Je revois ce grand garçon maigre un peu penché, à la tête fière et blonde, où la phtisie avait mis ses délicates pâleurs.
Dans une boutade il avait dit qu’il faudrait jeter dans la rivière les faiseurs de satires : paroles que Boileau a parodiées dans ces vers que j’ai déjà cités : Et tout n’irait que mieux Si de ces médisants l’engeance tout entière Allait la tête en bas rimer dans la rivière.
Il s’habilloit en Berger, & dans cet équipage, la houlette à la main, la pannetiere au côté, le chapeau de paille sur la tête, accompagné d’une Chanteuse des rues, érigée en Bergere, il se promenoit dans un jardin, & s’imaginoit mener paître ses troupeaux.
Ce n’est pas qu’il en ignore les préceptes : les Réflexions qu’il a publiées à la tête de ses Discours choisis, prouvent qu’il les connoît & qu’il en sent la nécessité ; mais les Discours qui les suivent & les Sermons que nous lui avons entendu prêcher, ne prouvent pas qu’il possede les qualités & qu’il ait rempli les devoirs d’un Orateur Chrétien véritablement éloquent.
« Ce que j’aime encore, c’est que sur un corps robuste ils ne porteront pas une tête rétrécie par le préjugé ; ils n’en avaient point lorsqu’ils sont entrés dans le Corps et ils n’y en recevront point.
Encore si l’on avait devant soi le tableau dont on écrit ; mais il est loin, et tandis que la tête appuyée sur les mains, ou les yeux égarés dans l’air, on en recherche la composition, l’esprit se fatigue, et l’on ne trace plus que des lignes insipides et froides.
Magnifique retable d’autel à tourner la tête à tout un petit couvent de religieuses ; idée digne du xie siècle où toute la science théologique se réduisait à ce que Denis l’aréopagite avait rêvé de la suite du père éternel et de l’orchestre de la trinité.
pas sorti de la tête rêveuse de madame de La Fayette.
La force de caractère du malade était si grande que, tandis que l’instrument opérait sur sa tête, des dames qui causaient près de la cheminée à l’autre bout de la chambre ne s’en aperçurent pas. […] Je lis dans un témoin oculaire qu’après la confection de cette machine arithmétique si bien montée et qui lui coûta tant d’application et d’efforts, Pascal eut lui-même la tête presque démontée pendant trois ans. […] » Le Journal des Débats montra moins d’indulgence3 ; ce journal, dans son premier brillant, avec son état-major critique au complet, était alors en tête de la réaction classique, et contribuait à réduire à l’ordre le mouvement d’insurrection littéraire qui s’essayait à la suite des révolutions politiques. […] Ainsi que dans les autres Prolégomènes qui sont en tête de la Palingénésie, et en général ainsi que dans tous les écrits de M. […] Ceux qui se récriaient si fort à mon sujet, ce n’étaient certes ni l’excellent Paulin, de tout temps mon ami, ni les rédacteurs habituels, Chambolle, Littré, etc. ; c’étaient les causeurs-amateurs, les inutiles et les bruyants, les flaneurs de haute hâblerie republicaine, Thibaudeau en tête.
Elle était petite de stature, courte même et ramassée un peu dans sa taille, quoique sans difformité ; mais il était impossible de voir une plus belle tête, un plus beau buste, de plus belles mains et de plus beaux bras. » X Madame de Warens et le clergé de la ville envoient le jeune prosélyte à Turin pour le faire instruire et lui faire faire son abjuration dans un hospice de catéchumènes. […] Rousseau pousse l’exigence du parvenu jusqu’à vouloir dîner, malgré son ambassadeur, avec les têtes couronnées qui passent à Venise et qui invitent à leur table l’ambassadeur de France. […] La France devient sa complice, et les fondements de l’ordre social sont ébranlés comme par un tremblement de logique dans la tête des hommes et dans le cœur des femmes. […] L’ivresse monta à la tête de la France et surtout des femmes ; son nom courut avec ses notes sur toutes les lèvres. […] Montesquieu avait mené une vie grave, studieuse, solitaire, et cependant affairée, à la tête d’une de ces hautes magistratures où se résument la philosophie des lois et l’administration de la justice des peuples.
Malebranche n’a pas été trop sévère pour ces savants « qui font de leur tête un garde-meuble, dans lequel ils entassent, sans discernement et sans ordre, tout ce qui porte un certain caractère d’érudition, et qui se font gloire de ressembler à ces cabinets de curiosités et d’antiques, qui n’ont rien de riche, ni de solide, et dont le prix ne dépend que de la fantaisie, de la passion et du hasard ». […] Des spéculations de l’ordre de Kant et de Schelling ont coexisté dans des têtes brahmaniques avec des fables plus extravagantes que celles qu’Ovide a chantées. […] Je ne doute pas que chacun de ces systèmes ne fût très vrai dans la tête de l’auteur ; mais par leur individualité même ils sont incommunicables et surtout indémontrables 42. […] Nous croyons à la raison, et vous l’insultez ; nous croyons à l’humanité, à ses divines destinées, à son impérissable avenir, et vous en riez ; nous croyons à la dignité de l’homme, à la bonté de sa nature, à la rectitude de son cœur, au droit qu’il a d’arriver au parfait, et vous secouez la tête sur ces consolantes vérités, et vous vous appesantissez complaisamment sur le mal, et les plus saintes aspirations au céleste idéal, vous les appelez œuvres de Satan, et vous parlez de rébellion, de péché, de châtiment, d’expiation, d’humiliation, de pénitence, de bourreau à celui à qui il ne faudrait parler que d’expansion et de déification. […] Étaient-ce de tremblants rhéteurs que ces philosophes, ces Girondins, qui portaient si fièrement leur tête à l’échafaud ?
