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686. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

Dans l’histoire romaine, il a, pour préluder, choisi La Guerre sociale (1844), et il a présenté par ce côté peu expliqué jusqu’ici le duel gigantesque de Marius et de Sylla. […] Mérimée a de même été très original dans son Essai sur la guerre sociale ; il a été moins heureux, selon moi, pour son Catilina.

687. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre V. Le génie et la folie »

L’homme de génie dut être considéré connue une créature à part, à laquelle les lois communes n’étaient pas applicables ; il était en dehors et au-dessus des lois morales et des lois sociales : le désordre eu était la condition indispensable. […] En effet, le génie peut certainement placer l’homme dans des conditions sociales très douloureuses : la supériorité d’un homme sur son temps peut lui rendre l’existence très difficile, et ainsi devenir pour lui cause occasionnelle de certaines douleurs, qui amèneraient la folie tout aussi bien chez un autre que chez lui, si elles s’y produisaient.

688. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Un symbole »

Et pour bien affirmer aux yeux de tous le caractère national de la basilique, pour bien montrer à quarante millions d’hommes dont les représentants avaient exprimé la volonté a la Chambre que c’était « l’avènement du règne social du Sacré-Cœur », on résolut de graver au fronton du temple cette dédicace : « Sacratissimo Cordi Christi Jesu Gallia pœnitens et devota. […] Ces nouveaux lutteurs du clergé entendent la rénovation sociale, comme les promoteurs du « Vœu national » entendaient le salut de la France dans leur formule.

689. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IX : M. Jouffroy écrivain »

Les esprits concentrés sont aussi insensibles à l’opinion des autres qu’aux objets extérieurs ; ils vivent en dehors du monde social comme en dehors du monde physique ; ni les hommes ni les choses n’ont prise sur eux. […] À son avis, l’incertitude des gouvernements contemporains, l’impatience des peuples modernes, la fragilité de toutes nos charpentes sociales et de toutes nos machines politiques, n’ont d’autre cause que la chute du christianisme et l’attente d’une religion nouvelle.

690. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

Suzanne Moraines et l’actrice Colette, qui ne sont qu’une même femme dans des conditions sociales différentes, sont tout uniment des voluptueuses. […] de toute convention sociale. […] Il n’est pas jusqu’au Contrat social où l’on ne trouve des traces de libéralisme. […] Ou des questions sociales, au risque d’y paraître incompétents ? […] Il est d’avis que l’Église catholique ne doit repousser aucune des acquisitions intellectuelles ou des transformations politiques et sociales de notre temps.

691. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

C’est à quoi travaillent, tout de leur mieux, les hommes qui attribuent exclusivement l’exercice des vertus sociales à de certaines formes, à un certain langage, à de certains souvenirs, à telle ou telle association d’individus. […] Il n’a pas remarqué que peut-être aucune époque de l’histoire de France n’était plus importante par le changement des mœurs, des relations sociales et de l’ancien esprit de notre constitution. […] Dans le Contrat social, il chercha les principes des gouvernements et des lois dans la nature de l’homme et de la société. […] Cette mansuétude sociale, que lui avait donnée le repos, fait place aux vices et aux crimes. […] Un roi est le symbole sacré de tout l’ordre social.

692. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Et cette iniquité sociale et mondaine, on la commettait aussi en littérature : s’occuper du poëme et du poëte de Milianah, était-ce possible ? […] Hugo, toute une série d’œuvres puissantes, hardies, paradoxales, neuves par la pensée et par la forme, qui élèveraient la passion jusqu’au lyrisme ou la feraient lutter corps à corps contre les lois de la vie sociale. […] Les iniquités, les inconséquences sociales, l’attristent sans l’irriter. […] Albert de Broglie se divise en trois parties législation et économie sociale, critique littéraire, philosophie religieuse. […] Le feuilleton de 1830 était trouvé, et il faut qu’il ait été bien vivace puisqu’après un quart de siècle, après bien d’autres révolutions littéraires, poétiques, politiques, sociales, démocratiques, impériales, c’est encore, soyez-en bien sûrs, le feuilleton de 1854.

693. (1891) Essais sur l’histoire de la littérature française pp. -384

Au bout de chaque volume qu’il compulse, il entrevoit une barricade, et, au bout de tous les volumes ensemble, un bouleversement social. […] Combinés avec la position sociale de l’individu, ces appétits doivent produire une résultante, et M.  […] S’étendant de couche en couche, comme sur un terrain préparé, il a de sourds contrecoups qui retentissent jusqu’aux extrémités du corps social. […] L’amour comble les distances, et il n’y a point de condition sociale méprisable pour les cœurs bien épris ; c’est la morale de la pièce. […] Le jeu remplissait si bien l’office d’un dissolvant social, que dans un temps où les distinctions de caste étaient encore si marquées, il les supprimait.

694. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Les legs de l’exposition philosophie de la danse »

Ils traduisent aux yeux, avec une clarté saisissante, les rapports sociaux des deux sexes dans l’Orient et dans l’Occident.

695. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Philosophie du costume contemporain » pp. 154-161

Ajoutez l’absurdité et l’abomination, au point de vue social, d’un système de toilette entièrement incompatible avec la grossesse : en sorte que cet état si véritablement « intéressant », qui ne se trahissait dans la toilette antique que par un léger surcroît d’ampleur, apparaît à une jeune femme de nos jours comme je ne sais quoi de monstrueux et qui la signale risiblement aux regards.

696. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la distribution des prix du lycée d’orléans. » pp. 223-229

Et il est vrai qu’il y a des gens chez qui la modération des idées se confond avec le désir de conserver leur bien et l’attachement aveugle à un état social qui sert leurs intérêts.

697. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Dédicace, préface et poème liminaire de « La Légende des siècles » (1859) — Préface (1859) »

Il n’est pas défendu au poëte et au philosophe d’essayer sur les faits sociaux ce que le naturaliste essaye sur les faits zoologiques : la reconstruction du monstre d’après l’empreinte de l’ongle ou l’alvéole de la dent.

698. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface d’« Hernani » (1830) »

Or, après tant de grandes choses que nos pères ont faites, et que nous avons vues, nous voilà sortis de la vieille forme sociale ; comment ne sortirions-nous pas de la vieille forme poétique ?

699. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Première partie. Les idées anciennes devenues inintelligibles » pp. 106-113

Dans une telle révolution, qui atteint jusqu’aux éléments mêmes de la société, il a été bien permis, sans doute, et il n’est peut-être encore que trop permis à un grand nombre d’hommes de désespérer de notre existence sociale ; et ce malaise si naturel, qui continue toujours de se faire sentir, pourra bien ne se prolonger que trop longtemps.

700. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

Diverses brochures et articles de journaux, de sa façon, nous le présentent essayant de concilier le caractère sacré que lui et ses amis de l’Oratoire n’ont pas dépouillé, avec les circonstances sociales nouvelles ; il s’applique à démontrer que la Constitution civile du clergé, telle que la veut l’Assemblée constituante, est sincèrement d’accord avec les principes de la foi catholique et avec les conditions de cette Église, y compris la primauté du pape et la supériorité de la juridiction épiscopale. […] Il s’agit d’un détail d’enseignement, d’un détail minime en apparence, « mais que je crois, disait Daunou, d’un intérêt suprême pour le progrès de la raison publique, et par conséquent aussi pour le perfectionnement de l’organisation sociale. » Qu’est-ce donc ? […] Que deviendraient tant de maximes sociales, tant de généralités abstraites, si les beaux-arts ne s’en emparaient pas pour les replonger dans la nature sensible, les rattacher aux sensations d’où elles dérivent, et leur redonner ainsi des couleurs et de la puissance ?  […] Les singularités sociales de Daunou, en cette phase du Directoire, sont célèbres : son costume, bien moins réglé que nous ne l’avons vu, trahissait, même aux fêtes de Barras, le savant, le solitaire en grand effort d’étiquette. […] On ne trouve dans ses écrits aucune trace de sensibilité ; ils en sont plus dépourvus encore que ceux même de Robespierre, auxquels ils sont très-supérieurs sous les autres rapports ; car, si l’on veut être sincère, il faut avouer aussi que Saint-Just n’était point sans talent, et qu’il apercevait quelquefois, avec une précision assez forte, sinon l’ensemble de l’organisation sociale, du moins quelques-unes des relations qui existent entre les éléments dont elle se compose.

701. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Le poète ne pense se libérer des contraintes sociales par la force, qu’afin d’affirmer la beauté de l’effort, le triomphe du moi qui sans cesse se veut dépasser. […] Un « genre littéraire » ne se contente pas d’être corrélatif aux aspirations d’un temps, il marque encore une étape dans la succession des phénomènes sociaux. […] Une grave et saine philosophie morale et sociale s’en dégage à la lumière d’une vivante esthétique. […] Les préoccupations sociales ont faussé les meilleurs manuels d’art. […] Etant donné la tournure des événements politiques et sociaux, tout élan lyrique est brisé dans son essor.

702. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

Il faut donc que le statuaire, que le peintre, de même que le chanteur, parcoure un vaste diapason, qu’il montre, la vertu tour à tour lumineuse et assombrie, dans toute l’étendue de l’échelle sociale, depuis l’esclave jusqu’au prince, depuis la plèbe jusqu’au sénat. […] Il lui plaît aujourd’hui d’entrer dans un collège de province ; avec cinq ou six gamins, un vieux professeur et trois modistes, il reconstruit tout un ensemble de relations sociales. […] Quels événements si vulgaires de la vie sociale, quels détails si familiers de la vie domestique, n’ont leur parfum et leur charme ? […] Incapable de s’élever comme Balzac à la cime des généralités sociales et de surprendre, de ces hauteurs, les accidents et les péripéties du mouvement humain, il erre à tâtons dans le labyrinthe de la vie contemporaine. […] Progressistes par l’intelligence et par le tempérament, stationnaires et parfois même rétrogrades par position sociale ou tradition de famille.

703. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VII. De la propriété des termes. — Répétition des mots. — Synonymes. — Du langage noble »

Comme l’égalité sociale et politique n’a pas aboli l’inégalité de beauté, de force, de vertu, d’intelligence entre les hommes, ainsi les mots, égaux devant le besoin de l’écrivain, ont gardé leur physionomie propre, leur couleur, leur élégance, leur dignité, leur richesse.

704. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Éphémérides poétiques, 1891-1900 » pp. 179-187

Revues : L’Art social (Gabriel de la Salle). — La Revue blanche (Alexandre Natanson). — La Revue de l’Évolution. — Chimère (Paul Redonnel). — Le Carillon (L. de Saunier).

