvois (15 octobre 1681), ces gens-ci tout autrement que je n’avais pensé ; j’espérais beaucoup de la permission d’offrir de l’argent ; à quoi ils m’ont paru fort insensibles, et toutes les offres qui ont tendu à cela ont été très-mal reçues.
Étant peu militaire et peu propre à discerner le côté supérieur de ce petit-fils d’Henri IV, son coup d’œil d’homme de guerre, sa décision, sa vigueur, une fois l’action engagée, il s’est attaché à le peindre sous ses pires côtés les plus apparents, dans toute la laideur ou la splendeur de ses débordements et de son cynisme : il y est magnifique d’images, d’expressions, mais c’est incomplet.
D’ailleurs les rédacteurs de ses statuts avaient conçu à ce sujet, pour ne rien dire de plus, une étrange idée : non seulement ils voulaient (ce qui était raisonnable) marier, pour ainsi dire, chaque art mécanique à la science dont cet art peut tirer des lumières, comme l’horlogerie à l’astronomie, la fabrique des lunettes à l’optique ; mais ils prétendaient encore, qu’on nous passe cette expression, accoler chacun de ces arts à la partie des belles-lettres qu’ils s’imaginaient y avoir plus de rapport : par exemple, disaient-ils, le brodeur à l’historien, le teinturier au poëte, et ainsi des autres.
Jasmin prend peut-être quelques licences de tours, ou du moins il profite en cela des habitudes introduites ; il cède un peu trop, sans y songer, à ce flot de gallicismes qui vont chaque jour s’infiltrant ; tout en observant parfaitement la grammaire locale, il ne recourt peut-être pas assez à certaines locutions par lesquelles l’idiome du Midi se distinguait du français du Nord, et qu’on pourrait sauver ; en un mot, ce n’est pas un poëte remontant du patois à la langue par l’érudition ; mais c’est un poëte pur, soigné en même temps que naturel dans l’expression, habile et curieux aux mots vifs de son vocabulaire ; rien de rocailleux, rien de louche chez lui, et, pour parler selon ses images, son clair Adour, à nos yeux, semble courir sans un flot troublé47.
« Une expression d’un goût aussi moderne que celle de l’héréditaire éclat suffit sans doute, ajoute-t-il, pour détruire toute l’harmonie de la couleur antique. » Et il continue de raisonner en ce sens.
Ceux qui ont l’honneur de connaître Mme de Souza trouvent en elle toute cette convenance suprême qu’elle a si bien peinte, jamais de ces paroles inutiles et qui s’essaient au hasard, comme on le fait trop aujourd’hui ; un tour d’expression net et défini, un arrangement de pensée ingénieux et simple, du trait sans prétention, des mots que malgré soi l’on emporte, quelque chose enfin de ce qu’a eu de distinctif le dix-huitième siècle depuis Fontenelle jusqu’à l’abbé Morellet, mais avec un coin de sentiment particulier aux femmes.
Ces qualités que nous avons trouvées déjà dans les fabliaux de Gautier le Long, et dans certains développements dialogués de Jean de Meung, apparaissent aussi dans le satirique Miroir de Mariage d’Eustache Deschamps, où il ne serait pas difficile de signaler les esquisses d’une expression synthétique de certains états moraux, où, par exemple, le thème moral de Georges Dandin est indiqué, sans mélange d’action ou d’intrigue dramatique.
Ce n’est point l’expression de sa vie, c’est sa vie même qui est pour lui l’œuvre d’art.
Une expression nouvelle qui revient une centaine de fois : à son entour pour autour d’elle ou de lui Je m’explique mal la tendresse de M.
Le livre de Daniel, le livre d’Hénoch, certaines parties des livres sibyllins 148, sont l’expression juive de la même théorie.
Il a l’expression forte, ingénieuse ; il ne l’a pas naturellement pittoresque.
Tout à côté de Mme de Sévigné, avec moins d’imagination dans le style et de génie de détail, mais avec une invention poétique et romanesque pleine de tendresse, et une légèreté, une justesse d’expression incomparable, on trouve Mme de La Fayette.
Ce petit traité, qui renferme des réflexions fermes et hautes, des remarques fines, et rendues dans un style net et vif, avec un vrai talent d’expression, a un défaut : il est sec et positif ; il a ce cachet de crudité qui déplaît tant au milieu des meilleures pages du xviiie siècle, et qui fait que la sagesse qu’on y prêche n’est pas la véritable sagesse.
Ce n’est pas seulement la langue ici et l’expression qui lui fait faute et qui résiste, c’est souvent le tact délicat qui est absent !
Pendant ce temps de ses études tant à Paris qu’à Juilly, il ne vit Mme de Montespan que deux ou trois fois, et toujours en cachette ; il sentait bien qu’il était comme proscrit, selon son expression : mais il avait bonne confiance dans son étoile ; toutes les personnes qui le rencontraient lui témoignaient par leur air de considération qu’elles n’y comptaient pas moins que lui, et il se flattait toujours.
Ce qu’il faut ajouter pour corriger ce que l’expression paraîtrait avoir de trop énergique, c’est que quelqu’un qui voudrait faire un livre intitulé : L’Esprit de Mme Sophie Gay, n’aurait qu’à bien choisir pour le composer d’une suite de bonnes remarques sur le monde et sur les sentiments, d’observations à la fois fines, délicates, naturelles et bien dites.
[NdA] Voici, par exemple, une phrase obscure de la conclusion : « Or, entre les principes proclamés par la Révolution (d’Angleterre), il fallait distinguer ceux pour lesquels elle avait entrepris de créer des faits, et ceux qui n’étaient que l’expression de faits plus anciens qu’eux.
Jordan écrivit au roi une lettre dernière, dans laquelle, au milieu de l’expression d’une tendre reconnaissance, il touchait un mot de religion ; c’était comme une demi-rétractation de certaines plaisanteries qui avaient eu cours entre eux à ce sujet : Sire, mon mal augmente d’une façon à me faire croire que je n’ai plus lieu d’espérer ma guérison.
Et nous avons montré, dans un chapitre précédent, que ce ne sont pas là seulement des métaphores, mais les résultats d’une loi qui explique l’expression même des sentiments : la bouche, dans la déception ou le mépris, fait les mêmes mouvements et prend les mêmes formes que sous l’action d’une saveur amère ou dégoûtante.
Alors il est parti à la campagne, pour une propriété de sa famille, et il est parti avec sept vessies de couleur, emportant sur lui, selon une expression de son frère, toutes les couleurs de l’arc-en-ciel.