L’ordre des matières, qui est le fil dans le labyrinthe, n’en sera toutefois brisé qu’en apparence pour l’ouvrage tout entier ; car nous aurons soin de ne point entrecroiser, dans le même entretien, des sujets appartenant à des temps, à des nations, à des auteurs différents, ce qui jetterait la confusion dans l’ouvrage, mais de consacrer chaque entretien tout entier ou plusieurs entretiens à un seul et même sujet ; nous placerons en tête ou en marge de chacun des entretiens l’époque à laquelle il se rapporte, en sorte qu’à la fin du Cours chacun des lecteurs pourra, en faisant relier ensemble les livraisons, rétablir sans peine l’ordre chronologique, interverti un moment pour la liberté et pour l’agrément de la conversation littéraire. […] « Les compagnes de Damayanti », dit le texte indien, « la voient pencher la tête comme une belle fleur qui languit sous l’ardeur du soleil du printemps, et qui fléchit langoureusement sur sa tige. » Elles avertissent son père, qui songe à lui donner un époux. […] « — Remarque, ô roi, ces signes heureux”, lui répond Nala ; “cette étoile sur le front, ces deux taches sur la tête, ces deux fois deux épis sur chaque flanc, autant au poitrail ; cette large tache de poil sombre sur le dos. […] Les paons, debout sur le parapet de la forteresse, et les éléphants dans leurs stalles hautes, donnèrent des signes d’attention et d’inquiétude à ce bruit ; ils dressèrent la tête, jetèrent des cris, et saluèrent ainsi cette foudre souterraine qui annonçait jadis l’arrivée du héros. […] « La femme aux joues vermeilles attire sur son sein la tête de son bien-aimé ; elle soupire et sourit à la fois ; ils passent la nuit à se redire comment ils avaient erré sans guide, sans vêtement et sans nourriture, dans la forêt. » XXXVIII Nala, purifié de ses fautes par le pardon de l’amour, rentre, suivi de Damayanti, de ses enfants et de ses serviteurs, dans ses États.
VIII Dès la première scène il parut frappé, malgré le tremblement de ma voix, de l’harmonie et de la pureté des vers. « On voit que vous avez beaucoup lu Racine, peut-être trop », me dit-il à la fin de la scène. « Continuez. » Je lus pendant environ trois quarts d’heure, sans que sa vaste tête, appuyée sur sa main, donnât aucun signe ni de lassitude ni d’approbation. […] Depuis François Ier, les lettres étaient un des caractères de la France ; elles brillaient sur la tête de ses rois comme la plus belle pierre précieuse de leur diadème. […] Le parterre ondoyait, les galeries se mouvaient, les loges débordaient, comme des corbeilles trop pleines, de têtes et de fleurs. […] Lève, Jérusalem, lève ta tête altière ; Regarde tous ces rois de ta gloire étonnés ! […] Quand nous ne voudrons qu’être émus, nous irons au pied d’un échafaud, et nous regarderons tomber la tête d’un supplicié sous le couteau qui glisse et qui tue ; mais quand nous voudrons de l’émotion par le beau, nous irons assister à Athalie, écrite par Racine, récitée par Talma ou par Mlle Rachel.
Sainte-Beuve qui l’appelle : « la plus allemande de toutes nos têtes ». […] Cousin qui sentait bouillonner en lui la double sève du talent et de l’ambition, se jeta dans le combat, tête baissée. […] L’Allemagne est le cœur, la France est la tête. […] À la tête de ses bataillons fantastiques, il avait déclaré la guerre aux anciens dieux. […] Ils ne chantent plus, ils ne dansent plus ; ils baissent gravement la tête.
Il m’écoute quelque temps, hoche plusieurs fois la tête, ne me répond rien, ou peu de chose. […] Il avait une tête, à la fois, de penseur et de soldat. […] Je levai la tête, anxieuse. […] Une femme trop voilée, on la parcourt des yeux des pieds à la tête. […] Qu’est-ce que je sais faire de mes mains et de ma tête ?
Et l’on ne doit même pas leur en vouloir de ce qu’ils se jettent, un peu follement, du génie à la tête. […] Scheurer-Kestner de Prussien et de lui jeter à la tête qu’il possède une fabrique dans une ville allemande. […] Kant se balance, en hochant la tête, sur ses deux béquilles : la Raison pure et la Raison suffisante. […] Il caresse vaguement le manche de sa pioche ; il rêve de casser quelques têtes. […] Et nous n’avons pas toujours le pouvoir de tenir tête à cette meute sanglante.
L’une murmure : « Tout désirer » ; l’autre réplique : « Tout mépriser » ; une troisième renverse la tête et, belle comme un pur sanglot, me dit : « Je fus offensée » ; mais la dernière signifie : « Vieillir ». […] Quiconque a pensé avec sa tête et non avec son cœur, quiconque a été antiromantique, a été également contre-révolutionnaire. […] Nouveau coup de tête de la volonté libre. […] L’Église catholique et l’École positiviste, (on sait que les disciples d’Auguste Comte, à leur tête M. […] « La femme qui vit de la tête est un épouvantable fléau », a dit Balzac, docteur ès sciences conjugales.
