On se figurera, tendus entre les atomes, des fils qu’on fera de plus en plus minces, jusqu’à ce qu’on les ait rendus invisibles et même, à ce qu’on croit, immatériels. […] C’est par là surtout qu’ils tendent à rejoindre l’analyse purement psychologique que nous avions d’abord donnée du mouvement, et qui nous le présentait, non comme un simple changement de rapport entre des objets auxquels il s’ajouterait comme un accident, mais comme une réalité véritable et en quelque sorte indépendante. […] Nous devons par conséquent tendre au-dessous de la continuité des qualités sensibles, qui est l’étendue concrète, un filet aux mailles indéfiniment déformables et indéfiniment décroissantes : ce substrat simplement conçu, ce schème tout idéal de la divisibilité arbitraire et indéfinie, est l’espace homogène. — Maintenant, en même temps que notre perception actuelle et pour ainsi dire instantanée effectue cette division de la matière en objets indépendants, notre mémoire solidifie en qualités sensibles l’écoulement continu des choses.
Sous le voile du mythe, les mages de la Perse avec leur antinomie d’Ormuzd et d’Ahriman, les philosophes grecs qui, comme Empédocle, admettent le dualisme primordial de l’Amour et de la Haine, les théologiens du christianisme qui opposent le royaume de Dieu au royaume de Satan, — tous aboutissent en somme au même point que les savants modernes avec leur double principe d’évolution et de dissolution : l’un qui tend à ramener les choses à l’homogénéité primitive, l’autre qui s’efforce au contraire vers la différenciation en créant de véritables hiérarchies d’individus de plus en plus dissemblables. […] S’il est une vérité qui tend de plus en plus à se faire jour, c’est que, dans l’ordre social comme dans l’ordre intellectuel, nous ne pouvons pas nous séparer du groupe auquel nous tenons par mille attaches matérielles, sous peine de perdre, en nous isolant, la meilleure part de nos forces. […] car, pour le chrétien, la souffrance n’est qu’un moyen de sanctification, et elle n’est d’aucun prix si elle ne tend pas au salut.
Elle est légitime, puisque c’est un droit naturel du public, de juger des écrits qu’on lui expose ; et elle est utile, puisqu’elle ne tend qu’à faire voir par un raisonnement sérieux et détaillé, les défauts et les beautez des ouvrages. […] Ce n’est point là l’esprit d’une assemblée de gens de lettres, et l’academie ne tend à l’uniformité que par voye d’éclaircissement, et non pas par voye de contrainte. […] L’un ne tend qu’à faire voir que la providence arrive toûjours à ses fins, malgré les obstacles que les passions des hommes y opposent ; et l’autre fait entendre qu’il n’y a rien d’impossible à la piété conduite par le courage. […] Ce n’est plus qu’une crainte tendre des malheurs de sa famille et de la captivité d’Andromaque, et de plus il prie les dieux de détourner ces maux. […] Hector sourit de voir ses naïves frayeurs, et ce tendre souris n’interrompt point ses pleurs.
Lui-même marchait le jarret tendu et les pointes en dehors, en homme qui avait porté la culotte courte. […] Le duo que Ninon et Silvio soupirent sur la terrasse était un acte de foi, que ne faisaient pas prévoir les Contes d’Espagne et d’Italie, envers la passion chaste et tendre, trésor des cœurs purs. […] Il me semblait que toutes mes pensées tombaient comme des feuilles sèches, tandis que je ne sais quel sentiment inconnu horriblement triste et tendre s’élevait dans mon âme. […] Es-tu sûre que si son mari ou son amant revenait lui tendre la main à travers la grille du parloir, elle ne lui tendrait pas la sienne ? […] L’autre répond à son camarade d’enfance, qui lui tend une main amie, ce mot de cloître, que Cécile ne comprendrait pas : « Je n’aime pas les attouchements ».
Quelque chose de tendre y rêve sous les mousses, Et quand le soir, vêtu de mousselines rousses, Y vient, l’Âme du Lieu tressaille longuement. […] de cette amitié qui ne le cède en rien à l’amour, pas même en intensité non plus qu’en langueur par des fois : tel le crépuscule du soir avec des éclairs par places et des nuances à l’infini, rose, vert pâle tendre, piquées, trouées, déchirées de blessures rouges et de plaies noires. […] Dans quelques lignes de ces quelques pages sincères, je réfute plusieurs basses calomnies qui tendraient à faire passer Rimbaud pour une espèce de malandrin, et je m’occupe ensuite de l’écrivain. […] Des sonnets ou pièces diverses suivent le même thème que les Ballades, le vin joyeux ou l’amour tendre, et tout le monde content, de la bonne façon : leitmotiv éternel et original dans sa vaste banalité qui est, au fait, tout un monde. […] Des arbres et des moulins Sont légers sur le vert tendre Où vient s’ébattre et s’étendre L’agilité des poulains.