Donc maintenons, quoique inexacte ou peut-être absurde, l’expression : vers libre.
Ainsi les romantiques, pour augmenter les moyens d’expression de l’alexandrin ou plus généralement des vers à jeu de syllabes pairs, inventèrent le rejet qui consiste en un trompe-l’œil transmutant deux vers de douze pieds en un vers de quatorze ou quinze et un de neuf ou dix.
Claretie avait envoyée à Mme Augier : « La Maison de Molière, qui était et qui est encore la maison d’Émile Augier, envoie l’expression de son respect et de ses douloureuses condoléances à Mme Augier. » Chacun citait des traits de la large et bienveillante affabilité du maître.
S’il y avait une ordonnance, des incidents, une figure, une tête, un caractère, une expression empruntée des Carraches, du Titien ou d’un autre, je reconnoitrois le plagiat, et je vous le dénoncerois.
Ils nous auront surpassé, si l’on peut se servir de cette expression, en raison pratique, mais nous les surpassons en raison spéculative.
Il exerce une sorte de police rigoureuse dans ce clan hermétique qui, selon sa pittoresque expression, est plutôt une « caserne » qu’une école littéraire.
Le livre de Mme Stern est, par la forme, le pensum de la gravité affectée, comme il est, par le fond, le doctrinarisme de la Libre-Pensée et l’expression de ces misérables généralités philosophiques qui sont les vulgarités intellectuelles de ce temps.
C’est parce qu’il est, dans tout ce que nous abhorrons le plus, — la haine et la négation des choses religieuses, — un esprit des plus bas, quand Stendhal garde encore, dans cette haine et dans cette négation, une âme élevée… Stendhal, qui est sorti par les années bien plus du xviiie siècle que Mérimée, Stendhal, qui avait été soldat de l’empereur Napoléon, a pour le catholicisme qu’il n’a pas étudié et qu’il ne connaît pas, mais qu’il aurait adoré s’il l’avait connu, un mépris soldatesque mêlé de voltairianisme ; mais dans ce mépris et dans cette haine, Stendhal n’a jamais été un goujat, tandis que Mérimée, sans excuse, en a été un d’expression et de pensée qui aurait répugné à la noblesse fondamentale de l’âme de Stendhal !
Il s’en distingue principalement par là qu’il n’est point l’expression d’une sensibilité éplorée ou d’un ressentiment désespéré contre l’insupportable et incompréhensible douleur de la vie.
Seulement, ajoute Renan, la Loi, — et ici l’importance commence, — la Loi n’eût pas pour lui « beaucoup de charmes », expression qui en a beaucoup pour moi, par parenthèse ; mais, encore une fois, comment le sait-il ?
Il pleurait tout en gardant sur le visage une expression d’énergie étonnante… Et, après m’a voir confessé, il me parla longtemps, longtemps.
Après avoir suivi le genre des éloges chez les peuples barbares, ou ils n’étaient que l’expression guerrière de l’enthousiasme qu’inspirait la valeur ; chez les Égyptiens, où la religion les faisait servir à la morale ; chez les anciens Grecs, où ils furent employés tour à tour par la philosophie et la politique ; chez les premiers Romains, où ils furent consacrés d’abord à ce qu’ils nommaient vertu, c’est-à-dire, à l’amour de la liberté et de la patrie ; sous les empereurs, où ils ne devinrent qu’une étiquette d’esclaves, qui trop souvent parlaient à des tyrans ; enfin, chez les savants du seizième siècle, où ils ne furent, pour ainsi dire, qu’une affaire de style et un amas de sons harmonieux dans une langue étrangère qu’on voulait faire revivre ; il est temps de voir ce qu’ils ont été en France et dans notre langue même.
Le mètre en est court et rapide, l’expression plus libre que passionnée, la mythologie moins inventive que celle de Sapho.
De Démétrius : « La nature semble ne l’avoir fait que pour prouver que ce grand homme était incorruptible, et notre siècle incorrigible ; héros dont la sagesse est accomplie, quoiqu’il n’en convienne pas ; dont la constance est inébranlable dans ses projets ; et dont l’éloquence, sans apprêt, sans recherche d’expressions, répond à la raideur de ses préceptes, et marche fièrement vers son but, n’ayant pour guide qu’une impétuosité naturelle. […] Personne ne connut comme Tibère la valeur des expressions ; clair, lorsqu’il n’était pas obscur à dessein. […] » C’est l’expression de Tacite. […] Or je désirerais qu’on nous indiquât un auteur, ancien ou moderne, qui se fût élevé avec autant de force contre une pusillanimité qui rend notre condition pire que celle des animaux, et qui nous soumet si bassement à toutes sortes de tyrannies, ou, pour me servir de l’expression énergique d’un commentateur d’Epictète, Arrien, qui ait frappé des coups plus violents sur les deux anses par lesquelles l’homme robuste et le prêtre adroit saisissent le faible pour le conduire à leur gré. […] J’aurai de l’indulgence pour le style épistolaire, je conviendrai que la familiarité de ce genre admet des pensées et des expressions qu’on s’interdirait dans un autre ; mais quoique pleines de belles choses, ses lettres, assez naturelles dans la traduction, ne m’en paraîtront pas moins recherchées dans l’original242.
Childe Harold, Lara, le Giaour, le Corsaire, Manfred, Sardanapale, Caïn, son Tasse, son Dante et le reste sont toujours un même homme, représenté sous divers costumes, dans plusieurs paysages, avec des expressions différentes, mais comme en font les peintres, lorsque par des changements de vêtements, de décors et d’attitudes, ils tirent du même modèle cinquante portraits. […] Les seuls d’entre eux qui valent quelque chose, Crabbe, Campbell, Roger, imitent le style de Pope ; quelques autres ont du talent, mais, à tout prendre, les nouveaux venus ont perverti la littérature ; ils ne savent plus leur langue ; leurs expressions ne sont que des à-peu-près, au-dessous ou au-dessus du ton, forcées ou plates. […] C’est depuis trente ans seulement que l’ascendant de la classe moyenne a diminué les priviléges et la corruption des grands ; mais à ce moment on pouvait leur jeter de rudes paroles à la tête. « La pudeur, disait Byron en prenant les mots de Voltaire, s’est enfuie des cœurs et s’est réfugiée sur les lèvres… Plus les mœurs sont dépravées, plus les expressions sont mesurées ; on croit regagner en langage ce que l’on a perdu en vertu… Voilà la vérité, la vérité sur la masse hypocrite et dégradée qui infeste la présente génération anglaise ; c’est la seule réponse qu’ils méritent… Le cant est le péché criant dans ce siècle menteur et double d’égoïstes déprédateurs. » Et là-dessus il écrivit son chef-d’œuvre, Don Juan 1301.