» — Jamais il n’a vu d’hommes ayant des mamelles dans la tête. […] En voilà assez pour tourner la tête d’un enfant vers les rêveries. […] Et ailleurs : « Pauvres têtes que ces politiques qui appliquent, dit-on, la philosophie. […] Le soleil de l’Inde est terrible ; nul homme ne peut le supporter tête nue, sauf les populations indigènes à peau noirâtre. […] Toutes les têtes flétries ou opprimées viennent se courber sous sa main pour obtenir la rénovation spirituelle.
Je ne puis résister au plaisir de citer la dédicace que le poète de la Cithare a placée en tête de son œuvre, avant que je puisse m’occuper du Collier d’opales, incomparable florilège de poèmes d’amour.
Quand les pelotons de votre strophe défilent en grande tenue de parade, je l’entends toujours le fifre aigu, là-bas, en tête du régiment : Le fifre siffle, siffle le fifre, comme vous dites dans une gentille onomatopée ; et voici que je me souviens aussi du curieux vers de Victor Hugo : Les dentelles de son que le fifre découpe.
Soit qu’il énonce les oracles du Très-Haut, soit qu’il fasse gronder le tonnerre sur la tête des Rois coupables, soit-qu’il entr’ouvre les abîmes sous les pieds des sujets rebelles ; soit que, sous un jour plus touchant, il dévoile les richesses de la miséricorde divine, il développe les routes de la Providence, il étale la magnificence de ses bienfaits : tous ces différens tableaux font éprouver au Lecteur des mouvemens qui élevent l’ame, un feu qui la pénetre, une sensibilité qui l’attendrit ; par-tout il voit une éloquence qui l’entraîne, des graces qui l’enchantent, une harmonie qui le séduit.
Fût-il d’Hector ou d’Alexandre, Est aussi facile à répandre Que l’est celui du plus bas rang ; Que, d’une force sans seconde, La Mort sait ses traits élancer, Et qu’un peu de plomb peut casser La plus belle tête du monde ; Qui l’a bonne y doit regarder.
Les quelques vers placés en tête de ce volume indiquent la pensée qu’il contient.
France, tu verras bien qu’humble tête éclipsée J’avais foi, Et que je n’eus jamais dans l’âme une pensée Que pour toi.
A la tête du premier volume, est un précis de la Méthode pour étudier l’Histoire.
N’avons-nous pas vu les oiseaux du Jardin du Roi aller se casser la tête contre la plus mauvaise des perspectives ?
. — « Il était satirique depuis la tête jusqu’aux pieds, a dit un autre contemporain ; son chapeau, son collet, son manteau, son pourpoint, ses chausses, ses bottines, tout cela faisait nargue à la mode, et le procès à la vanité. […] Tout cela nous importe peu aujourd’hui ; le seul point qui nous touche historiquement, c’est cette demi-réforme tentée par les meilleures têtes de la Faculté d’alors, dont était Gui Patin, contre la tradition et la routine des remèdes mystérieux, merveilleux, irrationnels ; elle répondait assez bien aux autres demi-réformes analogues qu’avaient proposées, vers le commencement du siècle. […] Le plus puissant homme qui ait été depuis cent ans en Europe sans avoir la tête couronnée, a été le cardinal de Richelieu : il a fait trembler toute la terre ; il a fait peur à Rome, il a rudement traité et secoué le roi d’Espagne, et néanmoins il n’a pu faire recevoir dans notre compagnie les deux fils du Gazetier qui étaient licenciés et qui ne seront de longtemps docteurs.
Dans la retraite du lendemain, le bataillon où sert Pelleport tenait la tête de la colonne et pressait un peu trop le pas : Son allure vive et animée semblait indiquer de l’empressement à s’éloigner des tirailleurs espagnols, dont les balles tombaient dans nos rangs. […] Ils se tromperont ; ce que je rapporte est très vrai : les gens honnêtes, les bons citoyens gémirent, en 1793, d’être forcés d’assister aux luttes de ces hommes de sang, qui, en nous déshonorant aux yeux des nations civilisées, finirent par mettre le comble à leurs forfaits en assassinant un prince vertueux, qui ne pouvait être accusé que d’une seule chose, de ne pas savoir défendre sa couronne, et de n’avoir pas assez de tête pour présider à la réforme d’un passé gros d’abus et de haines. […] Le matin de la bataille de Rivoli, quand la tête de la 18e parut, Bonaparte se porta à sa rencontre et dit ces paroles qui devinrent la devise glorieuse de la demi-brigade, et qui seront plus tard brodées en lettres d’or sur son drapeau : « Brave 18e, je vous connais ; l’ennemi ne tiendra pas devant vous. » À ces paroles, les soldats répondirent : « En avant !
Quand je causais avec le parti républicain qui était victorieux, je l’entendais dire qu’il fallait couper la tête aux anarchistes et fusiller les émigrés, à peu près sans jugement. […] C’était un homme à passions que Benjamin Constant, et à entraînements de tête (Mme de Staël, Mme Récamier, Mme de Krüdener) ; Chateaubriand avait plutôt des entraînements d’irritation et d’amour-propre. […] Ses passions sont tout artificielles… Constant est tellement usé, continua Béranger, il a tellement besoin que quelqu’un l’anime et le travaille, que je lui disais que, vieux et ne pouvant plus quitter le coin de son feu, il donnerait de la tête contre le marbre de la cheminée pour se secouer.
