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855. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

[NdA] Parlant de Diane de Poitiers, la Pompadour de son temps, un poète du xvie  siècle, Olivier de Magny, disait : Partout où vous allez, et de jour et de nuit, La piété, la foi, et la vertu vous suit, La chasteté, l’honneur…………………… Ces poètes ont une façon de prendre les choses, qui n’est qu’à eux. […] Pourquoi faut-il que la dévotion soit si séparée de la vertu ? […] Il n’y a peut-être jamais eu (beaucoup) plus de vertu dans le monde, mais il y avait plus d’honneur.

856. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

Il le dira et le redira sans cesse : « Il est beau, il est même doux d’être opprimé pour la vertu. » Environ deux ans après son Avis aux Français, dénonçant dans le Journal de Paris (nº du 29 mars 1792) la pompe factieuse et l’espèce de triomphe indigne décerné aux soldats suisses du régiment de Châteauvieux, il terminera en s’adressant à ceux qui demandent à quoi bon écrire si souvent contre des partis puissants et audacieux, car on s’y brise et on s’expose soi-même à leurs représailles, à leurs invectives : Je réponds, dit-il, qu’en effet une immense multitude d’hommes parlent et décident d’après des passions aveugles ; et croient juger, mais que ceux qui le savent ne mettent aucun prix à leurs louanges, et ne sont point blessés de leurs injures. […] Enfin, pour achever de dessiner cette noble figure d’un poète honnête homme et homme de cœur qui, dans la plus horrible révolution moderne, comprit et pratiqua le courage et la vertu au sens antique des Thucydide et des Aristote, des Tacite et des Thraséas, il ne faut que transcrire cette page testamentaire trouvée dans ses papiers, et où il s’est peint lui-même à nu devant sa conscience et devant l’avenir : Il est las de partager la honte de cette foule immense qui en secret abhorre autant que lui, mais qui approuve et encourage, au moins par son silence, des hommes atroces et des actions abominables. […] Quand les tréteaux, les tavernes et les lieux de débauche vomissent par milliers des législateurs, des magistrats et des généraux d’armée qui sortent de la boue pour le bien de la patrie, il a, lui, une autre ambition ; et il ne croit pas démériter de sa patrie en faisant dire un jour : Ce pays, qui produisit alors tant de prodiges d’imbécillité et de bassesse, produisit aussi un petit nombre d’hommes qui ne renoncèrent ni à leur raison ni à leur conscience ; témoins des triomphes du vice, ils restèrent amis de la vertu et ne rougirent point d’être gens de bien.

857. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

S’il s’agit de vertu, c’est un maître. […] Refusant de parvenir, l’homme qui travaille pour le peuple d’où il est sorti par l’éducation, où il revient par le sacrifice, apprend à le préférer dans ses vertus et se promet de le guérir de ses vices… Dès lors, un élargissement se produit du métier à la classe, de la classe à la nation, de la nation aux diverses confédérations nationales et à la confédération terrestre : l’ambition individuelle et les ambitions nationales se taisant, leur conflit cessera et le travail terrestre s’accomplira pour la première fois dans la paix,‌ Tout d’un coup, le 26 novembre, il s’élève sur son sommet et s’épanouît dans la note suivante :‌   « Considérant la guerre, je ne veux plus être révolutionnaire pour la classe ouvrière seule, mais pour tout l’homme. […] » La guerre a réveillé chez nous les vertus de la race : son héroïsme, sa générosité, son désintéressement, ses qualités guerrières et son génie inventif.

858. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre x »

Le jeune Antoine Boisson, né d’une famille de soldats, à Lure, dans une de ces petites villes de l’Est pleines de vertus militaires, quitte le lycée pour s’engager au premier temps de la guerre. […] Léo Latil le transforme en vertu, « Je veux délivrer ces coteaux, ces bois aux ondulations harmonieuses qui sont derrière les tranchées ennemies. » Il le dit et le répète. […] Ces enfants ont reçu d’héritage l’antique trésor ; bien des vertus y sommeillaient ; ils ont tout réveillé.‌

859. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

« Vous savez la force meurtrière d’Ajax2, et comment, à une heure avancée de la nuit, se perçant de son propre glaive, il mit un reproche éternel sur tous les enfants des Hellènes venus il Troie ; mais Homère l’a honoré parmi les hommes ; et, en relevant toute la vertu d’Ajax, il a ordonné, de par le rameau de feuillage, au reste du monde, de se plaire toujours à ses chants inspirés ; car, si quelqu’un dit quelque chose en beaux vers, cette parole, une fois proférée, chemine toujours vivante ; et sur la terre et à travers les mers le rayon de la gloire a marché, sans s’éteindre jamais !  […] Le temps suivit prospère, apportant richesse et faveur, pour prix des vertus de leur race. […] Et, si on songe que tout le reste de cette ode est rempli par une peinture du bonheur de l’autre vie pour ceux qui se complairont au respect du serment et auront su garder leur âme de toute injustice, qu’à ce prix seul le poëte les voit cheminant, par la route de Jupiter, jusqu’au palais de Saturne, où les brises de l’Océan soufflent autour de l’île des bienheureux, où des fleurs d’or étincellent, et où ils tressent de leurs mains des guirlandes et des couronnes, ne reconnaît-on pas encore là ce génie religieux qui, en voulant l’unité du pouvoir pour l’ordre stable des États, la réglait en espérance sur l’immortelle justice de la Cité céleste, dont il proposait le bonheur pour récompense aux vertus des puissants et des rois ?

860. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

Par ses maximes sur l’éternelle justice, la providence divine, la pitié pour les faibles, la punition des méchants, Eschyle est, avec Pindare et Sophocle, le poëte le plus moral de l’antiquité, le poëte ami du droit et de la vertu contre la force et le vice. […] Mais l’ode était partout ; elle éclatait, à chaque nom célèbre couronné dans les jeux guerriers de la Grèce ; elle allait du continent aux îles, de Corinthe à Rhodes, de Syracuse à Lesbos : et, quand elle était tenue haute par le génie du poëte, en tout lieu retentissante, elle excitait sans cesse cette ardeur des âmes, cet amour de la vertu et de la gloire, cet enthousiasme de l’imagination, que deux fois dans l’année seulement, aux fêtes de Bacchus et de Minerve, le théâtre d’Athènes secouait sur la Grèce. […] À ceux dont la vertu n’est pas une science d’emprunt, mais à qui par nature est départie la modération en tout, il appartient de cueillir ces couronnes.

861. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Variétés littéraires, morales et historiques, par M. S. de Sacy, de l’Académie française. » pp. 179-194

Elles sont, si la comparaison est permise, comme les œuvres mêmes de la nature et de Dieu : c’est une matière infinie d’étude et de contemplation. » M. de Sacy, certes, a ses défauts, et je puis dire qu’ayant habituellement suivi une tout autre voie, une tout autre méthode que la sienne en critique littéraire, j’y suis sensible, à ces défauts, comme il doit l’être aux miens : il a ses redites, il a ses longueurs ; il a des excès de louange sans nuances à l’égard de certaines personnes ; il a des humilités soudaines par lesquelles il se dérobe et s’interdit presque le droit de juger en des cas où il serait sans doute très compétent : voilà les inconvénients de sa manière et qui sont presque des conséquences de ses vertus. […] Car qu’on ne croie pas que ce soit une petite avance pour la vertu que de sortir de la race des justes.

862. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Le Brun »

Mais, à force de méditer sur les prérogatives de la poésie, Le Brun en était venu à envisager les hardiesses comme une qualité à part, indépendante du mouvement des idées et de la marche du style, une sorte de beauté mystique touchant à l’essence même de l’ode ; de là, chez lui, un souci perpétuel des hardiesses, un accouplement forcé des termes les plus disparates, un placage extérieur de métaphores ; de là, surtout vers la fin, un abus intolérable de la Majuscule, une minutieuse personnification de tous les substantifs, qui reporte involontairement le lecteur au culte de la déesse Raison et à ces temps d’apothéose pour toutes les vertus et pour tous les vices. […] Un mortel peut toucher une lyre sublime, Et n’avoir qu’un cœur faible, étroit, pusillanime, Inhabile aux vertus qu’il sait si bien chanter, Ne les imiter point et les faire imiter, etc., etc.

863. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

L’amant de la gloire a une conscience, c’est la fierté ; et quoique ce sentiment rende beaucoup moins indépendant que le dévouement à la vertu, il affranchit des autres, s’il ne donne pas de l’empire sur soi-même. […] Une révolution suspend toute autre puissance que celle de la force ; l’ordre social établit l’ascendant de l’estime, de la vertu : les révolutions mettent tous les hommes aux prises avec leurs moyens physiques ; la sorte d’influence morale qu’elles admettent, c’est le fanatisme de certaines idées qui n’étant susceptible d’aucune modification, ni d’aucune borne, sont des armes de guerre, et non des calculs de l’esprit.

864. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « III. Quelques mots sur l’explication de textes »

Il ne s’agit pas seulement de reconnaître ce qui a été vraiment pensé, senti, exprimé par Montaigne et Pascal, par Racine et Victor Hugo ; mais dans ce qui va au-delà de ce qu’on peut raisonnablement appeler leur sens, au-delà des plus fines suggestions qu’on a droit de rapporter encore à leur volonté plus ou moins consciente, dans ce qui n’est plus vraiment que moi, lecteur, réagissant à une lecture comme je réagis à la vie, il ne faut tout de même pas confondre ce qui est le prolongement, l’effet direct, normal, et comme attendu de la vertu du livre, avec ce qui ne saurait s’y rattacher par aucun rapport et ne sert à en comprendre, à en éclairer aucun caractère. […] Nous sommes un public pour ces écrivains immortels au même titre que les gens de 1580 ou de 1670 ; et nous avons le même droit d’essayer sur nos consciences, nos sensibilités et nos intelligences, la vertu de leurs œuvres, de les obliger à révéler par les réactions de nos esprits des propriétés nouvelles, que les générations des siècles disparus n’ont pas ou n’ont qu’à peine soupçonnées4.

865. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Barbey d’Aurevilly. »

Ces grands airs, ces gestes immenses, ces prédilections farouches, cette superstitieuse vision de l’aristocratie, cette peur et cet amour du diable, ce catholicisme qui ne recouvre aucune vertu chrétienne, cette impertinence travaillée, ces colères, ces indignations, cet orgueil, cette façon emphatique et terrible de prendre les choses…, j’ai une peine infinie à y entrer. […] Généralement on ne domine les hommes que par la puissance matérielle, par le génie des arts ou des sciences, quelquefois par l’ascendant de la vertu.

866. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « « L’amour » selon Michelet » pp. 47-66

Elle ne le devient que par la charité ingénieuse de nos interprétations, par ce que nous lui prêtons de bonté, de vertus et d’intentions humaines. […] Il est très bon de leur persuader que vivre ainsi, c’est suivre la nature en l’interprétant, et que, par la vertu d’un amour unique et qui dure, l’homme atteint à son maximum de force. « Ou concentre-toi, ou meurs.

867. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre III. La commedia dell’arte en France » pp. 31-58

Aussi, les confrères de la Passion, qui continuaient à jouer leurs Farces, leurs Soties et leurs Moralités à l’Hôtel de Bourgogne, et qui jouissaient d’un privilège en vertu duquel il était fait défense à tous autres de représenter des jeux dramatiques dans la ville, faubourgs et banlieue de Paris, s’émurent de la redoutable concurrence que leur faisaient les nouveaux venus. […] Née à Padoue en 1562, Isabelle brillait sur le théâtre depuis 1578, se faisait admirer par sa beauté, par ses rares talents, et, ajoutent tous les témoignages contemporains, par sa vertu.

868. (1842) Essai sur Adolphe

Or il y a dans ce livre une vertu singulière et presque magnétique qui nous attire et nous appelle chaque fois que nous sommes témoins ou acteurs dans une crise morale de quelque importance. […] Je ne veux pas le croire ; car, à ce compte, l’amour serait le plus cruel des supplices, la plus odieuse déception, et l’égoïsme habile et désintéressé serait la première des vertus, le plus raisonnable des devoirs.

869. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

Ils l’accusent de jetter du ridicule sur la vertu, de mettre en maximes les réflexions les plus détestables, de traiter le plus souvent des sujets licencieux, d’attaquer les réputations les mieux établies, d’être un cloaque dont l’infection se répand partout. […] Rollin, en condamnant l’usage des fictions dans un poëte chrétien, n’interdit point certaines figures hardies qui font image, & par lesquelles on donne de la voix, du sentiment, de l’action même aux choses inanimées : « Il sera toujours permis, dit il, d’adresser la parole aux cieux & à la terre ; d’inviter la nature à louer son auteur ; de supposer des aîles aux vents pour en faire les messagers de dieu ; de prêter une voix de tonnerre aux cieux pour publier sa gloire ; de personnifier les vertus & les vices.

870. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre I : Philosophie religieuse de M. Guizot »

Ce sentiment mal entendu a entraîné souvent des conséquences odieuses, les sacrifices humains sont une de ces conséquences ; pourquoi cependant le sacrifice volontaire de l’innocent pour le coupable n’aurait-il pas une vertu qui nous échappe ? […] Enfin la croyance aux vertus des dévouements volontaires prouve et justifie la rédemption.

871. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Nièces de Mazarin » pp. 137-156

C’est que la grandeur ne vient ni des facultés, ni de leur emploi, ni de leur réussite, mais d’une imposante manière d’être, soit dans la vertu, soit dans le talent, soit même dans le vice ; et Mazarin manqua toujours de ce naturel et mystérieux ascendant. […] Saint-Évremond, cet homme supérieur dont personne ne parle, ce pauvre assassiné par Voltaire et par Montesquieu, qui l’ont outrageusement volé, est jugé avec une fermeté de raison et une justice qu’il faut honorer ; car les injustices littéraires ne valent pas mieux que les autres, et le courage en littérature est aussi une vertu.

872. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de mademoiselle Bertin sur la reine Marie-Antoinette »

Quoi qu’il en soit de tant d’opinions diverses, et sur cette affaire en particulier, et sur la vie entière de Marie-Antoinette, on ne pourra du moins refuser des vertus à cette princesse qui montra tant d’affabilité sur le trône et de dignité dans le malheur.

873. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guerne, André de (1853-1912) »

— apparaissait Et sur l’honneur aux fers, le droit qui fléchissait, La vertu polluée et la loi violée, La pensée arrachée à la nue étoilée, Silencieux posait son pied chaussé d’airain.

874. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 293-297

Ces Discours portent l'empreinte d'un esprit cultivé, d'une ame honnête, uniquement occupée du désir d'honorer les talens, de relever l'éclat des vertus, & de faire sentir la perte des Académiciens dont il rappelle le souvenir.

875. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 387-391

.… Prendre un ton emphatique pour parler de la vertu, mais ne la mettre que dans vos discours & jamais dans vos actions.… voilà le grand mystere de votre Philosophie ». pag. 443.

876. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Horace, et les mauvais écrivains du siècle d’Auguste. » pp. 63-68

Il eut mieux fait de s’en tenir toujours aux tableaux vrais & touchans qu’il trace de la vertu, de la justice, de la fidélité, de la modération.

877. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre III. Suite du précédent. — Seconde cause : les anciens ont épuisé tous les genres d’histoire, hors le genre chrétien. »

On n’était obligé qu’à peindre, et non pas à réfléchir ; les vices et les vertus des nations n’en étaient encore qu’à leur âge poétique.

878. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre premier. Du Christianisme dans l’éloquence. »

Il ne lui faut ni les cabales d’un parti, ni des émotions populaires, ni de grandes circonstances, pour briller : dans la paix la plus profonde, sur le cercueil du citoyen le plus obscur, elle trouvera ses mouvements les plus sublimes ; elle saura intéresser pour une vertu ignorée ; elle fera couler des larmes pour un homme dont on n’a jamais entendu parler.

879. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre I. Objet de ce livre. — Retour de l’âge divin » pp. 357-361

Lorsqu’il eut par des voies surnaturelles éclairé et affermi la vérité du christianisme, contre la puissance romaine par la vertu des martyrs, contre la vaine sagesse des Grecs par la doctrine des Pères et par les miracles des Saints, alors s’élevèrent des nations armées, au nord les barbares Ariens, au midi les Sarrasins mahométans, qui attaquaient de toutes parts la divinité de Jésus-Christ.

880. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

« Je l’ai lu et relu, dit-il de Shaftesbury, je me suis rempli de son esprit et j’ai, pour ainsi dire, fermé son livre, lorsque j’ai pris la plume. » Point de vertu sans croire en Dieu ; point de bonheur sans vertu, tel est le texte de l’ouvrage. […] Il ne rejetait que les dogmes, et cela en cherchant à en fonder de nouveaux sur le sentiment, sur l’amour de l’humanité, sur l’admiration du beau et de la vertu. […] Ce fut le défaut que l’on reprocha avec raison à Diderot, mais ce fut aussi sa vertu capitale. […] Je n’apporte ni une vue nouvelle sur la nature des êtres, ni une vue nouvelle sur la méthode des sciences ; j’apporte une exhortation à la vertu. […] il enrichissait la langue, et il lui donnait surtout la vertu qui lui avait manqué depuis deux siècles, la vertu des langues germaniques : l’audace.

881. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Au contraire, l’Artiste admet qu’il est des vertus inesthétiques et de splendides corruptions, ou plutôt il fait fi des vertus et des corruptions. […] Il est demeuré capable de pitié, c’est une vertu de combattant. […] Cette vertu d’achèvement est poussée chez lui à un degré que peu d’artistes en vers ont dépassé. […] La personnalité, cette vertu première de l’être qui veut se tenir debout contre le sort, se trouve cernée, envahie, débordée de toutes parts. […] Les circonstances finissent par être la raison dernière des vices et des vertus, comme elles sont de plus en plus la raison dernière des opinions.

882. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

On y trouve encore l’Essai sur le mérite et la vertu qui n’est qu’une traduction de l’anglais, la dissertation intitulée la Suffisance de la religion naturelle, et les Lettres sur les aveugles et sur les sourds-muets. […] Malgré ses phrases sur la modération et sur la vertu, Diderot, aussi faux que Sénèque, dont il a écrit la vie, — car l’eau va toujours à la rivière et les menteurs vont aux menteurs, — Diderot, l’auteur des Bijoux indiscrets, cette saloperie, était, de nature, un cynique, qui cachait parfois son cynisme sous un grand geste de père noble ou sous une ronde bonhomie. […] Nous n’avons pas à nous occuper de l’épais et médiocre Essai sur le mérite et la vertu, qui est de Shaftesbury et non de Diderot, ni de cette Suffisance de la Religion naturelle, qui ne lui a pas suffi, à lui, Diderot, quoiqu’il la proclamât suffisante. […] C’est toujours et partout le philosophe du xviiie  siècle, le matérialiste, l’athée de son temps, avec sa fausse morale, sa fausse vertu, sa fausse sagesse, son faux langage, tout cela plus faux encore que sa fausse poétique. […] En général, imitations jalouses et maladroites de Voltaire, ces poésies de Diderot, libertines et quelquefois impies, mais honnêtes, car il mettait l’honnêteté partout, ce sophiste et ce blagueur de vertu (le mot est bas, mais il dit une bassesse), ont les prudences de l’impuissant qui commence dans le vieux roquentin.

883. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Il n’avait entendu parler ni du prix de vertu, ni de la caisse d’épargne. […] Toute sa maison se compose d’une pauvre servante et d’un petit garçon ; le gendre qu’il s’est choisi est riche en vertus, et c’est là tout. […] Le moyen de leur demander une vertu qu’elles ignorent, un désintéressement que personne ne peut leur apprendre ? […] Tu es Romain, reste Romain, et le vieux Caton, quand tu sortiras d’une maison décriée, te dira tout haut : — Courage, jeune homme, voilà la vertu ! […] Le mari que vous voulez faire vicieux est tout au plus ridicule, la femme que vous donniez comme un modèle de vertu, est bien près de se faire enlever par son cousin.

884. (1896) Les Jeunes, études et portraits

Il ne faut plus faire résider la vertu dans l’humilité. […] On parle de vertu ; et on n’a pas tort : il n’y a que les sots pour dire que la vertu n’existe pas. […] Il espère dans la vertu de la souffrance. […] Quelles sont les vertus qu’elle suppose ? […] C’est une vertu.

885. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet. (suite et fin.) »

Guizot, mais une résurrection ; il a voulu y apporter la vie, l’étincelle directe, l’amour ; tentative hardie, bien scabreuse, car enfin l’historien n’est pas un dieu ni un thaumaturge pour ressusciter par sa vertu les morts.

886. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame de Genlis sur le dix-huitième siècle et la Révolution française, depuis 1756 jusqu’à nos jours — II »

On l’appelait en face Mécène-Atticus, parce qu’il faisait des vers et qu’il était fermier général ; en arrière on riait de son faste de bel esprit et de vertu, de ses disgrâces d’auteur et d’époux, et Mécène n’était plus rien que Turcaret.

887. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » pp. 519-526

C’est lui, c’est ce Sage intrépide, Qui triompha du sort perside, Contre sa vertu conjuré, Et de la discorde étouffée Vient dresser un nouveau trophée Sur l’Autel qu’il a consacré*.

888. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 109-114

Aucune vertu, même momentanée, qui, selon lui, ne soit produite par un orgueil sensible ou déguisé ; & c'est sur ce faux principe qu'il établit ses réflexions chagrines contre la Nature humaine.

889. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface d’« Angelo, tyran de Padoue » (1835) »

Enseigner à quelles épreuves résiste la vertu de l’une, à quelles larmes se lave la souillure de l’autre.

890. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre VI. La Mère. — Andromaque. »

Le chrétien se soumet aux conditions les plus dures de la vie : mais on sent qu’il ne cède que par un principe de vertu ; qu’il ne s’abaisse que sous la main de Dieu, et non sous celle des hommes ; il conserve sa dignité dans les fers : fidèle à son maître sans lâcheté, il méprise des chaînes qu’il ne doit porter qu’un moment, et dont la mort viendra bientôt le délivrer ; il n’estime les choses de la vie que comme des songes, et supporte sa condition sans se plaindre, parce que la liberté et la servitude, la prospérité et le malheur, le diadème et le bonnet de l’esclave, sont peu différents à ses yeux.

891. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — I »

Et pour résumer la situation en deux traits empruntés au journalisme quotidien, celui qui a écrit : « La vertu et le vice sont des produits comme le vitriol et le sucre », était classé ces années dernières comme « un du parti des ducs ».‌

892. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Appendice. Histoire raisonnée des poètes dramatiques et lyriques » pp. 284-285

Pindare vint au temps où la vertu grecque éclatait dans les pompes des jeux olympiques au milieu d’un peuple admirateur ; là chantaient les poètes lyriques.

893. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

— Mais la vertu même reçoit des tempéraments, et l’offre aura quelques restrictions. […] Il faut que le flatteur les convainque de sa sincérité et de leur vertu. […] « Tout ce grand raffinement, dit La Bruyère, n’est qu’un vice qu’on appelle fausseté, quelquefois aussi inutile au courtisan pour sa fortune que la franchise, la sincérité et la vertu. »55 Mais jamais il ne perd contenance. […] Ils mettaient un siècle religieux en garde contre la religion fausse ; on ne fabrique la mauvaise monnaie qu’à l’imitation de la bonne, et toute vertu a sa contrefaçon. […] Voilà la première vertu de la poésie ; on lui donne une idée, elle en fait un homme ; on lui apporte un cadre, elle en fait un tableau.

894. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

Je le voyais souvent chez Mme la duchesse de Broglie, fille de Mme de Staël, et femme dont la beauté, la vertu, l’enivrement mystique et la piété céleste, devaient ravir le poète irlandais et faire croire à la sœur des anges que Vigny voulait créer pour type idéal des amours sacrés. […] L’offre était sincère, Chatterton s’indigne ; son orgueil se révolte contre la servilité apparente d’un emploi qui exige fidélité, attachement et vertu. […] Le rideau tombé, les actes se dévoilent, ils font horreur aux bons sentiments ; mais comme l’Angleterre, pays de la liberté individuelle et audacieuse, est en même temps le pays du paradoxe, une partie de l’opinion des jeunes gens et des femmes se laisse prendre à l’amorce du coup de pistolet et fait de Chatterton un martyr de génie et de vertu. […] Martyr de vertu ! […] — Réveiller de froides cendres, quand tout frémit et souffre autour de moi ; quand la Vertu appelle à son secours et se meurt à force de pleurer ; quand le pâle Travail est dédaigné ; quand l’Espérance a perdu son ancre ; la Foi, son calice ; la Charité, ses pauvres enfants ; lorsque la Terre crie et demande justice au Poète de ceux qui la fouillent sans cesse pour avoir son or, et lui disent qu’elle peut se passer du Ciel.

895. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

La vertu la plus pure est en butte à ses traits. […] Ce n’est sans doute qu’une chimere, mais chimere tant qu’on voudra, elle devient une réalité dès qu’elle a la vertu de consoler. […] Il oublie sa naissance, son éducation, sa famille, sa vertu, & il devient dans un clin d’œil la fable du public. […] Combien de fois ne s’attacherent-ils pas à décrier les motifs, quand un acte de vertu s’offrit à leurs yeux. Voudroient-ils donc qu’il n’y eût point de vertus sur la terre, en affectant eux-mêmes d’être vertueux !

896. (1930) Le roman français pp. 1-197

Ceci est la dernière phrase du roman, et la seule qui puisse faire attribuer un mobile « religieux » à la vertu de la princesse de Clèves. […] — « dans des occupations plus saintes que celles des couvents les plus austères, laissant des exemples de vertu inimitable ». […] Parti d’en bas, un homme — ou une femme — pourra montrer toutes les vertus sociales. […] Et voici son cri tragique : « De quel prix peut être une vertu que mon cœur renie ?  […] Et ce saint, cet humble thaumaturge, cet homme de toutes les vertus divines et humaines, est hanté par le Diable !

897. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

Il paraît très-persuadé « que notre esprit rampe bien plus facilement qu’il ne s’essore, et que, pour le délivrer de toutes ces chimères, il le faut émanciper, le mettre en pleine et entière possession de son bien, et lui faire exercer son office qui est de croire et respecter l’histoire ecclésiastique, raisonner sur la naturelle, et toujours douter de la civile. » Pour preuve de soumission à l’histoire ecclésiastique, tout aussitôt après ce passage il entame un petit éloge de l’empereur Julien, « de cet empereur, dit-il, autant décrié pour son apostasie que renommé pour plusieurs vertus et perfections qui lui ont été particulières231. » L’histoire ecclésiastique ainsi exceptée, il est évident qu’en toute matière, civile du moins et naturelle, Naudé fait volontiers une double part, l’une de la sottise et de la crédulité des masses, l’autre de la singulière industrie de quelques habiles. […] Il commence par poser avec Charron « que la justice, vertu et probité du Souverain, chemine un peu autrement que celle des particuliers. » A-t-il tort de le prétendre ? […] Un moderne penseur l’a répété, et il nous est impossible de le dédire : Ne mesurons pas les hommes publics à l’aune des vertus privées ; s’ils sont véritablement grands, ils ont leur point de vue et leur rôle à part : ils font ce que d’autres ne feraient pas, ils maintiennent la société. […] de leurs forfaits que les hommes privés arrivent à exercer en paix toutes leurs vertus. […] Et au nombre des causes de ces mystérieuses vicissitudes, Naudé ne craint pas de mettre « la grande bonté et providence de Dieu, lequel, soigneux de toutes les parties de l’univers, départit ainsi le don des arts et des sciences, aussi bien que l’excellence des armes et établissement des empires, ou en Asie, ou en Europe, permettant la vertu et le vice, vaillance et lâcheté, sobriété et délices, savoir et ignorance, aller de pays en pays, et honorant ou diffamant les peuples en diverses saisons ; afin que chacun ait, part à son tour au bonheur et malheur, et qu’aucun ne s’enorgueillisse par une trop longue suite de grandeurs et prospérités. » C’est là une belle page et digne de Montaigne.

898. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

» Ces hommes, peu accoutumés à tant de vertu, crurent que cette vertu n’était qu’une affiche, que tant d’abnégation n’était qu’une prétention plus habile et plus haute, et qu’au jour des rétributions le désintéressement de ce Chansonnier du Danube céderait, comme tant d’autres, à la séduction du pouvoir et aux blandices de la fortune. […] L’enthousiasme de Béranger était dans son cœur, et pas dans son verre ; il le gardait pour sa vie, pour la liberté, et pour la vertu pratique dont il était sérieusement et intimement possédé. […] XVIII Enfin le véritable poète pindarique ne chante que des vérités absolues et divines, dont la sainteté et la vertu se communiquent, pour ainsi dire, à son génie. […] Changer en mal, c’est faiblesse ; changer en bien, c’est vertu.

899. (1921) Esquisses critiques. Première série

qu’on ne les aperçoit que par leurs vertus. […] En M. de Régnier on reconnut immédiatement un poète : c’est une belle et rare vertu. […] C’est même une vertu peu commune que de savoir dégager le rire d’une situation qui ne semblait pas devoir le comporter. […] Par sa vertu s’opère une transposition immédiate ; le plan normal de la vie s’abandonne, ou pénètre comme par magie dans un autre univers. […] Les Sentiers de la vertu, L’Amour veille, Le cœur a ses raisons.

900. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

On rencontre parfois, dans ses charmantes pièces, des moments critiques, où pour être plus sûr de mener à bien le triomphe de la vertu ou de l’esprit, il apparaît un peu trop, et prend la parole à la place de ses personnages. […] Permettez-moi, avant de finir, ce court plaidoyer pro domo mea ; l’humilité est une vertu, l’humiliation est un malheur : gardons l’une, et tâchons d’amoindrir l’autre. […] De Rousseau à madame Sand, de Julie à Diane de Lys, la dernière venue de cette orageuse famille, ne reconnaissez-vous pas ce paradoxe de l’orgueil se préférant aux vraies notions du bien et du mal, et inventant à son usage, au-delà des vertus et des devoirs véritables, un devoir imaginaire, une vertu chimérique, faite de superflu, et veuve du nécessaire ? […] Eugène Sue eût débaptisé son roman le plus célèbre ; qu’il l’eût appelé, par exemple, les Vertus du Chourineur et l’innocente de la Goualeuse, certes, ce titre était bien beau encore ; et pourtant quelle différence ! […] Hue revient seul ; bientôt on lui adjoint Tison et sa femme ; deux espions de la Commune, deux apprentis persécuteurs, que finiront pourtant par gagner à la cause de la vertu et du malheur les souffrances et les bontés de leurs victimes.

901. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

Dès le début, Saint-Simon fils d’un père antique, et, sous sa jeune mine, un peu antique lui-même, n’a pas de goût vif pour les femmes, pour le jeu, le vin et les autres plaisirs : mais il est glorieux ; il tient au vieux culte ; il se fait un idéal de vertu patriotique qu’il combine avec son orgueil personnel et ses préjugés de rang. […] Saint-Simon a parlé en bien des endroits de sa femme, et toujours avec un sentiment touchant de respect et d’affection, l’opposant à tant d’autres femmes ou inutiles ou ambitieuses quand elles sont capables, et la louant en termes charmants de « la perfection d’un sens exquis et juste en tout, mais doux et tranquille, et qui, loin de faire apercevoir ce qu’il vaut, semble toujours l’ignorer soi-même, avec une uniformité de toute la vie de modestie, d’agrément et de vertu ». […] De là le petit duc et sa séquelle en ont voulu mal de mort à mon père et l’ont traité d’ingrat, comme si la reconnaissance, qui est une vertu, devait se prouver par des crimes ; et cette haine d’une telle légitime rejaillit sur les pauvres enfants qui s’en10… Si la haine ou l’humeur éclate quelque part, c’est assurément dans cette injurieuse boutade bien plus que dans tout ce que Saint-Simon a écrit sur les d’Argenson. […] Cette manière un peu machinale et brusque de considérer le remède religieux, sans en introduire la vertu et l’efficace dans la suite même de sa conduite et de sa vie, annonce une nature qui avait reçu par une foi robuste la tradition des croyances plutôt qu’elle ne s’en était pénétrée et imbue par des réflexions lumineuses.

902. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (5e partie) » pp. 145-224

Misère de la vertu qui se sent honnie, persécutée sur la terre, et qui n’a pour récompense que la calomnie, et pour consolation que la voix faible et lointaine de la conscience, qui lui parle bas, comme une voix qu’on discerne à peine, et qui lui dit les secrets de Dieu ! […] Enfin, tant et tant de misères, que la seule et la plus définitive vertu que l’homme ait pu inventer pour l’homme ici-bas, c’est la compassion réciproque, l’assistance mutuelle, la pitié active, la charité de main et de cœur, et que, sans cette vertu, personnifiée dans une femme d’abnégation, appelée sœur de ceux qui n’ont pas de frères, ce monde infernal serait inhabitable pour tant de misères ! […] XXXI L’autre philosophie sociale est celle qui, reconnaissant aussi dans la création énigmatique telle quelle, un mystérieux fait accompli, s’y résigne comme à une justice inexpliquée, puisqu’elle est fatale, ce qui veut dire divine : semblable, j’en conviens, au prisonnier des ténèbres, qui, après avoir fait le tour de son étroit cachot, et convaincu qu’il n’y a aucune issue que par le suicide, évasion de la destinée humaine, s’y assoit à la place assignée par la Providence, y livre son corps à sa condition de souffrance et de corruption, sans murmure et sans regret, et y cherche la nourriture de son âme, qu’il sent immortelle, dans la conformité du dessein de Dieu son maître, dans le sacrifice de son bonheur à celui de ses semblables, dans la vertu, ce supplément de bonheur qui vaut mieux que lui, et dans la sainte certitude d’un destin supérieur quand cette voûte de son cachot s’écroulera sur son corps mortel pour lui laisser voir du fond du cercueil le vrai jour de Dieu !

903. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — II. (Fin.) » pp. 296-311

De même pour l’immortalité et pour l’avenir des destinées humaines : rendant compte, dans son Éloge de Buffon, des Époques de la nature et rappelant l’hypothèse finale du grand naturaliste lorsqu’il peint la lune déjà refroidie et lorsqu’il menace la terre de la perte de sa chaleur et de la destruction de ses habitants : Je demande, s’écrie-t-il, si cette image lugubre et sombre, si cette fin de tout souvenir, de toute pensée, si cet éternel silence n’offrent pas quelque chose d’effrayant à l’esprit ; je demande si le désir des succès et des triomphes, si le dévouement à l’étude, si le zèle du patriotisme, si la vertu même, qui s’appuie si souvent sur l’amour de la gloire, si toutes ces passions, dont les vœux sont sans limites, n’ont pas besoin d’un avenir sans bornes ? […] Sanchez était naturellement faible, non de cette faiblesse qui se prête aux impressions du vice et qui fait oublier la vertu, mais de celle qui se laisse accabler par le malheur et qui reste sans force au milieu de l’infortune.

904. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Quel dommage qu’il n’ait pas joint à ses autres brillantes qualités celles qui font le guerrier humain, c’est-à-dire le guerrier accompli, cette modération, cette justice après le combat, ces vertus civilisées qui décorent à jamais le nom d’un Xénophon ou d’un Desaix ! […] Et d’ailleurs ces vertus trop rentrées, et qui sentent le philosophe, ne sont pas celles qui atteignent le but ; il faut aux hommes des signes assortis aux choses ; à la gloire militaire convient une éloquence militaire aussi.

905. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

Louis XIV, dans l’esprit qui lui dicta cette fondation, à cette date qui est à la fois celle de sa maladie et de son mariage secret, eut-il dessein, revenant sur les fautes de son passé, de réparer ce qu’il avait fait de tort à certaines nobles demoiselles de son royaume, telles que La Vallière, par exemple, et voulut-il, par une sorte d’expiation, mettre à jamais toute une élite pauvre à l’abri des tentations et des périls sous l’aile de la religion et de la vertu ? […] Dieu sait que j’ai voulu établir la vertu à Saint-Cyr, mais j’ai bâti sur le sable.

906. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

La vie de Jésus, le scandale qu’il cause par sa prédication et sa vertu même, l’attentat commis en sa personne par la Synagogue, sa condamnation et son supplice, sont résumés en une page touchante : « Le Juste est condamné à mort : le plus grand de tous les crimes donne lieu à la plus parfaite obéissance qui fut jamais. » — Autant j’ai pu paraître en garde précédemment, autant je dirai ici en toute conviction que ces pages admirables par la simplicité et la beauté morale de l’expression sont en bonne partie vraies, de quelque côté qu’on les envisage. Il fallait bien, en effet, tout cela, tout ce sacrifice, toutes ces vertus, toutes ces croyances, pour que des pauvres et des souffrants trouvassent en eux la force d’entreprendre une telle œuvre que celle de sauver, de tirer des duretés et des cruautés, d’affranchir de l’esclavage, de régénérer enfin le monde, et pour faire faire à la masse de l’humanité un si grand pas que celui qui l’éleva de la morale du paganisme à la morale chrétienne.

907. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

Toute vertu y est enclose. […] Tontes leurs dames sont pareilles : ou plutôt c’est la même dame qu’ils célèbrent, « la bien faite au vis clair », la définition de la dame parfaite en beauté, sens et vertu.

908. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le cardinal de Retz. (Mémoires, édition Champollion.) » pp. 238-254

Nous avons vu de nos jours un homme de vertu pratique, d’intégrité et de foi, un archevêque de Paris comme l’était Retz, sincèrement ému des malheurs et des erreurs du peuple et de la dissension civile, aller droit avec simplicité au danger, ouvrir les bras et donner sa vie pour le bien de tous : et Retz, retiré vers la fin des troubles dans son cloître Notre-Dame, retranché à l’ombre des tours de sa cathédrale, et abrité, comme il disait, sous le chapeau, hésitait, avec toutes ses lumières et ses générosités mondaines, à faire un acte public qui hâtât l’issue et mît fin à la souffrance universelle. […] Ce n’est, monseigneur, ni votre pourpre, ni la splendeur ou les couronnes de votre maison, c’est quelque chose de plus grand, c’est vous-même, c’est votre vertu qui m’a lâché, et ces liens ne peuvent se rompre, qu’on ne perde ou la vie ou la raison.

909. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Lorsqu’il eut été élu malgré lui archevêque de Cantorbéry le 6 mars 1093, pendant un voyage qu’il faisait en Angleterre (l’Angleterre alors et la Normandie n’étaient presque qu’un même pays depuis la conquête), Anselme ne trouva point en lui toutes les qualités et les ressources nécessaires à sa position nouvelle ; en gardant toutes ses vertus, il ne sut point les armer suffisamment pour les conflits et les combats du siècle ; cette haute dignité ecclésiastique de primat d’Angleterre, à laquelle il dut un surcroît de célébrité, un mélange d’éclat et de disgrâce, deux exils, des retours triomphants et bénis, et finalement sa canonisation peut-être, cette haute dignité nous le montre plutôt inférieur à lui-même et dépaysé dans les affaires, craintif, obstiné et indécis, débile sinon d’âme, du moins de caractère. […] Âme chaste et qui, malgré quelques premiers désordres, s’était vite rangée et réparée, il excellait, plutôt par divination que par expérience, à découvrir les vertus et les vices dans leurs principes, dans leurs semences pour ainsi dire et leurs racines, et à les suivre dans leurs progrès, prescrivant les moyens d’acquérir les unes et d’éviter les autres.

910. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence de la chaire. » pp. 205-232

Mais aujourd’hui qu’on voit la débauche s’allier avec une sorte de décence, aujourd’hui que le vice est devenu ingénieux, il a fallu, selon une réflexion judicieuse, le devenir avec lui, pour le combattre  ; employer les secours de l’éloquence humaine, pour le rendre plus odieux ; convaincre enfin l’esprit & aller au cœur, par tous ces grands mouvemens qui ébranlent l’ame & la tournent au bien & à la vertu. […] Il suppose toujours les principes, ou les établit en deux mots, & se jette sur la morale : il préfère le sentiment à tout : il remplit l’ame de cette émotion vive & salutaire, qui nous fait aimer la vertu.

911. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre douzième. »

Lequel valait le mieux pour toi d’être l’appui de ton vieux père qui se meurt de douleur, de ta femme qu’on cherche à séduire depuis vingt ans quoiqu’elle n’en vaille pas la peine, de ton fils que les princes voisins vont dépouiller, de gouverner tes sujets avec sagesse, de nous rendre heureux en nous laissant pratiquer sous nos cabanes des vertus que tu aurais pratiquées dans ton palais ? Lequel valait mieux de goûter tous ces avantages de la paix et de la vertu, ou de t’expatrier, toi et la plus grande partie de tes sujets, pour aller restituer une femme fausse et perfide à son imbécille époux, qui a la constance de la redemander pendant dix ans ?

912. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Début d’un article sur l’histoire de César »

A force de croire, ils ont pu ; ne leur demandez pas de n’être point mystiques : leur vertu politique, leur force est à jamais inséparable de leur mysticité.

913. (1874) Premiers lundis. Tome I « Le vicomte d’Arlincourt : L’étrangère »

Izolette réunit tous les charmes et toutes les vertus ; elle aime Arthur dès le premier jour : mais elle n’a pas l’air assez mélancolique ni assez idéal ; et le jeune et bel Arthur, qui a été élevé par le philosophe systématique Olburge, dans tout le vague de théories hyperboliques, ressent pour elle je ne sais quel mécontentement.

914. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Objections d’un moraliste contre l’exposition de 1900. » pp. 162-167

La vérité, c’est qu’en exaltant l’espoir des peuples sans leur apporter plus de vertus, les fêtes de la paix sèment en eux des germes de guerre.

915. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Béranger, Pierre-Jean de (1780-1857) »

Il est mort plein de jours, en possession d’une immense sympathie publique, et je ne veux, certes, contester aucune de ses vertus domestiques ; mais je nie radicalement le poète aux divers points de vue de la puissance intellectuelle, du sentiment de la nature, de la langue, du style et de l’entente spéciale du vers, dons précieux, nécessaires, que lui avaient refusés tous les dieux, y compris le dieu des bonnes gens, qui, du reste, n’est qu’une divinité de cabaret philanthropique.

916. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé aux funérailles de M. Stanislas Guyard, Professeur au Collège de France »

Ta vie sera pour tous ceux qui t’ont connu une leçon de désintéressement, de patriotisme, de travail et de vertu.

917. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 348-354

Quoiqu’on n’ait cessé de lui dire qu’il ne sauroit trop respecter ces hommes qui honorent notre Nation par leur Littérature, autant que par leurs lumieres & leurs vertus ; il n’a pas craint de les qualifier d’Ecrivains bizarres, de les accuser d’être vindicatifs, intolérans, orgueilleux, égoïstes, pleins de morgue.

918. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Préface »

Minerve, dépouillée des vertus guerrières et des grands traits héroïques qui caractérisent Pallas-Athéné, reparaît à Rome sous la figure pédantesque d’une déesse scolaire.

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