Alors que la force de l’être humain est dans l’affirmation et la certitude, toutes les facultés du libéral sont tendues vers l’équivoque et l’aboulie. […] Dumas fils, plus nerveux et qui se croit cinglant, tend aussi à moraliser, dans un jargon où abondent les tirades et les mots cruels. […] Le grand artiste rompt avec ces routines et fait pleurer hors des mains, rager sans poing tendu, implorer en avant, etc. […] La colchique agit encore, assure-t-on, sur la goutte, qui, d’ailleurs, tend à disparaître chez nous. […] Il ignore résolument l’humilité, cette vertu suprême et qui tend à ses rares adeptes la clé des deux univers, l’intime et l’extérieur.
Car il faut qu’on sache que les essais des derniers venus ne tendent pas à supprimer le grand vers ; ils tendent à mettre plus d’air dans le poème, à créer une sorte de fluidité, de mobilité entre les vers de grand jet, qui leur manquait un peu jusqu’ici. […] Il faut quérir l’absolu avec l’être intégralement tendu vers toutes les directions. […] En descendant du train, je trouve sur le quai mon hôte, la figure avenante, les mains tendues. […] Cette idée d’école tend à disparaître. […] Plus on va, dans notre temps de démocratie, et plus l’art pur tend à devenir l’apanage d’une élite, d’une aristocratie bizarre, maladive et charmante.
On lui donne à bon droit le nom de spiritualisme, parce que son caractère est de subordonner les sens à l’esprit, et de tendre, par tous les moyens que la raison avoue, à élever et à agrandir l’homme. […] L’amour tend à s’unir à son objet : le mysticisme l’y absorbe. […] Un mouvement de l’âme qui a pour fin avouée ou secrète la possession ; l’admiration est de sa nature respectueuse, tandis que le désir tend à profaner son objet. […] L’une tend à l’idéal en toutes choses : elle recherche, elle s’efforce de faire paraître l’esprit caché sous la forme, à la fois manifesté et voilé par la nature ; elle ne veut pas tant plaire aux sens et flatter l’imagination qu’agrandir l’intelligence et émouvoir l’âme. […] L’homme de la sensation et du désir tend à son bien propre sous la loi de l’intérêt, comme la pierre est poussée vers le centre de la terre, sous la loi de la gravitation, comme l’aiguille aimantée se tourne vers le nord.
La Tour d’Ivoire plaira, malgré tout, aux âmes fortes et tendres, éprises du beau, et qui salueront dans le poète un de leurs plus nobles frères, un des plus vaillants chevaliers de l’Idéal. […] Le culte du saint tend à remplacer le culte du héros. […] C’est à exprimer ce type dans sa pureté que tendra de toutes ses forces la peinture à sa grande époque. […] C’est tendre, leste et vif. […] Je vois bien quel but poursuit l’auteur ; mais peut-être suffirait-il pour préparer cette âme inflexible et tendre aux épreuves de l’avenir, de prendre l’enfant vers l’âge de huit ou dix ans, dans les bras de miss O’Neill.
Suspecte, la tragédie d’Euripide, si libre, si tendre, si humaine ! […] Même chez les meilleurs, l’esprit ne peut être toujours tendu à croire. […] Meilhac donnera dans le tendre. […] Il lui tend les bras… « Amélie ! […] Charmantes, d’ailleurs ; Thérèse, plus spirituelle, plus active et plus pratique ; Alice, plus douce, plus fine, plus tendre, — et plus blonde.
Cela me confirme dans ma résolution de m’en tenir désormais uniquement à la nature : elle seule est d’une richesse inépuisable ; elle seule fait les grands artistes. » Ce que Werther dit là de la peinture, il l’entend également de la poésie : « Il ne s’agit que de reconnaître le beau et d’oser l’exprimer : c’est, à la vérité, demander beaucoup en peu de mots. » Et il cite en exemple une rencontre qu’il a faite, le jeune garçon de ferme amoureux de la fermière veuve, et amoureux tendre, timide, passionné : Il faudrait te répéter ses paroles mot pour mot, si je voulais te peindre la pure inclination, l’amour et la fidélité de cet homme. […] Émile Montégut, ou plutôt un hymne plein de feu, d’âme et de tendre intelligence.