Quelques braillards de carrefour, quelques journalistes imprudents ont pu passer pour l’expression de l’opinion de la nation. […] Rien ne se fait en ces gigantesques entreprises communes, si chacun, selon une expression vulgaire, « en prend et en laisse » ; or la démocratie ne peut sortir de sa mollesse sans entrer dans la terreur. […] La réflexion apprend que la raison n’est pas la simple expression des idées et des vœux de la multitude, qu’elle est le résultat des aperceptions d’un petit nombre d’individus privilégiés.
C’est donc une très grande faute littéraire que d’outrer l’expression ; on risquerait moins peut-être à la tenir au-dessous de la vérité ; aussi lorsque, dans les Confessions d’an Enfant du Siècle, nous voyons toutes les ressources du terrible employées à peindre les pensées et les actes d’un enfant de 19 ans, abandonné par une femme qu’il aime, nous ne pouvons en vérité reconnaître une valeur sérieuse à la composition d’un livre basé sur une donnée aussi peu littéraire. […] Nous ne serons pas d’une pruderie farouche quant au sujet de ce livre, si nous nous permettons d’avancer que la bonne humeur de l’écrivain y dégénère trop souvent en imagination fort déréglée, et que, pour peu que l’esprit du lecteur ait de la délicatesse, il ne revient pas plus satisfait du contact de Mlle de Maupin que de la société de ces Jeunes France qui, suivant une expression pratiquée par leur auteur, n’ont pas de plus grande jouissance que de se griser abominablement . […] Une nuance ajoutée à l’expression d’un sentiment suffit à dénaturer tout à fait ce qu’elle prétend rendre et quand traduire exactement est déjà si difficile, que devient le texte, le texte vrai si vous ajoutez encore à la peine d’en transporter le vers muet dans une langue étrangère, l’infidélité de lui faire dire ce qu’il ne dit pas ?
L’aristocratie, au contraire, ayant pour base la distinction des caractères, est l’expression directe de la vie. […] J’aperçois distinctement, malgré le lointain du temps, leurs faces encore blanches de lait, légèrement fleuries, les boucles duveteuses de leurs cheveux couleur de soleil, et, sur presque toutes ces faces de nouvelles venues, l’expression ironiquement apposée par la vie en avance, cette singulière tare de vieillesse immédiatement visible sur le visage des enfants naissants et qui met quelque temps à disparaître, le sceau hérité de l’expérience et de l’amertume. […] Barrès est la clarté dans l’expression de ses idées ; c’est d’ailleurs toujours en haut qu’il les a cherchées, alors même qu’on les devinait mieux qu’on ne les voyait derrière les phrases parfois et comme volontairement énigmatiques dont il les enveloppait. […] Jamais je n’oublierai l’expression de sévérité que prit la figure du commandant quand il ajouta, en me mettant la main sur l’épaule : “Vous commanderez un jour, jeune homme ! […] En disant cela, il pinçait ses lèvres avec une expression effroyablement dure, qui, jointe à sa petite taille, lui avait fait donner à l’armée le sobriquet du petit Louis XI, et un officier placé derrière moi, qui avait entendu la demande et la réponse, ajouta tout bas : “Et il avait pris ses précautions. — Comment ?
Il sembloit, selon l’expression d’un Génevois, que ce fut le bourdonnement d’un essaim d’abeilles pour chasser un frelon de leur ruche. […] On y saisit assez bien les ridicules de quelques philosophes modernes qui abusent de ce nom, le mépris fastueux de la gloire qu’ils affectent pour y parvenir plus surement ; leurs cabales, leurs intrigues ; l’intérêt qu’ils veulent inspirer, en exagérant la persécution, en citant sans cesse les Montesquieu, les Voltaire, pour être mis à côté de ces grands hommes ; leur attention à se renvoyer des brevets de célébrité ; leur ton décisif, leur charlatannerie ; la hauteur avec laquelle ils commandent à la nation de croire au mérite de leurs protégés ; la violence avec laquelle ils veulent emporter les suffrages du public, qu’ils obtiendroient mieux par la modestie ; enfin tant de pensées, tant d’expressions, tant de débuts emphatiques. […] Ils sont dénués de cette poësie d’expression qui le caractérisent. […] Il faut convenir que ces idées, dégoûtantes par elles-mêmes, plaisent toujours par l’expression. […] Avant sa réconciliation avec elle, de mauvais plaisans le comparoient au docteur de Launoi, grand dénicheur de saints, selon l’expression de Bayle, & qu’un curé de saint Eustache saluoit du plus loin qu’il le voyoit, de peur, disoit-il, qu’il ne m’ôte aussi mon saint, qui ne tient presqu’à rien.
» XIII L’expression ici même est encore faible dans sa justice, car la médiocrité serait plutôt une excuse de la déloyauté que le génie ; le génie n’est pas une excuse, il est une aggravation de tous les crimes ; car le génie est une lumière et une force ; il lui est moins permis de s’aveugler et de faiblir qu’à la médiocrité, qui est une obscurité et une faiblesse. […] Nudité d’expression, nudité d’ornement, nudité de son, nudité de forme, nudité de prétention, nudité de couleurs, hélas !
La diplomatie de chaque nation est l’expression de son caractère : Égoïste, superbe, religieuse, humanitaire et philosophique, en Angleterre ; Héroïque, généreuse et versatile, en France ; Immorale, cauteleuse et improbe, en Prusse ; Modeste, honnête et intéressée, en Hollande ; Ombrageuse et amphibie, en Belgique ; Persévérante, longanime, sans scrupule, mais non sans honnêteté, en Autriche ; Vaine, chevaleresque et loyale, en Espagne ; Grecque, habile, à petits manèges et à grandes vues, en Russie ; Consommée, universelle, sachant toutes les langues des cabinets, à Rome, Rome, la grande école de la diplomatie moderne, puissance qui ne vit que de politique sur la terre, d’empire sur les consciences, de ménagements avec les cours, de résistance derrière ce qui résiste, d’abandon de ce qui tombe, d’acquiescement aux faits accomplis ; Dépendante et adulatrice, dans les petites cours d’Allemagne et d’Italie, clientes de la force et de la victoire ; Hardie, inquiète, insatiable, en Piémont ; prompte à tout recevoir, quelle que soit la main qui donne ; prête à tout prendre, quelle que soit la main qui laisse envahir ; Alpestre, rude, pastorale, probe, mais intéressée, en Suisse ; non dépourvue d’une sorte d’habileté villageoise, se faisant appuyer par tout le monde, mais n’appuyant elle-même personne contre la fortune ; Enfin, simple et franche en Turquie, jouissance arriérée dans la voie de la corruption des cabinets européens ; puissance de bonne foi, dont la candeur est à la fois la vertu et la faiblesse ; puissance naïve qui n’a jamais eu de diplomatie que la ligne droite ; puissance qui a toujours cru à toutes les paroles, et qui n’a jamais manqué à la sienne ; puissance, enfin, destinée à être la grande et éternelle dupe de tous les cabinets, dupeurs de son ignorance et de sa loyauté. […] C’est ce que M. de Talleyrand, redevenu en une heure l’oracle de la France et de l’Europe, définit admirablement dans le conseil des rois : « La république est une impossibilité ; la régence, c’est Napoléon continué, avec le ressentiment de sa déchéance et l’inimitié de l’Europe ; Bernadotte (candidat alors de la Russie), c’est une intrigue : la légitimité seule est un principe. » Cette note verbale était l’expression exacte et forte de la France, de l’Europe et du temps ; elle portait en peu de mots un sens souverain et irréfutable.