L’édition de chaque poète sera accompagnée d’une notice biographique placée en tête des œuvres, et de notes rejetées à la fin de chaque volume. […] Dans une édition que j’ai sous les yeux et qui n’est pas la première, dans l’édition de 1561, je note tout d’abord une disparate : ce sont des distiques grecs de Jean Dorât qui sont en tête et par lesquels le savant maître félicitait Du Bellay de son apologie de la langue française ([mots en grec]). […] Une chose a été dite et bien dite par un Ancien ; on l’a dans la mémoire, on la répète si l’on est un pur écho, on y fait allusion si l’on est un homme d’esprit ; tout homme qui a la tête meublée de ces beaux mots des Anciens, qui s’en souvient en pensant et en parlant, et qui tient à en faire ressouvenir les autres, est un classique.
L’un d’eux, Hébroïn, essaye encore de maintenir en honneur l’idée de vieille race et de défendre le pouvoir sacré de ses rois ; mais, après une lutte vigoureuse et des fortunes très-diverses, il succombe ; un de ces leudes dont il combattait, l’avénement lui fend la tête d’un coup de hache. « On peut peser à loisir, écrit l’historien de la Royauté, les crimes, le génie, les vertus et les vices de cet homme extraordinaire : bornons-nous à dire que la hache de son assassin brisa toute la race des Mérovéades. […] Le christianisme ne prit pas d’emblée ces têtes légères, préoccupées de mille petites divinités riantes et protectrices ; il s’y insinua doucement comme une clarté sagement ménagée dans des paupières longtemps aveugles et encore débiles. […] J’ai sous les yeux deux chansons des rues, en tête desquelles Napoléon sur sa colonne est mis en regard (j’en demande bien pardon) de la plus adorable et de la plus ineffable image de la mansuétude divine et humaine, et, dans le parallèle que déduit au long la complainte bien plutôt niaise que sacrilège, il est dit sérieusement : Napoléon aimait la guerre, Et son peuple comme Jésus !
» Et elle cachait sa tête dans ses mains avec sanglots. […] De grandes autorités furent invoquées ; on cita le grand Condé, alors duc d’Enghien, aux prises avec Voiture et Mlle de Scudéry ; on cita M. le Duc son fils, à la maison de Gourville à Saint-Maur, tenant tête à Mmes de Coulanges et de La Fayette, en leurs grands jours de subtilités. […] Une statue de l’Amour était ici également ; mais le dieu (sans doute pour les illuminations des nuits) élevait et croisait sur sa tête deux flambeaux : « Voilà notre second amour, dit-il.
Vous y auriez notre rivière sous les yeux, notre plaine devant vos pas, nos vignobles en perspective, et un bon quart de notre ciel sur votre tête. […] Feuilletez ceux que je vous nomme, et vous me direz si vous ne découvrez pas visiblement, dans leurs mots et dans leurs pensées, des esprits verts, quoique ridés, des voix sonores et cassées, l’autorité des cheveux blancs, enfin des têtes de vieillards. […] « L’ordre littéraire et poétique tient à la succession naturelle et libre des mouvements ; il faut qu’il y ait entre les parties d’un ouvrage de l’harmonie et des rapports, que tout s’y tienne et que rien ne soit cloué. » Maintenant, dans la plupart des ouvrages, les parties ne se tiennent guère ; en revanche (je parle des meilleurs), ce ne sont que clous martelés et rivés, à tête d’or.
XXIV Fénelon, placé par la rigidité de ses adversaires entre le crime de condamner ce qu’il croyait innocent et le danger de susciter sur sa propre tête les foudres de Bossuet, et pour enlever à celui-ci tout prétexte aux incriminations, écrivit son livre des Maximes des Saints. […] La tête du religieux Lacombe, enfermé dans les cachots du château de Lourdes, s’était affaiblie et égarée par la torture de l’isolement. […] Si le duc de Bourgogne avait vécu et si Fénelon avait conservé sur lui l’ascendant que tant d’années d’absence avaient respecté, 1789 aurait commencé en 1715, et la monarchie, réformée, n’eût été que la république chrétienne avec une tête.
Il fit pleuvoir sur la tête de l’honnête Pompignan une grêle de facéties, il l’inonda de ridicule : le crime du pauvre homme était de ne pas aimer la philosophie que Voltaire aimait. […] Il n’eut pas la tête métaphysique ; et le plus mauvais tour qu’on puisse lui jouer est d’exposer sa philosophie transcendentale. […] L’esprit est brusquement heurté par tant d’évidence de vérité ou d’erreur qu’il trouve à la place de l’obscurité qu’il attendait, et il s’égaie de trouver réduites à des jugements de M. de la Palisse les idées où il croyait se casser la tête.
Si la plupart de ceux qui exercent les fonctions réputées serviles sont réellement abrutis, c’est qu’ils ont la tête vide, c’est qu’on ne les applique à ces nullités que parce qu’ils sont incapables du reste, c’est que cette fonction purement animale, quelque insignifiante qu’elle soit, les absorbe et les abâtardit encore davantage. Mais, s’ils avaient la tête pleine de littérature, d’histoire, de philosophie, d’humanisme, en un mot, s’ils pouvaient, en travaillant, causer entre eux des choses supérieures, quelle différence ! […] Mais je me demande si je ne la comprendrais pas mieux encore la tête excitée par une liqueur généreuse, paré, parfumé, seul à seul avec la Béatrix que je n’ai vue que dans mes rêves ?