Quand je songe que, dans l’âge voisin de la vieillesse et de ses infirmités, me voilà seul sur la terre, comme un célibataire débauché ou un homme personnel qui n’a vu que lui dans la nature ; que le sein sur lequel je m’appuie doucement, pour y chercher la consolation, est le sein d’une bonne mère de soixante-quinze ans ; que les objets qui devaient vivre avec moi et auprès de moi m’ont précédé si jeunes dans le tombeau ; quand je parcours tout cet espace qu’on appelle la vie, et que j’embrasse d’un coup d’œil cette longue chaîne de besoins, de désirs, de craintes, de peines, d’erreurs, de passions, de troubles et de misères de toute sorte, je rends grâces à Dieu de n’avoir plus à sortir du port où il m’a conduit ; je le remercie de la tendre mère qu’il me laisse, et des amis qu’il m’a donnés, et surtout de pouvoir descendre dans mon cœur, sans le trouver méchant et corrompu. […] c’est au même âge que j’ai aussi perdu ma tendre femme, ma première, la mère de mes enfants, âme pure et sensible que je regretterai jusqu’au dernier soupir.
Et tout d’abord Sismondi est flatté, loué comme on sait le faire à Paris ; l’amour-propre de l’auteur est chatouillé à l’endroit le plus tendre : « Je n’aurais jamais cru, écrit-il à sa mère, que mon Histoire fût prisée à ce point, que moi-même je fusse aussi connu ; mais chaque succès est pour moi une crainte de plus ; c’est un engagement que je ne sais comment je remplirai. » Qu’il se tranquillise ! […] C’est ainsi qu’en France, au sortir de la Révolution, un nouvel ordre de sentiments inverses et tout opposés remplaça ceux de la veille : « Quand cette Église, dit-il dans cette même lettre à Channing, eut été renversée en France par le double effort des encyclopédistes et des révolutionnaires, quand surtout un peu de calme eut succédé à la tempête, le besoin des affections tendres des cœurs, le besoin de confiance et d’espérance, l’admiration pour la création, le sentiment de la spiritualité de notre être, la soif de l’immortalité se firent sentir dans les âmes.
De leur union résulte cette perfection du bien dire qu’il a en idée, vers laquelle il tend sans cesse, et où il voudrait conduire ses lecteurs. […] Alors tout tendait à épurer et à polir : aujourd’hui tout semble aller en sens contraire, et un mouvement rapide d’intrusion se manifeste.
En un sens ce xviiie siècle, impie et révolté, ne tend qu’à réaliser et à fonder dans la pratique civile les maximes de fraternité chrétienne et d’égalité des hommes devant Dieu. […] Hugo a tout d’abord tendu la main à ce haut et grave vieillard ; c’est ainsi qu’il les aime, qu’il les peint et qu’il les rêve : don Ruy Gomès de Sylva, dans Hernani, n’est pas d’une autre souche ; et lui-même, poëte, il m’a fait souvent l’effet de représenter cette sorte de type inflexible, transporté, dépaysé dans la littérature et dans l’art de nos jours : de là en partie, j’imagine, ce qu’il y a de faussé dans sa puissance.
Son secrétaire Maynard la faisait parler en vers tendres et passionnés, et lui-même, dans sa vieillesse, a trahi le secret lorsqu’il a dit : L’âge affoiblit mon discours, Et cette fougue me quitte, Dont je chantois les amours De la reine Marguerite. […] La mère écrit à son fils captif comme madame de Sévigné à sa fille absente : « A ceste heure… je cuyde sentir en moy-mesme que vous seuffrez. » Marguerite se représente aussi comme une autre mère pour ce frère bien-aimé, quoiqu’elle n’ait que deux ans plus que lui ; et, le revoyant après une séparation, elle croit lire dans son seul regard toute une tendre allocution, qu’elle se traduit de la sorte à elle-même : …….. « C’est celluy que d’enfance Tu as veu tien, tu le voys et verras ; Ainsy l’a creu et le croys et croirras.
Il sait que, à l’endroit où il voit une figure humaine, il n’y a qu’un mur tendu de papier vert. En d’autres termes, l’image de ce mur tendu de papier vert entre en conflit avec la sensation de la figure humaine qui apparaît au même endroit ; par son simple accolement, elle la nie.