Il lui reste longtemps des besoins d’expression plus parfaite qu’il cherche involontairement à jeter dans sa nouvelle forme. […] « “Dante a caractérisé le Mincio par une expression exacte et énergique, selon son habitude : ‘(Il ne court pas longtemps sans trouver une plaine basse dans laquelle il s’étend et qu’il emmarécage).
C’est l’Andromaque d’Hector agenouillée sur une tombe vide, gardant un amour unique et la fidélité du coeur dans l’involontaire infidélité d’un corps d’esclave ; l’amoureuse amitié de Nisus et d’Euryale ; Pallas, ou la grâce de la jeunesse fauchée ; la blonde amazone Camille, la jeune aïeule des « travestis » héroïques, de Clorinde à Jeanne d’Arc… Et c’est, partout, l’ombre de la grande Louve, la majesté du peuple romain, régulateur et pacificateur du monde, le sentiment de sa mission, de sa « vocation » terrestre, crue et révérée comme un dogme religieux : Excudent alii… Tout cela ramassé, condensé en expressions choisies, d’une brièveté profondément significative, et qui se prolongent et qui retentissent dans le coeur et dans l’imagination. […] Il a vraiment fait la « physiologie » des mondains, pour employer une expression qui fut à la mode il y a cinquante ans.
Imprudent qui s’amuse à déplacer des idées, c’est l’expression même qu’il faut déplacer, l’idée arrive ensuite, obéissante à la parole nouvelle. […] Depuis tant de siècles, elle ne s’est pas encore familiarisée avec elle-même, elle ne se connaît pas, elle se fait peur ; elle est également exposée aux vapeurs de l’orgueil et aux orages de l’envie ; elle se hait, elle se méprise, elle se vante, elle s’adore, elle est la comédie universelle, elle est le drame sans fin ; elle a l’Univers pour témoin, et le genre humain pour complice ; elle réunit au génie et à l’expression des idées créées, la paresse et la lâcheté des plagiaires ; elle invente avec bonheur, elle copie avec rage ; elle est sublime et elle rampe !
La nature et le cœur humain s’y révèlent, avant l’âge des déclamations et des affectations littéraires, dans toute la simplicité et dans toute la naïveté du premier âge, de cet âge d’innocence des livres, si l’on ose se servir de cette expression. […] Mais tout cela n’est-il pas rendu dans ces vers avec tant de vérité que cela frappe vos imaginations comme si vous assistiez pour la première fois à cette scène d’intérieur, et que la simplicité même des détails et des expressions en relève à vos yeux la naïve beauté ?
Qu’on me permette l’expression, il ne vint point de taillis à côté de ces grands chênes. […] Durant trente-quatre ans, l’Italie, pour me servir de l’expression familiere à ses historiens, fut foulée aux pieds par les nations barbares.
Il est vrai que l’examen qu’ils font d’eux-mêmes est tenu fort secret ; c’est un procès qui se plaide et qui se juge à huis clos, s’il est permis de se servir de cette expression ; et on serait bien fâché que l’arrêt sévère qui le décide fût ratifié par la multitude. […] De toutes les vérités contenues dans cet ouvrage, la plus précieuse pour moi est l’expression d’un sentiment si noble et si juste.
Talent mûri, éprouvé, simplifié, serrant son expression autour de sa pensée, comme on tend la voile pour aller plus vite, pour augmenter cette rapidité du récit qui est une beauté et une puissance, Μ. de Cassagnac a voulu rester chaste dans une histoire qui ne l’est pas. […] Établi sur une négation, — la haine des Bourbons de la branche aînée, — ce gouvernement d’antipathie, qui créa pour tout le monde une position fausse, laquelle a duré dix-huit ans, fut l’expression de la plus universelle absence de confiance qui ait jamais existé.
C’est la question de ce genre de roman qui menace de devenir le moule du roman au xixe siècle, et dont, à ce moment, je le veux bien, Féval est l’expression la plus féconde et la plus brillante. […] L’idée d’écrire l’histoire de la Compagnie de Jésus enflammait son esprit hardi, amoureux du danger, et, qu’on me permette l’expression !
On confond ainsi la chose avec son expression ou son symbole. […] Il arrive pourtant que l’expression soit rigoureusement juste, et que ce soit bien entre des contraires qu’il y ait eu oscillation.
Il trouve donc qu’il n’y a ni roi, ni généraux, ni ministres ; et cette expression lui paraît si bonne et si juste qu’il consent qu’on le comprenne lui-même dans la catégorie de ceux qui n’existent pas : Il me semble être le ministre des Affaires étrangères des Limbes.
Horace, même quand il célèbre la campagne, est plus brillant, plus travaillé ; il y porte cette curiosité heureuse, cette ciselure de diction qui ne l’abandonne jamais dans ses odes et qui rappelle l’art ; son expression est vive et concise, son image serrée et polie jusqu’à l’éclat : elle luit comme un marbre de Paros, comme un portique d’Albano au soleil.
Il est à remarquer qu’en fait de style, à force de le vouloir limpide et naturel, Beyle semblait en exclure la poésie, la couleur, ces images et ces expressions de génie qui revêtent la passion et qui relèvent le langage des personnes dramatiques, même dans Shakespeare, — et je dirai mieux, surtout dans Shakespeare.