Mais, a-t-elle répliqué, ne vous mettez pas eu tête qu’il aime une personne… Elle n’a pas fini, et c’est la première fois que je l’ai vue se modérer dans ses transports. […] « Je sais », dit celle-ci à madame de Saint-Géran, dans sa lettre du 18 novembre, « je sais qu’elle a dit au roi que je m’étais mis en tête de le gouverner, et je sais aussi qu’elle n’a pas eu lieu d’être contente de la réponse du roi. […] Ajoutons mademoiselle de Villette, cousine germaine de madame de Maintenon, âgée, en 1680, de 8 ans seulement ; madame d’Heudicourt, à qui Louis XIV avait tourné la tête par quelques hésitations entre elle et mademoiselle de La Vallière.
Mme de La Tour-Franqueville, après la lecture de La Nouvelle Héloïse, se monte la tête, se croit une Julie d’Étange, et elle écrit des lettres très vives au grand écrivain, qui la traite assez mal et en misanthrope qu’il est. […] ce n’était point un amour vulgaire ; ce n’était pas même un amour naturel, comme ceux de Didon, ou de Juliette, ou de Virginie, un de ces amours qui brûlent et consument jusqu’à ce qu’il y ait eu satisfaction du désir : c’était un amour idéal, mieux qu’un amour de tête, et pas tout à fait un amour de cœur. […] On aurait dit d’une passion exclusive ; puis, quand c’était fini et connu, il tournait la tête et passait à un autre objet.
Marmontel disait de lui également : « L’abbé Galiani était de sa personne le plus joli petit Arlequin qu’eût produit l’Italie ; mais, sur les épaules de cet Arlequin, était la tête de Machiavel. » Ce nom d’Arlequin qui revient ici est caractéristique de Galiani. […] Il y faudrait peut-être graver, comme emblème, un Silène, une tête de Platon, un Polichinelle, et une Grâce. […] Il semble, en vérité, pour qui ne lirait que le petit nombre de pages qu’il a mises en tête de sa compilation écourtée, que tout le monde, excepté lui, a plus ou moins déraisonné et battu la campagne jusqu’ici, sur le compte du spirituel abbé napolitain.
On a dit de Mme du Maine « que, dans toute sa vie, elle n’était point sortie de chez elle, et qu’elle n’avait pas même mis la tête à la fenêtre ». […] En un mot, pour reprendre une comparaison précédente, elle ressembla à une personne qui est tombée un jour par mégarde du premier étage sans trop se faire mal, mais qui pour cela n’a pas mis et ne mettra jamais la tête à la fenêtre. […] La duchesse du Maine, à cette seconde époque de Sceaux, avait à la tête de ceux qu’elle appelait ses bergers le spirituel marquis de Sainte-Aulaire, qui fit pour elle son célèbre quatrain, et qui n’avait guère moins de quatre-vingt-dix ans : cela rajeunissait singulièrement la duchesse de s’être donné un si vieux berger ; elle ne paraissait plus qu’une enfant auprès de lui.
Elle grandissait sous l’œil d’une mère femme d’esprit, toute au monde, qui portait de la verve et une sorte d’imagination dans la plaisanterie, qui a eu de la finesse et de la sensibilité dans le roman, et qui a compté à son heure, comme dirait notre vieux Brantôme, à la tête de l’escadron des plus belles femmes de son temps. […] On sent que, dès l’origine, la source intérieure, intime, n’est pas très abondante, et que cette chevalerie de tête et de cœur, dont le poète s’exalte un moment, ne saurait longtemps tenir devant l’esprit qui est tout à côté dans la même personne, et qui va tout déjouer. […] Sais-tu que les troupeaux sont paissants au-dessus de ces tombes antiques, que les rois eux-mêmes, à la tête de leurs armées, s’arrêtaient à contempler ?
Lorsque la Fronde éclata, et que le bon sens que renfermait chaque tête fut mis à la plus rude épreuve dans cette brusque tempête civile, Mademoiselle était déjà connue par des impétuosités et des fantaisies d’humeur qui traversaient et surmontaient parfois ses propres sentiments, au point de nuire à sa considération même et à sa fortune. […] Dès qu’elle fut dans les plaines de Beauce, elle monta à cheval, elle se mit à la tête de l’armée de la Fronde qui était aux environs ; on tint conseil de guerre devant elle, et il fut dit que rien ne se ferait plus que par ses ordres. […] Pourtant, elle eut, à cette journée de la Bastille, la satisfaction d’avoir fait non pas comme à Orléans un coup de tête, mais un acte de courage et d’humanité.
Maury place hardiment Bossuet à la tête de tous les autres orateurs sacrés, même dans le genre du sermon ; il le montre à la fois le précurseur en date et le maître de Bourdaloue et de Massillon. […] Si je vous avais écrit pendant mon séjour à l’armée, je vous aurais parlé en franc garnisonnier de l’ordre profond et de l’ordre mince ; mais ma tête est refroidie à présent sur la tactique, et il ne me reste que des observations utiles à mon métier sur une classe d’hommes que je ne connaissais pas, et dont les mœurs méritent d’être étudiées. […] Je me suis mis en tête une fois d’apprendre l’anglais ; en trois mois j’entendis les prosateurs ; ensuite, ayant fait l’expérience que, dans une demi-heure, je ne lisais que douze pages anglaises de l’Histoire de Hume in-4º, tandis que, dans le même espace de temps, j’en lisais quarante en français, j’ai laissé là l’anglais.