705. (1887) La Terre. À Émile Zola (manifeste du Figaro)

Puis, les moins perspicaces avaient fini par s’apercevoir du ridicule de cette soi-disant « Histoire Naturelle et Sociale d’une famille sous le Second Empire », de la fragilité du fil héréditaire, de l’enfantillage du fameux arbre généalogique, de l’ignorance médicale et scientifique profonde du Maître.

706. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

Il faut un mensonge du gouvernement pour lui donner quelque prise sur le public ; les transformations sociales et économiques lui ont ôté son ascendant ; le danger et l’humiliation de la patrie pourraient seuls le lui rendre. […] Pour achever l’étude des grands organes sociaux, il reste à faire un cours sur l’armée ; celui-là a pour titre Histoire comparée de l’organisation militaire chez les principaux peuples depuis Frédéric II. […] Au plus fort des haines sociales et des combats politiques, il écrivit sur M. de Chateaubriand et sur M. de la Fayette, sur M. de Lamennais et sur le Père Lacordaire, sur MM.  […] Comment se figure-t-il l’État dans lequel il est compris, le gouvernement auquel il obéit, la hiérarchie sociale où il occupe une place ? […] Son point de départ est un contrat social chimérique, conclu d’avance entre des individus fictifs, si mutilés par l’abstraction qu’ils sont à peine des reliquats de l’homme, et que, pour les transformer en unités égales, on a fait d’eux de simples zéros.

707. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

C’étaient des idées sociales. […] Il lui faut des histoires sociales. […] Et, pour tout dire, il n’eut jamais qu’une idée bien confuse de la vie sociale. […] Dans un endroit du Contrat social cité par M.  […] Il tranche les questions sociales d’une manière bien plus radicale.

708. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

Il n’y a qu’un sujet en art : Œdipe ou Orphée ou Hamlet, c’est-à-dire un héros aux prises avec une énigme morale ou sociale. […] Le naturalisme étudia davantage l’homme soumis aux influences naturelles immédiates et concrètes ; le psychologisme étudie l’individu soumis aux influences psychiques des milieux sociaux ; le naturalisme, la domination des instincts animaux sur l’être raisonnable ; le psychologisme, les heurts de l’âme raisonnante et formée par l’éducation menteuse contre les aspérités des réalités sociales. […] Et quel mouvement social traduit le symbolisme, avec son obscurité de bazar à dix-neuf sous ? […] Une guerre européenne, une lutte sociale peuvent chavirer les prédilections les mieux raisonnées. […] Rosny et lui me semblent appelés à écrire le roman social, qui sera une des formes les plus intéressantes de la littérature de l’avenir.

709. (1896) Écrivains étrangers. Première série

Aussi ses poèmes ont-ils été publiés en autant d’éditions diverses qu’il y avait en Angleterre de classes et de catégories sociales. […] Son manque d’intelligence lui a permis d’adopter, sans chercher d’abord à les contrôler, tous les préjugés philosophiques, sociaux et moraux que lui avaient légués ses parents. […] Avant de donner à l’humanité une nouvelle condition sociale, il faut refondre l’âme humaine, la débarrasser peu à peu de tous ceux de ses besoins qui ne peuvent pas être satisfaits. […] Pour que l’humanité soit heureuse, les lettrés doivent oublier la science, et les riches renoncer à leur fortune : à cela doit tendre la future éducation sociale. […] Il nous dit qu’il avait maintenant renoncé aux grands drames sociaux, agitant des problèmes à son gré trop vastes.

710. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Il est des représentants naturels et vrais pour chaque moment social ; mais, d’un peu loin seulement, le nombre diminue, le détail se simplifie, et il ne reste qu’une tête dominante : Corinne, vue d’un peu loin, se détache mieux au cap Misène. […] Plus tard, l’orage à peine s’enfuyant, des groupes célèbres de femmes se sont élancés, qui ont fêté l’époque du retour à la vie sociale, à l’opulence et aux plaisirs. […] Le livre de la Littérature considérée dans ses Rapports avec les Institutions sociales parut en 1800, un an environ avant cette autre publication rivale et glorieuse qui se présageait déjà sous le titre de Beautés morales et poétiques de la Religion chrétienne. […] Quant à l’accusation faite à Delphine d’attenter au mariage, il m’a semblé, au contraire, que l’idée qui peut-être ressort le plus de ce livre est le désir du bonheur dans le mariage, un sentiment profond de l’impossibilité d’être heureux ailleurs, un aveu des obstacles contre lesquels le plus souvent on se brise, malgré toutes les vertus et toutes les tendresses, dans le désaccord social des destinées. […] Tous ces hommes-là ne sont pas, comme on le croit follement en Allemagne, occupés à la former ; au contraire, ils reçoivent d’elle l’éducation sociale.

711. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

Le duc de Rohan m’amena M. de Genoude, jeune écrivain d’une âme active, qui se dévouait à l’aristocratie et à l’Église avec d’autant plus d’ardeur qu’il voulait se naturaliser par ses services dans des conditions sociales plus hautes que son berceau. […] » Après cette prédiction, il passa au sujet du jour, et il déroula pendant un quart d’heure devant moi un tableau politique et social de l’Europe qui éclairait la situation extérieure de 1830 d’un jour qui ne laissait aucune ombre sur le dernier recoin des cours et des nations. […] Nous causons ; il m’accompagne ordinairement au retour, comme l’auteur de Paul et Virginie accompagnait l’auteur du Contrat social dans ses herborisations au-delà du faubourg de Ménilmontant. […] Vive la république démocratique et sociale ! […] Il peut avoir vingt révolutions, il n’aura pas de cataclysme social.