[NdA] Costar se souvient ici du beau passage et de la belle expression de Sénèque, peignant dans toute leur sève et leur jet vigoureux les premiers grands hommes encore voisins de l’origine des choses, et qui en avaient retenu je ne sais quel souffle divin : « … Alti spiritus viros et, ut ita dicam, a Diis recentes. » La jeune nature, c’est le « Mundus nondum effetus » qui vient après (Lettres à Lucilius, XC).
L’expression est belle, mais le sentiment est dur : on eut aimé en cet endroit un accent de générosité, de clémence, d’intelligence du vaincu, ce que l’âme de Henri IV entendait si bien.
Mais la vraie oraison funèbre, la page immortelle (autant qu’une page humaine peut l’être), c’est cette lettre qu’on vient de lire, écrite dans l’effusion de la douleur par un roi qui ne veut être qu’un homme, un homme affligé, et avec des expressions non cherchées et naïves, dignes par leur tendresse de la jeune et aimable figure qui a disparu.
Elle s’exerçait assez souvent plume en main à définir des synonymes et aimait ce genre, qui donne à la pensée de l’exactitude, et à l’expression toute sa propriété.
Il était réellement sous le charme : il l’admirait, il la proclamait sublimée, il la trouvait belle ; il se plaît, dans ses lettres à Falkener, à donner son adresse chez elle, au château de Cirey : « Là, disait-il, vit une jeune dame, la marquise du Châtelet, à qui j’ai appris l’anglais, etc. » Trois choses pourtant me gâtent Cirey, a dit un fin observateur : — d’abord, cette manie de géométrie et de physique qui allait très peu à Voltaire, qui n’était chez lui qu’une imitation de la marquise, et par laquelle il se détournait de sa vocation vraie et des heureux domaines où il était maître ; — en second lieu ces scènes orageuses, ces querelles de ménage soudaines, rapides mais burlesques, dont nous sommes, bon gré mal gré, informés, et qui faisaient dire à un critique de nos jours qu’il n’aurait jamais cru que l’expression à couteaux tirés fût si près de n’être pas une métaphore ; — en troisième lieu, cette impossibilité pour Voltaire, même châtelain, même amoureux, même physicien et géomètre de rencontre, de n’être pas un homme de lettres depuis le bout des nerfs jusqu’à la moelle des os ; et dès lors ses démêlés avec les libraires, ses insomnies et ses agitations extraordinaires au sujet des copies de La Pucelle (voir là-dessus les lettres de Mme de Grafigny), ses fureurs et ses cris de possédé contre Desfontaines et les pamphlets de Paris.
Sur une lecture qu’il fit à Bossuet d’un écrit composé par lui, Le Dieu, et où il commentait l’un des actes de l’assemblée du Clergé de 1700, il dira : « Il (M. de Meaux) y a remarqué quelques expressions de son style, qu’il dit qu’il faut déguiser ; il a approuvé tous les endroits de doctrine ; … il a gobé tous les éloges que je lui donne, sans parler d’en retrancher le moindre mot ; il veut, au contraire, que je diminue celui de M.
Si ce procédé consistait seulement à corriger les fautes de français de Frédéric, les impropriétés d’expression, on le concevrait, on l’excuserait presque ; on se rappellerait que ce sont là des libertés que se sont permises presque tous les éditeurs de son temps et même du nôtre, si l’on excepte ceux des dernières années.
On oublie que, par ces concours qu’elle ouvre à l’émulation des jeunes auteurs, l’Académie semble dire : « Jeune homme, avancez, et là, sur ce parquet uni, au son d’une flûte très simple, mais au son d’une flûte, exécutez devant nous un pas harmonieux ; débitez-nous un discours élégant, agréable, justement mesuré, où tout soit en cadence et qui fasse un tout ; où la pensée et l’expression s’accordent, s’enchaînent ; dont les membres aient du liant, de la souplesse, du nombre ; un discours animé d’un seul et même souffle, ayant fraîcheur et légèreté ; qui laisse voir le svelte et le gracieux de votre âge ; dans lequel, s’il se montre quelque embarras, ce soit celui de la pudeur ; quelque chose de vif, de court, de proportionné, de décent, qui fasse naître cette impression heureuse que procure aux vrais amis des lettres la grâce nouvelle de l’esprit et le brillant prélude du talent. » — Ainsi j’entends cet idéal de début académique, dont il ne se rencontre plus guère d’exemple.
. — Après quelque conversation que j’eus avec Mme Swetchine, au sujet du comte Joseph de Maistre, et où je lui dus des communications précieuses, rentrant chez moi j’écrivais, entre autres notes, ces quelques lignes que je lis encore (1837), et qui ne portent que sur le ton et la façon : « Mme Swetchine, si respectable et si supérieure, a, dans le tour de l’esprit de l’expression, toute la subtilité du Bas-Empire, la stabilité russe ou celle d’un archimandrite grec. » On s’est épuisé en louanges au sujet de son salon, et certes ce serait affaire à un malotru de venir contester aux habitués d’un salon célèbre tous les agréments et les avantages qu’ils y ont trouvés et qu’ils regrettent.
» Cette société polie n’est pas polie du tout dans ses expressions.
On se rappelle aussi le vers du poète : « Ære ciere viros martemque accendere cantu. » Rêvez, combinez, imaginez tant que vous voudrez : rien ne vit que par le style ; et, comme le dit une expression espagnole bien énergique, c’est lorsqu’on est au détroit du style que la grande difficulté commence.
Bonhomme a mise à cette Correspondance de Collé et dans les notes dont il l’a assaisonnée, il n’est presque pas une page où il n’y ait fadeur, inutilité, phraséologie amphigourique et prétentieuse, incohérence de sens ; il n’y a presque pas une expression qui ne soit impropre, pas un jugement qui ne soit faux ou à côté.
Quand je considère cette disposition toujours croissante à une mélancolie aride et sombre, l’avenir m’effraye ; de quelque côté que je tourne les yeux, je ne vois qu’un horizon menaçant ; de noires et pesantes nuées s’en détachent de temps en temps et dévastent tout sur leur passage ; il n’y a plus pour moi d’autre saison que la saison des tempêtes… » Ici se trahit le contemporain et le compatriote de René ; et quand je parle de René et d’Oberman à propos de La Mennais, ce ne sont pas des influences qui se croisent ni des reflets qui lui arrivent de droite ou de gauche : c’est une sensibilité du même ordre qui se développe sur son propre fond, mais qui hésite encore, qui se cherche et n’a pas trouvé son accent ; c’est un autre puissant malade, enfant du siècle, qui, dans la crise qu’il traverse et avant de s’en dégager, accuse quelques-uns des mêmes symptômes et rencontre, pour les rendre, quelques expressions flottantes dans l’air et qui se font écho.