L’évêque Cosnac, jeune encore et dans son exil à L’Isle-Jourdain, écrivait la première version, la tête toute remplie de ses débuts et de ses aventures. […] Ce grand homme était alors à battre le pays à la tête de sa troupe. […] « Il n’avait alors dans la tête que de faire faire des tentes propres et galantes, ayant grand soin qu’elles fussent remplies de miroirs et de chandeliers de cristal. » Cette âme d’une futilité désespérante, ce cœur qui n’a rien de tendre ni de grand, a quelques velléités d’honneur dans la campagne de 1667.
Mis à sept ans dans un petit collège tenu à Ancenis par un prêtre bas-breton, il y fut maltraité ; il avançait pourtant dans ses études et était à la tête de ses classes. […] Elle ne lui a donné la plénitude des formes ni du bœuf, ni du cheval, ni de l’éléphant ; mais, le bornant au plus étroit nécessaire, elle lui a placé une petite tête sans oreilles au bout d’un long cou sans chair. […] On prend un plaisir secret à trouver petits ces objets qu’on a vus si grands : on regarde avec complaisance la vallée couverte de nuées orageuses, et l’on sourit d’entendre sous ses pas ce tonnerre qui gronda si longtemps sur la tête ; on aime à voir à ses pieds ces sommets jadis menaçants, devenus dans leur abaissement semblables aux sillons d’un champ ou aux gradins d’un amphithéâtre ; on est flatté d’être devenu le point le plus élevé de tant de choses, et un sentiment d’orgueil les fait regarder avec plus de complaisance.
La chasse des elfes traverse, la nuit, les grandes forêts noires ; leurs chevaux blancs comme des cygnes, courent sous les rais de la lune, dans un tintement de clochettes : La reine, comme elle passait, M’a salué de la tête eu souriant, Est-ce signe de mort, Ou signe d’un nouvel amour ? […] « Alors, soudain, arriva, tout essoufflé, un Juif blême, sanglant, avec une couronne d’épines sur la tête et une grosse croix en bois sur l’épaule. […] Un mal incurable et lent, qui s’éternisa dix ans, l’atonie locomotrice, avait couché le poète dans son lit, ce « cercueil de matelas », comme il disait, une maladie de lente torture, dont les conquêtes graduelles, — la mort venant membre à membre, — sont faites pour miner la plus solide impassibilité : La femme en noir m’a pressé amoureusement La tête centre son sein ; Mes cheveux ont grisonné À l’endroit où coulèrent ses larmes Ses baisers m’ont rendu malade ; Ses baisers m’ont rendu aveugle et boiteux ; Sa bouche a ardemment sucé La moelle de mes os.
C’est dans les mêmes écoles qu’on étudie encore aujourd’hui, sous le nom de belles-lettres, deux langues mortes qui ne sont utiles qu’à un très-petit nombre de citoyens ; c’est là qu’on les étudie pendant six à sept ans sans les apprendre ; que, sous le nom de rhétorique, on enseigne l’art de parler avant l’art de penser, et celui de bien dire avant que d’avoir des idées ; que, sous le nom de logique, on se remplit la tête des subtilités d’Aristote et de sa très-sublime et très-inutile théorie du syllogisme, et qu’on délaye en cent pages obscures ce qu’on pourrait exposer clairement en quatre ; que, sous le nom de morale, je ne sais ce qu’on dit, mais je sais qu’on ne dit pas un mot ni des qualités de l’esprit, ni de celles du cœur, ni des passions, ni des vices, ni des vertus, ni des devoirs, ni des lois, ni des contrats, et que si l’on demandait à l’élève, au sortir de sa classe, qu’est-ce que la vertu ? […] Lorsqu’on place à la tête d’un cours d’études publiques la connaissance des langues anciennes, on annonce précisément le projet de peupler une nation de rhéteurs, de prêtres, de moines, de philosophes, de jurisconsultes et de médecins… Plus de philosophes que de médecins, plus de médecins que d’hommes de loi, plus d’hommes de loi que d’orateurs, presque point de poëtes. […] Il ne parlera point à contre-temps sans s’entendre lui-même et sans être entendu, si les connaissances élémentaires sont bien ordonnées dans sa tête.
Désiré Nisard, dans ce célèbre manifeste, avait pris parti pour la réflexion, l’étude, la volonté inspirée, contre l’improvisation, la précipitation, le gaspillage ; parce qu’il s’était rangé du côté de la conscience littéraire contre les succès à tout prix et au rabais ; parce que, là comme dans ses autres écrits, il n’avait pas sacrifié toutes les qualités de l’écrivain à ce pittoresque que nous ne haïssons pas, mais qui avait positivement alors tourné la tête à toute la littérature ; parce qu’il honorait la tradition, qu’on ne respectait plus et même qu’on insultait très bien ; parce qu’il ne concevait pas la Critique en dehors de la morale chrétienne, quand le Beau seul suffit aux âmes, disaient les délicieux Esthétiques de ce temps ; parce qu’enfin il avait en lui la faiblesse la touchante faiblesse du xviie siècle au lieu d’avoir l’orgueil insensé et insupportable du xixe , il fut bientôt classé, par les ardents et les rutilants de ce siècle-là, parmi les effacés, les chagrins, les retardataires, les professeurs d’ailleurs, les pédantisants ! […] mais indulgent et charmant, qui n’aime pas tout mais qui goûte tout, et qu’on n’entend jamais parler du haut de la tête comme il l’a dit lui-même si bien de Boissonnade, M. […] Notre glorieux maréchal Soult, qui parlait comme un corps de garde, a laissé des mots de génie qui, injustes ou non, flamberont longtemps sur la tête de ceux contre lesquels il les a dits.