À peine terminée, il aspire à supplanter M. de Villèle comme il avait fait de M. de Montmorency ; il tendit quelques pièges à M. de Villèle dans la chambre des pairs pour faire rejeter ses plans délibérés en conseil ; M. de Villèle et ses collègues, offensés et indignés, le congédièrent sans ménagement et par ordre du roi. […] Que de notes naïves, tendres, pathétiques, n’a-t-elle pas ajoutées à ses notes tragiques !
Cosette se développait de corps et d’âme, sous les yeux de ce père inconnu, mais aussi tendre qu’une femme. […] Ce sont les deux sexes qui tendent à se rapprocher et qui prennent les qualités l’un de l’autre.
Pourquoi même n’y a-t-il pas plus de gens qui fassent ainsi bonne garde contre tout ce qui n’en a que l’apparence, ou tout ce qui tend à l’altérer ? […] Elle ne peut pas être tendre sans être ingénieuse ; c’est même la femme d’esprit qui a fait suspecter la mère.
Quand elle me vit rester pour elle aussi bon et aussi tendre que je l’avais jamais été, elle admit volontiers qu’il y a plusieurs manières d’être prêtre et que rien n’était changé en moi que le costume ; et c’était bien la vérité. […] Quand nous entrâmes en rapports, il me restait un attachement tendre pour le christianisme.
Tous les caracteres, toutes les actions, toutes les conjectures, toutes les réflexions, ne tendent qu’à favoriser ce principe. […] Ses réflexions sur les différens Princes ne tendent qu’à prouver que les plus méchans ont vécu dans la prospérité, & les plus vertueux dans l’infortune.
En vue de Bar-le-Duc, ma pensée va à ce temps, où je suis venu dans cette ville, tout jeunet, tout plein de cette tendre flamme amoureuse, qui suit, à deux ou trois ans de là, la flamme amoureuse de la première communion. […] Dimanche 14 octobre Des chapeaux, des chapeaux noirs, au-dessus desquels on voit de temps en temps, émerger une chose blanche qui est un journal, arraché d’un kiosque, et autour duquel se forme aussitôt un groupe, aux oreilles tendues.
Par les désirs sensuels, l’âme tend en bas et tombe : « l’être lumineux » devient un « être obscur ». […] De quelque façon qu’on t’appelle, Bramah, Jupiter ou Jésus, Vérité, justice éternelle, Vers toi tous les bras sont tendus.
Mais le fait même que, dans les cas de passion, la parole intérieure s’anime sans raison et devient extérieure contre toute raison, ce fait nous indique qu’il y a des circonstances où la parole intérieure doit rester intérieure sans tendre aucunement à l’extériorité et sans simuler l’extériorité. […] L’habitude tend à supprimer de l’âme et la succession et la conscience ; l’habitude est donc une puissance destructive des caractères spécifiques de l’âme ; l’habitude est la mort progressive de l’âme apparente.
Son amour-propre, qui a dégradé les derniers moments de sa vie, lui fit tendre la main aux gros sous de la popularité, ces gros sous qu’un mépris public immérité lui jeta un jour au visage ; mais j’abaisserai moi-même un voile sur ces abaissements. […] Mais lui qui fait le tendre, lui, le très humble et reconnaissant serviteur de ce maître qui l’a comblé, va bien plus loin que nous quand nous jaugeons les puissances et les impuissances de Sainte-Beuve.
Je sais qu’elles ont leurs détracteurs, je sais qu’on n’est pas tendre pour elles, et qu’il y a des jugements qui condamnent les carnets et les tiroirs d’un auteur. […] Je veux lire, dimanche, l’article Socialisme dans Larousse. » Et ce cri, bien curieux : « Je n’en veux pas à la vie ; je sais qu’elle est faite pour quelques-uns. » Voulez-vous des âmes tendres, des mots qu’un écrivain ne désavouerait pas ?
Laissez donc de côté les reconstructions artificielles de la pensée ; considérez la pensée même ; vous y trouverez moins des états que des directions, et vous verrez qu’elle est essentiellement un changement continuel et continu de direction intérieure, lequel tend sans cesse à se traduire par des changements de direction extérieure, je veux dire par des actions et des gestes capables de dessiner dans l’espace et d’exprimer métaphoriquement, en quelque sorte, les allées et venues de l’esprit. […] Il n’est donc pas, à proprement parler, organe de pensée, ni de sentiment, ni de conscience ; mais il fait que conscience, sentiment et pensée restent tendus sur la vie réelle et par conséquent capables d’action efficace.