Des yeux gris sous des sourcils touffus44, une face morte plaquée de taches, un petit visage qui diminuait encore sous son immense chevelure, le menton noyé dans une large cravate molle remontante, qui rappelait celle des incroyables et le négligé du Directoire, le nez en pointe insolemment retroussé, une lèvre inférieure avançant et débordant sur la supérieure, avec je ne sais quelle expression méprisante indéfinissable, fixée aux deux coins de la bouche et découlant de la commissure des lèvres45 ; un silence fréquent d’où sortaient d’un ton guttural quelques paroles d’oracle ; il y avait là de quoi faire, en causant, un vis-à-vis de première force à Royer-Collard, bien que celui-ci eût plus de sève et de verdeur.
En s’appliquant à ces faits, pour leur imprimer le cachet de son génie, pour les tailler en diamants et les enchâsser dans un art très-ferme et très-serré, l’auteur n’a jamais songé, ce semble, à les rapporter aux conceptions générales, soit religieuses, soit politiques, dont ils n’étaient que des fragments ou des vestiges ; la vue d’ensemble ne lui sied pas ; il est trop positif pour y croire ; il croit au fait bien défini, bien circonstancié, poursuivi jusqu’au bout dans sa spécialité de passion et dans son expression matérielle ; le reste lui paraît fumée et nuage.
Si tel écrivain habile a, par places, le style vide, enflé, intarissable, chargé tout d’un coup de grandes expressions néologiques ou scientifiques venues on ne sait d’où, c’est qu’il s’est accoutumé de bonne heure à battre sa phrase, à la tripler et quadrupler (pro nummis), en y mettant le moins de pensée possible : on a beau se surveiller ensuite, il en reste toujours quelque chose.
Aloïsius Bertrand163 Il doit être démontré maintenant par assez d’exemples que le mouvement poétique de 1824-1828 n’a pas été un simple engouement de coterie, le complot de quatre ou cinq têtes, mais l’expression d’un sentiment précoce, rapide, aisément contagieux, qui sut vite rallier, autour des noms principaux, une grande quantité d’autres, secondaires, mais encore notables et distingués.
Ce qui amène deux conséquences : la littérature devient l’expression de la vérité ; il faut donc qu’elle soit sincère et objective.
Il s’agirait de chercher, pour employer ses propres expressions, « quelles façons de sentir et de goûter la vie il propose à de plus jeunes que lui » — ou à ceux de sa génération.
Un cercle immense et sans cesse grandissant s’ouvre ainsi devant quiconque veut connaître tous les tenants et aboutissants (qu’on me passe cette expression familière) de la littérature française.
Ici, l’expression est un voile derrière lequel palpite quelque chose de nu et d’endolori.
Une femme de bien, dans la plus ardente expression du mot.
Pour nous, quoi que la raison nous dise, pour tous ceux qui, à quelque degré, sont de sa postérité poétiquement, il nous sera toujours impossible de ne pas aimer Jean-Jacques, de ne pas lui pardonner beaucoup pour ses tableaux de jeunesse, pour son sentiment passionné de la nature, pour la rêverie dont il a apporté le génie parmi nous, et dont le premier il a créé l’expression dans notre langue.
Leur originalité propre consiste dans l’expression naïve et nue des autres caractères ; dans le caractère de Mlle d’Ette, cette peste domestique ; dans celui de Duclos, son digne pendant, tel qu’il se révèle ici ; dans les confidences de Mme de Jully, confessant crûment à sa belle-sœur son amour pour le chanteur Jélyotte, et lui demandant service pour service.
C’est vous seule que je veux servir, vous êtes mon unique souveraine… » À travers mille échecs et mille traverses qu’il rencontrait à chaque pas, il continuait de jouir, selon son expression de fat, « de la plus ridicule faveur dont on puisse se former une idée ».
La noblesse de ses expressions vient de celle de ses sentiments, et ses paroles précises sont l’image de la justesse qui règne dans ses pensées.
Il a la connaissance des hommes et de l’extension morale. » Cette expression heureuse et neuve m’a toujours frappé ; elle s’appliquerait bien à Gourville.
Ce malheur, noblement porté durant les vingt et une années d’exil qu’il passa à l’étranger, donnait à sa physionomie une expression à part entre toutes celles de ses compagnons d’armes, dont plusieurs avaient été si durs pour lui.
Cette légère incohérence du rôle, et que toute l’habileté du jeu ne saurait couvrir, se retrouve un peu dans l’expression même, qui reste sensiblement artificielle et sans une complète fusion ; style de campagnard manié par un docte.
Arnault ne ressemblent pas à d’autres ; il les conçoit à sa manière et en invente les sujets ; il ne songe point à imiter La Fontaine, il songe à se satisfaire et à rendre d’une manière vive un résultat de son observation propre ; il obéit à son tour d’esprit, à son jet d’expression, et on ne peut s’étonner si, comme lui-même l’avoue, « l’apologue a pris peut-être sous sa plume un caractère épigrammatique ».
Pour définir sa méthode et son état d’esprit, son culte ou sa culture du moi, il trouve une quantité d’expressions pleines d’esprit : « Réjouissez-vous, écrit-il à ses parents, mais non d’une joie de primitif, à la façon des Boches, d’une joie critique. » Un autre jour, voulant indiquer la monotonie des journées et des heures et son repos quasi-monastique d’esprit, il écrit : « Je jouis du sentiment de la continuité. » Et encore : « J’étais fait pour cette vie aventureuse… Je jouis de l’exercice voluptueux de ma volonté. » Son refrain dans cette dure vie ne varie pas un instant.
La « loi », au sens moderne du mot, est justement l’expression d’une relation constante entre des grandeurs qui varient.
Des chefs de parti, des hommes mêlés aux factions de Florence, vainqueurs ou dans l’exil, chantaient les douleurs et les joies d’une passion qu’on pourrait souvent croire imaginaire, tant les expressions en sont discrètes jusqu’à l’obscurité.
Il s’en faut qu’elles aient toutes la même valeur, mais toutes portent la marque du maître ; la fermeté, la brièveté forte de l’expression, et cette sobriété puissante qui est le premier caractère du talent de M. de Maupassant. […] L’hôtelier, qui était obligeant, la fit appeler, et Marie se présenta dans un costume qui, selon la propre expression de saint Éphrem, suffisait à révéler sa conduite. […] Il est profondément pénétré de l’impureté de la chair, et j’oserais dire que la doctrine du péché originel a trouvé dans les Fleurs du mal sa dernière expression poétique. […] Secoué sur son escabeau, les oreilles rompues par des hurlements inouïs, écartant d’une main le dard menaçant, épongeant de l’autre son front dégouttant de sueur, étourdi, effaré, écrasé, résigné, il « suivait le phénomène », selon l’heureuse expression du docteur. […] Quand on les a vus une fois, on ne peut les oublier, tant ils ont de vérité et d’expression, tant ils sont frappants.