Il sait que le plus souvent c’est le creux de la tête des hommes qui fait la sonorité de la gloire, comme, dans les théâtres antiques, c’était le vide des vases d’airain qui doublait le son de la voix. Et de même qu’en remplissant ces vases d’airain on diminuait la voix, Cassagnac a pensé qu’en mettant des raisons et des faits dans le creux de la tête des hommes, la gloire qu’ils font diminuerait. […] Avocat de métier, avocat de conviction, avocat d’âme, mettant sa main corrompue dans l’or et le sang, de quelque trésor ou de quelque veine qu’ils coulassent, cet ambitieux manqué qui croulait par la ceinture, comme tous les ambitieux esclaves des plaisirs matériels, n’a jamais eu au cœur ou à la tête le bronze qu’on lui croit.
Pour nous, inclinons la tête devant le Très-Haut, qui voulut laisser sur cet homme la plus vaste empreinte de son esprit créateur. […] « Comme sur la tête du naufragé le flot s’est amassé et pèse, tel sur cette âme l’amas des souvenirs est descendu. […] « Patrie, disait-il dans quelques vers harmonieux, nom triste et cher au pèlerin misérable jeté loin du sol où il est né, quand viendra l’ombre de l’arbre paternel rafraîchir ma tête brûlante ?
C’est lui qui, pour s’épargner la dépense du rouge de théâtre, a inventé de se serrer le cou outre mesure, pour se faire monter le sang à la tête. […] — Alors, répondit une voix de femme, retire au moins la bougie, sans cela je ne verrai pas clair pour te jeter la soupière à la tête. […] Le directeur a complètement perdu la tête. […] Il prêta l’oreille, et sentit quelque chose se dresser sur sa tête. […] On peut le dire sans exagération, c’est une tête couronnée que la mort vient de toucher.
Elle ne s’approchait jamais de la rivière sans éprouver dans sa tête comme une gaieté fébrile, en se disant : « Comme c’est aisé ! […] La mère ne me plaît guère quand elle veut épouser son gondolier, et la fille m’effraye quand elle se jette à la tête du chanteur. […] Il restait un roman berrichon de la tête aux pieds. […] Le voilà, baigné du flot bleu, les pieds ensevelis dans le sable de la rive, sa tête reposant sur un tapis de lotus, son regard attaché au ciel. […] Son front n’est pas haut, et sa riche chevelure du plus beau châtain tombe des deux côtés de la tête jusque sur ses épaules.
Jamais tête plus productive fut-elle plus déréglée ? […] Siècle assez libre de tête pour se trouver fou, et cependant le plus facile à tromper qui fut jamais. […] D’inavouables idées baissent sa tête vers la terre. […] Elle l’a fait en fille de son siècle, riche de sang, libre de tête. […] Je n’ai pas une tête formée pour le comprendre.
» s’écrient beaucoup d’entre elles avec un frisson de fièvre ; elles ferment les yeux, détournent la tête, mais ne s’en vont pas. […] Il y demeura longtemps immobile, la tête inclinée, disant toujours : “Mon Ostap ! […] Telle est pourtant la condition de sa gloire : oublier et détruire ce qu’il a aimé, partir pour l’inconnu en tête de l’esprit de son temps. […] D’autre part, le fisc les imposait ; le propriétaire payait tant par tête de serf mâle et adulte. […] Toute la vie avait reflué dans la tête, superbe sous son désordre de cheveux blancs, secouée avec des fiertés de lion blessé.
Cela a été froid, et même l’acteur qui jouait le père a perdu je ne sais pourquoi la tête, et au lieu de l’assassin pâlissant, il s’est avisé de dire polisson, ce qui a bien fait rire.
À qui n’est-il pas arrivé de trouver sa plume lourde, sa tête vide, et de rester désolé en face de ce papier qui ne se noircit pas, dans l’ennui et dans l’impatience ?
Le chevalier s’avance jusqu’à l’orée de la forêt, s’arrête, baisse la tête, se retourne et revient lentement, lentement.
Ce qui doit surprendre davantage, c'est de voir des Vers de Fléchier à la louange de Richesource, placés à la tête de sa Rhétorique des Prédicateurs.
Je vois ici un homme qui dort, là un homme à qui l’on verse de l’eau sur la tête.
Dans la petite bataille et son pendant, la tête n’est pas mauvaise ?
On lui répond que c’est la tête d’un criminel d’Etat, qui a pillé la ville en 1616. […] Mais il tombe sur la tête du passant qui n’en peut mais, et non sur la mienne. […] Que ne puis-je chasser de ma tête toutes ces subtilités. […] Il inclina la tête, mais sans aucune humilité. […] Une opération hardie vient justement de le mettre à la tête d’une somme assez ronde.