La littérature n’est qu’une des nombreuses expressions de la vie humaine ; expression plus claire que d’autres, plus accessible à un grand nombre, par ses moyens (la parole) et par son but (l’action sur la masse) ; partant du même fonds inconscient, obéissant aux mêmes nécessités, l’expression littéraire tend plus que d’autres à une forme intelligible, à la réflexion, à une prise de conscience. […] En d’autres termes : le principe unit d’un groupe à l’autre des individus apparentés ; il n’y a pas contiguïté, il y a affinité (Wahlverwandschaften) ; et ces groupes d’affinité tendent à rapprocher les uns des autres les groupes de contiguïté.
Après l’intérieur de la ferme et le bal champêtre qu’un critique très-spirituel, dans la Revue des deux Mondes, a comparés à quelque tableau malicieux et tendre de Wilkie, on a, au retour, cette nature si fleurie et si odorante, sur laquelle la nuit jette ses ombres grandioses et que la lune éclaire avec beauté ; on a, dans ces solitudes suaves, un chant mélodieux de jeune homme qui arrive tout d’abord au cœur d’une amazone égarée comme Herminie.
Tout devra être tendu vers l’unité : à vouloir trop combiner et trop nuancer, vous aboutiriez à la confusion et à l’indécision.
Et, si le dilettantisme a d’abord retardé en lui l’éclosion de l’amour paternel, ce n’a été que pour le faire ensuite plus réfléchi, plus fort et plus tendre.
Ils seraient ridicules dans un pays où tous les esprits seraient tendus aux affaires publiques, soit par la nature de la constitution, soit par une révolution flagrante, ou récente, ou imminente.
C’est aussi son inconvénient : fausse ou mal formée, elle échappe au contrôle, car rendant inutile l’expérience personnelle, elle tend il la supprimer ; aussi propage-t-elle le mensonge et l’erreur avec la même force, avec laquelle elle propage les vérités.
La prose du Télémaque, si fleurie, si tendre, si harmonieuse, si cadencée, leur sembla plus poëtique & plus agréable que les plus beaux vers.
Vertueux et farouche, il n’a pas rendu dans sa préface à la pauvre Mme Quinet ce que cette tendre femme a fait pour lui, tout le long de son livre !
Seulement ce qu’il y a et ce qui plaît, du reste, c’est qu’on sent que l’auteur n’a rien voulu de tout cela et que la prétention du bas-bleu qui se tend pour se donner des muscles, comme un homme, n’a pas fait tort à son naturel de femme et d’écrivain.
Ce qui frappa surtout quand elles parurent, car son génie était connu et faisait trembler, ou du moins étonnait quand on ne tremblait pas, ce qui frappa en ces lettres inespérées, ce fut le père, non le père majestueux, quoiqu’il y fût aussi, le paterfamilias, Romain deux fois, de la Rome antique et de la Rome chrétienne, mais le père tendre comme une mère, le genre de père qu’avec la gravité d’un tel homme justement on n’attendait pas !
En ces proverbes, naïfs ou sublimes, brillants ou profonds, moqueurs ou tendres, ils reconnaissaient une pensée, parente de la leur mais moins heureuse, car elle était entrée sans signature dans la mémoire des hommes, et en y restant elle n’y laissait aucun nom !
Il ne le voit pas, lui, et il nous le tend de sa main d’aveugle, mais nous, nous le voyons, et nous nous servirons tout à l’heure de sa lumière.
Ses lettres, voilà sa gloire, si gloire il y a pour ces choses légères, pour ces pastels pâlis et ces arcs-en-ciel sitôt évanouis, et qui, pâlissant et s’évanouissant, plaisent encore, et, peut-être, comme les blondes qui furent rayonnantes et que le monde appelle passées, plaisent aux âmes tendres davantage !
Il en reconnaît la grandeur, quand la plupart des médecins modernes, métaphysiciens pourtant, mais malgré eux, et aveugles, l’insultent et la repoussent, comme un piège, plein de trahison, que l’esprit humain se tend à lui-même.
Seulement, — ajoute-t-il avec une tendre espérance, — il espère bien que M.