C’est pour ça qu’on a inventé un langage spécial, où l’expression est agréable et le sens désobligeant, et que j’appellerai le langage des équivalents. […] Pierre Véron, il perpétue chez nous un genre qui semblait épuisé depuis que « le boulevard » n’est plus qu’une expression géographique : je veux dire la chronique à brefs alinéas, avec un mot spirituel au bout de chaque ligne ; la « nouvelle à la main » à jet continu. […] Le style de la pièce est à la fois énergique et précis ; il abonde en expressions ramassées et singulièrement heureuses. […] Et ne dites point qu’il sera donc toujours condamné à l’artifice ; car sans doute son expression sera feinte et concertée ; mais enfin le sentiment qui lui suggérera ces feintises sera vrai. […] Nous n’y avons pas seulement trouvé les qualités connues de M. de Porto-Riche, la netteté, la hardiesse, l’acuité d’observation et d’expression, mais encore l’énergie soutenue, la suite, la teneur.
Ce qu’il y ajouta, ce fut l’expression du regret qu’avaient causé à l’historien mes remarques sur le fatalisme historique de son livre. […] L’expression en est devenue si banale, il y a tant de gens qui se targuent du mot et si peu qui ont la chose, elle sert de couverture à tant de convoitises et d’hypocrisies, elle figure sur tant de programmes, elle est placardée sur tant de murs, que, de toutes les qualités dont se vantent les hommes publics, il n’en est aucune où il faille moins les prendre au mot. […] du pain blanc, un vrai pain blanc. » Expressions naïves d’honnête sensualité, auxquelles on peut mesurer les privations dont il avait souffert ! […] Lors donc qu’un écrivain se rend célèbre, soit en ajoutant au nombre des vérités connues, soit en leur donnant par l’expression quelque rajeunissement qui équivaut à une création, il ne peut que se rendre le témoignage mélancolique d’avoir fait de son mieux. […] La douleur que je ressentais en ces jours-là n’est pas tellement émoussée à cette heure, que j’en trouve après dix ans l’expression exagérée.
Il prend tout à contre-pied, il violente tout, les expressions et les choses. […] Il ne peut pas s’en tenir à l’expression simple ; il entre à chaque pas dans les figures ; il donne un corps à toutes ses idées ; il a besoin de toucher des formes. […] Ces pauvres gens, boutiquiers et fermiers, croyaient de tout leur cœur à un Dieu sublime et terrible, et ce n’était pas une petite chose pour eux que la façon de l’adorer1460. « Supposez qu’il s’agisse pour vous d’un intérêt vital et infini, que votre âme tout entière, rendue muette par l’excès de son émotion, ne puisse en aucune façon l’exprimer, en sorte qu’elle préfère le silence à toute expression possible, que diriez-vous d’un homme qui s’avancerait pour l’exprimer à votre place au moyen d’une mascarade et à la façon d’un tapissier décorateur ?
L’obligation du voile la prive évidemment dans certaines scènes de ses meilleurs moyens d’expression. […] C’est cependant un des meilleurs tableaux de Mlle Villany, avec celui de l’expression de la douleur, qui a été son grand succès. Elle l’explique ainsi sur le programme : « La douleur physique, représentée par le changement des lignes du corps, comme expression artistique. » Et c’est bien cela.
., en 1776, 1777 et 1778, et adressées à Mlle Phelipon par Roland, le futur ministre Girondin ; il est sous le charme comme tous les autres, et même il les surpasse encore par son expression presque enthousiaste ; il vient de parler des tables et des bonnes maisons de Rome, il ajoute : Mais il n’y a guère que la table du ministre de France qui donne l’idée des possibles.
Littérairement il aime à soutenir thèse ; il tient de La Motte, de Fontenelle, je l’ai dit ; avec bien moins de fini dans l’expression, il a plus d’activité qu’eux, plus d’abondance et de vigueur.
Henri IV, sauveur du pays et restaurateur de la race et de la morale française, qu’il remet dans son ordre et qu’il fait rentrer dans ses voies, voilà la conclusion et le résultat dans son expression la plus nette.
Campaux (un peu plus sérieux et plus ému que nous sur le compte de Villon), il voulut faire ses adieux au monde qu’il quittait, et laisser de lui un souvenir, d’abord à celle qui était la cause de son départ, et que, par un reste d’espoir si naturel aux malheureux, il ne désespérait peut-être pas de toucher par l’expression de sa douleur si navrante et si résignée ; ensuite à son maître Guillaume de Villon, auquel il devait tant, ainsi qu’au petit nombre d’amis qui lui étaient restés fidèles ; enfin aux nombreux compagnons qui n’avaient pas épargné sans doute les railleries à sa disgrâce, et sur lesquels il était bien aise de prendre sa revanche.
Cette confiance dans l’avenir donne aux Arabes une expression calme qui ne disparaît quelquefois que dans la discussion d’intérêts privés.
Don Carlos, selon l’énergique expression d’un ambassadeur, n’avait de force que dans les dents.
Il ne s’agit pas de déplacer les genres, d’échanger les procédés, de transporter un art dans un autre, ce serait aller trop loin ; mais il importait, en effet, de multiplier les points de vue, de comprendre, d’embrasser sans acception de métier, toutes les expressions de talent et de génie, toutes les originalités de nature, tous les modes de l’imagination ou de l’observation humaine.
Son cœur, tout coi et tranquille en apparence, mûrissait, ou plutôt, selon son expression énergique, pourrissait « comme la nèfle sous la paille. » Blasé avant d’avoir commencé, roué avant d’avoir fait, un pas, tel est d’Albert.
Toute œuvre étrangère, en passant par la France, par la forme et par l’expression française, se clarifie à la fois et se solidifie, de même qu’en philosophie une pensée n’est sûre d’avoir atteint toute sa netteté et sa lumière, que lorsqu’elle a été exprimée en français.
Défiguré , l’expression est un peu forte.