Je ne puis m’empêcher de remarquer que cette libre éducation, si peu semblable à la discipline de plus en plus stricte d’aujourd’hui, sous laquelle on surcharge uniformément de jeunes intelligences, est peut-être celle qui a fourni de tout temps aux lettres le plus d’hommes distingués : l’esprit, à qui la bride est laissée un peu flottante, a le temps de relever la tête et de s’échapper çà et là à ses vocations naturelles. […] Ce jeune homme de dix-huit ans, élancé de taille, et dont la tête penchait volontiers comme légèrement lassée, blond, rougissant, se montrait d’une timidité extrême ; après une visite où il avait écouté longtemps, parlé peu, il vous écrivait des lettres pleines de naturel et d’abandon : plume en main, il triomphait de sa rougeur. […] Ces opinions de l’éditeur, qui se décelaient déjà dans l’introduction mise en tête du Recueil, éclatèrent surtout dans un article critique fort rude qu’il lança peu après233 contre la Satyre Ménippée et contre la Notice qu’y avait jointe Charles Labitte. […] Mais la Satyre Ménippée ne vint qu’après les États ; elle ne parut (sauf la petite brochure du Catholicon qu’on met en tête et qui a précédé en date), elle ne parut, objecte-t-on, qu’aussitôt après l’entrée de Henri IV à Paris, après le 22 mars 1594 ; on achevait de l’imprimer à Tours quand cette entrée eut lieu, elle partit sur le temps ; ce fut une pièce du lendemain , les hommes de la Ménippée sont des hommes du lendemain .
Toutes les hautes têtes du siècle sont ses rejetons, et, parmi celles-ci, quelques-unes sont au nombre des plus hautes qu’ait produites l’espèce humaine C’est que la nouvelle semence est tombée sur le terrain qui lui convient, je veux dire dans la patrie de l’esprit classique. […] Non seulement les vues sur le monde et sur l’homme, les idées générales de toute espèce y abondent, mais encore les renseignements positifs et même techniques y fourmillent, petits faits semés par milliers, détails multipliés et précis sur l’astronomie, la physique, la géographie, la physiologie, la statistique, l’histoire de tous les peuples, expériences innombrables et personnelles d’un homme qui par lui-même a lu les textes, manié les instruments, visité les pays, touché les industries, pratiqué les hommes, et qui, par la netteté de sa merveilleuse mémoire, par la vivacité de son imagination toujours flambante, revoit ou voit, comme avec les yeux de la tête, tout ce qu’il dit à mesure qu’il le dit. […] Rousseau aussi est un artisan, un homme du peuple mal adapté au monde élégant et délicat, hors de chez lui dans un salon, de plus mal né, mal élevé, sali par sa vilaine et précoce expérience, d’une sensualité échauffée et déplaisante, malade d’âme et de corps, tourmenté par des facultés supérieures et discordantes, dépourvu de tact, et portant les souillures de son imagination, de son tempérament et de son passé jusque dans sa morale la plus austère et dans ses idylles481 les plus pures ; sans verve d’ailleurs, et en cela le contraire parfait de Diderot, avouant lui-même « que ses idées s’arrangent dans sa tête avec la plus incroyable difficulté, que telle de ses périodes a été tournée et retournée cinq ou six nuits dans sa tête avant qu’elle fût en état d’être mise sur le papier, qu’une lettre sur les moindres sujets lui coûte des heures de fatigue », qu’il ne peut attraper le ton agréable et léger, ni réussir ailleurs que « dans les ouvrages qui demandent du travail482 » Par contre, dans ce foyer brûlant, sous les prises de cette méditation prolongée et intense, le style, incessamment forgé et reforgé, prend une densité et une trempe qu’il n’a pas ailleurs.
On a découvert qu’une œuvre littéraire n’est pas un simple jeu d’imagination, le caprice isolé d’une tête chaude, mais une copie des mœurs environnantes et le signe d’un état d’esprit. […] Tâchons donc de supprimer, autant que possible, ce grand intervalle de temps qui nous empêche d’observer l’homme avec nos yeux, avec les yeux de notre tête. […] Là-dessus une statue comme le Méléagre ou le Thésée du Parthénon, ou bien encore la vue de cette Méditerranée lustrée et bleue comme une tunique de soie et de laquelle sortent les îles comme des corps de marbre, avec cela vingt phrases choisies dans Platon et Aristophane vous instruiront beaucoup plus que la multitude des dissertations et des commentaires. — Pareillement encore, pour entendre un Pourana indien, commencez par vous figurer le père de famille qui, « ayant vu un fils sur les genoux de son fils », se retire selon la loi, dans la solitude, avec une hache et un vase, sous un bananier au bord d’un ruisseau, cesse de parler, multiplie ses jeûnes, se tient nu entre quatre feux, et sous le cinquième feu, c’est-à-dire le terrible soleil dévorateur et rénovateur incessant de toutes les choses vivantes ; qui, tour à tour, et pendant des semaines entières, maintient son imagination fixée sur le pied de Brahma, puis sur le genou, puis sur la cuisse, puis sur le nombril, et ainsi de suite jusqu’à ce que, sous l’effort de cette méditation intense, les hallucinations paraissent, jusqu’à ce que toutes les formes de l’être, brouillées et transformées l’une dans l’autre, oscillent à travers cette tête emportée par le vertige, jusqu’à ce que l’homme immobile, reprenant sa respiration, les yeux fixes, voie l’univers s’évanouir comme une fumée au-dessus de l’Être universel et vide, dans lequel il aspire à s’abîmer. […] Ces paroles qui arrivent à votre oreille, ces gestes, ces airs de tête, ces vêtements, ces actions et ces œuvres sensibles de tout genre, ne sont pour vous que des expressions ; quelque chose s’y exprime, une âme.