Diogène, avec le manteau d’Antisthène qu’il avait ramassé à la borne et à travers les trous duquel passait l’orgueil qui crevait les yeux de Platon, Diogène ne buvait dans sa main et ne roulait devant lui son tonneau que pour se passer des hommes et être, tout à son aise, outrageusement insolent avec eux ; mais Benoît Labre, qui s’était fait le pauvre errant dont la main n’avait pas honte de se tendre à l’aumône, ressuscitait, par le spectacle de sa misère, la pitié et la charité dans les cœurs… Ce pauvre volontaire de Jésus-Christ, comme il s’appelait lui-même, fut, à ses risques et périls, tout le temps qu’il vécut, une prédication silencieuse, autrement éloquente que la parole des plus éloquents… C’était, continuée, vivante et incessante, la prédication du sublime sermon sur la montagne, — qu’admirait Rousseau, messieurs les philosophes !
La philosophie, la négation, l’incrédulité, après s’être beaucoup remuées dans les limites des facultés humaines, auxquelles elles tiennent comme le rayon de la roue tient à son moyeu, sont revenues à leur point de départ en faisant un circuit immense, s’imaginant avoir progressé, comme l’animal qui paît l’herbe croit s’être avancé pour avoir péniblement tendu la corde du grossier piquet qui l’attache au sol.
à ses prêtres, ils s’en vont devant eux sans aucune précaution humaine, montrant le Crucifié souvent pour tout langage, et en quelques jours des milliers de sauvages viennent s’abattre autour de cette fleur mystique de la Croix qui tend son cœur ouvert aux nations !
Esprit emphatique (dans le bon sens du mot), il tend, et c’est son mérite, au grandiose, même quand il le manque ; et quand il le manque, ce n’est pas qu’il ait tiré trop bas, mais c’est qu’il a tiré trop haut !
Tout reste perdu et englouti dans cette mêlée tapageuse et confuse où la ligne de tout dessin se rompt, — où la composition se noie, — et où tout caractère, posé d’abord, éclate bientôt, sous l’effort qui le tend et qui finit par le briser !
que pour ma part j’aurais voulu le supprimer par le mépris qui ne parle pas ; ne pas dire le plus petit mot de cette ineptie, car c’est une ineptie, et joué ce bon tour aux finauds qui avaient compté sur les profits de l’indignation et du scandale et nous avaient tendu cette souricière, si bien approvisionnée, dont l’abbé Trois-Étoiles était le lard et les éditeurs de Hugo le fromage !
Cette grâce, cette expression douce et légère qui embellit en paraissant se cacher, qui donne tant de mérite aux ouvrages et qu’on définit si peu ; ce charme qui est nécessaire à l’écrivain comme au statuaire et au peintre ; qu’Homère et Anacréon eurent parmi les poètes grecs, Apelle et Praxitèle parmi les artistes ; que Virgile eut chez les Romains, et Horace dans ses odes voluptueuses, et qu’on ne trouva presque point ailleurs ; que l’Arioste posséda peut-être plus que le Tasse ; que Michel-Ange ne connut jamais, et qui versa toutes ses faveurs sur Raphaël et le Corrège ; que, sous Louis XIV, La Fontaine presque seul eut dans ses vers (car Racine connut moins la grâce que la beauté) ; dont aucun de nos écrivains en prose ne se douta, excepté Fénelon, et à laquelle nos usages, nos mœurs, notre langue, notre climat même se refusent peut-être, parce qu’ils ne peuvent nous donner, ni cette sensibilité tendre et pure qui la fait naître, ni cet instrument facile et souple qui la peut rendre ; enfin cette grâce, ce don si rare et qu’on ne sent même qu’avec des organes si déliés et si fins, était le mérite dominant des écrits de Xénophon.
Tel est le fond du tableau que nous présente l’orateur ; il peint en même temps la jeune duchesse de Bourgogne, adorée de la cour, et dont les vertus aimables mêlaient quelque chose de plus tendre aux vertus austères et fortes de son époux ; il la peint frappée comme lui, expirante avec lui, sentant et le trône et la vie, et le monde qui lui échappaient, et répondant à ceux qui l’appelaient princesse : Oui, princesse aujourd’hui, demain rien, et dans deux jours oubliée.