712. (1845) Simples lettres sur l’art dramatique pp. 3-132

M. le baron Taylor était une de ces natures fines et intelligentes, qui se connaissent en toutes choses, qui ne sont étrangères à rien, qui touchent par un point quelconque de leur individualité à toutes les classes sociales, un de ces hommes qui doivent se baisser s’ils veulent paraître petits, mais qui n’ont pas besoin de se hausser pour être grands. […] Placé, par sa position sociale, à la hauteur de tout ce qui était élevé, par sa supériorité personnelle, au niveau de ce qui était grand, il pouvait, dans la même journée, toucher la main de MM. de Martignac, de Chateaubriandg, de Béranger, de Lamartine, de Casimir Delavigne, de Hugo, de de Vigny, de Scribe et de Talma, et toutes ces mains étaient ou honorées ou joyeuses de toucher la sienne. […] Il y a quelquefois d’étranges erreurs sociales. […] Buloz a reçu mission d’arrêter l’essor de la littérature moderne, inquiétante pour le pouvoir, à cause des idées sociales et politiques qu’elle remue incessamment. […] Or, il ne fallait, pour faire un théâtre unique, splendide, magnifique, un théâtre qui réunît en lui les qualités de tous les autres théâtres enfin, que reprendre l’œuvre d’édification où M. le baron Taylor l’avait abandonnée ; il fallait dire au roi : « Sire, la grandeur des souverains n’est pas toujours en eux-mêmes, mais quelquefois aussi dans les hommes qui les entourent. » Il fallait dire aux ministres : « Excellences, dans une époque où l’on demande et où l’on obtient des chambres cent vingt millions pour les monuments publics, et deux cents millions pour les fortifications de Paris ; demandez donc de temps en temps un demi-million pour l’art. » Il fallait dire au peuple : « Peuple, écoute et regarde », car toutes les idées politiques, philosophiques, sociales, contemporaines, sont dans ce théâtre, ce journal qui se lit à haute voix chaque soir à Paris devant quarante mille spectateurs ; en France, devant cent mille.

713. (1912) Enquête sur le théâtre et le livre (Les Marges)

Pour le moment, il aime, de neuf heures à minuit, le spectacle des vertus qu’il pratique le moins pendant ses heures d’activité sociale. […] », par les démêlés d’un quelconque Claretie avec une de ses ouailles, par l’exposé des idées de Mlle Sorel touchant l’éthique, la biologie ou l’économie sociale, par les déplacements, les projets, les vestons, et même par les vers des Rostand’s, par l’évolution du génie de Sarah Bernhardt, de Porto-Riche ou de Mayol, il est naturel qu’elle se foute éperdûment de la littérature et que l’apport magnifique d’un Charles-Louis Philippe par exemple soit méconnu. […] Les hommes de théâtre ne travaillent qu’à la décadence du goût et favorisent inconsciemment par leur complaisance aux frivolités du jour nos pires mœurs sociales.

714. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Taine » pp. 305-350

C’est la question sociale, comme nous dirions maintenant ! […] Tout fut dit, jusqu’au jour où un grand homme (Napoléon), de cette poussière, qu’il arrosa, pour la purifier, du sang héroïque d’une armée, essaya, en la pétrissant, de refaire un ciment social qui pût durer, — mais qui recommença d’être poussière quand elle ne sentit plus sa main ! […] L’auteur des Origines de la France contemporaine était, cérébralement, trop organisé, pour n’avoir pas l’horreur de toute désorganisation et de toute anarchie, qui est la désorganisation sociale.

715. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Gustave Flaubert »

Pour les choses d’art, dont il doit être beaucoup plus préoccupé que des choses sociales et de gouvernement, il exprime des opinions opposées sans qu’on puisse présumer la sienne, et il les exprime comme il décrit les masques d’un bal masqué et leurs costumes. […] Il les a eus, enfin, autant que Préault, le sculpteur, qui ne les a pas sculptés — caricatures en marbre — par respect de son ciseau, mais qui les a coupés pendant tout le temps qu’il vécut avec des épigrammes plus acérées que son ciseau, et qui a dit d’eux ce mot que n’aurait pas trouvé Flaubert : « Quand la Sociale viendra, nous en aurons, chacun de nous, une trentaine dans notre écurie !  […] Henri Monnier et Balzac se sont moqués des affectations et des ridicules des bourgeois, mais ils ne les ont pas bernés dans leur désir, qui n’est pas bête, de s’élever dans la lumière sociale et scientifique de leur temps.

716. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Alphonse Daudet »

M. de Goncourt, qui est de ce groupe, et qui, comme Alphonse Daudet, a trop d’âme aussi pour en être, dit dans la préface de sa Germinie Lacerteux que le roman est maintenant une enquête sociale. […] Cette histoire de Ratés, de cette tribu d’impuissants, envieuse et dévorante, qui doit dévorer un jour tout le grain social ; cette histoire racontée sous des formes désintéressées, quand elles ne sont pas émues, est l’accusation la plus nette et la mieux formulée contre toutes les idées qui règnent en ce temps d’exécrable démocratie. […] C’est le Turcaret, l’énorme Turcaret du xixe  siècle, à l’importance de qui les révolutions, en brisant les classes et les catégories sociales, lesquelles contenaient autrefois ces ventripotents de vanité qui débordent maintenant, ont donné plus de place et qui leur a permis de démesurément s’étendre.

717. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

Épicurien par principes comme par goût, ami des jouissances sociales, amateur même des arts, des tableaux, des jardins, il prisait trop les délices de la civilisation pour s’en sevrer volontiers. […] Il fut acquitté en janvier 1790, et il mourut seize mois après, le 2 juin 1791 à l’âge de soixante-dix ans, échappant au spectacle des derniers malheurs où allait achever de se confondre l’ordre social qu’il avait aimé.

718. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Les caractères, suivant lui, les personnages des fables de La Fontaine, quels qu’ils soient, animaux, hommes ou dieux, ce sont toujours des hommes et des contemporains du poète ; et il s’applique à de démontrer, en parcourant les principales catégories sociales, roi, courtisans, noblesse, clergé, bourgeoisie, peuple, et en les retrouvant en mille traits dans sire lion, dans maître renard, maître Bertrand, ours, loups, chats et rats, mulets et baudets, etc., etc. […] Taine excelle à situer les auteurs qu’il étudie, dans leur époque et dans leur moment social, à les y encadrer, à les y enfermer, à les en déduire : ce n’est pas seulement chez lui une inclination et une pente, c’est un résultat de méthode et une conséquence qui a force de loi.

719. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

1° Il y a le moment du Consulat, la restauration du culte, faisant partie de celle de la société ; moment immortel de réconciliation et de réunion, à la fois de réjouissance sociale et de vive consolation individuelle, mais qui recélait en lui ses dangers que l’avenir fit éclore. […] Le premier moment, celui qui date de la renaissance de la société française avec le Consulat, ne mérite qu’éloge, et si on se reporte aux espérances du point de départ, la comparaison avec certains des résultats obtenus est bien faite pour donner aux esprits sérieux et animés de nobles pensées sociales d’éternels regrets.

720. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Qui vous permet de mutiler la créature de Dieu, de cacher l’infirmité, le défaut, le vice, la difformité, le malheur qu’a fait naître ou développer en lui telle passion, telle doctrine, telle habitude, tel milieu social ? […] C’est la vie la plus favorable à la pratique de la vertu, au soutien de tous les penchants, de tous les goûts qui assurent le bonheur social et le bonheur individuel dans cet état de société ; je sens ce qu’elle vaut, je m’applaudis d’en jouir… » Voilà la vie de Mme Roland pendant des années et son intérieur moral, calme, contenu, sain et purifiant ; voilà les tableaux dignes de sa première vie, ceux qu’on ne saurait trop rappeler à son sujet et que je regretterais de voir ternir ; car ils donnent l’expression vraie et fidèle.

721. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Si elle n’en souffrit plus depuis son mariage, qui l’avait si honorablement classée dans une bourgeoisie plus que moyenne, elle ne cessa d’y penser, de mesurer les distances sociales, de sentir sur elle les prérogatives des rangs et d’aspirer sourdement à son niveau. […] Venons-en à ce qui semblera un peu moins naturel, à ses lettres d’amour, à cette passion des derniers temps à laquelle l’enhardit la Révolution et dont elle a dit avec justesse : « J’ai connu ces sentiments généreux et terribles qui ne s’enflamment : jamais davantage que dans les bouleversements politiques et la confusion de tous les rapports sociaux. » Elle avait de bonne heure trop réfléchi à l’amour pour le ressentir dans toute sa naïveté.

722. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre II. Les privilèges. »

Après huit cents ans, malgré tant de coups de la hache royale et l’immense changement de la culture sociale, la vieille racine féodale dure et végète toujours. […] Reste l’assise primitive, la structure ancienne de la propriété, la terre enchaînée ou épuisée pour le maintien d’un moule social qui s’est dissous, bref un ordre de privilèges et de sujétions dont la cause et l’objet ont disparu46.

723. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Émile Zola, l’Œuvre. »

Il faut qu’il mène jusqu’au bout « l’histoire naturelle et sociale d’une famille sous le second empire ». […] Le rêve Ce que je vais vous raconter est tiré des Rougon-Macquart, histoire naturelle et sociale d’une famille sous le second empire.

724. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

C’est ainsi qu’il fut ramené aux croyances catholiques par ses croyances sociales, et que son esprit fit le premier pas. […] Mais, après l’invasion du 15 mai, il donna sa démission de représentant, comprenant sans doute que, sous le coup d’un tel attentat, on allait rentrer dans les voies de la politique ordinaire, de la défense sociale méthodique, et qu’il n’y avait plus jour à tenter d’aucun côté une infusion d’esprit nouveau.

725. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — I. » pp. 186-205

La critique littéraire, qui doit être heureuse et fière de s’élever toutes les fois qu’elle rencontre de grands sujets, se plaît pourtant, par sa nature, à ces sujets moyens qui ne sont point pour cela médiocres, et qui permettent à la morale sociale d’y pénétrer. […] Il était de ces âmes modérées et sensibles, qui, à travers des études lentes et patientes, et un goût d’enjouement social et de plaisanterie familière très prononcé, ont en elles une veine de tendresse, et qui, aux heures de rêverie, se nourrissent volontiers d’un passage d’Euripide, de Racine et de saint Augustin.