Peut-être aussi, en rendant justice, comme l’a fait l’auteur, aux vertus, aux bonnes actions (qui sont, selon son heureuse expression, le complément des bons ouvrages), à l’obligeance de Raynal, à cet amour généreux de la gloire qui lui avait fait élever à ses frais un monument aux fondateurs de la liberté helvétique, et fonder pour des prix dans cinq diverses Académies des rentes perpétuelles de douze cents-livres ; peut-être aussi ne fallait-il pas dissimuler le tort qu’il s’ôtait donné en signant et laissant paraître avec son nom, sous l’Assemblée constituante, cette Lettre si déplacée, dont l’auteur est maintenant connu, et le fut même dès ce temps-là.
Il dut y songer à deux fois et se recueillir pour accommoder et accorder ses propres pensées avec ce mode d’expression fin, éclatant et poli, dont l’idée si longtemps éclipsée était enfin retrouvée pour ne plus se perdre, et qui rayonnait avec diversité en vingt types immortels ; il fit, en présence des Grecs et des Latins, ce que les Latins avaient déjà fait en présence des Grecs : il choisit, il s’ingénia, il combina.
Il faut, en effet, pour arriver à elles, pour prétendre à les ravir et à être nommé d’elles leur bienfaiteur, joindre à un fonds aussi précieux, aussi excellent que celui de l’Homme de Désir, une expression peinte aux yeux sans énigme, la forme à la fois intelligente et enchanteresse, la beauté rayonnante, idéale, mais suffisamment humaine, l’image simple et parlante comme l’employaient Virgile et Fénelon, de ces images dont la nature est semée, et qui répondent à nos secrètes empreintes ; il faut être un homme du milieu de ce monde, avoir peut-être moins purement vécu que le théosophe, sans que pourtant le sentiment du Saint se soit jamais affaibli au cœur ; il faut enfin croire en soi et oser, ne pas être humble de l’humilité contrite des solitaires, et aimer un peu la gloire comme l’aimaient ces poëtes chrétiens qu’on couronnait au Capitole.
Aucune idée morale n’étant en balance, il est arrivé qu’une suite de circonstances matérielles a graduellement altéré la pensée et en a dénaturé l’expression.
Quoi qu’il en soit, c’était faire preuve d’un esprit bien subtil ou bien inquiet que de voir dans la simple histoire de ce bon Lépreux, à côté de passages reconnus pour touchants, beaucoup d’autres où respire une sorte d’aigreur farouche : voilà des expressions tout d’un coup extrêmes.
Les poëtes qui ont commencé par le lyrisme intime, par l’expression de leurs plaintes et de leurs douleurs, ces poëtes, s’ils ont chanté vraiment par sensibilité et selon leur émotion sincère, s’arrêtent dans cette voie à un certain moment, et, au lieu de ressasser sans fin des sentiments sans plus de fraîcheur, et de multiplier autour d’eux, comme par gageure, des échos grossis, ces poëtes se taisent, ou cherchent à produire désormais leur talent dans des sujets extérieurs, dans des compositions impersonnelles.
Ni sur la fin de la république, ni sous l’empire, les journaux à Rome ne furent jamais rien qui ressemblât à une puissance ; ils étaient réduits à leur plus simple expression ; on ne saurait moins imaginer, en vérité, dans un grand État qui ne pouvait absolument se passer de toute information sur les affaires et les bruits du forum.
Avec les années, il deviendra peut-être plus calme, plus reposé, plus mûr ; mais aussi il perdra en naïveté d’expression, et se fera un voile qu’on devra percer pour arriver à lui : la fraîcheur du sentiment intime se sera effacée de son front ; l’âme prendra garde de s’y trahir : une contenance plus étudiée ou du moins plus machinale aura remplacé la première attitude si libre et si vive.
J’en aurai mérité le châtiment ici-bas, je n’aurai pas protesté contre la peine, et j’ai toujours considéré les angoisses et les humiliations qui assiègent depuis dix ans le soir de mon existence comme une juste expiation d’une de ces témérités d’esprit par lesquelles l’homme le mieux intentionné ne doit jamais, selon l’expression des moralistes religieux, tenter la Providence quand il s’agit du sort et du sang d’un peuple.
Point de sentimentalité du reste, ni de mélancolie : la joie domine et dans l’âme et dans la parole de Joinville ; mais il a dans l’occasion, sur les misères de ses amis ou de ses compagnons, des expressions de tendresse et de piété, fines comme le sentiment qui un moment attrista sa belle humeur.
Pour lui, il a sur les unités le sentiment qui est celui du public, et qui les a établies : elles sont l’expression de « la raison naturelle » ; elles donnent la vraisemblance, et un air de réalité au poème dramatique.
Un poète incapable d’inventer et capable d’exprimer est chose tout aussi inconnue qu’un poète qui aurait l’invention et n’aurait pas l’expression.
Cette expression signifie que les « valeurs » ne relèvent plus immédiatement de l’individu, qu’elles se sont détachées de lui et planent en quelque sorte au-dessus de lui.
« C’est alors que Baju vint, et, en vue de congréger “les forces éparses en un faisceau unique”, pour me servir de ses propres expressions rapportées au commencement de ce travail, fonda le Décadent, au milieu de quelles difficultés, avec combien de bravoure et de furie, ce n’est rien que de le dire.
Une exécution sanglante, impitoyable, au début du xiiie siècle, supprime l’hérésie avec les hérétiques ; le membre gangrené, suivant l’expression du temps, est violemment retranché du corps des fidèles.
Mais, tout à côté, il y a des légèretés et des fraîcheurs de pensée et d’expression ravissantes.
Fabrice, pour réussir, avait consulté le goût du temps ; il donnait dans le genre de Gongora, dans les expressions recherchées, entortillées, le romantisme d’alors.
comme, après la lecture de ces pages bigarrées, toutes tachées encore de boue et de sang, et convulsives, image vivante (jusque dans les meilleurs endroits) du dérèglement des mœurs et des âmes, comme on sent le besoin de revenir à quelque lecture judicieuse où le bon sens domine, et où le bon langage ne soit que l’expression d’un fonds honnête, délicat, et d’une habitude vertueuse !
C’est même par là autant que par son bon air, c’est par l’agrément de sa conversation, que Lauzun s’insinua d’abord auprès d’elle : « Je lui trouvais des manières d’expressions que je ne voyais point dans les autres gens. » Richelieu mort, Gaston, que les dernières intrigues avaient éloigné, fit son accommodement avec la Cour ; il revint à Paris et descendit chez sa fille : Il soupa chez moi ou étaient les vingt-quatre violons, dit Mademoiselle ; il y fut aussi gai que si MM. de Cinq-Mars et de Thou ne fussent pas demeurés par les chemins.