S’il est vrai que tous les sentiments tendres et doux, tous ceux où les femmes excellent et qui assurent leur influence, ont besoin de demi-jour et de mystère, quoi de plus contraire à leur autorité et à leur charme que cette dissolvante analyse où toute ombre se dissipe, où tout voile se déchire, où les secrets du cœur et les délicatesses de l’âme se jugent par des procédés physiologiques ou des dissections chirurgicales ? […] Remuer des mondes et tomber en extase devant un œillet ou un réséda ; imprimer son pouce géant sur les sociétés, les littératures et les codes, et se reposer de ces œuvres cyclopéennes en assistant aux tendres ébats d’un moineau ou d’un chardonneret ; être à la fois l’altier conquérant des âmes et l’ami intime des insectes, voilà l’idéal qu’il se propose et qu’il n’est pas fâché de réaliser en sa personne ! […] Je voudrais tendre pour lui la main au public d’élite qu’il a si souvent charmé ; mais je me souviens qu’un sentiment, quel qu’il soit, fût-il d’admiration ou de pitié, ne doit jamais faire taire les grandes vérités morales ; je voudrais rappeler au poëte ces vérités inflexibles ; mais je me demande s’il n’y a pas trop d’acharnement et de cruauté à rudoyer ainsi cette immense infortune, supportée avec une sorte de dignité relative et de laborieuse fermeté. […] Par leur prétendue croisade contre la persécution et le fanatisme, ils tendaient la main à Genève, à tout ce que le protestantisme d’alors conservait encore de persécuté et de révolté. […] Je finis en vous embrassant avec le plus tendre respect. » Tel est, avec mille variations brillantes, le ton général de cette correspondance, que nous voudrions pouvoir citer tout entière.
Dès qu’il énonce, c’est le cas presque à chaque page, quelque réflexion suggérée par la vie, sa phrase se ramasse, se contracte, se durcit comme un muscle qui se tend pour frapper. […] Une autre cause fut une sensibilité infiniment tendre et blessable M. […] Et d’abord, derrière les données officielles qui tendent à démontrer que l’« œuvre de lumière », comme s’expriment les boniments électoraux, est en plein triomphe, cet implacable trouveur de petits faits va chercher des documents « plus concrets, plus humains ». […] Ici, toutes les cordes de son être se sont tendues en une harmonie. […] Elle tendra donc, si elle veut conserver à la fois sa sensualité et son mysticisme, à multiplier tout ensemble les expériences coupables et les révoltes repentantes.
Ainsi ces quatre mots, tan, tant, tend, temps, devraient à la rigueur s’écrire tous comme le premier, parce que la prononciation de ces mots est la même, à quelques légères différences près. […] Ajoutez à cela que souvent même la lettre surnuméraire devrait s’écrire autrement que l’usage ne le prescrit : ainsi l’s dans temps devrait être un z, le d dans tend devrait être un t, et ainsi des autres. […] Il faudrait, dans le mot temps, un accent particulier au lieu de l’s ; dans le mot tend, un autre accent particulier au lieu du d ; dans le mot tant, un autre accent particulier au lieu du t, etc. : il faudrait savoir que le premier accent indique une s, et se prononce comme un z ; que le second indique un d, et se prononce comme un t ; que le troisième indique un t et se prononce de même, etc. […] C’est cette différence qui fait prononcer l’s de temps comme un z, le d de tend comme un t, et ainsi du reste. […] serait-ce qu’à mesure que les hommes se sont corrompus, l’expression des sentiments tendres et vrais est devenue moins commune et moins touchante ; et qu’en conséquence la forme des vers consacrés à la tristesse, a été employée par les poètes, bien ou mal à propos, à exprimer un sentiment contraire, par une bizarrerie à peu près semblable à celle qui a porté nos musiciens modernes à composer des sonates pour la flûte, instrument dont le caractère semblait être d’exprimer la tendresse et la tristesse ?
Physionomie d’expression double, énergique et tendre, ardente et contenue, pénétrante et voilée, fière et triste, et, marquée, çà et là, aux joues creuses, aux narines pincées et reniflantes, des signes de la souffrance, elle impressionne et retient longtemps l’esprit. […] En son apparent désordre, il est un, car une même pensée d’inquiétude, de révolte, et de domination en relie tous les chapitres si dissemblables, et qui vont de l’âme d’une petite femme aux âmes tristes des foules et des Parlements ; du café où la bière coule parmi les esthétiques, à l’échafaud où s’égoutte, guillotinée, la tête impériale, farouche et tendre d’un enfant à cœur de héros. […] … Plus tendre, plus fraternel de s’être confessé, il voulut me montrer toute son âme : — Un beau rêve ! […] C’est bien toujours le même Maeterlinck, épris d’inconnu et qui aime à descendre dans les profondeurs inexplorées de l’âme, mais un Maeterlinck développé, agrandi, mûri par la vie et par tout ce que la vie peut apporter à une imagination vive, tendre et ardente, comme la sienne, et à un aussi grand cœur que le sien, de joies et de douleurs encore inéprouvées. […] … Je n’ai point fait un livre sur la guerre, j’ai, dans un chapitre où sont contés avec douleur les navrements d’une armée vaincue, développé la psychologie de mon héros, qui est une âme tendre, un esprit inquiet et rêveur.