726. (1897) Préface sur le vers libre (Premiers poèmes) pp. 3-38

En ce temps de centralisation, quand les derniers rameaux de pouvoir féodal qui gênaient les belles allées du pouvoir royal furent ébranchés, en ce temps de Le Nôtre, il fallut, pour toutes choses, un jardinier aux plans rectilignes ; on ne s’occupa nullement, pour donner l’apparat et la noblesse au vers français (cette noblesse, chape de plomb, manteau lourd et sans forme aux épaules de la Muse) que la règle fût juste ; on la rechercha suffisante mais surtout uniforme et majestueuse ; il y eut une flexion sur un jarret pendant un pas majestueux : l’hémistiche ; et cette règle de Boileau est antipoétique, parce qu’elle ne naît pas des besoins du poème, qu’elle découle, fausse, d’une visée sociale. […] Parmi les éléments du vers libre, celui-ci existe, il en contient d’autres, et bien d’autres ambitions, car quel est le novateur qui, tout en sachant ses origines (sans cela il ne serait point conscient), ne rêve une totale reconstruction de tout, d’autant que tout critique sérieux se rend compte qu’en ébranlant un pan de la façade artistique on touche à toute la façade sociale ; c’est ce qui explique que, lorsque les revendications d’art se présentent, elles rencontrent d’aussi agressives résistances.

727. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

Pour ne parler que de la France, ces productions, généralement nobles et décentes sous Louis XIV, devinrent licencieuses et impies sous la Régence ; ensuite, sauf de glorieuses exceptions qui s’offrent à la pensée de tous, futiles et affectées pendant le long règne de Louis XV, elles semblèrent se régénérer, avec les mœurs publiques et privées, dans les années trop peu nombreuses du règne de son infortuné successeur ; et enfin, nous les avons vues, durant les jours de nos discordes civiles, partager la fortune diverse des partis, et suivre les phases variées du corps social, tantôt abjectes et furibondes, tantôt sublimes et dévouées, ici célébrant les épreuves de la vertu, et là consacrant les triomphes du crime. […] Un sujet de la Grèce antique, où l’homme de tous les lieux et de tous les siècles sera peint fidèlement, sous le costume rigoureusement observé de Mycènes, d’Argos ou de Sparte, réunira, pour des spectateurs modernes, les deux conditions qui constituent cette vérité : un sujet moderne pourra les enfreindre l’une ou l’autre, si les sentiments naturels sont faussement exprimés, ou les mœurs sociales inexactement rendues.

728. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « SUR ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 497-504

Les plus apparents à bon droit et les plus vénérés dans le groupe des poëtes ont rempli par leurs chants quelque fonction religieuse ou sociale ; ils ont été, ou la voix éloquente et palpitante du présent, ou l’écho lamentable d’un passé détruit, ou l’ardente trompette des espérances et des menaces de l’avenir.

729. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mort de sir Walter Scott »

En Allemagne, Goethe meurt le dernier de son siècle, après avoir vu passer presque tous les poètes nés avec lui ou de lui ; une ère différente, une ère de politique et de pratique sociale s’inaugure, et elle cherche encore ses hommes.

730. (1874) Premiers lundis. Tome II « H. de Balzac. Études de mœurs au xixe  siècle. — La Femme supérieure, La Maison Nucingen, La Torpille. »

Rousseau ne nous a-t-il pas avoué que le Contrat social était une pierre d’un grand monument auquel il avait été obligé de renoncer ?

731. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Le Comte Walewski. L’École du Monde »

De la dédicace et de la préface il résulte que l’auteur a reçu force compliments et cartes de visite pour sa pièce : avant la représentation, c’était le suffrage (je copie textuellement) des hommes les plus éminents dans le monde littéraire, dam le monde politique et dans le monde social ; depuis la représentation et pour contrecarrer les impertinences qu’en ont dites des critiques mal placés, « les juges réels de la pièce, ceux qui vivent parmi les choses et qui les voient, viennent tour à tour, auprès de l’auteur, s’inscrire en témoignage et lui apporter leur formelle adhésion. » Le moyen, maintenant, de refuser cette adhésion formelle et de prétendre à passer pour un juge !

732. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre V. Résumé. »

À leur tête, le roi, qui a fait la France en se dévouant à elle comme à sa chose propre, finit par user d’elle comme de sa chose propre ; l’argent public est son argent de poche, et des passions, des vanités, des faiblesses personnelles, des habitudes de luxe, des préoccupations de famille, des intrigues de maîtresse, des caprices d’épouse gouvernent un État de vingt-six millions d’hommes avec un arbitraire, une incurie, une prodigalité, une maladresse, un manque de suite qu’on excuserait à peine dans la conduite d’un domaine privé  Roi et privilégiés, ils n’excellent qu’en un point, le savoir-vivre, le bon goût, le bon ton, le talent de représenter et de recevoir, le don de causer avec grâce, finesse et gaieté, l’art de transformer la vie en une fête ingénieuse et brillante, comme si le monde était un salon d’oisifs délicats où il suffit d’être spirituel et aimable, tandis qu’il est un cirque où il faut être fort pour combattre, et un laboratoire où il faut travailler pour être utile  Par cette habitude, cette perfection et cet ascendant de la conversation polie, ils ont imprimé à l’esprit français la forme classique, qui, combinée avec le nouvel acquis scientifique, produit la philosophie du dix-huitième siècle, le discrédit de la tradition, la prétention de refondre toutes les institutions humaines d’après la raison seule, l’application des méthodes mathématiques à la politique et à la morale, le catéchisme des droits de l’homme, et tous les dogmes anarchiques et despotiques du Contrat social  Une fois que la chimère est née, ils la recueillent chez eux comme un passe-temps de salon ; ils jouent avec le monstre tout petit, encore innocent, enrubanné comme un mouton d’églogue ; ils n’imaginent pas qu’il puisse jamais devenir une bête enragée et formidable ; ils le nourrissent, ils le flattent, puis, de leur hôtel, ils le laissent descendre dans la rue  Là, chez une bourgeoisie que le gouvernement indispose en compromettant sa fortune, que les privilèges heurtent en comprimant ses ambitions, que l’inégalité blesse en froissant son amour-propre, la théorie révolutionnaire prend des accroissements rapides, une âpreté soudaine, et, au bout de quelques années, se trouve la maîtresse incontestée de l’opinion  À ce moment et sur son appel, surgit un autre colosse, un monstre aux millions de têtes, une brute effarouchée et aveugle, tout un peuple pressuré, exaspéré et subitement déchaîné contre le gouvernement dont les exactions le dépouillent, contre les privilégiés dont les droits l’affament, sans que, dans ces campagnes désertées par leurs patrons naturels, il se rencontre une autorité survivante, sans que, dans ces provinces pliées à la centralisation mécanique, il reste un groupe indépendant, sans que, dans cette société désagrégée par le despotisme, il puisse se former des centres d’initiative et de résistance, sans que, dans cette haute classe désarmée par son humanité même, il se trouve un politique exempt d’illusion et capable d’action, sans que tant de bonnes volontés et de belles intelligences puissent se défendre contre les deux ennemis de toute liberté et de tout ordre, contre la contagion du rêve démocratique qui trouble les meilleures têtes et contre les irruptions de la brutalité populacière qui pervertit les meilleures lois.

733. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre XI. De l’ignorance de la langue. — Nécessité d’étendre le vocabulaire dont on dispose. — Constructions insolites et néologismes »

Je ne parle pas de ces néologismes nécessaires, qui manifestent la vie même de la langue et lui font suivre par son incessante transformation l’évolution de la pensée : si le progrès des sciences et de l’industrie, les révolutions politiques, sociales, religieuses, économiques, ont fait éclore des idées nouvelles dans le cerveau de l’homme, ont revêtu les idées anciennes d’une forme nouvelle, il est inévitable que bien des choses ne puissent être désignées par les mots anciens, et il serait absurde de s’opposer à l’admission dans le langage de ce qu’on admet dans la pensée.

734. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « André Theuriet »

André Theuriet est assurément le meilleur peintre, le plus exact et le plus cordial à la fois, de la petite bourgeoisie française, mi-citadine et mi-paysanne ; et, comme cette classe sociale est la force même de la nation, comme elle lui est une réserve immense et silencieuse d’énergie et de vertu, les romans si simples de l’auteur des Deux Barbeaux deviennent par là très intéressants ; ils prennent un sens et une portée ; peu s’en faut qu’ils ne me soient vénérables.

735. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les snobs » pp. 95-102

Ils ont donc, à l’occurrence, leur utilité sociale.

736. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Pour encourager les riches. » pp. 168-175

Et, soit dit en passant, il est remarquable que de telles révélations, et sur des choses d’un ordre si privé, puissent être faites par les journaux, et que celle-là en particulier, si propre à étonner les pauvres et à les induire en de mauvais sentiments, nous ait été apportée par une gazette dont l’emploi ordinaire est de défendre ce qui nous reste du vieil ordre social et, spécialement, l’aristocratie du nom et celle de l’argent et leurs conjonctions si intéressantes… Une fortune de cent quatre-vingts millions, si elle n’a pas été mal acquise, n’a pu être acquise pourtant que par la spéculation, qui est une forme du jeu et qui, étant la recherche du gain sans travail, est, aux yeux d’un chrétien, sur la limite extrême des choses permises.

737. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Merrill, Stuart (1863-1915) »

La nécessité de s’exprimer noblement ne tend-elle point d’ailleurs à la réalisation d’un grand rêve social, puisqu’elle impose la plus grande part de perfection humaine.

738. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sully Prudhomme (1839-1907) »

Sully Prudhomme, avec ses poèmes, la Justice, le Bonheur, a voulu, et cet effort mérite tous les éloges, faire entrer dans les solides cadres de ses dogmes moraux et de ses conceptions sociales, la matière frémissante d’une riche sensibilité que tout ébranle, que tout froisse et meurtrit.

739. (1887) Discours et conférences « Discours à l’Association des étudiants »

Les questions sociales sont-elles des impasses comme les essais manqués du XIVe et du XVe siècle, ou bien trouveront-elles des solutions applicables ?

740. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre V. La Henriade »

Il est très décidé en faveur de l’ordre social, sans s’apercevoir qu’il le sape par les fondements, en attaquant l’ordre religieux.

741. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « ??? » pp. 175-182

L’idée du Blessé est l’étude plus ou moins dramatique de cette maladie sociale que Chateaubriand a peinte dans René, avec une largeur de touche et une idéalité d’expression qui font des quelques pages de ce petit livre un chef-d’œuvre qu’on lira toujours.

742. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Tout mal social vient d’une de ces deux causes, ignorance et isolement. […] Ce que l’artillerie a fait pour la valeur militaire, l’administration moderne va le faire pour l’indépendance sociale des puissants. […] Dans Byron éclate en paroles enflammées le mépris des vices mesquins et de la vulgaire corruption sociale. […] Quant à Werther, nous l’avons connu, celui-là ; il est du même sang que nous, il appartient à la même classe sociale. […] Maintenant il va par l’action ajouter quelque chose à ce fonds social et rendre tout ce qu’il en a reçu.

743. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Et par milieu, il n’entend pas seulement le milieu physique, mais aussi le milieu intellectuel et social. […] Qui voudrait immoler au Moloch moral imaginé par Rousseau toute vie sociale, esthétique et intellectuelle ? […] Faguet voit dans le Contrat social une contradiction avec les autres œuvres de Jean-Jacques, notamment avec les deux Discours, parce qu’il aurait été individualiste partout ailleurs et n’aurait institué que dans le Contrat social le despotisme étatiste et démocratique. […] Le Contrat social n’est pas isolé dans son œuvre et fait corps avec tout ce qui n’y est pas purement romanesque ou poétique. […] Il n’a point de doctrine philosophique, politique, sociale, ni même littéraire : il cherche, se réserve et travaille (ou s’amuse) de son mieux.

744. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

» Certes la conviction, le sentiment profond de ce que j’appellerai la vérité sociale, éclate dans ces pages où le jeune écrivain, si prononcé pour les choses, ne se montre guère disposé à de grandes illusions sur les hommes. […] Il y avait alors des partis en ligne, de grandes opinions rangées en présence ; il y avait des positions régulières à emporter, des principes légitimes à faire prévaloir, une vérité sociale en un mot, et c’est la conscience de cette vérité qui développait et doublait les jeunes talents, occupait les jeunes passions, et leur donnait tout leur emploi dans une direction à la fois utile et généreuse. […] Il croit volontiers qu’en histoire les modernes ne doivent viser qu’au fait même, à l’expression simple de leur idée : moindres que les anciens à tant d’égards, ils sont plus savants, plus avancés dans les diverses branches sociales, obligés dès lors de satisfaire à des conditions plus compliquées, et leur principal besoin, en s’exprimant, est d’autant plus d’être clair, net, et de tout faire comprendre. […] Dans ce qu’il nous a été donné de lire, il n’est pas un point qui ne porte sur un fait, sur une notion précise ; quelques réflexions sobres, quelques maximes d’expérience et de morale sociale, jetées à propos, ne font que donner jour aux idées qui naissent en foule dans l’âme du lecteur.

745. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

Erreur caduque, et pourtant très moderne : je ne crois pas que jamais, au temps où florissait la poésie grecque, on ait demandé à Théocrite ce qu’il voulait prouver avec ses Idylles, ni à Bion quel est le sens social et moralisateur du Tombeau d’Adonis. […] Le principe social de la Beauté Mesdames, Messieurs. […] Les sens ne répondent pas, la foi ne répond pas ; nous savons seulement que c’est d’un mystère à un autre mystère et de Dieu à Dieu. » Cette mission de chaque société dans la vie universelle, et de chaque homme dans la vie sociale, c’est l’âme même du progrès, c’est le procédé, c’est la suite du développement humain. […] Alors se confirmera dans toutes les consciences le sens définitif de notre dignité, et l’homme trouvera dans l’accomplissement de sa nature, dans la perfection de ses facultés individuelles et sociales, la joie religieuse dont les cultes anciens n’offraient que des figures.

746. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VII : Instinct »

De telles espèces auraient vécu à l’état social, et il eût été avantageux à la communauté qu’un certain nombre d’individus naquissent capables de travailler, mais incapables de se reproduire, je ne vois aucune impossibilité à ce que la sélection naturelle fût parvenue à établir un tel état de choses. […] Ce procédé peut s’être continué jusqu’à ce qu’il se soit produit entre les femelles fécondes et les ouvrières stériles de la même espèce la prodigieuse différence que nous observons aujourd’hui chez beaucoup d’espèces sociales. […] L’utilité de leur présence dans une société d’insectes ressort de ce même principe de division du travail social dont l’homme civilisé a reconnu les immenses avantages. […] Cette supposition est d’autant plus probable, que les Fourmis existaient déjà à l’état social et en grand nombre pendant la période géologique qui a précédé celle-ci.

747. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Cette ancienne amie lui avait tout pardonné, et Gibbon, qui ne se trouvait pas tant de torts, jouissait de cette intimité sociale avec une gratitude paisible, sans remords et sans étonnement. […] adieu. » Le caractère social et même moral de l’homme gagne donc à être vu dans cet ensemble de relations, et se présente sous un jour nouveau.

748. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

S’il fallait définir l’académicien modèle dans le meilleur sens du mot, l’homme qui aime à cultiver les lettres en commun, avec une émulation profitable, avec conseil et critique mutuelle, sans susceptibilité, sans envie, dans un sens d’ornement et de perfectionnement social, il suffirait de nommer M.  […] À ces conseils littéraires il en joignait un supérieur, et qui est de morale sociale : « Vous êtes heureux d’avoir embrassé un état qui vous donne du loisir.

749. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Le président Hénault. Ses Mémoires écrits par lui-même, recueillis et mis en ordre par son arrière-neveu M. le baron de Vigan. » pp. 215-235

Son Nouvel Abrégé chronologique de l’histoire de France parut pour la première fois en 1744, et, grâce à la position sociale de l’auteur, obtint à l’instant beaucoup de succès et un succès mérité : Hénault, fameux par vos soupés Et par votre chronologie, etc. […] Les Mémoires du président nous le présentent sous un jour favorable avec ses meilleures qualités sociales, et quoiqu’ils n’aient pas tout l’intérêt qu’on en aurait pu attendre, ils serviraient aujourd’hui sa réputation, ils la rajeuniraient aux yeux de tous, s’ils avaient été publiés comme ils auraient pu l’être.

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