Tu sais, Seigneur, que j’ai toujours désiré mourir pour ta sainte foi. » Il fit deux ou trois pas et tomba de nouveau à genoux, et, inclinant la tête, les bras tendus en croix, les regards vers le ciel, il rendit l’âme. […] Il lui tendit un piège et le prit. […] Il ne s’agit plus simplement d’un chasseur, mais du maître d’un jardin, qui tend un piège à l’oiseau parce qu’il dévaste ce jardin. […] L’homme, qui l’avait vu et entendu chanter, tendit un filet et le prit. […] Un jour, le paysan s’aperçut qu’un rossignol déchirait les fleurs du rosier ; il lui tendit un filet et le prit.
Et il cherche à reproduire l’étincelle au-dessous de la mousse sèche ; il frotte le bois tendre jusqu’à ce qu’il rougisse. […] Mais que d’autres ont disparu, tout le bois travaillé, le silex aiguisé, appointé, et surtout denté en scie, permet déjà, en effet, de s’attaquer au bois, du moins au bois tendre, et de le préparer pour certains usages élémentaires. […] Elle a commencé dans le milieu marin, aux origines du monde, et elle tend constamment à conserver, à travers les transformations du milieu terrestre, les conditions originelles de son apparition. […] A l’écartèlement de Damiens, une tendre spectatrice s’écria : « Ces pauvres chevaux, comme ils ont du mal ! […] Rien de ce qui tend à en entraver l’exercice ne doit être accepté, ni surtout vanté, sans examen.
Les symboles, qui étaient une représentation figurée des lois naturelles, tendent alors à reprendre une forme concrète, sensible. […] Kant a fait remarquer que les religions positives tendent à absorber la morale dans le culte. […] Mauvais, l’art qui ne tend pas à prêcher la fraternité des hommes ! […] Avec Sophocle et Euripide, la séparation commence ; l’élément dionysien tend de plus en plus à être relégué et finit par être complètement banni. […] Les modes majeur et mineur tendent à s’effacer.
Je dois ajouter, au risque de jeter une ombre sur sa mémoire, au jugement des âmes élégiaques, qu’il ne montrait pas non plus de tendres faiblesses pour l’enfance. […] Il est une espèce de joujou qui tend à se multiplier depuis quelque temps, et dont je n’ai à dire ni bien ni mal. […] La joie clapoteuse de la foule alterne avec l’épithalame, doux, tendre et solennel ; la tourmente de l’allégresse publique contraste à plusieurs reprises avec l’hymne discret et attendri qui célèbre l’union d’Elsa et de Lohengrin. […] Bien des gens ont encouragé de leur argent et de leurs applaudissements cette déplorable manie, qui tend à faire de l’homme un être inerte et de l’écrivain un mangeur d’opium. […] Du fond de son exil, vers lequel nos regards et nos oreilles sont tendus, le poëte chéri et vénéré nous annonce de nouveaux poèmes.
il s’écriait comme le plus tendre et le plus consumé des amants : La gloire est le rêve d’une ombre.
Défendre la patrie qui nous a proscrits, sauver la femme qu’on aime alors qu’on la croit coupable, l’accabler de générosité, et ne se venger d’elle qu’en se dévouant à la mort, quelle nature sublime, et cependant en harmonie avec toutes les âmes tendres !
Il tend visiblement à constituer la langue comme une sorte d’algèbre, à donner à la phrase une rectitude géométrique.
Cela tend à séparer les classes, il faut bien le dire, et à couper les derniers liens qui pouvaient rattacher la littérature au peuple.
Mais Banville aura des successeurs, et le théâtre verra fleurir des œuvres lyriques fantaisistes, tendres et farces simultanément, qui peut-être n’auraient plus de public si des entreprises comme le Chemineau ne maintenaient en appétit de rythmes et d’images les attentions contemporaines.